Mme Patricia Morhet-Richaud. Cet amendement vise à compléter l’article 4 par des dispositions sur la protection du secret professionnel et médical en cas de contrôle sur pièces et sur place.
L’article 4 autorise en effet des contrôles sur pièces, ainsi que des contrôles sur place, sans que ces derniers soient assortis de garanties suffisantes pour la protection du secret professionnel. Il prévoit également une amende de 50 000 euros et deux ans d’emprisonnement pour toute personne qui fait obstacle, de quelque façon que ce soit, à l’exercice des pouvoirs des agents de l’Agence française anticorruption. Or une telle procédure ne permet pas de garantir le secret professionnel que les clients des avocats confient à leurs conseils, pilier de tout système démocratique
Cet amendement tend donc à garantir la protection effective du secret professionnel affirmée à l’article 6 A, dans le cadre d’un contrôle sur place dans le cabinet ou au domicile d’un avocat. Il vise à prévoir que l’agence de lutte contre la corruption ne puisse ni lire ni saisir quelque document professionnel que ce soit sans une demande motivée, présentée au bâtonnier ou à son délégué. Ce dernier aurait la possibilité de contester cette saisine auprès du président du tribunal de grande instance statuant en référé.
Ces dispositions seraient applicables aux avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Les dispositions spécifiques du code de procédure pénale sont évidemment applicables en cas de perquisition chez une personne exerçant une profession protégée. Dans la mesure où l’article 4 du présent projet de loi ne crée ni un droit de perquisition ni un droit de visite domiciliaire, ces précisions sont donc inutiles.
Par ailleurs, les dispositions de l’article 4 sont identiques aux dispositions existantes pour l’URSSAF, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les agents de la répression des fraudes, les agents de l’Autorité des marchés financiers et d’autres sans qu’il soit nécessaire de prévoir un dispositif particulier pour l’Agence de prévention de la corruption.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Morhet-Richaud, qu’en est-il de l’amendement n° 108 rectifié ter ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. Après avoir entendu l’avis de notre excellent rapporteur, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 108 rectifié ter est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Bizet, Bouchet, Calvet, Charon, Chasseing, Danesi, de Raincourt et Houpert, Mme Hummel, M. Husson, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, P. Leroy, Longuet, A. Marc et Milon, Mme Morhet-Richaud et MM. Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les experts ou personnes qualifiés chargés d’analyses juridiques, fiscales et comptables doivent être membres d’une profession réglementée leur permettant de délivrer cette expertise au titre de leur activité principale et titulaires d’une assurance responsabilité civile professionnelle.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Cet amendement vise à compléter l’article 4 par des dispositions sur les conditions de nomination des experts et personnes qualifiées.
Pour contrôler le respect des obligations mises en œuvre par les entreprises, les administrations et les collectivités territoriales, notamment dans le cadre du programme de mise en conformité, l’Agence française anticorruption peut faire appel à des experts, personnes ou autorités qualifiées pour l’assister dans la réalisation d’analyses juridiques, financières, fiscales et comptables.
Afin de garantir la qualité des contrôles réalisés, susceptibles de donner lieu à des sanctions pour les organismes contrôlés, cet amendement prévoit que les experts et personnes qualifiées sont membres d’une profession réglementée leur permettant de délivrer une expertise au titre de l’activité principale régulant leur profession.
Cette condition de nomination permet également de s’assurer que les experts et personnes qualifiées de l’Agence sont titulaires d’une assurance responsabilité civile professionnelle pour l’activité concernée leur permettant d’indemniser les organisations contrôlées, en cas de manquement de leur part.
M. le président. L'amendement n° 143 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles sont recrutés les experts, personnes ou autorités qualifiées auxquels il est recouru et les règles déontologiques qui leur sont applicables. Ce décret précise que les experts ou personnes qualifiées chargés d’analyses juridiques, fiscales et comptables sont membres d’une profession réglementée leur permettant de délivrer cette expertise au titre de leur activité principale et sont, de fait, titulaires d’une assurance responsabilité civile professionnelle.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement vient d’être excellemment défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. La commission sollicite le retrait de ces deux amendements.
Contraindre l’Agence à recourir à des experts émanant d’une profession réglementée nous paraît inutile et excessivement restrictif. Toute personne peut, dans une situation bien particulière, être requise pour aider l’Agence de prévention de la corruption à identifier des pièces pertinentes pour engager une procédure. L’expert peut, par exemple, avoir une expérience dans l’entité contrôlée, sans être nécessairement avocat ou notaire.
La faculté de recourir à une personne qualifiée ou à un expert est notamment accordée à l’ARCEP, à la CNIL ou à la DGCCRF, sans qu’il soit nécessaire que ladite personne émane d’une profession réglementée.
Aucun acte de police n’étant effectué par ces experts, il n’est pas utile de prévoir une assurance de responsabilité civile professionnelle obligatoire.
Je tiens également à vous rassurer, mes chers collègues. Toutes les professions visées par vos amendements ont la possibilité d’être requises par l’Agence. C’est pourquoi, je le répète, il ne paraît ni utile ni opportun de limiter à ces professions réglementées la possibilité de devenir expert.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Morhet-Richaud, l’amendement n° 9 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié bis est retiré.
Monsieur Collombat, l’amendement n° 143 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Yves Collombat. Par cet amendement, il s’agit de prévoir un décret en Conseil d’État pour déterminer les conditions dans lesquelles sont recrutés les experts.
Il ne paraît pas complètement absurde de donner une définition des personnes susceptibles d’être recrutées : ce décret devra préciser que les experts ou personnes qualifiées chargés d’analyses juridiques, fiscales et comptables sont membres d’une profession réglementée. Il s’agit uniquement de ce type d’experts. Il peut donc y en avoir beaucoup d’autres, ce qui répond à l’objection soulevée par notre rapporteur.
Par ailleurs, une telle disposition permet de régler le problème de l’assurance.
Je maintiens donc cet amendement, dont la rédaction est beaucoup plus précise que celle de l’amendement n° 9 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Si je partage votre point de vue, monsieur le rapporteur, je tiens à vous faire remarquer que ces deux amendements font référence à une assurance responsabilité civile professionnelle. Si le recrutement est largement ouvert, comme vous le suggérez, il faudrait tout de même s’assurer que les experts en question possèdent l’assurance permettant de couvrir leurs risques.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Tout d’abord, aucun acte de police n’étant effectué par les experts, il n’y a pas lieu de prévoir une assurance de responsabilité en la matière.
Ensuite, si un quelconque professionnel, un avocat, un notaire ou un expert-comptable, pour reprendre les professions visées par ces amendements, est requis par l’Agence, sa responsabilité civile professionnelle, originellement accrochée à l’exercice de sa profession, jouera. À mon avis, il n’y a donc aucune difficulté sur ce point.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
I. – À compter de l’entrée en vigueur du décret de nomination du directeur de l’Agence de prévention de la corruption mentionné à l’article 2 de la présente loi, les articles 1er à 6 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques sont abrogés.
II. – (Non modifié)
III. – Le II de l’article L. 561-29 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le service peut transmettre à l’Agence de prévention de la corruption des informations nécessaires à l’exercice des missions de cette dernière. »
M. le président. L'amendement n° 12 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Bizet, Bouchet, Calvet, Charon, Danesi, de Raincourt et Houpert, Mme Hummel, M. Husson, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, P. Leroy, Longuet, A. Marc et Milon, Mme Morhet-Richaud et MM. Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Il en informe les représentants des ordres professionnels et instances représentatives nationales dont les membres représentent les entités concernées, les représentants des ordres professionnels et instances représentatives nationales ayant toutefois l’interdiction de porter ces informations à la connaissance de leurs clients ou à la connaissance de tiers. »
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Cet amendement vise à prévoir un dispositif d’information de TRACFIN et de l’Agence française anticorruption vers les représentants des ordres professionnels et instances représentatives nationales. Il s’agit, par ce biais, de permettre aux ordres professionnels et instances représentatives nationales d’informer leurs membres, dans le cas où ils représentent les entités contrôlées par l’Agence française anticorruption, de l’échange d’informations entre cette instance et TRACFIN.
Cette transmission d’informations entre TRACFIN et l’Agence française anticorruption peut en effet constituer le préalable au déclenchement d’une procédure de contrôle sur pièces et sur place par l’Agence, procédure prévue par l’article 4 du présent projet de loi. Prévoir une procédure d’information des ordres professionnels et des instances représentatives nationales envers leurs membres permet donc aux représentants des entités concernées de s’assurer du respect du secret professionnel dont ils sont dépositaires.
Afin de prévenir toute destruction de preuves, il est toutefois prévu que le président de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation et le bâtonnier de l’ordre auprès duquel l’avocat est inscrit ne puissent porter à la connaissance de leurs clients ou à des tiers les informations transmises par TRACFIN.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
L’adoption d’un tel dispositif permettrait aux avocats d’être informés des notes de renseignement échangées entre TRACFIN et l’Agence de prévention de la corruption, ce qui serait contre-productif et nuirait à l’enquête. Nous sommes ici à un stade administratif, certes très avancé, mais qui ne précède pas du tout une procédure de contrôle sur pièces.
La volonté du Gouvernement, qui est partagée par le Sénat, est d’encourager les échanges d’informations entre TRACFIN et l’Agence. Si l’information était délivrée aux avocats, le service de renseignement TRACFIN ne transmettrait tout simplement plus de notes à l’Agence, ce qui affaiblirait le système.
Je relève également qu’il est prévu de transmettre l’information aux avocats, tout en leur défendant de la communiquer à leur client, ce qui paraît tout de même extrêmement curieux. Ainsi l’avocat détiendrait-il des informations sur une procédure conduite contre son client, mais serait dans l’impossibilité, alors qu’il est le mandataire de celui-ci, de lui en parler.
M. le président. Madame Morhet-Richaud, l’amendement n° 12 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
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Chapitre II
De la protection des lanceurs d’alerte
Article 6 A
Un lanceur d’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.
Les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l’alerte défini par le présent chapitre.
Toute personne à l’origine d’un signalement abusif ou déloyal engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 226-10 du code pénal et de l’article 1240 du code civil.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 113, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Remplacer les mots :
Un lanceur d’alerte est une personne physique
par les mots :
Est considérée comme lanceur d’alerte toute personne
2° Supprimer les mots :
, dont elle a eu personnellement connaissance
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. En mentionnant le qualificatif « physique », ce texte, contrairement à la loi de 2013, limite la définition et la protection du lanceur d’alerte à un simple individu isolé, témoin d’un dysfonctionnement et seul acteur du signalement.
Dans le cas d’un accident sanitaire ou environnemental sans complaisance de la hiérarchie ou d’une simple erreur d’écriture comptable, il est vrai qu’une personne physique peut suffire à mettre en œuvre un traitement approprié. À la limite, on est davantage dans le cas d’une juste collaboration à la bonne exécution d’une tâche que dans le cas d’une alerte.
En revanche, quand le pouvoir hiérarchique qui est à même d’agir ne souhaite pas mettre un terme au désordre, pour des raisons d’image, de coût, de sous-estimation des conséquences ou de malhonnêteté, des pressions, intimidations ou sanctions peuvent décourager l’alerte d’une personne isolée. C’est pourquoi il est nécessaire de prévoir l’éventualité qu’une personne morale soit lanceur d’alerte, d’autant que, l’expérience le montre, le collectif est souvent facteur de rationalité, de pondération et de qualification de l’alerte. Le Conseil d’État en fait la proposition n° 4 de son rapport, en précisant page 59 que, « s’agissant des personnes morales, elles peuvent être conduites à jouer un rôle particulièrement utile de filtre ».
M. le président. L'amendement n° 151 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
dans le cadre de sa relation de travail
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je vais aller un peu à rebours de ce que dit notre collègue.
Il est effectivement nécessaire de protéger ce qu’on appelle « les lanceurs d’alerte », mais il est aussi nécessaire de faire en sorte que tout le monde ne se déclare pas lanceur d’alerte, sinon, cela risque de provoquer un certain nombre de dégâts.
Qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ? C’est quelqu’un qui est en situation de dépendance et qui a des informations que les autres n’ont pas. C’est typiquement la description d’une relation de travail ! C’est parce qu’il est dans une telle situation qu’il peut être l’objet de menaces ou de représailles.
Je le rappelle, nous avions déposé un amendement identique en première lecture, sur lequel le Gouvernement s’en était remis, si ma mémoire est bonne, à la sagesse de notre assemblée. Je ne pense pas qu’une telle proposition soit en contradiction avec les faits, la législation ou les avis rendus par le Conseil d’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Être lanceur d’alerte, ce n’est pas se voir décerner un brevet ou un titre de gloire. La définition de lanceur d’alerte vise essentiellement à assurer une irresponsabilité pénale et une protection contre les représailles de l’employeur.
Dès lors, cette définition n’a de pertinence que lorsqu’elle s’applique à une personne physique ayant une connaissance personnelle de l’information. À défaut, ce serait la porte ouverte à tous les abus. Ainsi, une rumeur pourrait être colportée par des associations sans que personne soit responsable des dommages.
La définition du lanceur d’alerte retenue par l’Assemblée nationale et soutenue par le Gouvernement donne satisfaction à la commission des lois. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 113, qui vise à permettre aux personnes morales de devenir lanceurs d’alerte.
L’amendement n° 151 rectifié vise à encadrer la définition du lanceur d’alerte, en limitant les informations pouvant être signalées à celles qui sont issues d’une relation de travail.
J’avais émis un avis de sagesse en première lecture sur un amendement similaire, et le Gouvernement avait été très à l’écoute de ce dispositif. Néanmoins, à la réflexion, notamment à la suite des débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale et dans le cadre de la commission mixte paritaire, je crois qu’une protection pénale peut et doit être accordée pour les violations de secret professionnel ne dépendant pas stricto sensu de la relation de travail. Je pense, par exemple, aux relations entre fournisseurs, qui sont des relations contractuelles et non pas des relations de travail.
Je vous propose, monsieur Collombat, de retirer cet amendement, dans la mesure où nous reviendrons sur cette question au moment de l’examen de l’article 6 C, qui est relatif à la procédure de signalement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. S’agissant de l’amendement n° 151 rectifié, je partage les arguments avancés par le rapporteur.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 113, il convient de lever toute ambiguïté, ce que le rapporteur a d’ailleurs fait dans son argumentaire. Qui a besoin d’être protégé ? La personne physique ! La personne morale, quant à elle, a la capacité juridique d’intervenir. Elle peut d’ailleurs le faire aujourd’hui.
L’objectif, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, n’est pas de remettre un certificat. Il est beaucoup plus profond et sérieux : il s’agit de protéger les lanceurs d’alerte. Qui a besoin de cette protection ? La personne physique ! Or c’est bien la personne physique que nous cherchons à protéger par le texte qui vous est aujourd'hui soumis, mesdames, messieurs les sénateurs.
Si mes arguments vous ont convaincue, madame Blandin, peut-être pourriez-vous retirer votre amendement.
M. le président. Madame Blandin, l’amendement n° 113 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Les arguments du rapporteur comme ceux du ministre seraient tout à fait pertinents si nous ne nous intéressions qu’à la protection du lanceur d’alerte. Or, je le rappelle, le traitement de l’alerte ne se réduit pas à la seule protection de l’émetteur. Il s’agit aussi de traiter le message et de permettre son instruction par les autorités ad hoc. Comprenez-le bien, mes chers collègues, si vous limitez la possibilité d’envoyer un tel message aux seules personnes physiques, vous passerez à côté de nombreuses alertes.
Tel est l’intérêt de cet amendement, que je maintiens, tout en sachant que je prêche dans le désert. Je vous signale toutefois qu’il s’agit d’une demande très forte de la plateforme des ONG qui s’est constituée sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. On aborde là le fond du problème, à savoir les enjeux.
Je comprends les arguments du rapporteur et ceux du ministre. Protéger la personne physique est effectivement une nécessité absolue. Quelques affaires, dont il a été fait état, nous ont tous sensibilisés à ce sujet. Mais doit-on limiter le travail législatif à la protection des personnes physiques ou bien élever le droit d’alerte à des niveaux suffisants pour l’inscrire complètement dans le mode de fonctionnement de notre société et nous assurer une complète protection ?
Le fait d’intégrer un caractère collectif, comme nous le suggère Mme Blandin par son amendement, permet davantage de défendre et de valoriser le droit d’alerte que la personne physique.
Pour ce qui concerne l’amendement de notre collègue Collombat, bien que j’en comprenne les motivations, il me paraît quelque peu contre-productif et en contradiction avec l’amendement n° 113. En effet, si on limite le lancement d’alerte au cadre du travail, le lanceur d’alerte devra forcément être une personne physique.
Par conséquent, nous voterons pour l’amendement n° 113, et nous nous abstiendrons sur l’amendement n° 151 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Mon cher collègue, le droit d’alerte ne doit pas être le droit de dire n’importe quoi en toute impunité. Sinon, ça va faire de sacrés dégâts ! Nous devons donc avoir le souci de ce que peut devenir cette fameuse alerte.
Au regard de nos débats à venir sur l’article 6 C, je retire l’amendement n° 151 rectifié. En effet, le cadre de la relation de travail est peut-être un peu trop restrictif. Sans doute vaudrait-il mieux retenir l’expression « situation de dépendance », qui serait sans doute plus appropriée.
M. le président. L’amendement n° 151 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 113.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 109, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
révèle ou signale
par les mots :
signale ou révèle
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Un observateur extérieur pourrait penser que nous pinaillons puisqu’il s’agit de remplacer les mots « révèle ou signale » par les mots « signale ou révèle ». Cependant, nous sommes ici pour bien faire la loi.
Le lanceur d’alerte que ce texte vise à protéger est de bonne foi et n’a pour but que l’intérêt général. Son alerte vise à enrayer un dysfonctionnement : pour y parvenir, le premier acte est donc de « signaler », c'est-à-dire de transmettre l’information, de préférence à celui qui est à même de trouver une solution et de la mettre en œuvre. Puis, en l’absence d’action, il peut devenir nécessaire de « révéler », c'est-à-dire de donner un caractère moins interne, moins confidentiel, à la diffusion de l’information.
Conformément à la progressivité que prévoit le texte dans d’autres alinéas, il semble donc plus logique d’inverser les verbes « révéler » et « signaler » à l’alinéa 1 de l’article 6 A. On retrouve d’ailleurs ce souci de progressivité dans la recommandation du Comité des ministres aux États membres, dans la communication du Conseil de l’Europe d’avril 2014.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à étendre la définition du lanceur d’alerte à celui qui révèle ou signale.
L’Assemblée nationale a conservé la position du Sénat sur l’emploi du verbe « signaler », et c’est une bonne chose. En effet, l’alerte est d’abord un signalement, qui peut ensuite, éventuellement, être rendu public. Aucune confusion ne doit être entretenue sur ce point.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 67, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après le mot :
foi,
insérer les mots :
une information relative à
II. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou déloyal
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Le présent amendement vise à contribuer à une définition claire, précise et cohérente du lanceur d’alerte. Il poursuit deux objectifs : mettre cet article en cohérence avec l’article 6 B et éviter une insécurité juridique.
L’article 6 A tend à préciser la définition de la qualité de lanceur d’alerte. Puisqu’il sera le ciment du futur statut du lanceur d’alerte, il convient selon nous d’être précis.
La formulation actuelle de cet article laisse entendre que les faits révélés ou signalés devront avoir connu la qualification juridique de « crime » ou « délit ». Or une telle qualification relève d’un magistrat. Par souci de cohérence, nous souhaitons que le lanceur d’alerte puisse révéler une information relative à un crime ou un délit, formulation faisant écho à l’article 6 B, qui mentionne la « divulgation » d’informations.
Par ailleurs, supprimer les mots « ou déloyal » nous permettrait d’éviter une insécurité juridique. En effet, la notion de loyauté est trop floue, trop large, différents niveaux de loyauté pouvant entrer en contradiction. S’agit-il d’une loyauté à l’égard de l’employeur ou de l’intérêt général ? Une telle formulation est trop compliquée pour rester en l’état.