M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Quant aux projections au-delà de 2017, elles se fondent sur des hypothèses macroéconomiques vraiment très théoriques. Voilà pourquoi nous ne pouvons souscrire aux satisfécits que se délivre le Gouvernement.
Le domaine de l’assurance maladie est certainement celui dans lequel notre scepticisme trouve le plus largement à s’exprimer. La réduction du déficit suppose plus de 4 milliards d’euros d’économies, qui sont loin d’être garanties, alors que le comité d’alerte estime que les dépenses d’assurance maladie seront plus dynamiques en 2017 qu’en 2016.
Comme le montre de manière très détaillée le rapport de la commission, près de 700 millions d’euros de charges entrant habituellement dans le champ de l’ONDAM seront imputés sur d’autres périmètres, le futur Fonds de financement de l’innovation pharmaceutique, par exemple, et financées par des ressources non pérennes issues de ponctions sur divers fonds ou organismes, y compris le FSV, pourtant si fortement déficitaire !
De même, l’an prochain encore, les transferts depuis la branche AT-MP vers l’assurance maladie atteindront un niveau record.
Si l’amélioration des résultats ne nous paraît pas traduire une tendance profonde au rééquilibrage des recettes et des dépenses, c’est parce que ce PLFSS comporte un peu trop de ces opérations de tuyauterie qui brouillent la lecture des comptes. C’est aussi parce que nous percevons, dans la soutenabilité du financement de notre système de santé, des tensions qui persistent et qui, parfois, s’aggravent.
Je pense, bien entendu, à la situation des hôpitaux, dont les personnels soignants ont exprimé leurs difficultés voici quelques jours. Il est clair qu’une partie des efforts de maîtrise de l’ONDAM se traduit par un report de charges sur le secteur hospitalier public, dont le déficit global pourrait atteindre, si j’en crois la presse, près de 600 millions d’euros en fin d’année.
Au-delà de cet aspect strictement financier, l’avenir de notre système hospitalier demeure lourd d’incertitudes. Il est aujourd’hui soumis à forte pression, tenu qu’il est de compenser les défauts de couverture ou d’organisation de la médecine de ville, sans pour autant verser dans un « hospitalo-centrisme » que l’on n’a de cesse de lui reprocher.
Nos établissements sont aujourd’hui engagés dans le lourd processus de constitution des groupements hospitaliers de territoire. Néanmoins, cette recomposition territoriale majeure est conduite sans qu’aient été levées toutes les hypothèques en termes de financement et d’organisation.
Dans ces conditions, il nous paraît vraiment inopportun de procéder à deux ponctions successives de 150 millions d’euros sur les fonds de l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier. C’est pourquoi notre commission a adopté un amendement visant à supprimer cette mesure pour 2017.
S’agissant de la branche famille, je ne reviendrai pas sur notre profond désaccord de fond avec le Gouvernement.
Notre politique familiale comporte, de longue date, de nombreux dispositifs destinés à répondre spécifiquement aux situations des familles dont les ressources sont les plus modestes. Il n’en demeure pas moins qu’elle reconnaissait aussi pour chaque foyer, indépendamment de son niveau de revenus, une forme de compensation des charges familiales. Or, avec la réduction combinée du quotient familial et des allocations familiales, cet élément constitutif fort de notre politique familiale est désormais dangereusement fragilisé.
J’aborderai en dernier lieu les retraites, pour contester l’idée selon laquelle l’équilibre des régimes serait désormais assuré pour plusieurs générations.
Tout d’abord, comme l’a souligné notre rapporteur, cette vision occulte les besoins de financement des régimes du secteur public, régimes qui sont, aujourd’hui, automatiquement couverts par des ajustements budgétaires, donc par le déficit de l’État.
De surcroît, cette vision s’appuie sur des hypothèses manifestement très optimistes, que se sont bien gardés de retenir les régimes complémentaires qui, quant à eux, ne peuvent recourir à l’emprunt ou compter sur des subventions d’équilibre.
À plusieurs reprises, le Gouvernement a dénoncé notre position, en l’attribuant à une approche punitive de la question des retraites. Est-ce vouloir punir nos concitoyens que de constater que, par rapport au début des années 1980, l’espérance de vie des Français a progressé de sept années, alors que leur âge de départ en retraite a diminué de trois ans, voire de quatre ou cinq ans pour ceux qui bénéficient du départ anticipé, c’est-à-dire environ un quart d’entre eux ? Cette situation constitue, objectivement, une source majeure de déséquilibre, qui pèse sur le montant des cotisations comme sur celui des pensions.
C’est pourquoi il nous semble que, à l’exemple des régimes complémentaires, avec souplesse et pragmatisme, il faudra adapter les paramètres qui régissent aujourd’hui les conditions de départ en retraite.
Voilà, très brièvement résumées, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales propose au Sénat de rejeter les objectifs de recettes et de dépenses du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord exprimer à Mmes les ministres et au président du Sénat, M. Gérard Larcher, nos remerciements pour les mots chaleureux qu’ils ont eus à l’égard de notre collègue, ami et camarade Paul Vergès.
Permettez-moi également de remercier les rapporteurs de la commission des affaires sociales du travail qu’ils ont accompli, même si je ne partage pas les enseignements qu’ils en tirent.
Nous abordons donc le dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale de ce quinquennat, qui est également le dernier avant les prochaines élections sénatoriales. Ce PLFSS – faut-il le souligner ici ? – a été adopté, à l’Assemblée nationale, à une courte majorité.
Qu’il nous semble loin, le temps où, en 2011, nous étions parvenus à faire adopter par notre assemblée des amendements communs de la gauche visant à faire figurer de nouvelles recettes dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 !
Vous vous félicitez, madame la ministre, d’avoir sauvé la Sécurité sociale, et vous refusez d’entendre que ce redressement se fait au prix d’une réduction drastique des dépenses de santé.
Certes, je suis attachée, comme tout parlementaire, à une bonne utilisation des fonds publics. Toutefois, la question qui nous est ici posée est celle du respect d’un droit fondamental : le droit à la santé pour toutes et tous. Or celui-ci est fortement remis en cause par les choix politiques que vous défendez.
Par ailleurs, nous ne partageons pas la vision tronquée et optimiste de ce sauvetage.
Tronquée, car, comme cela a déjà été signalé, vous omettez de prendre en compte dans vos calculs le Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV, pour affirmer que le déficit ne sera que de 400 millions d’euros. Or le déficit du FSV est, quant à lui, de près de 4 milliards d’euros !
Optimiste, car, comme l’a souligné le Haut Conseil des finances publiques, les prévisions de croissance sur lesquelles repose votre équilibre financier sont jugées peu réalistes.
Lors de votre audition par la commission des affaires sociales, vous avez déclaré : « L’équilibre de la Sécurité sociale n’est pas l’ennemi des droits sociaux. » Certes ! Vous m’avez en outre personnellement répondu que vous étiez parvenue à mettre en place la prise en charge à 100 % de l’IVG et de la contraception pour les mineures, que vous aviez développé le dépistage de certains cancers ou bien encore que vous aviez mis en place la généralisation du tiers payant.
Je ne conteste absolument pas que ces mesures ouvrent effectivement des droits nouveaux. Néanmoins, il me semble que les 4 milliards d’euros d’économies attendus sur la branche maladie pour 2017 ne sont guère facteurs, ou facilitateurs, de droits sociaux.
Non seulement je soutiens ces mesures, comme d’autres avancées contenues dans ce texte, mais – faut-il le rappeler ? – nous nous sommes mobilisés en leur faveur. Le problème, madame la ministre, est le suivant : pour parvenir à un budget en équilibre, vous demandez toujours aux mêmes de faire des sacrifices : aux assurés sociaux, aux patients et aux personnels de santé !
En effet, que vous l’admettiez ou non, c’est bien eux qui en subiront directement les conséquences, et cela alors que des milliards d’euros sont consacrés au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, et au crédit d’impôt recherche, ou CIR, dispositifs dont on ne peut que questionner la pertinence, comme l’ont très bien fait, récemment, mes deux collègues Brigitte Gonthier-Maurin et Marie-France Beaufils dans des rapports sénatoriaux.
D’une manière générale, madame la ministre, vous n’avez eu de cesse, durant ce quinquennat – c’est peut-être encore plus évident dans ce PLFSS –, d’obéir aux exigences de rigueur budgétaire et d’austérité imposées par Bruxelles.
Dans ce contexte, comment prétendre que l’accès à la santé est aujourd’hui meilleur qu’en 2012 ? Comment continuer à nier que le renoncement aux soins, pour raisons financières, ou bien par manque de professionnels, est toujours aussi inquiétant ?
Madame la ministre, pouvez-vous considérer que l’action du Gouvernement, pendant cinq ans, a porté ses fruits pour réduire les inégalités territoriales de santé, pour améliorer la prise en charge au sein des urgences, qui sont au bord de l’explosion, ou encore pour permettre aux médecins de ville de faire face à une surcharge de consultations ?
Toujours lors de votre audition par la commission des affaires sociales, vous m’avez affirmé ne pas avoir programmé la suppression de 22 000 postes hospitaliers, mais, tout au contraire, en avoir créé 30 000. Le problème est que ni le personnel de l’hôpital ni les syndicats n’en ont eu écho !
Dans la réalité quotidienne, les personnels vivent ces 22 000 suppressions de postes, que l’on peut notamment lier au non-remplacement des départs à la retraite ; ils vivent, au jour le jour, les fermetures de lits et de services, le manque de matériel, la réforme des 35 heures au sein de l’AP-HP, la gestion chronométrée de leurs tâches ou encore le manque de temps consacré à chaque patient.
Je rappelle que, depuis 2010, selon la Fédération hospitalière de France, ou FHF, de 1 000 à 1 200 lits de chirurgie ont fermé chaque année dans les hôpitaux publics, et que le syndicat majoritaire dans les hôpitaux publics évalue à 100 000 le nombre d’emplois qui manquent, aujourd’hui, dans les hôpitaux et les EHPAD publics.
Les groupements hospitaliers de territoire, ou GHT, que vous avez introduits dans la loi Santé, vont aggraver les choses en vous permettant, d’abord et avant tout, de réduire les budgets.
Quant au « virage ambulatoire », que vous parez de toutes les qualités, faut-il rappeler que vous ne prenez pas en compte, ou alors fort insuffisamment, les investissements à prévoir pour réorganiser et former les équipes soignantes et pour éviter que les patients et leurs familles ne subissent des sorties précipitées.
Je sais que votre cabinet a reçu il y a peu de temps l’association Jean-Louis Mégnien, du nom du professeur qui s’est suicidé, l’an dernier, à l’hôpital Georges-Pompidou de Paris, à la suite d’une longue période de harcèlement et de souffrance au travail.
Malheureusement, Jean-Louis Mégnien n’est pas la seule victime ; je veux donc profiter de notre débat pour lancer une alerte sur les drames vécus au sein des hôpitaux, sur le problème de gouvernance, sur le manque de moyens, ainsi que sur les conséquences de la loi HPST et, prochainement, de la loi Santé.
Voilà, parmi d’autres raisons, pourquoi j’ai demandé à ce que cette association soit officiellement auditionnée par la commission des affaires sociales. Je remercie à cet égard son président, M. Alain Milon, qui s’y est engagé dans le cadre d’un travail plus large sur la continuité des soins, la situation critique des urgences nous tenant particulièrement à cœur.
La souffrance au travail touche bien tous les professionnels de santé, dans le public comme dans le privé : je pense aux orthophonistes, aux gynécologues médicales, aux professionnels de la psychiatrie, ou encore aux infirmières, toutes professions qui ont l’impression de ne pas être entendues. Il y a véritablement non-assistance à personnes en danger !
Comment interprétez-vous, madame la ministre, le fort mouvement de grève qui a eu lieu, mardi dernier, à l’appel de la coordination nationale infirmière, qui rassemble dix-sept organisations professionnelles syndicales et associatives ?
Je puis vous dire, moi qui suis allée à leur rencontre, que ces professionnels du public comme du privé dénoncent le malaise soignant, mais aussi le silence ministériel face à leurs conditions d’exercice, à leur formation ou encore à la valorisation de leurs compétences et de leurs responsabilités.
Or ce PLFSS est loin de les rassurer ! Quand allez-vous ouvrir le dialogue ? Plus généralement, qui est rassuré par ce PLFSS ?
Prenons la branche maladie : c’est elle qui subit les économies les plus drastiques, pour pouvoir respecter l’ONDAM. Ce dernier, malgré une légère hausse, est toujours loin des besoins, d’autant que cette progression repose sur des restrictions budgétaires de l’ordre de 4,1 milliards d’euros.
Comment, à ce propos, ne pas s’insurger du détournement de 300 millions d’euros depuis le fonds de formation pour la fonction publique hospitalière ? Cette somme provient de la contribution obligatoire des employeurs, mais n’est pas allouée à la formation des soignants.
Quant aux autres branches ou secteurs, ils ne sont malheureusement guère mieux lotis.
La branche AT-MP est à nouveau excédentaire, mais que peut signifier ce résultat quand on sait qu’il est, surtout, le signe de la sous-déclaration chronique et de la non-reconnaissance des maladies professionnelles ? Je crains d’ailleurs que cette situation ne s’améliore pas, au vu de l’insuffisance du nombre d’inspecteurs du travail et de médecins du travail. C’est la conséquence d’une politique menée depuis de nombreuses années, que vous avez hélas poursuivie pendant ce quinquennat avec, notamment, les lois Rebsamen et El Khomri. Pourquoi ne pas dédier cet excédent à la prévention et à la réparation ?
Le secteur médico-social est également en souffrance : on constate un manque de reconnaissance et de valorisation de ces personnels, ainsi qu’une pénurie d’établissements. Nous dénonçons en outre avec force le prélèvement de 230 millions d’euros effectué sur les fonds de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Que dire de la branche famille, qui est certes à l’équilibre, mais, là aussi, à un lourd prix pour nos concitoyens ? Comment ne pas dénoncer, une nouvelle fois, la modulation des allocations familiales, qui remet en cause le principe d’universalité ?
La réforme du congé parental est à nos yeux un échec, comme nous l’avions prédit, puisque sa conception même n’incite évidemment pas les pères ou les familles à y avoir recours. Quant à la généralisation du dispositif GIPA, la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, à l’œuvre depuis le 1er avril dernier, si 23 000 demandes ont été adressées à la Caisse nationale d’allocations familiales, preuve du besoin de cette mesure, nous ne pouvons que nous interroger sur son plafond, fixé à environ 100 euros, quand on sait que le montant mensuel médian des pensions de famille s’élève à 150 euros.
Quant à la branche vieillesse, elle aussi est le symbole de votre politique : réduire coûte que coûte les déficits, quitte à remettre profondément en cause, dans la continuité des réformes engagées par la droite, l’acquis social que constitue l’âge légal de départ à la retraite.
À l’évidence, pour le Sénat, ce n’est jamais assez, puisque notre rapporteur, M. Gérard Roche, propose de « prévoir des mesures efficaces et rapides visant à retarder l’entrée dans la retraite pour diminuer les dépenses et non à équilibrer le système de retraites en augmentant les recettes. »
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Laurence Cohen. Notre groupe a mené de nombreuses auditions et reçu des interpellations de bien des organisations : la FNATH–Association des accidentés de la vie, l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, ou UNIOPSS, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, ou ANDEVA, la Coordination des associations des victimes de l’amiante et de maladies professionnelles, ou CAVAM, les syndicats de santé, les chirurgiens-dentistes, l’Association des paralysés de France, ou APF, ou encore les associations de retraités. Or je suis au regret de vous dire, madame la ministre, que personne ne partage votre satisfaction. Chacune de ces organisations, dans son propre domaine, est très inquiète.
Je veux ajouter que le retour à l’équilibre des comptes serait une bonne nouvelle s’il ne s’accompagnait pas de la poursuite, voire de l’amplification, de la suppression de postes au sein des organismes sociaux, URSSAF, CPAM et CAF. Ces choix ont des conséquences sur le public. Chacun d’entre nous se souvient ainsi du scandale des retraites impayées pendant des mois faute de personnel suffisant au sein de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Nord-Picardie ! Permettez-moi d’assurer les personnels de tous ces organismes du soutien de notre groupe.
Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots des articles 18, 51 et 52, consacrés aux médicaments et aux produits de santé.
Comme on le sait, les chiffres d’affaires réalisés par les industriels et autres laboratoires pharmaceutiques sont vertigineux. Des mesures intéressantes figurent bien dans ce PLFSS : nous les soutenons, nous les accompagnons. Pour autant, madame la ministre, à l’occasion de ce dernier PLFSS du quinquennat, pourquoi ne pas avoir eu le courage de créer un pôle public du médicament ? Ce pôle public, ainsi que les licences d’office, permettrait de répondre aux besoins de la population en sortant les médicaments du « tout marchand ».
Je viens de dénoncer la gravité des choix que vous avez faits pour ce PLFSS. En outre, je crains qu’ils ne soient encore aggravés par la majorité sénatoriale. D’ailleurs, est-ce un hasard si, en commission, la droite est apparue moins critique qu’elle ne peut l’être sur certains autres textes ? N’est-ce pas la preuve qu’elle trouve une certaine satisfaction dans ce texte de rigueur budgétaire, tout en relevant les jeux d’écritures et les transferts budgétaires visant à camoufler tel ou tel solde négatif ?
On a d’ailleurs assisté à une espèce de jeu de ping-pong entre Mme la ministre et M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales quant à la paternité de telle ou telle réforme. Nous savons bien néanmoins que l’hôpital public, ou encore l’accès aux soins des plus démunis, ne fait guère partie des priorités défendues par la majorité sénatoriale. Pour notre part, nous rejetterons tous les amendements qui tendraient à aggraver encore ce texte.
En revanche, comme chaque année, nous apporterons aussi notre pierre, en proposant des recettes nouvelles. Celles-ci sont à nos yeux la garantie d’une meilleure prise en charge des frais de santé, à l’instar du « 100 % » défendu par Ambroise Croizat. Elles sont aussi la preuve qu’il est possible d’améliorer les comptes publics par de nouvelles recettes, qui ne plombent pas davantage la santé des Français. Je manque de temps pour les détailler à cette tribune. Sachez en tout cas que nous nous battrons pour leur adoption !
En résumé, vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe s’opposera à ce PLFSS 2017.
Pour conclure, je laisserai la parole à Gilles Perret, réalisateur du film La Sociale, que je vous encourage très vivement à aller voir. Ce documentaire est au cœur de nos débats, puisqu’il retrace l’histoire de notre système de protection sociale.
Je cite donc ses propos, que je fais miens : « Le film démontre que la Sécu est moins chère, plus égalitaire et plus efficiente que les assurances privées. Il faut d’ailleurs marteler ce discours, tant il est difficile de le rendre audible face à une idéologie libérale omniprésente, qui veut imposer l’idée que la concurrence et le privé sont forcément les bonnes solutions.
« Alors, si l’archaïsme, c’est créer une société plus juste en redonnant à tous l’accès à la santé ou à des retraites décentes, si c’est donner des allocations aux familles pour élever leurs enfants, je me range bien volontiers dans le camp des archaïques ! » (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – MM. Jean Desessard et Hervé Poher applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Michel Amiel. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget, la santé, l’assurance vieillesse, voilà bien des sujets d’une extrême importance, qu’il conviendrait d’aborder avec le plus grand sérieux et, surtout, la meilleure projection à long terme, si nous voulons que notre système, non seulement perdure, mais puisse également être bénéfique et protecteur pour les générations à venir.
Ces lois de financement sont d’une complexité rare. Elles ont pourtant un impact sur chacun d’entre nous.
Pour autant, après avoir étudié ce texte, notamment grâce au travail poussé de nos rapporteurs, que je remercie, j’ai conclu que celui-ci, quoiqu’il fût ambitieux et novateur sur de nombreux points, manquait de rigueur budgétaire.
Je m’en explique : le Gouvernement n’a cessé de se féliciter du retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Toutefois, en y regardant de près, j’ai tendance à penser que le compte n’y est pas, ou du moins pas encore.
Tout d’abord, ce budget est construit sur une hypothèse de croissance du produit intérieur brut de 1,5 %, et ce malgré les mauvais résultats du deuxième trimestre 2016. Le maintien de cette prévision paraît optimiste, de l’aveu même du Haut Conseil des finances publiques, et ce à cause, notamment, des multiples inquiétudes pesant sur l’année 2017.
Toujours selon l’avis du Haut Conseil des finances publiques, la baisse des dépenses paraît « improbable ». En effet, les risques pesant sur celles-ci en 2017 sont plus importants que pour les années précédentes ; on peut ainsi noter de fortes incertitudes quant à la réalisation des économies de grande ampleur prévues dans l’ONDAM.
Je rappellerai à ce propos que les prévisions font actuellement état d’une progression de 2,6 % de la masse salariale, alors que, à moyen terme, comme le rappelait M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, pour que ce budget soit viable, il faudrait une augmentation de 4 %. Certes, tous les gouvernements ont abusé des transferts de branche à branche et d’astuces comptables.
Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir sur l’une des deux dépenses que je qualifierai de « hors cadre » par rapport à l’ONDAM. En effet, ce PLFSS instaure un Fonds de financement de l’innovation pharmaceutique. Ce fonds vise à faire face aux dépenses liées aux médicaments innovants, dépenses qui plombaient jusqu’à présent l’ONDAM.
Comme nous l’a montré le cas du Sovaldi et, surtout, l’enquête du Sénat américain, les prix fixés pour ces médicaments qui, je me permets de le rappeler, se révèlent miraculeux pour certaines pathologies, sont non seulement difficiles à évaluer, mais aussi souvent estimés en fonction du pouvoir de financement du payeur, à savoir, dans notre cas, de la Sécurité sociale.
Dès lors, retirer du tableau prévisionnel de l’ONDAM ce qui constituera dans les prochaines années l’essentiel des médicaments innovants me paraît relever de la simple écriture comptable.
Un autre artifice comptable est utilisé pour masquer notre dette sociale, notamment par le biais du Fonds de solidarité vieillesse. L’article 24 de ce texte montre, pour ce fonds, un déficit dix fois plus important que le reste des déficits de toutes les branches confondues : 3,8 milliards d’euros !
Ce budget, conçu sur une prévision de croissance optimiste et comportant, au moins, ces deux artifices comptables, manque aussi cruellement de vision à long terme. À ce propos, mes chers collègues, je ne comprends pas qu’un minimum de pluriannualité ne soit pas intégré dans notre processus budgétaire.
Pis encore, non seulement ce texte relance une débudgétisation, mais il manque encore de poser les bases des réformes structurelles nécessaires au maintien du bon fonctionnement de notre système de protection sociale.
Le peu de temps qu’il m’est donné pour discuter de ce texte capital m’oblige à me concentrer sur seulement deux sujets qui me paraissent, si vous me pardonnez l’expression, symptomatiques.
Tout d’abord, je reviendrai sur le problème du prix du médicament, qui est central dans la philosophie de notre système de santé.
Les progrès de la médecine sont, aujourd’hui plus que jamais, des progrès technologiques de pointe. On traite un cancer, non plus selon l’organe qu’il touche, mais selon les caractères génomiques qu’il présente. À bien des égards, le cancer tend à devenir une maladie chronique. Le progrès médical ne saurait cependant selon moi s’écarter de la justice sociale : notre système est là pour garantir un égal accès aux soins ; or l’accès aux soins reste imparfait.
Le fonds d’innovation prévu dans ce PLFSS n’est, à mon grand regret, qu’une solution de court terme. En outre, il ne devra son existence qu’au transfert de réserves de la section III du FSV, à hauteur de près de 900 millions d’euros, dont 220 millions d’euros pour la seule année 2017.
De fait, je m’oppose au financement de traitements coûteux par ce fonds d’innovation. Celui-ci risque de perturber plus que de raison le fragile équilibre financier de notre Sécurité sociale. Je m’y oppose, non pas par simple objectif d’économie, mais parce que le meilleur soin, pour qu’il soit accessible à tous, doit être pensé, y compris économiquement, sur le long terme.
Cette débudgétisation du financement du médicament n’est pas le seul problème : de manière générale, la fixation du prix des molécules mériterait une plus grande transparence de la part des laboratoires, ainsi qu’une meilleure coordination entre les entités qui en ont la charge.
Le second sujet qu’il me paraît impossible de ne pas aborder est celui de la couverture maternité des médecins. Voilà une semaine, sous le nom d’« appel du 7 novembre », une initiative, inédite en France, nous alertait une fois de plus sur les inégalités salariales entre hommes et femmes. Cette différence de rémunération est souvent liée, tout au long de la carrière, à la maternité.
Mme Catherine Génisson. Pas seulement !
M. Michel Amiel. Je me permettrai donc de mettre en perspective cette initiative avec la question de l’amélioration des droits sociaux des médecins et, notamment, des femmes médecins lors de la maternité.
Il y a de cela un mois, madame la ministre, vous annonciez des mesures visant à valoriser l’exercice médical à l’hôpital public, parmi lesquelles l’amélioration des droits sociaux, comme le maintien à 100 % de la rémunération pendant les congés maternité.
L’article 43 de ce PLFSS a soulevé de nombreuses protestations. En effet, dans la version adoptée par l’Assemblée nationale, il prévoyait le bénéfice d’une prestation maternité-paternité – la parité va dans les deux sens –, mais seulement pour les médecins liés par un contrat d’accès aux soins ou s’inscrivant dans le cadre de l’option de pratique tarifaire maîtrisée.
En séance publique, madame la ministre, vous rappeliez que cette prestation n’avait « pas été conçue comme un nouveau droit social, mais comme un élément d’attractivité vers certaines conditions d’exercice ».
Comment expliquer ce grand écart ? La mise en place de cette mesure d’amélioration des droits sociaux comprendra-t-elle le maintien de la rémunération, pendant le congé maternité, des jeunes contractuelles déjà en poste à l’hôpital ?