compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Claude Haut,

Mme Colette Mélot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 8 décembre 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Hommage à Jean-Claude Frécon, sénateur décédé

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec une profonde émotion que nous avons appris samedi, au moment où nous sortions de la collégiale Notre-Dame de Crécy-la-Chapelle, le décès brutal de notre collègue Jean-Claude Frécon. (M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Je l’avais rencontré mardi, dans la soirée, à la questure de l’Assemblée nationale ; nous nous étions cordialement adressé un signe amical.

Je serai demain auprès de lui, avec le président du groupe socialiste et républicain, M. Didier Guillaume, avec Mme la présidente la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et un certain nombre de collègues, dans sa commune dont il fut si longtemps l’élu.

Jean-Claude Frécon était sénateur de la Loire depuis 2001. Je prononcerai son éloge funèbre ultérieurement, mais je tenais d’ores et déjà à saluer sa mémoire.

Directeur d’école, Jean-Claude Frécon fut conseiller municipal de Pouilly-les-Feurs à partir de 1971, puis maire de cette commune entre 1983 et 2006 et conseiller général de la Loire de 1979 à 2003. Élu sénateur en 2001, il fut réélu en 2011.

Au sein de notre assemblée, il siégea successivement à la commission des lois, puis à la commission des finances, dont il fut vice-président pendant trois ans, et, enfin, à la commission de la culture. Nous lui devons plusieurs rapports, dont, en 2009, un rapport sur la sécheresse de 2003, rédigé avec notre collègue Fabienne Keller.

Défenseur passionné des territoires ruraux et de leurs services publics, partisan de toujours de la décentralisation, il fut vice-président de l’Association des maires de France, de 1988 à 2006. Il attachait une grande importance à un sujet que nous avions en partage : la présence territoriale de la Poste. Il présida à ce titre l’Observatoire de la présence postale.

Cet Européen convaincu avait exercé des responsabilités importantes au sein du Conseil de l’Europe, dont il devait présider successivement la Chambre des pouvoirs locaux et, jusqu’à octobre dernier, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, que j’avais d’ailleurs reçu avec lui, ici, au Sénat.

Ceux qui l’ont accompagné se souviennent d’un homme convivial, sincère et généreux, doté d’un grand sens de l’écoute. Consciencieux et scrupuleux dans l’exercice de ses mandats, il ne ménageait ni son temps ni sa santé pour mener de front ses responsabilités locales, parlementaires et européennes, avec pour seule constante la recherche de l’intérêt général.

Sa dernière lettre, adressée à un certain nombre de collègues, dans laquelle il faisait part de sa décision de ne pas se représenter témoignait également de cet engagement. Il s’en était d’ailleurs entretenu avec moi.

Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à sa famille – je pense notamment à son fils Éric, que nous sommes quelques-uns à avoir joint au téléphone –, à ses proches, aux Pouillerots, ainsi qu’au président et aux membres du groupe socialiste et républicain.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose d’observer un instant de recueillement en sa mémoire. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

3

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 9 décembre 2016, le texte de deux décisions statuant sur la conformité à la Constitution, d’une part, de la loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte et, d’autre part, de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Acte est donné de cette communication.

4

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le 9 décembre 2016, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés et soixante sénateurs, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

Le texte de la saisine est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

5

Commission mixte paritaire

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

6

Décisions du Conseil constitutionnel sur trois questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 9 décembre 2016, trois décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur : l’exécution provisoire des décisions prononcées à l’encontre des mineurs (n° 2016-601 QPC) ; l’incarcération lors de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen (n° 2016-602 QPC) ; le délai de rapport fiscal des donations antérieures (n° 2016-603 QPC).

Acte est donné de ces communications.

7

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 9 décembre 2016, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État lui a adressé une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le I de l’article 1389 du code général des impôts (Dégrèvement de taxe foncière sur les maisons vacantes et immeubles inexploités) (2016 612 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la Séance.

Acte est donné de cette communication.

8

 
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Discussion générale (suite)

Modernisation, développement et protection des territoires de montagne

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (projet n° 47 rectifié, texte de la commission n° 192, rapport n° 191 et avis nos 182, 185, 186).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le président, avant d’entamer l’examen du projet de loi relatif à la montagne, je souhaite, au nom du Gouvernement, m’associer aux propos que vous venez de tenir et saluer la mémoire de Jean-Claude Frécon.

Il aurait été heureux de participer à ce débat, lui qui avait une véritable passion pour les territoires, pour leur défense, pour la protection des services publics, en particulier – vous l’avez dit, monsieur le président – la présence postale, tellement indispensable en ces secteurs.

Je l’ai connu lorsque je siégeais au sein de la Haute Assemblée. C’était un homme d’engagement, d’enthousiasme, de rigueur, de convictions et de tolérance.

Je veux donc, au nom du Gouvernement, présenter toutes mes condoléances à sa famille et exprimer mon amitié au groupe socialiste, dont Jean-Claude Frécon était l’un des membres très actifs, ainsi qu’à son président, Didier Guillaume.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, historiquement, les territoires de montagne ont toujours constitué une marge, une marche et une périphérie. Leurs habitants ont, quant à eux, longtemps été plus pauvres qu’ailleurs, marginalisés et régulièrement, disons-le franchement, méprisés.

Le plus souvent situés aux frontières, nos massifs n’en ont pas moins été stratégiques, en matière de défense notamment.

Par leurs positions, ils ont pu constituer des abris dans les temps troublés. La région autour, par exemple, du village du Chambon-sur-Lignon résume à elle seule ce statut de « montagne refuge », elle qui fut la terre d’accueil, successivement, des huguenots, des républicains espagnols, et de milliers de juifs, au point d’être érigée au rang de « village de Justes ».

Mais, au-delà de la majesté de ces paysages, les hommes, grâce à leur génie, ont su tirer profit des fortes contraintes de ces espaces – altitude, dénivelés, climats… – pour les développer et les sortir de l’enclavement. L’hydroélectricité, l’industrie, la sidérurgie, puis le tourisme ont été autant de vecteurs d’attractivité et de prospérité.

Mais on ne saurait appréhender correctement les massifs français sans reconnaître leur caractère profondément hétérogène, tant de leur topographie que de leurs paysages, de leurs atouts et de leur histoire.

Par leur fragilité et leur diversité, ces espaces appellent une attention adaptée et sans cesse renouvelée.

En cela, la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, ou loi Montagne, a constitué un acte fondateur en établissant le principe « d’adaptation, en tant que de besoin, aux spécificités » de nos reliefs.

Intervenant après les décennies du « plan neige », de 1964 à 1977, elle reposait sur un juste équilibre entre le nécessaire développement de ces territoires et l’impératif de protection de leur environnement.

Trente ans, plus tard, nous pouvons mesurer le caractère visionnaire de ce texte et l’ampleur des innovations qu’il comportait : définition des zones de montagne, mise en place d’instances représentatives, comme le Conseil national de la montagne ou les comités de massif. En matière d’aménagement, il introduisait aussi d’indispensables dispositifs de maîtrise de l’urbanisme et créait les unités touristiques nouvelles.

Tout précurseur qu’il fut, et qu’il demeure, ce texte d’envergure a besoin d’être actualisé. Ce constat est, je le crois, partagé de tous.

Depuis 1985, nombreuses furent les mutations sur les plans économique, environnemental et social. Les modes de vie ont changé, les besoins des habitants ont évolué. Il devenait impérieux de donner aux territoires de montagne la capacité d’y apporter des réponses adaptées.

Afin de défricher le terrain, Manuel Valls, alors Premier ministre, avait commandé aux députées Annie Genevard et Bernadette Laclais un rapport, remis au mois de septembre 2015. Il y était proposé de refonder le pacte entre l’État et les territoires de montagne, afin de répondre aux grands enjeux actuels.

Le projet de loi que je présente devant vous s’en inspire largement, même s’il ne résume pas à lui seul la politique que le Gouvernement met en œuvre en faveur de nos massifs.

Pour aboutir à ce texte, une approche transpartisane a toujours prévalu, associant directement et constamment les acteurs de la montagne : parlementaires – le rapport a été commandé, je le disais, à une députée de la majorité, Bernadette Laclais, et à une députée de l’opposition, Annie Genevard, et elles ont travaillé main dans la main pour l’élaborer –, élus locaux, associations représentatives d’élus locaux, et tous les acteurs, qu’ils soient publics ou privés.

Cette approche a permis de définir un cadre d’échanges, mais aussi un calendrier, fixant une adoption avant la fin de l’année. C'est la raison pour laquelle nous essayons d’aller vite en ces derniers jours de l’année 2016.

Cet esprit de responsabilité et cette recherche du consensus ont perduré tout au long des débats à l’Assemblée nationale. Il fut notamment facilité, je l’ai dit, par la désignation inédite de deux corapporteurs, l’une de l’opposition, l’autre de la majorité.

Cet « attelage », si vous me permettez l’expression, a permis d’enrichir substantiellement le texte, qui est passé de vingt-cinq articles lors de sa présentation à l’Assemblée nationale à soixante-quinze articles lors du vote.

Permettez-moi donc de vous en présenter les grandes orientations. Nous pouvons les regrouper autour de quatre grands axes, correspondant chacun à un titre du projet de loi.

Le titre Ier traite de la prise en compte des spécificités des zones de montagne et de celles qui peuvent exister dans chaque massif.

Montesquieu n’écrivit-il pas, dans De l’Esprit des lois, que ces spécificités « doivent être relatives au physique du pays ; au climat glacé, brûlant ou tempéré ; à la qualité du terrain, à sa situation, à sa grandeur; au genre de vie des peuples laboureurs, chasseurs ou pasteurs » ?

Ce texte réaffirme donc le principe d’adaptation des politiques publiques à ces particularités, éventuellement sous la forme d’expérimentations.

Dans cette partie, les députés ont apporté plusieurs améliorations.

Ils ont précisé les objectifs spécifiques des politiques publiques, en détaillant les différents domaines d’intervention, comme l’usage partagé de la ressource en eau, la prise en compte des temps de trajet dans l’organisation scolaire en montagne ou la représentation équitable des territoires de montagne.

De la même manière sont détaillés les domaines pour lesquels s’applique le principe d’adaptation de l’action publique.

Le titre Ier vient également renforcer le CNM, le Conseil national de la montagne, dans ses missions et dans sa représentation. Il sera désormais doté d’un vice-président, par ailleurs président de la commission permanente, qui assurera un fonctionnement plus régulier de cette instance. Ce vice-président pourra en outre saisir directement le Conseil national de l’évaluation des normes.

Le renforcement des institutions concerne également les comités de massif.

Sur la thématique de la santé, l’Assemblée nationale a adopté plusieurs dispositions complétant le schéma régional de santé d’un volet de prise en compte des besoins spécifiques aux populations des territoires de montagne et des temps raisonnables d’intervention des secours. Elles prévoient également la participation d’un membre du comité de massif au conseil territorial de santé.

La difficile et déterminante question du numérique et de l’accès à la téléphonie mobile, qui se pose avec plus d’acuité encore dans les zones de montagne, est évidemment abordée.

Le premier chapitre du titre II vise à adapter les investissements publics aux fortes contraintes du relief. Il facilite l’expérimentation de technologies de substitution à la fibre, comme les connexions radio ou satellitaires, qui ont connu des innovations notables, ces dernières années.

J’en profite pour rappeler, en sortant un peu du cadre de ce texte, qu’avec le programme de résorption des zones blanches, dont beaucoup se situent en altitude, l’État prend en charge l’intégralité du coût de construction des pylônes permettant aux opérateurs de relier les centres-bourgs au réseau mobile, au minimum en 3G, d’ici à mi-2017.

En dehors des centres-bourgs, 1 300 sites seront également équipés en 3G, puis en 4G, d’ici à 2019. Je le rappelle, à l’origine, la date prévue était 2022.

L’État participe, là aussi, au financement des pylônes, jusqu’à 75 000 euros pour ceux qui sont situés en zone de montagne ; cela représente plus de 42,5 millions d’euros de subventions.

À l’Assemblée nationale, comme ici, cette partie du texte a donné lieu à des échanges intenses et à de nombreux amendements, priorisant la montagne dans le cadre du programme de couverture des zones blanches ou incitant au déploiement des services numériques.

Cela ne fait que confirmer l’importance et la sensibilité de ces thématiques ; je le savais déjà. Nous aurons largement l’occasion de revenir sur vos propositions pour accélérer l’accès à ces technologies sur tout le territoire.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le deuxième chapitre aborde un autre enjeu d’envergure : le travail saisonnier et la pluriactivité.

Dans ce cadre, plusieurs mesures visent à mieux prendre en compte ces particularités, que ce soit dans la formation professionnelle ou dans l’accès aux services par ce type de salariés.

L’expérimentation d’un dispositif d’activité partielle pour les agents contractuels saisonniers de régie est également proposée pour leur offrir une plus grande sécurité des parcours professionnels, en fiabilisant aussi le fonctionnement des régies dans les stations de ski.

En outre, pour répondre aux difficultés immenses que rencontrent les saisonniers dans l’accès au logement, et dont les conséquences sont parfois dramatiques – certains sont morts de froid dans leur mobil-home, leur camping-car ou leur voiture –, plusieurs actions sont proposées : la mobilisation de logements vacants par les bailleurs sociaux pour les attribuer en « intermédiation » locative, ou la mise en place de plans d’action concertés entre les communes et les acteurs locaux de l’habitat.

Favoriser le développement économique des massifs implique aussi d’encourager des secteurs vitaux pour la montagne. Je pense en particulier à l’agriculture et au tourisme.

La place de l’agriculture, et plus particulièrement, le pastoralisme, a été confortée lors de l’examen à l’Assemblée nationale en favorisant cette activité, notamment sous la forme de groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC.

Le projet de loi vise également à une meilleure reconnaissance de l’agriculture de montagne et des soutiens qui lui sont nécessaires.

J’en viens aux grands prédateurs. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Je note que les prédateurs ne sont pas les mêmes selon les massifs.

M. Loïc Hervé. La Bête du Gévaudan ! (Sourires.)

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Dans certains endroits, c’est le loup ; dans d’autres, c’est l’ours…

M. Michel Savin. Le lynx !

M. Jean-Michel Baylet, ministre… ou le lynx. On a même évoqué le rat taupier à l’Assemblée nationale ! (Sourires.)

Mme Cécile Cukierman. Dans certains territoires, c’est un vrai problème !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Après de longs débats très engagés, l’Assemblée nationale a adopté un principe d’adaptation des moyens de lutte à la situation particulière de chaque massif, dans des termes atteignant désormais un point d’équilibre qu’il me semble souhaitable de préserver.

Parmi les autres mesures prévues dans le projet de loi, je veux citer la dérogation au transfert de la compétence « promotion du tourisme » pour les communes classées « stations de tourisme ».

Vous le savez, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, a prévu de confier cette compétence de manière absolue aux établissements publics de coopération intercommunale, au plus tard au 1er janvier 2017. Cette disposition a suscité les craintes de certaines communes, attachées à leur notoriété et leur identité propre. Je les ai entendues, et le Gouvernement aussi.

L’article 18 initial apporte une souplesse permettant aux communes « stations classées de tourisme », ou en cours de classement, de conserver cette compétence, sous réserve d’une délibération adoptée par le conseil municipal avant le 1er janvier 2017. Celles qui n’obtiendraient pas ce label perdraient naturellement le bénéfice de la mesure.

Les députés ont également souhaité préciser la notion de « classement en cours ». Pour ma part, je ne reviendrai pas sur les élargissements adoptés, même si je ne vois pas d’inconvénient – nous en avons discuté en commission – à parfaire la rédaction actuelle.

Quoi qu’il en soit, l’application de cette dérogation est bien sûr soumise à l’adoption de ce texte avant la fin de l’année. C’est ce qui explique la date exceptionnellement rapprochée de la commission mixte paritaire.

Toujours dans le secteur touristique, le texte prévoit des assouplissements pour faciliter la réhabilitation de l’immobilier de loisir. Il s’agit ainsi de lutter contre le phénomène dit des « lits froids », qui s’est fortement développé ces dernières années.

Couplée à la mesure du projet de loi de finances pour 2017, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, réorientant le dispositif fiscal dit « Censi-Bouvard » vers le soutien à la réhabilitation des résidences de tourisme, cette disposition devrait avoir un effet concret pour les propriétaires de résidences en montagne et favoriser ainsi la rénovation de l’existant plutôt que d’encourager sans discernement les constructions neuves.

Dans le cadre des opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisir, les ORIL, un amendement adopté à l’Assemblée nationale a introduit une obligation d’information des copropriétaires en cas de vente d’un logement en résidence touristique.

Le projet de loi modifie également la procédure des unités touristiques nouvelles, les fameuses UTN. Initialement prévue dans le cadre d’une ordonnance à l’article 106 de la loi d’août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, j’ai souhaité, à la demande de l’ANEM, l’Association nationale des élus de la montagne, que cette réforme soit finalement inscrite dans le texte et puisse faire l’objet d’un débat au Parlement.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Quand je vois l’ampleur que les discussions ont prise, je ne suis pas sûr d’avoir bien fait eu égard à mon confort personnel. (Sourires.) Quoi qu’il en soit, je ne désirais pas qu’un sujet aussi important pour le développement économique et pour la maîtrise de l’urbanisme dans les zones de montagne passe par la voie de l’ordonnance. Nous allons donc en débattre ensemble.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. La concertation préalablement engagée avec les associations d’élus et les représentants des professionnels du secteur – je pense en particulier à Domaines skiables de France – s’est prolongée tout au long de la discussion.

L’objectif de la réforme des UTN était de concilier planification de ces projets par les élus et souplesse pour répondre, dans des délais rapides, à des projets nouveaux, sans renoncer à l’indispensable maîtrise de l’urbanisme et de l’espace par les élus, ni au respect des lois en vigueur. C’est la raison pour laquelle nous avons conservé une procédure particulière en dehors des SCOT, les schémas de cohérence territoriale.

Après un échange nourri, un accord a été trouvé à l’Assemblée nationale sur une procédure spécifique aux territoires de montagne permettant la mise en compatibilité des documents d’urbanisme nécessaires à la réalisation d’UTN qui n’auraient pas été prévues dans les documents d’urbanisme : SCOT, PLU et, demain, PLUI. Cette procédure intégrée, et encadrée dans le temps, permettra de donner aux opérateurs de la visibilité et aux élus de conserver la maîtrise du développement immobilier sur leur territoire.

Cet accord exigeant, qui s’est attaché à répondre aux difficultés soulevées, a permis la validation de l’ensemble de la réforme des UTN. Il me paraît sage, là encore, de ne pas remettre en question ce point d’équilibre auquel nous sommes parvenus, non sans difficulté.

S’agissant des politiques environnementales, enfin, une disposition du projet de loi vise, dans les territoires de montagne, à renforcer le rôle des parcs naturels régionaux, notamment afin d’améliorer la protection de la biodiversité.

Par ailleurs, et sans imposer une réglementation supplémentaire, est ouverte la possibilité de mettre en place des « zones de tranquillité » afin de concilier les différents usages tout en permettant de préserver le développement des espèces animales et végétales qui s’y trouvent.

S’agissant des « zones de tranquillité » envisagées dans le projet de texte initial, un accord a également été trouvé avec les députés en réservant aux seuls parcs nationaux la possibilité – je dis bien la possibilité – de créer ces espaces de quiétude pour favoriser et protéger le développement d’espèces animales et végétales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en lien avec la commission des affaires économiques, la commission des affaires sociales et la commission des lois, a, à son tour, grandement fait évoluer le texte de l’Assemblée nationale de manière très constructive en adoptant, la semaine dernière, plus d’une centaine d’amendements. Je veux saluer le travail des rapporteurs, qui a permis des améliorations significatives, tant dans la qualité rédactionnelle du texte que par l’apport de plusieurs précisions. Je note également la suppression de dispositions redondantes, sur lesquelles vous aviez appelé mon attention en commission, ou inapplicables, ainsi que de plusieurs demandes de rapports au Gouvernement, certains étant d’ailleurs déjà prévus par la législation en vigueur. Vous connaissez ma position sur la multiplication des rapports. Je ne peux donc qu’approuver ces modifications.

Sur la question du numérique, des amendements ont permis de préciser quelques-unes des dispositions introduites à l’Assemblée nationale et de les compléter par des mesures nouvelles sur le fichier normalisé des adresses ou sur la transparence des engagements souscrits par les opérateurs à l’issue de l’appel national à manifestation d’intentions d’investissement de 2011.

Dans l’ensemble, le travail de la commission s’est inscrit, et je vous en suis reconnaissant, dans le cadre de l’équilibre général trouvé avec les députés. Sur deux des sujets emblématiques du débat à l’Assemblée nationale, je veux parler des offices de tourisme et des UTN, les amendements respectent, pour l’essentiel, l’accord auquel nous étions parvenus, en apportant d’ailleurs des éléments de précision ou de simplification.

Cependant, je serai tout de même amené à revenir sur quelques dispositions qui vont au-delà de cet accord global ou qui me semblent contraires aux positions que le Gouvernement a régulièrement affirmées. Nous aurons l’occasion d’en débattre en détail et d’essayer de nous convaincre mutuellement. Je rappelle les principaux sujets de divergence.

Il s’agit notamment des dispositions relatives au FPIC, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, qui me semblent n’avoir qu’un lointain rapport avec l’objet de ce texte.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Nous divergeons également sur la création d’un dispositif transitoire supplémentaire de sortie du classement en zone de revitalisation rurale, ou ZRR. Les schémas intercommunaux étant désormais tous bouclés, ou presque, puisque la réforme entrera en vigueur au 1er janvier prochain, je serai d’ici à la fin du mois de janvier en mesure de vous communiquer la carte des communes éligibles. Certaines seront bien entendu appelées à entrer dans le dispositif quand d’autres seront amenées à en sortir.

Nous n’avons pas non plus la même position sur des conditions d’exonération de l’autorisation de défrichement et sur diverses dispositions relatives au droit de l’urbanisme visant à assouplir les conditions de construction en discontinuité, au détriment de la lutte contre le mitage, qui nous rassemble tous.

Enfin, et dans le même esprit de respect des accords trouvés à l’Assemblée nationale, nous serons également amenés à discuter du rétablissement de la disposition qui permet dans les parcs nationaux, et uniquement dans les parcs nationaux, de mettre en place des « zones de tranquillité », sous l’autorité et le contrôle de leur conseil d’administration. Ces zones seront mises en place sur leur propre initiative. Il ne s’agit pas d’une mesure prescriptive qui aurait un caractère obligatoire. Il s’agit tout simplement de donner à ceux qui le souhaitent la possibilité d’installer de telles zones.

Le débat à l’Assemblée nationale, vous l’avez constaté, a considérablement enrichi le projet de loi initial, notamment sur quelques sujets emblématiques, importants pour les différentes sensibilités comme les UTN, les offices de tourisme, les services numériques ou de téléphonie, les grands prédateurs ou les zones de tranquillité. C’est l’écoute, le dialogue et la recherche pragmatique de solutions qui ont permis de parvenir à des accords et d’aboutir à l’adoption d’un texte à la quasi-unanimité. Ce point est suffisamment rare pour être souligné. Le seul député ayant voté contre m’a avoué que sa seule motivation était que son vote, et par conséquent sa propre personne, ne passe pas inaperçu… Il escomptait se faire ainsi remarquer. Il s’agit, nul ne s’en étonnera, de notre ami du Béarn, Jean Lassalle ! (Sourires.)

Je garde à l’esprit l’objectif d’une adoption du texte dans les délais que nous nous sommes collectivement fixés. Je ne doute pas que nous y parviendrons, dans l’intérêt des habitants des territoires de montagne. Je souhaite que le compromis trouvé sur les différents points de difficulté puisse être préservé ; je m’y emploierai bien naturellement. J’espère que nous serons capables ici, dans votre assemblée réputée pour sa sagesse, et dans le même esprit qu’à l’Assemblée nationale, de trouver le juste consensus aboutissant à un vote unanime pour le meilleur intérêt de la montagne, de ses territoires et de celles et ceux qui y vivent ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)