M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le ministre, nous employons depuis plusieurs jours le mot « cohérence ». Je veux vous faire part de mon étonnement.
En 2012, le gouvernement auquel vous appartenez avait rejeté, par la voix de Mme Vallaud-Belkacem, la notion d’identité de genre en raison de « son imprécision juridique » et, en conséquence, d’un risque d’interprétation divergente selon les juridictions.
Je maintiens donc l’avis défavorable de la commission.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Vous évoquez la loi du mois d’août 2012, madame la rapporteur. Or notre droit interne a d’ores et déjà amorcé des évolutions, notamment dans le cadre de la transposition de la directive européenne du 25 octobre 2012.
Cette directive, désormais intégrée dans notre droit, prévoit que, « en cas de violences sexuelles, de violences fondées sur le genre ou de violences domestiques, la victime est entendue par un enquêteur du même sexe si elle en fait la demande ».
J’espère vous avoir rassurée sur la cohérence de l’action du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 339 et 459.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 57 bis demeure supprimé.
Article 58
Après l’article 2-23 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-24 ainsi rédigé :
« Art. 2-24. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits ayant pour objet statutaire la défense ou l’assistance des étudiants et élèves d’établissements d’enseignement victimes de bizutage, si elle a été agréée à cette fin, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues à la section 3 bis du chapitre V du titre II du livre II du code pénal lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
« Toutefois, l’association n’est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de la victime ou, si celle-ci est un mineur ou un majeur protégé, celui de son représentant légal. »
M. le président. L’amendement n° 460, présenté par MM. Guillaume et Magner, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Supprimer les mots :
, si elle a été agréée à cette fin,
2° Supprimer les mots :
lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 58 dans le texte adopté par l’Assemblée nationale. Il fait suite à l’élargissement des dispositions répressives du code pénal aux comportements discriminatoires consécutifs à un bizutage ou à une tentative de bizutage prévues à l’article 39 bis du présent projet de loi.
Les associations de lutte contre le bizutage connaissent des difficultés persistantes pour agir. Or, au cours des dernières années, le droit de certaines associations à se constituer partie civile a été reconnu pour un nombre croissant d’infractions.
Le présent amendement vise donc la possibilité, pour les associations étudiantes, de se constituer partie civile dans les affaires de bizutage, afin de faciliter les poursuites et la répression de ce délit, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, à l’exception des associations ayant vocation à défendre ou à assister les personnes malades ou handicapées.
Cette proposition est en cohérence avec notre précédent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement revenant sur les ajouts de la commission, celle-ci ne peut qu’y être défavorable.
Il est pourtant nécessaire de préciser les conditions d’exercice des droits reconnus à la partie civile par les associations de défense des victimes de bizutage, au regard de l’ampleur des droits accordés à la partie civile et afin d’éviter toute privatisation du procès pénal.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Introduire un dispositif d’agrément spécifique au titre du bizutage serait disproportionné et serait aussi un frein à l’efficacité du dispositif.
Les associations généralistes qui accompagnent les étudiants dans l’exercice de leurs droits ont une proximité avec les étudiants qui sont susceptibles d’être victimes de ce type de pratiques, et sont plus accessibles pour eux. La condition d’ancienneté garantit également leur légitimité et leur sérieux en la matière.
Ces structures associatives ont toute légitimité pour intervenir lorsqu’elles disposent d’éléments probants en lien avec les victimes, sans que celles-ci aient engagé elles-mêmes une action en justice, ce qui est souvent difficile au regard des pratiques malheureusement constatées lors de ces « initiations ».
En revanche, la possibilité de faire usage des droits offerts à la partie civile est conditionnée à l’accord de la victime, ce qui évite que lesdites associations ne se substituent au plaignant.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 58.
(L'article 58 est adopté.)
Article 59
(Non modifié)
L’article 230-19 du même code est complété par un 17° ainsi rédigé :
« 17° Les interdictions prévues aux 1° et 2° de l’article 515-11 du code civil. »
M. le président. L’amendement n° 681, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et celles prévues par une mesure de protection en matière civile ordonnée dans un autre État membre de l'Union européenne reconnue et ayant force exécutoire en France en application du règlement (UE) n° 606/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. L’inscription au fichier des personnes recherchées, le FPR, des interdictions prévues à l’article 515-11 du code civil relatif aux ordonnances de protection rendues par les juges aux affaires familiales français est désormais prévue par l’article 59 du présent projet de loi.
Il est proposé par cet amendement d’étendre cette inscription aux interdictions prononcées à l’étranger et exécutoires en France.
En effet, le règlement n° 606/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013, relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile et entré en vigueur le 11 janvier 2015, permet à toute victime de violences conjugales qui a obtenu une mesure de protection dans son pays de voir les effets de celle-ci reconnus dans l’hypothèse d’une installation en France.
La mesure de protection en matière civile ordonnée à l’étranger devient ainsi exécutoire de plein droit sur notre territoire pour une durée de douze mois à compter de la délivrance d’un certificat par l’autorité étrangère, sans que les services de police ou de gendarmerie aient, en principe, à intervenir.
Or, afin de donner plein effet à ce règlement européen, il convient de prévoir l’inscription de ces interdictions au fichier des personnes recherchées, tout comme cela est désormais le cas pour les mesures d’interdiction prononcées par le juge français.
Nous sommes là dans une logique de cohérence et de bonne mise en application du droit européen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous approuvons l’avis, sage, du ministre sur cette question.
L’adoption de cet amendement apportera une précision utile à l’article 59 du présent projet de loi puisque cet article vise à inscrire au fichier des personnes recherchées, à côté des ordonnances de protection rendues par les juges aux affaires familiales, des mesures de protection en matière civile ordonnées dans un autre État membre de l’Union européenne et ayant force exécutoire en France.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 59, modifié.
(L’article 59 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 59
M. le président. L’amendement n° 680 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 59
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 227-4-2 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mêmes peines sont applicables à la violation d’une mesure de protection en matière civile ordonnée dans un autre État membre de l’Union européenne reconnue et ayant force exécutoire en France en application d’un instrument mettant en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle. »
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. J’espère recevoir le même soutien de Mme la rapporteur sur ce sujet.
Comme je viens de l’indiquer, le règlement du 12 juin 2013 est entré en vigueur le 11 janvier 2015. Tout en étant d’application autonome, il complète la directive du 13 décembre 2011 relative à la décision de protection européenne qui permet la reconnaissance mutuelle des mesures de protection des victimes en matière pénale.
Ce règlement porte sur la reconnaissance mutuelle des mesures de protection prises en matière civile en faveur des personnes susceptibles d’être menacées dans leur intégrité physique ou psychologique. Il ne traite pas des sanctions pénales prévues par les États membres de l’Union européenne en cas de violation d’une mesure de protection, ayant laissé ouverte cette question, considérant que celle-ci relevait du droit interne des États membres.
Les mesures de protection en matière civile ordonnées dans un État membre deviennent exécutoires de plein droit sur le territoire pour une durée de douze mois à compter de la délivrance d’un certificat par l’autorité étrangère, sans que les services de police ou de gendarmerie aient à intervenir.
Or, si la violation des termes d’une ordonnance de protection rendue en France par le juge aux affaires familiales fait l’objet de sanctions pénales, prévues à l’article 227-4-2 du code pénal, ces sanctions ne sont pas applicables en l’état aux violations d’une mesure de protection étrangère exécutoire de plein droit sur notre territoire national.
Dès lors, il convient de compléter cet article du code pénal, afin d’assurer la protection des victimes bénéficiant d’une mesure de protection prononcée à l’étranger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. En cohérence avec sa position sur l’amendement précédent, la commission émet un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 59.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 340 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Cohen et Prunaud, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 59
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 78-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « raisons plausibles de soupçonner » sont remplacés par les mots : « raisons objectives et individualisées » ;
2° Les sixième à dernier alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Aucun contrôle d’identité ne peut être réalisé au motif d’une quelconque discrimination, telle que définie à l’article 225-1 du code pénal.
« Les contrôles d’identité réalisés en application du présent article donnent lieu, à peine de nullité, à l’établissement d’un document spécifiant le motif du contrôle, ainsi que les modalités de garantie de l’anonymat des personnes contrôlées.
« Cette dernière mesure fait l’objet d’une expérimentation dans quelques sites pilotes – conformément à l’article 37-1 de la Constitution -, avant sa généralisation à tout le territoire. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous avons déjà eu plusieurs fois l’occasion de débattre de ce sujet au sein de la Haute Assemblée, notamment lors de la niche réservée à mon groupe le 18 mai dernier et de l’examen de sa proposition de loi visant à lutter contre les contrôles d’identité abusifs.
L’amendement que nous proposons en l’espèce – plusieurs de nos collègues socialistes et écologistes ont déposé des amendements similaires – reprend les termes de cette proposition de loi, d’une part, en visant à modifier l’article 78-2 du code de procédure pénale pour encadrer et justifier les contrôles d’identité et, d’autre part, à instaurer un récépissé lors de ces contrôles.
Cet amendement a toute sa place, me semble-t-il, dans un projet de loi intitulé « Égalité et citoyenneté », quand les études prouvent que les personnes perçues comme noires subissent des contrôles de police à une fréquence six fois plus élevée que celles qui sont perçues comme blanches. Les personnes perçues comme d’origine nord-africaine, quant à elles, sont contrôlées en moyenne huit fois plus fréquemment que celles qui le sont comme blanches.
Ces victimes de discriminations, de stigmatisations permanentes, ce sont les jeunes des quartiers, ceux qui vont au lycée, ceux qui cherchent un premier emploi et qui éprouvent le plus grand mal à se sentir des citoyens à part entière !
Mes chers collègues, il n’est plus possible de fermer les yeux sur cette réalité quotidienne, sociale, qui ne fait que renforcer les tensions entre les jeunes et les policiers.
Je vous rappelle que l’État a été condamné pour faute lourde par la cour d’appel de Paris au mois de juin 2015 pour des contrôles jugés discriminatoires, après la plainte déposée par cinq jeunes d’un groupe de treize. L’État s’est pourvu en cassation. L’audience de la Cour de cassation, à laquelle j’ai assisté, a eu lieu mardi 4 octobre. La Cour rendra son arrêt le 9 novembre prochain.
Au-delà de cette décision, qui porte essentiellement sur l’aménagement de la charge de la preuve, il est temps de mettre en place un récépissé lors de ces contrôles. Avec notre amendement, nous proposons de l’expérimenter dans des villes qui se sont portées volontaires.
Qu’on ne nous oppose pas l’inefficacité et la lourdeur du dispositif ! D’autres pays européens en ont fait l’expérience et en ont tiré des conclusions positives.
Quant à la réponse alternative, les caméras mobiles pour les policiers, elle a pour mérite de permettre de vérifier la teneur des contrôles – est-il fait usage de violence ou non ? –, mais ni leur répétition ni leur caractère discriminatoire.
Enfin, à quelques mois d’échéances électorales importantes, je me permets de rappeler, au moins à une partie de l’hémicycle, que ce récépissé constitue l’engagement n° 30… du candidat François Hollande,…
M. Philippe Dallier. Si c’était la seule !
Mme Laurence Cohen. … lequel avait fait de la jeunesse sa priorité. Cela devrait nous conduire à nous ressaisir et à voter ensemble cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 312, présenté par Mme Khiari, MM. Anziani, Cabanel, Masseret, Courteau et Yung et Mme Tocqueville, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 86 rectifié, présenté par Mmes Lienemann et Khiari, MM. Courteau, Labazée, Cabanel, Masseret, Leconte et Assouline et Mmes S. Robert, Meunier et Jourda, est ainsi libellé :
Après l’article 59
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter de la promulgation de la présente loi, et par dérogation aux articles 78-1 et suivants du code de procédure pénale relatifs aux contrôles, vérifications et relevés d’identité, l’État peut autoriser, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, une expérimentation, d’une durée de douze mois, de la mise en place d’un récépissé de contrôle d’identité et de fouille.
Les contrôles d’identité ou les fouilles réalisés en application des articles 78-2, 78-2-2 et 78-2-4 donnent lieu, sous peine de nullité, à l’établissement d’un document mentionnant :
1° Le jour et l’heure à partir desquels le contrôle ou la fouille a été effectué ;
2° Les motifs justifiant le contrôle ainsi que la vérification d’identité ou la fouille ;
3° Le matricule de l’agent ayant procédé au contrôle ou à la fouille ;
4° Les observations de la personne ayant fait l’objet du contrôle ou de la fouille.
Ce document est signé par l’intéressé ; en cas de refus de signer, mention en est faite. Un double est remis à l’intéressé.
Un procès-verbal retraçant l’ensemble des contrôles est transmis au procureur de la République.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, je vous prie d’excuser l’absence de Bariza Khiari, qui, pour des raisons médicales, n’a pu être présente aujourd’hui pour défendre l’amendement n° 312, lequel allait dans le même sens que le mien. Je signale qu’elle a d’ailleurs cosigné mon amendement, avec d’autres collègues socialistes.
Comme vient de le dire Laurence Cohen, nous constatons que les contrôles de police continuent à être effectués de manière discriminatoire dans notre pays. Ces contrôles sont ressentis par les personnes concernées comme une humiliation de la part de la République et de ses institutions en raison de leur caractère répétitif et de leur exercice « au faciès ».
Mme Cohen l’a indiqué, la cour d’appel de Paris a condamné l’État pour des contrôles jugés discriminatoires. Le dossier est actuellement pendant devant la Cour de cassation. Il est donc temps de légiférer pour mettre fin à cette discrimination et à ces contrôles au faciès.
Le candidat François Hollande s’était engagé à mettre en œuvre ce récépissé, d’ailleurs contenu dans le projet du parti socialiste, lequel a été unanimement approuvé après de longues discussions. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement refuse d’expérimenter le dispositif.
J’entends bien l’argument qui nous est opposé : la mise en place de caméras mobiles pour les policiers. Mais qui déclenchera la caméra ? Bien sûr, le policier ! Je ne veux pas faire de procès a priori, mais la personne contrôlée doit pouvoir apporter la preuve qu’elle a subi des contrôles indus, répétitifs et discriminatoires.
Il serait sain pour notre pays et notre République que nous expérimentions la méthode du récépissé. Cela permettra de dispenser une formation renforcée à nos policiers et de concourir à créer un lien de confiance plus solide entre la jeunesse, l’ensemble de la population, notamment celle des quartiers les plus défavorisés, et les institutions de notre République.
Je souhaite donc que nous tenions notre engagement et que nous renforcions notre pacte républicain par cette décision.
M. le président. L’amendement n° 561, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 59
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre II du livre Ier du code de procédure pénale est complété par un article 78-8 ainsi rédigé :
« Art. 78-8. – I. – L’État peut autoriser la mise en place d’une expérimentation d’une durée de douze mois, au plus tard un an après la promulgation de la loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, afin d’étudier la mise en place d’un récépissé de contrôle d’identité et de fouille.
« Dans le cadre de cette expérimentation, les contrôles d’identité ou les fouilles réalisés en application des articles 78-2, 78-2-2 et 78-2-4 donnent lieu, sous peine de nullité, à l’établissement d’un document mentionnant :
« 1° Les motifs justifiant le contrôle ainsi que la vérification d’identité ou la fouille ;
« 2° Le jour et l’heure à partir desquels le contrôle ou la fouille a été effectué ;
« 3° Le matricule de l’agent ayant procédé au contrôle ou à la fouille ;
« 4° Les observations de la personne ayant fait l’objet du contrôle ou de la fouille.
« Ce document est signé par l’intéressé ; en cas de refus de signer, mention en est faite. Un double est remis à l’intéressé.
« Un procès-verbal retraçant l’ensemble des contrôles est transmis au procureur de la République. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigé :
Section 8 bis
Dispositions visant à lutter contre les contrôles d’identités discriminatoires
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement, comme les précédents, a simplement pour objet d’expérimenter le récépissé lors de contrôles d’identité que nous appelons de nos vœux depuis de nombreuses années.
Mme Benbassa l’a souvent dit dans cet hémicycle, il s’agit non pas et en aucun cas d’une marque de défiance envers la police, mais d’un outil de pacification des relations entre les forces de l’ordre et la population. Avec ce récépissé, chaque personne contrôlée disposera d’une preuve lui permettant, le cas échéant, de faire valoir auprès des autorités administratives indépendantes compétentes le caractère abusif des contrôles dont elle fait l’objet.
Nous avons toujours dénoncé avec force la « haine anti-flic », tout comme les actes de violence intolérables dont certains policiers ont été victimes ces derniers mois.
Mais il est également important de dénoncer avec force les contrôles d’identité abusifs et discriminatoires dont de nombreux jeunes font l’objet.
Seul le récépissé sera à même de recentrer le contrôle d’identité sur sa raison d’être et de restaurer une part de la confiance que la population doit avoir en sa police. N’attendons pas plus longtemps, mes chers collègues, la Cour de cassation pourrait bientôt nous donner raison...
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je voudrais d’abord exprimer ma solidarité toute particulière à l’égard des policiers après le tragique drame survenu récemment.
Ces trois amendements font suite à une proposition de loi présentée par Éliane Assassi que la commission des lois avait rejetée. Le Sénat avait commencé l’examen de ce texte le 18 mai dernier, mais sans le poursuivre jusqu’à son terme, le temps imparti au groupe CRC ayant été épuisé. Néanmoins, le Sénat avait rejeté l’article 1er, qui constituait l’essentiel de ce texte.
L’objet de ces amendements est donc de modifier le code de procédure pénale pour mieux lutter contre les contrôles d’identité abusifs ou discriminatoires et d’instaurer le récépissé en cas de contrôle d’identité. La notion de « raisons plausibles de soupçonner », qu’il est proposé de remplacer par celle de « raisons objectives et individualisées » dans l’amendement n° 340 rectifié bis, est parfaitement connue des services de police. À titre d’exemple, l’article 62-2 du code précité y fait explicitement référence s’agissant du placement en garde à vue.
Le ministre de l’intérieur l’a indiqué à l’Assemblée nationale, « le recours à une telle mesure doit nécessairement reposer sur des raisons objectives, individualisées et précisément circonstanciées. Les raisons plausibles de soupçonner doivent reposer sur des faits concrets, des comportements, en aucun cas sur l’apparence physique ou sur l’origine : ce serait contraire à tous les principes du droit », donc à notre ordre constitutionnel.
Je veux souligner que, pour valider ces contrôles d’identité, les juridictions exigent des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé, comme le rappellent en permanence les juges lorsqu’ils ont à connaître des conditions dans lesquelles sont appliquées ces mesures.
Je précise que, dans une décision du 17 août 2011, la Cour de cassation a décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel, considérant que la rédaction du premier alinéa de l’article 78-2 du code de procédure pénale, notamment les termes « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner », n’était pas contraire à l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, au droit de la liberté d’aller et venir, au droit au recours effectif et au principe d’égalité devant la loi.
S’agissant de la mise en place du récépissé de contrôle d’identité et de fouille, je rappelle que cette proposition a été rejetée à l’issue d’un large débat à l’Assemblée nationale. Il s’agit sinon d’une promesse, en tout cas d’une idée qui avait été mise en avant au cours de la campagne présidentielle de 2012 et qui a, en définitive, été abandonnée. Il ne nous appartient pas dans cette enceinte de porter un jugement sur des promesses ou des idées de campagne, quelles que soient les campagnes.
Toutefois, ce dispositif ne permettrait pas d’atteindre les objectifs que poursuivent les auteurs de ces amendements. Faisons preuve de bon sens : si un récépissé est donné à une personne contrôlée, celle-ci peut très bien être interpellée, au sens premier du terme, quelque temps après. Elle devra montrer son récépissé. On n’empêchera pas les contrôles.
Par ailleurs, l’établissement du récépissé pour prouver, le cas échéant, l’existence de contrôles abusifs nécessiterait la création d’un fichier des personnes contrôlées.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mais non !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Or, dès lors qu’une personne considère qu’elle est victime de contrôles abusifs et répétés, la preuve devra être apportée par quelqu’un. Il faudra bien un fichier des personnes contrôlées !
Il me semble donc que la mise en place de ce dispositif est irréalisable. Dans ces conditions, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. L’instauration ou l’expérimentation d’un récépissé de contrôle d’identité est une demande récurrente dont l’objectif avancé est de limiter le nombre de contrôles d’identité d’une même personne dans des temps rapprochés et, surtout, d’éviter les contrôles discriminatoires.
Je reprends l’engagement n° 30 du candidat François Hollande que Mme Lienemann a rappelé : lutter contre les contrôles au faciès « par une nouvelle procédure respectueuse des citoyens ».