M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Cyril Pellevat, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la montagne nous réunit aujourd’hui. Elle est en effet un véritable trésor national, qui doit être préservé et valorisé par tous. L’objectif principal du présent projet de loi est de relancer la politique nationale de la montagne, en faveur d’un aménagement et d’un développement durables de ces territoires, ce dont je me réjouis.
Si la montagne est une destination touristique majeure en France et dans le monde, elle est d’abord un lieu de vie et d’activité pour plus de 6 millions de Français, soucieux de bénéficier de conditions de vie comparables à celles de leurs concitoyens dans d’autres territoires, tout en conservant les spécificités de ce cadre unique.
La montagne accueille également une économie riche et diversifiée. L’industrie de montagne représente 600 000 entreprises et 4 millions d’actifs. Le secteur du tourisme participe à hauteur de 15 % du PIB touristique du pays. Quant à l’agriculture, une exploitation sur six se trouve en montagne, qui regroupe 17 % de la surface agricole utile.
Enfin, grâce à son patrimoine naturel et culturel exceptionnel, la montagne occupe une place particulière dans l’identité de notre pays. Sa biodiversité unique, la beauté de ses paysages, l’immensité de ses forêts et son rôle de château d’eau naturel en font un bien commun de la nation.
Une politique de la montagne est donc indispensable pour aménager ces espaces en prenant en compte leurs spécificités, aussi bien en termes d’atouts que de contraintes. Car si la montagne partage avec la ruralité certaines caractéristiques, elle se singularise par des difficultés permanentes très fortes, liées au relief et au climat.
Le socle d’une telle politique a été créé par la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Je souhaite rappeler le caractère particulièrement novateur de ce texte, qui plaçait la montagne à l’avant-garde du développement durable, en lui traçant un avenir fondé sur des équilibres subtils, entre dynamisme économique et protection du patrimoine naturel.
Trente ans après, la montagne a globalement bien résisté à l’épreuve du temps. Toutefois, de nouveaux enjeux, comme le numérique et le réchauffement climatique, doivent être mieux pris en compte. Par ailleurs, la ligne de crête entre protection et développement des territoires de montagne reste étroite. Enfin, le droit commun a évolué, rattrapant parfois les dispositifs spécifiques adoptés par le législateur en 1985.
La loi Montagne s’est donc quelque peu affaiblie. C’est pourquoi les élus de la montagne souhaitaient depuis plusieurs années une relance de l’action publique, afin d’éviter toute banalisation de leurs territoires.
Prenant acte de ce souhait très vif, le Gouvernement a confié à nos collègues députées Annie Genevard et Bernadette Laclais la réalisation d’un rapport, pour identifier des solutions concrètes permettant l’actualisation de la loi de 1985. Remis au Premier ministre en septembre 2015, ce travail remarquable formulait une centaine de propositions, pour lancer un acte II de la politique de la montagne.
À partir de ce rapport, le Gouvernement a élaboré le présent projet de loi, en concertation étroite avec les élus et avec la mobilisation très forte de l’Association nationale des élus de la montagne et du Conseil national de la montagne, dont je souhaite souligner le rôle majeur pour accompagner la préparation et l’examen du texte. Une véritable démarche de coconstruction a ainsi guidé ce travail dès ses origines. Cette approche a été prolongée à l’Assemblée nationale, avec des échanges constructifs et transpartisans entre les différents groupes politiques, qui ont abouti à un texte particulièrement consensuel, adopté à la quasi-unanimité, comme l’a rappelé M. le ministre.
Témoignage de l’importance de la montagne pour notre assemblée et du souhait partagé par tous de poursuivre un examen transversal, cinq commissions permanentes du Sénat se sont mobilisées. Je souhaite, à cet égard, saluer mes collègues rapporteurs pour leur engagement et leur contribution sur ce texte : Patricia Morhet-Richaud pour les affaires sociales, Gérard Bailly pour les affaires économiques et Jean-Pierre Vial pour les lois.
Malgré des délais contraints, les différents rapporteurs ont mené au total plus d’une soixantaine d’auditions. Nous avons conjointement souhaité ouvrir nos travaux à l’ensemble des sénateurs de montagne, en vue de permettre au plus grand nombre de participer aux réflexions du Sénat sur ces sujets. Je salue, à cet égard, notre collègue Jean-Yves Roux, président du groupe d’études Développement économique de la montagne, pour sa mobilisation sur ce texte.
À l’issue de mes auditions, j’ai constaté que la grande majorité des organismes et personnalités entendus souhaitaient une stabilisation du texte adopté par l’Assemblée nationale, qui a été étendu à plusieurs sujets majeurs, comme l’accès à l’école et à la santé, l’aménagement numérique, le soutien aux activités agricoles ou encore la politique de l’eau. Si nous pouvons nous en féliciter, nous devons également être vigilants sur la qualité de la loi que nous adoptons. Comme vous le savez, il s’agit d’une priorité pour le président du Sénat. Ainsi, sans vouloir bouleverser les équilibres existants du projet de loi, nous avons conjointement souhaité apporter des améliorations au texte transmis.
En termes de méthode, je rappelle que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, saisie au fond sur le texte, a délégué une trentaine d’articles du projet de loi à la commission des affaires économiques, relatifs aux activités pastorales, agricoles et forestières, à l’urbanisme et au tourisme. Elle a également délégué une dizaine d’articles à la commission des affaires sociales, relatifs à la santé et au droit du travail. La commission des lois s’est de son côté saisie pour avis d’une large partie du texte. Enfin, la commission de la culture a procédé à une communication en commission sur les articles relatifs à l’enseignement scolaire. Au total, 115 amendements ont déjà été adoptés et intégrés au texte.
Notre commission a examiné au fond la majorité des articles du titre Ier, relatifs aux principes de la politique de la montagne, à la gouvernance de ces territoires et à l’accès aux services publics.
Sur cette partie du texte, nous avons apporté plusieurs précisions, notamment sur les objectifs de la politique de la montagne, sur les prestations de secours sur les pistes de ski et sur la prise en compte des délais d’accès dans l’organisation scolaire. Nous avons également supprimé quelques articles, jugés redondants par rapport au droit en vigueur.
Nous avons aussi ajouté une prise en compte des spécificités de montagne par le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. En termes de zonage, nous avons souhaité garantir le maintien du classement « montagne » dans les communes nouvelles et insérer un dispositif transitoire pour les communes sortant du classement en zone de revitalisation rurale.
Enfin, nous avons inséré des dispositions relatives à la gestion et à la prévention des risques naturels, en vue de renforcer l’expertise apportée par l’Office national des forêts aux collectivités de montagne.
Sur le titre II, relatif au développement économique, nous avons renforcé le volet numérique du texte, en apportant des précisions sur l’élaboration des stratégies de développement des usages et services numériques, sur l’exonération d’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, ou IFER, en faveur de la téléphonie mobile et sur la mutualisation des infrastructures passives. Nous avons également inséré des dispositions relatives à la constitution rapide d’une base nationale des adresses et à la contractualisation des projets privés de déploiement à très haut débit, en vue d’accélérer la couverture numérique des territoires.
Toujours dans ce même titre, nous avons adopté des précisions à l’article 16, relatif à la prédation des animaux d’élevage, afin d’assurer la conformité de cette disposition au cadre international et européen et d’éviter de nouveaux contentieux, tout en rappelant l’importance de préserver les activités d’élevage. Cet article nous semble désormais équilibré.
Enfin, au titre IV, relatif aux enjeux environnementaux, la commission a conservé les ajouts adoptés à l’Assemblée nationale sur la politique de l’eau et a souhaité supprimer l’inscription dans la loi de la possibilité de créer des zones de tranquillité dans les parcs nationaux, comme l’avait prévu l’Assemblée nationale pour les parcs naturels régionaux, constatant que ces initiatives sont déjà permises par le droit en vigueur.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, sur les articles examinés par notre commission, nous avons souhaité améliorer et renforcer le texte transmis à notre assemblée, sans le dénaturer ni bouleverser son périmètre général. Tout en souhaitant résolument poursuivre avec vous tous une démarche d’élaboration constructive et transpartisane, notre priorité lors de cet examen en séance est de permettre au Sénat d’adopter une loi utile, équilibrée et pérenne pour les territoires de montagne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis.
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement économique de la montagne est essentiel pour ces territoires. De ce point de vue, la loi de 1985 a plutôt bien réussi : la montagne ne s’est pas dépeuplée ; bien au contraire, sa population a progressé dans certains secteurs. On y compte aujourd'hui 6 millions d’habitants et des activités multiples : agriculture, exploitation forestière, tourisme ; il existe aussi une activité industrielle ou encore artisanale vivace dans beaucoup de massifs.
Toutefois, ce développement économique doit être accompagné en prenant en compte les spécificités de la montagne : saisonnalité, climats, éloignement, voire enclavement. Cet accompagnement existe à travers des dispositifs spécifiques : l’indemnité compensatoire de handicap naturel fournit, par exemple, une aide majorée aux agriculteurs. La montagne dispose aussi de modalités spécifiques de gouvernance à travers les comités de massif et le Conseil national de la montagne, pour piloter les politiques publiques dans ces territoires. Or nous devons moderniser ces territoires, par exemple, pour accélérer le déploiement des réseaux numériques ou encore pour donner un nouveau souffle à l’immobilier de loisir.
À l’Assemblée nationale, la commission des affaires économiques avait été saisie au fond de ce projet de loi. Au Sénat, c’est la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable qui est chargée du texte, mais elle a délégué vingt-six articles à la commission des affaires économiques, qui s’est aussi saisie pour avis simple sur treize autres articles. Nous n’avons pas proposé de bouleversements sur un texte voté par les députés à la quasi-unanimité, ce qui témoigne d’un assez large consensus. Nous avons adopté quarante-trois amendements qui ne remettent pas en cause l’économie générale du projet de loi.
Concernant l’agriculture, nous avons conforté les dispositions votées à l’Assemblée nationale : nous avons précisé le régime des conventions pluriannuelles de pâturage, nous avons encouragé la location des terres à des agriculteurs locaux par les associations foncières pastorales et autres propriétaires de terres en montagne, nous avons encouragé les GAEC à participer à des groupements pastoraux. Surtout, nous avons accepté d’exempter les agriculteurs de compensations, y compris financières, pour le défrichement de terrains de montagne non classés comme tels au cadastre. Nous souhaitons que l’on continue à formuler une demande de défrichement auprès de l’administration. Au bout de trois mois, ces demandes seraient déclarées positives. Il conviendrait donc que l’administration contrôle ces défrichements.
Nous avons encouragé la gestion différenciée des grands prédateurs, en veillant à ce que la prédation, notamment par les loups, fasse l’objet d’une régulation pour ne pas nuire à l’élevage dans les territoires de montagne. Espérons que cela ne restera pas un vœu pieux.
Nous avons aussi proposé une exonération de redevance pour prélèvement d’eau pour les petits canaux d’irrigation de montagne gérés collectivement, qui sont essentiels au maintien d’une agriculture familiale locale.
Concernant la forêt, les précisions apportées en matière de plan simple de gestion des propriétaires privés, le maintien de la possibilité de s’appuyer sur un code de bonnes pratiques sylvicoles pour bénéficier d’une présomption de gestion durable des forêts en zone Natura 2000 ou encore l’obligation faite à l’Office national des forêts d’instruire les demandes de dossiers de restauration des terrains en montagne, ou RTM, des collectivités territoriales vont dans le bon sens.
J’ai proposé de renforcer la reconnaissance du rôle de la forêt en montagne en créant un article spécifique dans la loi Montagne sur les soutiens dont elle doit bénéficier, principalement en ce qui concerne les difficultés d’exploitation et de desserte.
Par ailleurs, j’ai fait adopter un amendement proposant d’aligner les sanctions encourues pour coupe illicite en forêt publique sur le régime existant en forêt privée, pour plus de cohérence du droit forestier.
Concernant le logement des travailleurs saisonniers, sujet qui vous est cher, monsieur le ministre, comme vous l’avez encore rappelé il y a quelques instants, nous avons soutenu le dispositif de l’article 14 prévoyant une convention entre l’État et les communes touristiques sur le sujet, mais uniquement dans les communes où un diagnostic de situation montre que c’est nécessaire.
Concernant la rénovation de l’immobilier touristique en montagne, nous avons soutenu les dispositions relatives aux opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisir qui prennent en compte de nouveaux phénomènes : locations via des plateformes en ligne ou encore regroupement de lots.
Concernant l’urbanisme de montagne, nous avons proposé des simplifications administratives pour les unités touristiques nouvelles, en prenant soin de ne pas remettre en question le délicat équilibre auquel est parvenu l’article 19.
Concernant le tourisme, nous avons maintenu le renvoi à une ordonnance pour la transposition de la directive relative aux voyages à forfait. Nous avons aussi soutenu l’idée que Bpifrance intervienne en faveur des entreprises du secteur touristique. Nous avons permis la création par les collectivités de servitudes nouvelles sur le domaine skiable en dehors des périodes d’enneigement et encouragé les mesures en faveur du ski nordique.
Le sujet le plus délicat a été celui du maintien de la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme » dans le giron des communes et non des intercommunalités, comme le prévoit la loi NOTRe. Nous sommes parvenus, là encore, à un point d’équilibre satisfaisant.
S’agissant du numérique, la commission n’était saisie que pour avis et n’a pas proposé d’amendement, les dispositions prévues allant toutes dans le bon sens, celui de favoriser le déploiement des réseaux en zone de montagne.
Pour conclure, je dirai que le projet de loi Montagne II constitue une modernisation et un approfondissement des dispositions déjà existantes en faveur de la montagne. Mon message est simple : aidons les territoires de montagne à être des territoires d’excellence sur le plan économique, favorisons le développement d’activités multiples – agriculture, tourisme, industrie, artisanat, exploitation des ressources naturelles du sol et des forêts – qui se complètent utilement, car c’est la meilleure garantie du maintien d’un équilibre territorial absolument indispensable à la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis, à qui je souhaite le meilleur pour la présentation de son premier rapport.
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, saisie de douze articles, dont dix délégués au fond, la commission des affaires sociales partage globalement les orientations du projet de loi. Je me félicite des conditions dans lesquelles celui-ci a été élaboré, en association étroite avec les élus de la montagne. Je me réjouis également du large consensus exprimé à l’Assemblée nationale.
Le projet de loi s’inscrit dans la continuité de la loi Montagne de 1985, qui était une première étape cruciale pour mieux prendre en compte les spécificités de ces territoires ainsi que les besoins et les attentes de nos concitoyens qui y vivent. Les questions de santé et de travail y étaient essentiellement abordées au travers des enjeux liés à l’administration des collectivités territoriales, au développement des activités touristiques et à la saisonnalité. Or, depuis trente ans, le contexte a bien sûr changé ; le législateur doit prendre en compte de nouvelles réalités.
Les questions posées en matière d’accès aux soins et aux secours ont pris une importance de premier plan dans un contexte d’évolution des modes de prise en charge et de mutation des espaces de vie en montagne. Pour garantir un égal accès aux soins sur tout le territoire, il faut surmonter plusieurs obstacles, qu’il s’agisse des conditions de transport vers les lieux de prise en charge, des attentes des professionnels de santé quant à leurs conditions d’exercice ou encore de l’organisation de l’offre de soins et de la qualité du service dans un contexte de désertification médicale. Cependant, certains problèmes rencontrés dans les zones de montagne ne leur sont pas spécifiques et appellent des réponses coordonnées au niveau national.
Dans cet esprit, la commission des affaires sociales a souhaité distinguer les dispositions pouvant répondre aux besoins spécifiques de la montagne et celles qui, au contraire, seraient redondantes ou de nature à juxtaposer des dispositifs, au risque de nuire à la cohérence globale de la politique de santé.
Notre commission s’est donc montrée particulièrement favorable à l’article 8 octies, qui prévoit un élargissement limité des possibilités de recours à la propharmacie. Sur mon initiative, plusieurs clarifications rédactionnelles ont été apportées pour sécuriser le dispositif.
La commission a précisé le champ d’application de l’article 8 sexies, relatif à la prise en compte dans les schémas régionaux des besoins spécifiques de santé des habitants des zones de montagne. En revanche, elle n’a pas jugé opportun de maintenir l’article 8 quinquies, demandant un rapport au Gouvernement sur la compensation des surcoûts résultant de la pratique d’actes médicaux et paramédicaux en zone de montagne. Les principaux dispositifs en vigueur relèvent en effet des négociations conventionnelles avec les professionnels de santé et non directement du Gouvernement. D’autres dispositifs sont encore trop récents pour avoir fait l’objet d’une appropriation par les professionnels et donc pour être évalués.
En ce qui concerne les dispositions touchant au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle, la commission des affaires sociales a estimé qu’elles sont essentiellement de nature technique et de portée limitée. Elles ne soulèvent pas de difficultés majeures, même si certaines ont un champ d’application qui dépasse, là aussi, les seules zones de montagne.
Nous avons donc accueilli favorablement l’ensemble des articles du texte traitant de ces problématiques. En particulier, nous espérons que l’article 11 bis permettra la réussite de l’expérimentation du CDI intermittent en faveur des saisonniers. Prévue par la loi Travail, il faut maintenant la lancer dans les meilleurs délais. En outre, l’expérimentation prévue à l’article 12 rend éligibles à l’activité partielle, pendant trois ans, les régies de remontées mécaniques dotées de l’autonomie financière mais dépourvues de la personnalité juridique. Elle devrait mieux protéger les salariés en cas de réduction conjoncturelle de l’activité, liée notamment à un déficit d’enneigement. Comme j’ai pu m’en rendre compte durant mes auditions, elle soulève des difficultés juridiques non négligeables. C’est bien là l’intérêt de l’expérimentation, qui sera l’occasion de les identifier précisément et d’adapter le cadre juridique si nécessaire.
Vous l’aurez compris, la commission des affaires sociales est très favorable à ce texte, attendu par l’ensemble des acteurs qui font vivre les zones de montagne et par nos concitoyens. Il est le fruit d’une coconstruction originale, dépassant les clivages partisans et qui pourrait utilement être érigée en exemple pour d’autres projets de loi. C’est pourquoi j’espère que ce texte recueillera un large assentiment dans notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, adopté à la quasi-unanimité à l’Assemblée nationale, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a fait l’objet d’un important travail de concertation en amont avec le Conseil national de la montagne et l’Association nationale des élus de la montagne. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette méthode de travail.
La commission des lois s’est saisie pour avis de 29 des 74 articles du texte, qui concernent les grands principes applicables aux zones de montagne et à leur gouvernance, le rôle des collectivités dans l’organisation du tourisme et, enfin, l’adaptation des règles d’urbanisme en montagne et l’encouragement à la réhabilitation de l’immobilier de loisir.
La commission des lois a considéré que ce texte répondait aux principaux enjeux des territoires de montagne, mais qu’il convenait de le simplifier sur certains points et de le compléter sur d’autres. Elle a déposé trente-trois amendements en ce sens, dont trente ont été adoptés ou satisfaits par les commissions saisies au fond. Je me félicite de cet esprit de coconstruction du projet de loi. Je veux à ce titre remercier M. le rapporteur Cyril Pellevat et M. le rapporteur pour avis Gérard Bailly, pour leur écoute tout au long de nos travaux. Je veux aussi saluer la qualité du travail de Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
J’aimerais vous présenter, en quelques mots, les principales modifications proposées par la commission des lois.
S’agissant des grands principes applicables aux zones de montagne, la commission des lois a proposé de fixer à l’État un objectif d’évaluation et de prévention des risques naturels en montagne. Le service de restauration des terrains en montagne, ou RTM, apporte une expertise précieuse et irremplaçable en la matière. Il doit être préservé et conforté.
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour avis. La commission des lois a souhaité préciser l’articulation de la loi Montagne avec le dispositif des communes nouvelles.
Concernant le transfert de la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme » aux communautés de communes et communautés d’agglomération, prévu par la loi NOTRe, la commission des lois a approuvé le principe proposé à l’article 18, déjà longuement évoqué, d’une dérogation pour les communes touristiques érigées en stations classées de tourisme, ou en voie de l’être, tout en encadrant ce dispositif.
Enfin, sur l’adaptation des règles d’urbanisme aux zones de montagne, la commission des lois a souhaité simplifier la procédure des unités touristiques nouvelles prévue à l’article 19, afin d’assurer son efficacité.
Très peu de sujets n’ont pas fait l’objet de consensus au stade de la commission. Nous débattrons plus en détail à l’occasion de l’examen des amendements de deux d’entre eux.
Concernant la gouvernance du Conseil national de la montagne, la commission des lois souhaite que chaque assemblée détermine elle-même les modalités de désignation de ses représentants conformément à la pratique et aux règles en la matière.
Concernant la simplification des règles d’urbanisme applicables aux parcs naturels régionaux français, la commission des lois propose d’introduire un article additionnel après l’article 20 B pour permettre à la charte d’un parc de valoir SCOT, dans le prolongement de la loi ALUR. Nous aurons l’occasion d’y revenir, monsieur le ministre.
Vous me permettrez, mes chers collègues, d’aborder maintenant quelques sujets au cœur des enjeux de la montagne, comme de la ruralité d’ailleurs.
Les infrastructures routières, autoroutières et de transport sont par exemple des enjeux majeurs pour la desserte des territoires. J’en resterai néanmoins, pour ma part, au volet des communications, qu’il s’agisse de la téléphonie mobile ou du numérique. Les précédents orateurs se sont déjà appesantis sur cette question, mais je souhaite à mon tour insister sur son importance.
Nous, sénateurs, avons reçu le courrier adressé à la présidente de l’ANEM par les opérateurs, dans lequel ils attestent de leur engagement à tout faire pour assurer un meilleur service. J’en suis ravi ; mais je n’en suis aucunement rassuré.
Concernant la téléphonie mobile, je me permets de rappeler aux opérateurs que le Sénat, sur l’initiative de Bruno Sido, avait adopté il y a quelques années le principe de l’itinérance, auquel ils s’opposèrent immédiatement. Ils avaient alors pris des engagements dont on constate aujourd’hui, hélas, le résultat : la persistance de zones blanches.
Ce refus de l’itinérance ainsi que la non-utilisation du réseau des antennes de TDF, qui avaient d’ailleurs été largement financées par les collectivités, constituent aujourd’hui un des handicaps des territoires ruraux et de la montagne plus particulièrement, handicap que nous payons chèrement et dont il nous faudra courageusement sortir. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai les amendements qui seront défendus sur ce sujet par Patrick Chaize.
La couverture numérique obéit en partie aux mêmes enjeux.
Le principe de mutualisation aurait dû s’appliquer, selon la théorie du timbre-poste – principe défendu à Bruxelles au nom de l’exception française –, sur l’ensemble du territoire. Là encore, les opérateurs se sont précipités pour faire accepter le principe des zones AMII, les zones d’appel à manifestation d'intentions d’investissement, censées pouvoir couvrir plus rapidement le territoire national. Aujourd'hui, nous nous apercevons que les engagements pris dans ce cadre ne sont pas tenus. C’est donc l’ensemble de nos territoires qui se retrouvent en grande difficulté.
Je voudrais terminer en évoquant un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir, monsieur le ministre : la construction en station.
Nous sommes confrontés au télescopage des règles des plans locaux d’urbanisme, par lesquelles les maires de communes où se trouvent des stations doivent construire sur des surfaces de plus en plus faibles, d’où l’envolée des prix, et de la loi ALUR, qui autorise les propriétaires fonciers à construire et densifier, alors même que les maires des communes abritant des stations ont fait des efforts pour maîtriser l’urbanisation en montagne.
Nous aurons l’occasion, monsieur le ministre, mes chers collègues, de revenir sur ces points. Il y va de l’avenir économique de nos montagnes et de nos stations ainsi que du maintien des populations sur ces territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)