Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

MM. Serge Larcher, Philippe Nachbar.

1. Procès-verbal

2. Éloge funèbre de Paul Vergès, sénateur de La Réunion

M. le président

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer

Suspension et reprise de la séance

3. Politique générale – Lecture d’une déclaration du Gouvernement

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

4. Communication relative à une commission mixte paritaire

5. Renvoi pour avis unique

6. Dépôt d’un rapport

7. Dépôt d’avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie

8. Modernisation, développement et protection des territoires de montagne. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Articles additionnels après l’article 9 sexies

Amendements identiques nos 22 rectifié de M. Loïc Hervé et 252 rectifié bis de M. Jacques Mézard. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Amendement n° 159 rectifié de M. Patrick Chaize. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 9 septies

Mme Évelyne Didier

Amendements identiques nos 128 de M. Daniel Raoul et 220 de M. Ronan Dantec. – Adoption des deux amendements supprimant l'article.

Amendement n° 221 de M. Ronan Dantec. – Devenu sans objet.

Amendement n° 129 de M. Daniel Raoul. – Devenu sans objet.

Amendement n° 131 de M. Daniel Raoul. – Devenu sans objet.

Amendement n° 222 de M. Ronan Dantec. – Devenu sans objet.

Amendements identiques nos 132 de M. Daniel Raoul et 247 de M. Ronan Dantec. – Devenus sans objet.

Amendements identiques nos 133 de M. Daniel Raoul et 223 de M. Ronan Dantec. – Devenus sans objet.

Articles additionnels après l’article 9 septies

Amendement n° 157 rectifié de M. Patrick Chaize. – Rejet.

Amendement n° 24 de M. Bernard Delcros. – Rejet.

Article 9 octies

Amendement n° 248 de M. Jean Desessard. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 9 nonies A (nouveau) – Adoption.

Article 9 nonies

Amendement n° 161 rectifié de M. Patrick Chaize. – Adoption.

Amendement n° 155 rectifié bis de M. Patrick Chaize. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 9 nonies

Amendements identiques nos 172 rectifié de M. Loïc Hervé, 302 de Mme Frédérique Espagnac, 414 de M. Michel Bouvard et 435 de M. Jean-Claude Carle. – Adoption de l’amendement n° 172 rectifié insérant un article additionnel, les amendements nos 302, 414 et 435 n'étant pas soutenus.

Article 10

M. Michel Le Scouarnec

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 10

Amendement n° 74 de Mme Annie David. – Rejet.

Amendement n° 73 de Mme Annie David. – Rejet.

Article 11 – Adoption.

Article 11 bis

Amendement n° 75 de Mme Annie David. – Rejet.

Amendement n° 28 rectifié bis de M. Loïc Hervé. – Rejet.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 11 bis

Amendements identiques nos 180 rectifié de M. Loïc Hervé, 254 rectifié de Mme Hermeline Malherbe et 331 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Retrait des trois amendements.

Suspension et reprise de la séance

9. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2016

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

M. Didier Marie

Mme Fabienne Keller

M. Jean Louis Masson

M. Michel Billout

M. Jean-Claude Requier

M. Claude Kern

M. André Gattolin

M. Éric Bocquet

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes

M. Harlem Désir, secrétaire d'État

Débat interactif et spontané

Mme Pascale Gruny ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

10. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

11. Modernisation, développement et protection des territoires de montagne. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Organisation des travaux

M. le président ; M. Daniel Raoul.

Articles additionnels après l’article 11 bis (suite)

Amendements identiques nos 246 rectifié de M. Michel Savin, 321 rectifié bis de M. Bernard Delcros et 405 de M. Michel Bouvard. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 25 de M. Loïc Hervé. – Rejet.

Article 12 – Adoption.

Article 13

M. Michel Le Scouarnec

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 13

Amendement n° 77 de Mme Annie David. – Rejet.

Article 14

Amendement n° 118 de M. Alain Richard. – Rejet.

Amendement n° 78 de Mme Annie David. – Rejet.

Amendement n° 79 rectifié de Mme Annie David. – Retrait.

Amendement n° 383 de M. Michel Bouvard. – Rejet.

Amendements identiques nos 186 rectifié bis de M. Loïc Hervé, 303 de Mme Frédérique Espagnac, 415 de M. Michel Bouvard et 436 de M. Jean-Claude Carle. – Rejet des amendements nos 186 rectifié bis, 415 et 436, l’amendement n° 303 n'étant pas soutenu.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 14

Amendement n° 26 rectifié de M. Loïc Hervé. – Rejet.

Amendement n° 397 de M. Michel Bouvard. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 14 bis A (nouveau)

Amendement n° 402 rectifié de M. Michel Bouvard. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 14 bis

Amendement n° 27 rectifié de M. Loïc Hervé. – Retrait.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l'article 14 bis

Amendements identiques nos 187 rectifié bis de M. Loïc Hervé, 238 de M. Michel Savin, 304 de Mme Frédérique Espagnac et 385 de M. Michel Bouvard. – Rejet des amendements nos 187 rectifié bis, 238 et 385, l’amendement n° 304 n'étant pas soutenu.

Amendements identiques nos 179 rectifié de M. Loïc Hervé, 212 de Mme Frédérique Espagnac et 439 de M. Michel Bouvard. – Retrait des amendements nos 179 rectifié et 439, l’amendement n° 212 n'étant pas soutenu.

Article 14 ter (nouveau) – Adoption.

Article additionnel après l'article 14 ter

Amendement n° 371 de M. Michel Bouvard. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 15 A

Amendement n° 111 de M. Alain Duran. – Rectification.

Amendements identiques nos 111 rectifié de M. Alain Duran et 274 rectifié bis de M. Alain Bertrand. – Adoption des deux amendements.

Adoption de l’article modifié.

Article 15

M. Michel Le Scouarnec

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l'article 15

Amendements identiques nos 110 de Mme Éliane Giraud, 176 rectifié de M. Loïc Hervé et 426 de M. Michel Bouvard. – Rejet des trois amendements.

Amendements identiques nos 177 rectifié de M. Loïc Hervé, 207 de Mme Frédérique Espagnac et 438 de M. Michel Bouvard. – Rejet des amendements nos 177 rectifié et 438, l’amendement n° 207 n'étant pas soutenu.

Article 15 bis A

Amendement n° 57 rectifié bis de M. Jean-François Longeot. – Retrait.

Amendement n° 255 rectifié de Mme Hermeline Malherbe. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 15 bis – Adoption.

Article 15 ter

Amendement n° 295 de M. Gérard Bailly. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 15 quater

Amendement n° 224 de M. Ronan Dantec. – Rejet.

Amendement n° 343 rectifié ter de M. Daniel Gremillet. – Rejet.

Amendements identiques nos 58 rectifié bis de M. Jean-François Longeot et 257 rectifié de Mme Hermeline Malherbe. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 80 de M. Michel Le Scouarnec. – Rejet.

Amendement n° 112 de M. Alain Duran. – Rectification.

.Amendements identiques nos 112 rectifié de M. Alain Duran et 451 du Gouvernement. – Adoption des deux amendements rédigeant l’article.

Amendement n° 318 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Devenu sans objet.

Amendement n° 344 rectifié bis de M. Daniel Gremillet. – Devenu sans objet.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l'article 15 quater

Amendement n° 81 de M. Michel Le Scouarnec. – Rejet.

Article 15 quinquies A (nouveau)

Amendement n° 113 de M. Alain Duran. – Rejet.

Amendement n° 82 de M. Michel Le Scouarnec. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 15 quinquies

Amendement n° 334 rectifié bis de M. Daniel Gremillet. – Retrait.

Amendement n° 61 rectifié bis de M. Alain Marc. – Retrait.

Amendements identiques nos 59 rectifié ter de M. Jean-François Longeot, 174 rectifié bis de M. Loïc Hervé et 273 rectifié de M. Alain Bertrand. – Retrait des trois amendements.

Amendement n° 291 rectifié de M. Joël Labbé. – Retrait.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l'article 15 quinquies

Amendement n° 333 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 173 rectifié bis de M. Loïc Hervé. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 276 rectifié de M. Alain Bertrand. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 16

M. Alain Duran

M. Daniel Gremillet

Amendement n° 249 de Mme Marie-Christine Blandin. – Rejet.

Amendement n° 175 rectifié de M. Loïc Hervé. – Adoption.

Amendement n° 239 de M. Michel Savin. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 16

Amendement n° 114 de M. Alain Duran. – Retrait.

Amendement n° 338 rectifié ter de M. Daniel Gremillet. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 337 rectifié ter de M. Daniel Gremillet. – Retrait.

Amendement n° 240 de M. Michel Savin. – Rejet.

Amendement n° 241 de M. Michel Savin. – Rejet.

Article 16 bis – Adoption.

Article 16 ter

Amendement n° 294 de M. Gérard Bailly. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 17 – Adoption.

Articles additionnels après l’article 17

Amendement n° 6 rectifié de M. Roland Courteau. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 5 de M. Roland Courteau. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 17 bis – Adoption.

Article 17 ter

Amendement n° 275 rectifié de M. Alain Bertrand. – Retrait.

Amendement n° 60 rectifié de M. Jean-François Longeot. – Retrait.

Renvoi de la suite de la discussion.

12. Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire

13. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Serge Larcher,

M. Philippe Nachbar.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures quinze.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Éloge funèbre de Paul Vergès, sénateur de la Réunion

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, mesdames, messieurs, Paul Vergès nous a quittés le 12 novembre. (Mme la ministre des outre-mer, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.) Avec lui s’est éteinte une grande voix de cette île de la Réunion au service de laquelle il s’est engagé tout au long de sa vie, et dont il était une figure centrale et charismatique depuis plus de soixante années.

La nouvelle de son décès a provoqué sur l’île une onde de choc et une intense émotion, qui a trouvé son expression très forte lors de ses funérailles célébrées devant des milliers de Réunionnais dans l’enceinte émouvante du cimetière paysager de la commune du Port, dont Paul Vergès avait été le maire et qu’il avait profondément transformée.

Je sais l’émotion que le président Thierry Foucaud, qui me représentait à cette cérémonie, et nos deux collègues qui l’accompagnaient – la présidente de son groupe, Mme Éliane Assassi, et M. Pierre Laurent – ont eux-mêmes ressentie à cette occasion.

« La Réunion est orpheline », a ainsi titré le journal Témoignages, journal fondé un 5 mai 1944 par le docteur Raymond Vergès et dirigé, dès 1954, par son fils Paul.

C’est aussi avec une grande tristesse que les sénatrices et les sénateurs ont appris la disparition de Paul Vergès, qui était notre doyen et qui fut sénateur de La Réunion à deux reprises, d’avril 1996 à juillet 2004 et depuis le 1er octobre 2011.

Nous avons en mémoire les mots par lesquels il avait conclu ici même, le 1er octobre 2014, son allocution de président d’âge. Il avait rappelé ces propos de Jean Jaurès : « Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent et une confiance inébranlable pour l’avenir. », avant d’ajouter : « Que cette nouvelle ère illustre la volonté de voir enfin se réaliser pour le monde la devise de notre République : ″ Liberté, Égalité, Fraternité″ ».

Homme de conviction et de courage, Paul Vergès était un militant de toujours et un résistant. Il s’était ainsi engagé dès 1942, à l’âge de 17 ans, aux côtés de son frère Jacques, dans les Forces françaises libres. Il intégra l’école d’officiers parachutistes de Ribbesford en 1943, avant d’être parachuté en 1944 dans la Vienne auprès des résistants du maquis.

Paul Vergès s’était également engagé très tôt dans la vie politique de La Réunion, suivant la voie tracée par son père, proche du parti communiste français, qui avait œuvré à la départementalisation de l’île et des Antilles-Guyane en 1946. Il fut ainsi un militant et un responsable politique d’une longévité exceptionnelle, étant durant plus de soixante ans l’élu incontournable de son île.

Paul Vergès commença son ascension politique dès les années 1950, alors que l’île souffrait de grandes inégalités sociales et d’un important retard de développement économique. Il fut élu conseiller général en 1955 puis, pour la première fois, député en 1956, et c’est en 1959 qu’il fonda le parti communiste réunionnais, afin de mieux ancrer la revendication identitaire réunionnaise.

Paul Vergès exerça ensuite, durant plus d’un demi-siècle, tous les mandats électoraux locaux et nationaux, étant conseiller général, député à trois reprises, parlementaire européen durant treize ans, président du conseil régional de La Réunion de mars 1998 à mars 2010 et, bien sûr, notre collègue, sénateur durant quatorze années.

Il fut maire de la commune du Port, qui lui était si chère et où ses proches et ses amis se sont retrouvés pour lui rendre un dernier hommage.

Paul Vergès fut, tout au long de sa vie, une figure emblématique de son île, dont il parlait toujours avec chaleur et un enthousiasme inépuisable. Je me souviens de l’échange que nous avions eu à ce sujet.

Son nom restera attaché à nombre de transformations qu’a connues l’île depuis les années 1950.

Paul Vergès conduisit ainsi, lors de son mandat à la tête du conseil régional, une politique de grands travaux, l’amélioration du réseau routier et les chantiers de modernisation des politiques sociales étant au premier rang de ses préoccupations.

Il fut un bâtisseur, concrétisant des projets majeurs de développement de l’île, tout en menant son combat pour l’égalité, pour changer la vie quotidienne des Réunionnaises et des Réunionnais.

Il prônait aussi une vision à long terme et voyait dans l’île un « laboratoire » illustrant, avec ses caractéristiques propres, les problèmes démographiques, économiques et environnementaux du monde. Il estimait que La Réunion concentrait « toutes les contradictions, celles de la société capitaliste et celles du tiers-monde ».

Notre doyen était un homme politique d’une incontestable hauteur de vues, qui se projetait toujours dans l’avenir et le long terme. Son message pour La Réunion, qui conciliait désir d’autonomie et besoin de France dans les outre-mer, restera pour lui toujours d’actualité.

Il fut au Sénat le porte-parole inlassable de son île, déposant encore, en juin 2014, une proposition de résolution relative à une nouvelle politique énergétique et à un codéveloppement durable et solidaire dans l’océan Indien et, en octobre 2015, une proposition de loi constitutionnelle visant à étendre à La Réunion la possibilité accordée à la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane de fixer les règles applicables sur leur territoire dans des matières limitées relevant de la loi.

Mais Paul Vergès attachait plus globalement une importance majeure aux conséquences, insuffisamment prises en compte à ses yeux, de la transition démographique mondiale, dont il maîtrisait toutes les données et dont il faisait une analyse pénétrante.

Permettez-moi de rappeler les termes dans lesquels il évoquait le 1er octobre 2011, à cette tribune, les évolutions démographiques actuelles : « En 1950, la population totale de la planète était de 2,5 milliards […]. Or, en soixante ans, la population mondiale a augmenté de 4,5 milliards. Et, dans quatre décennies, soit six mandats de sénateur, la seule augmentation de la population sera égale au nombre total d’humains que comptait la planète en 1950. […] Ce phénomène est la plus grande révolution de l’histoire humaine […] et nous en vivrons tout au long de ce siècle les conséquences sur les plans économique, social, culturel et politique ».

Paul Vergès fut aussi – et les choses sont naturellement liées – l’un des premiers à alerter sur les conséquences du réchauffement climatique. Il exprimait inlassablement cette préoccupation.

Il fit ainsi adopter ici même, le 29 mars 2000, son rapport sur la proposition de loi, qu’il avait déposée, tendant à conférer à la lutte contre l’effet de serre la qualité de priorité nationale et portant création d’un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France et dans les départements et territoires d’outre-mer, cet ONERC qu’il présida sans interruption depuis sa création, en 2001.

Il souligna encore avec force, à notre tribune, peu de temps avant les accords de Paris sur le climat, l’importance majeure de cette problématique : « Le réchauffement climatique au cours du siècle, expliquait-il, a des conséquences dans tous les domaines pour la vie humaine : climat, santé, vie économique, sociale et politique, environnement terrestre, aérien et maritime, et l’adaptation nécessaire à ce nouvel ordre. Rien n’est acquis, tout est à faire. Et l’enjeu est une nouvelle civilisation planétaire ! »

Paul Vergès laissera ainsi son empreinte dans les très longues négociations internationales sur le climat qui ont conduit, d’une conférence des parties à l’autre, aux accords de Paris.

Un grand Réunionnais nous a quittés, par l’œuvre impressionnante qu’il a accomplie pour La Réunion et les Réunionnais et, bien au-delà des limites de notre pays, sur le sujet climatique.

C’est cette figure dont portent aujourd’hui le deuil tous ses amis du groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, ses collègues membres de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, ceux de notre délégation à l’outre-mer et tous les sénateurs de la République.

J’ai bien sûr aussi une pensée particulière pour les sénatrices et sénateurs de La Réunion, à commencer par notre collègue Gélita Hoarau, à qui revient une nouvelle fois la lourde charge de succéder dans notre hémicycle à Paul Vergès, comme elle l’avait déjà fait entre 2005 et 2011.

Mes chers collègues, de par sa personnalité et l’action qu’il a conduite tout au long de sa vie publique, notre doyen restera toujours présent dans nos mémoires, et ce indépendamment de la diversité de nos sensibilités politiques.

J’exprime à ses enfants – en particulier à sa fille, Françoise –, à ses petites-filles, Amalia et Djamila, à leur famille et à tous leurs proches, à tous ses camarades de La Réunion, les condoléances sincères du Sénat.

C’est une figure qui s’en est allée, une figure qui a marqué La Réunion, mais aussi la vie politique de notre pays !

La parole est à Mme la ministre.

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer. Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les vice-présidents du Sénat, monsieur le président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec une vive émotion que nous sommes aujourd’hui réunis pour honorer la mémoire du sénateur Paul Vergès.

En tant que ministre des outre-mer, au nom du chef de l’État, François Hollande, et de l’ensemble du Gouvernement, j’ai témoigné, lors des funérailles organisées à La Réunion, la reconnaissance qu’avait la République pour la vie d’audace et d’engagements de Paul Vergès.

Je tiens également à vous adresser mes plus sincères condoléances. Vous avez perdu un collègue, un ami, un compagnon de débats et de combats.

Élu au Sénat de 1996 à 2004, puis réélu en 2011, je crois savoir que Paul Vergès a passé ici de belles et riches années, fortes de rencontres stimulantes et d’échanges enrichissants.

Il fut particulièrement honoré, en sa qualité de doyen d’âge du Sénat, de présider à deux reprises, en 2011 et en 2014, à l’élection du président du Sénat. Il vécut ainsi aux premières loges la petite révolution que constitua, en 2014, le premier changement de majorité de l’histoire du Sénat.

Cet homme remarquable nous a tous profondément impressionnés par son courage, par sa prescience et ses valeurs. Il a consacré sa vie à servir l’intérêt général.

Nous nous souviendrons longtemps de Paul Vergès.

Nous nous souviendrons de son combat pour l’égalité, qui lui était chevillé au corps.

Scandalisé par les écarts et les retards entre les outre-mer et l’Hexagone, il a, durant toute son existence, défendu l’égalité réelle.

Comment ne pas vivre comme un scandale le fait que les Français soient considérés différemment selon leur lieu de vie ? Il s’agit là sans doute d’un héritage familial car la grande loi de départementalisation du 19 mars 1946, qui abolit le régime colonial pour la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion et la Guyane, fut portée par son père Raymond Vergès !

Tout au long de son parcours politique, notamment ici, au Sénat, Paul Vergès s’est insurgé contre le renoncement, contre tous ceux qui lui expliquaient que l’égalité, notamment sociale, serait trop chère, surviendrait trop tôt ou semblerait trop dure à conquérir.

Ainsi, il n’hésite pas à démissionner en 1987 de l’Assemblée nationale, avec Élie Hoarau – lequel partage son engagement déterminé en faveur des outre-mer –, pour protester contre la loi de « parité sociale » qui, au nom de la discipline budgétaire, prive les Réunionnais de leur droit à l’égalité sociale.

Sa grande éloquence et ses talents de stratège lui permettent de peser sur les décisions gouvernementales. Paul Vergès obtient l’alignement des allocations familiales, puis du salaire minimum interprofessionnel de croissance – le SMIC – en 1996, voilà vingt ans, du revenu minimum d’insertion – le RMI –, enfin de l’allocation de parent isolé – l’API – en 2007.

Lors de l’examen du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, ce matin, en commission des lois du Sénat, j’ai eu une pensée émue pour Paul Vergès. En harmonisant les prestations sociales sur les montants perçus dans l’Hexagone, nous parachevons aujourd’hui son long combat pour cette égalité des outre-mer. Il s’agit là, je crois, du plus bel hommage que nous pouvions lui rendre.

Nous nous souviendrons également du courage à toute épreuve de Paul Vergès.

À 17 ans, alors qu’il n’est encore qu’un adolescent, il décide de s’engager, en compagnie de son frère Jacques, dans les Forces françaises libres.

De ce choix, se dessine toute une conception de vie. Ses valeurs et ses principes devaient guider ses actes, et non l’inverse. Son destin me fait penser aux mots de Victor Hugo : « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ».

Paul Vergès part donc lutter contre le nazisme, cette lèpre qui s’est étendue sur l’Europe. Avec son frère, il suit une formation militaire en Angleterre. Faisant preuve là encore d’un grand courage, l’adolescent saute d’un avion britannique pour rejoindre le Poitou en 1944.

Nous nous souviendrons de son attachement à nos principes de liberté, d’égalité et de fraternité, un attachement viscéral, entier, charnel.

Lorsqu’il prend la direction du journal Témoignages, Paul Vergès se mobilise en faveur des planteurs et des ouvriers de l’usine sucrière de Quartier Français menacée de fermeture. Il réussit non seulement à maintenir l’usine ouverte, mais aussi à négocier un accord favorable aux planteurs de canne.

Ce sont les mêmes valeurs qui le poussent à déposer, ici, au Sénat, une résolution visant à faire reconnaître publiquement à la France sa responsabilité dans les terribles massacres des Algériens à Paris et ses environs, le 17 octobre 1961. En ce jour funeste, des manifestants pacifiques réclamant le droit à l’indépendance pour leur pays furent l’objet d’une sanglante répression organisée par Maurice Papon.

Grâce au charisme du sénateur, la résolution fut adoptée. La France s’honore toujours à regarder son passé avec lucidité !

Ce sont, enfin, ses valeurs d’ouverture et de tolérance qui l’amènent à porter, en 1999, avec Marie-Claude Tjibaou, l’appel de Nouméa en faveur de la diversité culturelle. Ensemble, ils rappellent que « la culture unique est la mort de toute culture » et disent « oui à l’universel, non à l’uniformité ».

Nous nous souviendrons de la prescience qui caractérisait Paul Vergès.

Je veux notamment souligner sa clairvoyance sur le climat. Celle-ci est d’autant plus marquante aujourd’hui, alors que nous avons connu un pic de pollution en région parisienne la semaine dernière et alors que l’accord de Paris, fruit de la vingt et unième conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la COP21, commence à entrer en vigueur.

Le sénateur s’inquiète, avant tout le monde, de la progression des gaz à effet de serre au sein de notre atmosphère.

Les outre-mer sont des sentinelles du changement climatique. Mille signes montrent qu’une évolution est en cours ; il les perçoit rapidement. Il prend alors à bras-le-corps le combat et participe à la création de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en 2001, observatoire qu’il présidera par la suite sans discontinuer.

Il fonde par ailleurs l’Agence régionale de l’énergie Réunion, l’ARER, qui doit œuvrer à l’autonomie énergétique de l’île et au développement des énergies renouvelables. Il sait que les outre-mer ne sont pas que des sentinelles ; ce sont également des pionniers.

Comme toujours, Paul Vergès dispose d’un temps d’avance.

Nous nous souviendrons de son esprit libre et précurseur.

Déployant sa pensée sans contrainte de temps ou d’espace, Paul Vergès réfléchit d’emblée sur le long terme. Dans son discours d’ouverture de séance au Sénat en 2011, il conseille ainsi de « porter notre regard au-delà de l’immédiat ». Cette belle recommandation vaut pour nous tous, mesdames et messieurs, nous tous qui avons en charge les destinées de ce pays.

En inscrivant sa vision dans les grandes évolutions démographiques, économiques et culturelles de ce monde, il affiche sa singularité et marque par son non-conformisme.

Nous nous souviendrons de son profond attachement, de son amour, dirais-je même, pour La Réunion.

Toute sa vie, il fut au service de notre île.

En tant que sénateur, maire, président du syndicat intercommunal à vocations multiples de La Réunion – le SIVOMR –, président du conseil régional, il réorganise l’île, développe ses infrastructures et défend ses intérêts. Il bouleverse ainsi, pendant plusieurs décennies, le quotidien des Réunionnais.

En tant que député européen, il participe à une meilleure prise en compte des outre-mer au sein de l’Union européenne et à la création du statut des régions ultrapériphériques.

Nous nous souviendrons, enfin, de sa fierté revendiquée d’être réunionnais, ultramarin et membre de l’Indiaocéanie.

C’est avec orgueil qu’il proclame ses parts de son identité, de notre identité. Durant tout son parcours politique, il œuvre à donner une autre image de La Réunion, en particulier, et de nos outre-mer, en général. Il défend une société ouverte, diverse et métissée. Lui-même issu d’une double ascendance française et vietnamienne, il décrit les Réunionnais – mais il aurait pu dire les Ultramarins – comme « le résultat d’un brassage d’hommes et de femmes venus de tous les coins du monde ».

Toute sa vie, il promeut La Réunion, accroît son développement et son influence dans l’Hexagone comme dans l’océan Indien.

La pensée de Paul Vergès est, en effet, naturellement ouverte sur le monde.

Il conçoit son île de cœur comme une part d’un plus vaste ensemble. Située à la confluence de plusieurs routes maritimes et entre plusieurs continents, l’île de la Réunion est finalement la partie d’un plus grand archipel. Paul Vergès la voit avec un destin nécessairement mondial, comme en atteste son livre D’une Île au monde.

À l’heure où, dans le monde entier, de plus en plus de projets politiques se dessinent comme des volontés de fermeture, la pensée de Paul Vergès, généreuse et curieuse, ouverte et tolérante, nous manquera.

Mesdames, messieurs les sénateurs, Paul Vergès s’est passionnément investi tout au long de son parcours politique. Il a défendu son territoire – La Réunion – et ses valeurs – la tolérance, la liberté et la justice. Il a par ailleurs su, au Sénat comme au conseil régional de La Réunion ou au Parlement européen, développer une pensée qui portait au-delà des contingences de son époque.

Je le disais, sa vie, son parcours me faisaient penser à la belle sentence de Victor Hugo. Je me dois de citer la suite du poème.

« Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont

« Ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front. […]

« Ceux qui marchent pensifs, épris d’un but sublime. »

Ces vers me paraissent bien correspondre à Paul Vergès, que l’on voyait déambuler dans ces couloirs, tantôt préoccupé, tantôt rêveur, pensant sans doute aux grandes et puissantes évolutions de ce monde.

Voilà comment nous pouvons rendre hommage, de la plus belle des façons, à Paul Vergès, en concevant notre pensée comme notre action sur le temps long, non pas sur des mois, mais bien sur des décennies, au-delà des échéances immédiates, au service de nos valeurs et de nos concitoyens.

À Claude, à Pierre et à Françoise, ses enfants, et à ses petits-enfants, je dis toute notre affection et présente nos sincères condoléances.

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, je vous invite maintenant à partager un moment de recueillement à la mémoire de Paul Vergès. (Mme la ministre des outre-mer, mesdames, messieurs les sénateurs observent une minute de silence.)

Conformément à notre tradition, en signe d’hommage à Paul Vergès, nous allons suspendre nos travaux.

Notre séance sera reprise à quinze heures, pour la lecture de la déclaration de politique générale du Gouvernement.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Politique générale

Lecture d’une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle la lecture de la déclaration de politique générale du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais vous donner connaissance du discours de politique générale que prononce en ce moment à l’Assemblée nationale Bernard Cazeneuve.

Le Premier ministre m’a confirmé qu’il viendrait demain au Sénat pour débattre avec vous.

Mme Isabelle Debré. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Monsieur le président, mesdames, messieurs les parlementaires, le Président de la République m’a confié la responsabilité de conduire l’action du Gouvernement. J’ai reçu cette marque de confiance avec gravité et la conscience de l’honneur que représente une telle mission au service de la France.

« Je sais que cette mission sera brève, mais je veux l’exercer pleinement.

« Au moment où je vous parle, une tragédie humanitaire effroyable frappe la ville d’Alep et sa population civile. Les femmes et les enfants d’Alep, après des mois de siège, fuient sous les bombes et sont les victimes d’innombrables atrocités. Selon divers témoignages, les hommes de moins de quarante ans sont arrêtés, enrôlés de force, parfois exécutés, par l’armée syrienne avec l’appui des forces favorables au régime de Bachar al-Assad, à commencer par la Russie. Ces atrocités, qui peuvent être constitutives de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité, sont accomplies avec un cynisme et une cruauté inouïs.

« C’est l’honneur de la France d’avoir été l’une des seules nations à tenter de s’opposer, dès l’été 2013, à la guerre totale menée par Bachar al-Assad contre son propre peuple. Jamais nous n’accepterons, au nom d’un prétendu réalisme, de nous allier aujourd’hui avec les responsables du martyre d’Alep. Ce sont les mêmes qui ont laissé Daech reprendre Palmyre. Au nom du Gouvernement de la France, et, j’en suis sûr, en votre nom à tous, je dénonce l’horreur de ces massacres, et j’affirme que ceux qui les ont perpétrés auront à rendre compte, devant la communauté internationale, des crimes dont ils sont les auteurs. Avec vous, je sais qu’ils connaîtront le jugement sévère de l’Histoire.

« Voilà ce que les circonstances me conduisent à vous déclarer de façon solennelle, en préambule à cette déclaration de politique générale.

« Depuis plus de quatre ans, sous l’impulsion du Président de la République, les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls ont agi pour donner toutes ses chances à notre pays. Chaque jour compte pour poursuivre leur action de redressement de la France, de ses comptes publics, de son appareil industriel et productif.

« Comme toutes les grandes démocraties, la France doit affronter les défis de son temps, sociaux, environnementaux et sécuritaires.

« Le chômage demeure un immense défi, qui nourrit la peur du déclassement. Les classes moyennes et populaires aspirent pour leurs enfants à un avenir meilleur. Croire au progrès, c’est rendre cet avenir possible.

« Le défi environnemental oblige nos contemporains à protéger les générations futures. Dans ce combat, la France doit rester en avant-garde, comme elle l’est depuis l’accord historique de Paris, issu de la COP21. Assurer la mise en œuvre de cet accord, emporter toujours plus loin l’ambition, voilà ce que je veux faire.

« Le défi sécuritaire, c’est d’abord de faire face à la menace du terrorisme djihadiste. Vaincre l’islam radical implique de jeter toutes nos forces dans le combat pour la République et de rassembler toute la nation autour de ses valeurs.

« Élection après élection, en France et en Europe, comme aux États-Unis, les populismes montent. Partout, y compris chez plusieurs de nos grands partenaires, les égoïsmes nationaux et les antagonismes prospèrent. Après le Brexit, le projet européen lui-même connaît un risque de dislocation. Il y a urgence à convaincre les citoyens de se détourner des fausses promesses, qui sont d’abord de vraies impasses.

« Ces défis, les Français en ont conscience. Ils en observent l’ampleur. Ils savent que, pour les relever, le pays doit d’abord se rassembler.

« Face à ces défis, dans le moment politique où nous nous trouvons, avec le souci de la méthode et l’affirmation de mes convictions, je veux agir. Je veux agir dans le respect des opinions de chacun, avec la volonté de créer les conditions de l’apaisement. Je veux agir pour protéger les Français des menaces d’un monde devenu plus incertain pour progresser vers une société plus juste. Et j’entends bien utiliser chaque instant pour préparer l’avenir.

« En juin 1954, dans des circonstances qui n’étaient pas non plus particulièrement faciles, Pierre Mendès France concluait ainsi le discours par lequel il venait de demander la confiance du Parlement : “Les difficultés et les périls ont rendu chacun plus conscient des efforts à fournir ; c’est pourquoi, plus encore qu’hier, je crois à la renaissance nationale, vigoureuse et rapide”.

« Il nous faut aujourd’hui agir avec la même lucidité et la même confiance. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, je sollicite celle de votre assemblée.

« Notre responsabilité est d’abord de protéger tous les Français.

« Protéger les Français, c’est poursuivre la modernisation de notre protection sociale pour en garantir la pérennité face aux risques de la vie – la maladie, le chômage –, et face à la vieillesse. Sur ces questions, notre majorité a des valeurs et un bilan. Elle croit au beau mot de la solidarité.

« La politique déterminée de réduction du déficit que nous avons menée depuis quatre ans a permis de ramener le déficit du régime général de la sécurité sociale à 400 millions d’euros en 2017, alors qu’il était de 17,4 milliards en 2011. »

M. Philippe Bas. Dont 4 milliards d’euros pour l’assurance maladie !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Pour la première fois depuis 2002, la sécurité sociale se désendette.

« Ce résultat est une victoire pour la France. Il couronne bien des efforts consentis, notamment par les fonctionnaires et les personnels hospitaliers. C’est pourquoi le Gouvernement est au rendez-vous des créations de postes dans les hôpitaux, avec 31 000 postes de personnels soignants ouverts depuis le début du quinquennat. De même, l’amélioration des conditions de travail à l’hôpital fait l’objet de discussions conduites par la ministre des affaires sociales, dont je salue le travail et l’engagement.

« Au cours de ces cinq mois qui viennent, mon gouvernement sera pleinement mobilisé pour consolider ces résultats.

« Nous allons poursuivre avec détermination la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté pour l’inclusion sociale. Nous allons engager la première étape de la réforme des minima sociaux, adoptée avec un objectif clair : garantir à chacun l’accès à ses droits sociaux, a fortiori lorsqu’il s’agit d’accéder à un revenu minimum vital. Nul ne doit être laissé sur le bord du chemin. Pour les plus pauvres de nos concitoyens, la complexité d’accès aux prestations finit toujours par se transformer en une inégalité supplémentaire, et cela nous ne pouvons l’accepter.

« Dès le début de l’année 2017, le Gouvernement prendra de nouvelles mesures pour assurer l’accès des patients aux soins dans les territoires, pour lutter contre les déserts médicaux et inciter les professionnels de santé à y exercer à la suite du pacte territoire-santé. »

M. François Grosdidier. C’est un peu tard !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Au 1er janvier prochain, le tiers payant deviendra un droit pour les femmes enceintes et pour les personnes souffrant d’une affection de longue durée. Ce droit devra être étendu à l’ensemble des patients le 30 novembre 2017. »

M. François Grosdidier. Vous ne serez plus là !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Il s’imposera rapidement comme un immense progrès pour tous.

« Le Gouvernement mobilisera par ailleurs 200 millions d’euros pour l’amélioration du remboursement des soins dentaires au premier trimestre 2017. Quand certains se situent dans une perspective de déremboursement des dépenses de santé,…

M. François Grosdidier. On n’a jamais dit ça !

M. Jean-Louis Carrère. M. Grosdidier n’a toujours pas compris le programme de M. Fillon !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. … le Gouvernement, lui, agira inlassablement, pour renforcer le droit de nos concitoyens à se faire soigner. » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Vous gérez les affaires courantes ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Louis Carrère. Vous verrez quand viendra votre tour !

M. François Grosdidier. Le discours était meilleur au début ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Il faut les laisser un peu s’exprimer, monsieur le président !

M. François Baroin. Prononcez plutôt le discours de politique générale !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. J’ai conscience que c’est une épreuve pour vous d’entendre certaines vérités, et je compatis. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Mais je poursuis.

« Tel est le sens du combat du Gouvernement : garantir l’équilibre des comptes, et ouvrir de nouveaux droits.

« Protéger les Français, cela passe aussi par une fonction publique reconnue et respectée. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Proposer de supprimer des centaines de milliers de postes de fonctionnaires en quelques mois, c’est remettre tout simplement en cause la capacité de l’État à assumer ses missions les plus élémentaires (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), ce n’est pas moderniser le service public, c’est le condamner. Comment en effet assurer la sécurité des Français avec moins de policiers et de gendarmes ? Comment soigner avec moins de personnels soignants ? »

M. Jean-Louis Carrère. Demandez à M. Grosdidier !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Comment garantir l’égalité des chances avec moins d’enseignants ? Comment accompagner les enfants handicapés dans leur scolarité avec moins d’auxiliaires de vie scolaire ? » (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Martial Bourquin. Absolument !

M. Jean-François Husson. Ne nous jouez pas Germinal !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Certes, notre fonction publique doit se réformer, et elle le fait en permanence. Mais on peut réformer sans abîmer, on peut moderniser sans détruire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

« Protéger les Français, c’est réaffirmer que l’État doit être fort afin de lutter contre le terrorisme et contre la délinquance. »

M. Bruno Retailleau. Et contre les zadistes !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Face à la menace terroriste, les Français savent pouvoir compter sur le professionnalisme et sur le dévouement des policiers et des gendarmes, des sapeurs-pompiers, des personnels hospitaliers, sur celui des militaires engagés dans le cadre de l’opération Sentinelle, ainsi que sur celui des magistrats qui conduisent les enquêtes et prononcent les condamnations.

« Je tiens à saluer une nouvelle fois devant vous l’engagement de ces hommes et de ces femmes, que j’ai côtoyés au quotidien pendant près de trois ans et qui ont la modestie des véritables héros.

« Dès le 1er janvier 2017, ces forces qui veillent sur notre sécurité seront renforcées par la Garde nationale dont les effectifs atteindront progressivement 85 000 membres.

« Depuis 2012, le Gouvernement s’est employé à donner à nos forces de sécurité intérieure et à nos services de renseignement davantage de moyens pour leur permettre de mieux remplir leur mission.

« Nous avons renforcé notre arsenal législatif et réglementaire, par l’adoption de nouveaux dispositifs antiterroristes, et je veux saluer le très large soutien que ces textes ont toujours trouvé auprès du Parlement. »

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Les attentats qui ont endeuillé notre pays nous ont conduits à déclarer puis à prolonger, à quatre reprises, l’état d’urgence. Depuis le début de l’année 2016, 420 personnes liées à l’islamisme radical ont été arrêtées et dix-sept projets d’attentats ont été déjoués sur notre sol.

« Face à l’ampleur de la menace, le conseil des ministres a adopté, samedi dernier, le projet de loi prolongeant l’état d’urgence, dont vous êtes à présent saisis.

« Les mesures de l’état d’urgence, comme l’ensemble de notre arsenal antiterroriste, sont assorties d’un contrôle juridictionnel rigoureux, destiné à protéger les droits des citoyens. Il a été complété par un contrôle parlementaire exigeant et innovant, mis en œuvre par les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est la force de notre République que de se défendre avec les armes de l’État de droit.

« Mais, réarmer l’État, c’est également donner aux forces de sécurité les moyens nécessaires à leur action : 9 000 postes de policiers et gendarmes auront été créés entre 2012 et 2017. En tout, ce sont plus de 1,1 milliard d’euros qui leur auront été alloués pendant le quinquennat. En outre, pour permettre à la justice d’accomplir sa mission, 6 235 postes auront été créés dans la magistrature, aux greffes des tribunaux et dans l’administration pénitentiaire. Le plan pour la sécurité publique de 250 millions d’euros, décidé par le Président de la République en octobre dernier, sera intégralement mis en œuvre avant la fin du quinquennat.

« Enfin, parce que nos forces de sécurité sont confrontées chaque jour, non seulement aux défis du terrorisme, mais également à la violence sans limites de certains criminels, le Gouvernement adoptera lors du conseil des ministres du 21 décembre prochain un projet de loi relatif à la sécurité publique, précisant notamment les règles d’usage des armes, dans le respect de nos principes constitutionnels.

« Mais la protection des Français, mesdames, messieurs les parlementaires, ne s’arrête pas aux frontières du territoire national.

« Sous l’autorité du Président de la République, les armées françaises sont engagées sur de nombreux théâtres d’opérations extérieures, et je veux saluer devant vous leur courage et leur sens du devoir. »

M. Bruno Sido. Nous aussi !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « En Irak, nos armées sont engagées depuis septembre 2014 avec nos partenaires de la coalition. Daech y perd chaque jour du terrain.

« Au Mali, nos armées ont empêché début 2013 que les djihadistes s’emparent de Bamako. Le prochain sommet Afrique-France qui s’y tiendra sera l’occasion de témoigner du chemin parcouru depuis lors.

« C’est le Président de la République qui a pris les décisions lucides et courageuses d’engager nos armées sur les théâtres extérieurs au nom des valeurs universelles que nous portons et des intérêts qui sont les nôtres. C’est aussi lui qui a donné à nos armées les ressources nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. Pour la première fois depuis des décennies, leurs effectifs ont été rehaussés comme en témoigne le budget de la défense pour 2017.

« Protéger les Français, c’est aussi agir à l’échelle de l’Europe.

« Je suis un Européen convaincu. Mais je suis aussi un Européen exigeant.

« Nous devons porter sur l’Europe un diagnostic juste et sans complaisance. Car le Brexit n’est pas simplement une crise de plus. C’est l’expression de l’immense crise de confiance des peuples vis-à-vis du projet européen.

« L’Europe à laquelle je crois, c’est une Europe qui protège, qui investit, qui innove pour préparer l’avenir.

« Depuis 2012, en lien constant avec l’Allemagne, la France porte un agenda exigeant dans le domaine de la sécurité.

« L’agence Frontex, avec ses gardes-côtes et ses gardes-frontières, est montée en puissance, ses budgets et ses effectifs ont augmenté. Nous finalisons actuellement, en lien avec nos partenaires européens, la révision du code frontières Schengen.

« L’Europe doit apporter des réponses plus efficaces à la crise migratoire, en conjuguant mieux solidarité et responsabilité. La solidarité, c’est celle qui lie tous les États membres dans la mise en œuvre des décisions prises par l’Union pour relocaliser et réinstaller les réfugiés. La responsabilité suppose que les États de première entrée des migrants prennent toutes les mesures, avec le soutien de l’Union européenne, pour assurer l’accueil des réfugiés et le retour de ceux qui n’ont pas vocation à rester sur notre continent.

« En réussissant l’évacuation de Calais, en procédant à la mise à l’abri des migrants qui s’y trouvaient depuis longtemps, en remplissant ses obligations devant l’Union européenne pour la relocalisation et la réinstallation des réfugiés, la France a été à la hauteur du message universel que les peuples du monde ont appris à aimer d’elle.

« L’Europe doit aussi agir au service de la croissance durable et de l’emploi. Nous avons obtenu que le plan Juncker en faveur de l’investissement soit doté d’une capacité de financement de 300 milliards d’euros, qui a notamment permis de financer près de cinquante projets français. Nous voulons à présent porter sa capacité à plus de 500 milliards d’euros d’ici à 2020 pour développer des projets en faveur de la transition énergétique, du numérique, de la santé et de l’éco-mobilité.

« Nous devons également protéger, sur le plan européen, les droits des travailleurs. Les fraudes au détachement sont délétères pour notre modèle social. Ces fraudes minent, mois après mois, la confiance que les salariés ont dans la capacité de l’Europe à les protéger. Elles ne sont tout simplement pas acceptables. Après le succès obtenu sur la directive de 2014, nous poursuivrons le combat de la France pour obtenir une révision ambitieuse de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs, en traquant en particulier les sociétés “boîtes aux lettres”. Les contrôles seront encore renforcés pour lutter contre l’emploi illégal de travailleurs détachés. En décembre seront lancées les premières cartes dans le secteur du bâtiment, que tout ouvrier sur un chantier devra posséder et qui permettra de mieux contrôler les fraudes au détachement.

« L’Europe doit enfin défendre ses intérêts dans la mondialisation. Je crois à l’Europe ouverte. Je refuse l’Europe offerte. Les accords commerciaux doivent garantir la loyauté des échanges, la réciprocité dans l’accès aux marchés publics, la prise en compte des normes sociales et environnementales. C’est pour cela que nous avons clairement dit non au traité transatlantique. C’est aussi pour cela que nous avons accepté l’accord avec le Canada, qui fait droit à toutes nos demandes.

« Protéger est indispensable. Mais je veux aussi continuer à réformer pour poursuivre le redressement de notre pays.

« Depuis 2012, l’économie française se redresse. » (Ah oui ? sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Bertrand. Il y a moins de déficits !

M. Daniel Raoul. C’est une évidence !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Avec un peu de bonne foi, chacun le reconnaîtra !

« Nos entreprises sont plus compétitives et 240 000 emplois marchands ont été créés depuis un an et demi. »

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « La pauvreté et les inégalités ont été réduites : nos mesures ont contribué à augmenter le niveau de vie des ménages les plus modestes. Celui des classes moyennes a été préservé. »

M. François Grosdidier. Et avec tout cela, le Président ne se représente pas ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Je veux à mon tour poursuivre les réformes engagées par les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls pour assainir nos finances, restaurer notre compétitivité, lutter contre le chômage et construire de nouveaux droits pour les Français.

« Réduire les déficits, c’est préserver notre souveraineté et notre capacité à faire des choix économiques.

« Le déficit reviendra sous la barre des 3 % en 2017, comme l’a reconnu la Commission européenne. »

M. Alain Bertrand. Il a été à 6 % !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Ce n’était pas arrivé depuis 2008 (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais, pour que ce résultat soit durable, nous devons poursuivre l’action engagée.

« Renforcer la compétitivité de nos entreprises, c’est soutenir la croissance et l’emploi.

« Depuis 2012, par l’effet du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et du pacte de responsabilité et de solidarité, 40 milliards d’euros ont été consacrés chaque année à renforcer notre appareil productif. Les entreprises du secteur industriel ont retrouvé le niveau de marges du début des années deux mille. Et le coût du travail dans l’industrie est désormais plus faible en France qu’en Allemagne.

« Le CICE sera donc renforcé à compter de janvier 2017, avec un taux porté à 7 %. Le taux normal de l’impôt sur les sociétés sera progressivement ramené à 28 %, d’abord pour les PME, puis pour l’ensemble des entreprises. Ce taux, je le rappelle, correspond exactement à la moyenne des taux d’imposition dans la zone euro.

« Nous devons aussi continuer à soutenir l’investissement des entreprises. C’est là la vocation de la Banque publique d’investissement, qui est unanimement reconnue. C’est pourquoi j’engagerai aussi 10 milliards d’euros dans le troisième volet du programme d’investissement d’avenir. Il sera organisé de manière plus souple et devra dynamiser des secteurs industriels les plus porteurs jusqu’alors peu couverts, comme l’agroalimentaire, les industries de sécurité, le tourisme et le développement durable.

« Le Gouvernement fera aussi, dès cet hiver, des propositions pour mieux accompagner les TPE et les PME dans la transition numérique. Des ressources en ligne et un accompagnement humain seront mis en place pour que les entreprises puissent bénéficier d’un diagnostic et financer leurs projets avec une participation de l’État.

« Lutter contre le chômage restera évidemment la priorité de ce gouvernement.

« Le Président de la République l’a rappelé voilà quelques jours, notre politique porte désormais ses fruits. Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits chez Pôle emploi a baissé de 101 700 depuis le début de l’année et le taux de chômage mesuré par l’INSEE est revenu à son niveau de la fin de 2012.

« Il faut amplifier cette évolution. L’une des clés du retour au plein emploi, c’est la formation des demandeurs d’emploi. Le plan portant sur 500 000 formations supplémentaires, lancé en 2016, serait prolongé pour au moins un semestre, afin d’offrir une formation à ceux qui en ont le plus besoin. L’État, les régions, les partenaires sociaux, j’en suis convaincu, seront au rendez-vous de cette mobilisation.

« Début janvier, nous engagerons également l’expérimentation Zéro chômeur de longue durée dans dix territoires. Cette expérimentation, qui est issue d’une initiative parlementaire que je veux saluer, permettra d’accompagner des demandeurs d’emploi de longue durée. Nous en attendons beaucoup.

« Assainir et renforcer l’économie française nous a donné les moyens d’améliorer la vie des Français : à travers de nouveaux dispositifs comme la garantie jeunes, la prévention de la pénibilité, le compte personnel d’activité, le pouvoir d’achat, le logement social.

« Dès le 1er janvier 2017, le Gouvernement généralisera la garantie jeunes, qui s’adresse aux jeunes les plus précaires, sans emploi ni formation. Ce parcours d’accompagnement vers la formation et l’emploi est assorti d’une allocation de 460 euros. C’est la vie de ces jeunes de moins de vingt-cinq ans qui va changer, car auparavant ils n’avaient droit à aucune aide. Par ailleurs, en 2017, 210 000 apprentis de moins de vingt et un ans percevront une aide exceptionnelle de 335 euros.

« Le compte de prévention de la pénibilité apportera une réponse forte à l’injustice que constitue l’inégalité face à la vie et à la mort résultant du métier exercé. D’ores et déjà, en 2016, un demi-million de salariés ont bénéficié du droit de se former pour sortir de la pénibilité, ou de partir plus tôt en retraite. En 2017, ils seront encore plus nombreux. C’est une avancée fondamentale pour ceux qui exercent les métiers les plus durs.

« Le compte personnel d’activité engage une révolution de notre modèle social. Au fil de sa carrière, chacun accumulera des droits et pourra décider de leur utilisation pour la formation, l’accompagnement dans un projet de création d’entreprise, un bilan de compétences, le passage à temps partiel ou le départ anticipé pour ceux qui ont occupé des emplois pénibles. C’est un chantier immense. C’est là une nouvelle protection adaptée à notre temps.

« Nous avons agi pour la justice sociale en baissant à quatre reprises les impôts des classes moyennes et des retraités modestes. En 2017, ce sont plus de 5 millions de ménages qui bénéficieront d’une baisse supplémentaire de 1 milliard d’euros de leur impôt sur le revenu, notamment les retraités modestes. En 2017, nous irons plus loin dans la protection des plus pauvres. Au total, depuis 2012, nous aurons procédé à une revalorisation exceptionnelle de 10 % pour le RSA,…

M. Philippe Bas. « Nous » ? Dites plutôt « les départements » !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. … de 25 % pour les prestations familiales des parents isolés et de 50 % pour celles des familles nombreuses. »

M. François Grosdidier. Les coûts sont payés par les finances locales !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Certains qualifient cela d’assistanat. Pour ma part, j’y vois la nécessaire solidarité qui fonde notre pacte républicain…

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. … et à laquelle les Français, je le sais, demeurent attachés.  (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)

« Enfin nous poursuivrons notre mobilisation pour le logement. Le nombre de logements mis en chantier cette année est le plus élevé depuis dix ans. Le projet de loi Égalité et citoyenneté, qui sera adopté avant la fin de l’année, favorisera l’accès à un logement abordable pour tous, de même que la mixité sociale dans l’habitat et dans les quartiers. Ainsi, avec 150 000 logements sociaux prévus, la programmation de l’année qui s’ouvre est historique.

« Nous avons engagé le redressement du pays et nous l’avons fait avec le souci constant de la justice. Ce gouvernement continuera sans relâche à se battre pour notre modèle social. La répartition juste de l’effort, c’est ce qui scelle le pacte républicain. L’État qui protège, c’est ce qu’incarne notre engagement pour le pouvoir d’achat des Français comme pour le logement des plus fragiles.

« Enfin, nous devons préparer l’avenir en amplifiant les réformes stratégiques engagées depuis 2012 pour la transition énergétique, pour l’agriculture et la pêche, pour la politique territoriale, pour l’éducation et la recherche.

« Préparer l’avenir, c’est réussir la mutation écologique. En accueillant la COP21, en vous proposant de bâtir et de voter la loi de transition énergétique, la France s’est placée à l’avant-garde de la protection de la planète et de la croissance verte. Dès le mois de janvier, l’Agence française de la biodiversité sera à pied d’œuvre.

« Beaucoup reste à faire. Nous devons décarboner notre économie, pour la rendre plus durable, plus innovante et plus compétitive. Nous devons soigner nos villes, protéger la qualité de l’air et la santé de nos concitoyens. Nous avons mesuré ces derniers jours les conséquences qu’entraîne dans nos aires urbaines la présence de trop nombreux véhicules diesel d’ancienne génération. »

M. Jean Desessard. Il est bien temps !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « C’est pour cela que, comme l’a annoncé samedi la ministre de l’environnement, mon gouvernement renforcera son soutien à la conversion du parc automobile vers la propulsion électrique.

« Notre chaîne énergétique doit être consolidée. Notre parc nucléaire est un bien public précieux ; nous le surveillons de près, mais nous développerons plus encore les énergies renouvelables. Nous continuerons à soutenir l’effort de rénovation énergétique de l’habitat, pour diminuer nos consommations, mais aussi pour donner plus de confort et de pouvoir d’achat aux Français. Pour le parc de logements privés, les subventions de l’Agence nationale de l’habitat ont atteint cette année des niveaux inégalés. Pour le logement social, les prêts à 0 % de la Caisse des dépôts et consignations permettront aux organismes HLM de multiplier les travaux d’efficacité énergétique dans tout le pays.

« Toutes les décisions qui peuvent être prises pour développer les transports en commun le seront. »

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « En Île-de-France, nous devons soulager des réseaux saturés : le chantier d’extension du RER E vient de démarrer. (Murmures sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

« Dans d’autres villes, comme à Marseille, nous continuerons d’accompagner la métropole et l’aiderons à créer ses solutions de mobilité durable Nous serons les partenaires des collectivités territoriales qui le souhaitent pour innover et pour adapter les cadres réglementaires.

« Construire un modèle de développement plus durable, c’est une responsabilité qui nous engage face aux générations futures, et chaque secteur de notre économie doit pouvoir y contribuer.

« Préparer l’avenir, c’est amener les secteurs de l’agriculture et de la pêche à faire face à de nouveaux enjeux.

« Notre agriculture contribue fortement à notre balance commerciale. Mais tous les grands secteurs de l’agriculture française ont subi ces deux dernières années des crises économiques ou sanitaires. Dans des délais très brefs, en lien permanent avec la profession, nous avons mis en œuvre les plans de soutien nationaux et un plan de refinancement et de consolidation des entreprises agricoles. Pour le secteur de l’élevage en crise, nous avons su convaincre l’Union européenne, grâce à l’engagement sans faille du ministre de l’agriculture, de mettre en place des dispositifs communautaires de régulation des marchés.

« Je souhaite également que l’agriculture soit en mesure de participer à une économie moins dépendante du carbone fossile et qu’un plan en faveur de la bio-économie soit établi pour développer les bio-matériaux, la production d’énergie renouvelable et la chimie du vivant. »

M. Bruno Sido. Pipeau !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « La pêche française bénéficie actuellement d’une conjoncture favorable, qui permet de renouveler les outils de pêche pour l’avenir. Je connais toutefois les inquiétudes que suscite chez les pêcheurs français la perspective du Brexit. Je veux qu’ils sachent que mon gouvernement sera mobilisé pour défendre leurs intérêts, comme cela a toujours été le cas depuis 2012. En outre, nous allons créer une véritable filière maritime, comme celles qui ont fait la fierté de la France pour l’énergie ou l’espace, où la pêche aura naturellement toute sa place.

« Préparer l’avenir, c’est aussi dynamiser nos territoires. »

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Le regroupement des régions a conforté leur capacité à investir dans des équipements et des projets structurants.

« Les quinze métropoles déjà constituées, celles qui le seront demain, à la suite du projet de loi relatif au statut de Paris, que l’Assemblée nationale va examiner cette semaine, ont, elles aussi, les moyens de créer des richesses,…

M. Jacques Mézard. Et les autres ?

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. … de rayonner à l’international, et d’entraîner les autres territoires. Je l’ai vu à Lyon ; je l’ai vu à Bordeaux où la recherche universitaire, l’industrie, les collectivités s’unissent dans une même ambition d’innovation.

« Les nouvelles intercommunalités, opérationnelles au 1er janvier 2017, vont pouvoir développer l’investissement public local, grâce à la mutualisation de leurs services. Pour soutenir leur investissement, nous allons augmenter le fonds de soutien aux investissements locaux et la dotation aux équipements des territoires ruraux, à hauteur de 1,2 milliard d’euros.

« Mais la réforme territoriale a aussi pour ambition de renforcer la solidarité entre les territoires. (M. Jacques Mézard manifeste son exaspération.)

« Les contrats de ruralité viennent soutenir cette ambition, en complément des contrats de plan État-régions et des pactes métropolitains d’innovation. Pour les quartiers sensibles des villes, nous poursuivrons le déploiement du nouveau plan de rénovation urbaine.

« L’atout des territoires, c’est aussi leur identité, leur histoire, leur culture, parfois leur insularité. Nous les prenons en compte, dans le cadre de la République, en créant la collectivité unique de Corse. Nous les prenons en compte, outre-mer, à travers le projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer, qui a été adopté à une très large majorité et sera examiné au Sénat début 2017, pour être définitivement adopté avant la fin de la mandature.

« La force de nos territoires, c’est leur capacité à profiter de la révolution numérique. Le Président de la République a fixé un cap : 100 % de la population en très haut débit d’ici à 2022 et 50 % dès la fin 2017.

« Cet objectif intermédiaire sera tenu avec un an d’avance, dès la fin de cette année : 100 départements sont impliqués dans le plan France très haut débit, qui est le plus grand plan d’infrastructures de cette décennie avec 20 milliards d’euros d’investissement, 30 000 emplois directs créés. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

« Préparer l’avenir, c’est investir dans l’éducation, dans la culture et dans la science.

« L’école est au cœur du projet républicain. Elle est le lieu de formation du citoyen. Elle doit tenir sa promesse de promotion par le mérite. Or trop de jeunes quittent encore le système scolaire sans diplôme, et notre système demeure trop inégalitaire.

« Pour enrayer cette mécanique d’exclusion, la loi de refondation de l’école a été adoptée en 2013. Elle donne davantage de moyens à ceux qui en ont le plus besoin, forme et valorise davantage les équipes enseignantes et éducatives. »

M. Mathieu Darnaud. Tout va bien !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « En 2015, l’éducation nationale est redevenue le premier poste budgétaire de l’État. La création de 60 000 postes couvrant tous les métiers de l’éducation a été engagée sur l’ensemble du quinquennat. En 2017, nous conforterons les lycées professionnels, où nous créerons 500 nouvelles formations sur des métiers d’avenir.

« La culture est un autre élément fondamental de liberté et d’émancipation. Parce que l’inégalité dans l’accès à la culture se noue dès le plus jeune âge, le Gouvernement a commencé à donner corps à l’ambition d’une véritable éducation artistique et culturelle à l’école, à travers l’opération Création en cour. Dès le début de l’année prochaine, 100 artistes seront invités en résidence dans les écoles et les collèges.

« L’effort que nous avons engagé au bénéfice de l’enseignement supérieur et de la recherche a permis à 40 000 étudiants supplémentaires d’entrer chaque année dans nos universités. Le budget des bourses a été augmenté de 500 millions d’euros depuis 2012. Aujourd’hui, un étudiant sur trois bénéficie d’une bourse sur critères sociaux.

« Nous allons poursuivre la politique de construction de pôles d’excellence de niveau mondial financés par le programme des investissements d’avenir. Je pense aux pôles d’excellence créés à Bordeaux, Aix-Marseille, Strasbourg, mais aussi à ceux qui doivent aboutir à Paris, Saclay, Grenoble et Nice. Lille et Lyon présenteront des projets en 2017.

« Pour soutenir l’enseignement supérieur, pour donner à la recherche française la place la plus éminente dans la compétition scientifique internationale, l’effort budgétaire annuel devra se situer durablement autour de 1 milliard d’euros. Seul un tel investissement permettra à la fois d’accompagner l’autonomie des établissements, d’améliorer l’accueil des bacheliers dans l’enseignement supérieur et de maintenir notre recherche au plus haut niveau. Cette ambition sera au cœur des priorités des prochains mois.

« Enfin, je voudrais rappeler l’importance stratégique que présente la candidature de Paris à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et à l’Exposition universelle de 2025. Je m’impliquerai personnellement dans cette double bataille, afin d’aider notre capitale à la gagner. »

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’arrive à la conclusion du discours de M. le Premier ministre. Je vais maintenant lire le passage, en quelque sorte « plus personnel », qui s’adresse à vous, mesdames, messieurs les parlementaires.

M. Jean-Claude Lenoir. Cela devient intéressant !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « J’ai évoqué les crises que doit affronter notre société et les dangers qui menacent notre pays, car, dans les épreuves, j’ai vu le pays de près.

« J’ai vu sa force, son courage, ses ressources presque infinies de sang-froid, de lucidité, de volonté et de fraternité. J’ai vu une nation digne dans le deuil. J’ai vu de la sincérité dans la compassion. J’ai puisé de la force dans cette volonté farouche de notre peuple de résister face à ceux qui souhaitent l’atteindre. J’ai vu son attachement aux valeurs de la démocratie et à la devise de la République. Je parle de cet amour de la France qui transcende toutes les origines, toutes les cultures et toutes les religions.

« Notre pays est un grand pays. Une fois encore, il s’est montré capable de résister à la violence déchaînée contre lui par le terrorisme, sans céder à la panique, ni à la haine ni à la tentation d’un lâche renoncement aux valeurs et aux vertus qui le fondent. Une fois encore il a suscité, au-delà de la sympathie, l’admiration de ses amis partout dans le monde, qui ont senti qu’en s’attaquant à la France le terrorisme s’en prenait à leur propre liberté. Une fois encore, il a su se rassembler, surmonter ses divisions, comprendre que ce qui unit les Français est infiniment plus fort que ce qui les sépare. Car la France n’est jamais plus grande ni plus unie que dans l’épreuve.

« Mais les ressources de notre peuple ne se révèlent pas seulement dans les circonstances douloureuses ou dramatiques. La volonté de créer et d’être utile, la persévérance dans l’effort, la solidarité sont des vertus qui s’exercent quotidiennement, sans bruit, dans les entreprises, dans les administrations, dans les associations, dans les universités et les laboratoires. Ce sont les atouts d’une société vivante et solidaire, qui me semble très différente du portrait désabusé qu’en font les polémistes et les prophètes du déclin.

« Si notre pays se redresse, jour après jour, c’est bien sûr parce que cette majorité a engagé les réformes nécessaires pour préparer l’avenir. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Mais c’est avant tout parce que les Français eux-mêmes ont la volonté de progresser, de travailler, de créer, de s’entraider et ne demandent à leurs élus, quelles que soient leurs préférences partisanes, que de les soutenir dans leur dessein de bâtir cette France plus forte, plus belle et plus juste à laquelle ils aspirent, pour eux et pour leurs enfants. Je veux parler de cette France qui est en nous et qui doit nous réconcilier avec l’espérance.

« Je me présente donc devant vous aujourd’hui avec un engagement. Celui de faire de chaque journée une journée utile à notre pays. »

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Celui de mettre en œuvre sans délai chacune des mesures que l’Assemblée nationale a décidées. Celui de contribuer, par l’action de ce gouvernement, au confortement de notre pacte républicain. Celui de défendre et de faire vivre la laïcité, ce joyau qui rend possible notre vivre-ensemble. Celui, enfin, de placer au cœur de mon action le respect.

« Le respect qui proscrit le cynisme, le mensonge, les postures, les violences, les outrances. Le respect que l’on doit à l’enseignant, à l’infirmière, au policier, aux acteurs et aux serviteurs du bien commun. Le respect que l’on doit à l’ouvrier, à l’artisan, au commerçant, au paysan, à tous ceux qui produisent et entreprennent. Le respect que l’on doit à ceux qui ne sont pas nés ici, mais qui ont choisi la France, qui respectent ses lois et contribuent par leur travail et leur talent à sa prospérité.

« L’engagement que je prends est de chercher chaque jour à nous montrer à la hauteur des ambitions de nos concitoyens, en s’adressant à leur intelligence plutôt qu’à leurs instincts, en leur proposant des débats dignes et des choix clairs.

« La campagne pour l’élection présidentielle devra proposer des débats de fond et mettra en lumière les différences de conception qui nous opposent les uns aux autres. Pour convaincre les Français de la justesse de nos choix, je veux consolider, conforter, amplifier l’action engagée par la majorité depuis 2012, parce que cette majorité s’est employée à redresser l’économie et les comptes publics, qu’elle a renforcé notre modèle social et préparé l’avenir de notre pays à travers l’école, les territoires, le numérique, la transition énergétique.

« À cette tribune, devant les représentants de la Nation, je songe à celui qui fut l’un des hommes les plus admirables qui ait siégé dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Je pense à Jean Jaurès et à l’exigeant message qu’il délivra aux élèves du lycée d’Albi un jour de 1903. Ce jour-là, Jaurès,…

M. Bruno Sido. Et pourquoi pas Victor Hugo ?

M. Didier Guillaume. Respectez !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. … qui avait quarante-cinq ans et venait d’être réélu député de Carmaux, s’est adressé à la jeunesse de France et, par-delà le temps, à nous tous. Et voilà ce qu’il nous a dit : “Le courage, c’est de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense.”

« Mesdames, messieurs les parlementaires, l’engagement ne se compte pas en mois, ni le dévouement en semaines. L’engagement et le dévouement ne cherchent pas la récompense. Ils s’estiment en réformes poursuivies, en actions menées, en progrès accomplis.

« Dans les mois qui sont devant nous,…

M. Roger Karoutchi. Ou plutôt les semaines…

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. … je vous propose de nous consacrer aux grandes causes. Et il n’en est pas de plus grande que de servir la France ! » (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du RDSE.)

M. le président. Acte est donné de la déclaration de politique générale dont il vient d’être fait lecture au Sénat.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire qui s’est réunie sur le projet de loi de finances pour 2017 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

M. Daniel Raoul. Comme c’est étonnant !

5

Renvoi pour avis unique

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique (n° 176, 2016-2017), dont la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

6

Dépôt d’un rapport

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les mesures d’accompagnement en faveur de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis et Futuna pour leur permettre d’appliquer les principaux dispositifs de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission de l’aménagement du territoire, à celle des affaires économiques et à la délégation sénatoriale à l’outre-mer.

7

Dépôt d’avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du congrès de la Nouvelle-Calédonie, par lettre en date du 8 décembre 2016 :

- un avis formulé sur le projet d’ordonnance relatif à l’aptitude médicale à la navigation des gens de mer et à la réglementation de l’alcoolémie en mer ;

- un avis formulé sur le projet d’ordonnance portant transposition de la directive 2014/92/UE sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base ;

- un avis sur le projet d’ordonnance portant réforme du dispositif de gels d’avoirs ;

- et un avis formulé par le congrès de la Nouvelle-Calédonie sur le projet d’ordonnance relative aux espaces maritimes français.

Acte est donné de cette communication.

8

Article 9 sexies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Articles additionnels après l’article 9 sexies

Modernisation, développement et protection des territoires de montagne

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (projet n° 47 rectifié, texte de la commission n° 192, rapport n° 191 et avis nos 182, 185, 186).

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre II, à l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 9 sexies.

Titre II (suite)

SOUTENIR L’EMPLOI ET LE DYNAMISME ÉCONOMIQUE EN MONTAGNE

Chapitre Ier (suite)

Favoriser le déploiement du numérique et de la téléphonie mobile

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 9 septies (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l’article 9 sexies

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Delcros, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L’amendement n° 252 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 9 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article L. 34-8-1-1 du code des postes et des communications électroniques est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l’autorité constate que cela est nécessaire à la réalisation des objectifs mentionnés au 4° du II de l’article L. 32-1, elle peut demander la mise en œuvre d’un partage de réseaux radioélectriques ouverts au public.

« Après consultation publique, l’autorité précise les opérateurs tenus de mettre en œuvre ce partage, le délai dans lequel la convention de partage doit être conclue et le périmètre géographique, ainsi que les principales caractéristiques contractuelles, techniques, économiques et financières, qui fondent la convention de partage. Elle approuve la convention de partage et peut, le cas échéant, en demander sa modification dans des termes et un délai qu’elle détermine. Le refus de négocier de bonne foi, le non-respect ou le défaut de mise en œuvre de la convention de partage sont sanctionnés par l’autorité, conformément à l’article L. 36-11.

« En cas d’échec des négociations entre les parties, l’autorité peut exiger d’un ou de plusieurs opérateurs la publication d’une offre d’accès à leur réseau en vue de permettre la mise en œuvre d’un partage de réseaux radioélectriques ouverts au public.

« Après consultation publique, l’autorité précise les opérateurs qui doivent formuler une telle offre d’accès, le délai dans lequel l’offre doit être formulée et rendue publique et le périmètre géographique, ainsi que les principales caractéristiques contractuelles, techniques, économiques et financières, qui fondent cette offre d’accès. Elle peut demander la modification de cette offre dans des termes et un délai qu’elle détermine. Le refus de formuler une offre, de négocier de bonne foi avec un opérateur tiers la signature d’une convention d’accès sur cette base, ou le défaut de mise en œuvre de cette convention sont sanctionnés par l’autorité, conformément à l’article L. 36-11.

« Sans préjudice de l’article L. 34-8-1, lorsque la prestation permet la fourniture de services de communications électroniques sur une des zones identifiées en application du III de l’article 52 ou des articles 52-1 et 52-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, des articles 119, 119-1 ou 119-2 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ou de l’article L. 34-8-5 du présent code, elle est assurée dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires. »

La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié.

M. Loïc Hervé. Nous revenons cet après-midi sur la question essentielle de la couverture mobile en montagne, qui a occupé nos débats hier soir. Un amendement que nous avions déposé et permettant de définir les zones blanches au niveau législatif a été adopté. Je m’en félicite.

L’objet du présent amendement est de prévoir la possibilité pour l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, lorsque cela est justifié au titre de l’objectif d’aménagement du territoire, d’enjoindre les opérateurs à négocier un accord de mutualisation de leurs infrastructures mobiles dont elle encadre les termes.

À défaut d’accord, le régulateur pourra amener chaque opérateur à proposer une offre de référence d’accès à son réseau mobile en zone rurale.

L’ensemble du mécanisme pourra également donner lieu à des sanctions de la part du régulateur.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bertrand, pour présenter l’amendement n° 252 rectifié bis.

M. Alain Bertrand. Le présent amendement a pour objet de renforcer la mutualisation des infrastructures de réseaux mobiles afin d’améliorer la couverture et la qualité de service dans les zones de montagne et les zones rurales.

Il apparaît nécessaire de prévoir la possibilité pour l’ARCEP d’enjoindre les opérateurs à négocier un accord de mutualisation de leurs infrastructures mobiles, lorsque cela est justifié au titre de l’objectif d’aménagement du territoire.

À défaut d’accord, l’ARCEP pourrait contraindre chaque opérateur à proposer une offre de référence d’accès à son réseau mobile.

Le non-respect de ces dispositions ferait l’objet de sanctions prononcées par l’ARCEP.

Le présent amendement reprend une disposition qui avait été votée par le Sénat lors de l’examen du projet de loi pour une République numérique qui avait été supprimée par la commission mixte paritaire.

Le libellé de cet amendement est très clair : il vise à fixer les conditions de droit pour parvenir à cet accord.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Ce sujet a en effet déjà été examiné voilà quelques mois par le Sénat dans le cadre de la loi pour une République numérique. Notre assemblée avait été très partagée lors du vote sur cette disposition, qui avait finalement été supprimée lors de la commission mixte paritaire.

En ciblant la mutualisation des réseaux, ces amendements visent davantage à améliorer la couverture des zones grises que celle des zones blanches. Toutefois, il n’est pas certain qu’ils contribuent sur la durée à un meilleur aménagement du territoire.

Comme vous le savez sans doute, ils font beaucoup réagir les opérateurs. Ils opposent en particulier ceux qui ont déployé l’essentiel des réseaux existants et le dernier arrivant sur le marché mobile.

Les adopter reviendrait à privilégier l’opérateur qui a, de fait, le moins contribué à la couverture des territoires, compte tenu de son arrivée tardive. Je ne suis pas certain que le Parlement doive intervenir dans ces rapports de marché.

Par ailleurs, certains opérateurs se sont déjà engagés dans la mutualisation de leurs réseaux sur certaines parties moins denses du territoire, sur la base du volontariat.

Enfin, sans parler d’un mécanisme de « passager clandestin », car l’accès ne serait pas gratuit, l’argument selon lequel un dispositif de ce type constituerait une désincitation à l’investissement n’apparaît pas complètement infondé.

Sur le fond, je partage l’intention des auteurs d’accroître la vigilance des pouvoirs publics quant aux efforts de couverture des opérateurs et au respect de leurs obligations.

J’ajoute que c’est parce que nous avions évoqué cet amendement durant la discussion du projet de loi pour une République numérique que les opérateurs ont accepté d’augmenter leur contribution au déploiement des sites complémentaires hors centre-bourg.

Techniquement, toutefois, nous ne sommes pas certains que ce mécanisme soit le plus pertinent pour traiter durablement les problèmes de la couverture mobile.

La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur ces amendements. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Le Gouvernement partage l’analyse du rapporteur.

En effet, il s’agit d’une vraie problématique. Nous en avons longuement parlé hier soir, il est incontestable que la couverture mobile n’est satisfaisante pour personne. Malgré les demandes réitérées des élus, des parlementaires et de l’ARCEP, nous n’avançons pas.

Pourtant, qu’on le veuille ou non, des solutions existent, et ces amendements vont dans le bon sens, même si nous connaissons les difficultés qu’ils posent aux opérateurs.

Monsieur le rapporteur, je vous ai bien écouté. Parce qu’ils nous disent à tous la même chose, je sais qu’un opérateur menace de cesser d’investir si nous le forçons à mutualiser, parce qu’un autre opérateur, arrivé plus tard, viendrait alors profiter de ses infrastructures, ce qui lui paraît ne pas être équitable, le remède risquant, selon lui, d’être pire que le mal.

J’ai saisi l’ensemble des opérateurs, que j’ai rencontrés plusieurs fois, et la Fédération française des télécoms. Après le débat en séance à l’Assemblée nationale, ils se sont engagés à nous faire des propositions, mais elles ne nous sont jamais parvenues.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Après le passage du texte devant votre commission, nous nous trouvons dans la même situation, et nous faisons une fois de plus le constat en séance que nos concitoyens sont victimes de fractures téléphonique et numérique. Ils se tournent naturellement vers leurs élus, qui se voient répondre par les opérateurs que des solutions vont être trouvées, mais rien n’avance.

Nos débats portaient cette nuit sur les zones blanches. Je suis certain que l’amendement qui a été adopté contribuera à accélérer le mouvement, mais nous savons très bien, monsieur Bertrand, qu’il y a loin de la coupe aux lèvres et que la réalité ne correspond pas du tout à ce que l’on nous présente.

Nous discutons maintenant d’amendements qui visent à rechercher la mutualisation. Lors du passage du texte devant l’Assemblée nationale, nous avions attendu que les opérateurs réagissent. Force est de constater qu’ils n’ont rien fait.

Même si je sais que cela risque de contrarier les uns ou les autres, je vais adopter la même position que celle du rapporteur et m’en remettre à la sagesse du Sénat, en espérant qu’enfin, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire dans quelques jours, les acteurs se réveilleront et que nous parviendrons à trouver la bonne solution.

J’ai bien vu, dans les votes exprimés cette nuit comme dans les propos tenus durant le débat dans tous les groupes, que la détermination des sénateurs était forte et qu’elle le restera. Je les comprends ! Ils sont excédés d’entendre de belles paroles sans jamais obtenir de résultats efficaces qui convaincraient nos compatriotes qu’enfin ce dossier avance.

On a mis quatre-vingts ans pour amener l’eau potable en zone rurale et un peu moins pour l’électricité, mais nous ne vivons plus à la même époque. Il n’y a pas de raison pour que les territoires de montagne soient une fois de plus défavorisés au motif qu’en l’absence de cahier des charges à l’origine les opérateurs les ont délaissés pour se précipiter vers les secteurs urbains.

J’ai conscience de ne peut-être pas adopter la position officielle dans les hautes sphères, mais je sais prendre mes responsabilités – c’est aussi le devoir d’un ministre. (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur le banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Merci, monsieur le ministre, d’avoir adopté cette position, qui va d’ailleurs dans le sens des propositions qu’a émises Mme Axelle Lemaire, puisqu’il y a maintenant des procédures contradictoires pour évaluer la couverture mobile dans les différents bassins de vie de ce pays. Il s’agit, à mon sens, d’une avancée intéressante.

Le problème est sérieux. Nous travaillons tous, en ce moment, sur le schéma d’accessibilité aux services publics. Si nous voulons que nos services publics soient dignes du XXIe siècle, la téléphonie, le très haut débit mobile et le très haut débit fixe – deux solutions technologiquement complémentaires – sont indispensables. À cet égard, il y a des territoires à deux vitesses.

M. Loïc Hervé. C’est exact !

M. René-Paul Savary. Près des villes, il n’y a aucun problème de téléphonie mobile.

M. Jean Desessard. Mais des problèmes de pollution !

M. René-Paul Savary. Tout se passe bien, même si certains villages n’ont pas la 3G, mais, dès qu’ils vont dans les territoires ruraux, les élus se font engueuler, et c’est normal ! Être à portée d’engueulade, c’est d’ailleurs important pour mener une politique de proximité (Sourires.) et nous comprenons que nos concitoyens n’acceptent pas la situation actuelle ! Et on ne peut pas leur raconter qu’il ne s’agit que d’une histoire d’opérateurs.

Mme Évelyne Didier. Pourtant, c’est ainsi !

M. René-Paul Savary. Il faut leur proposer des solutions. En matière de très haut débit fixe, c’est maintenant le cas : des échéances sont fixées, on connaît le coût des opérations, il est possible d’avancer des propositions. En ce qui concerne le très haut débit mobile, en revanche, les élus ont perdu la main.

Nous ne pouvons pas continuer à laisser cette question aux mains des opérateurs. Nous devons impérativement être en mesure d’influer sur la politique à mener : il en va de la solidarité entre chacun des territoires. C’est la raison pour laquelle je suis sensible à vos propos, pour une fois, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. Je goûte avec délectation l’argumentaire développé par M. le ministre. D’une part, il avance des arguments supplémentaires en faveur de cet amendement et, d’autre part, en s’en remettant à la sagesse du Sénat, il affirme que le travail d’écriture de la loi appartient aux parlementaires, et non pas aux opérateurs.

Comme celui que nous avons adopté hier soir, cet amendement vise à rompre avec le scandale national que constitue la couverture mobile notre pays ou, plutôt, la non-couverture mobile de tant de territoires, qu’on les appelle zones blanches ou zones grises.

Il s’agit d’envoyer un message législatif et politique fort et coercitif en imposant aux opérateurs de se mettre d’accord et de définir entre eux les modalités financières nécessaires à l’ouverture mutuelle de leurs réseaux, en tenant compte de l’historique de leur création. À ce propos, monsieur le rapporteur, il est possible de définir ces modalités économiques et financières dans leurs relations contractuelles. Si les opérateurs ne résolvaient pas d’eux-mêmes cette situation, il appartiendrait alors au régulateur de définir les sanctions à leur infliger.

Nous avons tous reçu des coups de téléphone de la part de ces opérateurs ces derniers jours. Ils ont le droit de défendre leurs intérêts économiques et financiers, mais il me semble que c’est l’honneur du Parlement de se saisir de cette question.

Nous qui représentons les élus locaux de nos différents territoires ; nous qui avons entendu le message du congrès de l’Association nationale des élus de la montagne, à Saint-Dié-des-Vosges ; nous qui avons dans les territoires ruraux tant de collègues, maires, adjoints ou conseillers municipaux, qui n’en peuvent plus ; nous qui sommes régulièrement en contact avec des chefs d’entreprise et des citoyens excédés, nous avons la responsabilité d’avancer et d’envoyer un message politique fort. De ce point de vue, une disposition législative m’apparaît comme la meilleure option ! (M. Vincent Capo-Canellas applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je voterai les amendements identiques.

Monsieur le rapporteur, vous dites que le dispositif proposé est difficile à mettre en œuvre d’un point de vue financier, mais il y a une solution que je vais vous donner, et reconnaissons que, sur le plan technique, il est quand très intéressant.

Ces amendements visent à mutualiser les installations. Plutôt que trois opérateurs n’installent trois antennes dans le même bloc, une seule antenne servirait à tous. Cela coûte moins cher à la collectivité et c’est utile, puisque l’on peut ainsi installer ces trois antennes dans trois endroits différents, pour bâtir un relais.

Financièrement parlant, l’intérêt pour la collectivité est évident. Il reste à répartir les investissements entre les opérateurs. Il suffit de calculer l’investissement à consacrer à un territoire en fonction du nombre d’antennes. On obtient ainsi, à peu près, le coût par antenne. Un opérateur venant se greffer au dispositif et utiliser les équipements déjà installés participerait à cette hauteur à l’investissement et aux coûts d’amortissement.

Cette proposition paraît sensée et simple à réaliser, mais elle se heurte aux opérateurs et à leurs propres intérêts financiers. Il est donc important que le Parlement prenne une décision afin de les aider à mettre en œuvre un peu plus de mutualisation technique et financière, pour le bien des collectivités.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je vais être obligé de complimenter le ministre ! (Sourires.)

Quel bonheur d’entendre enfin un ministre de la République dire cela ! Depuis des années, je rêve d’entendre un ministre, de droite, de gauche ou du centre, dire qu’il faut privilégier les territoires avant les opérateurs. Monsieur le ministre, vous l’avez dit et je vous en félicite !

Je soutiens les amendements identiques. Mon ami Loïc Hervé l’a déposé dans le même esprit que celui de notre amendement adopté la nuit dernière. Nous avons alors envoyé un message fort pour dire que nous en avions assez que l’on nous serve des histoires et que l’on nous affirme que des territoires sont couverts quand ils ne le sont pas.

Dans la logique de cet acte politique fort, et avec le soutien du ministre, nous avons la possibilité d’obtenir cette mutualisation, proposée dans des termes raisonnables et mesurés, puisque nous ne proposons pas de la généraliser, mais seulement de permettre à l’ARCEP de la mettre en œuvre lorsque c’est nécessaire.

Quel dommage que le Gouvernement n’ait pas adopté cette position plus tôt ! Nous aurions gagné beaucoup de temps si le gouvernement de Jean-Marc Ayrault n’avait pas fait retoquer en novembre 2012 à l’Assemblée nationale la proposition de loi adoptée par le Sénat : les territoires auraient bénéficié d’une bonne couverture beaucoup plus tôt…

Je sais que la moindre chose dérange les opérateurs, qui n’acceptent aucune contrainte. Il me semble toutefois que cette proposition est tout à fait supportable pour eux. Si cela les crispe, ce n’est pas grave. Ce qui compte, c’est que l’on se préoccupe enfin de nos territoires et de leur couverture en téléphonie mobile.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. Cet amendement est très important, nous devons en avoir conscience.

Nous allons lancer un appel fort aux opérateurs. Ils ont toujours décidé et fait ce qu’ils souhaitaient. Avec cette mesure, nous allons effectivement les inciter à mutualiser. Comme l’ont dit Jean Desessard et Hervé Maurey, ce processus est important pour les territoires, car il est inutile de dépenser de l’argent public pour installer un, deux ou trois pylônes pour que chacun en ait un. Il est donc indispensable d’adopter cet amendement, qui vise à enfin enjoindre les opérateurs à négocier un accord de mutualisation !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

M. Bernard Delcros. Il me semble que l’unanimité s’est faite pour affirmer que la couverture en téléphonie mobile, en numérique et en très haut débit constituait un enjeu majeur pour les territoires, pour leur développement et pour leur avenir et qu’il était temps, M. le ministre le rappelait, de passer des paroles aux actes.

Nous le disions hier, s’il y a un domaine dans lequel il importe de faire preuve de volontarisme politique et de fermeté envers les opérateurs, c’est bien celui-là ! Il faut donc le faire par la force de la loi pour que les choses avancent enfin.

Les amendements n° 22 rectifié et 252 rectifié bis sont complémentaires de l’amendement n° 20 que nous avons adopté hier pour définir les zones blanches selon des critères très précis de couverture en téléphonie mobile. Aujourd’hui, nous apportons les moyens et les outils pour répondre à l’objectif que nous avons fixé hier. Il est donc extrêmement important que nous adoptions ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Lasserre. J’ai la conviction que la téléphonie et le très haut débit constituent les points les plus importants de cette loi Montagne.

C’est en effet dans ce domaine que nous pouvons apporter du progrès, parce que nous pouvons peser, j’en ai la conviction, par exemple en adoptant ces amendements. Nous ne pouvons pas laisser passer ce texte sur la montagne sans adopter une attitude offensive, bénéfique et constructive sur ce sujet.

Tous les aspects de la montagne, notamment son économie, sont directement liés au niveau d’équipement en téléphonie et en très haut débit, qui sera déterminant pour l’avenir, nous en sommes tous d’accord.

On ne peut pas laisser dire que la puissance publique serait démunie sur ce sujet. Certes, les opérateurs sont puissants, mais considérer que le Sénat – car beaucoup de sénateurs sont très sensibles à ce sujet – ne disposerait d’aucun moyen de pression pour accélérer le processus est inacceptable à mes yeux. Nous ne pouvons pas nous résoudre à déclarer notre impuissance pour des raisons techniques.

Dans le passé, au Sénat, à l’Assemblée nationale ou au Gouvernement, nous avons traité les aspects techniques de dossiers beaucoup plus complexes que celui-ci. Les arguments mis en avant ne sont donc pas suffisants pour que ces amendements ne soient pas votés. Notre responsabilité est d’afficher cette volonté politique.

Quels signes forts resteront de cette loi Montagne ? À mon sens, le téléphone mobile et le numérique. Il s’agit de ne pas laisser dans l’ombre la montagne, les citoyens qui l’habitent et toutes ses perspectives de développement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. Alain Vasselle. C’est vrai pour tous les territoires ruraux, pas seulement pour la montagne !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.

M. Patrick Chaize. Je suis d’accord, le constat est unanime. Tout le monde peut avancer des exemples indiquant que la situation n’est pas satisfaisante.

Néanmoins, je crains que le remède choisi ne soit pas le bon. Nous revenons à la discussion d’hier : la situation n’est pas neuve, elle préexiste, et le passé a créé certaines contraintes, découlant notamment des contrats entre le Gouvernement et les opérateurs, contrats qui ne peuvent pas être effacés d’un revers de manche !

Malheureusement, imposer la mutualisation, comme cela nous est proposé ici, est parfaitement inefficace, car impossible. Nous nous faisons plaisir, c’est très bien, continuons, mais je ne suis pas persuadé que la décision que nous allons prendre passe toutes les étapes.

M. le ministre disait que des solutions allaient être trouvées d’ici à la commission mixte paritaire, mais celle-ci aura lieu lundi prochain. Je doute que nous trouvions beaucoup de solutions dans un tel délai, en admettant que celles-ci existent, ce qui n’est pas certain.

Je ne suis pas persuadé non plus que l’on ait fait l’analyse de ce qui s’est passé depuis la loi pour une République numérique. Je vous rappelle que Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État au numérique, a présenté hier certaines réponses à ces questions.

Ce débat est important, car il faut montrer que les élus sont sensibles à ces sujets et qu’ils sont attentifs. Il me semble toutefois qu’en prenant maintenant cette décision, nous risquons de contrecarrer, voire de freiner, les progrès en cours.

Je ne suis pas le défenseur des opérateurs, et je vous invite à examiner mon passé en tant que directeur de structures intercommunales pour constater à quel point je les ai combattus. Je continuerai à le faire quand il le faudra. Nous devons cependant être cohérents et responsables : nous ne pouvons pas effacer le passé !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Si j’ai apprécié les propos de M. le ministre, je suis surpris par la chute : pourquoi a-t-il donné un avis de sagesse ? Puisque le Parlement s’est exprimé et que son avis semble partagé, je ne comprends pas que le ministre n’ait pas donné un avis favorable sur ces amendements. Cela m’inquiète, monsieur le ministre.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé, à juste titre, que, lorsque les bandes passantes ont été mises en vente, le cahier des charges n’a pas prévu d’itinérance. Il fallait faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État. Je rappelle que M. Fabius était le Premier ministre à l’époque.

Habitant les Hauts-de-France, je peux vous dire qu’il n’y a aucun problème en Belgique, alors que ce n’est pas le cas en France, cinquième puissance mondiale.

Dans le cadre des accords signés par Emmanuel Macron avec les opérateurs, 230 zones blanches ont été reconnues. De nombreux maires de la Somme sont obligés de prendre leur voiture pour téléphoner du haut de la première colline venue. Cette situation est ubuesque !

On nous promet le très haut débit. Nous demandons déjà le téléphone mobile et qu’Orange continue à entretenir son réseau filaire, qui lui-même n’est plus entretenu aujourd'hui.

Pour ces raisons, je voterai les amendements nos 22 rectifié et 252 rectifié bis. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Je commencerai par une anecdote. Sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle se trouve le domaine du Sauvage, qui s’étend sur des vingtaines d’hectares : seul point d’où l’on puisse passer des appels, un arbre, sur lequel le gérant a écrit « cabine téléphonique » ! (Rires.)

En Haute-Loire, pendant les dix ans où j’étais président du conseil général, nous avons fait trois projets successifs pour la téléphonie mobile. Nous menons aujourd'hui un grand projet avec la région Auvergne-Rhône-Alpes sur le numérique. Mais, malgré tout cela, rien ne fonctionne et il y a toujours autant de mécontentement. Nous sommes très amers.

Le fond du problème est que l’accès à la téléphonie mobile doit dépendre du service public. (Mme la sénatrice Didier applaudit.)

M. Gérard Roche. Or les opérateurs nous « balancent » des arguments techniques qui ne sont que des prétextes. La vérité est qu’ils veulent rester dans une économie de marché, et non pas aller vers le service public. Nous n’y arriverons pas tant que nous n’aurons pas une grande loi sur l’accès au numérique et à la téléphonie mobile. En attendant, l’adoption de ces amendements constituerait un pas vers cette grande loi et pourrait déjà l’amorcer.

C’est pour cette raison que je les voterai et que j’estime que l’avis de sagesse n’est pas suffisant. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Je n’en attendais pas tant, cher Gérard Roche ! (Sourires.)

Mme Cécile Cukierman. La révolution est en marche !

Mme Évelyne Didier. Tout d’abord, mon groupe votera bien entendu tous les amendements qui lui sembleront aller dans le sens d’une amélioration de la situation.

Patrick Chaize nous dit que nous sommes liés par les contrats passés sans qu’il y ait de cahier des charges avec les opérateurs lors de la vente des fréquences. Cela s’appelle une privatisation ! Or, chers collègues des différents groupes ici présents, qui a voté contre cette privatisation ? Vous en voyez les conséquences aujourd'hui !

Nous avons besoin d’une maîtrise publique ! Je rejoins complètement les excellents propos de Gérard Roche : les opérateurs n’interviendront pas dans les zones non rentables. Vous le savez bien, ne faites pas semblant ! C’est la conséquence de la privatisation que vous avez votée.

Faisons en sorte d’avoir un débat serein, raisonnable. Essayons de faire avancer les choses ensemble, mais, de grâce, soyons honnêtes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Luche. Il y a quelques minutes nous écoutions le ministre Jean-Marc Ayrault, porte-parole du Premier ministre. En ce qui concerne le très haut débit, il a dit qu’en 2020 la France entière serait couverte. Il a même ajouté qu’à ce jour 50 % du territoire était couvert par le très haut débit.

Monsieur le ministre, je voudrais que vous invitiez rapidement le Premier ministre en Aveyron pour qu’il puisse constater, d’une part, qu’un habitant sur deux n’a pas le très haut débit – nous en sommes loin ! – et, d’autre part, qu’il est inutile sur la moitié du territoire aveyronnais qu’il se promène avec son téléphone portable parce qu’il ne pourra pas s’en servir !

À mes collègues des territoires urbains, je dis que nous sommes très heureux de les accueillir en juillet et en août en Aveyron, mais qu’ils ne rouspètent pas s’ils ne peuvent pas téléphoner, ou alors qu’ils nous aident à faire en sorte que le département soit totalement couvert en matière de téléphonie mobile !

Gérard Roche a raison, monsieur le ministre : s’il vous plaît, intervenez au plus haut niveau pour que France Télécom entretienne les réseaux filaires existants ! C’est une catastrophe, et nos administrés ne comprennent pas. Ils sont révoltés et ils en veulent aux élus que nous sommes alors que nous n’avons absolument aucun moyen d’agir.

Pour ces raisons, j’appelle vivement M. le ministre à soutenir ces amendements dont l’adoption me semble indispensable pour l’équilibre du territoire. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. À la première lecture, les amendements n° 22 rectifié et 252 rectifié bis me sont apparus comme des amendements de bon sens, ce bon sens paysan qui anime tous les sénateurs.

Cependant, l’intervention de Patrick Chaize m’interpelle. Pour être complètement éclairé dans mon vote, je souhaite que M. Baylet nous éclaire sur les difficultés éventuelles qui pourraient résulter de leur adoption. Il ne faudrait pas que nous enfoncions des portes ouvertes ou que nous donnions des coups d’épée dans l’eau. Le Gouvernement a-t-il le pouvoir de réviser les contrats pour intégrer dans les futurs cahiers des charges cet objectif de mutualisation qui me paraît sain ? Je m’étonne d’ailleurs qu’il n’ait pas été retenu plus tôt…

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

M. Alain Marc. Notre débat s’articule autour de la question de savoir si le contrat a une force supérieure au droit que nous sommes en train de construire.

Le droit contemporain n’hésite pas, pour des motifs qu’il juge supérieurs, à malmener en certaines circonstances la force obligatoire du contrat conclu par les parties. Le plus souvent, ces exceptions n’ont d’autre but que de lutter contre les déséquilibres les plus flagrants et les plus insupportables. Il existe ainsi des exceptions, d’origine légale, d’une part, et d’origine jurisprudentielle, d’autre part.

Dans certains cas, et peut-être dans celui qui nous occupe, la force du droit est donc supérieure à celle du contrat. J’invite les juristes à se pencher sur la question, mais je crois qu’en la matière il serait de bon aloi de voter ces amendements pour corriger les déséquilibres que nous constatons sur le territoire. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Manable, pour explication de vote.

M. Christian Manable. La téléphonie mobile et le numérique sont des facteurs essentiels de l’aménagement du territoire. Dans notre discussion, il conviendrait de distinguer entre, d’une part, la téléphonie mobile et, d’autre part, le numérique avec la fibre optique.

S’agissant de la téléphonie mobile, force est de constater que des opérateurs tout-puissants imposent leur loi. Je crois d’ailleurs que nous le reconnaissons unanimement dans cet hémicycle.

S’agissant en revanche du numérique, du haut et plus particulièrement du très haut débit et du FTTH, c'est-à-dire de la fibre optique amenée à chaque porte, permettez-moi de rappeler qu’il y a quelques années, sous un quinquennat différent, une loi avait prévu une répartition géographique confiant aux opérateurs privés le numérique en milieu urbain, c'est-à-dire dans les zones où il est facile et « juteux » de tirer de la fibre optique, laissant le soin à la puissance publique de régler ce problème en milieu rural, où, on le sait c’est beaucoup plus coûteux, difficile et long à réaliser. Je voulais le rappeler, car cela semble avoir été totalement oublié.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Ce débat est très intéressant. L’on demande aux opérateurs de faire des efforts supplémentaires pour couvrir des zones qui ne le sont pas encore. Très bien ! Je rappelle que, comme cela a été dit, une erreur originelle a été commise, puisque l’itinérance n’a pas été incluse dans les cahiers des charges lorsque la couverture a été confiée aux opérateurs privés dans les années 2000.

J’ajoute que les deux dernières lois de finances ont alourdi la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet, qui est passée de 0,6 à 0,9 % du chiffre d’affaires, et qui va passer à 1,3 %, c'est-à-dire que cette taxe a doublé en l’espace de deux ans. L’État ne peut pas tenir un discours schizophrénique, en attendant toujours plus des opérateurs tout en leur coupant les jarrets. Il y a là une contradiction que je ne m’explique pas.

Quant au Président de la République, je rappelle que, en 2013, il a déclaré de manière solennelle aux opérateurs téléphoniques que la taxe sur les FAI ne bougerait pas parce que, disait-il, ceux-ci avaient besoin de lisibilité pour prévoir leurs investissements. On voit ce qu’il est advenu de cette promesse !

Je m’amuse d’entendre le ministre dire tout le bien qu’il pense de ces amendements, tout en donnant un simple avis de sagesse. Il se trouve que nous sommes originaires du même département, le Tarn-et-Garonne, et je le vois tenir exactement le discours inverse devant l’Association des maires de France ! Il dit pis que pendre des opérateurs, mais les laisse faire et continuer à aller là où c’est le plus rentable, alors que dans le même temps l’État ne se dote ni de moyens ni de nouvelles règles de compétence pour intervenir là où il devrait exercer sa mission.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je tiens à répondre à ces propos. Je veux bien que M. Bonhomme colporte inepties et propos mensongers de manière permanente, mais je souhaite lui rappeler qu’en tant que président du conseil général j’ai fait un schéma directeur territorial d’aménagement numérique, pour lequel nous avons obtenu 25 millions d’euros de l’État. Ce SDTAM est poursuivi par mes successeurs et il se déroule dans les meilleures conditions. Le Tarn-et-Garonne est justement l’un des départements pilotes en la matière, même si, hélas, nous prenons désormais un peu de retard.

Puisque j’ai repris la parole alors que je ne pensais pas le faire, je reviendrai également sur le fait que j’ai émis un avis de sagesse. Nous avons annoncé dans cet hémicycle ainsi qu’à l’Assemblée nationale que nous voulions coconstruire la loi Montagne entre la majorité et l’opposition. En dehors de quelques trublions – dont nous venons d’avoir une démonstration à l’instant –, nous y arrivons dans les meilleures conditions. Il n’est qu’à voir l’excellent travail que nous avons fait tous ensemble hier soir.

Quand on coconstruit, on se respecte les uns les autres. Sur ce sujet extrêmement épineux, le rapporteur a donné lui-même un avis de sagesse et, en vertu de ce principe de recherche consensuelle, j’ai pris naturellement la même position. On ne peut pas demander de sortir de l’affrontement permanent que certains affectionnent au nom de l’intérêt général, en l’occurrence l’intérêt des territoires de montagne, et s’étonner ensuite quand nous nous tendons la main les uns les autres. C’est ce que nous faisons dans le cadre de ce projet de loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 rectifié et 252 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.) (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9 sexies.

L'amendement n° 159 rectifié, présenté par MM. Chaize et de Nicolaÿ, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. B. Fournier et Doligé, Mme Imbert, M. de Legge, Mme Lamure, MM. Rapin, Vaspart, Perrin, Raison, P. Leroy, de Raincourt, Charon, Houpert, Bonhomme, Mandelli, Magras, Genest et Darnaud, Mme Canayer et M. Cornu, est ainsi libellé :

Après l’article 9 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 47-1 du code des postes et communications électroniques est ainsi modifié :

1° Au cinquième alinéa, les mots : « ladite autorisation » sont remplacés par les mots : « la demande » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

La parole est à M. Patrick Chaize.

M. Patrick Chaize. Le présent amendement vise à réduire à deux mois le délai de quatre mois consenti à l’autorité concessionnaire ou gestionnaire des réseaux publics relevant du domaine public routier ou non routier pour se prononcer sur une demande de partage et signer une convention.

Cette modification favorisera le partage d’infrastructures et devrait accélérer la mise en place de ces nouvelles structures.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur. Sur le fond, cette disposition technique peut accélérer le déploiement des réseaux. Elle crée toutefois une contrainte de temps pour les autorités qui gèrent le domaine public et qui doivent traiter ces demandes, notamment les collectivités territoriales pour le réseau routier.

La commission émet a priori un avis de sagesse, mais elle sollicite l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même avis de sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 159 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9 sexies.

Articles additionnels après l’article 9 sexies
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Articles additionnels après l’article 9 septies

Article 9 septies

(Non modifié)

Le II de l’article L. 34-9-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après le mot : « fréquences », la fin du deuxième alinéa du B est ainsi rédigée : « fait l’objet d’une information annuelle au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale sur le territoire duquel est implantée l’installation qui en a fait la demande à l’opérateur concerné. » ;

2° Le même B est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En zone de montagne, les travaux ayant pour objectif de permettre l’installation d’un ou de plusieurs opérateurs sur une installation existante ne relèvent pas du régime prévu aux deux premiers alinéas du présent B dès lors que le support ne fait pas l’objet d’une extension ou rehausse substantielle. » ;

3° À la première phrase du E, les mots : « existante ou » sont supprimés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.

Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes inquiets de la disposition prévue au présent article.

En effet, sous couvert de simplification, cette disposition limite l’information des élus locaux, alors même que ces derniers sont évidemment favorables à une amélioration de la couverture en téléphonie mobile sur leur territoire.

Ainsi, cet article modifie l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, qui précise actuellement que : « Toute modification substantielle d’une installation radioélectrique existante nécessitant une nouvelle demande d’accord ou d’avis auprès de l’Agence nationale des fréquences et susceptible d’avoir un impact sur le niveau de champs électromagnétiques émis par celle-ci fait également l’objet d’un dossier d’information remis au maire ou au président de l’intercommunalité deux mois avant le début des travaux. »

La modification proposée conduit à supprimer l’information obligatoire du maire ou du président de l’intercommunalité avant le début des travaux ainsi que la transmission du dossier d’information. Sous couvert de vouloir alléger les procédures, c’est l’information des élus locaux qui est visée. Or, nous savons tous que la question des ondes et de leur multiplication est un dossier particulièrement sensible.

Lors de l’examen de la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, nous avons déjà dit que cette question méritait toute notre attention.

Actuellement, en France, c’est un décret de mai 2002 qui fixe les taux limites d’émission pour les antennes relais. Ceux-ci vont de 41 à 61 volts par mètre, conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et de la Commission européenne.

Nous portons l’idée qu’il faut réduire le seuil à 0,6 volt par mètre. Cette mesure est réclamée par plusieurs associations et proposée par une résolution du Conseil de l’Europe. Évoquée lors du Grenelle des ondes, plusieurs villes l’ont adoptée.

Sur ces questions très sensibles, nous souhaitons donc que le maire reste informé en amont des procédures sur les projets d’installation radioélectriques et sur l’évolution du niveau d’émission d’ondes, tout simplement parce que c’est à lui que la population demande des comptes.

C’est la raison pour laquelle nous voterons les amendements de suppression.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 128 est présenté par MM. Raoul, Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, M. Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 220 est présenté par MM. Dantec, Poher, Labbé et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l’amendement n° 128.

M. Daniel Raoul. Mes chers collègues, je vous demande de supprimer cet article qui n’apporte rien concernant le comblement des zones blanches ou grises, mais qui dessaisit les élus de l’information.

Le code prévoit actuellement que les maires des territoires concernés sont informés, lorsqu’une demande d’autorisation est transmise à l’Agence nationale des fréquences, deux mois avant toute modification relative à une installation radioélectrique existante.

Ceux d’entre vous qui sont en zone blanche n’ont pas encore été confrontés à des habitants contre tout, notamment contre les ondes.

Avec l’Association des maires de France, nous avons souhaité aboutir à un accord décliné sous la forme d’une charte type dont chaque maire peut demander l’application sur son territoire par les opérateurs. C’était donc une obligation.

Or, avec cet article 9 septies, le maire serait mis devant le fait accompli puisqu’il ne serait plus informé que de manière annuelle. Mes chers collègues, je souhaite bien du plaisir à ceux qui parmi vous sont maires dans les territoires concernés lorsqu’ils seront confrontés à ce genre de situation sans pouvoir, du coup, jouer le rôle de médiateur !

Cet article, qui constitue donc une régression en matière d’information des élus, supprime également la possibilité d’une médiation d’un représentant de l’État quand une installation, qu’elle soit existante ou proposée, suscite un conflit.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l'amendement n° 220.

M. Ronan Dantec. Je crois qu’il y a une grande contradiction entre les débats précédents et cet article. On ne peut pas dire, d’un côté, que l’on veut recréer un rapport de force entre les élus et les opérateurs et, de l’autre, revenir en arrière sur l’obligation faite aux opérateurs de discuter avec les élus locaux.

Cet article affaiblit le rapport de force et le cadre de dialogue entre les élus locaux et les opérateurs. Nous sommes tous conscients qu’il faut au contraire que les élus locaux aient plus de poids.

De plus, je rappelle que nous examinons le projet de loi Montagne. Or cet article généralise un dispositif qui n’est plus du tout lié à la situation de montagne en revenant sur un autre article de loi qui a créé un cadre de dialogue entre élus et opérateurs. Il est donc à la limite du cavalier législatif.

L’Association des maires de France est contre cet article, car, s’il n’y a pas transparence, il y aura effectivement opposition, comme Daniel Raoul vient de le dire.

Un travail important a été fait en amont pour rédiger une charte et créer un cadre de discussion entre les opérateurs et les élus locaux. Ce cadre permet de renforcer l’acceptation, et donc la couverture du territoire. Si nous le déstructurons, non seulement les oppositions seront de plus en plus nombreuses, mais nous aurons envoyé aux opérateurs un signal contradictoire avec nos discussions de cet après-midi et d’hier soir en leur laissant à penser qu’ils n’ont pas à s’occuper des élus locaux.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de supprimer cet article, ce qui nous permettra par ailleurs d’avancer de dix amendements d’un coup !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur. Si vous le permettez, madame la présidente, je donnerai l’avis de la commission sur ces deux amendements, mais aussi sur les huit autres amendements déposés sur l’article 9 septies .

L’article 9 septies vise à assouplir les obligations d’information au niveau local pour les opérateurs en vue de faciliter le déploiement des équipements de téléphonie mobile. L’objectif est d’accélérer la couverture des territoires en recherchant un équilibre entre la maîtrise de l’exposition aux ondes et l’amélioration de l’accès aux réseaux mobiles. Je précise que, d’une part, ces dispositions ne portent que sur des modifications relatives aux sites existants, et non sur la création de sites nouveaux, et que, d’autre part, elles ne remettent aucunement en cause l’encadrement des autorisations d’installation par l’Agence nationale des fréquences.

Sur ces sujets, il y a cependant parfois des injonctions et des demandes souvent contradictoires, au niveau national comme au niveau local. Nous entendons toutefois les inquiétudes exprimées par les auteurs des différents amendements déposés sur cet article.

J’ai rappelé lors de la discussion générale notre souhait d’une démarche constructive et transpartisane sur ce texte. Je propose donc le compromis suivant.

Nous sommes défavorables aux amendements nos128 et 220 de suppression de l’article, qui reviennent par ailleurs sur des votes exprimés sur plusieurs bancs à l’Assemblée nationale.

Nous avons donné un avis favorable à l’amendement n° 131 de M. Raoul, qui propose de systématiser l’information annuelle du maire par les opérateurs, et non de prévoir cette transmission à la demande des élus locaux.

Par conséquent, nous demandons le retrait des amendements nos 221, 129 et 222, qui nous sembleraient alors satisfaits ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Nous sommes défavorables aux amendements nos°132 et 247, car la modulation, prévue exclusivement pour les travaux d’aménagement sur des sites en montagne pour accueillir de nouveaux équipements, nous semble raisonnable.

Quant aux amendements nos 133 et 223, nous avons émis un avis favorable, car nous considérons qu’il est en effet souhaitable de ne pas limiter les instances de concertation aux nouveaux sites, car des besoins de médiation peuvent légitimement porter sur des sites existants.

Le cas échéant, nous pourrons trouver des améliorations en commission mixte paritaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Madame la présidente, si vous le permettez, je vais, comme vient de le faire M. le rapporteur, globaliser ma réponse : l’avis du Gouvernement est, sur chaque amendement, le même que celui du rapporteur pour les raisons qu’il vient d’exposer avec talent.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. À la lecture de cet article, on peut d’abord estimer qu’il est intéressant, puisqu’il s’agit d’informer les élus, sauf que, comme le disait Daniel Raoul, il s’agit d’une information annuelle.

Or il est normal de devoir informer les élus lorsqu’on crée ou que l’on modifie une installation. Ils doivent être informés en tant qu’élus, mais aussi pour répondre aux inquiétudes que peut susciter chez les citoyens l’installation d’une antenne.

En outre, les antennes ne sont pas installées qu’en haute montagne, mais, dans sa rédaction actuelle, l’article 9 septies concerne l’intégralité du territoire national, y compris les grandes villes.

Il prévoit qu’une déclaration annuelle sera faite par les opérateurs alors qu’aujourd'hui la loi les oblige à informer les élus et, au-delà d’eux, les membres de la communauté de toute modification ou création d’installations. Ce retour en arrière est une aberration. Je ne comprends pas pourquoi il a été voté par l’Assemblée nationale.

L’amendement présenté par Ronan Dantec, qui vise à rétablir l’obligation d’information, est identique à celui de Daniel Raoul, qui a rapporté la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, connaît bien le problème. Nous voulons revenir à cette obligation d’information non seulement en montagne, mais sur tout le territoire, et surtout dans les agglomérations.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Poher, pour explication de vote.

M. Hervé Poher. Je voudrais évoquer une facette du problème soulignée par nos collègues Évelyne Didier et Daniel Raoul. Beaucoup de gens s’interrogent, ont des incertitudes ou des inquiétudes tout à fait légitimes à l’égard des ondes.

La question est très simple : peut-on vivre dans un monde imbibé, saturé par les ondes sans qu’il y ait des effets sur les personnes ? Je suis médecin, mais je n’en sais rien.

Puisque nous avons accepté de vivre dans cette société et que nous sommes demandeurs, il faut avant tout rassurer les gens. Il faut être transparents et si possible faire du préventif. Et quand je dis du préventif, ce n’est pas anodin. Il faut faire de l’information sur tout ce qui touche à l’électromagnétique.

Le texte initial prévoyait une « information obligatoire du maire et des habitants ». Celle-ci deviendrait une information « annuelle, s’il y a demande des élus », c'est-à-dire une information éventuelle.

Cela rend les choses un peu incertaines et assez floues. Or, quand il y a un flou, il y a un loup,…

M. Loïc Hervé. On va parler des loups !

M. Ronan Dantec. …ce qui est très inquiétant en zone de montagne.(Sourires.)

Ce n’est pas comme cela qu’on va rassurer les gens sur l’effet des ondes et les élus sur la toute-puissance des lobbys et des opérateurs. Maintenons un minimum d’obligations administratives !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.

M. Michel Raison. L’article 9 septies procède d’une bonne intention : simplifier pour faire gagner du temps. À première vue, il y a donc tout lieu de l’adopter.

Toutefois, l’objectif même du gain de temps me conduit à soutenir les amendements de suppression. En effet, nous savons combien ces dossiers sont délicats et nécessitent un travail de communication. Dans les petits villages, on visite les familles une par une, dans les communes plus importantes on procède différemment. Dans tous les cas, les travaux concernant la téléphonie suscitent des inquiétudes dans la population. À vouloir aller trop vite, on risque de les compromettre !

Il ne s’agit pas de défendre le maire et ses pouvoirs pour eux-mêmes, mais, en quelque sorte, de défendre l’opérateur, de lui simplifier la tâche et de lui faire gagner du temps, en permettant que, passé deux mois, les travaux soient réalisés dans un climat plus paisible.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.

M. Patrick Chaize. Je crains que l’on n’ait pas exactement saisi de la portée de cet article. Comme M. le rapporteur l’a expliqué, l’article 9 septies ne concerne pas l’installation de pylônes, mais la modification d’antennes sur un pylône existant.

Autant je puis comprendre qu’une consultation soit nécessaire pour favoriser l’acceptation du projet, comme M. Raison vient de le souligner, lorsqu’il s’agit d’installer un pylône, autant il me semble que, lorsqu’on change de technologies sur un pylône sans apporter à celui-ci de modification substantielle, on peut essayer de gagner du temps. En effet, notre motivation, aux uns et aux autres, est aussi de faire avancer les technologies et d’encourager le passage de la 3G à la 4G sur nos territoires le plus rapidement possible. Cet article peut y contribuer.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Votre intervention, monsieur Chaize, plaide au contraire en faveur de la suppression de l’article 9 septies

S’il est adopté, que se passera-t-il ? Un opérateur pourra, sans prévenir personne, grimper sur un pylône pour y changer des installations. Aussitôt, les riverains appelleront la mairie. Or que le maire pourra-t-il leur répondre ? Que, d’après la loi, l’opérateur doit l’informer avant la fin de l’année… Imaginez un peu que la situation se présente au mois de mars ! En réalité, cet article aggraverait les difficultés des maires en les privant d’informations.

Monsieur Chaize, pour bien connaître les opérateurs, vous savez ce qu’ils sont en mesure de faire. Qui imagine qu’ils n’ont pas un planning à deux mois et qu’ils ne peuvent pas adresser une lettre au maire deux mois avant une intervention ?

Nous avons adopté hier soir des mesures qui répondent à la volonté des élus locaux de montrer leurs muscles, de faire savoir qu’il y a des règles et qu’il faut les respecter. Nous devons poursuivre dans cette logique, car c’est ainsi que nous mettrons fin aux zones blanches et que les opérateurs cesseront de se moquer royalement des élus locaux !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Monsieur Chaize, cet article ne vise pas seulement les modifications apportées à des installations existantes ; il concerne toute installation sur tout le territoire.

Mes chers collègues, sans vous faire un cours sur la propagation, j’attire votre attention sur le fait que changer l’azimut de l’axe d’un lobe d’émission pour donner de la place à un nouvel opérateur modifie le périmètre couvert par ce lobe. Or des règles existent qui protègent les équipements sensibles, notamment les établissements destinés aux jeunes enfants ou aux personnes âgées. Le maire doit donc être informé, ne serait-ce que pour savoir où créer de nouveaux équipements, ou pour demander une correction d’azimut de l’axe du lobe.

Si l’information n’est pas fournie bien en amont, nous aurons des problèmes de conformité aux dispositions législatives sur les équipements sensibles et d’incompatibilité avec le droit de l’urbanisme !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 128 et 220.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 9 septies est supprimé, et les amendements nos 221, 129, 131 et 222, ainsi que les amendements identiques nos 132 et 247 et les amendements identiques nos 133 et 223, n’ont plus d’objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.

L'amendement n° 221, présenté par MM. Dantec, Poher, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 4

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

1° Le B est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En zone de montagne, toute modification substantielle d’une installation radioélectrique existante nécessitant une nouvelle demande d’accord ou d’avis auprès de l’Agence nationale des fréquences fait l’objet d’une information annuelle au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale sur le territoire duquel est implantée l’installation qui en a fait la demande à l’opérateur concerné. » ;

L'amendement n° 129, présenté par MM. Raoul, Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, M. Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 131, présenté par MM. Raoul, Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, M. Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

qui en a fait la demande à l’opérateur concerné

L'amendement n° 222, présenté par MM. Dantec, Poher, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

qui en a fait la demande à l’opérateur concerné

par les mots :

par le ou les opérateurs concernés

Les amendements identiques nos 132 et 247, présentés respectivement par MM. Raoul, Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, M. Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, et par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, sont ainsi libellés :

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

Les amendements identiques nos 133 et 223, présentés respectivement par MM. Raoul, Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, M. Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain et par MM. Dantec, Poher, Labbé et les membres du groupe écologiste, sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

Article 9 septies (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 9 octies (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l’article 9 septies

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 157 rectifié, présenté par MM. Chaize et de Nicolaÿ, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. B. Fournier et Doligé, Mme Imbert, M. de Legge, Mme Lamure, MM. Rapin, Vaspart, Perrin, Raison, P. Leroy, Charon, Houpert, Bonhomme, Mandelli, Magras, Panunzi, Genest et Darnaud, Mme Canayer et M. Cornu, est ainsi libellé :

Après l’article 9 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 421-5 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …) De leur rôle dans la communication à destination ou en provenance des populations en cas de sinistres, catastrophes naturelles ou autres situations de crise. »

La parole est à M. Patrick Chaize.

M. Patrick Chaize. Cet amendement vise à permettre au Gouvernement d’étendre par décret, dans des cas strictement justifiés par la protection des populations, les constructions, aménagements, installations et travaux dispensés des formalités prévues au titre des articles L. 421-1 à L. 421-4 du code de l’urbanisme.

Toute infrastructure permettant la communication réactive et efficace des populations en cas de sinistre, de catastrophe naturelle ou dans toute autre situation de crise, notamment en zone de montagne, est bien évidemment primordiale ; son déploiement doit donc être accéléré.

Mme la présidente. L’amendement n° 24, présenté par MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’article 9 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 421-5 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …) De leur rôle en zone de montagne dans la communication à destination ou en provenance des populations en cas de sinistres, catastrophes naturelles ou autres situations de crise. »

La parole est à M. Bernard Delcros.

M. Bernard Delcros. L’article L. 421-5 du code de l’urbanisme prévoit que, en cas de sinistre, de catastrophe naturelle et dans certaines autres situations de crise précisément définies, des installations et travaux provisoires peuvent être dispensés de demande d’autorisation préalable. Nous proposons d’actualiser la liste de ces installations en y incluant celles qui jouent un rôle en matière de communication.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur. L’article L. 421-5 du code de l’urbanisme ne vise que des cas très spécifiques, comme les projets de très faible importance, les projets temporaires ou ceux qui nécessitent le secret pour des raisons de sûreté.

Malgré l’importance de la couverture mobile pour les territoires de montagne, la mesure proposée nous semble excessive, car elle priverait les pouvoirs publics, en particulier les maires, de toute maîtrise sur le déploiement de ces installations.

Je sollicite donc le retrait de ces amendements et j’y serai défavorable s’ils sont maintenus.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Alors que la fibre optique n’est soumise à aucune autorisation au titre du code l’urbanisme, les antennes de communication sont soumises à déclaration préalable ou à permis de construire, vu qu’elles ont une incidence sur le paysage. S’agissant en outre d’installations sensibles pour les riverains, le Gouvernement considère qu’il ne peut être envisagé de les dispenser de toute formalité.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 157 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l’article 9 septies
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 9 nonies A (nouveau)

Article 9 octies

(Non modifié)

Le 3° de l’article 25 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En zone de montagne, il est tenu compte des contraintes géographiques pour appréhender la limite supérieure de la puissance apparente rayonnée ; ».

Mme la présidente. L’amendement n° 248, présenté par M. Desessard, Mmes Aïchi, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Labbé et Poher, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

M. Jean Desessard. Il est retiré, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 248 est retiré.

Je mets aux voix l'article 9 octies.

(L'article 9 octies est adopté.)

Article 9 octies (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 9 nonies

Article 9 nonies A (nouveau)

L’article 28-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces autorisations peuvent notamment être attribuées à l’occasion de manifestations, d’événements exceptionnels ou pendant les périodes de fréquentation touristique. » – (Adopté.)

Article 9 nonies A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Articles additionnels après l’article 9 nonies

Article 9 nonies

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes promeut la mise en place et la gestion efficace de systèmes d’information et processus de commandes entre opérateurs pour l’accès aux réseaux à très haut débit en fibre optique permettant de fournir des services de communications électroniques à un utilisateur final.

L’Autorité veille au développement des travaux de normalisation de ces systèmes d’information et processus de commandes et, le cas échéant, à la mise en place d’une entité unique chargée de leur gestion centralisée entre opérateurs.

Elle rend compte de son action à la Commission supérieure du numérique et des postes.

Mme la présidente. L’amendement n° 161 rectifié, présenté par MM. Chaize et de Nicolaÿ, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. B. Fournier et Doligé, Mme Imbert, M. de Legge, Mme Lamure, MM. Rapin, Vaspart, Perrin, Raison, de Raincourt, Charon, Houpert, Bonhomme, Mandelli, Magras, Genest et Darnaud, Mme Canayer et M. Cornu, est ainsi libellé :

Alinéa 1

1° Supprimer les mots :

en fibre optique

2° Compléter cet alinéa par les mots :

, notamment pour les réseaux en fibre optique

La parole est à M. Patrick Chaize.

M. Patrick Chaize. Le présent amendement vise à étendre à tous les réseaux à très haut débit, au-delà de la seule technologie de la fibre optique, la mission confiée à l’ARCEP de promouvoir et de suivre les travaux de normalisation pouvant tendre vers une gestion centralisée, notamment des processus de commandes.

L’article 9 nonies facilite la commercialisation de services sur les différents réseaux à très haut débit en levant progressivement différentes barrières techniques. Il s’agit d’ouvrir ce mécanisme à d’autres réseaux que ceux en fibre optique. En effet, certains blocages peuvent concerner également d’autres technologies, notamment le satellite, qui est commercialisé par une pluralité de distributeurs.

Cet amendement vise ainsi à assurer le respect du principe de neutralité technologique, sans rien enlever au mécanisme prévu à l’article 9 nonies.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur. L’ajout proposé est utile : il permettra l’intégration de nouvelles technologies, notamment le satellite. L’avis est donc favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il est également favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 161 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 155 rectifié bis, présenté par MM. Chaize et de Nicolaÿ, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. B. Fournier et Doligé, Mme Imbert, M. de Legge, Mme Lamure, MM. Rapin, Vaspart, Raison, Perrin, P. Leroy, de Raincourt, Charon, Houpert, Bonhomme, Mandelli, Magras, Genest et Darnaud, Mme Canayer et M. Cornu, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

À cette fin, l’autorité veille au développement des travaux de normalisation des systèmes d’information et processus de commandes entre opérateurs.

La parole est à M. Patrick Chaize.

M. Patrick Chaize. La précision que cet amendement vise à apporter permettrait d’inscrire le régulateur dans les travaux en cours.

Les opérateurs sont organisés pour assurer la cohérence et la sécurisation des flux entre leurs systèmes d’information. La coopération est déjà opérationnelle, et l’ensemble des opérateurs sont déjà interfacés pour la commercialisation. Pour autant, les opérateurs ont exprimé de manière unanime la nécessité d’approfondir l’interopérabilité de leurs systèmes d’information. À cet effet, ils ont décidé, à la suite des travaux menés au sein du groupe Interop’Fibre, de renforcer la gouvernance de leurs travaux, notamment pour renforcer l’harmonisation des protocoles, et de mettre en place une plateforme commune de test.

Si l’approfondissement de l’interopérabilité des systèmes d’information exige la recherche du consensus le plus large possible entre les opérateurs et si, à cet égard, c’est à eux qu’il revient de convenir des formes d’organisation les plus adéquates, il est nécessaire que l’ARCEP s’inscrive en tant qu’observatrice dans les travaux menés. Ce suivi étroit permettra au régulateur de prendre toute décision qu’il estimera nécessaire en termes de process pour favoriser une interopérabilité approfondie entre les opérateurs et, ainsi, encourager la commercialisation des réseaux d’initiative publique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Avis favorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 155 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je mets aux voix l'article 9 nonies, modifié.

(L'article 9 nonies est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.

Article 9 nonies
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 10 (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l’article 9 nonies

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 172 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti et Delahaye, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle.

L'amendement n° 302 est présenté par Mme Espagnac.

L'amendement n° 414 est présenté par M. Bouvard.

L'amendement n° 435 est présenté par MM. Carle et Savin.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 9 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En zone de montagne, il est tenu compte des contraintes géographiques pour faciliter l’attribution d’iso-fréquences et permettre aux services de radios de surmonter ces difficultés. »

La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 172 rectifié.

M. Loïc Hervé. Cet amendement vise à permettre aux radios locales de bénéficier des iso-fréquences.

Des antennes relais reprennent le signal principal pour le relayer de l’autre côté de la vallée, un bassin de vie en montagne est parfois difficile à couvrir avec un seul émetteur.

Les radios locales de montagne font face à des obstacles naturels, à commencer, évidemment, par le relief, qui rendent plus difficile la diffusion de leurs programmes. Or ces radios sont une composante essentielle du tissu économique et humain dans nos territoires de montagne, comme le savent tous les élus de ces territoires. Elles développent un lien social en assurant la connexion entre les différentes vallées et la diffusion d’informations essentielles aux populations dans leur vie quotidienne, comme l’état du réseau routier.

La référence législative aux obstacles géographiques permettra au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’accorder cet outil aux radios confrontées à de telles difficultés.

Mme la présidente. Les amendements nos 302, 414 et 435 ne sont pas soutenus.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 172 rectifié ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur. En réalité, le droit en vigueur permet déjà au CSA de procéder à l’attribution d’iso-fréquences.

Les députés ont rejeté des amendements visant à rendre obligatoire pour le CSA l’octroi d’iso-fréquences. Le présent amendement a une portée normative faible, puisqu’il rappelle une faculté dont le CSA dispose déjà, même s’il mentionne explicitement les services de radio locale en montagne comme bénéficiaires possibles, compte tenu des contraintes géographiques qui pèsent sur eux.

Son adoption pourrait toutefois s’avérer problématique, dans la mesure où l’attribution d’iso-fréquences reste une mesure dérogatoire, qui doit être justifiée par des circonstances particulières, afin de prévenir toute atteinte aux principes d’égalité, de pluralisme et de concurrence entre services.

Le CSA nous a alertés sur le risque de contentieux en cas d’introduction d’une mention spécifique des radios locales de montagne dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Au demeurant, l’absence d’iso-fréquences ne fait aucunement obstacle à ce que la même radio puisse être retenue, le cas échéant, sur deux fréquences de régions voisines non affectées de contraintes, afin, par exemple, de permettre la prise en compte des bassins de population.

J’ajoute enfin que, en commission, nous avons déjà inséré dans le projet de loi une mesure favorable aux radios locales, en prévoyant l’octroi à celles-ci par le CSA d’utilisations temporaires lors d’occasions exceptionnelles ou saisonnières, afin qu’elles puissent faire face aux pics de fréquentation.

Dans ces conditions, je sollicite le retrait de cet amendement et j’y serai défavorable s’il est maintenu.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’iso-fréquence consiste à attribuer une même fréquence à un service sur plusieurs zones adjacentes. Cette question n’est pas spécifique à la montagne, ni aux radios locales ; songeons à la fréquence 107.7, accordée aux radios d’autoroutes.

Le CSA peut déjà attribuer des iso-fréquences à certaines radios. Du reste, cette solution ne nous paraît pas forcément pertinente pour les radios locales en zone de montagne. En outre, pour tenir compte du pluralisme, le CSA peut préférer autoriser une autre radio dans la seconde zone plutôt que la même radio dans les deux zones.

On ne peut donc envisager d’inciter le régulateur audiovisuel à recourir à cette technique qui, au surplus, pourrait être très coûteuse pour les radios locales.

Comme M. le rapporteur, je sollicite donc le retrait de l’amendement ; s’il est maintenu, le Gouvernement y sera défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Hervé, l'amendement n° 172 rectifié est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Je le maintiens d’autant plus que des amendements identiques avaient été déposés par des collègues de différents groupes.

Notre attention a été attirée sur la question des radios locales de montagne. Souvent associatives, ces radios participent à la vie quotidienne des habitants de nos territoires ; il suffit d’allumer sa radio en voiture pour se rendre compte de leur utilité.

Qui peut le plus peut le moins : je ne vois pas en quoi cette précision empêcherait le CSA de jouer pleinement son plein rôle d’autorité administrative indépendante.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Les occasions de souligner le rôle des radios locales dans l’aménagement du territoire, la cohésion des territoires et la vie quotidienne de leurs habitants sont trop rares pour que je ne vote pas l’amendement.

Que la portée normative de la disposition soit relativement faible, nous l’avons bien compris. Malgré tout, adresser ce signal au CSA facilitera la vie de radios associatives qui ne sont pas toujours entendues de lui, contrairement à d’autres opérateurs, beaucoup plus puissants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Notre groupe votera lui aussi cet amendement. Les radios locales de montagne jouent un rôle utile aux populations et un rôle d’alerte. Elles contribuent à mettre en valeur la vie propre de ces territoires. Je ne vois pas en quoi le CSA pourrait être contrarié par l’adoption de cet amendement. Il est important de laisser aux territoires la liberté de s’organiser autour de leurs radios locales.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je ne suis pas un spécialiste des radios locales, et mon département n’est que modestement montagneux… Je tiens toutefois à exprimer le soutien que j’apporte, à titre personnel, à l’amendement qu’a défendu Loïc Hervé.

Les radios locales jouent un rôle utile, et il est important de marquer notre reconnaissance aux bénévoles qui les font vivre, des passionnés qui œuvrent avec beaucoup de conviction et de cœur. Ces personnes qui se dévouent sans mesurer leur temps méritent nos encouragements, tout particulièrement dans les territoires de montagne, où elles contribuent grandement à la bonne communication et à l’aménagement du territoire. (M. Loïc Hervé opine.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 172 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9 nonies.

Chapitre II

Encourager la pluriactivité et faciliter le travail saisonnier

Articles additionnels après l’article 9 nonies
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Articles additionnels après l’article 10

Article 10

(Non modifié)

L’article 11 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 11. – Les établissements de formation professionnelle situés en zone de montagne tiennent compte, dans l’élaboration de leur offre de formation, des spécificités de l’économie montagnarde. Ils répondent aux enjeux de la pluriactivité, notamment en encourageant la bi-qualification, et aux enjeux, le cas échéant, des activités transfrontalières. »

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l’article.

M. Michel Le Scouarnec. Avec cet article 10, nous abordons la question des travailleurs saisonniers, qui sont près de 2 millions dans notre pays, tous secteurs confondus.

Leur apport économique est souvent ignoré ou sous-estimé. Ils sont par définition précaires, puisque leurs contrats sont des CDD dits « par nature », c’est-à-dire sans prime de précarité.

Cette condition est à associer plus largement à la situation des salariés saisonniers en matière d’hygiène et de sécurité. La fréquence et la gravité des accidents du travail, des conditions de vie déplorables faute de pouvoir se loger décemment, un accès aux soins de santé compliqué pendant les saisons : autant de phénomènes sous-estimés, car la forte mobilité de l’emploi et la grande diversité des lieux de travail rendent très difficiles le suivi des saisonniers et la traçabilité de leur exposition aux risques professionnels.

Il est nécessaire d’actionner plusieurs leviers pour faire reculer la précarisation sociale et professionnelle liée à leurs conditions de travail et aux conditions spécifiques de l’exercice de leur métier. Les professionnels du tourisme ont vu leurs métiers se transformer, ce qui nécessite notamment la mise en place de formations adaptées aux exigences de ces évolutions.

À cet égard, une initiative novatrice est promue en Bretagne dans le secteur de l’hôtellerie de plein air, avec la mise en place d’une formation originale à destination des professionnels : alternant cours pratiques et cours théoriques sur trois ans, cette formation doit déboucher sur l’obtention d’un diplôme et, surtout, d’un contrat à durée indéterminée.

Ce dispositif pérennise l’emploi en le qualifiant, tout en permettant à nos territoires, à nos entreprises et à nos salariés d’envisager un développement économique durable. Cette expérience tendant à accroître la plus-value professionnelle pourrait être, d’une part, soutenue et, d’autre part, étendue à d’autres régions, notamment de montagne.

Les dispositions de l’article 10 sont une première reconnaissance pour les travailleurs saisonniers, mais il faut aller plus loin, par exemple en instituant, au-delà de la formation, une clause de reconduction des contrats pour les saisonniers fidélisés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Article 10 (Texte non modifié par la commission)
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Article 11

Articles additionnels après l’article 10

Mme la présidente. L’amendement n° 74, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail est complété par les mots : « , et qui sont effectués pour le compte d’une entreprise dont l’activité obéit aux mêmes variations ».

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Comme nous l’avons déjà souligné lors de précédents débats, il est impératif d’adopter une définition stricte de la saisonnalité, afin de lutter contre le recours abusif au travail saisonnier. Il s’agit d’éviter que les contrats de travail à caractère saisonnier ne soient utilisés en lieu et place des contrats à durée déterminée pour surcroît d’activité, ce qui permet à l’employeur de s’exonérer du paiement de certaines cotisations patronales, ainsi que du versement de la prime de précarité. En d’autres termes, il s’agit de lutter contre une forme de fraude patronale.

C’est pourquoi nous renouvelons notre proposition d’inscrire dans la loi la définition du travail saisonnier adoptée par le Défenseur des droits, qui précise que l’entreprise elle-même doit avoir une activité saisonnière. Sans cette précision, les centres commerciaux et les restaurants ouverts toute l’année, mais situés dans des zones touristiques pourront continuer à recourir à des contrats saisonniers en lieu et place de contrats à durée déterminée pour surcroît d’activité.

Il nous paraît essentiel que le critère des variations saisonnières s’applique non seulement à l’emploi, mais également à l’activité de l’entreprise elle-même. Ce critère est d’autant plus légitime que, pour définir le travail saisonnier, le juge a toujours pris en compte l’activité de l’entreprise. Dès lors, pourquoi refuser de l’inscrire dans la loi ?

L’argument d’une explosion du contentieux n’est pas pertinent, car, si cette formulation ne pose pas de problème pour définir les salariés saisonniers, pourquoi en poserait-elle pour définir les entreprises « dont l’activité obéit aux mêmes variations » ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise, selon ses auteurs, à limiter le recours aux contrats à durée déterminée saisonniers en réservant l’utilisation de ceux-ci aux entreprises dont l’activité varie en fonction des saisons.

Je ne souhaite pas que l’on revienne sur la définition du travail saisonnier inscrite pour la première fois dans le code du travail par l’article 86 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels : des tâches « appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ».

De surcroît, cet amendement pose un problème de forme, car il vient compléter la définition du CDD d’usage, et non celle du CDD saisonnier.

Quand un problème de fond se pose, c’est à l’inspection du travail de le régler.

Pour ces raisons, j’avais proposé à la commission des affaires sociales d’émettre sur cet amendement un avis défavorable. La commission ne m’a pas suivie et s’y est finalement déclarée favorable.

Mme la présidente. L’avis de la commission des affaires sociales est donc favorable…

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. Et le mien défavorable !

Mme Cécile Cukierman. C’est l’avis de la commission que vous devez exposer, ma chère collègue !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Comme vient de l’expliquer Mme la rapporteur, ce débat a déjà eu lieu lors de l’examen du projet de loi défendu par ma collègue Myriam El Khomri. Une définition du travailleur saisonnier a été adoptée qui reprend celle qui est issue de la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Maintenir cette définition est un enjeu de lisibilité, de clarté et donc de sécurisation, pour les salariés comme pour les employeurs.

L’ajout que vous proposez, madame la sénatrice, nous éloignerait de cette définition : il n’est pas opportun, car il contribuerait, à rebours de l’objectif que vous visez, à obscurcir les cas dans lesquels il peut être recouru aux contrats saisonniers.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je vais à nouveau tenter de vous convaincre de voter cet amendement, même si ce double avis défavorable rend ma tâche difficile, pour ne pas dire impossible.

Monsieur le ministre, vous faites valoir que la définition inscrite dans la loi reprend la jurisprudence constante en matière de travail saisonnier. Certes, mais la définition du Défenseur des droits est un peu plus précise.

Ajouter que l’activité de l’entreprise doit elle aussi être saisonnière empêcherait que des salariés travaillant pendant l’été dans des grandes surfaces ne soient embauchés sous contrat saisonnier. Mes chers collègues, trouvez-vous normal que des jeunes – nous en connaissons tous qui sont dans cette situation –, mais aussi des moins jeunes, soient employés dans une grande surface, un restaurant ou n’importe quel commerce d’une zone touristique dans le cadre de contrats saisonniers, ce qui les prive de prime de fin de contrat et dispense les entreprises de payer une partie de leurs cotisations, avec les conséquences qui en résultent sur notre système de protection sociale ?

Ces entreprises connaissent un surcroît d’activité pendant l’été, mais il n’est pas juste qu’elles en tirent argument pour recourir à des contrats saisonniers. Les salariés sont obligés de subir ce que les entreprises leur imposent et, quand ils essaient de se défendre, ils sont condamnés : il y a notamment une chasse aux syndicalistes qui essaient de défendre les droits des salariés. De leur côté, certains employeurs profitent de toutes les astuces pour bénéficier de toujours plus d’avantages, y compris d’avantages auxquels ils ne devraient normalement pas pouvoir prétendre.

Bien sûr, la loi El Khomri a marqué une avancée en matière de travail saisonnier ; j’ai modestement contribué au groupe de travail qui s’est penché sur la définition de cette forme de travail. Reste que nous nous sommes arrêtés au milieu du gué, ce que je regrette.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 73, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1244-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1244-2. – Les contrats de travail à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L. 1242-2 doivent comporter une clause de reconduction pour la saison suivante.

« Une convention ou un accord collectif de travail prévoit que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier lui propose, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante. La convention ou l’accord en définit les conditions, notamment la période d’essai, et prévoit en particulier dans quel délai cette proposition est faite au salarié avant le début de la saison ainsi que le montant minimum de l’indemnité perçue par le salarié s’il n’a pas reçu de proposition de réemploi.

« À défaut de convention ou d’accord collectif, l’indemnité prévue à l’article L. 1243-8 est versée au terme du contrat de travail à caractère saisonnier.

« Pour calculer l’ancienneté du salarié, les durées des contrats de travail à caractère saisonniers successifs dans une même entreprise sont cumulées. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Je poursuis le débat engagé sur la situation des travailleurs saisonniers en évoquant cette fois-ci la reconduction du contrat de travail saisonnier, contrat dont vient de parler mon collègue Michel Le Scouarnec dans sa précédente intervention.

Qu’il s’agisse des députés lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale ou des auteurs des différents rapports établis sur le sujet tant au Sénat qu’ailleurs, tout le monde s’accorde pour reconnaître l’importance des travailleurs saisonniers pour les territoires de montagne.

Que les parlementaires soient de gauche ou de droite, il se dégage une belle unanimité autour de l’idée que l’emploi saisonnier accroît la précarité des travailleurs et qu’il est nécessaire d’améliorer les conditions de vie et de travail de ces salariés indispensables.

Par ailleurs, il a souvent été fait mention du profit économique que les employeurs pourraient tirer d’une forme de pérennisation de ces emplois, dès lors qu’ils n’auraient plus à chercher des personnels qualifiés d’une année sur l’autre.

Avec cet amendement, nous proposons de répondre à une réalité économique, d’améliorer la sécurité de l’emploi saisonnier et d’agir en faveur d’une meilleure stabilité des personnels.

En effet, cela fait plus de quinze ans que la faculté de conclure un accord ou une convention collective prévoyant la reconduction d’un tel contrat de travail existe, mais que cette clause est absente de la majorité des accords de branche. Il est temps de passer des paroles et des discours grandiloquents – je parle des discours de ceux qui soulignent combien les saisonniers sont précieux – aux actes et d’imposer cette clause de reconduction, en prévoyant le versement d’une indemnité dans le cas où le contrat ne serait pas renouvelé.

Les travailleurs saisonniers bénéficieront ainsi d’une situation plus stable. Ils n’auront plus à chercher un nouvel employeur chaque année et se verront reconnaître à la fois leur ancienneté et leur savoir-faire. Une telle obligation permettra également aux employeurs de fidéliser leurs salariés, de capitaliser sur leur formation et d’améliorer tout à la fois leur qualité de vie et la qualité du travail fourni. Il s’agit donc d’un amendement de bon sens, mes chers collègues !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. L’alinéa 6 de l’article 86 de la loi Travail du 8 août 2016 impose aux partenaires sociaux de lancer une négociation sur la reconduction du contrat de travail à caractère saisonnier et la prise en compte de l’ancienneté des salariés avant le début du mois de février 2017.

La même loi prévoit que le Gouvernement pourra prendre une ordonnance sur ce sujet avant le mois de mai 2017, et que celle-ci s’appliquera de manière supplétive si aucun accord de branche ou d’entreprise n’est conclu.

Les auteurs de l’amendement souhaitent aller plus loin et anticipent les résultats de cette négociation. Pour ma part, je considère qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs et vous propose de faire confiance à la négociation entre partenaires sociaux.

Pour cette raison, la commission des affaires sociales vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement.

Madame David, vous proposez de récrire une partie du code du travail et de modifier les dispositions relatives à la reconduction du contrat saisonnier pour la saison suivante.

Or le sujet a déjà été débattu lors de l’examen du projet de loi Travail. À cette occasion, votre Haute Assemblée a voté en faveur de l’ouverture de négociations dans les branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé, relatives aux modalités de reconduction des contrats à caractère saisonnier d’une saison sur l’autre et à la prise en compte de l’ancienneté des salariés pour les branches ou les entreprises qui emploient un grand nombre de salariés saisonniers. C’est l’article 86 de la loi du 8 août 2016.

Ces négociations sont actuellement en cours et le délai de six mois laissé aux partenaires sociaux n’est pas encore expiré.

De plus, je rappelle que, à défaut d’accord, il est prévu que le Gouvernement prendra une ordonnance. Il me semble donc prématuré, avant même l’issue des négociations, de prévoir la modification des règles qui figureront dans le code du travail.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je comprends l’impatience de notre collègue Annie David et des membres du groupe communiste républicain et citoyen, mais il est vrai que nous avons déjà débattu de ce sujet lors de l’examen de la loi Travail.

Mme la rapporteur et M. le ministre ont rappelé que le Sénat, ou du moins le groupe socialiste et républicain, avait voté en faveur de l’ouverture d’une négociation entre partenaires sociaux.

Il nous avait d’ailleurs fallu batailler contre nos collègues de droite. Je ne veux pas relancer la polémique, mais ces derniers n’étaient alors pas tellement emballés à l’idée que ces travailleurs, en cas de reconduction quasi-systématique de leur contrat à durée déterminée, se voient reconnaître des droits à formation…

Mme Annie David. Et à la santé !

Mme Nicole Bricq. En effet, ainsi qu’au logement !

Désormais, la négociation est lancée. Compte tenu du délai qui a été laissé au Gouvernement pour prendre une ordonnance, à défaut d’accord entre partenaires sociaux, nous devrons toutefois nous montrer extrêmement vigilants : il ne faut pas laisser passer cette échéance, mes chers collègues, dans la mesure où elle a été fixée au mois de mai prochain…

M. Loïc Hervé. Pourquoi ? Que se passe-t-il en mai prochain ? (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. En effet, je vous rappelle que la faculté pour le Gouvernement de prendre une ordonnance est encadrée : il n’est autorisé à agir que dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi Travail.

Étant donné la période en question, il faudra donc faire très attention et veiller à ce que l’État se substitue bien aux partenaires sociaux dans l’hypothèse où les négociations n’aboutiraient pas.

Cela étant, d’après ce que je sais, ces négociations se déroulent plutôt bien. Je partage donc la position de la rapporteur et du ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Votre intention est évidemment louable, madame David. Je partage d’ailleurs l’idée selon laquelle il est souhaitable d’améliorer l’encadrement du contrat de travail saisonnier.

Il faudrait également prendre en compte le fait que les employeurs d’un certain nombre de branches renouvellent déjà les contrats de leurs saisonniers depuis de nombreuses années. Il a été rappelé que tous les secteurs n’agissaient pas ainsi : certains secteurs sont certes restés un peu au point mort en la matière, mais d’autres ont été au contraire très volontaristes ! Je pense notamment à Domaines skiables de France, organisme qui regroupe les exploitants de remontées mécaniques : ses saisonniers ont désormais la garantie de voir leurs contrats reconduits d’une année sur l’autre, ne serait-ce que parce que leur employeur a intérêt à réemployer un certain nombre de travailleurs d’une année sur l’autre, compte tenu du niveau de formation demandé.

Les secteurs dans lesquels le renouvellement des contrats saisonniers est rare sont connus : il y a les hébergeurs, mais ils s’y mettent progressivement ; on trouve aussi le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, ainsi qu’un certain nombre de secteurs commerciaux dans lesquels les règles sont plus difficiles à mettre en œuvre, pas nécessairement parce que les employeurs font preuve de mauvaise volonté, mais parce que ce sont des secteurs très atomisés, dans lesquels on trouve une multitude de structures professionnelles et où l’on observe parfois la plus totale inorganisation.

La saison d’hiver est désormais entamée. Sous réserve des observations exprimées par notre collègue Nicole Bricq, il me paraît donc préférable d’attendre l’échéance du mois de mai prochain pour évaluer ce qu’il se sera passé, puis nous efforcer de faire avancer les choses.

Faire en sorte que les contrats des saisonniers soient plus régulièrement renouvelés est dans l’intérêt collectif, et ce pour plusieurs raisons : non seulement cela contribue à fidéliser le personnel de l’employeur, mais, dès lors que ce sont les mêmes personnes qui viennent travailler d’une année sur l’autre, cela lui permet de trouver plus facilement les solutions les plus adaptées en matière d’hébergement – par exemple, il sait alors si ces personnes viennent seules ou en famille, ou si leurs enfants seront présents ou pas. La question de la reconduction du contrat des travailleurs saisonniers relève donc véritablement de l’intérêt général.

Pour autant, une disposition vient d’être votée et il convient par conséquent de stabiliser les conditions actuelles de sa mise en œuvre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je tiens à dire que je ne retirerai pas mon amendement. En effet, cela fait très longtemps que je travaille avec un grand nombre de saisonniers, que ce soit lors du Forum des emplois saisonniers ou avec l’Association des lieux d’accueil des travailleurs saisonniers, l’ALATRAS – je les salue d’ailleurs à cet instant.

À vous écouter, chers collègues, monsieur le ministre, les saisonniers de cette année devraient être les derniers à ne pas bénéficier de la reconduction de leur contrat : en effet, vous venez d’affirmer que les négociations sont en cours, qu’elles vont aboutir et que, même si elles n’aboutissaient pas, le Gouvernement prendrait une ordonnance ou une mesure réglementaire d’ici à la fin du mois de mai pour que la mesure entre en vigueur.

Selon vous, ce sont donc les derniers saisonniers qui connaîtront cette situation. Pour ma part, je vous donne rendez-vous l’an prochain, mes chers collègues, dans une station de ski, pourquoi pas ! Nous verrons alors si cette reconduction des contrats saisonniers est effective ou non.

J’ai organisé ici même un colloque sur l’emploi saisonnier : M. Matthias Fekl y a participé et a reconnu la nécessité qu’il y avait à se préoccuper de salariés qui sont indispensables à nos territoires, que ce soit à la montagne ou à la mer.

S’il n’y avait pas tous ces saisonniers, une grande part de l’activité économique de nos territoires n’existerait pas. Je crois que nous sommes tous d’accord pour le dire. Alors, comment agir pour préserver cette armée de l’ombre, ces gens invisibles ? Sans eux, rien ne pourrait se faire et, pourtant, on ne les reconnaît pas !

C’est pourquoi je ne retirerai pas mon amendement. Mes chers collègues, j’espère vraiment que vous aurez l’occasion de vous réjouir l’an prochain et de vous congratuler : ce serait la preuve que la reconduction des contrats saisonniers est devenue effective !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l’article 10
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Article 11 bis (Texte non modifié par la commission)

Article 11

Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, une évaluation des conditions de gestion des travailleurs pluriactifs ou saisonniers par les régimes de protection sociale est présentée par le Gouvernement au Parlement. Cette évaluation établit les conditions d’une prise en charge mutualisée de la protection sociale de ces travailleurs en vue notamment de la mise en place des guichets uniques mentionnés au troisième alinéa de l’article 59 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. – (Adopté.)

Article 11
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Articles additionnels après l’article 11 bis (début)

Article 11 bis

(Non modifié)

La deuxième phrase du premier alinéa de l’article 87 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est ainsi rédigée :

« Le cas échéant, le contrat précise que la rémunération versée mensuellement au salarié est indépendante de l’horaire réel effectué et qu’elle est lissée sur l’année. »

Mme la présidente. L'amendement n° 75, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Comme je le disais à l’instant, j’ai participé au groupe de travail interministériel sur les saisonniers. À l’occasion de la loi Travail, nous avions obtenu une première avancée grâce à l’introduction de la notion de « saisonnalité » dans le code du travail, même si cette définition ne me convient pas complètement.

L’objectif du groupe de travail était d’encadrer l’utilisation abusive des contrats de travail à caractère saisonnier par les employeurs. Ces derniers les utilisaient en lieu et place des CDD pour surcroît de travail, afin de s'exonérer du paiement de certaines cotisations et du versement de la prime de précarité.

L’article 11 bis représente un retour en arrière pour les droits des travailleurs saisonniers. En effet, le lissage de la rémunération des saisonniers tout au long de l’année a des conséquences négatives. À première vue, la modulation du temps de travail et le lissage de la rémunération qu’elle entraîne sur une année peuvent apparaître comme un élément de stabilité financière pour les travailleurs. En réalité, ce lissage évite surtout aux entreprises qui emploient des travailleurs saisonniers de payer les heures supplémentaires qu’elles devraient régler en temps normal.

Autre effet pervers : le lissage du temps de travail et donc de la rémunération entraînera la perte des indemnisations que perçoivent les saisonniers pendant l’intersaison.

Si, en apparence, l’article 11 bis apporte davantage de sécurité aux saisonniers, il sera en réalité à l’origine de pertes de revenus importantes. Pour ces raisons, mon groupe demande la suppression de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. Je rappelle que l’article 11 bis supprime une disposition qui est source de rigidité et qui risquait de faire échouer l’expérimentation prévue par la loi Travail.

Une expérimentation sera bientôt lancée pour autoriser les employeurs de travailleurs saisonniers à conclure des CDI intermittent, en cas d’absence d’accord ou de convention au niveau de la branche ou de l’entreprise, alors que le droit commun n’autorise la conclusion de tels contrats de travail que dans les conditions fixées par un accord ou une convention.

L’article 11 bis apporte de la souplesse, car il prévoit que le lissage de la rémunération des salariés qui participeront à cette expérimentation sera facultatif, et non plus obligatoire.

La commission est donc défavorable à l’amendement de Mme David.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

L’article 11 bis vise à laisser de nouveau l’employeur et le salarié choisir les modalités de la rémunération versée dans le cas d’un CDI intermittent saisonnier. La rémunération ne peut être lissée sur l’année que dans les cas où le salarié et l’employeur sont tous deux d’accord.

La suppression de cet article, madame la sénatrice, rigidifierait le dispositif et imposerait au contraire le lissage de la rémunération, car il n’y aura alors plus d’autre solution possible.

Le Gouvernement considère qu’il est préférable de laisser le choix du mode de rémunération aux deux parties au contrat de travail.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je voudrais tout d’abord faire remarquer que c’est notre collègue députée Mme Bernadette Laclais qui a rendu le lissage de la rémunération facultatif, et que ce lissage n’est donc plus obligatoire.

J’ajoute que les institutions représentatives du personnel ont également leur mot à dire.

Mme Annie David. Tout à fait !

Mme Nicole Bricq. Compte tenu des deux précisions que je viens d’apporter, j’estime que nous pouvons accorder la souplesse que le dispositif requiert.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié bis, présenté par MM. L. Hervé, Delcros, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - La première phrase du premier alinéa de l'article 87 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation du parcours professionnel est complétée par les mots : « pour les entreprises qui en sont pourvues ».

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Cet amendement a pour objet d’apporter une précision à l’article 87 de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi El Khomri.

Cet article prévoit que, dans les branches dans lesquelles l’emploi saisonnier est particulièrement développé, les emplois à caractère saisonnier peuvent donner lieu jusqu’au 31 décembre 2019 à la conclusion d’un contrat de travail intermittent en l’absence de convention ou d’accord d’entreprise ou d’établissement, ou en l’absence d’accord de branche, après information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel.

Cet amendement vise à préciser que cette dernière procédure d’information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel ne doit bien sûr être observée que lorsque l’entreprise est pourvue d’un comité d’entreprise ou de délégués du personnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. L’article 87 de la loi Travail prévoit une expérimentation dans des branches saisonnières que le Gouvernement devra désigner par arrêté autorisant les employeurs à avoir recours au CDI intermittent, même si aucun accord de branche ou d’entreprise n’est conclu, ainsi que le requiert le droit commun.

L’amendement vise à préciser que l’information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel dans le cadre de la mise en œuvre de cette expérimentation ne se fera que pour « les entreprises qui en sont pourvues ».

Cette précision me semble superflue : l’absence de ces institutions représentatives du personnel, soit parce que l’entreprise n’a pas atteint le seuil à partir duquel leur constitution est obligatoire, soit en raison d’un défaut de candidatures, n’empêchera pas celle-ci de bénéficier de l’expérimentation.

C’est pourquoi la commission vous demande de retirer votre amendement, mon cher collègue. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Aujourd’hui, il importe surtout que le Gouvernement désigne les branches qui participeront à l’expérimentation. Peut-être pourrez-vous nous donner des précisions à ce sujet, monsieur le ministre.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui lui semble satisfait.

En effet, une expérimentation du CDI intermittent saisonnier est déjà prévue dans le cadre de la loi Travail, dans une rédaction identique à celle qui est proposée. Cette disposition figure à l’article 87 de cette loi.

Le Gouvernement, en particulier Mme la ministre du travail, s’attache actuellement à faire en sorte que la mise en œuvre de cette disposition soit rapide.

Mme la présidente. Monsieur Hervé, l'amendement n° 28 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 bis.

(L'article 11 bis est adopté.)

Article 11 bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Articles additionnels après l’article 11 bis (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l’article 11 bis

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 180 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delahaye, Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle.

L'amendement n° 254 rectifié est présenté par Mme Malherbe, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

L'amendement n° 331 rectifié est présenté par MM. Gremillet, Morisset et Pillet, Mme Di Folco, M. Raison, Mme Imbert, MM. Pierre, Chasseing, Bizet, Chaize, Mandelli, Houpert, Dufaut, Pointereau, B. Fournier, Sido et de Raincourt et Mmes Lamure et Deromedi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 11 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 113-3 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La gestion des troupeaux exercée par les groupements pastoraux constitués exclusivement d’agriculteurs est considérée comme le prolongement de l’activité principale de leurs membres. Les dispositions législatives en matière du droit du travail applicables aux agriculteurs qui en sont membres bénéficient également auxdits groupements. »

La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 180 rectifié.

M. Loïc Hervé. Des groupements dits « groupements pastoraux » peuvent être créés dans les formes prévues par les lois et règlements en vigueur pour la constitution de sociétés, associations, syndicats et groupements d’intérêt économique, en vue de l’exploitation des pâturages.

Par principe, ces groupements pastoraux sont constitués exclusivement entre agriculteurs. Par exception, certains groupements peuvent compter des collectivités locales parmi leurs membres.

En tout état de cause, et quelle que soit sa composition, l’activité principale d’un groupement pastoral consiste à gérer des troupeaux composés d’animaux appartenant aux agriculteurs qui en sont membres. Cette activité s’inscrit donc dans le prolongement direct de l’activité principale desdits agriculteurs. C’est bien là l’unique raison d’être du groupement pastoral, dont l’activité principale est indissolublement liée à celle des éleveurs qui le composent.

Par conséquent, pour cette activité de gestion de troupeaux, et seulement pour celle-ci, le groupement pastoral peut, par extension, avoir recours aux contrats à durée déterminée dans les mêmes conditions que celles qui sont accordées aux agriculteurs qui en sont membres.

Les autres activités du groupement pastoral qui ne s’inscriraient pas dans le prolongement de l’activité desdits agriculteurs relèvent, eux, du droit commun des contrats.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour présenter l'amendement n° 254 rectifié.

Mme Hermeline Malherbe. Pour compléter le propos de mon collègue, j’ajoute que nous souhaitons trouver un équilibre entre les conditions accordées directement aux agriculteurs et aux éleveurs quand ils recourent à ce type de contrats et les dispositions qui s’appliquent aux groupements pastoraux, qui, bien qu’exclusivement constitués d’éleveurs ou d’agriculteurs, n’ont actuellement pas le droit de recourir à de tels contrats.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l'amendement n° 331 rectifié.

M. Daniel Gremillet. Les groupements pastoraux existent essentiellement dans les massifs et cet amendement concerne donc bien la montagne.

Nous voulons que ces groupements puissent bénéficier des mêmes avantages que ceux qui sont accordés aux exploitants agricoles. Comme le groupement pastoral est le prolongement d’une activité agricole, et dès lors qu’il est exclusivement composé d’exploitants agricoles, il est absolument stratégique et essentiel de leur permettre de recourir à des contrats à durée déterminée dans les mêmes conditions que celles dont profitent les exploitants à titre individuel. C’est d’abord important en termes d’aménagement du territoire. C’est surtout très important dans le contexte actuel, où les charges sont élevées et où il est primordial de ne décourager personne de se lancer dans l’exploitation de nos montagnes, qui sont des territoires parfois difficiles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. Ces trois amendements concernent les groupements pastoraux.

Ces groupements d’éleveurs, qui font l’objet d’un agrément accordé par l’État selon des règles fixées par le code rural et complétées selon des conditions établies dans chaque département, gèrent et valorisent collectivement des surfaces pastorales.

Ils peuvent choisir de se constituer sous la forme d’associations loi 1901, de sociétés civiles, de sociétés coopératives ou de syndicats professionnels.

En théorie, les groupements pastoraux peuvent mettre des locaux ou des véhicules, éventuellement du personnel – mais ce n’est pas nécessairement l’objectif principal –, à disposition des agriculteurs. Ils peuvent employer un salarié ou préférer recourir à un prestataire.

Selon les informations dont je dispose, rien dans le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime n’interdit à un groupement pastoral d’embaucher du personnel en CDD.

Dès lors qu’il respecte les règles de droit commun pour éviter la requalification du CDD en CDI – je pense au contrat écrit, aux cas de recours, ou au délai de carence –, il peut embaucher un salarié en CDD classique ou en CDD saisonnier.

Ces amendements me semblent satisfaits par le droit en vigueur. Je demanderai donc à leurs auteurs de bien vouloir les retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement partage l’avis de la commission.

En effet, les groupements pastoraux peuvent se constituer sous différentes formes juridiques, comme une association ou une société. Ils sont affiliés à la Mutualité sociale agricole, la MSA, comme le sont les employeurs agricoles à part entière. Ils peuvent donc tout à fait embaucher des salariés saisonniers en CDD pour garder les troupeaux, sous réserve évidemment de respecter les critères définis par le code du travail en matière d’emploi saisonnier.

Ces amendements qui assimilent les groupements pastoraux à des exploitants agricoles ne sécurisent nullement leur recours au CDD saisonnier, puisque cette faculté existe déjà. Mme la rapporteur a donc raison de dire que les trois amendements sont déjà satisfaits.

En outre, les conventions collectives applicables à ces groupements peuvent déjà définir par activité la nature des emplois saisonniers permettant le recours au CDD saisonnier.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Roux. Les auteurs de ces amendements revendiquent le droit d’inscrire dans le code du travail la possibilité pour les groupements pastoraux de conclure des CDD dans les mêmes conditions que celles dont bénéficient les agriculteurs qui en sont membres. Pourquoi les groupements pastoraux ne se constitueraient-ils pas en groupements d’employeurs, ce qui leur permettrait de conclure des CDI intermittents, comme le prévoient l’article 11 bis du projet de loi et l’article 87 de la loi Travail ?

S’il s’agit d’embaucher des bergers pour des estives, cette possibilité contribuerait au développement de la pluriactivité en zone de montagne, laquelle est bénéfique pour l’économie de ces régions. De plus, cela permettrait aux bergers de compléter leur formation et d’avoir une activité toute l’année.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. J’ai bien entendu les propos de Mme la rapporteur, ainsi que ceux de M. le ministre.

Si vous nous confirmez que le groupement pastoral peut aujourd’hui bénéficier des mêmes conditions pour recourir à un CDD que celles qui sont accordées aux exploitants agricoles qui composent le groupement, je retirerai évidemment mon amendement, car il sera satisfait.

M. Daniel Gremillet. Seulement, avant de le retirer, j’aimerais en être bien sûr. Pour le moment, ce n’est pas le cas et le propos que vient de tenir notre collègue Jean-Yves Roux crée de nouveau le doute dans mon esprit. Il semble dire qu’il serait nécessaire de créer une nouvelle structure. Or le monde agricole est arrivé à saturation et en a assez des complications administratives : faisons tout simplement en sorte que les groupements pastoraux bénéficient bien des mêmes droits que les exploitants agricoles !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je vous confirme que c’est bien le cas, monsieur le sénateur !

Mme la présidente. Monsieur Gremillet, l'amendement n° 331 rectifié est-il maintenu ?

M. Daniel Gremillet. Je le retire donc, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 331 rectifié est retiré.

Monsieur Hervé, l'amendement n° 180 rectifié est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Non, je le retire également.

Mme la présidente. L'amendement n° 180 rectifié est retiré.

Madame Malherbe, l'amendement n° 254 rectifié est-il maintenu ?

Mme Hermeline Malherbe. Je le retire aussi, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 254 rectifié est retiré.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Articles additionnels après l’article 11 bis (début)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Discussion générale

9

Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2016

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 décembre, organisé à la demande de la commission des affaires européennes.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil européen qui se tiendra jeudi prochain à Bruxelles doit être une étape essentielle dans la mise en œuvre des priorités qui avaient été fixées au sommet de Bratislava, qu’il s’agisse de la réponse européenne à la crise des migrations, de la sécurité et de la défense européennes, des questions économiques et sociales ou du soutien à la jeunesse européenne.

Concernant les migrations, un pas important a été franchi au cours des derniers mois avec la transformation de l’agence FRONTEX en corps européen de gardes-côtes et gardes-frontières, dont le mandat est élargi et qui sera doté d’une réserve mobilisable permanente de 1 500 agents fournis par tous les États membres.

Nous avons également engagé devant le Parlement européen la révision du code frontières Schengen et des travaux législatifs doivent commencer sur le système ETIAS de contrôle systématique électronique des entrées et des sorties. Ces législations doivent être adoptées au plus vite. De même, la France insiste sur le respect des principes de responsabilité et de solidarité en matière de migration, donc d’asile, responsabilité des pays de première entrée pour ce qui concerne le contrôle et l’enregistrement des réfugiés comme l’organisation des réadmissions des immigrants illégaux – à cet égard, des accords doivent être établis avec les pays de provenance –, et solidarité de l’ensemble des États membres quant à l’accueil des réfugiés et au soutien au pays de premier accueil. De ce point de vue, je le souligne, la France, qui est le premier pays pour ce qui concerne les relocalisations des réfugiés en provenance de la Grèce, a montré qu’on pouvait assumer ses responsabilités. Nous demandons à tous les États membres de faire de même.

Le Conseil européen se penchera plus spécifiquement sur la dimension externe de la politique migratoire européenne. Il devrait souligner l’importance de mettre en œuvre, dans toutes ses dimensions, la déclaration conjointe de l’Union européenne et de la Turquie du mois de mars dernier, afin de poursuivre la maîtrise des flux migratoires en Méditerranée orientale. Malheureusement, nous assistons de nouveau à une certaine augmentation de ces flux, avec environ 200 arrivées par jour. Ce chiffre était descendu à moins de 100. Pour autant, nous sommes très loin des arrivées massives précédentes : avant cet accord, 1 500 à 2 000 personnes prenaient chaque jour la mer vers la Grèce, en provenance de la Turquie, ce qui occasionnait, vous le savez, de multiples drames. Quoi qu’il en soit, nous devons insister sur le fait que la Turquie doit respecter ses engagements en matière de lutte contre les passeurs et les migrations illégales.

Certains États membres pourraient être tentés, comme l’Autriche et les Pays-Bas l’ont fait ce matin au cours de la réunion du Conseil des affaires générales, alors que nous débattions de la politique d’élargissement, de soulever la question plus générale du dialogue avec la Turquie et d’une suspension éventuelle de celui-ci. Pour nous, il est clair que, si la Turquie a le droit de se défendre contre les putschistes, après la tentative de coup d’État du 15 juillet dernier, ou contre les terroristes, qui ont encore frappé le pays ces derniers jours et que nous combattons à ses côtés, elle doit le faire dans le respect de l’État de droit et de manière proportionnée.

Les évolutions de ces dernières semaines sont à cet égard graves et préoccupantes, et l’Union européenne a exprimé avec force, le 8 novembre dernier, son inquiétude face à la répression qui touche des députés kurdes, des journalistes, des universitaires, lesquels n’ont rien à voir ni avec le coup d’État du 15 juillet ni avec les attentats terroristes.

Le dialogue avec la Turquie doit donc se poursuivre sur la base de la clarté et de la fermeté. De ce point de vue, il a été convenu ce matin qu’aucun chapitre de négociation ne peut être ouvert dans les circonstances actuelles. Lors de la réunion du Conseil européen, il sera rappelé que la Turquie, qui est un partenaire stratégique de l’Union européenne en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, les migrations illégales et les trafiquants d’êtres humains, doit tenir les engagements qu’elle a pris dans le cadre de l’accord du 18 mars entre l’Union européenne et la Turquie.

Au-delà de cet accord, il faut agir sur les causes profondes des migrations en provenance d’Afrique, compte tenu notamment de ce qui se passe en Méditerranée centrale et des arrivées importantes sur les côtes italiennes de réfugiés.

Bien évidemment, une action diplomatique doit être menée pour trouver une solution à la situation de la Libye. Les chefs d’État ou de gouvernement feront aussi le point sur les premiers résultats du cadre de partenariat renforcé, engagé avec cinq pays prioritaires : l’Éthiopie, le Niger, le Nigeria, le Mali et le Sénégal. Un premier accord a ainsi été noué avec le Mali dimanche dernier ; il en sera rendu compte. L’élargissement géographique éventuel des pactes migratoires au-delà de ces cinq pays pourra être envisagé en fonction des premiers résultats concrets obtenus et en tenant compte des possibilités financières de l’Union européenne.

Il s’agit d’aider ces pays dans leur développement économique, en particulier de faire en sorte que les jeunes puissent y rester : ils doivent pouvoir trouver une formation, puis un emploi. Il s’agit également de renforcer leur capacité de contrôle de leurs propres frontières et de lutte contre les trafiquants d’êtres humains, et de mettre en place des accords en matière d’asile, de reconduite à la frontière des demandeurs non fondés à demander l’asile et des migrants en situation illégale.

Au titre de cette action en profondeur, il faut aussi saluer l’accord trouvé au Conseil sur le Fonds européen de développement durable, ainsi que sur le mandat externe de la Banque européenne d’investissement, ces dispositifs permettant de compléter les instruments dont dispose l’Union européenne, dans le prolongement des décisions prises lors du sommet de La Valette.

Le deuxième grand sujet à l’ordre du jour de ce Conseil européen sera la politique de défense commune et les questions de sécurité. C’est le point sur lequel sont attendues les avancées les plus nouvelles et d’une grande importance : l’Europe doit se donner les moyens d’assumer davantage de responsabilités en matière de défense. Personne n’assurera la sécurité des Européens à leur place. La France insiste depuis longtemps sur ce message, aujourd'hui repris par plusieurs de nos partenaires, notamment l’Allemagne. Vous le savez, les ministres des affaires étrangères et de la défense français et allemands ont publié cet été et cet automne des documents comportant des propositions qui ont fourni la base des débats du Conseil des affaires étrangères, qui s’est réuni le 14 novembre dernier.

Ce conseil constitue une étape particulièrement importante. Il a en effet permis d’enregistrer des avancées significatives dans le domaine de la politique de sécurité et de défense commune. La Commission a présenté le 30 novembre dernier un plan d’action européen pour la défense. Elle propose notamment la création d’un fonds européen de la défense, afin de soutenir les investissements dans la recherche et le développement conjoint d’équipements et de technologies de défense, ainsi qu’un recours aux fonds structurels et à la Banque européenne d’investissement, en appui à l’industrie de défense.

Il est donc important que le Conseil européen reprenne les conclusions du Conseil des affaires étrangères du 14 novembre sur la mise en œuvre de la stratégie globale de sécurité de l’Union européenne. Il faut que les impulsions nécessaires soient données, pour passer aux travaux pratiques, dans les domaines des financements, de l’organisation et de la coopération.

Nous souhaitons également qu’une revue européenne annuelle de défense soit désormais effectuée sous la coordination des États membres. Cela instaurera une sorte de semestre européen de défense, lequel permettra d’évaluer les besoins en matière de capacité, de coordination, d’interopérabilité et de soutien à nos industries de défense. Car les efforts doivent être mieux partagés sur le plan financier. Nous rappellerons l’objectif retenu par tous les États membres de l’Union européenne par ailleurs membres de l’OTAN de consacrer 2 % de leur PIB à la défense. La France s’est engagée en ce sens.

Les efforts doivent être mieux coordonnés et partagés. Je pense notamment à ceux qui visent à soutenir la base industrielle et technologique de défense. C’est aussi une condition de l’autonomie stratégique.

De même, nous devons avancer dans le domaine des opérations extérieures communes, menées sous l’égide de l’Union européenne, en révisant le mécanisme de financement Athena et en établissant une capacité de conduite et de planification permanente. Il s’agit de mettre en place un état-major européen, au-delà des actuels battle groups, lesquels n’ont d’ailleurs pas été utilisés. Nous devons également renforcer le soutien aux capacités de défense des États partenaires, notamment en Afrique, dans le cadre du CBSD, Capacity Building in Support of Security and Development. C’est un élément de notre projection de stabilité à partir de nos propres capacités.

Tout cela pourra conduire, le moment venu, si nécessaire, à la mise en place d’une coopération structurée permanente de la part des États membres prêts à avancer davantage dans ce domaine. Quoi qu’il en soit, l’ensemble des États membres est aujourd'hui concerné.

Quant aux enjeux de sécurité intérieure, beaucoup a aussi été fait, notamment sous l’impulsion des ministres de l’intérieur français et allemand. Je veux rappeler l’adoption de la directive relative à la lutte contre le terrorisme et les propositions sur les armes à feu et la lutte contre le blanchiment. La mise en œuvre effective de la directive sur le PNR, relative à l’utilisation des données des dossiers passagers, l’interopérabilité de nos systèmes d’information, ainsi que la mise en place de contrôles à l’entrée et à la sortie, dans le cadre du « paquet frontières intelligentes », sont très importantes.

Le Conseil européen reviendra sur les priorités fixées à Bratislava en matière de croissance, d’emploi et de soutien à la jeunesse. Nous sommes parvenus à un accord pour étendre le plan Juncker, qui passera de 315 milliards d’euros à 500 milliards d’euros. Il s’agit de prolonger et de développer l’initiative européenne pour la jeunesse et de financer la garantie pour la jeunesse.

Ce conseil sera l’occasion pour les Vingt-Sept de se retrouver pour faire le point sur la préparation des négociations en vue de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Nous nous appuierons sur les principes suivants : l’unité des Vingt-Sept, le lien entre les quatre libertés du marché unique et le fait qu’un État tiers ne pourra en aucun cas être dans une position plus favorable qu’un État membre.

Je serai bien évidemment à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, pour revenir sur les dispositions qui seront établies entre les Vingt-Sept concernant la conduite des négociations qui seront engagées avec le Royaume-Uni, dès que Mme Theresa May, comme elle s’y est engagée, soit au plus tard avant la fin du mois de mars prochain, aura engagé la procédure de l’article 50 du traité sur l’Union européenne.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux points qui seront débattus au cours de ce Conseil européen. Bien évidemment, nous reviendrons également sur la situation en Syrie, l’urgence humanitaire à Alep et la nécessité d’une solution politique à la crise syrienne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

Mme la présidente. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de huit minutes aux orateurs de chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission des affaires européennes interviendront ensuite durant huit minutes chacune.

Le Gouvernement répondra aux commissions et aux orateurs. Puis nous aurons, pour une durée d’une heure maximum, une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes.

Dans la suite du débat, la parole est M. Didier Marie, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Didier Marie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la veille des soixante ans du traité de Rome, l’Europe est confrontée à la montée des populismes sur fond de crise des migrants, de crise économique et de crise institutionnelle.

Face à la mondialisation, qui, de promesse de prospérité, est devenue source d’insécurité, nos concitoyens s’inquiètent et le manifestent. La vague populiste et xénophobe frappe partout et défie tous les pronostics : Brexit, élection de M. Trump, refus de l’accord avec l’Ukraine par les Pays-Bas, non au référendum de Matteo Renzi, frayeur électorale en Autriche. La tentation du repli gagne du terrain, chez nous aussi.

Nos concitoyens entendent trop souvent dire, depuis des années, que l’Europe est la cause de leurs problèmes, rarement la solution. Et pourtant ! Qui peut croire que, séparément, les États de l’Union pourraient rivaliser avec les géants américains, russes ou chinois ? Qui peut croire que les banques italiennes aujourd’hui dans la tourmente pourront s’en sortir sans l’appui des mécanismes de stabilisation de la zone euro, en particulier des garde-fous de l’Union bancaire ?

Alors que, à nos frontières, MM. Trump, Poutine et Erdoğan n’aspirent qu’à l’affaiblissement de la maison européenne, l’Union doit se ressaisir, réagir, et ce dès le sommet du 15 décembre prochain. Il faut regagner la confiance, indiquer la route que l’on veut suivre, apporter des réponses aux inquiétudes.

Tout d’abord, il convient de répondre à l’urgence de l’arrivée massive des migrants, à la crise humanitaire qu’elle représente et à l’inquiétude qu’elle suscite auprès de l’opinion publique.

Si l’accord avec la Turquie a eu le mérite de stopper les flux vers la Grèce et les naufrages, il ne résoudra pas la crise des réfugiés à lui seul. À court terme, il ne peut être un prétexte pour ne pas exercer notre devoir de solidarité à l’égard des pays les plus exposés. Il ne peut y avoir de « solidarité à la carte », et encore moins de « solidarité flexible », pour reprendre les conclusions du sommet de Bratislava. Fermeté et solidarité, responsabilité et humanité, telles sont les valeurs qu’il faut porter !

À moyen terme, cet accord ne peut se substituer à la construction d’une politique commune d’immigration et d’asile. On ne peut pas se contenter d’externaliser le traitement de l’asile. L’Europe doit accueillir, réguler et protéger, en particulier les mineurs. Elle doit également prévenir les flux migratoires à venir, par conséquent muscler son aide au développement et coopérer avec ses voisins en déployant des partenariats et en mettant en œuvre son nouveau plan d’investissement extérieur, afin de soutenir la croissance et la stabilité de ces pays.

L’Europe doit s’ériger comme un rempart de l’État de droit. Elle doit donc être exigeante avec la Turquie : les purges continuelles menées depuis la tentative de coup d’État sont inacceptables. Progressivement, ce sont tous les principes de l’État de droit qui sont démantelés. Les atteintes à l’indépendance du pouvoir judiciaire et à la liberté d’expression ne sont pas tolérables. Et celles qui sont portées aux droits fondamentaux par certains gouvernements à l’intérieur même de l’Union européenne sont tout aussi inadmissibles.

Dans ce cadre, nous saluons le rapport adopté par le Parlement européen la semaine dernière qui plaide en faveur de la création d’un mécanisme de l’Union visant à garantir la démocratie dans l’ensemble de l’Europe et rappelle que nous partageons une communauté de valeurs.

L’Europe doit assurer sa sécurité. La crise migratoire et les attentats terroristes ont mis Schengen au banc des accusés et l’ont plongé dans un état comateux. Il est urgent de mettre en œuvre les mesures destinées à éviter sa disparition par l’effet de la réintroduction unilatérale, en dehors des règles communes, des contrôles aux frontières intérieures. Schengen est la solution, et non le problème !

L’environnement stratégique dans lequel l’Europe évolue nous conduit à nous poser la question de la sécurité sous un jour nouveau. La création d’un corps de gardes-frontières va dans ce sens ; ce corps doit être déployé rapidement. Au-delà, ce sont les outils Europol et Eurojust, ainsi que les capacités de renseignements qui doivent être confortés.

Par ailleurs, alors que le Royaume-Uni bloquait toute progression en matière de défense européenne, le Brexit éclaircit l’horizon des possibles. Le couple franco-allemand avance un certain nombre de propositions au sein d’une feuille de route susceptible d’être réalisée à court et moyen terme : une chaîne de commandement permanente, un renforcement de l’Eurocorps et une réforme du mécanisme Athena permettant d’étendre le champ du financement commun.

Même si les avancées du sommet de Bratislava restent timides, l’impulsion est là. La Commission européenne, avec la mise en œuvre de sa stratégie de sécurité et de défense, reprend une partie de ces propositions. Doté de 5 milliards d’euros, ce plan permettra de financer des activités de recherche, donc, de soutenir l’industrie européenne de l’armement.

Alors que le nouveau président américain semble rétrograder l’Europe dans la hiérarchie des priorités stratégiques des États-Unis, il est temps que les Européens se dotent d’une défense commune intégrée.

Le second défi concerne la croissance. Alors que nombre de citoyens reprochent, non sans raison, à l’Union européenne son orthodoxie budgétaire et ses politiques récessives, démontrons que l’Union dispose des leviers nécessaires à la relance de l’investissement et à la construction d’un véritable pilier social.

Saluons le doublement du plan Juncker, mais proposons d’aller plus loin en introduisant des conditions à l’accès aux garanties, notamment en faveur de l’embauche des jeunes.

Félicitons-nous des rallonges budgétaires pour 2017, de 500 millions d’euros pour l’emploi des jeunes et de 200 millions d’euros pour les programmes de soutien à la croissance. Soutenons la demande des États membres de créer un fonds commun pour la recherche.

S’il s’agit d’inflexions positives, le retour de la croissance nécessite plus. Pour augmenter les investissements, il faut un budget européen renforcé par des ressources propres assises sur l’impôt sur les sociétés et sur une taxe sur les transactions financières. Il convient également de renforcer l’Union économique et monétaire, de finaliser l’Union bancaire, de mettre en œuvre une gouvernance de la zone euro et une négociation pour un futur cadre financier pluriannuel plus ambitieux.

Plus de croissance, c’est moins de concurrence déloyale, c’est une réelle convergence fiscale et un projet social qui fixe un socle de droits sociaux pour lutter contre la course au moins-disant. Harmonisons la TVA, fixons un salaire minimum européen, luttons contre les fraudes au travail détaché qui minent la confiance des salariés, obtenons, comme le veut le Gouvernement, une rémunération équivalente des travailleurs détachés et des travailleurs du pays d’accueil, assurons-nous que les normes actuelles, comme l’accès à la sécurité sociale, s’appliquent aux nouveaux types d’emploi.

Dans le prolongement du succès de la Conférence de Paris sur le climat, menons aussi nos réformes au service de la transition énergétique.

L’Europe est à un tournant : la souveraineté partagée n’a pas suffi, ni à Schengen, pour construire une politique commune d’asile et d’immigration, ni à Maastricht, pour élaborer une politique économique européenne synonyme de croissance.

La politique des petits pas n’est plus adaptée ; elle se traduit par du « trop peu, trop tard » : il faut passer de la coopération et de la règle de l’unanimité à la réalité d’une véritable politique européenne. Ainsi convient-il d’aborder les questions institutionnelles, y compris les plus sensibles, en termes de transfert de souveraineté.

L’Union européenne a déçu, et bon nombre de ses citoyens s’en sont détournés. Aujourd’hui, à la veille de son anniversaire, soit elle se délite, soit elle décide d’être vraiment solidaire, d’agir pour l’intérêt général de ses peuples, de soutenir les jeunes et la transition écologique, de lutter vraiment contre l’évasion fiscale, d’accompagner la révolution numérique et d’élaborer une nouvelle doctrine de politique commerciale imposant la réciprocité et refusant l’Europe offerte.

L’Europe doit être recentrée autour des valeurs de citoyenneté, de solidarité, de lutte contre les inégalités et de défense des droits fondamentaux.

La soixantième année du traité de Rome est un rendez-vous d’étape pour enfin sortir des différentes crises européennes. C’est l’occasion à ne pas manquer pour réaffirmer les volontés, pour rappeler que c’est avec le citoyen et pour lui que l’Europe se construit. Avec l’Allemagne, la France porte l’immense responsabilité de faire bouger les lignes et nous comptons, monsieur le secrétaire d’État, sur votre engagement et sur celui du Gouvernement pour que ce sommet ouvre de nouvelles perspectives. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE. – M. le président de la commission des affaires européennes applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour le groupe Les Républicains.

Mme Fabienne Keller. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ordre du jour du prochain Conseil européen sera une nouvelle fois riche de sujets fondamentaux pour l’avenir d’une Europe toujours en grande difficulté.

Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, les chefs d’État et de gouvernement reviendront de nouveau sur la crise migratoire. Les chiffres des arrivées pour 2016 sont sans commune mesure avec ceux de 2015, mais ils restent à un niveau très élevé, en particulier pour ce qui concerne la route de la Méditerranée centrale.

Quant à la route de la Méditerranée orientale, elle demeure tributaire de notre relation avec la Turquie, laquelle ne cesse de se détériorer au fil des mois et de la dérive autoritaire d’Ankara. Alors que le président Erdoğan menace d’ouvrir en grand les frontières de son pays s’il n’obtient pas ce qu’il souhaite de l’Europe, il devient urgent que celle-ci soit capable de gérer les crises migratoires de manière autonome.

Rien ne permet à ce stade d’affirmer que tel soit le cas. En matière d’asile, par exemple, les difficultés liées à la réforme du système de Dublin ou le concept de « solidarité flexible » du groupe de Visegrád laissent perplexe quant à la capacité des États membres à développer une vision commune.

En matière de sécurisation des frontières également, les lacunes sont encore profondes. Le corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes a certes été mis en place en un temps record, ce dont nous nous réjouissons, mais celui-ci doit désormais faire ses preuves. Il devra surtout pouvoir s’appuyer sur une implication sans faille de tous les États membres.

Or, jusqu’à présent, celle-ci a fait défaut, en ignorant les enjeux, qu’ils soient strictement migratoires ou, plus largement, sécuritaires. Dans ce domaine, des progrès certains ont été réalisés à l’échelon communautaire. Toutefois, c’est avant tout des États que dépend la mise en œuvre des politiques et des décisions communes. C’est à eux de se saisir des outils européens qui leur permettront de renforcer leur coopération.

En particulier, le partage des informations contenues dans les fichiers de police et de sécurité est tout à fait crucial. Or nous constatons encore de trop fortes disparités à cet égard. Au-delà des améliorations à apporter à ces fichiers quant à leur accessibilité et à leur interopérabilité, il faut impérativement inciter les États à développer enfin une réelle culture du partage des informations et de la coopération opérationnelle qui est tellement essentielle.

Il en va de même pour la sécurité extérieure. La Commission européenne a récemment proposé un fonds européen de la défense, qui permettrait d’agir à la fois sur la recherche et les capacités. Mais cette initiative ne pourra prospérer, en particulier pour ce qui concerne son volet « capacités », que si les États membres se décident à engager des politiques d’investissement et d’acquisition à la fois communes et ambitieuses.

En matière de migrations comme de sécurité, une prise de conscience semble avoir eu lieu à l’échelle européenne. Elle doit désormais trouver dans chaque État membre un relais efficace pour répondre concrètement aux attentes extrêmement fortes de nos concitoyens.

Dans le domaine économique, j’évoquerai rapidement le fonds Juncker. Le doublement de sa durée et de sa capacité financière est très positif pour relancer l’investissement et favoriser la croissance et l’emploi. Son incidence économique, qui a été évaluée, semble aussi très positive.

Mais, dans un contexte économique toujours incertain, il faudra bien que les États membres assurent le relais de ce dispositif en mettant en place un environnement favorable à l’investissement, singulièrement en France, que ce soit par des réformes structurelles ou par la levée d’obstacles réglementaires.

Permettez-moi, mes chers collègues, d’aborder maintenant le sujet du Brexit, qui ne figure pas officiellement à l’ordre du jour des débats, mais dont il est prévu de discuter au cours du dîner – sacré menu !

Cette semaine, l’horizon s’est légèrement dégagé sur le front du Brexit. La stratégie britannique n’est pas encore claire, mais le calendrier est confirmé. Nous savons que l’article 50 du traité de Lisbonne sera mis en œuvre par le Royaume-Uni autour du 30 mars prochain.

La Haute Cour a contraint le gouvernement britannique à demander l’accord du Parlement pour mettre en œuvre cet article. Le Gouvernement, qui souhaite garder les mains libres, a fait appel devant la Cour suprême, laquelle délibère. Quelle que soit la position de celle-ci, il est clair que le gouvernement britannique ne craint plus, aujourd’hui, de passer devant le Parlement.

En effet, la semaine dernière, le parti travailliste a présenté une motion demandant que l’article 50 soit mis en œuvre fin mars 2017. Le Gouvernement a fait amender la motion, de sorte à faire déclarer aux députés qu’ils s’engageaient à « respecter le souhait exprimé par le Royaume-Uni lors du référendum du 23 juin ».

En contrepartie, le Gouvernement acceptait le butoir de fin mars, ainsi que la présentation au Parlement de sa feuille de route et de ses intentions sur la négociation à venir. La motion a été adoptée, avec 448 voix pour et 92 contre.

Bien qu’il ne s’agisse que d’une motion, sa signification est politiquement et symboliquement très forte. C’est un premier succès pour Mme May et le signe d’une réconciliation avec le Parlement qui ôte de la force à toute décision à venir de la Cour suprême. En effet, il sera difficile aux députés de revenir sur leur position au cours de l’examen du projet de loi qui leur sera soumis pour autoriser la mise en œuvre de l’article 50.

Deux autres dossiers évoluent favorablement, mes chers collègues.

Premièrement, Bruxelles évoque une négociation de dix-huit mois sur les modalités pratiques du divorce – ces modalités sont essentiellement financières.

Deuxièmement, l’idée d’un accord transitoire pour encadrer les relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, après le divorce et avant un nouvel accord définitif, progresse.

En revanche, Bruxelles, qui est déterminée à maintenir la cohésion des vingt-sept États membres restants, maintient sa position de départ, qui consiste à n’accorder aucun accès au marché unique sans paiement d’un droit d’entrée et sans la contrepartie de la libre circulation des personnes.

Enfin, une très grande incertitude plane encore sur la future stratégie de négociation des Britanniques. Cette incertitude fait craindre un « hard Brexit », c’est-à-dire une sortie de l’Union européenne sans accord, sans accès au marché unique et sans union douanière.

Si l’on part sur la base d’un hard Brexit pour entamer les négociations, comme cela se profile aujourd’hui, il faudra considérer que Londres et Bruxelles sont gouvernées prioritairement par des considérations politiques, et non par leurs intérêts économiques bien compris.

Toutefois, l’absence de relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne n’étant pas concevable, vous me permettrez d’appeler solennellement de mes vœux la conclusion d’un accord, fût-il provisoire, sur la circulation des marchandises en libre-échange et sur une bonne coopération en matière de sécurité. Il s’agit de faire cesser l’incertitude !

Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments que je souhaitais partager avec vous sur le Brexit, mais aussi sur les autres points à l’ordre du jour de cette réunion importante du Conseil européen. Comme l’orateur qui m’a précédée, je souhaite, sur ces dossiers, que des initiatives fortes puissent être engagées par ce couple qui nous manque tant depuis quelques années, le couple franco-allemand. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Europe est à un tournant, et il faudra bien que nous choisissions entre les tenants d’une Europe fédérale et ceux d’une Europe des nations, au sein de laquelle chacun respecte l’identité et la souveraineté des États voisins.

Les bien-pensants de la pensée dominante défendent une logique fédérale. Lorsque le peuple ou certains élus s’expriment pour formuler des avis divergents, ils sont immédiatement taxés de populisme. Sous couvert de défendre la démocratie, les tenants de la pensée unique veulent en réalité instaurer une véritable tutelle européenne sur les États.

Ils n’acceptent la démocratie que si le résultat des élections va dans leur sens. Ainsi, au Royaume-Uni, les électeurs, se sont prononcés pour le Brexit ; je trouve, pour ma part, que c’est très bien ! En Pologne, en Hongrie, ils se sont prononcés en faveur de gouvernements qui estiment qu’il faut parfois rétablir des frontières et maîtriser l’afflux d’immigrés – ceux-ci arrivent dans tous les sens, posant des problèmes immenses.

Comment les bien-pensants peuvent-ils d’un même geste donner des leçons de démocratie et se permettre de remettre en cause l’expression du suffrage universel ? Les Britanniques, les Américains qui ont élu M. Trump, les Polonais et les Hongrois qui ont élu leurs gouvernements respectifs n’auraient-ils pas le droit de s’exprimer, au motif qu’ils ne pensent pas comme les hérauts de la pensée dominante ? Je le dis, l’Europe, ça ne va vraiment plus !

Je me réjouis de certains votes intervenant un peu partout en Europe : petit à petit, le peuple se révolte. On l’injurie : les intelligents auto-proclamés le traitent de « bon à rien », de « populiste », d’« abruti ». « Il n’a rien compris », disent-ils ! Mais non ! Jour après jour, élection après élection, la pensée unique est désavouée.

Le plus bel exemple en a été, aux États-Unis, l’élection de M. Trump. Il est indécent que tous ces pro-européens, soi-disant défenseurs de la liberté et de la démocratie, et, parmi eux, des dirigeants européens, se soient permis de remettre en cause l’élection de M. Trump. Nous revient-il de juger ce qui se passe aux États-Unis ? D’une manière générale, comment ces soi-disant démocrates peuvent-ils avoir l’impudence de contester le résultat d’une élection ? C’est pourtant ce qui se passe pour les États-Unis, mais aussi s’agissant de M. Orban – je trouve pourtant que M. Orban a tout à fait raison !

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean Louis Masson. J’ai terminé, madame la présidente. La suite sera pour la prochaine fois…

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout, pour le groupe CRC.

M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil européen des 15 et 16 décembre prochains examinera les questions relatives aux migrations, à la sécurité, à l’économie et à la jeunesse, ainsi qu’aux relations extérieures.

Cette réunion du Conseil européen intervient alors que le budget européen pour 2017 vient d’être adopté, avec deux axes prioritaires : la question migratoire et le chômage.

Ce choix est révélateur des tensions qui traversent l’Union européenne, dans un contexte politique et économique difficile : la Cour suprême britannique débat du Brexit, le président du Conseil italien, Matteo Renzi, vient de démissionner après les résultats du référendum « anti-euro », la dette grecque doit, plus que jamais, être traitée de façon solidaire, la poussée des populismes inquiète et la question de la résolution de la vague migratoire pèse sur l’ensemble des pays de l’Union.

S’agissant de la réforme du régime d’asile européen commun et de la politique migratoire, le Conseil européen abordera la question de l’évaluation des cadres de partenariat pour les migrations et celle des pactes avec les pays africains ; il discutera des avancées législatives concernant le plan d’investissement extérieur et examinera la mise en œuvre de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie.

Permettez-moi, mes chers collègues, de consacrer quelques minutes à ce dernier sujet, qui pose la double question de la capacité de l’Union européenne à répondre avec responsabilité au mouvement migratoire et à ne pas brader les valeurs qui la constituent, face à un gouvernement brutal qui foule au pied l’État de droit tout en prétendant vouloir intégrer l’Union européenne.

Le rapport de la mission d’information du Sénat sur les conditions de la mise en œuvre de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, adopté à l’unanimité, rappelle que cet accord ne saurait constituer la réponse la plus appropriée aux migrations. Il est fragile, ambigu, ne répond que très partiellement aux difficultés rencontrées et, surtout, permet au président Erdoğan de se livrer à un chantage permanent face à ceux qui lui reprochent sa politique d’extrême répression de toute forme d’opposition.

Si l’accord peut, à la rigueur, répondre à une situation de crise – il a permis de freiner momentanément les déplacements de population –, il est loin de répondre à un mouvement migratoire pérenne, qui sera de plus en plus alimenté par la démographie, le réchauffement climatique, l’économie, les guerres ou les répressions politiques.

C’est pourquoi le rapport de la mission d’information recommande que l’Union européenne se dote rapidement des outils lui permettant d’anticiper et de gérer un phénomène migratoire qui est durable et structurel, mène une politique partenariale ambitieuse avec les pays d’origine et de transit et ouvre de nouvelles voies légales de migration dans les États membres. Il n’est pas acceptable, en la matière, de se limiter au renforcement de la protection des frontières extérieures.

L’Union européenne doit s’emparer de ces questions et les intégrer à sa politique extérieure, afin d’œuvrer à la résolution et à la prévention des crises entraînant les flux migratoires. Le drame que vit aujourd’hui la population civile d’Alep montre combien l’action de l’Union européenne, sur ces sujets, est inopérante.

Que penser, en outre, des relations qu’entretient l’Union avec la Turquie ?

Bien sûr, il nous faut condamner l’attentat d’Istanbul, comme tous les autres, de même que la tentative de coup d’État, avec la plus grande fermeté. Mais ces événements permettent-ils de justifier le déplacement forcé de 500 000 Kurdes turcs et la destruction ou confiscation de leurs biens, lesquels viennent d’être révélés par un rapport d’Amnesty International ? Permettent-ils d’accepter que 40 000 personnes aient été placées en détention, 1 125 associations, 35 hôpitaux, 15 universités, 19 syndicats et 934 écoles dissous ou fermés ? L’armée, l’éducation nationale et la justice sont particulièrement visées, et 80 000 fonctionnaires ont été suspendus ou révoqués, dont la moitié dans l’éducation nationale.

Plusieurs députés et dirigeants du HDP, le parti démocratique des peuples, ont été emprisonnés ; 37 conseils municipaux, dont 26 dans des localités kurdes, administrés par le HDP ont été démis de leurs fonctions, les maires emprisonnés et remplacés par des administrations placées sous le contrôle de l’AKP. Plus de 2 700 mandats d’arrêt ont été émis à l’encontre de juges et de procureurs. La Turquie détient aujourd’hui le triste record mondial du nombre de journalistes poursuivis et emprisonnés.

L’Union européenne reste bien silencieuse ! Certes, le Parlement européen a demandé la suspension de la procédure d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, mais cette dernière devra faire preuve de bien plus de fermeté si elle ne veut pas perdre toute crédibilité sur la scène internationale. Il n’est pas bon de laisser croire qu’elle a troqué le rejet d’êtres humains migrants contre une cécité coupable à l’égard d’une répression extrême et intolérable qui se développe aux portes de l’Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si la question migratoire ne fait plus quotidiennement la une de l’actualité, elle demeure néanmoins, sur le terrain, une réalité préoccupante ; il n’est donc pas surprenant de la retrouver à l’agenda de l’Union européenne.

La feuille de route jointe à la déclaration de Bratislava rappelle un certain nombre d’objectifs à atteindre, réaffirmés à l’occasion de la dernière réunion du Conseil européen, parmi lesquels celui de prévenir la réapparition des flux incontrôlés qui se sont succédé depuis 2014.

Dans cette perspective, un certain nombre de mesures concrètes ont été mises en œuvre, tardivement certes, mais regardons plutôt, aujourd’hui, ce qui a bien marché.

D’une façon générale, si l’on s’en tient aux chiffres, on peut dire que l’Union européenne, aidée par la Turquie, a réussi à freiner la pression migratoire sur ses côtes : en Méditerranée orientale, entre la Turquie et la Grèce, on est passé d’environ 2 000 arrivées par jour à moins de 80. L’accord entre l’Union européenne et la Turquie du 18 mars dernier a donc permis d’opérer une déflation des flux, même si ceux-ci restent importants en Méditerranée centrale.

Dans le cadre de cet accord, la réinstallation des Syriens en Europe semble bien fonctionner, avec trois fois plus de personnes réinstallées que de migrants renvoyés depuis les îles grecques. Cependant, si l’on évalue d’un point de vue global la politique européenne de réinstallation menée depuis 2013, force est de constater que le seuil de 22 504 personnes défini au mois de juillet 2015 est loin d’être atteint. La dernière réunion du Conseil avait appelé à amplifier les efforts. Il faut tenir nos promesses, sachant surtout que, l’année dernière, le Canada a déjà intégré 25 000 Syriens et les Américains 85 000.

La maîtrise des flux, c’est avant tout, mes chers collègues, la surveillance des frontières communes de l’Union européenne et le maintien de l’espace Schengen – nous en reparlerons. Par-delà la seule gestion quantitative du problème migratoire, la mise en œuvre du système ETIAS, ou système européen d’autorisation et d’information de voyages, va permettre un meilleur filtrage des entrées, indispensable dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Nous pouvons également nous féliciter de la création du corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes, qui a enfin vu le jour le 6 octobre dernier. Les moyens financiers et humains de la nouvelle agence FRONTEX vont progressivement augmenter, la France contribuant honorablement à la construction de cet outil.

Mais le travail de l’agence n’a de sens que si, dans le même temps, l’Union européenne a la capacité juridique de traiter la question des migrants au-delà de leur contrôle, de leur accueil ou de leur éventuel refoulement. Je pense notamment au droit d’asile, dont nous souhaitons une meilleure harmonisation à l’échelon européen. Le 13 juillet dernier, la Commission européenne a présenté le nouveau « paquet asile » ; mais, de la Suède à l’Autriche, la tradition d’accueil des réfugiés n’est pas tout à fait la même. Il me semble difficile d’aboutir, à terme, à une véritable uniformisation, ce qui n’empêche pas cependant d’instaurer quelques règles devant être respectées par tous les États.

À cet égard, s’agissant de la convention de Dublin, la décision, prise par la Commission européenne la semaine dernière, de rétablir son fonctionnement normal ne doit pas empêcher un débat sur un mécanisme qui fait actuellement peser la charge sur un nombre limité d’États membres.

Lors de la prochaine réunion du Conseil européen sera également évoqué l’état des négociations devant mener à la conclusion de pactes avec les pays africains choisis. Il est bien évident que la gestion des flux migratoires doit se faire en relation avec les pays de départ, comme cela a été rappelé l’année dernière lors du sommet de La Valette.

Le RDSE partage l’idée que l’Union européenne doit, en la matière, adopter une approche stratégique, dans le cadre de partenariats avec des pays tiers, sous réserve que la coopération avec quelques pays africains choisis dans la lutte contre les migrations ne remette pas en cause notre tradition d’accueil des réfugiés.

Mes chers collègues, globalement, les mesures mises en œuvre par l’Union européenne vont dans le bon sens ; mais nous ne saurions oublier que, derrière les pics exceptionnels de migration, se dessine un phénomène durable. L’Union européenne sera toujours sous la pression de tous ceux qui n’ont aucune perspective ni aucun avenir chez eux.

Aussi, c’est presque sans transition que j’aborde le volet économique de ces débats ; l’Union européenne, en effet, sera d’autant plus accueillante qu’elle aura les moyens économiques d’offrir un avenir à ceux qui n’ont plus rien.

Sur le front de la croissance, on observe un redressement de la zone euro, mais le rythme de cette amélioration reste très modéré.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler lors du dernier débat préalable à la réunion du Conseil européen, l’action économique de l’Union européenne doit s’orienter selon trois axes.

Le soutien à la croissance est bien entendu une première nécessité ; de ce point de vue, le plan d’investissement, dit plan Juncker, a rempli son rôle, même s’il ne peut pas tout. Depuis 2015, l’investissement a repris, et cette hausse devrait se poursuivre en 2017. Certes, il est difficile, à ce stade, de mesurer les effets macroéconomiques de ce redécollage de l’investissement, mais près de 14 000 petites et moyennes entreprises, dans 26 États membres, bénéficieraient des financements du Fonds européen pour les investissements stratégiques. Peut-être pourrez-vous nous transmettre, monsieur le secrétaire d’État, des indications sur les effets en France de cette politique de soutien à l’investissement ?

Deuxième axe : la poursuite de la coordination des politiques économiques et budgétaires – c’est un objectif des différents traités.

J’en conviens, s’agissant des politiques budgétaires, nous avons progressé, avec l’instauration du semestre européen. Mais si la convergence comptable est une chose, l’harmonisation des règles en est une autre. Sur les plans fiscal et social, on a souvent regretté les conséquences de la concurrence intra-européenne. Aujourd’hui, les choses progressent certes lentement, mais on peut se réjouir de l’avancée de dossiers comme ceux de la nouvelle proposition d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, ACCIS, ou de la révision de la directive de 1996 sur les travailleurs détachés, même si les désaccords entre États membres ne sont pas tous éteints.

Enfin, mes chers collègues, le troisième axe que je souhaite évoquer est celui de la protection du marché européen, au moment où celui-ci est clairement menacé. Ce débat, nous l’avons eu dans le cadre des discussions liées au CETA, l’accord économique et commercial global, et au TTIP, le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ; nous avons souvent déploré, dans ce contexte, la faiblesse de l’Union européenne.

On peut pourtant observer un changement de paradigme, illustré par la position de l’Europe à l’égard de la Chine. En effet, Pékin ne bénéficiera pas, dans le cadre de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, du statut d’économie de marché qui devait lui être reconnu le 11 décembre dernier. Sans appeler au protectionnisme, qui n’est bon pour personne, l’Union européenne n’a pas intérêt à voir déferler sur son marché des produits qui pourraient lui coûter 2 % de croissance.

Mes chers collègues, la prochaine réunion du Conseil européen sera la dernière d’une année qui aura vu l’un des membres de l’Union, le Royaume-Uni, se détourner du projet européen. D’autres États membres sont tentés par le repli, comme l’indique la montée en leur sein des mouvements populistes et eurosceptiques. Comme il est mentionné dans la déclaration de Bratislava, « l’Europe n’est pas parfaite mais c’est le meilleur instrument dont nous disposons pour relever les nouveaux défis ».

Tâchons, alors, de lui donner du sens, afin de rétablir la confiance de tous nos concitoyens européens. Nous n’avons pas le choix : la solution à nos crises passe par l’Europe, par plus d’Europe, et surtout par « mieux d’Europe » ! Oui, l’Europe reste notre meilleure protection, et devrait être en même temps notre rêve commun ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. Claude Kern. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, une nouvelle fois, la commission des affaires européennes du Sénat nous donne l’occasion de débattre en amont de la réunion du Conseil européen qui clôturera l’année 2016. Si nous y associons la réunion informelle des vingt-sept dirigeants, c’est le dernier temps fort d’une année faite de rebondissements pour l’Union européenne.

Si le Grexit a largement vampirisé les débats en 2015, le Brexit a pris le relais en 2016, dans un contexte toujours plus tendu, lié notamment à la crise migratoire et au terrorisme, cela sur fond d’instabilité politique générale, entre la menace de l’accession de l’extrême droite à la présidence autrichienne, l’éviction de Matteo Renzi en Italie, l’élection de Donald Trump aux États-Unis et la poursuite du conflit en Syrie.

Dans ce contexte, l’Europe et ses dirigeants poursuivent leur chemin : le chemin vers la dislocation. J’ose le dire, mes chers collègues : la dislocation ! Nous n’avons jamais tant parlé d’Europe que depuis qu’elle va de mal en pis, et je le regrette, comme tous les membres du groupe UDI-UC, lequel, vous le savez, a l’Europe chevillée au corps.

M. Jean Desessard. Nous aussi !

M. Claude Kern. Pour autant, aucune solution politique forte ne se dégage aujourd’hui. Bien sûr, aucune n’est évidente.

S’agissant de la crise migratoire qui fragilise l’équilibre des dispositifs assurant la libre circulation des personnes au sein de l’espace Schengen, elle ne pourra trouver que des réponses complexes et multiples au sein de l’Union européenne, aux portes de l’Union, mais aussi sur les continents africain et asiatique, meurtris par les guerres et l’instabilité politique.

Néanmoins, sur certains terrains, nous disposons de davantage de marges de manœuvre, à court terme. Le renforcement de la coopération avec la Turquie, dont il a été pris acte au printemps, a constitué une avancée considérable ; mais je pense qu’il faut aller plus loin. Pour limiter les flux, la Turquie doit désormais aligner sa politique de visas sur celle de l’Europe, et cesser d’accorder des exemptions de visas aux ressortissants étrangers musulmans.

Cependant, mes chers collègues, il est une réalité : les relations entre Bruxelles et Ankara se détériorent de jour en jour, et le président turc n’hésite pas, notamment, à verser dans le chantage à l’ouverture des frontières. La diplomatie est certes affaire d’équilibre, mais l’apaisement des relations ne peut se faire à n’importe quel prix, et je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, d’être intransigeant sur le respect des droits de l’homme, bafoués au quotidien, depuis des mois, par le président Erdoğan. (Mme Marie Mercier et MM. Loïc Hervé, André Gattolin et Bernard Fournier applaudissent.)

Un autre levier pourrait être actionné à l’échelle européenne, avec des effets à moyen terme : il est à mon sens indispensable, monsieur le secrétaire d’État, que nous nous dotions rapidement d’une politique commune de l’asile et que les contrôles aux frontières Schengen soient renforcés, via la création d’une véritable police des frontières.

Ce sont là des pistes parmi d’autres ; certes, aucune n’est simple, toutes sont techniques. Mais au-delà des mesures techniques, c’est bien une réponse politique qu’il faut apporter à la crise des migrants.

Le constat est le même s’agissant de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme : à quand une coopération pleine et entière entre les États membres en matière de sécurité extérieure et de défense ?

Je veux à ce propos souligner le travail efficace de notre collègue Yves Pozzo di Borgo, qui a soutenu une résolution européenne sur les perspectives de la politique de sécurité et de défense commune. Cette résolution a fait son chemin jusqu’à Varsovie, au sommet de l’OTAN ; elle a trouvé un écho récent, le 14 novembre dernier, dans la déclaration des ministres de la défense.

Le problème est toujours le même : seule la volonté politique nourrit le changement ; or, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes loin, très loin, de l’Europe politique !

Les preuves sont nombreuses, mais la gestion du Brexit, avant et après le vote des Britanniques, a révélé à quel point l’Europe manque cruellement de pilotage politique. Nous attendons sur ce sujet des avancées concrètes, à l’issue de la réunion informelle dédiée à cette question des vingt-sept dirigeants européens.

L’actuel statu quo, en effet, n’est plus supportable. Or je crains fort, monsieur le secrétaire d’État, que l’agenda électoral du couple franco-allemand, à supposer que ce dernier existe encore vraiment, ne mette l’Europe encore plus à mal. De fait, la situation politique est gelée dans ces deux pays d’ici aux élections générales, qui n’ont pourtant lieu qu’en mai et juin en France, et en septembre en Allemagne. Autrement dit, une longue année nous attend, au cours de laquelle aucune décision courageuse ne pourra être envisagée pour l’Europe. Mais le monde ne s’arrête pas de tourner pendant que la France et l’Allemagne renouvellent leur personnel politique !

L’Europe est aujourd’hui à un nouveau tournant de son histoire, un entre-deux qui explique qu’elle suscite fascination et rejet, qu’elle nourrisse espoirs et frustrations.

L’Europe unie est le seul vecteur d’une autre mondialisation, plus progressiste et plus humaniste. L’Union européenne a besoin d’un nouveau projet, d’une nouvelle étape : celle de l’intégration politique. C’est la condition pour répondre aux crises que nous traversons et pour faire de l’actuelle Europe, simple entité économique, une Europe puissance, capable de peser dans les affaires du monde.

La seule manière de sauver l’Europe et de lui donner, véritablement, du sens, c’est de la sortir du gué dont elle peine toujours plus à s’extraire. Il devient urgent de poser les bases d’une véritable Europe politique.

Or, dans cette perspective, monsieur le secrétaire d’État, il faut se dégager de l’enlisement dans lequel nous nous trouvons. Aussi, je souhaite connaître votre position sur les conditions de la sortie du Royaume-Uni. Il faut, à mon sens, faire preuve de la plus rigoureuse des vigilances pour ne pas céder au chantage des Britanniques, qui, depuis l’origine, ne cessent de vouloir nous imposer leur calendrier et leurs conditions.

Par ailleurs, je tiens à vous interroger à propos d’un tout autre théâtre : quelles mesures envisagez-vous pour mettre un terme aux crimes de génocide perpétrés en Syrie ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Jean Desessard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette réunion de fin d’année du Conseil européen risque fort d’être expéditive : exceptionnellement, elle ne durera en fait qu’une seule journée.

Au terme de cette réunion raccourcie, rabotée, pour ne pas dire amputée – son ordre du jour est pourtant, comme toujours, pléthorique –, nul doute que le Conseil européen laissera toute latitude aux techniciens de la Commission et des États membres pour qu’ils puissent s’en donner à cœur joie.

L’Europe est en crise politique, institutionnelle et démocratique, mais surtout ne changeons rien, docteur Folamour !

Ainsi, à l’aube de l’année 2017, l’Europe bute notamment sur deux dossiers explosifs : le Brexit, naturellement, apparu en cours d’année, dont les contours et le calendrier demeurent encore des plus flous, et la crise des réfugiés qui s’éternise et s’aggrave, en particulier au sud de l’Europe.

Par manque de temps, je me concentrerai essentiellement sur ce dernier sujet.

En la matière, plusieurs axes de la politique européenne seront évoqués lors de cette réunion du Conseil.

Sera d’abord abordée la question des pactes avec les cinq pays africains que sont l’Éthiopie, le Mali, le Niger, le Nigeria et le Sénégal, dans la continuité du plan d’action adopté en 2015 au sommet de La Valette sur la migration qui a réuni les chefs d’État et de gouvernement européens et africains.

En échange d’une politique migratoire ferme et de retour des migrants illégaux, ainsi que d’une surveillance accrue des frontières, l’Union européenne s’engage à renforcer la coopération économique avec les États concernés. Le premier accord a d’ailleurs été signé dimanche dernier avec le Mali.

Le groupe écologiste soutient évidemment le renforcement de la politique d’aide au développement aux pays les plus pauvres, mais pas dans le cadre d’un mélange des genres des plus douteux qui amène à attacher aussi sommairement aide au développement et contrôle migratoire. Ces accords constituent d’ailleurs une première un peu inquiétante dans la politique européenne d’aide !

Rappelons que l’objet de la coopération au développement, telle qu’elle est inscrite dans les traités européens, est la réduction de la pauvreté, et non la gestion internationale de la migration ou la protection de nos frontières extérieures !

Vouloir s’attaquer aux racines des causes migratoires est un objectif fort louable. Mais, monsieur le secrétaire d’État, la méthode utilisée est-elle vraiment la bonne ? N’aurait-il pas été préférable de lier cette aide au respect des droits humains et à la lutte contre la corruption ?

N’oublions pas que la plupart des régimes africains concernés sont connus pour être instables, loin de briller par leur respect des droits humains, et trop souvent gangrénés par une corruption endémique.

Il n’y a qu’à regarder du côté de l’Éthiopie. Au début du mois de septembre, la Commission européenne a dû démentir l’information selon laquelle Addis-Abeba recevait directement de l’argent du Fonds fiduciaire d’urgence en faveur de l’Afrique. Elle l’a fait sous la pression des organisations non gouvernementales, les ONG, à la suite de la répression sanglante de manifestants par les forces de l’ordre. Et, voilà à peine dix jours, après l’arrestation arbitraire d’un opposant politique, la Commission est enfin sortie de son silence pour dénoncer les exactions du gouvernement éthiopien.

Au passage, la philosophie de ces cadres de coopération est quasi identique à celle qui a guidé l’accord controversé conclu au mois de mars dernier avec la Turquie. Et, que ce soit en Éthiopie ou en Turquie, l’Union européenne semble prête à fermer les yeux sur les violations des droits humains. Si la Commission européenne se réjouit des retombées de cet accord, qu’elle se rende bien compte que la mise en œuvre sera en l’espèce bien différente !

L’envers du décor de ce pacte avec la Turquie cache d’ailleurs une réalité plus qu’inquiétante. Certes, les arrivées se sont taries. Mais le nombre de migrants, tassés sous des tentes de fortune sur les îles grecques, est toujours aussi alarmant. De plus, les retours vers la Turquie s’élevaient à la fin du mois de septembre à 578, loin de l’objectif affiché de 14 000.

Ces difficultés de mise en œuvre tiennent à plusieurs raisons.

Malgré l’envoi d’une quarantaine d’experts nationaux de l’asile de toutes les parties de l’Europe, la Grèce reste sous-équipée pour traiter toutes les demandes. Et, fait plus marquant, les officiers grecs de l’asile ont refusé de renvoyer en Turquie un certain nombre de migrants, estimant à juste titre que le pays n’était pas sûr, et ce, malgré une position contraire du Parlement grec.

Nous avons là une bombe à retardement que nous avons créée en déléguant nos responsabilités en matière d’asile et de migration à des pays tiers n’offrant que peu de garanties de respect des droits de l’homme.

À défaut de solidarité et au mépris des valeurs inscrites dans nos traités fondateurs, nous nous sommes surtout focalisés sur une gestion extérieure et souvent coercitive de la crise, ainsi que sur la protection de nos frontières extérieures.

Nous sous-estimons aussi une autre bombe à retardement sur la route de la Méditerranée : celle de l’Italie ! La situation de ce pays en matière de migration est dramatique.

M. le président de la commission des affaires européennes et moi-même faisions partie de la délégation qui est rentrée d’Italie cet après-midi. Nous avons pu rencontrer les responsables politiques, mais aussi les responsables des Nations unies chargés des réfugiés.

Aujourd'hui, ce point n’est même pas à l’ordre du jour du Conseil européen à venir. Quelle est la situation en Italie ? Cette année, 180 000 migrants au moins y sont arrivés, battant le triste record de l’année 2014 de 170 000 migrants. Le chiffre a explosé. Les conditions d’accueil sont insupportables. Au cours des quatre dernières années, 600 000 à 700 000 personnes sont arrivées dans ce pays.

On se targue, on se félicite, on se gargarise à l’envi de l’incroyable effort européen qui est fait pour renforcer l’agence FRONTEX ou l’opération Triton. Mais de qui se moque-t-on ? Qui paie cette solidarité ?

Qui assume le sauvetage en mer sur les larges côtes italiennes et, au-delà, dans leur zone économique, alors qu’il est de la responsabilité du droit international de venir en aide aux personnes en danger de mort ? C’est à 60 % l’Italie, à 25 % les ONG, et à 10 % ou 15 % à peine l’agence FRONTEX ! Voilà la réalité.

Qui paie pour l’accueil des migrants ? C’est à 80 % l’Italie seule ! Cette année, cela lui coûtera 1,5 milliard d’euros, après 1,3 milliard d’euros l’an dernier !

Dans quel monde vivons-nous ? Sommes-nous proches de nos voisins ? Aidons-nous l’Italie ? Non ! C’est : « Débrouillez-vous ! Assurez vous-mêmes les frontières ! »

Nous discutons avec M. Stéphane Jacquemet, responsable du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés pour l’Europe du Sud ; je parle sous le contrôle de mon collègue René Danesi, qui faisait partie de notre délégation. Nous avons de quoi être inquiets, et pas seulement à cause de ce qui se passe en Italie ou de la situation des migrants. Nous devrions nous inquiéter de nous-mêmes, de ce que nous sommes et de ce que nous prétendons représenter.

La réalité, c’est que les routes de la migration sont aujourd'hui fermées. En Italie, ce ne sont plus 180 000 personnes qui passent pour traverser la France ou aller au Royaume-Uni ; cette année, sur ces 180 000, 100 000 ont demandé l’asile, soit une hausse de plus de 50 % par rapport à l’année précédente !

Nous pouvons parler de solidarité, nous gargariser, dire que le Conseil européen avance… Mais tout est inquiétant.

Je terminerai en évoquant la situation à Alep, car c’est le pire. Les gens qui sont massacrés individuellement, collectivement, familialement à Alep, ce sont ceux qui ne peuvent pas partir, ceux qui sont bloqués, parce qu’ils sont trop pauvres. Les seuls biens qui leur restent, c’est leur bout de toit. On est en train de les laisser massacrer.

La formulation de l’ordre du jour du Conseil européen est un scandale. On évoque de manière sibylline « la situation avec les autres pays », en faisant une référence à la Russie. Car on ne veut pas mettre en cause la Russie… Cela va être comme la Turquie. Les Russes vont être nos meilleurs alliés, nos « policiers de l’Europe », tandis que notre Europe, dans ses valeurs démocratiques, s’effondrera ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe CRC.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Michel Billout s’étant exprimé sur les sujets qui sont inscrits à l’ordre du jour du prochain Conseil européen, je centrerai pour ma part mon propos sur un autre thème.

Hier, au cœur de l’Europe, s’ouvrait le procès en appel des lanceurs d’alerte Antoine Deltour et Raphaël Halet.

Il est reproché à ces deux lanceurs d’alerte d’avoir dévoilé des accords fiscaux secrets consentis à de grandes multinationales, accords qui ont eu pour conséquence de faire perdre des milliards d’euros à tous les partenaires européens du Luxembourg. Rappelons-le, l’évasion fiscale coûte chaque année 1 000 milliards d’euros au sein de l’Union européenne. Ce montant, qui manque aux budgets des États, représente presque six fois le budget annuel de l’Union européenne. C’est autant d’argent qui pourrait servir pour une Europe solidaire, une Europe du progrès social.

Nous avons tous entendu les discours très volontaristes de M. Juncker sur le sujet.

Les révélations permises par les découvertes d’Antoine Deltour ont mis en évidence la faiblesse du taux d’imposition dont ont pu bénéficier les grands groupes : 2 % ou 3 %. Nous sommes très loin des 29 % qui sont censés être réclamés par l’administration du Grand-Duché.

Antoine Deltour a expliqué plus tard qu’il n’avait pas d’idée précise de ce qu’il pourrait faire de ces informations, déclarant : « Je n’ai jamais été un militant. » Non, visiblement, il s’agissait juste de civisme, de dénoncer une pratique qui le choquait.

L’affaire LuxLeaks a provoqué un véritable séisme, comme cela fut le cas après les Panama Papers, les affaires OffshoreLeaks, UBS, HSBC, ou encore Cahuzac. Décidément, oui, les affaires se suivent et se ressemblent !

Monsieur le secrétaire d’État, un rapport récent publié par de nombreuses ONG internationales le 15 novembre dernier et qui associe en France les associations CCFD Terre Solidaire et Oxfam France met en évidence la progression spectaculaire du nombre de rescrits fiscaux dans les mois qui ont suivi l’affaire LuxLeaks. Ce nombre, étant de 547 en 2013, puis de 972 en 2014, a atteint finalement 1 444 à la fin de 2015, soit une augmentation de 160 % entre 2013 et 2015. Les hausses les plus fortes sont constatées en Belgique, 248 %, et au Luxembourg après le scandale LuxLeaks, 50 % en un an.

Le projet européen solidaire et social auquel les peuples aspirent est miné par cette compétition fiscale sans fin qui prive les États des ressources qui leur permettraient de répondre aux besoins des peuples.

Il est urgent d’avancer dans le chantier de l’harmonisation fiscale par l’assiette et par les taux, d’une part, par la transparence des grands groupes, d’autre part. Faute d’engager cet immense chantier, nous pouvons craindre les pires replis, l’exacerbation des tensions, un accroissement d’une forme de désespérance qui peut mener, chacun le sait, aux pires excès.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons l’impression que si le chantier de la construction de l’Union européenne avait commencé par l’harmonisation fiscale et sociale voilà soixante ans, nous y serions aujourd'hui, avec un autre horizon. Mais, comme l’aurait dit Paul Éluard, le passé est « un œuf cassé », et l’avenir « un œuf couvé » ! (Sourires.)

Vous nous pardonnerez cette sortie d’agenda, mais la préoccupation relative à la situation des lanceurs d’alerte est une constante dans nos interventions. Le groupe CRC, par la voix de mes collègues Patrick Abate et Jean-Pierre Bosino, s’est saisi de ces sujets lors de l’examen du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ou du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

Compte tenu de l’actualité, le débat européen était une belle occasion d’évoquer une nouvelle fois une telle thématique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous rentrons de notre mission annuelle à l’ONU, où nous avons rencontré une dizaine d’ambassadeurs des grands pays. Or depuis que je fais de la politique, je n’ai jamais vu une situation internationale aussi dégradée.

Le Conseil européen va se tenir à un moment où la menace de désordre mondial est généralisée. Je ne crois pas que nous prenions celle-ci suffisamment au sérieux.

Les foyers d’explosion sont multiples. L’horreur d’Alep, ce n’est pas l’horreur d’une crise locale ; c’est l’horreur d’une stratégie visant à faire en sorte de terminer cette guerre pour que des vainqueurs soient désignés à la mi-janvier. L’objectif, c'est que, à cette date, quand le président Trump s’installera, il ait en face de lui une coalition ayant gagné cette guerre du Levant, c'est-à-dire une coalition autour de Bachar al-Assad, avec, d’un côté, la Russie et, de l’autre, l’Iran ! (M. André Gattolin applaudit.)

La situation est d’une extrême gravité. Outre les multiples foyers d’explosion, il faudrait mentionner tous les foyers que l’Histoire nous a montrés ; parfois, ce sont tout simplement des foyers de stupidité.

Regardons aujourd'hui le monde ! Voyons ce qui se passe au Levant ou en Libye ! Songeons aux menaces qui pèsent sur ce pays frère – je dirais même ce peuple frère – qu’est la Tunisie ; cette jeune démocratie est la première cible de l’État islamique. L’Ukraine, la mer de Chine, le Soudan ou le Mali sont autant de foyers d’explosion mondiale.

Contrairement à ce que l’on nous dit, il n’y a pas une crise des réfugiés. Ce que certains appellent la « crise des réfugiés », c’est d’abord la crise de la guerre !

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. Car c’est la guerre qui crée les réfugiés.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très juste !

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. Il faut bien voir où est le mal. Le mal, ce n’est pas le réfugié ; le mal, c’est la guerre ! Pour nous, c’est cela le plus grave !

M. Patrick Abate. Très bien !

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. Dans ce contexte, le monde s’arme de plus et plus, et les tensions se multiplient.

Et, pendant ce temps, M. Trump remet en cause les trois bonnes nouvelles que nous avaient apportées les mois précédents : l’accord de Paris, dans le cadre de la COP21 ; l’accord nucléaire avec l’Iran ; la nomination d’un nouveau secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qui, pour nous, avait toute pertinence pour assumer cette fonction.

M. Trump veut remettre en cause l’accord de Paris, remettre en cause l’accord sur le nucléaire iranien et court-circuiter l’ONU, qui ne servirait à rien. Si on supprime le multilatéral, on supprime le dialogue, et on a toutes les chances d’aller un jour ou l’autre au conflit !

Alors que les tensions se multiplient, tout le monde construit, tout le monde invente son Europe ! Nos amis chinois, qui pensent à la route de la soie, ont choisi seize pays européens avec lesquels ils vont investir. Nos amis russes, qui, pensant à l’Europe, ont tendance à confondre l’Europe avec l’OTAN, redessinent l’Europe qui leur convient. Et M. Trump, lui, ne veut pas entendre parler de l’Union européenne ; il veut seulement des pays européens amis des États-Unis, et il constitue son Europe.

Tout le monde dessine l’Europe depuis le Brexit, sauf les Européens ! Tout le monde pense l’Europe, son Europe, mais nous, nous ne nous pensons pas à notre Europe !

Tel le contexte dans lequel il faut appréhender ce Conseil européen. Nous le voyons, la situation est extrêmement grave et il nous faut aujourd'hui réagir.

Nous devons penser l’Europe de demain ! C’est ce que fait le Sénat. Avec la commission des affaires européennes, au sein de la commission des affaires étrangères, nous essayons de penser la refondation européenne.

Il va de soi que la refondation ne pourra pas s’y limiter, mais l’Europe de la défense est essentielle.

Monsieur le secrétaire d’État, nous apporterons des contributions, sans doute à la fin du mois de février. Le sujet est extrêmement difficile. Mais c’est tout de même notre première responsabilité. Nous n’allons pas laisser les autres penser l’Europe à notre place !

Nous espérons que le Conseil européen ne nous décevra pas. Les trois derniers qui ont été consacrés à la défense au cours de ces quatre années nous ont plutôt déçus.

Cependant, le plan d’action présenté par la Commission le 30 novembre va dans le bon sens. D’ailleurs, il s’inspire d’un rapport remis par nos collègues de la commission des affaires étrangères : en 2013, Jacques Gautier, André Vallini, Daniel Reiner et Xavier Pintat ont défini un certain nombre de principes que l’on retrouve dans le plan d’action européen. Je pourrais également évoquer la résolution qui a récemment été votée sur ces sujets.

Il y a des bonnes perspectives. Le fonds européen de défense s’inspire – je l’espère, et je pense que c’est positif – de la proposition qu’avait formulée en son temps Thierry Breton. Le semestre européen de défense est, je le crois, une étape aussi importante ; nous pouvons saluer ce signal. Les fonds structurels et d’investissement sont un élément essentiel pour nos industries de défense. Si nous devons renforcer ces industries, ce n’est pas pour faire la guerre ; c’est pour faire la paix. Revenons aux sources de notre stratégie de dissuasion. Les pôles régionaux d’excellence constituent aussi un signal positif.

De notre côté, il y a l’accord franco-allemand de 2016. Et nous voulons faire avancer cette idée, même si cela prendra évidemment du temps. C’est une sorte de Lancaster House élargi. Nous ne voulons pas couper les liens avec le Royaume-Uni en matière de défense ; nous en avons besoin pour notre propre défense. Il faudra sans doute associer d’autres pays.

De même, nous pouvons, me semble-t-il, nous réjouir de la compréhension qu’il commence à y avoir sur la nécessaire complémentarité entre l’OTAN et l’Europe. Ce n’est évidemment pas parce que nous voulons défendre des positions sur l’OTAN qu’il faut abandonner les ambitions européennes de défense !

À mon sens, c’est le sujet majeur pour nous. Nous devons bien mesurer que nous avons besoin d’un effort de défense. Mais cet effort doit s’inscrire dans une ambition de paix ! Souvenons-nous comment la force de dissuasion française a été créée, comment nous avons fait en sorte que ce pays fasse des efforts financiers considérables pour sa défense ! Mais « sa défense », cela ne signifie pas la guerre !

On entend prononcer le mot « guerre » à tout bout de champ : guerre des religions ; guerre des civilisations ; guerre des monnaies. Comme si la guerre devenait banale…

Ce qui est au cœur de la construction européenne, ce qui fait que l’Europe aura toujours une légitimité plus forte que le reste, c’est son combat pour la paix !

Aujourd'hui, nous avons plus que jamais besoin d’un continent qui se lève pour dire : « Ce que nous voulons, c’est la paix ! » Cela ne nous empêche pas, au contraire, de vouloir nous protéger ou d’investir dans la défense, puisque nous avons une conception dissuasive de la défense et de l’effort militaire. Mais cet effort-là, nous le voulons pour la paix.

Depuis le temps que je fais de la politique, c’est la première fois que je pense à mes petits-enfants en me demandant : « Dans quel monde vont-ils vivre ? » C’est la première fois que nous pouvons nous dire que nous ne sommes pas assurés de la paix, car la menace est multiple.

La paix est très importante. Elle passe évidemment par le combat européen, puisque c’est son essence. Elle passe aussi par un effort de défense, car c’est la protection que nous devons assumer.

Nous sommes dans un moment de gravité. L’Europe doit trouver sa place. Puisqu’elle cherche sa refondation, c’est sans doute dans la gravité qu’elle est la meilleure ! (Applaudissements.)

Mme Fabienne Keller. Excellent !

M. Jean Desessard. Vous avez été très convaincant, monsieur Raffarin !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen se réunira dans un contexte difficile. Beaucoup de nuages se sont accumulés dans le ciel européen. Les forces centrifuges se développent à un moment où l’Europe aurait, au contraire, besoin de cohésion, d’ambition et de réactivité face aux défis qu’elle doit affronter collectivement. M. le président de la commission des affaires étrangères nous en a donné de nombreux exemples. C’est dire l’importance des sujets qui sont inscrits à l’ordre du jour.

Je commence mon propos en évoquant les migrations. L’Europe a subi de plein fouet la crise des réfugiés, faute d’avoir pris les dispositions préalables. Elle doit désormais rattraper le temps perdu. Nous souhaitons que la nouvelle agence de gardes-frontières et de gardes-côtes soit opérationnelle au plus vite. Nos concitoyens doivent mesurer concrètement que, lorsque l’Europe se mobilise, elle peut démontrer sa valeur ajoutée.

L’Europe doit aussi agir sur les causes des migrations. C’est l’intérêt des cadres de partenariat pour les migrations ; ils doivent recouvrir toutes les dimensions de la question et inclure l’acceptation par les pays concernés du retour de leurs ressortissants qui n’ont pas vocation à demeurer en Europe ; c’est là tout l’esprit du sommet de La Valette.

Nous approuvons aussi l’idée d’un plan d’investissement extérieur. Mais plusieurs aspects restent à approfondir. Nous l’avons indiqué dans une résolution préparée par nos collègues Jean-Paul Émorine et Didier Marie. Nous voulons des clarifications sur les modalités de mise en œuvre de ce plan et sur les critères d’évaluation de ses résultats. Nous voulons des précisions sur le rôle dévolu à la Banque européenne d’investissement. Enfin, ce plan doit être articulé avec les stratégies extérieures de l’Union européenne, notamment l’Union pour la Méditerranée et le Partenariat oriental.

L’accord avec la Turquie a eu un effet incontestable sur les flux de migrants. La mission d’information sénatoriale présidée par Jacques Legendre en a toutefois mis en évidence les fragilités, à travers le rapport de notre collègue Michel Billout. Comme le souligne ce document, cet accord doit trouver place dans une politique migratoire européenne fondée sur des partenariats avec les pays d’origine et de transit. Mais, en aucun cas, l’Europe ne peut accepter une forme de chantage autour de cet accord !

Le Conseil débattra également des enjeux de sécurité. Nous voulons une Europe qui affiche sa puissance, qui prenne toutes ses responsabilités en matière de sécurité. Nous l’avons indiqué au Sénat dans notre résolution sur la lutte contre le terrorisme. C’est ce que nous venons de réaffirmer dans une résolution préparée par Michel Delebarre et Joëlle Garriaud-Maylam. Il faut mieux exploiter les capacités d’Europol et inciter les services nationaux à échanger plus systématiquement les informations nécessaires entre eux et avec Europol.

De mémoire, seuls cinq pays de l’Union européenne, me semble-t-il, fournissent les informations sur l’ensemble de ce qui se passe à l’échelon des vingt-sept États membres.

Nous espérons aussi de ce Conseil européen des progrès tangibles en matière de défense européenne ; M. le président de la commission des affaires étrangères en a largement parlé. Nous avions formalisé avec cette commission une résolution sur le sujet au mois de juin dernier.

Nos collègues Gisèle Jourda, Yves Pozzo di Borgo, Jacques Gautier et Daniel Reiner y avaient beaucoup travaillé. Nous en avons débattu la semaine passée au sein du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l’Union européenne. Nous devons nous appuyer sur la stratégie proposée par Mme Mogherini et élaborer un plan de mise en œuvre ambitieux. Nous devons préciser les enjeux et les priorités de la relation entre l’Union européenne et l’OTAN. Les rôles sont absolument complémentaires. Dans un contexte où notre partenaire allemand fait mouvement sur ce sujet, nous devons favoriser un dialogue permanent. Le traité de Lisbonne a par ailleurs prévu des outils, les coopérations structurées permanentes par exemple : à nous de les utiliser. Nous devons aussi renforcer les instruments de cohérence opérationnelle européenne et développer des capacités européennes de financement de la défense.

Enfin, le Conseil européen fera le point sur les questions économiques. Permettez-moi de souligner les premiers résultats très positifs du plan Juncker. Le rapport de Jean-Paul Émorine et Didier Marie en a fait l’évaluation. Le pari de mobiliser des fonds privés – ils existent – à travers un mécanisme astucieux de garanties publiques fonctionne. Ces garanties publiques ne devraient pas logiquement être décaissées ; c’est ça toute l’originalité du concept du plan Juncker. Cela lève les doutes initiaux. Nous approuvons la prolongation de sa durée, ainsi que le doublement de sa capacité financière. Mais le principe d’additionnalité doit prévaloir. Des instruments innovants doivent être mobilisés. Le plan doit soutenir des projets assurant un équilibre tant sectoriel que géographique. Le financement d’infrastructures ne saurait négliger celui de l’innovation ni de la mise en œuvre des priorités du marché unique. Je pense qu’il y a tout un champ d’investigation qui pourrait être précisément bénéfique à l’innovation qui a lieu en France à travers des start-up ; nous sommes assez innovants en la matière pour faire naître des start-up, mais nous ne savons pas les faire grandir. Il faut pour cela précisément trouver les financements correspondants de l’autre côté de l’Atlantique.

Nous demandons une plus grande formalisation des plateformes d’investissement et une meilleure implication des collectivités territoriales. Une plus grande combinaison du plan d’investissement et de la politique de cohésion à travers les fonds structurels est nécessaire. Nous sommes plusieurs à l’avoir signalé à la commissaire chargée de ce sujet la semaine dernière. Cet effort d’investissement ne pourra porter tous ses fruits qu’avec un environnement plus favorable aux investissements, c'est-à-dire en levant les obstacles réglementaires.

Je termine en insistant sur la nécessité de concrétiser la stratégie pour le marché unique. Le numérique sera, on le devine, au cœur de l’industrie et de l’économie du XXIe siècle et, à ce titre, un enjeu essentiel pour permettre à l’Europe d’afficher toute sa puissance. Nous voulons une Europe productrice, et non simplement consommatrice en la matière. Nous travaillerons avec nos amis allemands pour proposer une feuille de route dans les prochains mois.

C’est là la valeur ajoutée de l’Union européenne. C’est là un grand message, un message fort adressé à la jeunesse de notre pays.

Je souhaite le rappeler, à l’heure actuelle, les institutions de l’Union européenne gardent toute leur pertinence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite remercier l’ensemble des orateurs. Leurs interventions ont, je le crois, éclairé les différents enjeux de ce Conseil européen.

M. Marie a voulu souligner le caractère historique de ce moment. À l’instar d’autres intervenants, il a insisté sur la nécessité de ne pas en rester à une Europe des petits pas face à l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés. Je partage toutes les priorités qu’il a énumérées : affirmation économique de l’Europe ; nécessité pour elle de se protéger et de se défendre dans la mondialisation ; politique de défense et de sécurité…

Mme Keller a évoqué l’enjeu de solidarité de la période, montrant que, face à la crise des réfugiés, le concept, parfois avancé, de « solidarité flexible » ne pouvait pas être une réponse satisfaisante, car cela ne veut finalement rien dire ! Ce dont l’Europe a besoin, c’est de solidarité tout court, de cohésion, de détermination et de volonté d’affronter ensemble les grands défis auxquels nous sommes confrontés.

Mme Keller a également mentionné le dîner qui aura lieu entre les vingt-sept États membres en fin de Conseil européen, au cours duquel sera abordée la manière dont doit s’engager la négociation avec le Royaume-Uni dès que celui-ci aura activé l’article 50 du traité de Lisbonne.

Elle a rappelé la décision très importante qui a été prise par la Chambre des communes : même si, compte tenu des décisions de la Cour suprême et des tribunaux britanniques, le Parlement du Royaume-Uni doit être consulté, le choix qui a été fait par les citoyens britanniques ne saurait être remis en cause.

Pour ma part, ce choix ne me réjouit pas, contrairement à Jean Louis Masson. Il n’est bon ni pour le Royaume-Uni ni pour l’Union européenne. Néanmoins, il s’agit d’une décision démocratique. Nous devons donc la respecter et organiser la séparation, en ayant pour préoccupation de protéger l’intérêt et la cohésion de l’Union européenne.

Les Vingt-Sept devront décider, même si la négociation ne pourra s’ouvrir qu’au mois de mars, lorsque l’article 50 aura été activé par le Royaume-Uni, d’un certain nombre de principes quant à l’organisation des pourparlers. Dès que le Royaume-Uni aura notifié officiellement sa décision de sortir de l’Europe, le Conseil européen adoptera des directives de négociation et des orientations générales. Il mandatera alors la Commission européenne pour mener les discussions. Il y aura donc un seul négociateur, mandaté par les vingt-sept États membres.

Aujourd'hui, Michel Barnier a été chargé de préparer ces travaux, nous nous en réjouissons. La négociation sera ensuite conduite en permanence sous le contrôle du Conseil européen et, de façon plus quotidienne, du Conseil des affaires générales, ainsi que des représentants des chefs d’État et de gouvernement. Car il ne s’agit pas d’une négociation classique comme les négociations commerciales, qui ont d’ailleurs posé beaucoup de difficultés lorsqu’on a fixé des orientations et demandé ensuite que, en fin de discussion, la Commission vienne faire état d’un accord à prendre ou à laisser.

Si l’on veut s’assurer que le Royaume-Uni n’ait pas la possibilité, même s’il peut en avoir la tentation, de négocier séparément avec chaque État membre, il faudra que les Vingt-Sept assurent un suivi extrêmement précis de la façon dont la négociation sera menée par un seul négociateur, qui aura pour mission de veiller à l’intérêt général de l’ensemble des États membres et de l’Union européenne.

Très clairement, nous souhaitons que l’article 50 soit activé le plus rapidement possible afin d’éviter que, en 2019, au moment du renouvellement des institutions européennes, nous n’ayons pas dénoué cette sortie du Royaume-Uni de l’Union.

Michel Barnier l’a déjà indiqué lors de sa première conférence de presse, les négociations devront être menées dans des délais très brefs. Mme Keller a parlé de dix-huit mois ; en réalité, il s’agira plutôt de quinze mois. Moyennant quoi, le Parlement européen et les différentes procédures légales permettront au Royaume-Uni de quitter réellement l’Union au terme des deux ans prévus par l’article 50, soit avant les élections européennes et le renouvellement de la Commission européenne au milieu de l’année 2019.

M. Jean Louis Masson a essayé de poser le débat en opposant Europe fédérale et Europe des nations. En réalité, l’Europe est une union de nations souveraines ayant compris que, pour soutenir leurs intérêts dans la mondialisation, pour défendre la stabilité et la paix du continent, elles avaient avantage à partager un certain nombre d’éléments de leur souveraineté, sur le plan économique ou sur le plan de la défense. Cela ne remet en rien en cause le fait que ces nations demeurent souveraines ; Jacques Delors avait parlé de « fédération d’États-nations ».

Oui, nous avons besoin sur le plan commercial, sur le plan du marché unique, sur le plan de notre modèle social, mais aussi sur le plan de la défense de notre sécurité et de la paix d’être unis et d’agir de façon très coordonnée, en partageant ensemble un certain nombre de politiques. C’est ce principe qui aujourd'hui est en crise.

En tout état de cause, je ne crois pas que la sortie d’un État membre de l’Union européenne favorisera sa participation à un certain nombre de politiques du continent. Pour ce pays, se posera la question de savoir comment il pourra continuer à collaborer à des programmes comme Erasmus ou Horizon 2020. Quid également de son accès au marché intérieur ? Comment continuera-t-il à coopérer en matière de lutte contre le terrorisme, voire en matière de sécurité et de défense ?

Oui, nous assistons à une montée des populismes. Oui, nous devons entendre ce que disent les électeurs lorsqu’ils s’expriment à l’occasion de référendums, même si ces derniers ne portent pas sur l’Europe. Oui, il faut écouter cette colère et cette insatisfaction. Oui, il convient de prendre en compte les fractures sociales et géographiques qui se sont exprimées au moment du référendum britannique, mais aussi d’autres élections. Il importe que, en responsabilité, nous apportions des réponses. Nous ne pouvons pas nous contenter de constater qu’il existe un risque de dislocation.

M. Michel Billout a souhaité attirer l’attention sur les relations entre l’Union européenne et la Turquie. Il a évoqué la situation très dégradée des droits de l’homme dans ce pays et a fait état de la répression qui touche, comme je l’ai souligné dans mon propos introductif, des parlementaires du parti kurde HDP, mais aussi des journalistes et des universitaires, qui n’ont pris absolument aucune part au coup d’État du 15 juillet dernier ou aux attentats terroristes perpétrés en Turquie par Daech ou par le PKK.

Pour autant, nous devons continuer à travailler avec la Turquie. Cependant, nous le faisons dans la clarté et en restant fermes par rapport à nos valeurs. Le rétablissement de la peine de mort, évoqué par les autorités turques, constituera évidemment une rupture complète avec les valeurs et les principes sur lesquels sont fondées nos relations.

En tout état de cause, ces relations sont aujourd'hui marquées par un éloignement, qui relève de la responsabilité de la politique des autorités turques. La voie dans laquelle s’est engagée la Turquie constitue une impasse, car ce pays a besoin du partenariat avec l’Union européenne, aussi bien en termes de sécurité que pour promouvoir ses propres réformes, son développement économique ou démocratique. Elle a d’autant plus besoin de notre partenariat que nous faisons ensemble face à la situation du Moyen-Orient. Je pense, en particulier, à la guerre en Syrie à laquelle la communauté internationale doit apporter une réponse commune.

M. Jean-Claude Requier a évoqué trois grands principes et trois grandes priorités. Il a notamment affirmé que l’Europe devait mieux s’organiser en matière commerciale. Ce matin, justement, le Conseil européen a trouvé un accord sur la réforme de nos instruments de défense commerciale, sujet en discussion depuis quatre années. L’objectif est de permettre à l’Union européenne de mieux défendre ses intérêts économiques contre les pratiques commerciales déloyales de dumping. Cela se traduira, notamment, par le fait que les délais d’enquête seront raccourcis et que l’Europe pourra imposer des droits anti-dumping plus efficaces et plus élevés grâce à une levée partielle de la règle du droit moindre qui nous empêchait de réagir aussi vigoureusement que d’autres.

Tout cela est évidemment très important, au moment où il est beaucoup question des relations avec la Chine. Nous avons besoin de nous assurer que, quelle que soit l’évolution du statut de cette dernière au sein de l’OMC, nous gardions les mêmes capacités de défense pour protéger notre industrie sidérurgique ou d’autres secteurs de notre économie qui peuvent se trouver menacés par des pratiques de dumping. L’Europe avance de ce point de vue.

Permettez-moi maintenant une remarque générale pour répondre à l’intervention de Claude Kern, qui a souligné les risques de dislocation, de désunion, d’affaiblissement de l’Union européenne. La réponse à ces risques est d’agir et sans attendre. Oui, il y aura des échéances en France et en Allemagne au cours de l’année prochaine. Nous pourrions avoir la tentation de remettre à plus tard un certain nombre de choix. Or c’est maintenant qu’il faut agir !

C’est pourquoi il est important qu’un certain nombre de décisions ait été prises : celles – je les évoquerai de nouveau – qui portent sur la défense et qui sont à l’ordre du jour du Conseil européen ; celles qui concernent la protection de nos intérêts commerciaux ; celles qui ont été annoncées aujourd'hui par le Président de la République française à la Chancelière allemande à Berlin lors de la nouvelle conférence franco-allemande sur le numérique, faisant suite à la conférence qui s’était tenue l’an dernier à l’Élysée pour créer un fonds d’investissement commun franco-allemand de 1 milliard d’euros en soutien aux entreprises numériques innovantes françaises et allemandes. Dans le marché unique du numérique, on doit trouver des acteurs économiques européens, pas uniquement les GAFA américains.

Bref, il faut agir. Le Premier ministre a insisté sur ce point lors de sa déclaration de politique générale tout à l’heure à l’Assemblée nationale, déclaration également lue dans cette enceinte. Chaque jour est important pour l’action à mener sur le plan national, quelles que soient les échéances, mais également sur le plan européen.

Il y a toujours, en effet, des élections quelque part en Europe. Des élections auront lieu, par exemple, en Italie, à la suite du dernier référendum ; elles se tiendront probablement au cours de l’année 2017. Il y aura aussi des élections aux Pays-Bas au mois de mars prochain. Pour autant, l’Europe doit-elle cesser d’agir et d’avancer ? Non, au contraire, il faut agir et montrer que, tout en respectant nos rythmes démocratiques, nous sommes capables de travailler sur le long terme, sans perdre de temps. Si les décisions que nous prenons sont bien fondées, elles continueront à être mises en œuvre par-delà les changements politiques qui interviendront, ou pas, lors des élections ; ce sont les citoyens qui en décideront dans chacun de nos pays.

M. André Gattolin, évoquant notamment le déplacement effectué par le Sénat en Italie, a affirmé que le paysage était finalement inquiétant. Le président de la commission des affaires étrangères, Jean-Pierre Raffarin, l’a souligné également de façon très précise et éloquente.

M. André Gattolin a insisté sur la crise migratoire, en particulier en Italie. Je l’ai moi-même rappelé, cette crise est le fait de la situation en Libye et de la venue de migrants de toute l’Afrique : Afrique de l’Ouest, Afrique de l’Est ou Afrique centrale. Aujourd'hui, l’Italie est, avec la Grèce, en première ligne dans la crise migratoire. Néanmoins, pour la Grèce, un accord a été trouvé avec la Turquie.

La situation en Libye expose l’Italie de façon particulièrement criante. Là aussi, il convient d’apporter des réponses. La meilleure d’entre elles, vous l’avez dit, est la réduction de la pauvreté. Il était normal qu’une telle priorité trouve sa place dans les pactes migratoires. L’Union européenne évite ainsi l’écueil d’une approche des migrations venant d’Afrique qui ne traiterait que de la question des réadmissions et du contrôle des frontières, sans s’attaquer aux racines profondes de ces migrations.

Certes, la politique de développement comprend d’autres thématiques que celle des migrations, mais il était pertinent d’inscrire au cœur des pactes migratoires passés avec les cinq pays d’Afrique prioritaires la question de la lutte contre la pauvreté. Une telle démarche n’est en rien contradictoire avec la lutte contre la corruption, même si évidemment les leviers d’action ne sont pas les mêmes. Il importe, en la matière, d’activer tous les instruments internationaux, qu’ils soient promus par les Nations unies, par l’OCDE ou par les règles qui encadrent notamment l’action des multinationales, en particulier des industries extractives et autres, pour lutter contre la corruption.

Quoi qu’il en soit, il ne serait pas judicieux d’opposer un levier d’action à un autre. Nous devons agir avec les pays d’Afrique, sur tous les plans : aide au contrôle des flux migratoires, renforcement des capacités sécuritaires de contrôle de leurs propres frontières, de leur système de police, de leur système armé. Nous devons agir évidemment sur le développement, sur la pauvreté, sur les perspectives économiques pour la jeunesse. Nous devons aussi agir sur les réformes démocratiques.

C’est ce que nous avons fait au Mali. Nous sommes intervenus pour empêcher que des djihadistes ne puissent prendre Bamako, mais la première priorité de la France a été l’organisation d’élections au Mali, afin d’assurer la transition démocratique après le coup d’État. Nous avons ensuite mis l’accent sur le soutien au développement économique et sur la réconciliation avec le Nord. C’est sur l’ensemble de ces plans que nous devons intervenir.

L’opération Sophia est très importante, dans laquelle l’Italie mobilise beaucoup de moyens, en particulier sa marine ; mais l’Europe aussi s’investit.

J’ai visité il y a quelques jours à Malte – c’était la deuxième fois que je rencontrais un équipage français – l’aviso Commandant L’Herminier. Ce navire participe à l’opération Sophia, en particulier au contrôle des armes au large de la Libye. Nos bateaux, dans le cadre du commandement européen basé en Italie, mettent en œuvre avec des navires allemands, italiens et autres, selon les moments, une politique de défense et de protection de nos frontières, et prêtent secours à des réfugiés mis en mer dans des canots, au péril de leur vie, par des trafiquants criminels.

L’étape à franchir, pour empêcher que ce trafic ne se poursuive, est de stabiliser la situation en Libye pour pouvoir intervenir dans ses eaux territoriales, ce qui suppose un mandat des Nations unies et des autorités légitimes de la Libye.

M. Éric Bocquet, tout en soulignant qu’il sortait un peu de l’ordre du jour du Conseil européen, est intervenu sur l’évasion fiscale en évoquant la situation des lanceurs d’alerte dont je ne dirai rien, car des procédures judiciaires sont en cours.

Quoi qu’il en soit, même si elle ne figure pas à l’ordre du jour de ce Conseil européen, l’évasion fiscale est une préoccupation actuelle de l’Union européenne. Comme vous, monsieur le sénateur, j’estime que l’enjeu est très important.

Une directive relative à la lutte contre l’évasion fiscale est en cours d’adoption dans le cadre du projet BEPS, Base Erosion and Profit Shifting. La commission a proposé une nouvelle directive de lutte contre l’évasion fiscale ATAD II, Anti-Tax Avoidance Directive II, le 25 octobre dernier. Par ailleurs, une révision de la quatrième directive relative à la lutte anti-blanchiment est en cours depuis le mois de juillet. Pour finir, au titre de l’harmonisation fiscale, des travaux sont engagés pour avancer sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés. Ce projet nous permettra de lutter également contre les optimisations fiscales déloyales.

M. Jean-Claude Requier m’a demandé quels étaient les projets financés aujourd'hui en France par le plan Juncker. Cinquante projets ont été soutenus directement jusqu’à présent, sans parler des milliers de petites ou moyennes entreprises qui, par le biais du Fonds européen d’investissement stratégique, ont bénéficié de prêts bonifiés à des taux particulièrement favorables pour leurs investissements. Ces prêts sont en général distribués par Bpifrance ou par d’autres banques travaillant avec la Banque européenne d’investissement.

Enfin, M. Jean-Pierre Raffarin a souligné que jamais la situation internationale n’avait été aussi dégradée et que, revenant d’une mission au siège des Nations unies, il avait été frappé par le monde de désordre et de guerre dans lequel nous sommes plongés. S’y ajoutent des menaces sur le multilatéralisme, sur le droit international et sur la coopération entre les grandes démocraties.

Je le dis à Jean Louis Masson, nous ne portons pas de jugements sur le choix fait par les citoyens dans un grand pays partenaire, à savoir les États-Unis. Néanmoins, nous serons vigilants par rapport à la politique proposée, qui pourrait remettre en cause un certain nombre d’engagements internationaux sur le climat, sur le nucléaire avec l’Iran, sur le multilatéralisme et, de façon générale, sur la place des Nations unies.

Nous aurons donc un débat avec notre allié américain sur ce qui nous semble devoir être la priorité des grandes démocraties, en particulier des démocraties occidentales qui se trouvent alliées au sein de l’OTAN.

Nous voyons poindre, il est vrai, la tentation de contourner l’Europe. Nous verrons bien si un accord sera passé par-dessus la tête de l’Union européenne alors qu’il s’agit de crises et de guerres qui la concernent au premier chef.

Les réfugiés syriens ne vont pas chercher asile au Kremlin ou à la Maison-Blanche, mais ils migrent en Europe. Les terroristes en provenance de cette zone de guerre peuvent certes organiser des attentats aux États-Unis – et ils l’ont déjà fait –, mais c’est surtout en Europe qu’ils ciblent leurs attaques meurtrières.

L’Europe doit donc s’organiser. À l’instar du président de la commission des affaires étrangères, M. Raffarin, je pense qu’il existe une attente très forte à l’égard du Conseil européen de jeudi en matière de défense. Comme lui, je constate les avancées du Conseil des affaires étrangères et des ministres de la défense du mois de novembre ; je note le plan d’action de la Commission ; je remarque qu’est reprise l’idée, formulée effectivement par un ancien ministre français, d’un fonds européen de défense ; j’observe que l’Europe prend finalement conscience que son avenir est en jeu et qu’elle doit être capable de se défendre pour être une puissance de paix.

Jean-Pierre Raffarin l’a souligné à juste titre, l’Union européenne et les pays qui la composent ont toujours défendu sur le plan international une vision très claire de l’idée qu’ils se font d’un ordre international conforme à leurs valeurs et à leurs intérêts, à savoir un ordre fondé sur le droit international, sur la paix et sur le respect des Nations unies. Il est essentiel que l’Europe se donne les moyens de peser dans cette direction, car d’autres, qui n’ont pas les mêmes objectifs, essaient également d’agir sur l’ordre international.

L’Europe doit donc allier à ses valeurs universelles les moyens d’une action concrète. Tel est l’enjeu de l’Europe de la défense : assurer la sécurité de ses citoyens et de son territoire, même si la réalisation d’un tel objectif repose sur des armées nationales. Dans ce cas, celles-ci doivent être mieux coordonnées pour promouvoir une coopération efficace et stable.

Si l’Europe ne projette pas de la paix, c’est la guerre et l’instabilité qui naîtront en son sein, ce qui entraînera de l’inquiétude et fera surgir le risque d’une dislocation. Voilà pourquoi l’Union européenne est et doit rester une puissance de paix !

M. Jean Bizet a lui rappelé que l’Europe devait affirmer sa puissance et prendre ses responsabilités en matière de sécurité et de défense. Dans le même temps, il appelle l’Union européenne à affirmer davantage sa puissance économique. C’est tout l’enjeu de cette période.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que le Sénat, au travers des missions, des résolutions et des rapports dont il a été à l’origine au cours des dernières années, ait beaucoup contribué à notre réflexion.

Nous sommes en train de franchir des étapes. Évidemment, le désordre avance très vite dans le monde, alors que l’Europe prend souvent ses décisions trop lentement. Tout l’enjeu est de contribuer à accélérer la prise de conscience et de décisions, afin que l’Europe ne soit pas passée par profits et pertes à cause de l’émergence autour d’elle de nouvelles tentations impériales, dominatrices et guerrières.

La leçon de ce débat est que ce Conseil européen est un moment important pour affirmer notre volonté et prendre des décisions. L’axe franco-allemand sera évidemment décisif sur chacun de ces sujets, car aucune décision ne pourra être prise sans une volonté commune de ces deux pays. Je forme le vœu que le Sénat continuera à soutenir cette volonté dans les semaines et dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)

Débat interactif et spontané

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.

Je vous rappelle que chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. La commission des affaires européennes ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.

La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. « Chaque fois qu’un jeune n’arrive pas à trouver un emploi, des rêves sont brisés ». Monsieur le secrétaire d’État, ces mots prononcés par Jean-Claude Juncker illustrent parfaitement la situation des 4,1 millions de jeunes Européens qui aujourd’hui n’ont pas d’emploi.

Comment ne pas être révolté devant cette triste réalité qui veut que le taux de chômage des jeunes soit deux fois plus élevé que celui des adultes, alors même que 2 millions d’emplois sont vacants en Europe ? Derrière ce paradoxe, apparaît en filigrane l’inadéquation des compétences et des formations aux besoins réels du marché du travail.

Dans sa stratégie pour l’emploi des jeunes, l’Union européenne entend répondre à cette situation, notamment en encourageant l’apprentissage et la mobilité des apprentis.

Le rapport d’évaluation de cette stratégie publié au mois de juin dernier est sans appel : les pays qui ont misé sur l’apprentissage sont ceux qui affichent les taux de chômage des jeunes les plus faibles.

Votre gouvernement a malheureusement tardé à en prendre conscience : en 2012, l’une de ses premières décisions a été de baisser les crédits alloués à l’embauche des apprentis, cassant ainsi la dynamique que nous avions impulsée au cours du mandat précédent. Ce choix est incompréhensible quand on sait que 70 % des apprentis trouvent directement un emploi à la fin de leur formation !

L’Europe doit également miser sur le développement de la mobilité des apprentis pour leur offrir de nouvelles opportunités et leur permettre d’apprendre une ou plusieurs langues étrangères, dont la maîtrise est indispensable dans les secteurs pourvoyeurs d’emplois tels que l’hôtellerie, la restauration ou l’industrie du luxe.

Ma question est la suivante : la France est-elle prête aujourd’hui à aller plus loin en soutenant l’instauration d’un cadre unique de l’apprentissage en Europe, avec notamment la création d’un statut européen de l’apprenti ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, l’apprentissage est effectivement une thématique importante. Il rencontre d’ailleurs un fort succès dans tous les pays européens qui l’ont développé depuis longtemps. Contrairement à ce que vous affirmez, le Gouvernement a soutenu son développement, mais je n’entrerai pas dans une polémique portant sur la politique nationale.

Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec vous : il convient de développer l’apprentissage dans un cadre européen. J’ai soutenu, avec quinze entreprises françaises et allemandes, un projet pilote visant à favoriser des échanges d’apprentis entre nos deux pays. Une telle démarche soulève des problèmes en raison de la différence des cycles d’apprentissage et des alternances entre l’entreprise et le centre de formation. En tout état de cause, nous avons voulu montrer qu’il était possible de surmonter ces différences.

Le Parlement européen a également fait adopter un budget pour étendre cette expérimentation à plusieurs pays et régions. Nous travaillons avec la Commission européenne pour mettre sur pied un véritable programme Erasmus des apprentis. À l’avenir, les jeunes en apprentissage – ils doivent être plus nombreux dans chacun de nos pays – pourront, pendant leur formation, bénéficier d’une expérience européenne. Elle leur apportera une qualification très utile sur le marché du travail et constituera une expérience de citoyenneté européenne. Nous nous rejoignons donc sur cette priorité.

Pour ce qui est de la garantie jeune, ce projet a été soutenu à l’échelon européen par le Président de la République. Nous avons obtenu qu’elle soit étendue et dotée, dans la revue du cadre financier pluriannuel, de 1,2 milliard d’euros supplémentaires.

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2016.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

10

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, actuellement en cours d’examen.

Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.

11

Articles additionnels après l’article 11 bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Articles additionnels après l'article 11 bis

Modernisation, développement et protection des territoires de montagne

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Organisation des travaux

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous reste 201 amendements à examiner sur le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

Comme nous l’avons décidé hier soir, je vous propose d’ouvrir la nuit, afin d’avancer dans de bonnes conditions dans l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?

M. Michel Bouvard. M. Raoul a-t-il bien entendu ?…(Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Je veux seulement m’assurer que le site internet du Sénat sera bien mis à jour pour intégrer cette information.

M. le président. Bien sûr, mon cher collègue !

Il n’y a pas d’autre observation ?...

Il en est ainsi décidé.

Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

Au sein du chapitre II du titre II, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 11 bis.

Titre II (suite)

SOUTENIR L’EMPLOI ET LE DYNAMISME ÉCONOMIQUE EN MONTAGNE

Chapitre II (suite)

Encourager la pluriactivité et faciliter le travail saisonnier

Discussion générale
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Article 12

Articles additionnels après l’article 11 bis (suite)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 246 rectifié est présenté par MM. Savin et Carle.

L'amendement n° 321 rectifié bis est présenté par MM. Delcros, L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas et Cigolotti, Mme Férat, M. Gabouty, Mme N. Goulet, M. Guerriau, Mme Joissains et M. Médevielle.

L'amendement n° 405 est présenté par M. Bouvard.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 11 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 113-3 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 113-… ainsi rédigé :

« Art. L. 113- – Dans le cadre de leurs missions en lien avec l’activité agricole de leurs membres, et notamment pour la gestion des troupeaux dont ils ont la charge, les groupements pastoraux sont habilités à recourir aux contrats à durée déterminée dans les mêmes conditions que celles accordées aux agriculteurs, nonobstant la présence éventuelle de collectivités territoriales parmi les membres de ces groupements. »

La parole est à M. Michel Savin, pour présenter l’amendement n° 246 rectifié.

M. Michel Savin. Avec cet amendement, nous reprenons le débat que nous avions commencé cet après-midi.

Certains groupements pastoraux se sont vu interdire l’embauche saisonnière de bergers, alors que la maintenance estivale de troupeaux constitue l’une de leurs activités principales, sinon le cœur même de leur travail. L’activité pastorale est cruciale pour les équilibres des territoires de montagne ; nous ne pouvons la négliger. Cet amendement a donc pour objet de redonner toute sa légitimité à l’embauche saisonnière et d'encourager la pluriactivité.

Lors de nos échanges sur ce thème cet après-midi, M. le ministre a indiqué que les conventions régissant les embauches à durée déterminée dans le domaine agricole pouvaient s’appliquer pour les groupements pastoraux.

Or une jurisprudence récente montre que la question n’est pas définitivement tranchée. Un berger saisonnier a en effet obtenu la requalification de ses CDD en CDI par la cour d’appel de Grenoble dans un arrêt du 23 juin dernier.

Votre réponse nous interpelle donc, monsieur le ministre. S’il est possible de recourir aux CDD dans les mêmes conditions que celles qui sont accordées aux agriculteurs, pourquoi les CDD de ce saisonnier ont-ils été ainsi requalifiés ?

Nous devons recourir à la loi pour dépasser les blocages induits par les procédures en cours sur ces questions.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l'amendement n° 321 rectifié bis.

M. Bernard Delcros. J’étais prêt à retirer cet amendement, s’il était avéré que les groupements pastoraux, y compris lorsque des collectivités territoriales en sont membres, pouvaient accéder exactement aux mêmes conditions de recrutement que les agriculteurs, mais je comprends que la question reste posée.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° 405.

M. Michel Bouvard. Le département de la Savoie est celui qui compte le plus grand nombre de transhumants accueillis chaque année, pour l’estive, en provenance du midi de la France.

En raison de la présence du loup, l’embauche de bergers pour la saison est aujourd'hui souvent nécessaire pour surveiller les troupeaux, y compris sur de vastes espaces en montagne.

La jurisprudence de la cour d’appel de Grenoble soulève donc un vrai problème. Il n’y a que la loi qui peut nous protéger du risque de requalification des contrats.

On ne peut pas ajouter à l’incertitude qui pèse sur la sécurité physique des troupeaux en période d’estive une insécurité juridique à l’égard du contrat des personnels qui doivent être embauchés pour surveiller ceux-ci.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Ces trois amendements sont quasiment identiques à ceux qui ont été défendus cet après-midi.

La jurisprudence évoquée ne fait rien qu’appliquer le droit commun. Elle pourrait très bien concerner une entreprise, par exemple.

Inscrire dans la loi la disposition contenue dans ces amendements n’y changera rien, car elle est en réalité satisfaite par le droit en vigueur.

Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Vous utilisez la décision de la cour d’appel de Grenoble pour défendre vos amendements, messieurs les sénateurs. Ce n’est pourtant pas à vous que je vais apprendre que la justice est indépendante.

D’autres cours d’appel peuvent très bien prendre d’autres décisions. La situation sera stabilisée le jour où la Cour de cassation aura tranché et pris une décision qui s’imposera.

En l’état actuel de la loi, qui s’applique, ces amendements sont satisfaits. J’émets par conséquent le même avis que la commission, donc : je demande le retrait de ces amendements, à défaut j’y serai défavorable.

M. le président. Monsieur Savin, l'amendement n° 246 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Savin. Oui, monsieur le président.

La situation est telle que les bergers ne pourront pas, pour la prochaine saison, être embauchés en CDD : leurs employeurs courront le risque de voir leurs contrats requalifiés en CDI ! C’est le sens de la jurisprudence de la cour d’appel de Grenoble qui peut se reproduire dans d’autres départements.

L’Isère cumule les problèmes, avec notamment la présence du loup sur son territoire. Nous y reviendrons. En tout état de cause, si les éleveurs ne peuvent avoir recours à employés en CDD sur la période estivale pour protéger leurs troupeaux, nous nous dirigeons vers une situation très conflictuelle.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 246 rectifié, 321 rectifié bis et 405.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par MM. L. Hervé, Delcros, Lasserre et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l'article 11 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le premier alinéa de l’article 261 B du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les mises à disposition de salariés effectuées par les groupements d’employeurs constitués selon les articles L. 1253-1, L. 1253-2, L. 1253-3 et L. 1253-19 du code du travail sont fiscalement neutres : la taxe sur la valeur ajoutée est applicable aux prestations effectuées pour des utilisateurs assujettis et non applicable pour des utilisateurs non-assujettis. »

II – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Pour faciliter les recrutements et le fonctionnement des groupements d’employeurs, il est important de clarifier la fiscalité liée aux salaires et d’indiquer que les mises à disposition de salariés effectuées par les groupements d’employeurs constitués selon les articles L. 1253-1, L. 1253-2, L. 1253-3 et L. 1253-19 du code du travail, sont fiscalement neutres, la TVA étant applicable aux prestations effectuées pour des utilisateurs assujettis et non applicable pour des utilisateurs non assujettis.

Tel est l'objet du présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser dans quels cas de figure une entreprise sera assujettie ou non à la TVA lorsqu’elle recourt à des salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs.

Les représentants des groupements d’employeurs que j’ai rencontrés m’ont effectivement signalé les problèmes que posaient les règles d’assujettissement à la TVA et les inconvénients qui en résultent quand ils sont mis en concurrence avec les agences d’intérim.

Mais je ne peux pas être favorable à cet amendement à ce stade, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, son lien avec le texte, même indirectement, est inexistant, ce qui contrevient à l’article 45 de la Constitution. Le présent projet de loi n’a pas vocation à modifier le cadre juridique des groupements d’employeurs qui vient d’être adapté par la loi Travail du 8 août dernier.

Ensuite, le débat sur l’application de la TVA aux salariés mis à disposition d’un groupement d’employeurs a plutôt vocation à être traité dans le cadre d’un projet de loi de finances.

Par conséquent, la commission des affaires sociales demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même avis, pour les raisons invoquées par Mme la rapporteur, mais aussi parce que la réglementation actuelle permet déjà, sous certaines conditions, d’exonérer les mises à disposition de personnes effectuées par les groupements d’employeurs mixtes, lorsque les membres assujettis sont imposés à la TVA sur moins de 20 % de leur chiffre d’affaires, et si les opérations de même nature réalisées au profit de tiers au regroupement n’excèdent pas 50 % du chiffre d’affaires de ce dernier. Aller au-delà serait exposer la France à un risque de contentieux européen.

M. le président. Monsieur Hervé, l'amendement n° 25 est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Oui, monsieur le président.

D’abord, parce que l’article 45 de la Constitution ne m’a pas été objecté jusqu’à maintenant.

Ensuite, parce que les représentants des groupements d’employeurs que nous avons reçus pour préparer l’examen de ce projet de loi nous ont fait remonter les problèmes qu’ils rencontraient.

Or j’ai du mal à concevoir – c’est la réponse qui a été opposée également aux derniers amendements dont nous avons discuté – que tous ces problèmes sont en réalité en résolus par le droit en vigueur.

M. Michel Savin. C’est faux !

M. Loïc Hervé. Il y a une réelle dichotomie entre le vécu sur le terrain et les arguments qui sont avancés pour motiver les demandes de retrait.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Articles additionnels après l'article 11 bis
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Article 13 (Texte non modifié par la commission)

Article 12

L’article 61 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne est ainsi rédigé :

« Art. 61. – I. – Pour une durée de trois ans à compter de la publication de la loi n° … du … de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, est mise en place une expérimentation visant à adapter le dispositif de l’activité partielle aux régies dotées de la seule autonomie financière qui gèrent un service public à caractère industriel et commercial de remontées mécaniques ou de pistes de ski, qui remplissent les conditions mentionnées à l’article L. 2221-1 et au 2° de l’article L. 2221-4 du code général des collectivités territoriales et dont les collectivités territoriales ou établissements publics de rattachement se sont portés volontaires pour cette expérimentation. Dans la mesure du possible, cette expérimentation s’effectue sur un échantillon représentatif des différents territoires de montagne.

« Cette expérimentation inclut la mise en place par les collectivités territoriales et les régies concernées, avec l’appui des services de l’État compétents, d’une part, d’une analyse des possibilités de développement économique des petites stations et, d’autre part, d’une démarche active et territorialisée de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, afin de sécuriser les parcours professionnels des salariés saisonniers.

« II. – Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement réalise une évaluation de l’impact de l’expérimentation sur la situation économique et financière des régies concernées et sur la situation de l’emploi dans les territoires participants, ainsi que de l’impact des actions complémentaires mises en place par les régies afin de faire face aux difficultés entraînant une baisse de leur activité.

« III. – Dans le cadre de cette expérimentation, les salariés employés par les régies mentionnées au I du présent article peuvent être placés en activité partielle dès lors qu’ils sont soumis aux dispositions du code du travail et que leur employeur a adhéré au régime d’assurance chômage en application du 1° de l’article L. 5424-2 du même code.

« IV. – Le dispositif expérimental est financé par l’État et par l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce, dans des conditions fixées par décret. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Article 12
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Article additionnel après l’article 13

Article 13

(Non modifié)

Après le deuxième alinéa de l’article 27 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les massifs définis à l’article 5 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et dans les communes ayant reçu la dénomination “commune touristique” en application des articles L. 133-11, L. 133-12 et L. 151-3 du code du tourisme, l’offre de maisons de services au public répond à la situation des travailleurs saisonniers et pluriactifs, et peut notamment intégrer des maisons des saisonniers. »

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.

M. Michel Le Scouarnec. L'isolement des saisonniers constitue le point faible de ceux-ci. C'est l’un des nœuds qu'il convient de desserrer pour faire progresser les droits et la protection de ces salariés, qui, de même que leur famille, ont besoin de vivre douze mois sur douze. Face à ce constat, il est de notre responsabilité de faire de la saisonnalité un levier et non plus un problème.

L’article 13 prévoit l'intégration de maisons des saisonniers au sein des maisons de services publics. Dans nos territoires, des actions innovantes sont déjà menées. Comme à la montagne, en Bretagne, dans le pays d'Auray, la question de l'emploi saisonnier est prépondérante. La maison de l'emploi a su fédérer autour de ce sujet tous les acteurs. Son espace saisonnier est devenu un lieu de ressources identifié par tous et pour tous les publics. Elle propose une sécurisation des parcours professionnels et un accompagnement des salariés comme des entreprises en facilitant les partenariats et les actions de sensibilisation.

Mais ces guichets uniques doivent avoir les moyens de leurs ambitions, en étant ouverts toute l’année. Certaines maisons des saisonniers disparaissent par manque de volonté ou de soutien financier.

Enfin, surtout, il faut des lieux d'information des salariés ; il faut aussi œuvrer au maintien, au développement, à la création de maisons des saisonnalités, en s'attachant à leur financement et à leur labellisation, avec l'Association des lieux d'accueil des travailleurs saisonniers, l'ALATRAS.

Les maisons des saisonnalités, au nombre d'une cinquantaine, sont aujourd'hui unanimement reconnues comme des outils indispensables au développement économique et social des territoires.

Il faut modifier la loi pour permettre la conclusion d'accords interprofessionnels territoriaux tenant compte de la réalité du territoire.

M. le président. Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Article 13 (Texte non modifié par la commission)
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Article 14

Article additionnel après l’article 13

M. le président. L'amendement n° 77, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au chapitre VIII du titre II du livre II de la quatrième partie du code du travail, il est inséré un article L. 4228-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4228-… – Pour l’hébergement de ses salariés, notamment saisonniers, l’employeur respecte les règles fixées par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l’application de l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. La surface et le volume habitables, au sens de l’article R. 111-2 du code de la construction et de l’habitation, des locaux affectés à l’hébergement des travailleurs ne peuvent être inférieurs à 9 mètres carrés et 20 mètres cubes par personne. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous avons pu le constater au Sénat comme à l’Assemblée nationale, il existe une certaine unanimité pour reconnaître qu’il est nécessaire de prendre des mesures ambitieuses pour améliorer le logement des travailleurs saisonniers.

Un effort particulier a été fait dans ce projet de loi, puisque c’est l’objet de son article 14. Ainsi, entre autres choses, les communes touristiques y sont invitées à prendre en main cette question, ainsi que les bailleurs sociaux, qui devront prendre en charge une partie de la lutte contre le mal-logement des saisonniers.

La situation du logement des saisonniers est loin d’être satisfaisante, pour ne pas dire dramatique, lorsque la précarité du logement se double de risques pour leur sécurité. Chaque année, des saisonniers meurent en montagne, parce qu’ils ne sont pas logés ou qu’ils le sont mal. Ces difficultés sont connues et à l’origine de drames. Je ne reviendrai pas sur celui de La Clusaz ou sur celui, récent, de Chamonix.

Des solutions doivent absolument être trouvées. Outre la mobilisation du parc de logements sociaux et l’investissement des collectivités territoriales pour fournir des solutions d’hébergement, il nous paraît du devoir des employeurs d’héberger celles et ceux sans lesquels l’activité économique saisonnière ne serait pas possible. Cet hébergement doit se faire dans de bonnes conditions, pour le moins celles qui sont définies dans le décret du 30 janvier 2002 relatif au logement décent.

Ainsi, neuf mètres carrés et vingt mètres cubes au minimum doivent être alloués au salarié, et non pas six mètres carrés et quinze mètres cubes, comme le code du travail le prévoit actuellement, en contradiction d’ailleurs avec la loi SRU et son décret d’application.

Nous invitons donc le Gouvernement à prendre les mesures réglementaires qui s’imposent pour modifier ces dispositions du code du travail. Il s’agit d’éviter de nouveaux drames et de permettre aux saisonniers de vivre dans des conditions dignes. Il faut des actes concrets !

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. Cet amendement traite d’un sujet intéressant, celui du logement des travailleurs saisonniers, qui est également abordé à l’article 14 du présent projet de loi.

Dans sa rédaction actuelle, il n’est pas acceptable, car il empiète de manière manifeste sur le domaine réglementaire en faisant référence à un décret du 30 janvier 2002.

Sur le fond, je pense que le Gouvernement pourra éclairer notre assemblée sur ce sujet, car les règles prévues dans le code du travail sont effectivement moins protectrices pour les travailleurs que celles qui le sont pour les habitations classiques.

L’article R. 4228-27 du code du travail interdit les logements de travailleurs inférieurs à six mètres carrés ou à quinze mètres cubes par personne et ne considère pas comme surface habitable les pièces dans lesquelles le plafond se situe à moins de 1,9 mètre du sol, alors que l’article 4 du décret précité fixe comme règle qu’un logement décent « dispose au moins d'une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes. »

Je pense qu’il faut augmenter les contrôles de l’inspection du travail avant de modifier les normes, qui relèvent d’ailleurs uniquement du pouvoir réglementaire, donc du Gouvernement.

C’est pourquoi j’avais proposé initialement à la commission des affaires sociales d’émettre un avis défavorable sur cet amendement. Mais je n’ai pas été suivie, et la commission a donné un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. La législation actuelle garantit déjà cette obligation de décence pour l’ensemble des logements, y compris ceux qui accueillent des saisonniers.

Je ne m’en remettrai donc pas à la sagesse du Sénat, monsieur le sénateur, mais demanderai le retrait de cet amendement à ses auteurs. À défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Madame David, l'amendement n° 77 est-il maintenu ?

Mme Annie David. Oui, monsieur le président, car le dispositif de cet amendement n’est pas satisfait par les dispositions contenues dans le code du travail.

Nous avons débattu de ces questions au sein du groupe de travail interministériel sur les conditions de vie des saisonniers.

Les dimensions prévues par le code du travail – Mme la rapporteur l’a indiqué, je n’affabule donc pas – pour les logements des travailleurs, donc des saisonniers, sont inférieures à celles qui figurent dans la loi SRU pour les logements décents.

Nous demandons par conséquent, une nouvelle fois – nous avions déjà déposé un amendement similaire lors de nos débats sur le projet de loi Travail, et Myriam El Khomri en était convenue –, leur modification dans le code du travail, modification qui ne peut être apportée que par le Gouvernement.

Mme la rapporteur pour avis, même défavorable à titre personnel à cet amendement, a souhaité que cet amendement puisse être débattu en séance, et je l’en remercie. C’est l’occasion pour nous d’alerter le Gouvernement sur ce point.

Je regrette de n’avoir pas été entendue au sein du groupe de travail que j’évoquais à l’instant. En tout état de cause, je reviendrai à la charge tant que les dispositions sur le logement des travailleurs de la partie réglementaire du code du travail ne seront pas alignées sur celles du logement décent.

Ce n’est pas grand-chose ! D’autant que, sans les travailleurs saisonniers, rien ne se ferait dans nos montagnes ; de nombreuses activités économiques ne pourraient fonctionner en hiver.

Un grand nombre d’employeurs sont vertueux et respectent des conditions de logement décent. Seuls quelques-uns, les indélicats, continuent à ne pas le faire. Ce sont ces derniers que le Gouvernement contraindrait à se mettre aux normes en prenant les dispositions réglementaires nécessaires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 13
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Articles additionnels après l’article 14

Article 14

Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 301-4, sont insérés des articles L. 301-4-1 et L. 301-4-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 301-4-1. – Toute commune ayant reçu la dénomination de ‟commune touristique” en application des articles L. 133-11, L. 133-12 et L. 151-3 du code du tourisme conclut avec l’État une convention pour le logement des travailleurs saisonniers.

« Cette convention est élaborée en association avec l’établissement public de coopération intercommunale auquel appartient la commune, le département et la société mentionnée à l’article L. 313-19 du présent code. Elle peut aussi associer la Caisse des dépôts et consignations, les bailleurs sociaux et les organismes agréés en application de l’article L. 365-4 intervenant sur le territoire de la commune.

« Cette convention comprend un diagnostic des besoins en logement des travailleurs saisonniers sur le territoire qu’elle couvre. Lorsque ce diagnostic conclut à la nécessité de mettre en œuvre une politique locale visant à mieux répondre à ces besoins, la convention fixe également les objectifs de cette politique et les moyens d’action à mettre en œuvre pour les atteindre dans un délai de trois ans à compter de sa signature.

« L’obligation de conclure la convention prévue au premier alinéa du présent article s’applique dans les mêmes conditions à tout établissement public de coopération intercommunale dénommé “touristique” sur l’ensemble de son territoire ou sur une fraction de son territoire, dans les conditions prévues à l’article L. 134-3 du code du tourisme.

« Quand elle est établie à l’échelle intercommunale, cette convention comporte une déclinaison des besoins, des objectifs et des moyens d’action par commune. Elle prend en compte les objectifs en faveur du logement des travailleurs saisonniers contenus dans le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées et dans le programme local de l’habitat, quand le territoire couvert par la convention en est doté.

« Dans les trois mois à compter de l’expiration du délai de trois ans prévu au troisième alinéa du présent article, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale ayant conclu la convention réalise un bilan de son application, qui est transmis au représentant de l’État dans le département. La commune ou l’établissement public de coopération intercommunale dispose d’un délai de trois mois à compter de la transmission de ce bilan pour étudier, en lien avec le représentant de l’État dans le département et les personnes associées mentionnées au deuxième alinéa, l’opportunité d’une adaptation du diagnostic des besoins, des objectifs et des moyens d’action et pour renouveler la convention pour une nouvelle période de trois ans.

« Art. L. 301-4-2. – Si la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale n’a pas conclu la convention prévue à l’article L. 301-4-1 dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, le représentant de l’État dans le département peut, par arrêté, suspendre, jusqu’à la signature de la convention, la reconnaissance de commune ou de groupement touristique accordée en application de l’article L. 133-12 du code du tourisme. La même sanction s’applique en cas de non-renouvellement de la convention, dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 301-4-1 du présent code.

« Si le bilan mentionné au même article L. 301-4-1 conclut que les objectifs fixés dans la convention n’ont pas été atteints et si le représentant de l’État dans le département estime qu’aucune difficulté particulière ne le justifie, ce dernier peut suspendre par arrêté, pour une durée maximale de trois ans, la reconnaissance de commune ou de groupement touristique accordée en application de l’article L. 133-12 du code du tourisme.

« Avant de prononcer l’une ou l’autre de ces suspensions, le représentant de l’État dans le département informe de la sanction envisagée la commune ou l’établissement public, qui peut présenter ses observations. » ;

2° Le chapitre IV du titre IV du livre IV est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Dispositions applicables à la sous-location des logements vacants au profit des travailleurs saisonniers

« Art. L. 444-10. – Les organismes mentionnés aux articles L. 411-2 et L. 481-1 du présent code peuvent prendre à bail des logements vacants meublés pour les donner en sous-location à des travailleurs dont l’emploi présente un caractère saisonnier au sens du 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail.

« Art. L. 444-11. – Le logement pris à bail dans les conditions prévues à l’article L. 444-10 doit appartenir à une ou plusieurs personnes physiques ou à une société civile immobilière constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus.

« Art. L. 444-12. – Les articles 1er, 3-2, 3-3, 4 à l’exception du l, 6, 7, 7-1, 8-1, 20-1, 21, 22, 22-1, 22-2, 23, 24, 25-4, 25-5, 25-6, 25-10 et 25-11 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 sont applicables au contrat de sous-location mentionné à l’article L. 444-10.

« Art. L. 444-13. – Le logement est attribué au sous-locataire conformément aux conditions de ressources fixées à l’article L. 441-1.

« Le loyer fixé dans le contrat de sous-location ne peut excéder un plafond fixé par l’autorité administrative selon les zones géographiques.

« Art. L. 444-14. – Les occupants peuvent mettre fin au contrat à tout moment, sous réserve de respecter un délai de préavis d’un mois. Le contrat de sous-location est conclu pour une durée n’excédant pas six mois.

« Les occupants ne bénéficient pas du droit au maintien dans les lieux.

« Le congé ne peut être donné par l’organisme mentionné à l’article L. 444-10 avant le terme du contrat de sous-location, sauf pour un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par les occupants de l’une des obligations leur incombant. Le congé doit mentionner le motif allégué. Le délai de préavis applicable au congé est d’un mois.

« Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signifié par acte d’huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Le délai de préavis court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l’acte d’huissier ou de la remise en main propre.

« Pendant le délai de préavis, le sous-locataire n’est redevable du loyer et des charges que pour le temps où il a occupé réellement les lieux si le congé a été notifié par le bailleur. Il est redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c’est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire, en accord avec le bailleur.

« À l’expiration du délai de préavis, le sous-locataire est déchu de tout titre d’occupation des locaux loués. »

M. le président. L'amendement n° 118, présenté par MM. Richard, Duran, Roux, Jeansannetas, Guillaume et Raoul, Mmes Cartron et Bataille, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau et Daunis, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Art. L. 301-4-1. – Lorsqu’elle appartient à une zone de montagne au sens de l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, toute commune…

La parole est à M. Alain Duran.

M. Alain Duran. L’article 14 prévoyait initialement de mettre en place une convention relative au logement des travailleurs saisonniers en zone de montagne, signée entre la commune touristique et l’État.

L’Assemblée nationale a élargi le dispositif à l’ensemble des communes touristiques, qu’elles soient situées en zone de montagne ou non.

Le nombre de communes concernées est ainsi passé de 511 à 1 260, soit 749 communes supplémentaires, dont 456 communes non comprises dans un EPCI touristique.

L’incidence de la mesure adoptée par l’Assemblée nationale est donc très importante pour les acteurs locaux, d’autant plus que, en cas de non-application, les sanctions – notamment la suspension du classement – peuvent être assez lourdes.

La finalité prioritaire de l’article 14 est de répondre aux conditions particulières et difficiles d’hébergement des travailleurs saisonniers en zone de montagne, compte tenu de caractéristiques de relief et de climat évidentes.

Cet amendement vise donc à revenir au périmètre initialement prévu par le présent projet de loi, et à appliquer le dispositif de l’article 14 aux seules communes touristiques classées en zone de montagne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement tend à revenir au périmètre prévu initialement dans le projet de loi, c'est-à-dire, aux seules communes touristiques classées en zone de montagne.

Les députés ont fait le choix d’étendre le champ d’application du dispositif à toutes les communes touristiques. Personnellement, je ne l’aurais pas fait, mais j’en prends acte.

Je ne souhaite pas créer de point de désaccord supplémentaire sur cette question avec l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire promettant déjà d’être suffisamment animée…

De nombreuses communes seront concernées, c’est vrai, par cet article 14, même hors zone de montagne, et devront passer des conventions sur les logements des travailleurs saisonniers. Nous avons tâché, en commission, de simplifier les choses au maximum pour ces communes accueillant des saisonniers, notamment pour celles qui sont situées dans les zones de montagne, où ce problème est encore plus crucial qu’ailleurs.

Cela étant, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Lors de l’examen du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, j’avais été amené, toujours animé de la volonté de construire le texte, à ne pas m’opposer à l’extension du champ de l’article 14.

Mais, monsieur le rapporteur pour avis, je pense comme vous : à mon sens, la disposition proposée ne facilitera pas la vie dans ces secteurs. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 78, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4, seconde phrase

Après les mots :

les bailleurs sociaux

insérer les mots :

, les syndicats des travailleurs saisonniers

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Comme cela vient d’être dit, l’article 14 est plutôt favorable en matière de logement des salariés saisonniers.

Or nous savons toutes et tous que ces derniers connaissent d’importantes difficultés de logement. C’est la raison pour laquelle nous sommes favorables à l’article 14, qui permet aux bailleurs sociaux et aux communes touristiques d’établir, au travers d’une convention, un diagnostic des besoins en matière de logement et de fixer les objectifs et les moyens d’action devant être mis en œuvre pour apporter une réponse à ces besoins, afin de louer, bien évidemment à des loyers modérés, les logements vacants et meublés de propriétaires aux saisonniers, sous forme de sous-location.

Néanmoins, nous proposons de compléter la liste des acteurs pouvant être associés à la convention, pour inclure les organisations syndicales dans le dispositif.

Il nous semble, en effet, que la mise en place de telles conventions doit se faire avec l’avis de ces organisations syndicales, qui, par leur connaissance des conditions de travail et de vie sur l’ensemble du territoire, sont les seules à même de pouvoir identifier les sites où l’offre demeure insuffisante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à associer les syndicats représentant les salariés saisonniers à l’élaboration de la convention pour le logement des saisonniers.

Je n’ai pas d’opposition sur le principe de cette association. Cependant, cet amendement se heurte à une double difficulté.

D'une part, il n’existe pas de syndicat représentant les salariés saisonniers. Ce qui s’en rapproche le plus, ce sont les fédérations syndicales représentant les salariés de la branche tourisme.

D’autre part, les conventions pour le logement des saisonniers sont conclues sur une base communale. Or les syndicats de salariés ne sont pas organisés sur la base de l’échelon territorial communal ou intercommunal.

La mise en œuvre pratique de cet amendement serait donc difficile, voire très difficile.

J’ajoute que le projet de loi comprend d'ores et déjà de nombreuses dispositions pour que les saisonniers trouvent un toit et soient logés dans de bonnes conditions.

L’avis de la commission des affaires économiques est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Madame la sénatrice, la convention communale ou intercommunale portant sur le logement des travailleurs saisonniers dans les zones touristiques de montagne associe déjà possiblement le représentant local d’Action logement, dont la gouvernance est partagée entre représentants des organisations patronales et représentants des organisations professionnelles.

Ce représentant local défend les intérêts des salariés – comme des entreprises, d'ailleurs.

L’objet principal de votre amendement étant en cela satisfait, je sollicite le retrait de ce dernier. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 79 rectifié, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Après le mot :

logement

insérer les mots :

en accueil, en accompagnement social, en actions de prévention en matière de santé et en transport

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L’article 14, auquel, je le répète, nous sommes favorables, fait un pas très intéressant en direction du logement des saisonniers, puisqu’il prévoit l’obligation pour les communes touristiques de conclure une convention pour le logement saisonnier avec l’État. Nous considérons que c’est une bonne chose.

Cependant, comme vous le savez, mes chers collègues, les membres de mon groupe aiment pousser les choses jusqu’au bout. (Sourires.) Nous vous proposons donc d’aller encore un peu plus loin et d’inclure dans cette convention l’accueil, l’accompagnement social, les actions de prévention en matière de santé et les transports des saisonniers, sujets essentiels pour ces travailleurs, mais, nous semble-t-il, absents du projet de loi.

Les frais de transport sont à la charge du travailleur. Or nombre de saisonniers ne vivent pas à proximité de leur lieu de travail, voire viennent d’autres régions. Au reste, il nous semble qu’élaborer à l’échelle communale un plan de transport public à destination des saisonniers serait pertinent pour lutter contre les accidents de la route dont sont souvent victimes ces travailleurs, dont les rythmes de travail sont effrénés.

De même, les cadences soutenues et le caractère parfois atypique des travaux saisonniers représentent un risque accru en matière de santé au travail, d’autant plus que les effectifs de médecins du travail ainsi que des professionnels de santé en général sur les territoires à forte saisonnalité sont insuffisants pour répondre aux besoins.

Ainsi, la corrélation entre travail, conditions de vie, stabilité et logement correct proche de son lieu de travail est importante. Il nous paraît donc opportun de compléter l’article 14 comme nous vous le proposons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Au risque de décevoir ma collègue, je ne vais pas la suivre dans sa volonté de pousser les choses jusqu’au bout. (Sourires.)

Cet amendement tend à ce que la convention pour le logement des travailleurs saisonniers intègre les problématiques de l’accueil, de l’accompagnement social, de la prévention en matière de santé et du transport des saisonniers.

Ces problématiques sont évidemment importantes, mais le dispositif de l’article 14 n’a pas pour objet de les traiter.

Élargir le champ de la convention, même si c’est dans une intention généreuse, va surtout diluer ses effets et complexifier terriblement son élaboration, son suivi et son contrôle. Or nous cherchons aussi à ne pas trop compliquer les choses.

Il vaut mieux se concentrer sur la question du logement qui est, aujourd’hui, comme vous l’avez reconnu, ma chère collègue, la plus pressante.

La convention pour le logement des travailleurs saisonniers est un dispositif déjà ambitieux, qui ne sera pas facile à mettre en place par les communes concernées – elles seront nombreuses, compte tenu de l’amendement qui a été adopté précédemment. Donnons-lui une chance de réussir en évitant de trop charger la barque dès le début !

La commission des affaires économiques est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même avis.

J’ajoute simplement à la démonstration de M. le rapporteur pour avis que la prise en compte des problématiques évoquées par Mme la sénatrice nécessiterait de donner une tout autre envergure à cette convention, dans un cadre qu’il faudrait entièrement refondre. Cela ne peut se faire par voie d’amendement.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. En effet, il ne faut pas trop charger la barque, pour reprendre l’expression quelque peu familière de M. le rapporteur. Je partage l’avis de ce dernier, comme celui de M. le ministre.

Néanmoins, il me semblait important, à ce point de notre débat – je n’ai pas trouvé d’autre moment pour le faire –, d’évoquer les problèmes de santé et de transport des saisonniers qui sont, eux aussi, importants.

Nous n’avons pu les régler dans le cadre du présent projet de loi. Je le regrette, mais nous continuerons à en débattre lors de l’examen d’autres textes, d'ailleurs, je ne prétends pas que nous soyons les seuls à vouloir en discuter. Il faudra, là aussi, que nous aboutissions rapidement.

Cela dit, je retire le présent amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 79 rectifié est retiré.

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 383, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :

Alinéas 8 à 11

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Cet amendement, qui m’a été inspiré par la mauvaise humeur, vise à supprimer les sanctions prévues à l’article 14.

Monsieur le ministre, comme je l’ai dit hier lors de la discussion générale, il faut, à un moment, que nous soyons tous cohérents.

Présidant un syndicat d’aménagement dans une station de sports d’hiver, il m’est arrivé de monter des dossiers avec un organisme d’HLM pour loger des saisonniers. Je veux vous en parler.

Tout d’abord, il faut des ressources pour financer la construction de logements. Or le logement, en station, relève de la catégorie C, pour les saisonniers comme pour les permanents. On est censé y construire au même prix que dans les Landes ou en Lozère. En réalité, il existe, à la montagne, un surcoût de construction de 35 %, et le foncier est hors de prix.

Dans le même temps, la diminution des dotations et le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, toise redoutable pour toutes les stations de sports d’hiver du pays – les prélèvements, pour certaines stations, s’élèvent entre 1 et 2 millions d’euros par an –, ont amputé les moyens des communes. Dans ces conditions, des subventions sont nécessaires.

Une fois le projet réalisé, il doit encore être géré, aucun organisme de logement social n’acceptant évidemment de couvrir le déficit des mois où les logements sont inoccupés. Il faut donc l’intervention d’un centre communal d’action sociale, dont certains frais doivent aussi être pris en compte.

De gros progrès ont été réalisés en matière de logement des saisonniers, grâce notamment à l’ancien ministre du logement Louis Besson : on a pu descendre, en quelque sorte, des crédits de catégorie 1 et sortir des programmations départementales – il ne fallait évidemment pas empiéter sur les besoins en logement de la population permanente, lesquels sont très importants, pour loger les saisonniers.

Il n’en reste pas moins que les surcoûts liés au logement des saisonniers et au classement en catégorie C persistent et que les ressources des stations ont fondu comme neige au soleil.

La création des conventions marque une avancée très positive. Les stations, qui n’ont pas toutes la compétence en matière de logement et d’habitat – cette compétence est parfois déléguée à l’intercommunalité –, vont se mettre en ordre.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Michel Bouvard. Cependant, la sanction constitue une mesure d’exception qui va au-delà de la loi ALUR, puisque, indépendamment des pénalités financières qui découleront de la suspension de la reconnaissance de la qualité de communes touristiques, il y aura des inconvénients pour les personnels, qui ne bénéficieront plus des majorations, et pour les hôtels. C’est invraisemblable !

M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 186 rectifié bis est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delahaye, Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot, Médevielle et Pellevat.

L'amendement n° 303 est présenté par Mme Espagnac.

L'amendement n° 415 est présenté par M. Bouvard.

L'amendement n° 436 est présenté par MM. Carle et Savin.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 9 à 11

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 186 rectifié bis.

M. Loïc Hervé. Mon amendement s’inscrit dans le même esprit que celui que vient de présenter Michel Bouvard. Il vise à écarter l’application d’une sanction à l’égard des communes en matière de conventionnement pour le logement des travailleurs saisonniers.

Si le logement des saisonniers est une problématique sociale et économique importante dans les territoires de montagne – les stations s’en sont d’ailleurs emparées depuis de nombreuses années –, celle-ci doit être conciliée avec le principe de libre administration des collectivités territoriales, dont nous, sénateurs, sommes les garants.

La perte de la reconnaissance comme commune touristique paraît, en outre, dénuée de tout lien avec la réglementation que cette sanction tend à faire respecter.

M. le président. L’amendement n° 303 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° 415.

M. Michel Bouvard. Il est défendu, monsieur le président. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 383.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour présenter l'amendement n° 436.

M. Jean-Claude Carle. Je m’associe aux propos qu’ont tenus mes collègues Michel Bouvard et Loïc Hervé.

Je veux simplement insister sur le fait que la perte de la reconnaissance comme commune touristique est dénuée de tout lien avec la réglementation que cette sanction entend faire respecter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Si l’on ne prévoit pas de pénalité, je doute que la décision d’instituer une convention soit bien efficace !

Ces amendements tendent précisément à écarter l’application d’une sanction à l’égard des communes en matière de conventionnement pour le logement des travailleurs saisonniers. La commission des affaires économiques y est défavorable, pour deux raisons.

Premièrement, la sanction visée n’a rien d’excessif : en cas de non-signature et de non-renouvellement de la convention, la sanction s’applique seulement jusqu’à la signature de la convention.

Je rappelle, par ailleurs, que l’un de mes amendements, adopté en commission, a précisé le contenu de cette convention. Les communes seront obligées de dresser un diagnostic des besoins, mais ne définiront un plan d’action que si le diagnostic en établit la nécessité, vérifiée par l’État. On ne leur impose donc pas une contrainte irréalisable.

Enfin, en cas de non-respect des objectifs de la convention, la sanction n’est pas automatique : un dialogue est d'abord engagé entre l’État et la collectivité pour déterminer les raisons pour lesquelles l’objectif n’a pas été pas atteint. La finalité du dispositif n’est donc pas coercitive : il s’agit d’inciter à mettre en place une réflexion et des plans d’action, sur une question que tout le monde dans cette enceinte trouve essentielle pour les salariés saisonniers et pour l’économie du tourisme en montagne.

Deuxièmement, de façon plus générale, nous le savons, créer une obligation sans sanction est strictement inutile.

La commission des affaires économiques émet par conséquent un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à ces amendements.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la situation actuelle est-elle satisfaisante ? La réponse est non, comme plusieurs d’entre vous l’ont indiqué, notamment Michel Bouvard. Les saisonniers ne sont pas logés dans des conditions acceptables.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Les communes font-elles des efforts pour surmonter ce problème ?

MM. Michel Bouvard, Jean-Claude Carle et Loïc Hervé. Oui !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. La réponse est non !

M. Jean-Claude Carle. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Bouvard. Il ne faut pas dire cela !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Messieurs les sénateurs, vous pouvez vitupérer ; cela ne changera rien au problème ! Si la réponse était oui, nous ne serions pas en train de débattre de ce sujet.

Je ne nie pas que certaines communes et certaines intercommunalités soient vertueuses en la matière, mais il en est également qui ne font aucun effort pour améliorer la situation. C’est dans celles-là que se sont produits des drames, que l’on a retrouvé des travailleurs morts de froid dans leur caravane ou leur voiture.

Au fond, comme pour les textes relatifs au logement social qui sont appliqués dans certains territoires, mais pas dans d’autres, cela ne marchera pas tant que l’on ne se donnera pas les moyens de contraindre les mauvais élèves.

Or vous serez tous d’accord pour dire qu’il faut résoudre le problème là où il se pose, parce qu’il est proprement scandaleux et inadmissible de laisser les saisonniers dans une telle situation. Il faut donc des sanctions.

Comme l’a dit M. le rapporteur pour avis, celles-ci ne sont pas considérables. Elles prennent fin dès que les efforts sont réalisés et que les travailleurs saisonniers sont logés dans de bonnes conditions. Elles ne sont pas automatiques : elles sont laissées à l’appréciation des préfets. Au reste, les conventions visent non seulement le logement social, mais également la location intermédiaire.

J’avais cru comprendre, depuis le début de cette discussion, que vous étiez tous d’accord pour régler le problème délicat et vraiment préoccupant du logement des saisonniers. Puisque nous sommes arrivés à ce point du débat, donnons-nous les moyens de le faire.

Les dispositions de l’article 14 ne poseront aucun problème aux collectivités qui consentent déjà les efforts nécessaires. En revanche, les mauvais élèves pourront être sanctionnés.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour explication de vote.

Mme Éliane Giraud. Le débat sur le logement des travailleurs saisonniers me fait penser à celui que nous avons eu hier soir, quand nous avons discuté d’un amendement, que nous n’avons finalement pas adopté, visant à instaurer une priorité en matière de schéma de desserte numérique pour les communes accueillant une population très aisée.

Tout en reconnaissant que la question du logement est un vrai problème, certains de mes collègues demandent du temps. Comme vient de le dire M. le ministre, il faut régler ce problème. C’est notre devoir de le faire.

Sans nier les efforts des communes, j’estime que cette question du logement, qui est absolument essentielle, doit être traitée prioritairement.

On ne peut pas chercher à lutter contre le chômage et inciter les gens à se mettre au travail sans s’atteler aux problèmes qui existent autour.

En tout état de cause, pour ce qui me concerne, je ne peux pas accepter une réflexion à deux vitesses sur les questions de l’emploi et du logement.

La question de la qualité de vie de nos concitoyens et des jeunes saisonniers qui travaillent dans nos stations pour rendre service à d’autres, un peu plus aisés, mérite notre attention. La montagne doit pouvoir les accueillir tous dans de très bonnes conditions. Nous devons nous fixer cet objectif. C’est notre devoir, et l’on ne saurait s’abriter derrière la création de la convention pour dire que toutes les précautions ont été prises.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, personne ne conteste qu’il y ait des besoins. Au demeurant, les communes, les stations ont consenti de très gros efforts. L’un de vos prédécesseurs, Louis Besson, que j’ai salué tout à l'heure, nous y a beaucoup aidés, en descendant des crédits de catégorie 1.

Cependant, je suis aussi très attaché à l’équité entre les territoires.

Or, à Paris, l’État est obligé de céder des actifs, avec des décotes qui vont jusqu’à 80 %, pour faire du logement social, quand, dans le même temps, la Ville de Paris vend ses actifs à plein pot pour renflouer ses caisses. Quant à nous, nous devons construire avec des crédits correspondant à notre classement en zone C, en subventionnant les projets à 70 %, la part couverte par les prêts de la Caisse des dépôts et consignations étant de 30 %, avec des prix de construction en montagne supérieurs de 35 % et un foncier hors de prix

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Michel Bouvard. Les communes ont beaucoup fait. On nous demande aujourd'hui de nouveaux efforts. Nous y sommes prêts.

Cependant, les dotations diminuent et une partie des recettes est prélevée au titre du FPIC, ce qui pose un problème budgétaire.

M. Jean-Claude Carle. Exactement !

M. Michel Bouvard. Il était aussi question, dans la réforme de la DGF, qui, Dieu merci, ne verra pas le jour, de supprimer la dotation touristique.

On nous demande de construire dans des conditions inédites, compte tenu des coûts de construction et, en regard, des prêts qui sont mis en place. Bien sûr qu’il faut des conventions, mais nous devons être capables de financer les opérations, et les ressources ne sont pas extensibles ! Il faut aussi tenir un langage de vérité pour la population permanente.

Le problème serait moins aigu si, demain, les communes de montagne étaient classées en zone A ou B.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Michel Bouvard. Tant qu’elles demeureront en zone C, tant que l’on considérera qu’elles construisent au même prix que celles des Landes ou du Finistère, elles ne pourront plus construire de logements, parce qu'on leur a retiré les ressources qui leur permettaient de le faire.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. D'abord, personne n’est indifférent au sort des travailleurs saisonniers dans les stations de sports d’hiver…

M. René-Paul Savary. Ni au sort des saisonniers en général !

M. Loïc Hervé. … ni, d'ailleurs, dans les autres stations touristiques de notre pays, notamment des jeunes.

Attribuer les drames qui ont pu avoir lieu à la seule inaction des communes me paraît abusif. J’en appelle à un peu de décence, par égard pour les jeunes qui sont morts par intoxication au monoxyde de carbone ou dans des incendies.

Pour être président d’une communauté de communes, je rappelle que l’on retrouve la question de la construction de logements saisonniers dans les programmes locaux de l’habitat, les PLH, qui relèvent de la compétence de l’intercommunalité.

Je veux maintenant répondre à ma collègue iséroise, Mme Giraud. Hier soir, lorsque nous avons débattu de la priorité en matière de numérique pour les stations, on nous a dit qu’il fallait laisser les élus définir eux-mêmes les priorités, au sein des réseaux d’initiative publique. Or, ce soir, pour le logement des travailleurs saisonniers, on décide de recourir à la coercition.

Mme Éliane Giraud. Non ! Il s’agit de conventions !

M. Loïc Hervé. En application du principe de libre administration des collectivités territoriales, j’estime que, si l’on peut fixer dans la loi des objectifs qui nous paraissent importants, il faut s’abstenir de toute coercition.

Mme Cécile Cukierman. Quand il n’y aura plus de saisonniers dans les stations, l’argent ne rentrera plus !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 383.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 186 rectifié bis, 415 et 436.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 14
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Article 14 bis A (nouveau)

Articles additionnels après l’article 14

M. le président. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. L. Hervé, Delcros, Lasserre et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l'article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Lorsque l’employeur fournit gratuitement un logement permettant l’hébergement d’un travailleur saisonnier, ce logement est fiscalement considéré comme un élément de l’outil de travail de l’entreprise.

II – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. L'objet de cet amendement est d'indiquer que, lorsque l’employeur fournit gratuitement un logement permettant l’hébergement d’un travailleur saisonnier, ce logement est fiscalement considéré comme un élément de l’outil de travail de l’entreprise.

De même que l’emploi de salariés est un élément concourant aux dépenses utilisées pour les besoins des opérations taxées à la TVA de l’entreprise, la fourniture des outils nécessaires au travail du salarié fait partie des éléments dont la TVA est récupérable par l’employeur.

Or, parmi les outils nécessaires au travail du salarié saisonnier, nous pouvons compter le logement mis à disposition par l’employeur. Dans bien des cas, notamment dans les stations d’altitude, sans logement, il n'y a pas de salarié, et donc pas de production taxée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Cet amendement concerne le traitement fiscal de la mise à disposition gratuite par l’employeur d’un logement permettant l’hébergement d’un travailleur saisonnier. Il tend à ce que cet avantage en nature soit considéré, fiscalement, comme un élément de l’outil de travail de l’entreprise.

Sur cette proposition de nature fiscale, la commission des affaires économiques souhaite connaître l’avis du Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je comprends très bien l’intervention de M. Hervé, mais le problème est que l’on se heurte à des règles communautaires : nous ne pouvons pas ainsi décider seuls d’une exonération de TVA.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 397, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :

Après l’article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les communes classées en zone de montagne au sens la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 de développement et de protection de la montagne et classées en commune touristique en application des articles L. 133-11 et L. 151-3 du code du tourisme, il est procédé à une évaluation de l’offre foncière et des coûts de construction pour le logement social et l’accession à la propriété dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi afin de revoir le cas échéant le classement de ces communes au titre des zonages définissant les niveaux d’aides de l’État, les plafonds de loyers et de revenus.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Cet amendement concerne le problème des zonages, que nous avons déjà évoqué tout à l'heure.

Les stations de Megève, Chamonix, Courchevel, Val d’Isère, Tignes sont classées en zone C, avec des loyers à l’avenant. Les prêts pour la construction de logements sociaux de la Caisse des dépôts et consignations sont plafonnés en conséquence, avec des enveloppes très basses. Il faut donc subventionner largement.

On peut évidemment mobiliser un peu le dispositif du 1 % logement. Par l’intermédiaire de celui-ci, l’organisme collecteur des remontées mécaniques aide à financer de nombreux logements sociaux, notamment pour les saisonniers.

Nous souhaitons, au travers de cet amendement, qu’un état des lieux soit dressé et que les zonages puissent être modifiés pour prendre en compte la réalité du logement dans les stations de sports d’hiver.

On a beaucoup parlé des saisonniers, mais je rappelle que de jeunes ménages aussi souhaitent pouvoir se loger. Ils ne peuvent pas construire, parce qu’ils n’en ont pas forcément les moyens ou parce qu’il n'y a pas de foncier disponible, du fait du peu de terrains constructibles et de l’existence de zones avalancheuses, de zones Natura 2000, des arrêtés de protection de biotope, des ZNIEFF – les zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique – de types I et II, des sites classés et des zones inondables, qui ont tendance, d'ailleurs, à s’étendre, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les DREAL définissant désormais des zones inondables à cinq cents mètres des deux rives du moindre petit ruisseau…

Nous souhaitons que tout cela soit mis à plat, pour coller à la réalité des coûts de construction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Cet amendement aborde la question de la définition des zonages en territoire de montagne dans le domaine du logement.

Il vise à rendre obligatoire une évaluation de l’offre foncière et des coûts de construction pour le logement social et l’accession à la propriété, afin de revoir le classement de ces communes au titre des zonages définissant les niveaux d’aides de l’État, les plafonds de loyers et de revenus.

D’une part, ce type de diagnostic a sa place dans les PLH, que le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté renforce, sur ce point précis, en prévoyant la mise en place, dans ces plans, d’un volet foncier.

D’autre part, l’auteur de l’amendement demande un diagnostic, mais on ignore qui est censé le réaliser. Les collectivités ou l’État ? On ignore aussi quel est le zonage concerné…

Enfin, il nous semble que la définition de ces zonages relève plutôt du domaine réglementaire.

La commission des affaires économiques est donc défavorable à ce qu’elle considère être un amendement d’appel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement partage les arguments de la commission des affaires économiques.

Par ailleurs, monsieur Bouvard, le zonage dépend non seulement de l’offre foncière, mais aussi du jeu de l’offre et de la demande en matière de logement. C’est une réalité incontestable.

Ce que vous proposez est d’une très grande complexité.

Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas un argument !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Si, madame la sénatrice, c’est un argument, a fortiori dans ce genre de commune, pour ne pas dire dans ce genre de station.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je ne suis pas un élu de montagne, mais certaines des dispositions du présent texte pourraient trouver à s’appliquer sur l’ensemble du territoire national.

La ruralité est également confrontée au problème du zonage. Dans mon département de l’Oise, par exemple, le zonage est ainsi fait que le sud du département, compte tenu de la pression de la demande de logements, draine à lui seul 80 à 90 % des financements du logement social.

On ne pourra améliorer la répartition du logement social sur l’ensemble du territoire et éviter que des ghettos ne se constituent dans des lieux où le logement social est déjà très concentré que si le zonage est modifié. Il faut pouvoir mobiliser les financements du logement social dans des zones rurales retirées au lieu de les concentrer dans des zones déjà très fortement urbanisées.

J’entends bien que l’amendement de M. Bouvard est un amendement d’appel. Comme l’a souligné Gérard Bailly, ses dispositions relèvent essentiellement du domaine réglementaire. Il appartient donc au Gouvernement de prendre conscience de cette difficulté et d’arrêter de tenir un double discours en reprochant aux élus locaux de ne pas suffisamment favoriser la construction de logements sociaux en milieu rural sans mettre à leur disposition les éléments réglementaires et les financements idoines.

Nous attendions donc du ministre une réponse un peu plus explicite…

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Nous n’avons pas voté en faveur des amendements précédents, dont les dispositions ne permettaient pas d’assurer la responsabilité collective nécessaire pour garantir l’accès des saisonniers au logement.

En revanche, nous voterons cet amendement. Comme l’a rappelé M. Bouvard, il s’agit non seulement de permettre aux saisonniers de se loger, mais aussi aux jeunes couples et à toute une nouvelle population de dynamiser, pérenniser et sécuriser le devenir de ces territoires.

La même problématique se pose en termes d’accession à la propriété et de capacité locative. Nous devrons aussi nous pencher sur le développement d’une offre de location résidentielle et non pas uniquement touristique.

L’adoption de cet amendement apporterait une première réponse au problème du logement en station et permettrait de limiter les déplacements pendulaires de jeunes, ou de moins jeunes, qui travaillent en station et résident dans la vallée, parfois à des heures de grande dangerosité sur la route.

Limiter les déplacements permettait en outre d’apporter une contribution, certes minime, au défi climatique.

S’il y a un problème de rédaction, la commission et le Gouvernement peuvent présenter un sous-amendement pour donner toute sa force au dispositif proposé. Si vous ne le faites pas, monsieur le rapporteur pour avis, monsieur le ministre, dites-nous clairement et simplement que vous n’êtes pas d’accord avec l’esprit de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Je tiens à remercier Mme Cukierman, qui a parfaitement compris le problème.

Il faut prendre conscience de la dangerosité des mouvements pendulaires et de leurs incidences en matière environnementale. Il n’est pas normal que des jeunes, nés dans un village, ne puissent plus y résider en raison du coût du foncier et de notre incapacité à construire du logement social.

La tension locative est réelle. Aujourd’hui, le point de blocage majeur, c’est le zonage. M. Bailly a tout compris : si la rédaction de cet amendement avait été plus précise, on m’aurait objecté que ces dispositions étaient totalement réglementaires et nous n’aurions pu en discuter au titre de l’article 41 de la Constitution. Mais comme je ne suis pas un perdreau de l’année (Sourires.), j’ai rédigé cet amendement de manière à lui permettre d’être examiné…

Monsieur le ministre, nous devons mettre fin à cette injustice, qui ne peut plus durer. Louis Besson a essayé de faire bouger les choses voilà quelques années, lorsqu’il était ministre du logement, mais il s’est heurté à l’opposition de Bercy qui craignait que l’augmentation du nombre de communes en catégorie 1 – à l’époque, on parlait de catégories 1, 2 et 3 – ne grève les finances publiques.

L’Assemblée nationale avait ensuite adopté une disposition permettant aux préfets d’ajuster les zonages, mais le Sénat a ensuite tordu le cou à celle-ci. J’en ai un souvenir précis, car c’est un combat que nous menons depuis des années.

Les communes avaient les ressources nécessaires, quelques années en arrière, pour financer de telles opérations à hauteur de 1 ou de 1,5 million d’euros. Elles ne le peuvent plus, car la péréquation est en train d’amputer les ressources dont elles disposaient pour de tels investissements.

Le zonage doit évoluer. Comment un jeune peut-il se loger en station quand le coût du foncier est le même que celui du XVIe arrondissement de Paris ? Le jeune parisien a droit à un logement social, pourquoi n’en irait-il pas de même en zone de montagne ? Si ce texte ne prend pas en compte ce type de problème, c’est que ce projet de loi Montagne ne sert à rien ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 397.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14.

Articles additionnels après l’article 14
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Article 14 bis (Texte non modifié par la commission)

Article 14 bis A (nouveau)

Après l’article 8-3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, il est inséré un nouvel article 8-4 ainsi rédigé :

« Art. 8-4. – Les personnes titulaires de la carte professionnelle peuvent, dans le cadre de la politique d’accès au logement en faveur des travailleurs saisonniers, donner mandat, au sens de l’article 1984 du code civil, à une personne désignée par la collectivité territoriale afin que celle-ci participe à la gestion locative des locaux destinés à la sous-location en faveur des saisonniers. Les missions du mandataire sont définies par décret. »

M. le président. L'amendement n° 402 rectifié, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l’article 4-1 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, il est inséré un article 4-2 ainsi rédigé :

« Art. 4-2. – En vue du logement des travailleurs saisonniers et par dérogation aux deuxième et troisième alinéas de l’article 4 et à l’article 6, les organismes agréés, conformément à l’article L. 365-4 du code de la construction et de l’habitat, peuvent habiliter, pour certaines missions relevant de la présente loi, des personnels d’une collectivité territoriale. Un décret en Conseil d’État précise ces missions. »

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. La loi Travail et le projet de loi dont nous discutons améliorent considérablement la situation des travailleurs saisonniers et des pluriactifs.

Le volet logement prévoit notamment qu'une commune reconnue touristique doit, dans les deux ans qui suivent la promulgation de la loi, conclure une convention pour le logement des saisonniers sous peine de perdre sa dénomination de commune touristique.

Le présent amendement vise à régulariser une situation innovante et vertueuse que pratiquent plusieurs stations, comme Les Deux Alpes, en Isère, ou la communauté de communes de Chamonix, en Haute-Savoie, à savoir un dispositif d’intermédiation locative en faveur du logement des travailleurs saisonniers.

Le propriétaire de l’appartement loue, pendant la saison hivernale, son bien meublé à un tarif raisonnable à l’employeur, qui sous-loue ce bien à son employé travailleur saisonnier.

En pratique, les communes ou EPCI de montagne font appel à une agence immobilière à vocation sociale, ou AIVS, titulaire d’une carte professionnelle d’agent immobilier qui signe un mandat de gestion avec le propriétaire. Ce contrat prévoit l'établissement des états des lieux entrant et sortant, la rédaction des baux, la perception et la réservation des loyers, le suivi locatif.

Toutefois, l'AIVS ne dispose pas de suffisamment de personnels pour réaliser tous les états des lieux dès lors que le nombre de logements devient important – de 100 à 250 logements –, autrement dit, dès lors que la politique de logement des saisonniers est réussie.

Pour y remédier, les collectivités souhaitent faire appel à des agents communaux, notamment ceux des centres communaux d’action sociale, ou CCAS, qui ont l'avantage d'être sur place.

Or, au regard de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi Hoguet, la personne réalisant l'état des lieux doit être soit un salarié de l'AIVS, soit un agent commercial.

La dérogation à cette loi que nous proposons permettrait de mobiliser des logements du parc privé qui ne sont souvent occupés qu’une partie de l’année au profit des saisonniers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à mettre en place un mécanisme de mandat permettant à une agence immobilière de déléguer partiellement les tâches d’intermédiation locatives pour permettre au personnel de la collectivité territoriale de procéder, sous le contrôle de l’agence, aux opérations les plus courantes et les plus simples.

La commission est favorable à cet amendement, qui vise le même objectif que l’article 14 bis A, mais dont la rédaction est plus opératoire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Les dispositions de cet amendement permettent de conforter le modèle économique des AIVS concernées par le logement des saisonniers, lesquels rencontrent des difficultés d’accès au logement et sont exclus du marché immobilier classique.

Par ailleurs, la captation par les AIVS des logements du parc existant au profit des travailleurs saisonniers dans le cadre de dispositifs d’intermédiation est souvent mise en avant dans les plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des communes de montagne.

Voilà deux bonnes raisons d’émettre un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. En une heure dix, nous avons examiné seulement 15 amendements. Il en reste 186… Il faudrait être plus synthétique, si nous voulons terminer l’examen du présent projet de loi au cours de la nuit de demain.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous voterons en faveur de votre amendement, monsieur Bouvard, preuve que nous sommes capables de nous rejoindre lorsqu’il s’agit du logement des saisonniers. Peut-être aurez-vous également l’opportunité de voter l’un de nos amendements ? On peut toujours rêver… (Sourires.)

M. Michel Bouvard. C’est déjà arrivé !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 402 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 14 bis A est ainsi rédigé.

Article 14 bis A (nouveau)
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Articles additionnels après l'article 14 bis

Article 14 bis

(Non modifié)

À la seconde phrase de l’article L. 1253-20 du code du travail, les mots : « la moitié » sont remplacés par les mots : « les trois quarts ».

M. le président. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. L. Hervé, Delcros, Lasserre et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 6321-13 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le troisième alinéa s’applique également aux saisonniers pour lesquels l’employeur s’engage à donner une priorité de réembauchage pour la saison suivante, en application d’un accord de branche ou d’entreprise ou du contrat de travail. »

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. L’accès aux périodes de professionnalisation, réservé aux employés en CDI et à certains en CDD, n’est pas ouvert aux saisonniers, alors même que les besoins en formation de ceux-ci, pour garantir leur employabilité, sont en augmentation.

Cet amendement vise, d’une part, à rendre accessible aux saisonniers, bénéficiant par accord de branche ou d’entreprise, ou par application d’une clause de leur contrat, de la reconduction de leur contrat, le dispositif de la période de professionnalisation.

Il tend, d’autre part, à ce que la période de professionnalisation puisse s’adresser aux saisonniers bénéficiant non seulement de la reconduction automatique, mais également de la priorité de réembauchage.

En effet, à titre d’exemple, environ 20 % des saisonniers relevant de la convention collective nationale des remontées mécaniques et domaines skiables qui sont dans les petites stations ne peuvent se voir accorder une reconduction automatique en raison de l’aléa climatique auquel sont exposées les petites stations.

Ces saisonniers bénéficient a minima d’une priorité de réembauchage : celui qui vient dans la station depuis cinq saisons est embauché avant celui qui est présent depuis trois saisons seulement. Cette priorité de réembauchage offre une garantie importante aux saisonniers qui, le cas échéant, peuvent ne pas être repris l’année suivante à discrétion de l’employeur, et constitue une pratique devant être valorisée. Aussi, il convient que la loi leur garantisse une égalité d’accès à la formation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. La loi Travail a ouvert aux saisonniers bénéficiant de la reconduction automatique de leur contrat de travail la saison suivante l’accès à la période de professionnalisation qui vise, dans le droit commun, à assurer le maintien en emploi des salariés en CDI via une formation qualifiante.

Le financement en est assuré par les entreprises, à travers les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, en fonction des priorités définies par les partenaires sociaux de la branche.

Il s’agirait, dans ce cas, de salariés dont le parcours professionnel est moins sécurisé que celui des salariés qui sont reconduits automatiquement d’une saison sur l’autre.

Je ne sais pas quelles sont les branches qui prévoient une priorité de réembauche. Par ailleurs, les incidences financières de cette disposition sont difficiles à mesurer.

Pour ces raisons, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur le sénateur, la notion de reconduction du contrat de travail saisonnier, inscrite dans le code du travail à propos de la période de professionnalisation depuis la loi du 8 août 2016, couvre cette situation de priorité de réembauchage. Cette dernière est une modalité de reconduction du contrat de travail.

C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement déjà satisfait ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Hervé, l'amendement n° 27 rectifié est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 27 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 14 bis.

(L'article 14 bis est adopté.)

Article 14 bis (Texte non modifié par la commission)
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Article 14 ter (nouveau)

Articles additionnels après l'article 14 bis

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 187 rectifié bis est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delahaye et Delcros, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot, Médevielle et Pellevat.

L'amendement n° 238 est présenté par MM. Savin et Calvet, Mme Lamure, MM. Mandelli, Carle, Perrin, Raison, Darnaud et Saugey, Mme Giudicelli et M. A. Marc.

L'amendement n° 304 est présenté par Mme Espagnac.

L'amendement n° 385 est présenté par M. Bouvard.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 14 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 1253-8 est ainsi modifié :

a) Au début, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes du groupement contre l’un des membres qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi le groupement. » ;

b) À la première phrase, le mot : « solidairement » est remplacé par le mot : « conjointement » ;

2° L’article L. 1253-10 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cependant, les modalités de rémunération, d’intéressement, de participation et d’épargne salariale sont déterminées uniquement selon les termes de la convention collective dans le champ d’application de laquelle se trouve l’employeur-utilisateur. » ;

3° L’article L. 3253-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre d’un groupement d’employeurs au sens de l’article L. 1253-1 du présent code, les salariés sont assurés contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ouverte au bénéfice de l’employeur utilisateur. »

La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 187 rectifié bis.

M. Loïc Hervé. Cet amendement vise à simplifier le fonctionnement des groupements d’employeurs, afin de les rendre plus attractifs.

Ces groupements permettent à des employeurs de se regrouper au sein d’une seule et unique structure destinée à gérer leurs salariés. L’employeur externalise ainsi la gestion des ressources humaines et se concentre sur l’essentiel de son activité.

Le salarié est employé par le groupement et mis successivement à disposition des membres de celui-ci. Cette situation lui permet de bénéficier de la sécurité offerte par un contrat de travail à durée indéterminée tout en exerçant des activités de nature saisonnière.

Ce dispositif s’avère particulièrement intéressant dans les territoires de montagne où l’activité économique est rythmée par les saisons.

La création de groupements d’employeurs rencontre cependant deux obstacles majeurs.

Le premier résulte du chevauchement entre la convention collective du groupement et celles des employeurs-utilisateurs, notamment en matière de rémunération directe et indirecte des salariés du groupement. Cette situation fait naître un conflit opposant ces différentes conventions collectives qui n’a actuellement aucune réponse légale.

Dans la continuité de ces évolutions législatives, il conviendrait de clarifier la situation en affirmant que les conditions de rémunération directe et indirecte des salariés mis à disposition sont déterminées uniquement selon les termes de la convention collective applicable à l’employeur-utilisateur.

Le second obstacle résulte du caractère solidaire de la responsabilité à laquelle sont tenus les membres du groupement, ce qui risque de reporter les difficultés potentielles de l’un d’entre eux sur l’ensemble du groupement.

La solidarité avait été instaurée par le législateur pour garantir le paiement des salaires des salariés du groupement en cas de défaillance de l’employeur-utilisateur. Afin de conserver cette protection offerte aux salariés tout en supprimant la solidarité, il est proposé de faire prendre en charge les salaires impayés par l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, ou AGS.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour présenter l'amendement n° 238.

M. Michel Savin. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° 304 n’est pas défendu.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° 385.

M. Michel Bouvard. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. Ces amendements techniques posent plusieurs difficultés.

Tout d’abord, leur lien avec la montagne est ténu en ce qu’ils visent à modifier le cadre juridique des groupements d’employeurs sur tout le territoire, alors même que la loi Travail du 8 août dernier a apporté quelques améliorations à ce dernier.

Sur le fond, ces amendements tendent à supprimer la responsabilité solidaire des adhérents du groupement d’employeurs en cas de dette à l’égard des salariés, pour la remplacer par une responsabilité conjointe des membres.

Ils remettent en cause la philosophie même du groupement d’employeurs, car il ne s’agit pas d’entreprises de prêt de main-d’œuvre, comme les agences d’intérim, d’ailleurs soumises à des règles très strictes en la matière.

J’ajoute que l’article L. 1253-8 du code du travail a été modifié depuis la loi Cherpion du 28 juillet 2011 pour permettre aux membres du groupement d’adapter, au cas par cas, dans leur statut, les règles de répartition des dettes. Restons-en au droit actuel, qui me paraît équilibré.

Pour ces raisons, la commission des affaires sociales émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’adoption de ces amendements remettrait en cause le modèle même du groupement d’employeurs, lequel repose sur la solidarité de ses membres.

Le Gouvernement, comme la commission des affaires sociales, est donc défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Nous voterons en faveur de ces amendements, qui visent, selon nous, non pas à simplifier, mais à sécuriser les groupements d’employeurs qui ont permis d’assurer l’accès aux emplois saisonniers touristiques.

Les groupements doivent évoluer pour continuer d’apporter une réponse efficace, en particulier dans les territoires de montagne et en station.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. Nous ferons remonter au Gouvernement un certain nombre de faits pratiques vécus par les saisonniers et par les groupements d’employeurs.

Même à cette heure tardive, les réponses du Gouvernement et de Mme le rapporteur ont fait réagir un certain nombre de personnes. Il semble que certaines situations ne soient pas totalement clarifiées. Nous transmettrons ces réactions de terrain par la voie épistolaire, la seule qui demeurera à notre disposition.

Pourquoi le projet de loi Montagne ne permettrait-il pas d’aborder des sujets de portée générale ? Pour traiter de la réalité de ces territoires, nous sommes obligés de toucher à des dispositifs législatifs applicables dans l’ensemble du pays. Nous n’allons pas nous autocensurer !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 187 rectifié bis, 238 et 385.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 179 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas et Cigolotti, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle.

L'amendement n° 212 est présenté par Mme Espagnac.

L'amendement n° 439 est présenté par M. Bouvard.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 14 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 14 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il est notamment possible de démarrer les chantiers du bâtiment et des travaux publics dès la fin de la saison des sports d’hiver. »

La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 179 rectifié.

M. Loïc Hervé. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° 212 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° 439.

M. Michel Bouvard. Il est également défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Il nous semble naturel de faire démarrer les travaux dès la fin de la saison des sports d’hiver. Pourquoi l’inscrire dans la loi ? En outre, il s’agit d’une disposition non normative.

Pour ces raisons, la commission des affaires économiques est défavorable à ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il s’agit d’une disposition non normative et dangereuse. Certains pourraient prétendre démarrer les travaux dès la saison des sports d’hiver terminée, même sans permis de construire, par exemple. Ce n’est pas au climat de donner le coup d’envoi des travaux : avis défavorable.

M. Loïc Hervé. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. Michel Bouvard. Je fais de même, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 179 rectifié et 439 sont retirés.

Articles additionnels après l'article 14 bis
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Article additionnel après l'article 14 ter

Article 14 ter (nouveau)

À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, les hôtels de moins de vingt chambres situés dans une zone de montagne délimitée en application de l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et où le nombre d’établissements hôteliers implantés ne dépasse pas un seuil défini par décret peuvent déroger à la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation dans les conditions fixées ci-après :

1° Le représentant de l’État dans le département fixe, après avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, un référentiel d’accueil précisant les besoins en termes d’accueil hôtelier des personnes handicapées ou à mobilité réduite ;

2° Les gestionnaires des hôtels concernés ou leurs représentants proposent une liste d’établissements fédérateurs situés dans le département et respectant le référentiel d’accueil précité ainsi que la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation ;

3° La liste des établissements fédérateurs est approuvée par le représentant de l’État dans le département, après avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité ;

4° Les gestionnaires des hôtels ne respectant pas les dispositions de la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation contribuent financièrement aux travaux de mise aux normes des établissements fédérateurs ;

5° Les gestionnaires d’hôtels engagés dans la présente expérimentation sont exonérés, pendant la durée de celle-ci, des sanctions prévues par la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation ;

6° Dans un délai de six mois après le délai mentionné au premier alinéa, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation. – (Adopté.)

Article 14 ter (nouveau)
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Article 15 A

Article additionnel après l'article 14 ter

M. le président. L'amendement n° 371, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :

Après l’article 14 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 443-15-6 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les communes de montagne classées station de tourisme, définies au titre de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, après avis conforme du conseil municipal de la commune concernée, les organismes d’habitations à loyer modéré peuvent vendre leurs logements-foyers de plus de trente ans dès lors qu’il est constaté une inoccupation de ceux-ci de plus de deux ans, définis à l’article L. 633-1 du présent code, à une société de droit privé. »

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Nous nous efforçons de gérer toutes les contraintes existantes pour utiliser au mieux le peu de patrimoine foncier dont nous disposons.

Nous avons évoqué la problématique du financement du logement de la population résidentielle et des saisonniers.

Certaines stations – Les Arcs, par exemple – ont réalisé des travaux pour le logement des saisonniers voilà très longtemps. Or les anciens bâtiments ne répondent plus aux normes thermiques ou de confort et ne trouvent plus preneur.

Deux solutions s’offrent à nous : soit on construit de nouveaux logements pour les saisonniers, soit on dégage des logements pour permettre l’accession à la propriété de la population permanente.

Cet amendement vise à permettre aux organismes de logements sociaux de déroger aux conditions de cession de bâtiments financés par le logement social qui ne sont plus occupés afin que le secteur privé puisse réaliser de nouvelles opérations d’accession à la propriété.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Cet amendement, qui part d’un bon sentiment, tend à ce que les organismes d’HLM des communes de montagne classées station de tourisme puissent céder leurs logements-foyers de plus de trente ans, inoccupés depuis plus de deux ans, à une société de droit privé après avis conforme de la commune.

Les logements-foyers permettent notamment d’accueillir des personnes âgées, des jeunes travailleurs ou des personnes défavorisées.

Actuellement, seule est autorisée la cession de logements-foyers de plus de dix ans à un autre organisme d’HLM, à une société d’économie mixte HLM, à des collectivités territoriales ou à des centres communaux d’action sociale, dits CCAS.

Je comprends l’objectif que l’auteur de l’amendement cherche à atteindre : il s’agit de faciliter la rénovation de logements-foyers inoccupés, mais également – c’est précisément la question qui nous occupe depuis maintenant une heure, une heure et demie – d’augmenter les capacités locatives dans les stations.

Toutefois, je souhaiterais pouvoir mesurer toutes les conséquences d’une telle disposition. C’est pourquoi, mes chers collègues, je désire connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Les logements-foyers sont destinés à des personnes ou à des familles éprouvant des difficultés particulières en raison de leurs faibles ressources.

On trouve parfois des solutions pour les réhabiliter tout en conservant cette vocation d’origine. Ainsi, une convention-cadre devrait être prochainement signée entre l’État et l’Union nationale pour l’habitat des jeunes en vue de réhabiliter des foyers de jeunes travailleurs.

Mais si rien de tel n’est possible, il vaut effectivement mieux trouver des solutions, sous la responsabilité du conseil municipal, plutôt que de laisser les lieux devenir de véritables friches.

Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement, sous réserve que ce point soit clairement précisé : il faut, d’abord et avant tout, chercher à maintenir ces logements-foyers dans leur vocation d’origine – le tourisme social ; si cela se révèle impossible, le conseil municipal peut rechercher des solutions alternatives, plutôt que de laisser ces bâtiments devenir des friches, voire, plus tard, des ruines.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je soutiens cet amendement de Michel Bouvard, et tiens à souligner que le problème des logements en friche n’est pas propre aux zones de montagne. La même difficulté se rencontre dans les vallées ou en plaine.

J’ai présidé pendant près de quarante ans une société anonyme d’HLM. Nous avons construit de très nombreux foyers-logements pour les personnes âgées qui se vident et que nous ne parvenons plus à remplir. Une telle situation est très problématique, car elle pèse sur les finances des organismes d’HLM.

Si une solution de cette nature devait être prise en zone de montagne, je souhaiterais également qu’elle le soit ailleurs.

Ces foyers-logements, je le rappelle, font le succès de la politique de maintien à domicile des personnes âgées. Aujourd'hui, celles-ci restent plus longtemps à leur domicile et quand elles le quittent, c’est pour aller, non pas dans un foyer-logement, mais dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, un EHPAD, parce qu’elles sont devenues très dépendantes.

Le problème évoqué en l’espèce se rencontre sur l’ensemble du territoire, pas uniquement en zone de montagne.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Je tiens à remercier M. le ministre : l’Office public d’aménagement et de construction – l’OPAC – de la Savoie, propriétaire du bâtiment des Arcs, va pouvoir le céder, après, évidemment, que toutes les solutions auront été examinées.

Mais nous sommes dans un cas identique à ce qui, typiquement, est réglé dans les grandes zones urbaines par la politique de la ville : une réhabilitation d’immeuble plus coûteuse, au regard des normes actuelles de confort, qu’une reconstruction.

Nous avons satisfait les besoins des saisonniers sur Les Arcs ; le coût de reconstruction est délirant ; nous avons trouvé un porteur de projet ; la commune, n’ayant pas de société d’économie mixte, ne peut prendre l’opération en charge. Là, une solution a été trouvée et j’y suis très sensible, car, en traitant cette affaire, nous allons nous débarrasser d’une friche située, depuis maintenant quatre ans, au cœur même de la station des Arcs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 371.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14 ter.

Chapitre III

Développer les activités agricoles, pastorales et forestières

Article additionnel après l'article 14 ter
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 15 (Texte non modifié par la commission)

Article 15 A

La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne est ainsi modifiée :

1° L’article 18 est ainsi rétabli :

« Art. 18. – Dans le cadre de la politique nationale de la montagne, les soutiens spécifiques à l’agriculture de montagne ont pour objectif de compenser les handicaps naturels de la montagne. Ces mesures comprennent, d’une part, une aide directe au revenu bénéficiant à tout exploitant agricole en montagne et proportionnée au handicap objectif et permanent qu’il subit et, d’autre part, l’accompagnement apporté aux constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole et aux outils de production et de transformation.

« Les soutiens spécifiques à l’agriculture de montagne sont mis en œuvre dans le cadre d’une approche territoriale garantissant le développement économique, reconnaissant les diverses formes d’organisation collective agricole et pastorale et assurant le maintien d’une population active sur ces territoires. »

2° (nouveau) Après le même article 18, il est inséré un article 18 bis ainsi rédigé :

« Art. 18 bis. – Dans le cadre de la politique nationale de la montagne, des mesures spécifiques en faveur de la forêt en montagne ont pour objectifs de faciliter l’accès aux massifs forestiers en vue de leur exploitation, d’encourager leur aménagement durable et d’encourager l’entreposage et le stockage de bois sur des sites appropriés et la présence d’outils de transformation à proximité des zones d’exploitation du bois. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 111, présenté par MM. Duran, Roux, Jeansannetas, Richard, Guillaume et Raoul, Mmes Cartron et Bataille, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau et Daunis, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après la première occurrence du mot :

encourager

insérer les mots :

le reboisement et

La parole est à M. Alain Duran.

M. Alain Duran. Cet amendement vise à préciser que le cadre général de la politique en faveur de l’agriculture de montagne encourage également le reboisement.

En effet, nous ne pouvons pas envisager une politique forestière d’avenir sans considérer la question essentielle du renouvellement de nos forêts. C’est pourquoi nous estimons que, si des mesures spécifiques doivent être mises en place pour faciliter l’accès à la ressource, l’exploitation ou le stockage de celle-ci – c’est actuellement prévu dans cet article 15 A du projet de loi –, il est également indispensable d’intégrer la nécessité de reboiser.

À ce titre, je tiens à rappeler que, en créant le fonds stratégique de la forêt et du bois, dans la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, le Gouvernement a mis en place un véritable outil en faveur de la forêt française. L’un de ses objectifs est, notamment, d’encourager le reboisement.

En conséquence, il nous semble cohérent d’apporter cette précision dans l’article 15 A.

M. le président. L'amendement n° 274 rectifié bis, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

aménagement durable

Insérer les mots:

, de favoriser le reboisement

La parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. Introduit en commission par le rapporteur Gérard Bailly, le nouvel article 18 bis de la loi Montagne prévoit que « dans le cadre de la politique nationale de la montagne, des mesures spécifiques en faveur de la forêt en montagne ont pour objectifs de faciliter l’accès aux massifs forestiers en vue de leur exploitation, d’encourager leur aménagement durable et d’encourager l’entreposage et le stockage de bois sur des sites appropriés et la présence d’outils de transformation à proximité des zones d’exploitation du bois. »

Si ces précisions sont bienvenues, la nécessité de favoriser le reboisement, pourtant indispensable pour l’environnement, n’est pas mentionnée.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Ces deux amendements rejoignent une préoccupation exprimée lors de la discussion en commission.

Comme vous l’avez souligné, madame Jouve, nous avons précisé de nombreux éléments favorables à l’exploitation du bois en montagne – outre cette exploitation en tant que telle, l’entreposage et la question des aires de stockage, ou encore la transformation.

Mais nous faisons face à un autre problème : on ne replante pas assez – bien tant s’en faut – dans notre pays, notamment au regard du niveau des plantations dans les années 1960, 1970 ou 1980. Des reboisements permettraient d’éviter, dans certains cas, la constitution de friches forestières peu exploitables.

Je partage la préoccupation exprimée par les auteurs de ces deux amendements : oui, il faut préparer les forêts de montagne de demain !

La commission des affaires économiques émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 274 rectifié bis et, la différence entre les deux amendements n’étant que d’ordre rédactionnel, je suggère aux auteurs de l’amendement n° 111 de le rectifier, afin de le rendre identique au précédent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il est également favorable.

M. le président. Monsieur Duran, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur pour avis ?

M. Alain Duran. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 111 rectifié, présenté par MM. Duran, Roux, Jeansannetas, Richard, Guillaume et Raoul, Mmes Cartron et Bataille, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau et Daunis, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 274 bis.

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Reboiser est essentiel en zone de montagne, mais de nombreux secteurs ont été lourdement affectés par des défrichements, notamment celui de l’agriculture. Je témoigne modestement, fort de quelques souvenirs lointains de cours de géographie : le reboisement est aussi fondamental pour l’équilibre de nos territoires ! Je tiens donc à féliciter les auteurs de ces amendements, et j’irai dans leur sens.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 111 rectifié et 274 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15 A, modifié.

(L'article 15 A est adopté.)

Article 15 A
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Articles additionnels après l'article 15

Article 15

(Non modifié)

L’article L. 122-4 du code forestier est ainsi rédigé :

« Art. L. 122-4. – Un document d’aménagement ou un plan simple de gestion peut être arrêté ou agréé à la demande du ou des propriétaires de parcelles forestières lorsqu’elles constituent un ensemble d’une surface totale d’au moins dix hectares et sont situées sur un territoire géographique cohérent d’un point de vue sylvicole, économique et écologique. En cas de pluralité de propriétaires, le document de gestion concerté engage chacun d’entre eux pour la ou les parcelles qui lui appartiennent. »

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.

M. Michel Le Scouarnec. Je voudrais aborder, à l’occasion de l’examen de cet article, la question du développement des activités forestières.

La forêt constitue un atout exceptionnel pour nos territoires de montagne. Elle peut être source de développement et d’excellence.

Les chaufferies collectives au bois pour des bâtiments publics, par exemple, méritent toute notre attention. Une trentaine d’entre elles était recensée en 2000, contre 640 en 2014. Ces chaufferies consomment en moyenne 420 000 tonnes de bois par an, soit 7% de la récolte totale de bois, étant précisé que le bois de chauffage ne sert pas à la construction.

Toutefois, l’état des finances publiques – elles vont s’amenuisant – empêche les collectivités de se projeter dans l’avenir et de faire éclore leurs projets.

Pourtant, une chaufferie au bois permet de dépenser localement, de créer des emplois et de participer à l’indépendance énergétique, notamment en montagne, où la distribution d’énergie est rendue délicate par les massifs et les reliefs de terrain.

C’est bien la preuve que des solutions existent pour valoriser une ressource présente et abondante sur nos territoires !

Il est vrai que l’accessibilité de la forêt en montagne est souvent complexe. C’est pourquoi le recours à la force équine pourrait être développé afin de préserver la forêt ; ce serait parallèlement profitable à l’élevage des chevaux.

Selon différentes expériences menées dans le Morvan, la charge tractée quotidiennement par un cheval atteint, en moyenne, 400 à 500 kilos sur des pentes à plus de 50 %. Certes, les machines permettent un meilleur rendement, mais elles ne peuvent accéder partout et provoquent de lourds dégâts sur les sols et à l’égard des arbres. Leur coût est réduit, mais le surcoût lié à l’utilisation du cheval pourrait être pris en charge dans le cadre des contrats Natura 2000.

Nos débats, je l’espère, permettront de mettre en valeur ce patrimoine forestier de montagne.

Mon groupe et moi-même avions déposé, après l’article 15 bis A, un amendement qui a été rejeté au titre de l’article 40 de la Constitution. Cet amendement concernait la prévention en matière de santé vétérinaire des troupeaux en transhumance, prévention renforcée par l’action publique avec, en particulier, une contribution des conseils départementaux qui bénéficierait, notamment, aux groupements départementaux de défense sanitaire.

Je profite de cette prise de parole pour déplorer que l’usage de cet article 40 empêche la tenue d’un débat sur le sujet.

En effet, dans le cas présent, l’échelon départemental nous semble le plus pertinent pour l’activité de veille. Il doit être maintenu, notamment dans les territoires de montagne où la pratique de la transhumance et des estives est à l’origine d’importants mouvements et regroupements de troupeaux.

Il est regrettable que notre assemblée se prive d’une discussion sur cette initiative.

M. le président. Je mets aux voix l'article 15.

(L'article 15 est adopté.)

Article 15 (Texte non modifié par la commission)
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Article 15 bis A

Articles additionnels après l'article 15

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 110 est présenté par Mme E. Giraud, M. Gorce, Mme Émery-Dumas, MM. Duran, Roux, Jeansannetas, Richard, Guillaume et Raoul, Mmes Cartron et Bataille, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau et Daunis, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 176 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delahaye, Delcros, Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot, Médevielle et Chaize.

L'amendement n° 426 est présenté par M. Bouvard.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 122-9 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une commune située en zone de montagne peut réglementer les coupes rases de forêts, afin de prendre en compte les enjeux de paysage, de biodiversité, de conservation des sols et de ressource en eau. Ce règlement peut limiter les surfaces des coupes rases et aller jusqu’à leur interdiction. Il fait l’objet d’une concertation préalable avec le Centre national de la propriété forestière et l'Office national des forêts. La commune peut déléguer cette compétence à toute personne morale de droit public en accord avec celle-ci. »

La parole est à Mme Anne Émery-Dumas, pour présenter l’amendement n° 110.

Mme Anne Émery-Dumas. Cet amendement a pour objet de favoriser la maîtrise des paysages forestiers, la préservation de la biodiversité, la qualité de la ressource en eau, et de prévenir l’érosion des sols dans les territoires montagnards.

En effet, si une coupe rase en zone de plaine a peu d’incidence sur le paysage et sur l’érosion des sols, elle peut au contraire défigurer un paysage et causer érosion des sols et pollution des eaux quand elle est effectuée en zone de montagne.

Trop souvent, et nous le constatons tous régulièrement dans nos territoires, les élus locaux sont désarmés face à cette pratique et ses conséquences. Il est donc nécessaire de les doter d’un outil leur permettant d’agir avec discernement, en fonction des enjeux, tout en garantissant une exploitation raisonnée de la ressource économique.

Ce type de réglementation existe déjà dans de nombreux pays européens et l’objet de l’amendement n° 110 est d’introduire dans le code de l’urbanisme un droit de réglementation des coupes à blanc pour les communes situées en zone de montagne.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l'amendement n° 176 rectifié.

M. Loïc Hervé. Cet outil, comme vient de l’indiquer ma collègue, est vraiment très attendu par les élus des communes de montagne, ce pour des raisons qui sont légitimes et compréhensibles. Ces raisons sont d’ordre esthétique, mais pas seulement ; elles sont aussi liées à l’érosion des sols et à la nécessité d’une certaine maîtrise de ces sols par les collectivités.

Je rappelle, à cet égard, que les coupes rases sont réalisées sur des parcelles relevant du domaine privé. Ce sont donc des propriétaires privés qui cherchent, par cette exploitation, à tirer un revenu.

Pour avoir moi-même assisté, en tant que maire, à de telles coupes, je pense qu’il serait vraiment très intéressant d’octroyer aux élus cet outil supplémentaire.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° 426.

M. Michel Bouvard. Aujourd'hui, et c’est un forestier qui vous le dit, mes chers collègues, la forêt de montagne est beaucoup plus sensible aux aléas climatiques et aux maladies. Il est très clairement établi que les coupes rases, quand elles sont pratiquées n’importe comment, favorisent le développement des scolytes, avec les problèmes sanitaires qui peuvent en découler dans des forêts complètes. Il est donc essentiel de réglementer ces coupes rases.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Bien que partageant en tout point la position défendue par mes trois collègues, je vais émettre un avis défavorable.

La technique des coupes rases ou coupes à blanc qui consiste à abattre l’ensemble des arbres d’une parcelle présente naturellement des avantages en termes d’exploitation, mais ses inconvénients sont nettement plus nombreux.

Sur le plan paysager, la coupe rase crée une véritable saignée, et il faut beaucoup de temps pour voir la replantation produire ses effets. Sur le plan environnemental, surtout, elle perturbe l’écosystème forestier et peut favoriser l’érosion des sols, particulièrement en montagne.

Les amendements tendent à ce que les communes – j’insiste sur ce point – puissent réglementer les coupes rases, en les encadrant, voire en les interdisant.

Mais je dois rappeler quelles sont, aujourd'hui, les règles du code forestier.

Pour les forêts publiques ou les forêts privées dotées d’un document de gestion durable – soit un document d’aménagement, soit un plan simple de gestion –, un processus d’approbation de ce dernier est mis en place. Des coupes rases sont possibles, mais dans des conditions contrôlées et encadrées.

Pour les forêts non couvertes par un tel document, le code forestier permet les coupes rases uniquement sur autorisation préfectorale.

Au demeurant, toute coupe rase de un hectare dans un massif de quatre hectares ou plus doit faire l’objet d’une replantation dans un délai de cinq ans.

Un encadrement existe donc déjà, et permettre aux communes, dans les documents d’urbanisme, d’interdire les coupes rases revient à leur donner un rôle dans la définition des règles d’exploitation des forêts qu’elles n’ont pas aujourd’hui.

Par ailleurs, il existe un risque d’incohérence dans les décisions prises par des communes voisines : certaines pourraient autoriser les coupes rases, et d’autres non.

Je rappelle que les documents d’urbanisme peuvent définir des espaces boisés classés où des règles plus strictes de coupes s’appliquent.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission des affaires économiques est par conséquent défavorable.

Vraiment, mes chers collègues, je n’imagine pas que chaque commune puisse mener sa propre politique en la matière – cela ne fera pas une cohérence sur une colline ou un massif ! En outre, de nombreuses procédures existent et il faudrait déjà, et surtout, les appliquer. Personnellement, je me fie beaucoup aux plans de gestion qui interdiraient ces coupes rases.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je serai bref après l’excellent argumentaire du rapporteur pour avis. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements pour toutes les raisons, de bon sens, qui ont été avancées.

J’apporterai simplement une précision. Les auteurs de ces trois amendements identiques ont prévu une possible délégation de la compétence à toute personne morale de droit public. Or, mesdames, messieurs les sénateurs, une police administrative spéciale dévolue par la loi à une autorité déterminée ne peut être déléguée à une autre personne.

Voilà un argument supplémentaire pour soutenir l’avis défavorable du rapporteur pour avis !

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Le rapporteur pour avis Gérard Bailly a parfaitement rappelé l’état de la réglementation, notamment l’existence des plans simples de gestion, qui sont élaborés par des professionnels du bois et des experts.

Je ne sais pas s’il serait souhaitable de laisser aux seules communes le soin d’apprécier, sur la base de critères relevant uniquement de la biodiversité, si une coupe rase doit être, ou non, réalisée. Il faudrait plutôt les associer aux décisions prises par l’administration ou par les bureaux d’études ou cabinets chargés d’élaborer et de suivre les plans simples de gestion.

C’est dans cette direction qu’il me semble nécessaire de s’engager, dans le sens d’un dialogue entre la commune et le propriétaire ayant signé un plan simple de gestion et contraint de renouveler celui-ci tous les cinq ans, en se fondant sur l’avis d’experts ou de professionnels. Ces avis tiendront compte d’éléments divers et variés – des raisons sanitaires, par exemple, ou des considérations liées à la composition du peuplement –, rendant parfois la coupe rase nécessaire pour une question d’avenir du peuplement.

De mon point de vue, il doit y avoir codécision entre la commune et les acteurs chargés d’élaborer les plans simples de gestion. C’est en tout cas la direction que je suggère à mes collègues auteurs de ces amendements de suivre.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

M. Bernard Delcros. Je tiens à apporter mon soutien à ces amendements, car il me paraît important que la loi, dans le domaine des coupes rases, puisse donner des prérogatives aux communes. Les élus, malgré tout, sont garants de l’intérêt général et, je rejoins les propos tenus précédemment par différents orateurs, les forêts jouent un rôle essentiel en montagne, à la fois dans la formation des paysages, mais aussi en termes d’équilibre biologique et de protection de la biodiversité.

Il s’agit non pas d’interdire toutes les coupes rases, mais de donner des prérogatives aux communes pour qu’elles puissent, si nécessaire, s’opposer à une coupe rase. Il est essentiel de confier cette responsabilité aux élus.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. Ces amendements ont été écrits à la lumière de la réalité !

Il n’est bien sûr pas question de faire entrer dans notre droit français un principe d’interdiction générale des coupes rases dans tout le pays. Nous évoquons bien, en l’espèce, une spécificité des territoires de montagne.

Nous qui sommes maires de communes de montagne observons que la pratique des coupes rases existe et que celle des coupes jardinées n’est pas aussi développée que nous le souhaiterions.

Pour toucher immédiatement la somme correspondant à la vente de leur bois, des propriétaires ont recours aux coupes rases. Certains d’entre eux n’habitent d’ailleurs même pas les territoires de montagne. C’est ainsi que nous, les maires, héritons des conséquences de décisions privées affectant la stabilité des terrains, parfois de nos voiries, ou encore l’esthétique de nos paysages.

La question posée à travers ces amendements est celle de la capacité donnée aux communes, dans le cadre des documents d’urbanisme, de bannir, pour telle ou telle raison, cette pratique sur leur territoire.

Cette disposition doit être soutenue parce que, encore une fois, elle répond à un principe de réalité, elle règle des situations que nous, élus de communes de montagne, pouvons vivre sur le terrain.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour explication de vote.

Mme Éliane Giraud. Je soutiens très fortement ces amendements, pour plusieurs raisons.

La première d’entre elles est que, si nous voulons accroître l’exploitation des forêts – et il faut le faire –, nous devons, dans le même temps, avoir un pouvoir de négociation sur la question. On ne peut pas faire n’importe quoi, et effectuer des coupes rases, c’est aussi empêcher une évolution d’exploitation !

Je m’explique : aujourd'hui, les gens se rendent en forêt pour se promener, pour travailler ou pour pratiquer différents loisirs. On louperait le coche à ne pas chercher à réconcilier l’ensemble de ces usages, qui se confrontent parfois, et même durement. Or les communes peuvent se retrouver au cœur de difficultés liées à ces conflits entre usagers.

Les coupes rases sont assez significatives en ce sens. On demande aux communes de diversifier leur accueil et leurs politiques touristiques. Or le paysage fait clairement partie de leur capital.

Il faut être très attentif à cette nouvelle approche de la montagne, une approche environnementale, paysagère, mais qui doit rester, aussi, économique. Il faut travailler à une synthèse de l’ensemble de ces propositions.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Je ne suis pas élu d’un territoire de montagne, mais je participe à ce débat et, après avoir entendu l’argumentaire du rapporteur pour avis, j’ai un peu le sentiment que l’on risque de créer une spécificité française en matière de gestion des forêts.

J’entends les arguments techniques, mais, de fait, alors même que les zones de montagne ne sont pas les seules concernées par ces pratiques et que la loi définit déjà un cadre général, on en viendrait à créer une spécificité.

Donc, je suis très interrogatif sur ce débat, et sur un dispositif qui finirait par créer une France à deux niveaux.

J’y insiste, mes chers collègues : j’entends les arguments, mais j’entends également les observations de M. le rapporteur pour avis. Il faut, à un moment donné, avoir une vision globale, et non spécifique !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis.

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Comme je l’ai indiqué, je suis très opposé à ces coupes rases.

Je connais de nombreuses parcelles ayant été coupées voilà cinq, quinze ou vingt ans, sans aucune replantation à ce jour. Ce sont des caches à sanglier, que l’on ne tient pas à traverser, de véritables friches, qui peuvent défigurer de jolis coteaux.

J’attire néanmoins votre attention, mes chers collègues, sur le fait que, dans ces amendements, la décision est laissée à la commune. Revient-elle au maire, individuellement, ou au conseil municipal ?

En tout cas, ce n’est pas un cadeau que nous leur faisons ! Voilà quinze ou vingt ans, les conseils municipaux comptaient de nombreux ruraux ou agriculteurs, qui connaissaient toutes les parcelles de la commune : les conseillers savaient précisément de quoi le maire parlait ! Aujourd'hui, la situation a évolué. Combien de conseillers sont susceptibles de connaître la dénomination et la situation exacte des parcelles ?…

Vraiment, c’est un cadeau empoisonné que nous ferions aux maires ! Ou alors il faut être plus strict et interdire totalement les coupes rases, sauf autorisation spécifique !

N’oublions pas, je l’ai signalé précédemment, que les coupes rases exigent, à l’heure actuelle, une autorisation préfectorale. Peut-être le maire pourrait-il se manifester auprès du préfet… Mais il est malheureusement à craindre qu’il ne soit prévenu qu’une fois la coupe réalisée.

M. Loïc Hervé. Évidemment !

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Néanmoins, il faut trouver un autre système, car on ne peut laisser ce pouvoir au maire. Je vous déconseille donc, mes chers collègues, de voter ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 110, 176 rectifié et 426.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 177 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti et Delahaye, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot, Médevielle et Chaize.

L'amendement n° 207 est présenté par Mme Espagnac.

L'amendement n° 438 est présenté par M. Bouvard.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 141-1 du code de la voirie routière, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Conformément au présent code, les voies communales comprennent :

« 1° Les voies urbaines ;

« 2° Les chemins vicinaux à l'état d'entretien ;

« 3° Ceux des chemins ruraux reconnus pour leur utilisation en tant que piste forestière et dont le conseil municipal décide l'incorporation, après estimation des coûts d’entretien générés par leur ouverture à la circulation générale. »

La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 177 rectifié.

M. Loïc Hervé. Le présent amendement vise à compléter le code de la voirie routière pour préciser la définition du contenu de la voirie communale – voies communales appartenant au domaine public de la commune – et permettre plus précisément aux communes de classer leurs dessertes forestières en voies communales. Ce type de décision entraînant pour la commune une obligation d’entretien, il est également précisé que la délibération doit être prise après estimation de ses coûts.

Je souligne que les voiries forestières en territoire de montagne servent au débardage des bois, mais ont aussi une fonction de desserte d’alpage ou une fonction touristique, été comme hiver.

Par ailleurs, s'il n'est pas prévu de prendre en compte la longueur de voirie modifiée pour le calcul de la dotation forfaitaire lorsque les communes procèdent à de nouveaux classements, la longueur de voirie est toujours prise en considération dans la dotation de solidarité rurale, la DSR, créée en 1993 et qui constitue la composante de la dotation globale de fonctionnement dédiée à la péréquation en milieu rural.

La fraction « péréquation » de la DSR comprend notamment une part « voirie » – 30 % de cette fraction –, calculée, à l'instar de l'ancienne dotation de compensation, sur la base d'une longueur de voirie doublée pour les communes de montagne.

M. le président. L’amendement n° 207 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° 438.

M. Michel Bouvard. Éliane Giraud, qui connaît tous ces sujets par cœur, compte tenu de son investissement sur la problématique forestière, sait parfaitement que le manque de dessertes constitue l’un des handicaps actuels de nos forêts de montagne.

En cas de très forte pente, on peut procéder à du débardage par câble, mais, ailleurs, il faut des dessertes. Or, aujourd'hui, de nombreuses communes hésitent à investir dans des dessertes forestières, du fait des coûts d’entretien de ces équipements, situés dans des milieux évidemment plus agressifs que des milieux de plaine.

Voilà pourquoi nous proposons cette disposition. C’est une certaine forme de retour pour la collectivité, lui permettant de supporter les coûts d’entretien.

Aux dotations évoquées dans l’objet de ces amendements, on pourrait ajouter les fonds départementaux de péréquation de la taxe additionnelle aux droits d’enregistrement. Ces fonds, répartis par les départements, incluent souvent les kilomètres de voirie communale existant en zone de montagne. C’est également une façon d’encourager les communes de montagne à l’entretien de leur réseau communal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Les voies communales font partie du domaine public routier et relèvent d’un régime juridique différent de celui des chemins ruraux, puisqu’elles sont imprescriptibles et inaliénables. Contrairement à ceux-ci, elles sont prises en compte au titre du critère de longueur de voirie utilisé lors de la répartition, entre les communes éligibles, de la fraction « péréquation » de la dotation de solidarité rurale.

Cet article vise ainsi à permettre aux communes de classer leurs dessertes forestières dans le domaine public communal afin de percevoir davantage de DSR. Or, il faut le rappeler, les communes situées en zone de montagne bénéficient déjà d’un régime favorable, puisque la longueur de leur voirie prise en compte dans la répartition de la DSR est doublée.

Par ailleurs, cet amendement tend à inclure dans la voirie les « chemins vicinaux à l’état d’entretien », expression qui avait été utilisée dans l’ordonnance du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales, mais qui ne figure plus aujourd’hui dans la terminologie officielle.

Par conséquent, la commission sollicite le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Ces amendements tendent à définir précisément, au travers d’une liste exhaustive, les voies communales, pourtant déjà mentionnées à l’article L. 141-1 du code de la voirie routière. Leur adoption serait de nature à complexifier encore le droit de la voirie. En effet, ils font notamment référence aux « chemins vicinaux », terminologie qui n’est plus guère utilisée.

Ces amendements visent par ailleurs à inclure dans la voirie communale certains chemins ruraux, alors que, en application de l’article L. 16181 du code rural, les chemins ruraux sont des chemins qui appartiennent au domaine privé de la commune et n’ont pas été classés comme voies communales.

Enfin, l’utilisation de l’expression « voies urbaines » est de nature à créer des difficultés d’application. Incidemment, les modifications proposées seraient susceptibles d’entraîner des coûts supplémentaires pour les communes.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 177 rectifié et 438.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Articles additionnels après l'article 15
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 15 bis

Article 15 bis A

L’article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° (nouveau) Le troisième alinéa est ainsi modifié :

a) La troisième phrase est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :

« Elles sont conclues pour une durée minimale de cinq ans. Un arrêté du représentant de l’État dans le département pris après avis de la chambre d’agriculture peut porter cette durée minimale jusqu’à neuf ans. Elles sont conclues pour un loyer inclus dans les limites fixées pour les conventions de l’espèce par arrêté du représentant de l’État dans le département après avis de la chambre d’agriculture. » ;

b) À la dernière phrase, les mots : « pour une durée de cinq ans et » sont supprimés ;

2° (nouveau) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le loyer est actualisé chaque année selon les modalités prévues au quatrième alinéa de l’article L. 411-11. »

M. le président. L'amendement n° 57 rectifié bis, présenté par MM. Longeot, Cigolotti, Médevielle et Gabouty, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les deux dernières phrases du b de l’article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime sont ainsi rédigées :

« Après avis de la chambre d’agriculture, l’arrêté préfectoral fixe une durée plancher qui ne peut être inférieure à cinq ans et un loyer inclus dans les limites fixées pour les conventions de l’espèce. En l’absence d’un tel arrêté, ces conventions sont conclues pour une durée qui ne peut être inférieure à cinq ans et pour un loyer conforme aux maxima et minima exprimés en monnaie fixés selon les modalités prévues au troisième alinéa de l’article L. 411-11. »

La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. L’article 15 bis A, dans sa rédaction actuelle, est sujet à interprétation et à contentieux, car la durée minimale définie dans les arrêtés préfectoraux est considérée comme une durée fixe.

Nous proposons que la durée de cinq ans fixée par les arrêtés préfectoraux pour les conventions pluriannuelles de pâturages constitue une durée plancher, que les parties pourront décider d’allonger. En l'absence d'arrêté préfectoral, la durée de cinq ans serait également un minimum, les parties conservant la possibilité de fixer une durée supérieure.

L’adoption de ce dispositif permettrait de sécuriser les conventions déjà conclues et de laisser une certaine souplesse dans la fixation de la durée par les bailleurs et les exploitants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Les rapporteurs de l’Assemblée nationale en ont convenu, la rédaction initiale de cet article n’était pas claire. Nous y avons donc apporté, sur mon initiative, des éclaircissements substantiels en commission.

Cet amendement vise à fixer une durée plancher de cinq ans pour les conventions pluriannuelles de pâturages et à prévoir qu’un arrêté préfectoral puisse la porter au-delà de ce minimum. Or c’est déjà ce que prévoit l’article 15 bis A tel qu’il est aujourd’hui rédigé, la durée minimale pouvant être portée, par arrêté préfectoral, à neuf ans, soit la durée classique du bail rural. Rien ne fait obstacle à ce que la convention fixe une durée beaucoup plus longue, par accord des deux parties.

Cet amendement étant satisfait par la rédaction de l’article adoptée par la commission, j’en sollicite le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même avis, l’amendement étant effectivement satisfait par la rédaction actuelle de l’article 15 bis A.

M. le président. Monsieur Longeot, l'amendement n° 57 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-François Longeot. Compte tenu des explications données par M. le rapporteur pour avis, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 57 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 255 rectifié, présenté par Mme Malherbe, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4, première et deuxième phrases

Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :

Elles sont conclues pour une durée minimale de cinq ans ou, lorsque cela est prévu par arrêté du représentant de l’État dans le département après avis de la chambre d’agriculture, pour une durée minimale supérieure.

II. – Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le loyer est actualisé chaque année selon la variation de l’indice national du fermage. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le droit en vigueur distingue deux cas de figure s’agissant de la durée des conventions pluriannuelles de pâturages : lorsqu’un arrêté préfectoral est pris après avis de la chambre d’agriculture, la durée minimale de ces conventions est de cinq ans ; en l’absence d’un tel arrêté, il est précisé que ces conventions sont conclues pour une durée de cinq ans.

Pour donner plus de garanties aux agriculteurs qui exploitent les espaces pastoraux, l’article 15 bis A du projet de loi tend à poser le principe selon lequel, qu’il y ait ou non un arrêté préfectoral, la durée de cinq ans est une durée minimale. Toutefois, l’arrêté préfectoral pourra prévoir une durée minimale supérieure, dans la limite de neuf ans.

Le présent amendement vise à supprimer ce plafond, pour permettre la conclusion de conventions d’une durée supérieure à neuf ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Cet amendement est, comme le précédent, satisfait. S’il n’est pas retiré, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Cet amendement étant satisfait, le Gouvernement en sollicite lui aussi le retrait.

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 255 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 255 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 15 bis A.

(L'article 15 bis A est adopté.)

Article 15 bis A
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Article 15 ter (Texte non modifié par la commission)

Article 15 bis

Au premier alinéa de l’article L. 124-3 du code forestier, les références : « au 1° et aux a et b du 2° de l’article L. 122-3 » sont remplacées par la référence : « à l’article L. 122-3 ». – (Adopté.)

Article 15 bis
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Article 15 quater

Article 15 ter

(Non modifié)

À l’article L. 142-9 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « et, le cas échéant, » sont remplacés par le mot : « ou ».

M. le président. L'amendement n° 295, présenté par M. G. Bailly, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

rural et de la pêche maritime

par le mot :

forestier

La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Cet amendement de nature rédactionnelle tend à rectifier une erreur de référence, l'article 15 ter portant sur le code forestier, et non sur le code rural et de la pêche maritime.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 295.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15 ter, modifié.

(L'article 15 ter est adopté.)

Article 15 ter (Texte non modifié par la commission)
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Article additionnel après l'article 15 quater

Article 15 quater

I. – L’article L. 341-6 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En zone de montagne, le 1° du présent article ne s’applique pas au défrichement de parcelles qui ne sont pas classées au cadastre en nature de bois. »

II (nouveau). – Les pertes éventuelles de recettes pour l’État résultant de l’exonération de taxe de défrichement sur les anciennes terres agricoles sont compensées, à due concurrence, par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président. L'amendement n° 224, présenté par MM. Dantec, Poher, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. L’article 15 quater tend à préciser qu’il n’existe pas, en zones de montagne, d’obligation de compensation au défrichement de boisements spontanés de première génération intervenus sans aucune intervention humaine et âgés de moins de quarante ans.

Nous avons eu tout à l’heure une longue discussion sur les coupes à blanc. J’attire l’attention sur le fait qu’un boisement de quarante ans a modelé le paysage : il ne s’agit pas de buissons ou de taillis.

Le dispositif de cet article nous paraît assez dangereux. Il importe de pouvoir contrôler les changements d’affectation des sols, en particulier en zones de montagne : depuis quarante ans, des évolutions sont intervenues, notamment à cause du réchauffement climatique. La suppression de ces boisements pourrait amener des conséquences néfastes, comme des glissements de terrain ou des avalanches. En outre, ils ont un rôle écologique.

Enfin, l’introduction de cette exemption de compensation pour les zones de montagne constituerait un facteur d’inégalité devant la loi dans des cas « limites », certaines parties du territoire d’une commune pouvant être déboisées et d’autres non.

M. le président. Quel est l’avis de la commission de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Le défrichement est un problème important. Aujourd’hui, le bois s’étend dans presque tous les massifs, et il ne s’agit nullement de forêt productive, composée de bonnes essences. Dans le Massif central, la forêt a presque doublé de superficie en soixante-cinq ans.

Nous ne voulons pas inciter à la déforestation, mais de nombreuses parcelles se sont enfrichées naturellement et sont classées par le cadastre comme des pâtures ou des landes, par exemple, et ne produisent pas du tout de bois, en raison de conditions peu favorables au développement des essences utiles ou de l’absence de replantation. Les forêts répertoriées comme telles par le cadastre existent depuis des décennies et sont souvent productives.

Nous ne pouvons approuver cet amendement, qui tend à supprimer la nouvelle souplesse introduite par l’article 15 ter en matière de défrichement en zones de montagne. Je souligne que nous maintenons la nécessité d’obtenir une autorisation pour procéder à un défrichement : cela protégera les forêts productives. En revanche, lorsqu’un agriculteur veut reprendre des parcelles qui se sont enfrichées naturellement pour les exploiter, il ne doit pas être redevable de la taxe de défrichement ni soumis à une obligation de compensation.

L’article 15 ter vise à lever le frein financier à la reconquête de terres agricoles ou pastorales en montagne, la forêt ayant eu tendance à progresser fortement dans ces zones, sous l’effet de la déprise agricole. Cette évolution ferme les espaces et menace la pérennité de l’élevage, qui en montagne a un caractère extensif.

En conséquence, la commission des affaires économiques émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, notamment pour les raisons que vient d’exposer avec précision et compétence M. le rapporteur pour avis. À l’Assemblée nationale, nous avons difficilement trouvé un point d’équilibre sur ce sujet. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’alourdir la tâche de la commission mixte paritaire, qui s’annonce déjà bien chargée…

M. le président. Monsieur Dantec, l'amendement n° 224 est-il maintenu ?

M. Ronan Dantec. L’enfrichement naturel pose certes problème, mais, en l’état, la mise en œuvre du dispositif de cet article risque de conduire à des coupes ayant peu à voir avec la réouverture d’espaces en vue de récréer des pâturages : il s’agira souvent simplement de récupérer le bois, ce qui créera des « trous » dans le paysage.

C’est pourquoi je maintiens cet amendement de suppression.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 224.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 343 rectifié ter, présenté par MM. Gremillet, Morisset et Pillet, Mme Di Folco, MM. Raison et Pierre, Mmes Imbert et Morhet-Richaud, MM. Bizet, Chaize, Pointereau, B. Fournier, Sido et de Raincourt et Mmes Lamure et Deromedi, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article L. 341-6 du code forestier est ainsi modifié :

1° Le 1° est ainsi modifié :

a) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« En zone de montagne, le coefficient multiplicateur est limité à 1 dans les cas de projets de mise en culture ou en prairie qui conservent une partie des boisements initiaux au regard de leur rôle écologique, économique et social. » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Les travaux de reboisements sont effectués en priorité sur des parcelles en état d’inculture ou de sous-exploitation manifeste reconnu dans les conditions du chapitre V du titre II du livre Ier du code rural et de la pêche maritime. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En zone de montagne, le 1° du présent article ne s’applique pas au défrichement de parcelles qui ne sont pas classées au cadastre en nature de bois. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. En France, particulièrement en zones de montagne, la forêt s’étend chaque année, comme l’a dit M. le rapporteur pour avis. Il n’y a donc pas de problème de couverture forestière insuffisante dans notre pays.

Lorsque l’on doit défricher une parcelle boisée pour des raisons d’aménagement, l’application du coefficient multiplicateur crée des conflits d’usage, dans la mesure où elle entraîne la consommation de terres agricoles.

Cet amendement a donc pour objet de modifier le régime du boisement compensateur et de prévoir que le reboisement s’opérera plutôt sur des parcelles en friche ou à l’abandon, afin de garantir une bonne utilisation de l’espace en zones de montagne.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 58 rectifié bis est présenté par MM. Longeot, Cigolotti, Médevielle, Gabouty et L. Hervé.

L'amendement n° 257 rectifié est présenté par Mme Malherbe, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Au premier alinéa de l’article L. 341-1 du code forestier, après les mots : « l’état boisé d’un terrain », sont insérés les mots : « classé dans la catégorie “5° Bois, aulnaies saussaies, oseraies, etc.” en application de l’article 18 de l’instruction générale sur l’évaluation des propriétés non bâties du 31 décembre 1908 ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 58 rectifié bis.

M. Jean-François Longeot. Cet amendement tend à faciliter la reconquête agricole des terres enfrichées, en visant de manière spécifique les surfaces non enregistrées au cadastre en tant que parcelles forestières dans la perspective d’une remobilisation de ces espaces à des fins pastorales ou agricoles.

Cette formulation permet de se fonder sur un document qui ne laisse pas de place à une interprétation subjective de la part de la personne qui étudie le dossier et estime l’âge du boisement. Actuellement, en matière d’autorisations de défrichement de boisements spontanés de première génération sans aucune intervention humaine, l’arbitrage rendu est souvent défavorable à l'agriculteur, à la suite d’une divergence dans l'estimation de l'âge du boisement. Le critère proposé ici présente l'avantage d'une plus grande objectivité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 257 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Je fais mienne l’excellente argumentation du sénateur du Doubs et maire d’Ornans !

M. le président. L'amendement n° 80, présenté par M. Le Scouarnec, Mmes David, Cukierman, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article L. 341-6 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En zone de montagne, le 1° du présent article ne s’applique pas au défrichement de boisements spontanés de première génération sans aucune intervention humaine, âgés de moins de quarante ans situés à proximité des espaces de vie et de travail. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Dans sa version initiale, l’article 15 quater tendait à prévoir un assouplissement encadré du droit général du défrichement dans les zones de montagne.

L’obligation de boisement compensateur ou de versement de la taxe de défrichement ne s’applique pas au défrichement de terrains ayant fait l’objet d’un boisement spontané depuis moins de quarante ans, afin de préserver des forêts qui, au-delà de cette durée, ont acquis un certain intérêt écologique.

Cette disposition permettait de faciliter la reconquête des espaces en déprise agricole, en prenant en compte la spécificité des boisements en montagne – les boisements y sont plus lents et présentent un risque spécifique de fermeture des paysages – tout en préservant la forêt.

En commission, le texte a été modifié afin d’élargir le champ de cette exception à tout terrain de montagne non classé au cadastre en nature de bois.

Or, comme cela a été souligné lors des débats à l’Assemblée nationale, faire référence au cadastre pour la définition des surfaces forestières qui peuvent être librement défrichées, à l’instar du texte de la commission du Sénat, c’est faire référence à un document administratif qui ne correspond pas toujours à la réalité forestière. On estime en effet à plus de 15 % l’écart entre la surface boisée et la surface déclarée boisée au cadastre. Il convient donc de prendre en considération l’état réel du terrain à défricher, et non une classification fiscale. Dans le cas contraire, on court le risque de supprimer des peuplements intéressants, du simple fait du classement cadastral du terrain.

La mise en œuvre du texte de la commission pourrait susciter des comportements d’opportunité. Ainsi, on estime que près de 2 millions d’hectares pourraient être défrichés sans aucun contrôle administratif.

Cet amendement vise donc à rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, qui nous semble équilibré et maintient le contrôle du préfet. Comme l’a souligné Ronan Dantec, les peuplements forestiers assurent fréquemment un rôle de protection.

M. le président. L'amendement n° 112, présenté par MM. Duran, Roux, Jeansannetas, Richard, Guillaume et Raoul, Mmes Cartron et Bataille, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau et Daunis, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article L. 341-6 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En zone de montagne, le 1° du présent article ne s’applique pas au défrichement de boisements spontanés de première génération survenus sans aucune intervention humaine et âgés de moins de quarante ans. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Alain Duran.

M. Alain Duran. Nous souhaitons rétablir l’article 15 quater dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, assortie d’une précision rédactionnelle.

En effet, la rédaction actuelle, qui résulte de l’adoption d’un amendement du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, nous semble trop large, en ce qu’elle inclut les parcelles non inscrites au cadastre.

Nous estimons au contraire que la dérogation au principe de la compensation du défrichement doit rester l’exception. Aujourd’hui, trop de parcelles ne sont pas classées au cadastre, lequel n’est pas nécessairement actualisé régulièrement. La rapporteur de l’Assemblée nationale a d’ailleurs indiqué que plusieurs millions d’hectares seraient concernés.

De ce fait, il nous paraît plus raisonnable de viser, comme l’avait prévu l’Assemblée nationale, les boisements spontanés de première génération n’ayant subi aucune intervention humaine et âgés de moins de quarante ans.

Certains diront qu’il peut s’avérer difficile de déterminer si un arbre a plus ou moins de quarante ans. Cela peut être vrai dans des cas précis, mais, d’une manière générale, il est selon nous tout à fait possible de déterminer si une parcelle boisée à une dizaine d’années ou plus de cent ans.

En tout état de cause, il ne nous semble pas pertinent de retenir la rédaction issue des travaux de la commission. Nous proposons donc de revenir au texte de l’Assemblée nationale, plus équilibré et plus protecteur.

M. le président. L'amendement n° 451, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 341-6 du code forestier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En zone de montagne, le 1° du présent article ne s’applique pas au défrichement de boisements spontanés de première génération sans aucune intervention humaine et âgés de moins de quarante ans. »

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Cet amendement tend également à revenir à la rédaction de l’article 15 quater résultant des délibérations de l’Assemblée nationale. Cette rédaction est le fruit d’un travail approfondi mené en lien avec le ministère de l’agriculture, dans un souci de parvenir à un juste équilibre.

Le dispositif adopté par la commission des affaires économiques du Sénat pose, à tout le moins, deux problèmes.

Tout d’abord, il fait référence au cadastre pour la définition des surfaces forestières qui pourraient être librement défrichées, alors que ce document administratif ne correspond pas toujours à la réalité.

En outre, il fait référence à la taxe sur le défrichement, dispositif supprimé en 2001 et réintroduit en 2014 dans la loi d’avenir pour l’agriculture, sous forme de compensation.

En conclusion, la rédaction de l’Assemblée nationale me paraît plus satisfaisante.

M. le président. L'amendement n° 318 rectifié, présenté par M. Chasseing, Mmes Deromedi et Micouleau, M. B. Fournier, Mme Joissains, MM. Morisset, Pillet et Nougein, Mme Imbert, MM. de Legge et Longuet, Mme Lamure et MM. Rapin, Gabouty, Chaize, Charon, Milon, L. Hervé, Genest, Dufaut, Requier, Danesi et Darnaud, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article L. 341-6 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le 1° du présent article ne s’applique pas aux défrichements de boisement situés en zone de montagne. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Cet amendement a pour objet d’exonérer les agriculteurs des obligations liées au défrichement. En effet, dans les zones de montagne, la part du boisement est importante, puisqu’elle dépasse souvent 50 %. Ce boisement est récent et non organisé.

Dans ces territoires, lorsqu’un agriculteur a besoin d’effectuer un déboisement dans l’intérêt de son exploitation, il ne doit pas être contraint de replanter ou de payer une taxe d’environ 3 000 euros par hectare. Bien souvent, les jeunes agriculteurs ayant un projet d’installation sont bloqués par cette contrainte. Il s’agit non pas de déboiser massivement, mais de lever ce frein aux projets des agriculteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. L’amendement n° 343 rectifié ter tend à modifier les dispositions relatives au défrichement de plusieurs manières.

Tout d’abord, il prévoit de limiter à 1 le coefficient multiplicateur pour la détermination des surfaces devant être plantées en compensation des surfaces défrichées, lorsque les terrains devenus des terres cultivables ou des prairies conservent une partie des boisements initiaux. Le champ de cette disposition ne se limite pas à la montagne.

Le dispositif que nous proposons va plus loin concernant les zones de montagne, puisqu’il dispense totalement de compensation.

L’amendement tend en outre à imposer que le reboisement s’opère sur des parcelles en état d’inculture ou de sous-exploitation. Or l’adoption d’une telle rédaction risquerait d’être très contraignante : un porteur de projet de défrichement devrait disposer de telles parcelles ou en acquérir, car il lui serait interdit de reboiser ailleurs.

En conclusion, j’invite M. Gremillet à retirer cet amendement.

Les amendements nos 58 rectifié bis et 257 rectifié tendent à assouplir considérablement la notion de défrichement, en modifiant l’article L. 341-1 du code forestier de telle sorte que ne soit pas considérée comme défrichement toute opération portant sur des terres classées au cadastre en nature de bois.

Ces dispositions vont beaucoup plus loin que le projet de loi, sachant que 2 millions d’hectares de forêts ne seraient pas classés comme tels par le cadastre. L’adoption de ces amendements aurait pour effet de permettre leur défrichement sans autorisation ni compensation. Sont d’ailleurs visées toutes les forêts, de montagne comme de plaine.

Cette proposition me paraît très déséquilibrée. Il est préférable d’adopter la position que nous avons défendue en commission : oui à l’allégement du coût, pour les agriculteurs, de la reconquête des friches boisées en montagne, non à la déforestation massive des terres boisées un peu partout sur le territoire !

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 58 rectifié bis et 257 rectifié.

J’en viens à l’exonération de la compensation du défrichement des seuls boisements spontanés de moins de quarante ans prévue par les amendements nos 80, 112 et 451.

Ces amendements presque identiques visent à revenir à la rédaction du projet de loi issue de l’Assemblée nationale, que nous avons modifiée en commission.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale limitait l’exonération de compensation aux boisements spontanés de première génération sans intervention humaine âgés de quarante ans au plus. Il ne visait pas les boisements spontanés plus anciens.

Je rappelle que cette exonération existe déjà pour les bois de moins de trente ans. La modification proposée se borne donc à repousser de dix ans la limite. En outre, la formulation retenue par l’Assemblée nationale pouvait entraîner des difficultés d’interprétation : comment déterminer si un boisement a moins ou plus de quarante ans ?

Au fond, nous avons souhaité permettre plus largement la reconquête de terres agricoles ou pastorales en montagne, en retenant un critère plus simple, celui du classement au cadastre : toutes les terres situées en montagne qui ne sont pas classées en bois et forêts doivent être exemptées du boisement compensateur ou de la taxe de défrichement. Les risques de dérives me semblent limités, car même si le cadastre n’est pas à jour, un propriétaire ne peut pas obtenir un classement en zone agricole ou naturelle si les photos prises par satellite montrent que la parcelle est boisée : le cadastre travaille en effet désormais sur la base de ces images, également utilisées pour l’attribution des aides de la PAC, faute de moyens pour se déplacer sur le terrain.

Par ailleurs, le dispositif ne dispense en rien de l’obtention d’une autorisation de défrichement : un contrôle administratif continuera donc à s’exercer. Simplement, le coût de la reconquête de ces terres pour un usage agricole ou pastoral sera moindre.

En conclusion, la commission des affaires économiques émet un avis défavorable sur les trois amendements.

Enfin, l’amendement n° 318 rectifié a pour objet de supprimer toute compensation pour les défrichements en zone de montagne. Cette proposition s’inscrit dans la droite ligne de l’amendement que nous avons adopté en commission, mais elle va un peu plus loin. Ainsi, il serait possible de défricher sans aucune compensation des terres classées en bois et forêts. Or le patrimoine ancien et productif ne doit pas pouvoir être défriché dans ces conditions ; faciliter à l’excès le défrichement en zone de montagne ne nous semble pas souhaitable. Par ailleurs, il n’est pas précisé que l’absence de compensation ne vaut que si le défrichement est effectué en vue d’une utilisation agricole des terrains : elle peut donc concerner des parcelles affectées à la création d’infrastructures touristiques, par exemple.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. J’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, excepté bien sûr les amendements n° 112 et 451, presque identiques.

M. le président. Monsieur Gremillet, l’amendement n° 343 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Daniel Gremillet. L’amendement n° 343 rectifié ter n’entre pas en contradiction avec le texte de la commission des affaires économiques, dont il vise simplement à étendre le dispositif aux surfaces classées au cadastre en tant que forêts, en limitant le coefficient multiplicateur à 1. Ainsi, on éviterait de bloquer toute évolution de la destination des terrains, sans perdre en superficie forestière.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Je retire l’amendement n° 58 rectifié bis, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 58 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Le sujet n’est pas simple.

Recréer un pâturage en lieu et place d’un boisement spontané, c’est assurer une compensation : il y a un gain en termes de biodiversité. Telle est l’approche qu’il conviendrait de retenir, plutôt que de chercher à supprimer la compensation. En l’état actuel du texte, le risque est que l’on défriche à moitié des terrains simplement pour récupérer le bois, sans leur donner ensuite une nouvelle destination.

Nous soutiendrons néanmoins l’amendement du Gouvernement, qui représente un moindre mal : il faut à tout le moins revenir à l’équilibre trouvé par l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, je viens de relire avec attention l’objet de l’amendement du Gouvernement. Ce texte me semble empreint de lucidité, notamment pour ce qui concerne les références cadastrales et l’état des parcelles. Je souhaiterais d’ailleurs que vous en disiez un mot à votre collègue le ministre de l’agriculture…

Le cadastre travaille sur la base d’images satellitaires, et il arrive que l’on ne tienne pas compte du fait que, si le terrain est en pente, la surface développée est plus importante que celle qui est retenue par les services de l’État. Il en résulte souvent des contestations quant au montant des primes agricoles versées au titre des ICHN en zones de montagne.

Je suis donc très heureux que le Gouvernement reconnaisse officiellement l’existence de ce décalage par le biais de cet amendement, qui pour ma part me convient ; je le voterai.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis.

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Monsieur Dantec, vous craignez que le texte de la commission n’ouvre la voie à des dérives en matière de défrichements. Je le redis une énième fois, tout défrichement devra être autorisé, et la demande d’autorisation doit faire état de la destination des terrains concernés par le défrichement. Dès lors, vos inquiétudes ne sont pas fondées.

M. Ronan Dantec. Nous verrons !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 343 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 257 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 257 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 80.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Duran, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 112 afin de le rendre identique à l’amendement n° 451 du Gouvernement ?

M. Alain Duran. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 112 rectifié, présenté par MM. Duran, Roux, Jeansannetas, Richard, Guillaume et Raoul, Mmes Cartron et Bataille, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau et Daunis, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n°  451.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 112 rectifié et 451.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 15 quater est ainsi rédigé, et l’amendement n° 318 rectifié n'a plus d'objet, de même que l’amendement n° 344 rectifié bis, présenté par M. Gremillet et Mme Deromedi, dont je rappelle les termes pour la bonne information du Sénat :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

« Le 1° du présent article n'est pas non plus applicable aux défrichements effectués dans les cinq premières années suivant l'installation d'un jeune agriculture, dès lors que l'installation concernée n'est pas effectuée intégralement par déboisement, et que l'opération est justifiée, dans des conditions fixées par arrêté du ministre en charge de l’agriculture, au regard du développement économique de l’exploitation. »

Je mets aux voix l'article 15 quater, modifié.

(L'article 15 quater est adopté.)

Article 15 quater
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Article 15 quinquies A (nouveau)

Article additionnel après l'article 15 quater

M. le président. L'amendement n° 81, présenté par M. Le Scouarnec, Mmes David, Cukierman, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 15 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase de l’article L. 214-13-1 du code forestier, le taux : « 70 % » est remplacé par le taux : « 60 % ».

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Comme l’a souligné notre collègue député André Chassaigne, lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, les parlementaires ont introduit une exemption à l’article L. 214-13-1 du code forestier :

« Dans le cadre d’un schéma communal concerté approuvé par la commission régionale de la forêt et du bois mentionnée à l’article L. 113-2 et conforme au programme régional de la forêt et du bois défini à l’article L. 122-1, toute commune classée en zone de montagne dont le taux de boisement dépasse 70 % de son territoire peut procéder à du défrichement pour des raisons paysagères ou agricoles. Ce défrichement ne peut porter sur des forêts soumises au régime forestier. Il ne peut entraîner une réduction du taux de boisement de la commune inférieur à 50 % de son territoire. »

Or dans nos territoires de montagne, un très grand nombre de communes présentent un taux de boisement situé entre 60 % et 70 %. Dès lors, elles ne peuvent bénéficier de cette dérogation extrêmement importante. L’octroi de cette dernière est soumis à des conditions très strictes, qui permettent néanmoins un défrichement pour des raisons paysagères ou agricoles.

Je propose donc d’abaisser ce seuil de 70 % à 60 %, afin que ces communes puissent obtenir une dérogation. Bien sûr, il faut éviter les situations de déforestation massive. À nos yeux, il est néanmoins nécessaire que soient autorisés les défrichements visant au maintien de l’activité agricole, dans ces communes en particulier.

Lors des débats à l’Assemblée nationale, la rapporteur a précisé que les dispositions de l’article précédent peuvent s’appliquer aux communes forestières. Toutefois, nous estimons qu’il faut une mesure spécifique pour les communes au territoire extrêmement boisé : ce serait bénéfique tant pour l’agriculture que pour les paysages.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. L’article 214-13-1, inséré dans le code forestier par la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014, a introduit une souplesse : les communes de montagne peuvent, sans demander d’autorisation, procéder à des défrichements lorsqu’elles sont dotées d’un schéma communal concerté approuvé par la commission régionale de la forêt et du bois et conforme au programme régional de la forêt et du bois.

Pour bénéficier de cette disposition, les communes de montagne doivent être boisées à plus de 70 %, et que le taux de boisement après défrichement ne s’établisse pas à moins de 50 %.

Le présent amendement tend à abaisser à 60 % le seuil de boisement initial, sans modifier les autres conditions fixées. Une commune boisée entre 60 % et 70 % est, il est vrai, déjà très à l’ombre des forêts ! (Sourires.) La commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Abaisser le seuil de 70 % à 60 % exposerait à un risque de déboisement excessif, alors que la forêt joue un rôle essentiel dans les zones de montagne, en particulier pour prévenir certains risques naturels. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. M. le ministre rappelle avec raison que, en montagne, la forêt joue un grand rôle de protection contre les risques naturels. Cependant, d’une commune à l’autre, ce rôle n’a pas nécessairement la même importance. Il ne me semble pas absurde, dès lors, de ramener le taux de boisement initial à 60 %, surtout si le défrichement peut permettre de maintenir ou de développer les activités agricoles. Dans certaines communes de montagne, les jeunes qui souhaitent s’installer peinent à trouver des terrains.

À ce propos, je m’étonne que les amendements nos 318 rectifié et 344 rectifié bis aient été déclarés sans objet. À mon sens, leur sort n’était pas directement lié à celui des amendements précédents. L’amendement n° 344 rectifié bis visait en particulier à favoriser l’installation des jeunes agriculteurs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 15 quater
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 15 quinquies (Texte non modifié par la commission)

Article 15 quinquies A (nouveau)

I. – L’article L. 261-7 du code forestier est ainsi rédigé :

« Art. L. 261-7. – Le fait pour une collectivité ou une autre personne morale mentionnée au 2° de l’article L. 211-1, ou son représentant, d’ordonner ou de procéder à des coupes en infraction aux dispositions de l’article L. 124-5 est puni des peines prévues à l’article L. 362-1, ces coupes étant considérées comme illicites et abusives en application du dernier alinéa de l’article L. 312-11. »

II. – Au premier alinéa de l’article L. 362-1 du code forestier, après les mots : « d’une amende », sont insérés les mots : « qui ne peut être supérieure à quatre fois et demie le montant estimé de la valeur des bois coupés dans la limite ».

M. le président. L'amendement n° 113, présenté par MM. Duran, Roux, Jeansannetas, Richard, Guillaume et Raoul, Mmes Cartron et Bataille, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau et Daunis, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Duran.

M. Alain Duran. Introduit en commission des affaires économiques par M. le rapporteur pour avis, cet article aligne les sanctions encourues pour coupes illicites en forêt publique sur celles qui sanctionnent de telles coupes pratiquées en forêt privée, et instaure ainsi un plafonnement des amendes à quatre fois et demie la valeur du bois coupé.

Selon nous, une telle disposition ne favorisera pas la responsabilisation des acteurs. Il s’agit ici de coupes illicites opérées dans des forêts publiques appartenant au domaine de l’État. Si l’on peut concevoir que des erreurs surviennent dans une forêt privée, liées à un morcellement entre plusieurs propriétaires ou à une méconnaissance de la délimitation des parcelles, cela semble plus difficile s’agissant de forêts domaniales bien identifiées, comme celles de Fontainebleau, de Rambouillet ou d’Orléans.

En conséquence, nous jugeons préférable de conserver le droit actuel pour ce qui concerne les forêts publiques, avec des amendes s’élevant à 1 200 euros par hectare parcouru.

M. le président. L'amendement n° 82, présenté par M. Le Scouarnec, Mmes David, Cukierman, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques a choisi d’aligner les sanctions encourues pour des coupes illicites en forêt publique sur celles qui sont encourues pour le même délit commis en forêt privée, en plafonnant le montant des amendes en fonction de la valeur des bois coupés. Je précise que cette disposition existait avant la refonte du code forestier.

Il est nécessaire que l’échelle des sanctions soit conforme au principe de proportionnalité des peines. En cas de contentieux, il existe un véritable risque de voir aboutir un recours sous forme de question prioritaire de constitutionnalité.

Cet article est donc pleinement justifié, et j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15 quinquies A.

(L'article 15 quinquies A est adopté.)

Article 15 quinquies A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Articles additionnels après l'article 15 quinquies

Article 15 quinquies

(Non modifié)

Le dernier alinéa de l’article L. 113-3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Les mots : « à exploiter inclus dans le périmètre d’une association foncière pastorale » sont remplacés par les mots : » exploités dans les conditions mentionnées à l’article L. 481-1 » ;

2° À la fin, les mots : « dans les zones de montagne mentionnées à l’article L. 113-2 » sont remplacés par les mots : « en zone de montagne ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 334 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet, Morisset et Pillet, Mme Di Folco, MM. Raison et Pierre, Mmes Imbert et Morhet-Richaud, MM. Chasseing, Bizet, Chaize, Mandelli, Pointereau, B. Fournier, Sido et de Raincourt et Mmes Lamure et Deromedi, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le dernier alinéa de l’article L. 113-3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Après le mot : « exploiter », est inséré le mot : « sont » ;

2° Les mots : « sont situés principalement » sont remplacés par les mots : « ou sont propriété d’une collectivité territoriale, et dès lors qu’ils sont situés ».

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Il convient de donner aux éleveurs locaux ou aux groupements pastoraux d’éleveurs situés en zone de montagne la priorité pour l'exploitation des pâturages. À cet égard, ces dispositions répondent à la préoccupation exprimée par M. Dantec : il faut que les déboisements soient bien destinés à recréer des pâturages, afin de promouvoir la biodiversité.

M. le président. L'amendement n° 61 rectifié bis, présenté par MM. A. Marc, Raison, Genest, Commeinhes, Calvet, Longuet, Morisset et de Raincourt, Mmes Deromedi, Lamure et Morhet-Richaud et MM. Doligé et Chasseing, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le dernier alinéa de l’article L. 113-3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Les mots : « sont situés principalement » sont remplacés par les mots : « ou dans le domaine d’une collectivité territoriale sont situés » ;

2° À la fin, les mots : « mentionnés à l’article L. 113-2 » sont remplacés par les mots : « visées à l’article premier de la loi n° … du … de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne ».

La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, les espaces pastoraux ont été reconnus comme espaces de production agricole. Ils bénéficient désormais des droits à paiement de base. Cette reconnaissance peut se révéler très positive pour les territoires de montagne, dans la mesure où elle profite aux éleveurs qui y sont implantés.

De plus, l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN, a fait l’objet d’une négociation avec la Commission européenne, qui a abouti à la suppression du critère de localisation du siège d’exploitation en zone défavorisée. Désormais, les transhumants peuvent donc prétendre eux aussi à cette aide, bien qu’ils ne vivent pas en montagne l’hiver et ne supportent pas les surcoûts liés à l’implantation des bâtiments en montagne.

Toutefois, ces évolutions de la PAC peuvent être à l’origine d’effets pervers. Elles peuvent notamment susciter une forte convoitise à l’égard du foncier pastoral, sans retombées pour la montagne.

Une priorité d’utilisation des espaces pastoraux situés dans le périmètre d’une association foncière pastorale pouvait déjà être accordée aux groupements pastoraux comptant le plus d’éleveurs locaux ou de montagne, en vertu de l’article L. 113-3 du code rural.

Le présent amendement vise à étendre cette disposition aux espaces pastoraux situés dans le domaine de collectivités territoriales, afin de prévoir également une priorité aux groupements pastoraux comptant le plus d’éleveurs locaux ou de montagne, à l’instar des associations foncières pastorales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. L’article L. 113-3 du code rural et de la pêche maritime donne la priorité aux groupements pastoraux comptant le plus d’agriculteurs locaux pour accéder aux terres des associations foncières pastorales.

Le présent amendement vise à étendre le champ de cette priorité aux locations de terres par des collectivités territoriales. Or cet objectif est déjà atteint par le biais du présent article, qui modifie l’article L. 113-3 du code rural et de la pêche maritime afin de prévoir que la priorité aux groupements pastoraux comptant le plus d’agriculteurs locaux vaut pour tous les pâturages situés en zone de montagne, que ces terres soient louées dans le cadre d’un bail rural classique ou au titre d’une convention pluriannuelle de pâturages. Le présent article renvoie précisément à l’article L. 481-1 du même code, lequel vise tous les cas de figure.

Il n’est pas nécessaire d’apporter des précisions relatives aux terres des collectivités territoriales, dans la mesure où la priorité vaudra quels que soient le propriétaire des espaces pastoraux et le type de location. Je demande donc le retrait de ces deux amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’amendement n° 334 rectifié bis, qui vise à donner la priorité, pour l’exploitation des pâturages, aux éleveurs locaux ou aux groupements pastoraux d’éleveurs situés en zone de montagne, est satisfait par le droit actuel.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 61 rectifié bis, je précise à mon tour que, en renvoyant à l’article L. 481-1 du code rural, le présent article inclut dans son champ toutes les conventions pluriannuelles d’exploitation agricole ou de pâturages, que les terrains relèvent d’une association foncière pastorale ou d’une collectivité. Il n’y a donc pas lieu d’apporter cette précision.

Je demande donc moi aussi le retrait de ces deux amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Monsieur Gremillet, l’amendement n° 334 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Daniel Gremillet. Dès lors que M. le rapporteur et M. le ministre nous assurent que cet amendement est satisfait, je vais le retirer. Leurs propos figureront au compte rendu de nos travaux : il est capital que les groupements pastoraux soient prioritaires, notamment en zone de montagne.

Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 334 rectifié bis est retiré.

Monsieur Alain Marc, l’amendement n° 61 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Alain Marc. Je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 61 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements nos 59 rectifié ter, 174 rectifié bis et 273 rectifié sont identiques.

L'amendement n° 59 rectifié ter est présenté par MM. Longeot, Cigolotti, Médevielle, Gabouty et Delcros.

L'amendement n° 174 rectifié bis est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet et Capo-Canellas, Mme Férat, M. Guerriau, Mme Joissains et M. Kern.

L'amendement n° 273 rectifié est présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Après le mot : « pastorale », sont insérés les mots : « ou dans le domaine d'une collectivité territoriale » ;

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 59 rectifié ter.

M. Jean-François Longeot. Il s’agit d’étendre la priorité donnée aux éleveurs locaux ou aux groupements pastoraux composés d’éleveurs de montagne pour l’exploitation de terrains qui appartiennent aux associations foncières pastorales à celle de terrains appartenant à des collectivités territoriales.

Certaines collectivités territoriales acceptent de louer leurs terrains aux groupements pastoraux ou aux agriculteurs les plus offrants, où qu’ils soient implantés. Il convient de donner la priorité aux éleveurs locaux et de montagne.

Introduit dans le texte par nos collègues députés, l’article 15 quinquies restreint le champ d’application de cette disposition aux pâturages exploités, alors qu’elle concerne les terrains à exploiter.

Nous souhaitons étendre aux domaines des collectivités territoriales le champ de la priorité s’appliquant déjà pour les pâturages inclus dans le périmètre d’une association foncière pastorale. Or le présent texte le restreint aux pâturages concernés par une convention pluriannuelle de pâturages, ce qui n’a pas d’objet.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 174 rectifié bis.

M. Loïc Hervé. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 273 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Il est défendu !

M. le président. L'amendement n° 291 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec, Poher et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Les mots : « sont situés principalement » sont remplacés par les mots : « ou dans le domaine d’une collectivité territoriale sont situés » ;

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Cet amendement, très proche des trois précédents, prouve que nous sommes, nous aussi, extrêmement soucieux de l’avenir des éleveurs. Il faut renforcer leur capacité d’exercer leur métier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, je tiens à vous rassurer : l’article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime donne bien la priorité aux éleveurs locaux. Si tel n’avait pas été le cas, j’aurais moi-même déposé un amendement pour y remédier. Il n’est pas du tout satisfaisant de voir des éleveurs et des animaux faire de longs trajets pour rejoindre les pâturages. Le bon sens impose de donner la priorité aux éleveurs locaux. Les amendements étant satisfaits, je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même avis !

M. le président. Monsieur Longeot, l’amendement n° 59 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Jean-François Longeot. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 59 rectifié ter est retiré.

Monsieur Hervé, l'amendement n° 174 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 174 rectifié bis est retiré.

Monsieur Requier, l'amendement n° 273 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 273 rectifié est retiré.

Monsieur Dantec, l'amendement n° 291 rectifié est-il maintenu ?

M. Ronan Dantec. Je retire cet amendement, tout le monde ayant maintenant bien compris que nous défendons les éleveurs locaux ! (Rires.)

M. le président. L'amendement n° 291 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 15 quinquies.

(L'article 15 quinquies est adopté.)

Article 15 quinquies (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 16

Articles additionnels après l'article 15 quinquies

M. le président. L'amendement n° 333 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Morisset, Pillet et de Raincourt, Mme Lamure, MM. Sido et Pointereau, Mme Di Folco, MM. Raison et Pierre, Mme Imbert, MM. Chasseing, Bizet, Chaize et Houpert et Mme Deromedi, est ainsi libellé :

Après l’article 15 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les bâtiments d’élevage et leurs annexes relevant de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, une distance d’éloignement de 100 mètres est imposée à toute nouvelle construction d’habitations et d’immeubles habituellement occupés par des tiers ainsi qu'à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l’exception des extensions de constructions existantes. » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « du premier alinéa » sont remplacés par les mots : « du premier et du deuxième alinéas » ;

3° À la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « du premier alinéa » sont remplacés par les mots : « du premier et du deuxième alinéas » et, à la seconde phrase du même alinéa, les mots : « du deuxième » sont remplacés par les mots : « du troisième » ;

4° Au dernier alinéa, les mots : « du premier alinéa » sont remplacés par les mots : « du premier et du deuxième alinéas ».

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Afin d’établir une réciprocité, cet amendement vise à imposer, pour toute nouvelle construction d’habitations, une distance d’éloignement des bâtiments d’élevage de cent mètres. Il importe que toute perspective d’évolution ne soit pas fermée aux exploitations agricoles parce que des habitations ou des immeubles s’édifient à moins de cent mètres de leurs bâtiments ou de leurs annexes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. La commission émet un avis favorable. À titre personnel, j’exprime même un avis très favorable ! Les exploitations agricoles doivent conserver la possibilité de se développer et de se moderniser. Gardons à l’esprit que, dans bien des communes, les exploitations agricoles se comptent aisément sur les doigts d’une seule main. Les préserver est donc une priorité !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le code rural et de la pêche maritime fixe des règles d’éloignement minimal des constructions des tiers par rapport aux bâtiments agricoles dont la taille ou l’impact justifie le maintien d’un tel éloignement, notamment des habitations.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement les élevages soumis à la législation relative aux installations classées au titre de la protection de l’environnement, les dispositions réglementaires en vigueur fixent, le plus souvent, cette distance minimale à cent mètres. Des distances plus faibles peuvent s’appliquer, mais cela conduit à des difficultés, en termes tant de nuisances subies par les tiers que de possibilités d’extension des élevages de montagne. Après l’installation des tiers, les élevages se trouvent privés de toute possibilité d’adaptation ou de diversification.

Cela étant, la modification du principe de réciprocité proposée par les auteurs de l’amendement pose problème, dans la mesure où on pourrait comprendre que la distance de minimale de cent mètres s’applique à la fois aux tiers et aux élevages. La mettre en œuvre serait source de complexité. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 333 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15 quinquies.

L'amendement n° 173 rectifié bis, présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti et Delcros, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle, est ainsi libellé :

Après l’article 15 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 135-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les associations foncières pastorales, établissements publics créés par arrêté préfectoral pour la gestion pastorale du foncier public et privé de montagne peuvent faire l’objet d’une extension de leur périmètre après délibération favorable de leur assemblée générale, sous réserve que cette extension ne dépasse pas le quart de leur surface précédente et dès lors que tous les propriétaires concernés par l’extension aient donné leur accord écrit. »

II. – À la seconde phrase de l’article L. 135-5 et à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 135-6 du même code, les mots : « dernier alinéa » sont remplacés par les mots : « troisième alinéa ».

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Cet amendement tend à faciliter les possibilités d’extension volontaire pour les associations foncières pastorales, en prévoyant qu’une simple délibération du syndicat de l’AFP suffira. L’extension ne pourrait excéder 25 % de leur surface précédente, contre 7 % actuellement.

Actualisée par l’ordonnance de 2004 et le décret d’application de 2006, la loi pastorale de 1972 permet la création d’associations foncières pastorales sur les parcelles publiques et privées dans les zones naturelles et agricoles. Chaque propriétaire garde tous ses droits sur ses propriétés, en termes de cession ou de vente, mais il doit se conformer au projet de gestion pastorale.

La création d’une AFP intervient après enquête publique et par voie d’arrêté préfectoral. Elle prend la forme d’un établissement public géré par un syndicat élu par l’assemblée générale des propriétaires. Le périmètre de l’association foncière pastorale est celui qui a été soumis à l’enquête publique, et sa comptabilité répond aux règles de la comptabilité publique, qu’il s’agisse de son budget, des décisions modificatives, du compte administratif ou du compte de gestion du trésorier public.

Depuis quarante ans, plusieurs associations foncières pastorales se créent chaque année. Selon les départements, ces structures couvrent entre 20 % et 60 % des surfaces pastorales.

L’ordonnance du 1er juillet 2004 ouvre la possibilité d’étendre le périmètre de ces associations foncières pastorales, mais sous réserve de reprendre en totalité la procédure d’enquête publique au-delà de 7 % d’augmentation de surface. Le syndicat de l’AFP sollicité par des propriétaires pour élargir le périmètre est souvent dissuadé de permettre cette évolution positive par la lourdeur de la procédure.

M. Michel Bouvard. C’est vrai !

M. Loïc Hervé. En conséquence, nous proposons de rendre possible une telle extension par simple délibération de l’assemblée générale des propriétaires, sous réserve que l’extension n’excède pas 25 % de la surface précédente.

M. Michel Bouvard. Très bien ! C’est un amendement de bon sens !

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Le code rural et de la pêche maritime définit le statut des associations foncières pastorales, qui peuvent être des associations foncières autorisées, créées par arrêté préfectoral, ou des associations syndicales libres.

Dans le premier cas, elles ont la nature d’un établissement public et les propriétaires situés dans le périmètre retenu sont forcés d’y participer.

Le code rural et de la pêche maritime ne dit rien de l’extension du périmètre des associations foncières pastorales ou des modifications de statut. C’est l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 sur les associations syndicales de propriétaires qui en fixe le régime. Son article 37 prévoit qu’une enquête publique est réalisée dans ces situations, sauf pour les extensions modestes définies par décret et lorsque les propriétaires concernés ont donné leur accord écrit. Cette précaution paraît nécessaire pour protéger les propriétaires de l’atteinte à leurs droits que représente l’obligation de participer à une association foncière.

L’amendement tend à ce que les associations foncières puissent étendre leur périmètre jusqu’à concurrence de 25 % de la surface de départ sur simple décision de leur part, le plafond actuel de 7 % étant très peu élevé.

La commission a demandé que la rédaction de cet amendement soit modifiée afin de prévoir que chaque propriétaire concerné devra exprimer son accord exprès à l’entrée de ses terres dans le périmètre de l’AFP. Cette modification ayant été apportée, la commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable. Les élus des régions de montagne le savent bien, les associations foncières pastorales constituent un sujet compliqué, relevant d’équilibres subtils et mettant en jeu le droit de propriété. Nous ne devons donc le traiter qu’avec d’infinies précautions. On ne saurait modifier des règles reposant sur des équilibres fragiles sans avoir au moins procédé au préalable à une expertise sérieuse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 173 rectifié bis.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15 quinquies.

L’amendement n° 276 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Après l’article 15 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La section 6 du chapitre II du titre II du livre II de la deuxième partie du code général de la propriété des personnes publiques est complétée par un article L. 2222-24 ainsi rédigé :

« Art. L. 2222-24 – Les actes, contrats et conventions qui ont pour objet l’utilisation ou l’occupation par une station de ski des bois et des forêts de l’État ou sur lesquels l’État a des droits de propriété indivis ne peuvent prévoir le paiement d’une redevance supérieure à un pourcentage du chiffre d’affaires de cette station, fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la forêt et du tourisme. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Nous souhaitons attirer l’attention sur les loyers parfois prohibitifs demandés par l’Office national des forêts, l’ONF, pour les stations de ski et de pleine nature situées en forêt domaniale.

On entend ici par « loyers » les redevances fixées par les actes, contrats et conventions d’occupation ou d’utilisation des bois et des forêts passés entre les collectivités territoriales et l’administration chargée des domaines, pour le compte de l’ONF.

Afin d’éviter que ces redevances ne soient fixées à un niveau prohibitif ou de manière hétérogène en fonction des circonstances locales, le présent amendement vise à encadrer par la loi leur montant, de manière qu’elles ne puissent dépasser un pourcentage du chiffre d’affaires de la station de ski, déterminé par un arrêté conjoint des ministres chargés de la forêt et du tourisme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Cet amendement en recoupe un autre, rejeté par la commission des affaires économiques, qui visait à exonérer de frais de garderie les activités d’exploitation du sol et du sous-sol menées en forêt publique soumise au régime forestier. Nous avions rejeté cet amendement, estimant qu’il pouvait constituer une menace pour l’équilibre économique de l’Office national des forêts.

Au travers de l’amendement n° 276 rectifié, est proposée une formule plus restreinte, sous la forme de l’ajout d’un article dans la partie concernant le domaine privé des personnes publiques. La redevance pour utilisation des bois et forêts par une station de ski serait plafonnée en fonction du chiffre d’affaires de la station, selon un pourcentage fixé par décret. Rappelons que, actuellement, en zone de montagne, l’ONF prélève 10 % des recettes engendrées par l’activité de ski, au titre des frais de garderie. La proposition paraissant raisonnable, l’avis de la commission est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, d’abord parce qu’il n’est pas souhaitable de toucher aux recettes de l’État… Au-delà de cette considération, un tel amendement relève du projet de loi de finances.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 276 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15 quinquies.

Articles additionnels après l'article 15 quinquies
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Articles additionnels après l’article 16

Article 16

I. – Le VI de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase, après le mot : « agricoles », sont insérés les mots : « au développement économique et au maintien de l’emploi dans les territoires de montagne, ainsi qu’ » ;

2° Après la première occurrence du mot : « pour », la fin de la dernière phrase est ainsi rédigée : « compenser les handicaps naturels, pour tenir compte des surcoûts inhérents à l’implantation en zone de montagne, pour lutter contre l’envahissement par la friche de l’espace pastoral et pour préserver cette activité agricole des préjudices causés par les actes de prédation, qui doivent être régulés pour ne pas menacer l’existence de l’élevage sur ces territoires. » ;

3° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :

« Aux fins de réaliser ce dernier objectif, les moyens de lutte contre les actes de prédation d’animaux d’élevage sont adaptés, dans le cadre d’une gestion différenciée, aux spécificités des territoires, notamment ceux de montagne. Ces moyens de lutte correspondent aussi bien aux moyens de protection des troupeaux, notamment les parcs et les chiens de protection, qu’aux tirs d’effarouchement, de défense, de défense renforcée et aux prélèvements. »

II. – (Non modifié) L’article L. 427-6 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le cas échéant, elles peuvent être adaptées aux spécificités des territoires de montagne, en particulier en matière de protection des prairies permanentes, dans le cadre et les limites fixés à l’échelon national. » ;

2° La première phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : « et ouvre droit à indemnisation de l’éleveur ».

M. le président. La parole est à M. Alain Duran, sur l’article.

M. Alain Duran. Sénateur de l’Ariège, je vis dans un département où la prédation, non pas des loups, mais de l’ours, cause d’importants dégâts à l’activité pastorale. Cet automne, 676 brebis sur 14 000 ne sont pas redescendues des estives.

Je tenais à prendre la parole pour exprimer mon soutien à cette rédaction de l’article 16, qui précise que les actes de prédation doivent être régulés pour ne pas menacer l’existence de l’élevage dans les territoires de montagne.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Alain Duran. Je m’exprime ici en mon nom propre, car ma position n’est pas celle du groupe politique auquel j’appartiens.

M. Michel Bouvard. Eh bien, il a tort !

M. Alain Duran. Je sais cependant que nombre de mes collègues s’accordent avec moi pour constater que le mode actuel de prélèvement des grands prédateurs n’est plus adapté à certaines réalités. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Alain Marc. Très bien !

M. Alain Duran. Que peuvent faire, par exemple, les éleveurs lorsque le plafond des trente-six prélèvements autorisés a été atteint en milieu d’année ? Doivent-ils attendre six mois, les bras croisés, que leur élevage soit décimé ?

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Alain Duran. Il est indispensable que la régulation se fasse, de manière juste et proportionnée. Donnons-nous les moyens de recenser réellement les populations de prédateurs, afin que nous puissions prendre les mesures adaptées lorsqu’ils sont en situation de prolifération.

À défaut, nous prendrions le risque de décourager entièrement une profession et de mettre à mal non pas l’agriculture industrielle, mais l’agriculture de qualité. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je parle de l’agriculture paysanne, celle qui se nourrit du pastoralisme, dont il n’est plus nécessaire d’exposer les précieux apports économiques, environnementaux et culturels.

Au-delà de la disparition des animaux, il y a de la colère et, surtout, de la souffrance chez nos paysans. Je tenais à la faire entendre ce soir, au moment où nous abordons l’examen de l’article 16 ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l’article.

M. Daniel Gremillet. Mon propos rejoindra celui de mon collègue Alain Duran.

Je regrette que l’article 40 de la Constitution ait été invoqué contre certains amendements. Nous avons débattu tout à l’heure de l’intérêt économique et de l’apport des prairies en termes de biodiversité. Or ceux-ci reposent sur la présence d’animaux. Ne pas gérer de manière globale les grands prédateurs sur l’ensemble de nos territoires et manquer de courage face à cette question expose les éleveurs, qui risquent au quotidien de voir leurs troupeaux décimés.

C’est une question de respect du travail des femmes et des hommes qui entretiennent nos territoires de montagne, ce qui permet de minimiser les risques d’incendie ou d’avalanche.

Nous devons absolument prendre cette dimension en considération au travers de ce texte. En particulier, les indemnisations doivent être à la hauteur des dégâts causés par les grands prédateurs dans les massifs.

M. le président. L’amendement n° 249, présenté par Mmes Blandin et Bouchoux et M. Desessard, est ainsi libellé :

Alinéa 5, dernière phrase

1° Supprimer les mots :

aussi bien

2° Après les mots :

les chiens de protection

supprimer la fin de cette phrase.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je crains que mes propos ne gâchent un peu l’ambiance… (Rires.)

Notre groupe est, lui aussi, partagé sur cette question.

M. Michel Bouvard. C’est un progrès !

M. Jean Desessard. La commission a jugé bon de définir les moyens de lutte contre les actes de prédation par le biais d’une énumération qui inclut les moyens de protection des troupeaux, ainsi que les tirs d’effarouchement, de défense, de défense renforcée et les prélèvements.

On peut tout d’abord s’interroger sur l’opportunité de viser les tirs et les prélèvements dans le texte de la loi, alors que les différents acteurs sont réunis autour d’une table pour élaborer une stratégie de lutte contre la prédation.

M. Jean-Claude Carle. Cela fait bien longtemps qu’ils le sont !

M. Jean Desessard. Cela apparaît comme un contresens : il importe d’attendre de connaître les résultats de ces négociations.

Ensuite, il s’agit ici de l’article L. 1 du code rural, c’est-à-dire des principes qui doivent guider l’action publique en la matière. Inscrire dans cet article une telle énumération revient à mettre les tirs sur le même plan que la protection, et donc à occulter le fait que celle-ci doit rester le principe, s’agissant, je le rappelle, d’espèces animales protégées.

Cette rédaction paraît ainsi encourager les tirs, alors que les méthodes de protection sont efficaces et peuvent s’insérer dans un dispositif d’ensemble, avec notamment des mécanismes lumineux ou sonores pour tenir les prédateurs à distance. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Les tirs doivent rester un dernier recours, être autorisés sur dérogation, en cas d’échec ou d’insuffisance des mesures de protection et ne doivent pas devenir une modalité banale de lutte contre la prédation. C’est pourquoi ils n’ont pas vocation à figurer à l’article L. 1 du code rural.

La rédaction que nous proposons n’exclut donc pas la pratique de tirs, sur dérogation du préfet, au titre des articles L.411-1 et L.411-2 du code de l’environnement, mais c’est une solution subsidiaire et de dernier recours.

Les signataires de cet amendement comprennent naturellement les préoccupations des éleveurs confrontés au loup. Leur objectif n’est pas de bannir tout tir, mais d’empêcher une banalisation de cette pratique, en s’assurant que le recours à cette méthode reste l’exception.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur. L’avis est défavorable. Nous avons adopté, en commission, un amendement de M. Savin et de plusieurs de ses collègues visant à préciser que la gestion différenciée en matière de lutte contre la prédation dans les zones de montagne prenait la forme de mesures pouvant reposer sur des parcs et des chiens de protection, mais aussi des dispositifs d’intervention sur les animaux comme les tirs d’effarouchement ou de défense et des prélèvements.

Cet amendement vise à supprimer la mention des tirs d’effarouchement et des prélèvements. Je n’en comprends pas la motivation. En effet, dans le droit actuel, les moyens de lutte incluent déjà de telles mesures. Il est indispensable de pouvoir graduer la réponse lorsque la situation l’exige.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Le texte a le mérite d’être arrivé à un point d’équilibre en visant la palette des actions nécessaires pour encadrer et limiter les actes de prédation. Si nous ne le maintenons pas, on ne pourra plus, dans certains endroits, pratiquer de tirs d’effarouchement en raison de l’existence de zones de silence, par exemple. On s’exposera à des recours devant les tribunaux.

Il me semble important que l’ensemble des mesures pouvant être mises en œuvre soit inscrit dans la loi. Nos collègues signataires de l’amendement comprennent peut-être les préoccupations des éleveurs ; je pense, quant à moi, que ceux-ci attendent des mesures concrètes. Le désespoir est profond dans le milieu du pastoralisme. J’ai rencontré cet été des jeunes femmes qui ont pris la suite de leurs parents éleveurs. Leur détresse était poignante. Elles s’accrochent encore à leur métier, parce qu’elles aiment leur terre, mais elles sont prêtes à renoncer devant des actes de prédation qui se multiplient, devant la lenteur et la complexité de mise en œuvre des dispositions. Nous devons envoyer aujourd’hui un signal fort !

Ce texte a le mérite d’énumérer les mesures nécessaires. Si nous ne le votions pas, nous ne serions pas à la hauteur des attentes, la déprise agricole et le départ des éleveurs des zones d’alpage s’accéléreraient. Or l’élevage est indispensable au maintien des espaces et à la lutte contre les phénomènes d’avalanche et contre l’érosion.

Cet amendement est regrettable, incompréhensible au regard de la situation sur le terrain ! Si nous étions complètement responsables, nous nous battrions pour définir des zones d’exclusion des prédateurs des secteurs de pastoralisme. Ce n’est pas possible en raison de la convention de Berne, mais c’est la seule position raisonnable si nous voulons sauver cette activité.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis.

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. J’ai interpellé à de nombreuses reprises les ministres de l’agriculture et de l’environnement sur les problèmes rencontrés par l’élevage et les dégâts qu’il subit.

Pourquoi nos collègues écologistes ne prennent-ils pas en considération les 10 000 moutons et agneaux qui meurent dans des conditions abominables, déchiquetés par des loups, et souffrent des nuits durant ?

M. Michel Bouvard. Et après, on va filmer dans les abattoirs ! C’est absurde !

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Pourquoi ne pourrait-on pas tuer un loup, alors que l’on laisse 10 000 bêtes se faire tuer dans de telles conditions ? Qu’en est-il de tous ces animaux ? Vous n’en parlez jamais !

Par ailleurs, les loups s’attaquent également aux humains. Dans le Jura, on se souvient du petit Jupille, mordu par des loups et sauvé par le vaccin de Pasteur ! Avec 600 loups dans le pays, des drames surviendront un jour ou l’autre, parce que nous aurons laissé croître considérablement la population de loups ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Cet article a fait débat au sein du groupe écologiste. Il ne vous aura pas échappé que certains de ses membres, dont je suis, n’ont pas signé cet amendement.

Il me semble que la rédaction de cet article est intéressante en ce qu’elle fait référence à la gestion différenciée. Dans une première version, il n’y était question que de prédateurs.

La notion de « gestion différenciée » doit être bien comprise. Elle implique que le loup a toute sa place dans un parc national, alors que nous savons que certains d’entre eux sont devenus de grands parcs à moutons ces dernières années, du fait d’une conception très extensive de l’élevage. Un parc national sans grands prédateurs, cela fait rire la terre entière ! Les Russes vivent avec le tigre, dont la population augmente, les Tanzaniens avec le lion, et nous, nous ne serions pas capables de vivre avec le loup ou l’ours ? Nous sommes en complet décalage avec la modernité du monde.

Certaines évolutions très intéressantes se font toutefois jour. Ainsi, pour la première fois, en juillet, le comité de massif des Pyrénées n’a pas rejeté l’ours. Celui-ci a évidemment sa place dans les Pyrénées : il y va du respect de la convention sur la biodiversité qui vient d’être discutée à Cancún et des traités internationaux que nous avons signés.

Nous devons progresser vers la gestion différenciée, ce qui signifie aussi vivre avec les grands prédateurs sur un certain nombre de territoires, dans lesquels la question de l’élevage doit être posée. Sur d’autres, il faut maintenir l’élevage et savoir se défendre contre le loup.

Cet article, dans sa rédaction actuelle, me semble donc intéressant, mais j’ai encore entendu des propos caricaturaux, qui nous ramènent au XIXe siècle ! En tout état de cause, je n’ai pas signé l’amendement, au risque d’être brocardé dans d’autres enceintes.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

M. Alain Marc. Certains arguments avancés en défense de cet amendement m’apparaissent franchement incompréhensibles ! José Bové vit dans la circonscription du Massif central que je représente : il n’a absolument pas la même position que vous au sujet du loup !

M. Michel Bouvard. Depuis qu’il est arrivé dans le Larzac…

M. Alain Marc. Oui, il y a des loups sur le Larzac, mais aussi dans les autres territoires de l’Aveyron. Nous vivons avec le loup ; il n’est pas, pour nous, une réalité lointaine, abstraite !

Êtes-vous venus à la rencontre des éleveurs sur le terrain, pour parler ainsi des moyens de défense contre le loup ? Absolument pas ! Nous devons être pragmatiques, et cesser de multiplier les atermoiements avant d’en venir à autoriser quelques tirs d’effarouchement ! Des hommes et des femmes vivent aujourd’hui sur nos territoires dans des conditions suffisamment difficiles pour que l’on n’y ajoute pas le loup. Il y va de l’avenir du monde rural dans les zones de déprise. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je n’ai pas dissimulé le fait que les écologistes ne partagent pas tous la même position sur ce sujet. Vous citez José Bové : certains membres de notre groupe sont d’accord avec lui.

Bien évidemment, je suis allé à la rencontre des éleveurs ! Ce dont il s’agit ici, c’est du respect de la convention de Berne. Les écologistes ont une vision globale et ne souhaitent pas que les lions, les tigres, les ours ou les loups disparaissent de la planète ! Si, à chaque menace, on éradique une espèce, alors il n’en restera pas beaucoup ! Nous devons accepter l’existence d’autres espèces, qui peuvent effectivement constituer parfois une menace pour les humains. Si on éradique en France, pourquoi ne le ferait-on pas également dans les autres pays d’Europe, en Asie ou en Afrique, où il arrive que certains animaux s’en prennent à l’homme ?

Il faut donc envisager la question de manière globale, en tenant bien sûr compte des désagréments et des dégâts que causent les prédateurs dans notre pays. Monsieur Bailly, ce sont non pas les loups, mais les chiens qui représentent aujourd’hui le plus grave danger pour les humains. Ils blessent, et même tuent des personnes : faut-il les éradiquer ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Il y a plus de patous parce qu’il y a plus de loups !

M. Jean Desessard. Les chiens qui attaquent des humains dans nos villes ne sont pas des patous !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 249.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 175 rectifié, présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delahaye et Delcros, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le 10° de l’article L. 223-8 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, les consultations et avis résultant de l’application des dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement doivent intervenir dans un délai maximum de deux mois à compter de la découverte du foyer infectieux ; ».

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Compte tenu des enjeux de santé publique, des risques sanitaires pour les troupeaux en zones de montagne, des souffrances physiques endurées par les espèces animales protégées frappées par une épizootie, il est nécessaire que la procédure de dérogation à l’interdiction mentionnée au 1° de l’article L. 411-1 du code de l’environnement puisse être accélérée en cas d’urgence.

L’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail doit intervenir dans un délai suffisamment rapide pour permettre de contrer les risques, de mettre fin à l’inquiétude des exploitants agricoles et d’éradiquer les foyers d’infection.

Un foyer de brucellose – appelée « fièvre de Malte » chez l’homme – découvert en avril 2012 en Haute-Savoie a donné lieu à une décision d’abattage partiel de bouquetins dans le massif du Bargy en octobre 2013. Ce délai de dix-huit mois était beaucoup trop long au regard des risques sanitaires encourus.

Cet amendement vise donc à fixer un délai maximal de deux mois entre la découverte de la maladie et la décision ministérielle.

Je souhaitais vraiment aborder ce soir cette question de la brucellose des bouquetins du Bargy, car elle n’est pas réglée. Il y va de la santé humaine et de la santé des bovins du massif des Aravis. Les bovins sont encore exempts de brucellose en France, mais une menace considérable continue de peser sur nos exportations de viande et de produits laitiers.

J’attire de nouveau l’attention du Gouvernement sur ce problème de l’épizootie de brucellose dans le Bargy, qui doit absolument être réglé.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur. Notre collègue Loïc Hervé évoque un cas que je connais bien car, comme Jean-Claude Carle, je suis issu du même territoire. Lorsque j’ai mené les auditions, c’est l’un des points majeurs sur lesquels j’ai souhaité attirer l’attention de mes interlocuteurs.

Loïc Hervé, Jean-Claude Carle et moi-même avons participé à de nombreuses réunions avec des spécialistes de ce sujet très important, qui recouvre des enjeux de santé publique et des risques sanitaires pour les troupeaux en zones de montagne.

Nous ne pouvons donc nous satisfaire d’ajouter dans la loi deux lignes qui n’auraient aucune portée concrète. Cela équivaudrait à nous débarrasser de ce problème à peu de frais.

Permettez-moi de revenir brièvement sur le droit existant, pour que chacun comprenne bien de quoi il s’agit.

Le code rural et le code de l’environnement comportent tous deux des dispositions permettant d’aller jusqu’à l’abattage d’animaux d’une espèce animale sauvage protégée en cas de danger grave pour la santé publique. C’est le cas pour ces bouquetins. Certains spécimens ont d’ailleurs été détruits à ce titre. Je souligne que c’est le Sénat qui, à l’occasion de l’élaboration de la loi pour l’avenir de l’agriculture de 2014, a renforcé ces mesures, sur l’initiative de sa commission des affaires économiques.

Le code de l’environnement prévoit que l’ANSES doit être saisie en vue de mener une expertise indépendante afin de déterminer s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante que la destruction d’une espèce protégée, par dérogation au principe général de protection.

Dans le cas de la brucellose, les délais ont été démesurément longs : la découverte d’un foyer d’infection en avril 2012 a donné lieu à une décision d’abattage partiel de bouquetins en octobre 2013.

En outre, l’ANSES a rendu en juin 2015 un rapport aux termes duquel elle estime que le risque actuel de transmission de la brucellose aux cheptels domestiques par les bouquetins est de « quasi nul » à « minime ».

Il faut que l’on puisse agir rapidement en cas de menace pour la santé publique ou les troupeaux, mais on ne peut pas se passer d’une expertise scientifique et vétérinaire pour apporter la meilleure réponse possible.

Chaque cas d’épidémie est spécifique et complexe. L’amendement vise à réduire à deux mois le délai maximal accordé à l’ANSES pour rendre son avis. Chacun ici sait que c’est impraticable. Tous les ans, lors de l’examen du projet de loi de finances, nous tirons la sonnette d’alarme à propos des moyens de l’ANSES, comme l’a fait notre collègue Pierre Médevielle cette année.

Comment trouver en deux mois la bonne solution pour lutter contre une épizootie ? C’est illusoire ! C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement. À titre personnel, je voterai l’amendement de mon collègue Loïc Hervé. Je regrette qu’une directive signée par Ségolène Royal, Stéphane Le Foll et Barbara Pompili soit revenue sur l’arrêté d’abattage partiel qui avait été pris par le préfet de Haute-Savoie de l’époque, M. Georges-François Leclerc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. La détermination des délais de réponse aux demandes de dérogation à la protection des espèces pour la faune sauvage relève du niveau réglementaire, et non de la loi. Ils sont ainsi fixés à l’article R. 411-6 du code de l’environnement, qui a d’ailleurs été modifié en juillet 2015. Cet article fixe à quatre mois le délai au-delà duquel est créé un refus tacite faute de réponse de l’autorité administrative. Il n’y a pas de raison de prévoir un délai différent dans le code rural et de la pêche maritime.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Il me semble difficile de voter cet amendement, bien que ses auteurs posent une vraie question, qui ne concerne pas que le bouquetin.

Les délais de réponse sont beaucoup trop longs dans notre pays. On l’a également vu à propos du frelon asiatique ou des plantes envahissantes.

Dans le cadre de la gestion différenciée, qui fait consensus entre nous, la présence du loup peut contribuer à régler le problème de l’épizootie véhiculée par les bouquetins…

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Carle. Il s’agit d’un véritable problème de santé publique, eu égard aux conséquences de la brucellose pour les humains et les troupeaux domestiques.

Lorsqu’un troupeau domestique de bovins ou d’ovins est contaminé par la brucellose, la décision d’abattage est immédiate. Ce n’est pas le cas pour les bêtes sauvages : l’incohérence est totale ! Je voterai l’amendement n° 175 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. J’entends que la présence de cette maladie dans le Bargy serait due à l’absence de sélection naturelle. Connaissant bien la géographie de ce massif, j’estime pour ma part qu’elle tient plutôt à l’absence de régulation de la population, le bouquetin n’étant pas chassable en France. Je doute que l’introduction d’un grand prédateur comme le loup puisse être une solution…

Monsieur le rapporteur, l’on peut s’inquiéter de faiblesse des moyens affectés à l’ANSES. Je partage volontiers cette préoccupation.

Cela étant, les connaissances scientifiques sur la fièvre de Malte chez l’homme et la brucellose chez le bouquetin sont stables. Elles permettent à une autorité telle que l’ANSES de délivrer un avis assez rapidement.

Cet amendement a été rédigé en lien avec notre collègue député Bernard Accoyer. Une fois que l’ANSES a rendu son avis, les décisions administratives et politiques nécessaires, parfois difficiles à faire accepter par le monde environnemental, peuvent être prises : plus la procédure sera rapide et cohérente, plus l’action publique en vue de la résolution des problèmes sera efficace.

On parle du bien-être animal dans les abattoirs, mais pas des bouquetins malades du Bargy, ni des troupeaux victimes du loup ! Soyons cohérents ! Monsieur le ministre, agissons de manière rapide et efficace pour résoudre définitivement cette question des bouquetins malades dans le Bargy !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 175 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 239, présenté par MM. Savin et Calvet, Mme Lamure, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Carle, B. Fournier, Raison, Darnaud, Saugey et Genest, Mme Giudicelli et MM. Chaize et A. Marc, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le 7° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « , notamment des loups lorsqu’ils sont susceptibles de causer des dommages importants aux élevages et aux cultures. »

La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Les éleveurs, les bergers, mais aussi les élus locaux de nos massifs se sentent abandonnés face aux attaques répétées du loup, de plus en plus nombreuses. Comme le rappelait M. Bailly tout à l’heure, on dénombrait près de 10 000 animaux victimes en 2015. Cette année, leur nombre sera équivalent, voire plus élevé.

La population de loups en liberté augmente, quant à elle, de 20 % chaque année. Il ne s’agit donc pas d’une espèce en voie de disparition !

De plus, 40 % des attaques se déroulent dorénavant en pleine journée, parfois à proximité des habitations. Ces attaques récurrentes ont lieu en dépit des mesures de protection, dont les environnementalistes eux-mêmes reconnaissent les limites. Pour seule réponse, l'État a versé 21 millions d’euros d’indemnisation en 2015.

Dans le même temps, des habitants et des randonneurs ont été victimes d’agressions très graves de chiens dressés pour protéger les troupeaux, les patous, qui ne font pas la différence entre les prédateurs et les humains.

Cette situation pénalise également le tourisme, activité très importante dans nos territoires. Du fait des attaques de loups et, surtout, de la présence de patous, touristes et randonneurs délaissent nos massifs.

Cette situation montre que le loup gagne la bataille géographique, en progressant sur les terres et en se rapprochant de plus en plus des habitations, qu’il gagne la bataille économique, car la détresse des éleveurs est telle qu’ils sont nombreux à vouloir arrêter leur activité, qu’il est en train de gagner la bataille politique, du fait de l’absence de propositions des pouvoirs publics.

Il faut donner aux élus locaux, notamment aux maires, qui sont aujourd'hui dépourvus de moyens d’action face à la recrudescence des attaques, un signal fort.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Michel Savin. Que répondez-vous au maire de Chichilianne, dans l’Isère, qui se retrouve aujourd'hui traduit devant les tribunaux judiciaires, ainsi que sa commune, parce qu’une personne de cinquante-sept ans a été hospitalisée à la suite de l’attaque d’un patou ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur. Les auteurs de cet amendement souhaitent prévoir qu’ordonner des tirs de prélèvement de loups, par dérogation à la directive communautaire et à la convention de Berne, soit de la responsabilité du maire, au titre de ses pouvoirs de police, et non plus du préfet, comme c’est le cas actuellement.

Le dépôt d’un tel amendement s’explique par la situation dramatique de certains éleveurs devant la prolifération du loup. C’est justement en raison de cette situation que l’article 16 du présent projet de loi pose le principe d’une gestion différenciée pour les territoires de montagne : lorsque la situation l’exigera, il sera possible de prélever davantage de loups.

L’article 16 pose aussi le principe de l’automaticité de l’indemnisation de l’éleveur pour les dégâts causés à ses troupeaux par les loups.

En revanche, transférer les pouvoirs du préfet au maire en la matière me semble aller trop loin. On s’engagerait là dans un transfert de compétence qui ne me semble pas bien pesé. Aujourd’hui en effet, en matière d’espèces protégées, comme le loup, la loi reconnaît au préfet un droit de police spéciale, qui lui permet d’organiser les opérations de chasse dès lors qu’elles sont justifiées. Grâce à la gestion différenciée, il pourra y en avoir davantage. L’adoption de cet amendement rendrait illisible la répartition des compétences de police spéciale entre le maire et le préfet, sans que soient prévues les modalités d’exercice du contrôle de légalité du préfet.

Il appartient au préfet de garantir le respect du cadre national de lutte contre le loup. C’est lui qui garantit notamment le respect du nombre de prélèvements, et il ne nous semble pas pertinent de changer cette répartition des rôles.

En outre, je ne suis pas sûr que nous ayons tous bien pesé les risques qu’il y aurait à conférer une responsabilité supplémentaire aux maires en matière de tirs de loups. J’ai demandé l’avis de l’Association des maires de France : elle est résolument défavorable à une telle mesure. J’ai également consulté des maires de mon territoire qui sont capitaines de louveterie et membres de la Fédération nationale des chasseurs : tous y sont opposés.

De surcroît, si les territoires des communes sont clairement délimités, les loups les respectent-ils ? Les maires des communes concernées, qui pourront être de sensibilités politiques différentes, prendront-ils tous des arrêtés allant dans le même sens ? À mon sens, seul le préfet peut assurer une cohérence géographique en la matière.

Enfin, le risque de contentieux est énorme ! Les maires seront vraiment pris entre le marteau et l’enclume, confrontés à une population partagée sur cette question, d’autant qu’ils devront rendre des comptes, puisque des quotas nationaux doivent être respectés.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

Le loup est protégé par la convention de Berne de 1979 et relève, à ce titre, d’un traitement particulier. Il appartient donc aux seules autorités de l’État de faire procéder à la capture ou à la destruction d’un loup.

Par ailleurs, je ne suis pas du tout persuadé qu’adopter la disposition proposée rendrait service aux maires, au contraire ! L’AMF, consultée par le rapporteur, s’est prononcée contre. Les maires se trouveraient pressés par les uns de détruire tous les loups de France et de Navarre, par les autres de les préserver ! Il n’est pas possible d’avoir 36 000 gestions différentes de ce problème !

La ministre de l’environnement a fortement augmenté le quota, tout en restant dans le cadre de la convention de Berne. Les choses sont équilibrées. Ne déstabilisons pas un dispositif qui ne fonctionne pas si mal, même si je comprends la grande colère et la désespérance des bergers qui voient leurs troupeaux attaqués par des loups ou des chiens errants.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

M. Michel Savin. Monsieur le ministre, s’agissant des chiens errants, le maire peut prendre un arrêté et demander à des louvetiers de faire des battues pour protéger les populations.

M. Jean-Claude Carle. C’est vrai !

M. Michel Savin. Ce qui est possible pour le chien errant ne l’est pas pour le loup.

J’ai moi aussi interrogé des maires : certains sont hésitants, mais d’autres seraient tout à fait prêts à assumer cette responsabilité.

Que répondre à un maire dont l’un des administrés a été attaqué par un patou et qui se retrouve, pour cette raison, devant la justice ? Quelle solution propose-t-on aux maires qui sont dans l’incapacité de répondre aux attentes des éleveurs et des habitants ?

Cet amendement vise à accorder la possibilité aux maires de décider, avec leur conseil municipal, de faire appel à des louvetiers, à des professionnels – il ne s’agit pas de permettre à n’importe qui de tirer sur les loups –, pour faire reculer le loup et ramener la tranquillité dans les territoires où l’on pratique le pastoralisme. Aujourd'hui, la détresse et le désarroi des maires et des éleveurs restent sans réponse.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Je voudrais faire un petit rappel pour montrer que l’amendement de notre collègue Michel Savin n’est pas si infondé qu’on veut bien le dire.

J’ai eu le privilège d’être membre de la mission d'information sur le loup, constituée à l’Assemblée nationale en 1999 sous le gouvernement de M. Jospin. J’ai ensuite participé à la commission d’enquête parlementaire qui a été mise en place après 2002.

À l’époque, le code rural autorisait les maires à prendre des arrêtés contre les prédateurs. Ces arrêtés ont été déférés devant la juridiction administrative par Mme Voynet ; puis, un soir, on a modifié la loi en douce pour supprimer la disposition permettant aux maires de prendre des arrêtés contre les prédateurs. C’est la vérité historique : il y a vingt ans à peine, ce que propose Michel Savin était permis par la loi. Cette disposition a été supprimée lorsqu’on s’est aperçu qu’elle entrait en contradiction avec la convention de Berne.

Il est très bien de confier cette responsabilité aux préfets, mais dans quels délais répondent-ils aux sollicitations des maires, eu égard à la lourdeur de la machine étatique ?

Quant au quota de vingt-six loups autorisé, savez-vous combien de louveteaux une louve met au monde chaque année ? Nous sommes face à un phénomène de prolifération.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Nous sommes tous d’accord pour mettre en place une gestion différenciée. Dans cette perspective, il faut reconstruire un service public permettant que le loup, qui est un animal très intelligent, ne s’approche pas des humains. L’État a su le faire dans le passé.

Nous ne sommes pas dogmatiques : il est de l’intérêt tant des défenseurs de l’environnement que des éleveurs que l’on puisse stabiliser les populations de loups et trouver un équilibre. Nous y travaillons, mais les choses peuvent évoluer très vite dans un sens ou dans l’autre.

Par ailleurs, il n’existe pas aujourd’hui de certification des élevages de patous. La plupart de ces animaux, qui représentent une solution élaborée dans l’urgence, sont élevés à l’étranger. Nous devons aborder ce sujet tout à fait important de manière globale. Il y a de bons et de mauvais patous, et ces chiens constituent pour l’homme une plus grande menace que le loup. Nous devons continuer à rechercher un équilibre.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour explication de vote.

Mme Éliane Giraud. À chaque fois que l’on parle de la montagne, y compris au sein de l’association nationale des élus de montagne, on se fait plaisir en évoquant la question du loup. Il faut arrêter de s’envoyer des arguments à la tête.

J’ai écrit à Ségolène Royal parce que, en Isère, il y a eu plus de 380 attaques de loups, l’un de ces animaux étant extrêmement proche des habitations. Il est nécessaire d’envisager les moyens de défense avec les maires et le préfet. Ce travail est en cours, et il ne faut pas faire comme si rien ne se faisait.

Ségolène Royal a interpellé les instances européennes, et j’invite chacun à prendre connaissance de sa réponse à la question écrite que je lui avais adressée sur ce sujet. Il faut cesser de dire que l’on ne fait rien. La question du loup se pose depuis très longtemps, et si les nombreux gouvernements qui se sont succédé ne sont pas parvenus à la résoudre, c’est que cela n’est pas si simple ! Il faut savoir reconnaître les progrès qui sont accomplis.

Les maires ont besoin de réponses. Il faut continuer à travailler ensemble, mais ce n’est pas un amendement au présent texte qui permettra de régler le problème, monsieur Savin.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 239.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.

(L'article 16 est adopté.)

Article 16
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 16 bis

Articles additionnels après l’article 16

M. le président. L'amendement n° 114, présenté par MM. Duran, Roux, Jeansannetas, Richard, Guillaume et Raoul, Mmes Cartron et Bataille, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau et Daunis, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début du 1° des articles L. 2333-53 et L. 3333-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré le mot : « Prioritairement ».

La parole est à M. Alain Duran.

M. Alain Duran. Cet amendement vise à préciser que le produit de la taxe communale et départementale sur les remontées mécaniques est prioritairement affecté aux dépenses destinées à favoriser le développement agricole en montagne.

Actuellement, la loi énumère sept domaines d’affectation de cette taxe, dont le développement agricole et forestier, le tourisme, la prévention des accidents en montagne ou encore la protection contre l’érosion des sols.

Au vu des difficultés rencontrées par le pastoralisme et de la crise qui frappe, d’une manière plus générale, les éleveurs, cet amendement vise à apporter un soutien appuyé à ces derniers, afin de les mettre en mesure de poursuivre leur activité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Les articles L. 2333-53 et L. 3333-7 du code général des collectivités territoriales disposent que le produit de la taxe sur les remontées mécaniques est affecté à des interventions favorisant le développement agricole en montagne, aux dépenses d’équipement, de services, de promotion et de formation induites par le développement du tourisme en montagne et les besoins des divers types de clientèle ainsi qu’à l’amélioration des accès ferroviaires et routiers, aux dépenses de développement d’un tourisme d’initiative locale en montagne et des activités qui y contribuent, à des charges engagées par les clubs locaux de ski pour la formation technique de leurs jeunes adhérents, au financement d’actions de prévention des accidents en montagne conduites par des organismes compétents en la matière, notamment par les sociétés de secours en montagne.

Cet amendement vise à prévoir une affectation prioritaire du produit de cette taxe au développement de l’agriculture en montagne. L’affectation des taxes locales a un caractère largement artificiel ; dès lors, qu’apporte l’introduction du mot « prioritairement » ? La commission des affaires économiques s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je suis beaucoup plus réservé que le rapporteur, car les communes et départements ont la faculté d’instituer une taxe sur les recettes brutes provenant de la vente des titres de transport des entreprises exploitant les engins de remontée mécanique.

Monsieur le sénateur Duran, le produit perçu est alors versé au budget communal et au budget départemental.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je ne suis pas sûr que ce soit le moment de priver les communes et les départements de recettes… Ce produit est par ailleurs affecté à des catégories de dépenses touristiques selon une répartition choisie librement par les collectivités.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’adoption de votre amendement aurait pour effet de restreindre la liberté de choix des collectivités, et donc leur autonomie, y compris en matière de gestion, en les contraignant à affecter prioritairement cette taxe au développement agricole, aux dépens des autres catégories de dépenses visées par le code général des collectivités territoriales.

Or le Gouvernement souhaite que les collectivités puissent demeurer libres – la décentralisation, c’est cela –, d’affecter le produit de la taxe aux dépenses qu’elles souhaitent privilégier, afin de tenir compte de la diversité de l’activité touristique en montagne.

C’est pourquoi le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Je souscris pleinement aux propos du ministre. J’ajoute qu’une telle disposition relève d’une loi de finances et que la rédaction proposée était en vigueur il y a très longtemps. Y revenir en introduisant l’adverbe « prioritairement » serait ne pas prendre en compte la réalité des besoins des collectivités et donnerait de faux espoirs aux agriculteurs. Dans certaines stations, l’activité agricole est encore significative, mais, dans d’autres, ce n’est malheureusement pas le cas. Il faut conserver aux collectivités une souplesse et une liberté de gestion en la matière. Une partie du produit de la taxe doit bien sûr pouvoir être affectée au développement agricole, mais ne rigidifions pas les choses : les contraintes sont déjà suffisamment nombreuses ! Si l’on continue dans cette voie, on finira par tuer l’outil de travail des stations !

M. le président. Monsieur Duran, l’amendement est-il maintenu ?

M. Alain Duran. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 114 est retiré.

L'amendement n° 338 rectifié ter, présenté par MM. Gremillet, Morisset et Pillet, Mme Di Folco, MM. Raison et Pierre, Mmes Imbert et Morhet-Richaud, MM. Chasseing, Bizet, Chaize, Pointereau, B. Fournier, Sido et de Raincourt et Mmes Lamure et Deromedi, est ainsi libellé :

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le 1 de l’article 265 bis du code des douanes est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …) Comme carburant à bord des véhicules porteurs de la catégorie N3 dont le poids total autorisé en charge ne dépasse pas 26 tonnes et utilisés pour les besoins d’opérations de collecte du lait dans les exploitations agricoles situées en zone de montagne telle que définie par décret. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. La situation n’est pas la même dans tous les massifs. Ainsi, dans certains d’entre eux, le lait est collecté tous les jours et les producteurs doivent le transporter sur cinq ou dix kilomètres pour rejoindre le camion-citerne.

Aujourd’hui, nous avons la chance – pour combien de temps encore, je l’ignore – que le prix payé aux producteurs de lait soit identique sur l’ensemble du territoire national, quels que soient les volumes produits et les difficultés du ramassage, alors que les surcoûts de collecte peuvent atteindre, dans certaines zones, 14 centimes pour 1 000 litres.

Par ailleurs, pour que la transformation du lait puisse s’effectuer sous le label « montagne », il faut que l’usine soit implantée en zone de montagne. Cela correspond à la situation dans les Alpes ou dans le Doubs, mais, dans d’autres secteurs, comme le Massif central ou les Vosges, les choses sont plus difficiles.

Cet amendement vise à tenir compte des surcoûts de collecte pour favoriser le maintien des producteurs de lait en zone de montagne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Encourager la collecte de lait en montagne, voilà un objectif auquel on ne peut que souscrire ; mais le dispositif proposé soulève plusieurs interrogations.

Ainsi, une telle aide est-elle compatible avec le droit de l’Union européenne ? Probablement non. En tout état de cause, il conviendrait que ce dispositif, qui, au demeurant, a existé voilà quelques années, soit notifié à Bruxelles avant toute mise en œuvre.

Par ailleurs, une telle disposition n’a-t-elle pas sa place en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale, et ne devrait-elle pas être assortie d’une évaluation de son coût pour les finances publiques ?

J’ajoute que des difficultés pratiques d’application pourraient se poser. Par exemple, comment calculer la fraction de kilométrage pour les collectes en montagne ?

Enfin, on assiste aussi à une déprise laitière dans certaines zones de plaine où la densité laitière s’est réduite. L’aide à la collecte ne devrait-elle pas s’appliquer également dans ces secteurs ?

La proposition de M. Gremillet est intéressante et répond à un vrai besoin, d’autant que nous avons bien réaffirmé, à l’article 1er du projet de loi, « l’importance de soutiens spécifiques aux zones de montagne, permettant une compensation économique de leurs handicaps naturels, assurant le dynamisme de l’agriculture et garantissant un développement équilibré de ces territoires ». Il reste que la mesure proposée nécessite d’être expertisée de façon beaucoup plus approfondie, y compris par Bruxelles. J’émets un avis de sagesse, entouré de fortes interrogations…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable.

D’abord, une telle disposition fiscale a vocation, de toute évidence, à être discutée lors de l’examen d’un projet de loi de finances.

Ensuite, la mesure proposée est totalement contraire au droit de l’Union européenne, puisque la fiscalité des accises sur les produits énergétiques est encadrée par des directives qui ne prévoient pas la possibilité d’une mesure fiscale spécifique au profit d’un certain type de véhicules de transport de marchandises, par exemple ceux qui servent au transport du lait.

Enfin, les véhicules de transport de marchandises d’un poids total autorisé en charge égal ou supérieur à 7,5 tonnes, qu’ils soient affectés ou non à la collecte de lait, en montagne ou non, bénéficient déjà d’un remboursement partiel de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, en vertu de l’article 265 septies du code des douanes.

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.

M. Michel Raison. Je soutiens résolument cet amendement.

N’oublions pas que, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons été nombreux à estimer que l’aide à la collecte du lait ne devait pas porter sur les charges sociales.

Tous les éleveurs n’ont pas la chance que leur lait soit transformé en un produit bénéficiant d’une appellation d’origine protégée, dont la valeur autorise toutes sortes de fantaisies en matière de transport. Dans un certain nombre de massifs, il est difficile de valoriser le lait à un niveau satisfaisant. Cela est d’ailleurs vrai aussi pour le lait destiné à la production de certains fromages bénéficiant d’une AOP, comme le cantal.

Un jour viendra où l’on ne ramassera plus le lait produit par certaines fermes retirées. Nous avons tout intérêt à actionner tous les leviers possibles pour prévenir cette évolution, d’autant que la déprise agricole nuira aussi à d’autres activités, comme le tourisme. Dans certains pays, telle l’Italie, le lait n’est plus collecté dans les zones les plus accidentées. Ce péril nous guette. La suppression des quotas laitiers entraînera des fluctuations de prix de plus en plus fortes. La situation ne sera plus jamais celle que nous avons connue ces dernières années. Il faut trouver des solutions. La mesure proposée constitue un petit levier pour agir, qu’il ne faut pas négliger.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Monsieur le ministre, on ne peut pas se contenter de toujours renvoyer à l’Europe !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il y a pourtant bien des règles européennes ! Qu’en faites-vous ?

M. Daniel Gremillet. Il y a un rendez-vous que nous ne devons pas manquer. Sachez que, dans certains massifs, les producteurs de lait ont été avertis que, en deçà d’un volume de 500 litres tous les deux jours, la collecte ne serait plus assurée… Si nous n’intervenons pas d’une manière volontariste, l’activité économique périclitera dans des secteurs entiers de nos territoires de montagne !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur Gremillet, je connais bien le problème que vous soulevez, pour avoir été longtemps président du conseil général d’un département où l’on produit du lait. Reste qu’il est de mon rôle, en tant que membre du Gouvernement, de vous fournir les informations susceptibles de vous éclairer. En l’occurrence, ne me faites pas grief de vous signaler que votre proposition est totalement contraire au droit de l’Union européenne !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 338 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 16.

L'amendement n° 337 rectifié ter, présenté par MM. Gremillet, Morisset et Pillet, Mme Di Folco, MM. Raison et Pierre, Mme Imbert, MM. Chasseing, Bizet, Chaize, Pointereau, B. Fournier, Sido et de Raincourt et Mmes Lamure et Deromedi, est ainsi libellé :

Après l’article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La section 3 du chapitre 1er du titre 3 du livre 1er du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 131-4-… ainsi rédigé :

« Art. L. 131-4-… – Les gains et rémunérations versés aux salariés embauchés à compter du 1er novembre 2017 pour les besoins d’opérations de collecte de lait dans les exploitations situées en zone de montagne sont exonérés des cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 337 rectifié ter est retiré.

L'amendement n° 240, présenté par MM. Savin et Calvet, Mme Lamure, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Carle, B. Fournier, Raison, Darnaud, Saugey et Genest, Mme Giudicelli et MM. Chaize et A. Marc, est ainsi libellé :

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Des dérogations aux opérations de capture mentionnées au 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l'environnement peuvent être accordées par le maire, en cas de danger imminent pour la sécurité des biens et des personnes.

La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Madame Giraud, la question de la présence du loup ne se pose plus du tout aujourd’hui de la même manière qu’il y a quinze ans. Si l’on veut pouvoir ouvrir un dialogue avec les éleveurs, il faut admettre que les choses ont bien changé !

Je propose que des dérogations aux opérations de capture mentionnées à l’article L. 411-2 du code de l’environnement puissent être accordées par le maire en cas de danger imminent pour la sécurité des biens et des personnes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans la continuité de l’amendement n° 239. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même avis, pour les raisons que j’ai précédemment exposées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 240.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 241, présenté par MM. Savin et Calvet, Mme Lamure, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Carle, B. Fournier, Darnaud, Saugey et Genest, Mme Giudicelli et MM. Chaize et A. Marc, est ainsi libellé :

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, une évaluation présentant la situation du loup en France est présentée par le Gouvernement en France. Cette évaluation établit la situation de la population en France, son évolution depuis dix ans et l’état exact de la mise en œuvre des différents textes régissant la régulation de cette espèce, notamment la convention de Berne et la directive Habitats.

La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Je propose qu’une évaluation de la situation du loup en France soit présentée par le Gouvernement dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi. Cette évaluation établirait l’importance de la population en France, pour que l’on connaisse le véritable nombre de loups présents sur notre sol, son évolution depuis dix ans et l’état exact de la mise en œuvre des différents textes régissant la régulation de cette espèce, s’agissant notamment de la convention de Berne et de la directive Habitats. Il s’agit d’avoir la meilleure visibilité possible sur la situation du loup en France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur. À titre personnel, je ne suis pas forcément favorable à la multiplication des rapports, d’autant qu’un certain nombre sont déjà prévus dans le projet de loi.

Du reste, certaines des données demandées sont d’ores et déjà disponibles et figurent dans mon rapport. Ainsi, selon les dernières estimations de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, la population de loups en France s’établissait à environ 300 individus en 2015-2016, contre seulement une centaine voilà dix ans.

Par ailleurs, d’après le ministère de l’agriculture, le nombre d’ovins victimes du loup est passé d’environ 6 800 en 2013 à plus de 9 000 en 2014 et en 2015, 2 200 attaques ayant été recensées chez un millier d’éleveurs. Les attaques de loups ont doublé en cinq ans, et le nombre des départements concernés a triplé, passant de neuf en 2010 à vingt-sept en 2014.

Le loup est aujourd’hui présent, en dehors du massif alpin, dans le nord-est du pays, dans le Jura et les Vosges, mais aussi dans le Massif central et les Pyrénées.

Enfin, en ce qui concerne l’application de la convention de Berne et de la directive Habitats, je pense que M. le ministre pourra nous donner lui-même les éclaircissements nécessaires ; ce sera mieux que d’attendre un énième rapport !

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il est également défavorable. J’ai déjà exposé, en commission et en séance publique, mon point de vue sur la prolifération des demandes de rapport. Les rapports votés ne sont presque jamais remis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 241.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l’article 16
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 16 ter (Texte non modifié par la commission)

Article 16 bis

(Non modifié)

La dernière phrase des deuxième et avant-dernier alinéas de l’article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime est complétée par les mots : « lorsque les bâtiments concernés ont fait l’objet d’un changement de destination ». – (Adopté.)

Article 16 bis
Dossier législatif : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne
Article 17

Article 16 ter

(Non modifié)

Le cinquième alinéa de l’article L. 323-2 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Un groupement agricole d’exploitation en commun total peut également, sans perdre sa qualité, participer en tant que personne morale associée d’un groupement pastoral, au sens de l’article L. 113-3, à l’exploitation de pâturage. »

M. le président. L'amendement n° 294, présenté par M. G. Bailly, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

pâturage

par le mot :

pâturages

La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Il s’agit d’un simple amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 294.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16 ter, modifié.

(L'article 16 ter est adopté.)

Chapitre IV

Développer les activités économiques et touristiques

Article 16 ter (Texte non modifié par la commission)
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Articles additionnels après l’article 17

Article 17

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, au plus tard le 31 décembre 2017, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

1° Transposer en droit interne la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil ;

2° Simplifier et moderniser le régime applicable aux activités d’organisation ou de vente de voyages et de séjours ainsi qu’aux services et prestations liés, pour tenir compte des évolutions économiques et techniques du secteur et favoriser son développement, dans le respect des impératifs liés à la protection de l’environnement et à la lutte contre le changement climatique.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance. – (Adopté.)

Article 17
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Article 17 bis

Articles additionnels après l’article 17

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Courteau, est ainsi libellé :

Après l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L’article L. 341-4-2 du code de l’énergie est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « pour le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité » sont remplacés par les mots : « pour les gestionnaires de réseau concernés » ;

2° À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « les consommateurs finals raccordés directement au réseau de transport ou ceux équipés d'un dispositif de comptage géré par le gestionnaire du réseau de transport, qui » sont remplacés par les mots : « les consommateurs finals raccordés directement au réseau public de transport, à un ouvrage de tension supérieure ou égale à 50 kilovolts d'un réseau de distribution d'électricité aux services publics ou à un ouvrage déclassé mentionné au c du 2° de l’article L. 321-4 et de tension supérieure ou égale à 50 kilovolts, et les consommateurs finals équipés d'un dispositif de comptage géré par le gestionnaire de l’un de ces réseaux, lorsqu’ils ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. L’article L. 341-4-2 du code de l’énergie, introduit par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, prévoit la mise en œuvre d’une réduction des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité, les TURPE, pour les entreprises fortement consommatrices d’électricité dont les sites présentent un profil de consommation prévisible et stable ou anticyclique.

Toutefois, cette réduction de tarifs n’est applicable, aux termes de la rédaction actuelle de l’article L. 341-4-2 du code de l’énergie, qu’aux clients fortement consommateurs d’électricité raccordés directement au réseau de transport d’électricité géré par RTE. Sont donc exclus de son bénéfice les clients qui, tout en remplissant les mêmes conditions, sont raccordés non au réseau géré par RTE, mais à des réseaux qui, tout en étant eux aussi à haute ou très haute tension, relèvent d’autres gestionnaires, notamment les entreprises locales de distribution.

Cet amendement vise à étendre à ces clients le bénéfice de la réduction, dans un souci d’égalité de traitement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à élargir le bénéfice de la réduction du tarif d’utilisation du réseau de transport prévu par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte aux entreprises électro-intensives qui, bien que remplissant tous les critères requis, n’y sont pas éligibles aujourd’hui, parce qu’elles sont raccordées à un réseau à haute tension non géré par RTE, et non au réseau de transport lui-même.

Ce cas particulier n’est, en effet, pas envisagé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui réserve l’avantage aux entreprises raccordées au réseau de transport, alors que certains souhaitaient qu’il soit étendu aux clients des réseaux de distribution et que les entreprises concernées peuvent s’estimer lésées.

L’extension aux entreprises clientes des réseaux de distribution n’avait pas été retenue, notamment pour des raisons financières – le dispositif actuel se traduira par des transferts de charges de 187 millions d’euros en 2017 –, et parce qu’elle conduirait à un transfert de charges important vers les autres clients raccordés au réseau de distribution, à commencer par les consommateurs domestiques.

Sur ce sujet, je sollicite l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Vial. Je voterai cet amendement que, j’imagine, M. Courteau a déposé compte tenu des responsabilités qu’il exerce par ailleurs. Il s’agit d’harmoniser les mesures prises dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte à destination des gros consommateurs d’électricité.

Deux grands dispositifs ont été instaurés au profit des industriels : le TURPE, dont l’amendement vise à élargir le champ, et le marché capacitaire. Or celui-ci, qui, au cœur de l’hiver, devrait profiter à plein aux industriels, ne fonctionne qu’au tiers de son rendement. J’ai saisi il y a peu le secrétaire d’État chargé de l’industrie de cette situation pour le moins curieuse.

M. le président. Monsieur le ministre, levez-vous le gage ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 6 rectifié.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17.

L'amendement n° 5, présenté par M. Courteau, est ainsi libellé :

Après l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 461-3 du code de l'énergie est ainsi rédigé :

« Art. L. 461-3. – Les tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel applicables aux sites fortement consommateurs de gaz qui présentent un profil de consommation prévisible et stable ou anticyclique sont réduits d'un pourcentage fixé par décret par rapport au tarif d'utilisation des réseaux de transport et de distribution normalement acquitté. Ce pourcentage est déterminé en tenant compte de l'impact positif de ces profils de consommation sur le système gazier.

« Le niveau des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel prend en compte la réduction mentionnée au premier alinéa dès son entrée en vigueur, afin de compenser sans délai la perte de recettes qu'elle entraîne pour les gestionnaires des réseaux de transport et distribution de gaz naturel.

« Les bénéficiaires de la réduction mentionnée au premier alinéa sont les consommateurs finals raccordés directement au réseau de transport ou de distribution qui justifient d'un niveau de consommation supérieur à un plancher et répondent à des critères d'utilisation du réseau. Ces critères sont définis par décret.

« La réduction mentionnée au premier alinéa est plafonnée pour concourir à la cohésion sociale et préserver l'intérêt des consommateurs. Ce plafond est fixé par décret, sans excéder 90 %. »

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. L’article L. 461-3 du code de l’énergie, introduit par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, prévoit la mise en œuvre d’une réduction des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel pour les entreprises fortement consommatrices de gaz dont les sites présentent un profil de consommation prévisible et stable ou anticyclique. Les débats parlementaires mettent en évidence l’intention du législateur de faire bénéficier les consommateurs gazo-intensifs d’un dispositif similaire à celui qui a été prévu pour les entreprises électro-intensives.

Toutefois, si l’article L. 461-3 du code de l’énergie précise qu’un décret fixe les conditions que doivent remplir les consommateurs de gaz naturel pour être éligibles à une réduction des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel, il ne prévoit pas, contrairement à l’article L. 341-4-2 du même code, la fixation du pourcentage de réduction par décret.

Auditionné par la commission des affaires économiques du Sénat, le président de la Commission de régulation de l'énergie a jugé plus simple et plus cohérente avec les principes de tarification français la fixation directement dans la loi ou par décret, pour certaines catégories précisément définies, d’un certain pourcentage, forfaitaire, de réduction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Cet amendement est le symétrique, relatif au gaz, de l’amendement précédent, sur lequel M. le ministre a bien voulu émettre un avis favorable, ce dont je le remercie. La mesure proposée est de nature à profiter aux industries présentes en zone de montagne, qui paient un tarif de distribution plus élevé, car calculé en fonction de la distance parcourue par le gaz livré. L’avis est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il est également favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17.

Articles additionnels après l’article 17
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Article 17 ter (début)

Article 17 bis

(Non modifié)

Le troisième alinéa de l’article 1er A de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement est complété par les mots : « et celles du secteur touristique ». – (Adopté.)

Article 17 bis
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Article 17 ter (interruption de la discussion)

Article 17 ter

(nouveau). – À la seconde phrase de l’article L. 342-18 du code du tourisme, les mots : « 50-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives » sont remplacés par les mots : « L. 311-1 du code du sport ».

II. – L’article L. 342-20 du même code est ainsi modifié :

1°A (nouveau) Au premier alinéa, après les mots : « pistes de ski », il est inséré le mot : « alpin » ;

1° Après les mots : « remontée mécanique », la fin du premier alinéa est supprimée ;

2° Le second alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Après avis consultatif de la chambre d’agriculture, une servitude peut être instituée pour assurer, dans le périmètre d’un site nordique ou d’un domaine skiable, le passage, l’aménagement et l’équipement de pistes de loisirs non motorisés en dehors des périodes d’enneigement. Cet avis est réputé favorable s’il n’intervient pas dans un délai de deux mois à compter de la transmission de la demande d’institution de la servitude.

« Lorsque la situation géographique le nécessite, une servitude peut être instituée pour assurer les accès aux sites d’alpinisme, d’escalade en zone de montagne et de sports de nature, au sens de l’article L. 311-1 du code du sport, ainsi que les accès aux refuges de montagne. »

III (nouveau). – La section 3 du chapitre 2 du titre IV du livre III du même code est complétée par un article L. 342-26-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 342-26-1. – Lorsque la servitude instituée en application des articles L. 342-20 à L. 342-23 est susceptible de compromettre gravement l’exploitation agricole ou sylvicole d’un terrain grevé, son ou ses propriétaires peuvent, à compter de la publication de l’acte créant la servitude, mettre en demeure son bénéficiaire de procéder à l’acquisition du terrain grevé dans les conditions et délais prévus par les articles L. 230-1 et suivants du code de l’urbanisme.

« À défaut d’accord amiable, le prix est fixé selon les règles énoncées aux articles L. 342-25 et L. 342-26 du présent code. Si, trois mois après l’expiration du délai mentionné au premier alinéa de l’article L. 230-3 du code de l’urbanisme, le juge de l’expropriation n’a pas été saisi, la servitude n’est plus opposable au propriétaire comme aux tiers. »

IV (nouveau). – L’article 54 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne est abrogé.

M. le président. L'amendement n° 275 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. L’article 17 ter étend aux domaines skiables l’application des servitudes d’urbanisme en zone de montagne, destinées à permettre le passage, l’aménagement et l’équipement de pistes de loisirs non motorisées en dehors des périodes d’enneigement.

Le présent amendement vise à supprimer cet élargissement, qui constitue une atteinte grave au droit de propriété, afin de limiter l’application des servitudes aux sites nordiques, conformément au droit en vigueur.

Étendre les servitudes d’été aux domaines skiables, qui sont de vastes surfaces supports de l’activité pastorale, aboutirait à la cohabitation, sur un même lieu et au même moment, de deux activités qui ne sont pas toujours compatibles. Or le pastoralisme est essentiel à l’activité économique des exploitations de montagne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Le partage de l’utilisation des sols entre le tourisme et l’agriculture est un problème sensible, qui a donné lieu à de longues discussions à l’Assemblée nationale. Les députés ont finalement trouvé un équilibre qui marque une avancée. Il ne me semble pas opportun de le remettre en cause, car il existe un besoin de développement touristique sur le terrain, qui doit être concilié avec la protection des droits des agriculteurs. Il semble que, aujourd’hui, les choses ne se passent pas trop mal. Abstenons-nous donc de modifier le dispositif. L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il est identique à celui de M. le rapporteur pour avis. L’article 17 ter est le fruit de la recherche, par l’Assemblée nationale, d’un équilibre entre plusieurs objectifs légitimes : la valorisation de certaines zones de montagne pour des activités de loisirs, le respect de l’agriculture et des autres activités économiques, la protection de la nature et le respect du droit de propriété, qui est un principe constitutionnel. Aussi, monsieur le sénateur, je vous saurais gré de retirer cet amendement, dont l’adoption remettrait en cause des équilibres qui satisfont à peu près tout le monde, sauf, manifestement, ceux qui ont inspiré cet amendement… S’il n’est pas retiré, l’avis sera défavorable.

M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 275 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, nous le retirons.

M. le président. L’amendement n° 275 rectifié est retiré.

L'amendement n° 60 rectifié, présenté par MM. Longeot et Gabouty, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 342-20 du code du tourisme et ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Après les mots : « peuvent être grevées », sont insérés les mots : « , après avis de la chambre d’agriculture » ;

b) Après les mots : « des sites nordiques », sont insérés les mots : « , dont la définition est précisée par décret, »

2° Au second alinéa, après le mot : « instituée », sont insérés les mots : « , après avis de la chambre d’agriculture, » ;

3° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’avis de la chambre d’agriculture est réputé favorable s’il n’intervient pas dans un délai de deux mois à compter de la transmission de la demande d’institution de la servitude. »

La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise, d’une part, à maintenir l'article L. 342-20 du code du tourisme dans sa rédaction actuelle, dont le champ est limité aux sites nordiques – leur définition mériterait d'être clairement précisée par un texte d'application –, et, d'autre part, à éviter la généralisation des servitudes sur l'ensemble des domaines skiables. Cette généralisation sur des surfaces considérables constituerait en effet une atteinte grave au droit de propriété.

Par ailleurs, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale sous-entend l'extension de ces dispositions à la saison estivale, alors que, en été, les espaces concernés sont le plus souvent pâturés.

Étendre les servitudes d’été aux domaines skiables, qui sont de vastes surfaces supports de l’activité pastorale, aboutirait à la cohabitation, sur un même lieu et au même moment, de deux activités qui ne sont pas toujours compatibles. Or le pastoralisme est essentiel à l’activité économique des exploitations de montagne.

Malgré la procédure prévue par le code du tourisme pour l'institution de ces servitudes, il importe de prévoir désormais l'avis préalable de la chambre d'agriculture, qui, par sa connaissance du territoire et des acteurs locaux, peut se révéler facilitatrice et favoriser la prévention des conflits d'usages.

Toutefois, un décret d'application pourrait définir utilement la notion de site nordique, circonscrire la servitude à l'assiette de passage, pour qu’elle ne porte pas sur la totalité du domaine skiable, et préciser la responsabilité juridique en cas d'accident.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques considère que l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale est satisfaisant pour toutes les parties prenantes, en ce qu’il octroie de nouvelles garanties aux agriculteurs en échange de nouveaux outils pour le développement touristique l’été. Elle est donc défavorable à cet amendement, comme à tous ceux dont l’adoption romprait cet équilibre.

S’agissant du renvoi au pouvoir réglementaire pour définir les sites nordiques, il me paraît peu utile, dans la mesure où, d’une part, une définition figure déjà dans le code du tourisme et le code général des collectivités territoriales et où, d’autre part, il n’est juridiquement pas nécessaire de prévoir l’adoption d’un décret dans la loi, le Gouvernement étant tenu de prendre les mesures nécessaires à l’application des lois dans des délais raisonnables.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Sur la question des servitudes en zone de montagne, un dispositif consensuel et équilibré a été trouvé à l’Assemblée nationale, qui vise à concilier le respect du droit de propriété des riverains avec la volonté d’ouvrir le domaine skiable à des loisirs d’été, tout en tenant compte des impératifs agricoles. Il a été judicieusement complété en commission au Sénat. En outre, monsieur Longeot, l’avis de la chambre d’agriculture est déjà opportunément prévu par l’article 17 ter pour les loisirs d’été. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Monsieur Longeot, l’amendement est-il maintenu ?

M. Jean-François Longeot. Je le retire, compte tenu des explications de M. le rapporteur pour avis et de M. le ministre.

M. le président. L’amendement n° 60 rectifié est retiré.

Mes chers collègues, nous avons examiné 99 amendements au cours de la journée ; il en reste 131.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 17 ter (début)
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Discussion générale

12

Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne actuellement en cours d’examen, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.

En conséquence, celle liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Hervé Maurey, Cyril Pellevat, Gérard Bailly, Mme Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean-Yves Roux, Alain Duran et Mme Évelyne Didier ;

Suppléants : MM. Guillaume Arnell, Patrick Chaize, Daniel Gremillet, Éric Jeansannetas, Pierre Médevielle, Alain Richard et Jean-Pierre Vial.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.

13

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 14 décembre 2016 :

À quatorze heures trente :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (n° 47 rectifié, 2016-2017) ;

Rapport de M. Cyril Pellevat, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 191, 2016-2017) ;

Texte de la commission (n° 192, 2016-2017) ;

Avis de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois (n° 182, 2016-2017) ;

Avis de Mme Patricia Morhet-Richaud, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 185, 2016-2017) ;

Avis de M. Gérard Bailly, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 186, 2016-2017).

À seize heures quinze et le soir :

Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution ;

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (n° 47 rectifié, 2016-2017).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 14 décembre 2016, à deux heures.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD