Mme Laurence Cohen. Il est nécessaire de lever une situation de discrimination pesant sur les femmes étrangères en leur permettant de disposer de leur autonomie de vie, ce conformément à la proposition de loi pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères, de notre collègue Marie-George Buffet, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale.
Avec cet amendement, visant à reprendre l’article 1er du texte précité, nous proposons que la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » soit délivrée pour une durée de quatre ans. Cette évolution est destinée à permettre aux femmes étrangères titulaires de la carte temporaire de séjour « vie privée et familiale » d’engager une véritable démarche d’intégration au sein de la société française, sans pour autant être menacées de perdre leur droit de séjour à brève échéance en cas de mésentente avec leur conjoint.
On sait combien sont vulnérables les épouses et les fiancées récemment arrivées dans notre pays face à la volonté d’un homme qui peut user, voire abuser, de l’argument selon lequel leur maintien sur le territoire n’est assuré que par une soumission contraire à nos valeurs.
Cet amendement répond ainsi à une préconisation du Défenseur des droits qui estime dans son document sur les droits fondamentaux des étrangers publiés le 9 mai dernier que rien ne justifie que ces catégories de personnes – celles qui sont admises au séjour en raison de leurs attaches familiales – constituent des exceptions et se voient privées de l’opportunité de bénéficier des titres pluriannuels de quatre ans, remplacés pour elles par des titres de deux ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je rappelle, une fois encore, les règles que nous avons définies pour l’examen de ce texte. L’un des six critères retenus est la cohérence avec les dispositions votées par le Sénat : il faut éviter de revenir sur des lois très récentes.
L’amendement n° 336 vise à permettre la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans aux victimes de traite des êtres humains, mais également aux touristes, aux stagiaires et aux titulaires d’un CDD.
Il revient donc frontalement – je vous le dis respectueusement, ma chère collègue – sur la loi relative au droit des étrangers en France que nous avons adoptée voilà un peu plus de six mois.
En cohérence avec le vote du Sénat, l’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Cette proposition, qui a été rejetée par la commission spéciale et par l’Assemblée nationale, est contraire à la logique du parcours d’intégration de l’étranger tel qu’il a été imaginé dans la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
Ce parcours prévoit que la durée du premier titre délivré est en principe d’un an, à l’issue duquel une carte de séjour pluriannuelle peut être délivrée.
S’agissant de la situation spécifique des victimes de la traite des êtres humains, celles-ci n’ont pas vocation à se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle puisqu’elles devraient avoir une carte de plein droit de résident dès lors que la personne mise en cause aura été définitivement condamnée. Ce système est plus favorable, vous le reconnaîtrez, que la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle dont la durée est moindre.
De plus, la sécurisation de leur parcours d’intégration est assurée dans la mesure où la première délivrance et le renouvellement de la carte de séjour temporaire se font de plein droit durant toute la procédure pénale, de sorte que ces personnes bénéficient d’un droit de séjour pérenne pendant cette procédure.
Pour ce qui concerne les autres publics visés par l’amendement qui n’ont pas accès aujourd’hui à la carte de séjour pluriannuelle – je pense, notamment, aux stagiaires et aux travailleurs temporaires –, il s’agit de personnes dont le séjour sur le territoire est par nature temporaire, de par leurs fonctions et leur statut.
Quant à la carte de visiteur, qui est délivrée sous réserve d’un montant de ressources suffisant et n’autorise pas son titulaire à exercer une activité professionnelle, il est nécessaire d’en limiter la durée à un an, afin de s’assurer que la personne continue à remplir les conditions de sa délivrance.
Au regard de ces explications d’ordre juridique, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous visons, au travers de cet amendement, des femmes victimes de violences, notamment conjugales. Il ne s’agit pas exclusivement des cas de traite, que vous mettez en avant, monsieur le ministre.
Nous concentrons notre proposition sur la situation de femmes victimes, j’y insiste, d’un mari, d’un compagnon ou d’un fiancé violent pouvant exercer une pression et des actes de violence. Il ne s’agit donc pas tout à fait des cas que vous venez d’évoquer.
Nous maintenons par conséquent notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 337, présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 316-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-276 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, après le mot : « bénéficie », sont insérés les mots : « ou a bénéficié ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à répondre à un avis du Défenseur des droits, auquel il est largement fait référence, portant sur la proposition de loi pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères discutée et votée à l’Assemblée nationale au mois de mai dernier.
Le Défenseur des droits indique ainsi que « les personnes qui bénéficient d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 316-3 du CESEDA peuvent se retrouver dans des situations administratives extrêmement précaires après l’expiration de l’ordonnance de protection », ce que confirment de nombreuses associations.
C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à ce que le titre de séjour arrivé à expiration de l’étranger qui a bénéficié d’une ordonnance de protection – et non pas seulement de l’étranger qui en bénéfice actuellement – en vertu de l’article 515-9 du code civil, en raison des violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, soit renouvelé.
Cette disposition, ainsi élargie, permettrait concrètement aux femmes victimes de violences de se donner les moyens de se reconstruire sans craindre de se voir éloignées du territoire après avoir été protégées durant quatre mois par le juge.
Je rappelle que la délégation aux droits des femmes vient d’achever la rédaction d’un rapport d’information sur les violences conjugales. Nous avons pu constater, lors de ce travail, les dégâts que pouvaient occasionner ces agissements.
Notre amendement a donc aussi pour objet de protéger ces femmes victimes de violences conjugales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. En l’état du droit, un titre de séjour est délivré à une personne bénéficiant d’une ordonnance de protection. Le présent amendement vise à permettre la délivrance d’un tel titre, même après l’expiration de l’ordonnance.
Il est satisfait par le droit en vigueur, dans la mesure où les femmes victimes de violences conjugales, mais ne bénéficiant pas d’une ordonnance de protection, peuvent déjà solliciter un titre de séjour en vertu des articles L. 431-2 et L. 313-2 du CESEDA.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. La loi du 7 mars 2016 a déjà étendu le champ d’application de ces dispositions à un double titre.
D’une part, elle a étendu la délivrance et le renouvellement de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection pour des violences commises non seulement par son conjoint, partenaire de PACS ou concubin, mais aussi par un ancien conjoint – cela peut malheureusement arriver –, un ancien partenaire de PACS ou un ancien concubin.
D’autre part, cette loi a créé un nouveau cas de délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » pour l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection fondée sur la menace d’un mariage forcé ; nous savons en effet que des situations sont comptabilisables en tant que telles.
S’agissant du renouvellement de la carte de séjour temporaire, lorsque l’étranger n’est plus titulaire d’une ordonnance de protection, cette situation relève de l’admission exceptionnelle au séjour. Il est ainsi indiqué aux préfets, dans la circulaire du 28 novembre 2012, de porter la plus grande attention aux dispositions relatives à l’admission des victimes de violences conjugales, qu’elles bénéficient ou non d’une ordonnance de protection telle qu’elle figure dans l’instruction ministérielle du 9 septembre 2011 relative au droit au séjour des victimes de violences conjugales.
Quant à la possibilité d’une circulaire adressée aux préfets, j’ai interrogé le ministère de l’intérieur : de nouvelles instructions seront prises en ce sens pour appeler les préfets, de nouveau, à être particulièrement attentifs à ces étrangers qui ne bénéficient plus d’une ordonnance de protection dans le cadre d’une admission de séjour, en application des dispositions de l’article L. 313-14 du CESEDA.
Madame Cohen, notre amendement, qui ne prévoit pas de limites pour invoquer l’existence d’une ordonnance de protection expirée, est, en outre, quelque peu imprécis.
Pour ces motifs, le Gouvernement vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 337 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Je remercie Mme la rapporteur et M. le ministre de leurs explications assez complètes, qui pourraient nous conduire à retirer notre amendement. Il y a cependant un « mais ».
La dernière partie de votre intervention, monsieur le ministre, fait mention d’une circulaire. De ce fait, les personnes concernées ne sont pas sous la protection de la loi. Par ailleurs, l’égalité n’est pas assurée sur l’ensemble du territoire, puisqu’une circulaire peut être interprétée différemment selon les préfets. On en connaît des exemples dans tous les domaines !
Souhaitant insister sur cet aspect de la nécessaire protection de la loi, et même si j’ai bien conscience que notre amendement est maladroitement formulé – vous l’avez démontré dans la première partie de votre intervention, monsieur le ministre –, nous le maintenons.
M. le président. L’amendement n° 338, présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé
Le chapitre VI du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 316-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 316-5. – Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, l’autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l’étranger victime de violences si des procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement tend, également, à réintroduire une disposition de la proposition de loi pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères.
Cette disposition était soutenue par le Défenseur des droits, qui a déclaré partager la volonté de permettre à toute personne partie prenante à un procès pour des violences subies de pouvoir rester sur le territoire pendant le temps de la procédure.
Il s’agit précisément de la disposition relative au chapitre du CESEDA consacré aux mesures applicables aux étrangers ayant déposé plainte pour certaines infractions, témoigné dans une procédure pénale ou bénéficiant de mesures de protection. Nous proposons ainsi de compléter ces dispositions par un mécanisme général de délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à tout étranger victime de violences, dès lors que des procédures judiciaires sont en cours et qu’il ne constitue pas une menace à l’ordre public.
Afin de ne pas trop élargir le champ d’application de ces mesures, ce dispositif est limité aux violences les plus caractérisées, celles qui ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente et aux violences dont est résultée une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.
Ces dispositions vont dans le sens d’une meilleure protection des femmes étrangères victimes de violences.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je me permets, monsieur le président, de saluer des visiteurs de mon département d’Ille-et-Vilaine qui sont actuellement dans les tribunes.
L’amendement n° 338 vise la délivrance d’un titre de séjour dès l’enclenchement de procédures civiles et pénales liées aux violences.
Je rappelle que le CESEDA prévoit déjà plusieurs dispositions permettant de protéger les victimes de violences, notamment lorsque celles-ci bénéficient d’une ordonnance de protection ou que le préfet constate l’existence de ces violences.
Chacun connaît dans cette enceinte les risques de dévoiement de la loi. Une telle disposition pourrait facilement être détournée par des réseaux lançant des procédures dilatoires et sans fondement pour obtenir des titres de séjour. Il semble donc préférable d’en rester au droit en vigueur.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le champ d’application de cet amendement est manifestement trop large pour constituer un motif d’admission au séjour. Les notions de « victime de violences » et de « procédures civiles et pénales en cours » que vous évoquez, madame la sénatrice, sont trop imprécises et ne permettent pas de circonscrire clairement les personnes qui pourraient être visées.
Par ailleurs, comme Mme la rapporteur vient de le dire, des risques de détournement de procédure sont à craindre.
Enfin, il existe cette circulaire dont nous devons vérifier les modalités d’application. Je me suis engagé à ce que cela soit fait, à la suite d’un échange avec le ministère de l’intérieur.
Je demande donc le retrait du présent amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 338 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 528 rectifié, présenté par Mmes Archimbaud, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsqu'une personne est appelée, en application d'une loi ou d'un décret, à désigner un ou plusieurs membres au sein des commissions et instances consultatives des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication dont la composition est collégiale, elle doit faire en sorte que, après cette désignation, parmi tous les membres en fonction dans le collège de cet organisme désignés par elle, l'écart entre le nombre de femmes et le nombre d'hommes se soit réduit, par rapport à ce qu'il était avant la décision de désignation, d'autant qu'il est possible en vue de ne pas être supérieur à un.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le présent amendement vise à rééquilibrer la part des femmes dans le domaine de la culture, notamment pour ce qui touche à la diffusion de la création.
L’Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication rappelle, dans son rapport de 2016, la faible participation des femmes dans les commissions et instances consultatives des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication.
Nous proposons, au travers de cet amendement, d’établir une parité stricte lors de la nomination au sein de ces instances.
M. le président. L’amendement n° 662, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour les nominations intervenant à compter du 1er janvier 2018, une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe s'applique à la désignation des membres des commissions ou instances, qui au sein des établissements publics placés sous la tutelle du ministre chargé de la culture ou placés auprès de ses services déconcentrés, sont consultées sur l’attribution de subventions ou d’aides financières, sur la sélection, l’acquisition ou la commande d’œuvres, sur l’attribution d’agréments, ou lors de sélections en vue de compétitions internationales.
Lorsque la commission ou l’instance est composée au plus de huit membres, l’écart entre le nombre de membres de chaque sexe ne peut être supérieur à deux.
Toute nomination intervenue en violation des dispositions du présent article et n'ayant pas pour effet de remédier à l'irrégularité de la composition de la commission ou de l’instance est nulle. Cette nullité n'entraîne pas celle des avis auxquels a pris part le membre de la commission ou de l’instance irrégulièrement nommé.
Un décret fixe la liste des commissions ou instances mentionnées au premier alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Cet amendement vise également à prévoir une meilleure représentativité des femmes et des hommes dans les commissions ou instances consultatives des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication ou au sein des services déconcentrés de l’État.
La question de l’inégale représentativité des femmes et des hommes dans la diffusion de la création est une préoccupation constante pour le ministère de la culture et de la communication. Il s’agit ainsi de permettre, par une meilleure représentation des femmes, d’agir dès l’origine sur une source d’inégalité forte dans le secteur culturel, lorsque la sous-représentation féminine conduit également à une présence des femmes plus diffuse s’agissant de l’octroi d’aides ou de subventions.
C’est l’objet de l’amendement du Gouvernement que de se doter d’un instrument juridique permettant de s’assurer que cet objectif est atteint.
L’amendement présenté par les membres de votre groupe, monsieur Desessard, poursuit le même objectif. Il présente néanmoins deux inconvénients par rapport à celui du Gouvernement.
D’une part, son champ est plus étroit, puisqu’il ne prévoit pas de commissions ou d’instances consultatives placées auprès des services déconcentrés du ministère de la culture – point important dans les territoires –, ce qui rend plus difficile sa mise en œuvre.
D’autre part, l’amendement gouvernemental tend à imposer, pour les nominations intervenant à compter du 1er janvier 2018 au sein de ces commissions ou instances consultatives, un pourcentage minimum de 40 % de personnes de chaque sexe.
Le Gouvernement va donc plus loin que vous, monsieur le sénateur. Aussi vous demanderai-je de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’amendement n° 528 rectifié du groupe écologiste vise à instaurer une obligation de parité dans la nomination des membres des instances consultatives des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication.
J’avais exprimé précédemment un avis défavorable sur une proposition assez proche, car étaient en jeu des dispositifs électoraux qui ne pouvaient être balayés par voie d’amendement.
Dans ce cas, en revanche, je considère qu’une telle obligation est souhaitable, car ces établissements ne sauraient « échapper » à la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Si je suis favorable sur le fond à votre amendement, je vous demanderai, mon cher collègue, de bien vouloir le retirer au profit de l’amendement n° 662 du Gouvernement, qui me semble être très précis et servir la cause que vous défendez.
M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 528 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 528 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 662.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 56 ter.
Section 8
Dispositions relatives à la procédure pénale
Article 57
(Non modifié)
Les articles 2-1, 2-2 et 2-6 du code de procédure pénale sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’atteinte volontaire à la vie, si la victime est décédée, l’association doit justifier avoir reçu l’accord de ses ayants droit. » – (Adopté.)
Article 57 bis
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 339 est présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 459 est présenté par MM. Guillaume et Magner, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au premier alinéa de l’article 2-6 et à l’article 807 du code de procédure pénale, chacune des occurrences des mots : « ou l’identité sexuelle » est remplacée par les mots : « sexuelle ou de l’identité de genre ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 339.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il s’agit, au travers de cet amendement, de revenir sur un débat que nous avons déjà eu en séance publique, lors de l’examen de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel. À cette occasion, la notion d’« identité sexuelle » avait une nouvelle fois été préférée à celle d’« identité de genre ».
Pourtant, si le concept d’identité de genre n’est pas présent dans le droit français, il l’est dans plusieurs textes internationaux.
L’identité de genre a été introduite en tant que définition retenue par un collège d’experts en droit international de tous les continents pour l’ONU en 2007 dans les principes de Jogjakarta. Ceux-ci sont repris dans le rapport du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme du mois de novembre 2011.
La définition donnée dans les principes de Jogjakarta est la suivante : « L’identité de genre est comprise comme faisant référence à l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps […] et d’autres expressions du genre, y compris l’habillement, le discours et les manières de se conduire. »
La notion d’identité de genre est aussi présente dans le système des droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
L’article 18 quater du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, dans la version issue de l’Assemblée nationale, revient sur la question et devrait marquer une étape importante, certes perfectible, dans le processus de changement d’état civil pour les personnes transgenres.
Il est donc temps que cette notion d’identité de genre trouve sa place dans notre droit positif, afin de protéger les 10 000 à 15 000 personnes qui sont concernées.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 459.
Mme Evelyne Yonnet. Le présent amendement a pour objet de rétablir l’article 57 bis du texte adopté par l’Assemblée nationale, qui introduit la notion d’identité de genre dans le code de procédure pénale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. En 2012, lors des débats parlementaires sur le texte relatif au harcèlement sexuel, la notion d’identité de genre avait été rejetée par le Gouvernement en raison de son imprécision juridique et d’un risque d’interprétation divergente selon les juridictions.
Dès lors, il paraît inopportun d’adopter des dispositions pénales simplement interprétatives, et non normatives. En l’espèce, l’ajout d’une nouvelle expression ne créerait aucune protection juridique supplémentaire par rapport au droit existant.
Sans nier la dimension sociologique d’une évolution du langage juridique, les termes de la loi – en particulier du droit pénal – destinée à sécuriser chaque citoyen se doivent d’être précis et de ne soulever aucune ambiguïté, la loi pénale étant d’interprétation stricte.
Or, comme le relevait le rapporteur de la commission des lois, Alain Anziani, lors de la même séance publique du 12 juillet 2012, l’introduction d’un nouveau motif est susceptible d’une interprétation a contrario par les juridictions. Cela signifie que ces amendements pourraient desservir la cause que vous défendez, mes chères collègues.
Permettez-moi de citer les propos d’Alain Anziani : « nous devons faire attention à ne pas nous trouver pris à notre propre piège, car le risque existe. Il ne faudrait pas que les juridictions considèrent a contrario que les personnes transsexuelles ne sont pas couvertes par les dispositions relatives à la protection de l’orientation sexuelle parce que nous inscrivons dans ce projet de loi relatif au harcèlement sexuel l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle ou l’identité de genre comme un motif de discrimination. »
Je dirai, pour ma part : attention danger, ces amendements pourraient être contre-productifs !
En cohérence avec le vote précédent du Sénat, l’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Cette fois-ci, ma position divergera de celle de Mme la rapporteur.
Ces amendements tendent à rétablir l’article 57 bis nouveau dans la rédaction retenue par l’Assemblée nationale. Le nouveau dispositif complétera les motifs de discrimination déjà énumérés dans le code de procédure pénale, en remplaçant l’expression « identité sexuelle » par les termes « identité de genre ». Les mots ont leur importance !
La France est pleinement mobilisée à l’échelon international dans la lutte contre la stigmatisation et les violations graves des droits de l’homme dont sont victimes ceux que l’on appelle les personnes transidentitaires.
Le Gouvernement est favorable, au titre des motifs de discrimination, à l’usage de l’expression « identité de genre », laquelle ne doit plus être confondue avec celle d’« orientation sexuelle ». Vous savez, comme moi, que certains font la confusion, de manière volontaire ou non...
Orientation sexuelle et identité de genre ne sont pas la même chose.
L’identité de genre fait référence à l’expérience intime et personnelle que chacun a de son genre, que celui-ci corresponde ou non au sexe assigné à la naissance. Cette évolution de notre droit interne n’est pas un fait franco-français. Elle est recommandée, certes, par la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Celle-ci relève qu’il s’agit d’une simple mise en cohérence de notre droit avec le droit européen et international, lequel définit l’identité de genre comme « l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun ».
J’entends la remarque de Mme la rapporteur sur le fait qu’il ne faut pas introduire l’identité de genre dans le code pénal, car on risquerait de créer des « a contrario ». Mais le juge regarde avec attention l’intention du législateur, et celle-ci est sans ambiguïté : c’est un mouvement de fond du droit qui est engagé sur ce sujet.
J’en veux pour preuve que cette définition est déjà employée à l’échelon européen en matière de lutte contre les discriminations, qu’il s’agisse des directives de l’Union européenne ou des recommandations du Conseil de l’Europe. Elle est facteur de changement social. Je pense donc qu’il faut nommer les choses par leur nom pour les faire accepter.
Pour ces raisons, le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques.