Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir rappelé les conditions et les circonstances dans lesquelles cet amendement du Gouvernement est arrivé en discussion devant la commission spéciale.
Le calendrier nous semblait pour le moins précipité et les éléments d’information insuffisants. Nous avons donc posé des questions auxquelles vous avez bien voulu répondre par écrit et, à l’instant même, oralement, lors de la présentation de cet amendement.
Pour autant, je regrette l’absence d’étude d’impact sur une disposition aussi importante que la création de cette société foncière solidaire.
J’ai toutefois émis, en commission spéciale, un avis favorable sur cet amendement, avis sur lequel je ne reviendrai pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. C’est au détour d’un amendement déposé par le Gouvernement en fin de première lecture que nous en venons à discuter aujourd’hui de l’opportunité de créer une société foncière solidaire.
En substance, l’exposé des motifs qui accompagne cet amendement nous indique que cette société aura vocation à alléger le coût du foncier pour accélérer la construction de logements, dont une majorité de logements sociaux, sur l’ensemble du territoire.
À bien des égards, un légitime débat peut être ouvert sur le principe même de cette société foncière, dotée d’une vision nationale, et qui pourra se positionner sur des portages de long terme, voire de très long terme.
Malheureusement, et malgré les éléments complémentaires d’information que le Gouvernement a bien voulu nous transmettre, par écrit et oralement, le groupe Les Républicains reste très réservé.
D’abord, cette société foncière serait un instrument puissant sur le marché, mais nous sommes en droit de nous interroger sur son impact réel, entre son droit de préemption sur le foncier privé et sa vocation à acquérir du foncier public.
Ensuite, s’agissant de son articulation avec les établissements publics fonciers locaux, les éléments qui nous ont été transmis sont encore trop imprécis. On nous informe d’abord que cette société foncière « s’appuiera sur des acteurs locaux, notamment les EPF lorsqu’ils sont présents, pour mettre en œuvre son action », et que « la création de partenariats, voire de filiales, peut également être envisagée ». Pourtant, les éléments dont nous disposons insistent sur le fait que cette société ne se substituera pas aux EPF, car « ses missions et modalités d’intervention sont différentes ».
Enfin, le volet financier est embryonnaire. Nous savons seulement que cette société foncière sera dotée du capital de la SOVAFIM, puis, « à terme », d’un capital de 750 millions d’euros lui permettant de disposer, par la voie de l’emprunt, d’une capacité d’investissement de 2 milliards d’euros. Pour mémoire, le rapport de la Cour des comptes de 2014 rappelait que, à la fin de l’exercice 2012, les fonds propres de la SOVAFIM atteignaient 164,5 millions d’euros. Par ailleurs, nous attendons de savoir quel traitement fiscal lui sera réservé.
Pour ces raisons, mais aussi parce que cette création n’a pas été analysée à l’occasion de l’étude d’impact, comme l’a souligné Mme la rapporteur, le groupe Les Républicains votera contre l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Je suivrai l’avis de mon groupe, regrettant la précipitation avec laquelle cet amendement nous a été présenté.
Si ce projet de création d’une société foncière solidaire et son objectif de construction de 50 000 logements en cinq ans sont louables, et s’il satisfait à la fois les offices publics de l’habitat, la Fédération française du bâtiment et les promoteurs de l’immobilier, vous n’avez pas, madame la ministre, répondu à toutes nos interrogations, notamment sur le manque à gagner pour l’État au regard de la surface foncière dont il est propriétaire et qui pourrait être cédée à la société foncière solidaire avec une décote, rappelons-le, de 60 %.
Comment garantir que cette foncière solidaire ne sera pas un acteur spéculatif, puisqu’elle pourra surenchérir face aux professionnels de l’immobilier ?
Elle bénéficiera en outre d’avantages fiscaux qui ne s’appliquent pas aux établissements publics fonciers d’État ou locaux. Pas de droits de mutation, pas de taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties : à croire que l’État est riche, mais surtout pervers, en privant au passage les départements de recettes fiscales !
Enfin, nous avons le sentiment que ce dispositif crée une importante inégalité de traitement entre, d’un côté, une société foncière solidaire financée par l’État et la Caisse des dépôts et consignations et, de l’autre, des EPF d’État et locaux financés en grande partie par le contribuable.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Le groupe UDI-UC se pose les trois mêmes questions. Pourquoi une telle précipitation ? Comment régler la confusion que provoque la création de cette société ? Pourquoi cet outil opérationnel est-il créé au niveau national ?
Première question, la précipitation. Mes collègues ont déjà évoqué ce point, mais je souhaite y revenir. Sur ce sujet très important, notre ancien collègue Thierry Repentin nous a donné des informations en commission spéciale, sans que nous ayons connaissance de l’amendement lui-même. Celui-ci est enfin arrivé, mais je suis désolé de vous dire, madame la ministre, que le débat a été extrêmement limité.
Notre groupe pense qu’un tel sujet mérite, du fait même des objectifs que le Gouvernement entend assigner à cette structure, une étude d’impact sérieuse.
Deuxième question, la confusion. Contrairement à ce que certains disent, le périmètre de la société reste flou. Alors que le projet de loi engage un mouvement d’extension et de regroupement pour les établissements publics fonciers locaux et de l’État, l’articulation avec la nouvelle société pose un certain nombre de questions.
Ainsi, comment articuler les missions de cette structure avec celles des établissements publics fonciers existants et des professionnels de l’aménagement ? Quelles seront les conditions de mobilisation du foncier et d’acquisition de terrains ? Par exemple, selon quelles modalités cette société pourra-t-elle acquérir des terrains de gré à gré ? Au-delà de la capitalisation apportée par l’État et la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 750 millions d’euros, quel sera son modèle économique ? Qu’en sera-t-il de la durée de portage et de rétrocession par bail aux opérateurs, du retour sur investissement ou encore de la rentabilité à moyen et long terme ?
Finalement, quelle sera la véritable valeur ajoutée de cette société sur les territoires où existent déjà des établissements publics fonciers de l’État ou locaux, qui sont des outils territorialisés rattachés à des périmètres d’intervention ?
Troisième question, le caractère national de cet outil. Il semble que cette société sera à même d’intervenir partout, en particulier pour la construction de logements là où il en manque, c’est-à-dire dans les zones tendues.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Daniel Dubois. Madame la ministre, je vous pose tout simplement la question : quel sera, demain, le pouvoir des maires ?
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. Je suis pour le moins étonné du changement de pied de la commission spéciale sur ce sujet de la société foncière solidaire…
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission spéciale n’a pas changé son avis, qui est favorable !
M. Yves Rome. Certes ! Et, si mes souvenirs sont exacts, la commission spéciale a émis cet avis – favorable – à la quasi-unanimité, puisqu’une seule voix n’allait pas dans ce sens. C’est pourquoi je m’étonne que certains groupes politiques, qui participaient pourtant aux travaux de la commission, aient aujourd’hui changé d’avis… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle que le président de la commission spéciale, Jean-Claude Lenoir, avait pris toutes dispositions – et je l’en remercie – pour que Thierry Repentin puisse venir devant la commission répondre aux différentes questions qui se posaient. Cela avait même bouleversé quelque peu nos travaux. À la suite de ces échanges, le vote a été celui que je viens de rappeler !
Mme la ministre est également venue devant la commission pour répondre, elle aussi, aux diverses interrogations, en particulier celles posées par M. Dubois.
Je m’étonne donc de ce brutal changement d’attitude. Je croyais qu’il pouvait exister des divergences quant à l’approche concernant la production de logement social, mais pas, en tout cas, sur la nécessité de mobiliser plus rapidement le foncier détenu par l’État.
Tel est pourtant l’objectif majeur de cette société foncière solidaire : mettre à disposition des collectivités locales, qui souhaitent produire du logement social sur leur territoire, du foncier disponible détenu par l’État de manière plus rapide qu’aujourd’hui et à des conditions particulières de valorisation.
Je ne comprends donc pas les faux arguments qui sont désormais avancés ! Thierry Repentin a amplement mis en avant le souhait d’une articulation avec les établissements publics fonciers locaux et d’État.
J’ai moi-même créé un établissement public foncier local, que j’ai longtemps présidé. Quand on exerce ce type de responsabilité, on ressent combien il est nécessaire de mobiliser le foncier disponible détenu par l’État qui reste, aujourd’hui, improductif en matière de logements.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Yves Rome. Accordons-nous, au moins, sur la création d’un outil, qui est essentiel pour produire davantage de logements sociaux sur notre territoire ! Et permettez-moi de regretter les changements de pied auxquels nous assistons !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Je souhaite rappeler les conditions dans lesquelles nous avons examiné cet amendement, qui a certes été déposé tardivement, mais dont nous avons débattu bien en amont.
Dès le mois de juillet, nous avons entendu le délégué interministériel à la mixité sociale dans l’habitat, Thierry Repentin, qui, comme d’autres, nous a exposé son point de vue sur le projet de loi en cours d’examen. À cette occasion, il a abondamment évoqué le sujet dont nous débattons maintenant.
Il a ensuite pris contact avec moi, il y a environ trois semaines, pour m’indiquer que la réflexion se poursuivait et qu’il n’était pas en mesure, à ce moment précis, de nous présenter une rédaction. Je lui ai tout de même proposé de venir devant la commission spéciale pour exposer l’économie générale de l’amendement, qui a finalement été déposé, certes tardivement comme je le disais à l’instant. Cela s’est donc déroulé bien en amont de notre discussion d’aujourd’hui.
La commission a finalement entendu, à nouveau, Thierry Repentin ; l’amendement a été déposé par la suite, mais nous en connaissions l’essentiel.
Je ne souhaite pas que l’on puisse penser que cet amendement est venu au dernier moment, dans la précipitation. Le délégué interministériel et moi-même, en tant que président de la commission spéciale, avons pris les dispositions pour que nous puissions débattre.
La commission a, alors, adopté un avis, qui n’est que le sien. Il ne faut pas confondre la position prise par une commission et celle des groupes politiques.
M. Yves Rome. Mais il faut de la cohérence !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Je tenais à mettre les choses au point pour dire que nous avons travaillé en toute connaissance de cause. Nous avons été tenus informés sur ce sujet depuis juillet et nous connaissons, depuis trois semaines, les raisons qui ont amené le Gouvernement à proposer un tel amendement, qui a été lui-même déposé il y a maintenant quinze jours.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.
M. Yannick Vaugrenard. Je tiens à remercier Jean-Claude Lenoir d’avoir rappelé, en toute honnêteté, la réalité des faits.
Certes, la commission spéciale n’a pas modifié son avis, ce qui est heureux, mais je suis tout de même étonné que certains de ses membres changent ainsi de pied… Ils ont pourtant participé aux travaux de la commission, étaient présents lors de l’audition de M. Repentin, ont posé toutes les questions qu’ils souhaitaient et ont reçu les réponses attendues.
Pourquoi ce changement de position ? C’est incompréhensible ! Je tente de voir quelle pourrait être l’éventuelle arrière-pensée politique ou politicienne qui l’inspire, mais finalement, je ne comprends toujours pas.
Chacun reconnaît qu’il est manifestement urgent d’intervenir sur la question du foncier pour aider les collectivités territoriales à mieux le maîtriser. C’est pourquoi je ne comprends pas du tout le changement de pied, non pas de la commission elle-même, dont je tiens à remercier le président et la rapporteur, mais de certains de ses membres. Je rappelle en effet que la commission a adopté, à l’unanimité moins une voix et en toute connaissance de cause, un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Je voudrais essayer de répondre à plusieurs des interrogations qui ont été soulevées. Cet amendement n’a en effet été déposé que le 3 octobre. Lorsque Thierry Repentin est venu exposer le projet devant la commission spéciale, il venait de rendre son rapport et ne pouvait donc pas vous présenter une rédaction précise, qui demandait, vous le comprendrez aisément, un peu de temps. Nous devions aussi nous assurer de la fiabilité juridique du dispositif.
La question de la création d’une société foncière solidaire n’est pas nouvelle : on en parle depuis plus de quinze ans ! Certains d’entre vous ont évoqué une certaine précipitation. Ce n’est pas le cas. Nous sommes simplement dans l’action ! Je connais bien ce sujet et je crois absolument nécessaire, d’une part, de consolider les établissements publics fonciers, qu’ils soient d’État ou locaux, d’autre part, de disposer d’un outil national pour la production de logements dans certaines situations.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre, un établissement public foncier, quand il existe, ne peut pas, malheureusement, s’occuper de tous les terrains : certains sont par exemple trop pollués, donc trop chers, si bien que les opérations sont trop complexes.
Aujourd’hui, certains établissements publics fonciers locaux sont obligés, au bout de cinq ans, de revendre des terrains ou de les faire reprendre par les communes, parce que le portage n’a pas pu aller à son terme. Et, parfois, certains terrains ne trouvent pas d’acquéreur.
La société foncière que nous proposons ne sera pas le bras armé de l’État ; elle vise à aider les territoires à monter des projets sur les terrains publics qui sont cédés dans le cadre de la loi de 2013.
À titre d’exemple, nous avons fixé un objectif de cent cessions pour l’année – nous en sommes à plus de soixante aujourd’hui –, mais il arrive que, même pour les terrains que l’État est prêt à céder au prix le plus bas et même lorsqu’il y a des besoins, les collectivités n’aient pas de projet ou ne disposent pas des moyens suffisants pour en réaliser un à elles seules.
C’est pourquoi nous voulons ajouter un outil supplémentaire. Nous ne souhaitons, en aucun cas, mettre en cause l’action actuelle des établissements publics fonciers. D’ailleurs, les chiffres sont très éloignés : les établissements publics fonciers de l’État mobilisent 500 millions d’euros de recettes par an, tandis que la société foncière solidaire disposera d’un capital de 750 millions d’euros, sans possibilité de l’augmenter par la suite.
Le sénateur Dubois a posé la question de la valeur ajoutée de cette société. Il s’agit de construire, dans les plus brefs délais, sur du foncier public. Cela constituera le seul objectif de la société, qui pourra, pour cela, lever rapidement les emprunts nécessaires.
Comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, cette proposition est soutenue par de nombreux acteurs du logement, qu’ils appartiennent à la sphère sociale ou à celle de la promotion immobilière, comme la Fédération française du bâtiment ou la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB.
C’est pour donner de nouveaux moyens aux territoires que j’ai souhaité aller vite et en débattre devant vous à l’occasion de l’examen de ce projet de loi.
Je comprends que certaines questions peuvent se poser, par exemple sur le statut fiscal ou les outils mis à la disposition de la société foncière. Certaines réponses seront d’ailleurs apportées, de manière plus appropriée, dans le cadre du projet de loi de finances, mais je peux vous dire dès aujourd’hui que certaines prérogatives exorbitantes du droit commun sont déjà à la disposition de la SOVAFIM.
Je rappelle que cette société, créée pour s’occuper de la cession et de l’utilisation de certains terrains, comme ceux de Réseau ferré de France, a été dotée d’un régime exorbitant du droit commun, par exemple en matière de droit de préemption ou d’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties.
La Cour des comptes a montré que la SOVAFIM, qui n’a pas été en mesure de faire le travail qui était attendu d’elle, ne répond plus, aujourd’hui, aux objectifs qui lui ont été fixés.
Lors de la célébration du bicentenaire de la Caisse des dépôts et consignations, le Président de la République a pris l’engagement de créer une société foncière solidaire. C’est un projet qui est fortement soutenu par de nombreux acteurs, comme par les partis politiques de notre pays, mais il est d’abord attendu par les territoires, qui ont besoin de cet outil supplémentaire.
Je peux comprendre que vous soyez froissés par un sentiment de précipitation, mais nous sommes en train d’examiner un projet de loi qui traite justement de la question du logement et il me semble important de présenter maintenant cette proposition.
Je souhaite d’ailleurs remercier la commission spéciale, qui nous a soutenus en émettant un avis favorable sur cet amendement. Donnez-nous simplement la chance de créer cet outil !
Je rappelle qu’aujourd’hui, l’État cède d’ores et déjà des terrains, non pas dans un objectif de rendement financier, mais pour accélérer la construction de logements. La création de la société foncière solidaire ne constitue donc pas un manque à gagner pour lui. D’ailleurs, on estime même généralement que l’insuffisance de logements coûte en fait beaucoup à l’État.
Notre objectif est de disposer d’un outil opérationnel au service des territoires, afin d’agir vite et de produire, en cinq ans, plusieurs milliers de logements, en plus de ce qui est réalisé par les établissements publics fonciers.
Il faut savoir qu’un certain nombre de ces établissements publics fonciers ne s’occupent finalement pas de logement, car ils n’ont pas été créés pour cela. Ainsi, ils sont parfois mobilisés pour la dépollution de grandes friches industrielles ou pour la reprise d’activités économiques. Chaque établissement a ses propres programmations pluriannuelles.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que je souhaite défendre jusqu’au bout cet amendement, qui est utile pour les territoires, la politique du logement et celle de l’aménagement foncier. J’espère que vous en serez convaincus ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. Mme Aline Archimbaud applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Carle. Comme je l’ai dit en commission, l’idée à l’origine de cet amendement est louable et va dans le bon sens, si l’on souhaite activer la production de logements.
Nous n’avons toutefois eu que peu de temps et de recul pour analyser cette proposition et je crains que, comme toujours pour ce type de mesure, elle n’induise quelques effets pervers. Je pense notamment à l’articulation avec les établissements publics fonciers locaux et les autres acteurs de terrain.
C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Le groupe du RDSE, qui est divers, est plutôt en accord avec cette proposition, mais je souhaite interroger la ministre sur un point particulier. Le rapport de la commission spéciale indique que cet outil sera utilisé dans les zones dites tendues en termes de logement. Je ne retrouve pas cette précision dans la rédaction de l’amendement. Qu’en est-il exactement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Le groupe CRC votera cet amendement. En effet, nous avons besoin, aujourd’hui, d’accélérer la construction de logements et de rattraper notre retard, notamment dans les zones tendues.
Pour autant, nous serons très vigilants, car l’État dispose déjà, dans certaines situations, de moyens très importants pour imposer la construction de logements, par exemple dans les opérations d’intérêt national, les OIN.
Si demain, l’État conjugue les droits dont il peut déjà faire usage à la place des communes, en matière d’urbanisme, avec un nouvel outil foncier que Mme la ministre annonce comme puissant, certains territoires peuvent courir le risque – peut-être pas avec le gouvernement actuel, mais on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve… – de se voir imposer la construction massive de logements. On a connu ce type de processus, à certaines époques, avec l’édification des grands ensembles et cela a pu parfois être décidé contre l’avis des populations locales et des maires.
L’État pourrait, demain, imposer ses projets et les communes se trouver démunies. Nous sommes donc favorables à la mise en place de cet outil, mais nous serons vigilants quant à sa mise en œuvre.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Nous le serons aussi !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Cet amendement va dans le bon sens, mais il est regrettable qu’il arrive devant nous de cette manière-là et que ce projet de loi soit systématiquement utilisé comme un véhicule de tout et de n’importe quoi…
M. Jean-Claude Carle. Exactement !
M. Jacques Mézard. Au-delà de ces considérations, l’objet de l’amendement précise que « l’État et la Caisse des dépôts et consignations seront les deux actionnaires majoritaires » de cette société. Cela veut donc dire qu’il y en aura d’autres. De quel type d’actionnaires s’agira-t-il, madame la ministre ?
Il est en outre indiqué que la constitution de la nouvelle société s’opérera « par transformation du groupe SOVAFIM, société jusqu’ici dédiée à la valorisation du patrimoine de l’État. »
Tout le monde ne le sait peut-être pas, je vais donc vous rappeler ce que signifie le mot « valorisation » quand on parle de la SOVAFIM. Cette société de droit privé dépendant entièrement de l’État est chargée de liquider les actifs des haras nationaux… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Comme valorisation, on fait mieux !
S’il s’agit de faire le même travail, c’est inquiétant. Si c’est pour faciliter la construction de logements dans notre pays, cela va dans le bon sens.
Vous savez qu’il peut m’arriver de faire confiance au Gouvernement… (Sourires.)
M. André Reichardt. Rarement !
M. Jacques Mézard. Mes chers collègues, sachez que, vu les expériences de ces dix dernières années, cela risque de continuer ainsi, y compris en cas d’alternance…
Madame la ministre, nous allons vous faire confiance. J’espère que, cette fois-ci, nous ne le regretterons pas !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je ne comprends pas pourquoi il est nécessaire de créer une structure supplémentaire, alors qu’il en existe déjà tant dans les territoires, que ce soient des établissements publics fonciers ou des organismes dédiés au logement locatif public. Cette création n’apportera aucune réponse pertinente aux besoins locaux. Je crois, au contraire, qu’il faut simplifier les choses. Qui plus est, l’amendement nous est présenté au dernier moment, ce qui rend le dispositif incompréhensible. Je ne vois donc pas de raison de le voter…
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Pour répondre à la question posée par Mme Laborde, le dispositif concerne effectivement les zones tendues. La société foncière solidaire aura aussi la possibilité d’agir pour accélérer des projets qui rencontrent des difficultés de montage, mais l’objectif est très clairement l’intervention dans les zones tendues.
M. Favier a soulevé l’importante question des OIN. Comme vous le savez, nous avons signé, en Île-de-France, des contrats d’intérêt majeur, au lieu de recourir à des OIN. En effet, si l’État entend bien apporter une aide financière importante, ce n’est plus lui qui délivre les permis de construire à la place des communes, comme c’est le cas dans les OIN.
D’ailleurs, dans le cadre des articles du projet de loi – que le Sénat examinera prochainement – relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, qui concernent la nouvelle gouvernance de l’établissement public Grand Paris aménagement, nous avons souhaité conserver un certain nombre d’outils qui fonctionnent très bien.
Je pense en particulier à l’établissement public d’aménagement Orly Rungis-Seine Amont, que M. Favier connaît très bien, puisqu’il préside son conseil d’administration : c’est un exemple de partenariat très important entre l’État et les collectivités sur un territoire très particulier exposé à de fortes contraintes, et c’est exactement sur ce type de foncier que nous ne réussirons pas à construire et à développer des activités économiques si nous ne disposons pas des outils adaptés.
La société foncière solidaire sera là pour construire des logements sur des terrains cédés par l’État. Ce n’est pas autre chose et elle ne pourra pas s’imposer.
Certains ont avancé l’argument selon lequel il existe déjà nombre d’organismes compétents, mais sachez que beaucoup de territoires ne disposent pas, aujourd’hui, d’établissement public foncier.
Mme Evelyne Yonnet. Exactement !
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. L’État a proposé aux territoires concernés de s’en doter. La création d’un établissement public foncier de l’État entraîne l’instauration obligatoire d’une taxe spéciale d’équipement ; celle d’un établissement public foncier local permet aux collectivités d’opter, ou non, pour une telle taxe.
Nombre de ces territoires ne veulent pas instaurer un nouvel opérateur et nous ne pouvons pas, aujourd’hui, leur en proposer un. Seuls deux tiers du territoire national sont couverts par un établissement public foncier et certains ne sont compétents que pour une partie de l’action foncière : ils ne s’occupent alors que de logement ou d’activité économique, pas des deux.
Je participais à une réunion des établissements publics fonciers locaux à la mi-septembre et certains nous ont demandé de leur trouver des relais, en particulier pour travailler sur des fonciers très particuliers. Les choses dépendent finalement des stratégies et volontés locales, qui peuvent être très différentes, que ce soit en termes d’ancienneté du dispositif – il a quarante ans à Clermont-Ferrand – ou de périmètre. Certains de ces établissements couvrent même des territoires qui ne sont pas d’un seul tenant, ce qui pose des difficultés particulières.
Nous souhaitons donc mettre en place un outil supplémentaire pour la construction de logements sur du foncier public d’État. Pas autre chose !
Pour répondre à M. Mézard, il n’y aura pas d’autre actionnaire. La capitalisation se fera à parité entre la Caisse des dépôts et consignations et l’État.