Mme la présidente. Les amendements nos 302, 414 et 435 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 172 rectifié ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. En réalité, le droit en vigueur permet déjà au CSA de procéder à l’attribution d’iso-fréquences.
Les députés ont rejeté des amendements visant à rendre obligatoire pour le CSA l’octroi d’iso-fréquences. Le présent amendement a une portée normative faible, puisqu’il rappelle une faculté dont le CSA dispose déjà, même s’il mentionne explicitement les services de radio locale en montagne comme bénéficiaires possibles, compte tenu des contraintes géographiques qui pèsent sur eux.
Son adoption pourrait toutefois s’avérer problématique, dans la mesure où l’attribution d’iso-fréquences reste une mesure dérogatoire, qui doit être justifiée par des circonstances particulières, afin de prévenir toute atteinte aux principes d’égalité, de pluralisme et de concurrence entre services.
Le CSA nous a alertés sur le risque de contentieux en cas d’introduction d’une mention spécifique des radios locales de montagne dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Au demeurant, l’absence d’iso-fréquences ne fait aucunement obstacle à ce que la même radio puisse être retenue, le cas échéant, sur deux fréquences de régions voisines non affectées de contraintes, afin, par exemple, de permettre la prise en compte des bassins de population.
J’ajoute enfin que, en commission, nous avons déjà inséré dans le projet de loi une mesure favorable aux radios locales, en prévoyant l’octroi à celles-ci par le CSA d’utilisations temporaires lors d’occasions exceptionnelles ou saisonnières, afin qu’elles puissent faire face aux pics de fréquentation.
Dans ces conditions, je sollicite le retrait de cet amendement et j’y serai défavorable s’il est maintenu.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’iso-fréquence consiste à attribuer une même fréquence à un service sur plusieurs zones adjacentes. Cette question n’est pas spécifique à la montagne, ni aux radios locales ; songeons à la fréquence 107.7, accordée aux radios d’autoroutes.
Le CSA peut déjà attribuer des iso-fréquences à certaines radios. Du reste, cette solution ne nous paraît pas forcément pertinente pour les radios locales en zone de montagne. En outre, pour tenir compte du pluralisme, le CSA peut préférer autoriser une autre radio dans la seconde zone plutôt que la même radio dans les deux zones.
On ne peut donc envisager d’inciter le régulateur audiovisuel à recourir à cette technique qui, au surplus, pourrait être très coûteuse pour les radios locales.
Comme M. le rapporteur, je sollicite donc le retrait de l’amendement ; s’il est maintenu, le Gouvernement y sera défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Hervé, l'amendement n° 172 rectifié est-il maintenu ?
M. Loïc Hervé. Je le maintiens d’autant plus que des amendements identiques avaient été déposés par des collègues de différents groupes.
Notre attention a été attirée sur la question des radios locales de montagne. Souvent associatives, ces radios participent à la vie quotidienne des habitants de nos territoires ; il suffit d’allumer sa radio en voiture pour se rendre compte de leur utilité.
Qui peut le plus peut le moins : je ne vois pas en quoi cette précision empêcherait le CSA de jouer pleinement son plein rôle d’autorité administrative indépendante.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Les occasions de souligner le rôle des radios locales dans l’aménagement du territoire, la cohésion des territoires et la vie quotidienne de leurs habitants sont trop rares pour que je ne vote pas l’amendement.
Que la portée normative de la disposition soit relativement faible, nous l’avons bien compris. Malgré tout, adresser ce signal au CSA facilitera la vie de radios associatives qui ne sont pas toujours entendues de lui, contrairement à d’autres opérateurs, beaucoup plus puissants.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Notre groupe votera lui aussi cet amendement. Les radios locales de montagne jouent un rôle utile aux populations et un rôle d’alerte. Elles contribuent à mettre en valeur la vie propre de ces territoires. Je ne vois pas en quoi le CSA pourrait être contrarié par l’adoption de cet amendement. Il est important de laisser aux territoires la liberté de s’organiser autour de leurs radios locales.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je ne suis pas un spécialiste des radios locales, et mon département n’est que modestement montagneux… Je tiens toutefois à exprimer le soutien que j’apporte, à titre personnel, à l’amendement qu’a défendu Loïc Hervé.
Les radios locales jouent un rôle utile, et il est important de marquer notre reconnaissance aux bénévoles qui les font vivre, des passionnés qui œuvrent avec beaucoup de conviction et de cœur. Ces personnes qui se dévouent sans mesurer leur temps méritent nos encouragements, tout particulièrement dans les territoires de montagne, où elles contribuent grandement à la bonne communication et à l’aménagement du territoire. (M. Loïc Hervé opine.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9 nonies.
Chapitre II
Encourager la pluriactivité et faciliter le travail saisonnier
Article 10
(Non modifié)
L’article 11 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 11. – Les établissements de formation professionnelle situés en zone de montagne tiennent compte, dans l’élaboration de leur offre de formation, des spécificités de l’économie montagnarde. Ils répondent aux enjeux de la pluriactivité, notamment en encourageant la bi-qualification, et aux enjeux, le cas échéant, des activités transfrontalières. »
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l’article.
M. Michel Le Scouarnec. Avec cet article 10, nous abordons la question des travailleurs saisonniers, qui sont près de 2 millions dans notre pays, tous secteurs confondus.
Leur apport économique est souvent ignoré ou sous-estimé. Ils sont par définition précaires, puisque leurs contrats sont des CDD dits « par nature », c’est-à-dire sans prime de précarité.
Cette condition est à associer plus largement à la situation des salariés saisonniers en matière d’hygiène et de sécurité. La fréquence et la gravité des accidents du travail, des conditions de vie déplorables faute de pouvoir se loger décemment, un accès aux soins de santé compliqué pendant les saisons : autant de phénomènes sous-estimés, car la forte mobilité de l’emploi et la grande diversité des lieux de travail rendent très difficiles le suivi des saisonniers et la traçabilité de leur exposition aux risques professionnels.
Il est nécessaire d’actionner plusieurs leviers pour faire reculer la précarisation sociale et professionnelle liée à leurs conditions de travail et aux conditions spécifiques de l’exercice de leur métier. Les professionnels du tourisme ont vu leurs métiers se transformer, ce qui nécessite notamment la mise en place de formations adaptées aux exigences de ces évolutions.
À cet égard, une initiative novatrice est promue en Bretagne dans le secteur de l’hôtellerie de plein air, avec la mise en place d’une formation originale à destination des professionnels : alternant cours pratiques et cours théoriques sur trois ans, cette formation doit déboucher sur l’obtention d’un diplôme et, surtout, d’un contrat à durée indéterminée.
Ce dispositif pérennise l’emploi en le qualifiant, tout en permettant à nos territoires, à nos entreprises et à nos salariés d’envisager un développement économique durable. Cette expérience tendant à accroître la plus-value professionnelle pourrait être, d’une part, soutenue et, d’autre part, étendue à d’autres régions, notamment de montagne.
Les dispositions de l’article 10 sont une première reconnaissance pour les travailleurs saisonniers, mais il faut aller plus loin, par exemple en instituant, au-delà de la formation, une clause de reconduction des contrats pour les saisonniers fidélisés.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 10
Mme la présidente. L’amendement n° 74, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail est complété par les mots : « , et qui sont effectués pour le compte d’une entreprise dont l’activité obéit aux mêmes variations ».
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Comme nous l’avons déjà souligné lors de précédents débats, il est impératif d’adopter une définition stricte de la saisonnalité, afin de lutter contre le recours abusif au travail saisonnier. Il s’agit d’éviter que les contrats de travail à caractère saisonnier ne soient utilisés en lieu et place des contrats à durée déterminée pour surcroît d’activité, ce qui permet à l’employeur de s’exonérer du paiement de certaines cotisations patronales, ainsi que du versement de la prime de précarité. En d’autres termes, il s’agit de lutter contre une forme de fraude patronale.
C’est pourquoi nous renouvelons notre proposition d’inscrire dans la loi la définition du travail saisonnier adoptée par le Défenseur des droits, qui précise que l’entreprise elle-même doit avoir une activité saisonnière. Sans cette précision, les centres commerciaux et les restaurants ouverts toute l’année, mais situés dans des zones touristiques pourront continuer à recourir à des contrats saisonniers en lieu et place de contrats à durée déterminée pour surcroît d’activité.
Il nous paraît essentiel que le critère des variations saisonnières s’applique non seulement à l’emploi, mais également à l’activité de l’entreprise elle-même. Ce critère est d’autant plus légitime que, pour définir le travail saisonnier, le juge a toujours pris en compte l’activité de l’entreprise. Dès lors, pourquoi refuser de l’inscrire dans la loi ?
L’argument d’une explosion du contentieux n’est pas pertinent, car, si cette formulation ne pose pas de problème pour définir les salariés saisonniers, pourquoi en poserait-elle pour définir les entreprises « dont l’activité obéit aux mêmes variations » ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise, selon ses auteurs, à limiter le recours aux contrats à durée déterminée saisonniers en réservant l’utilisation de ceux-ci aux entreprises dont l’activité varie en fonction des saisons.
Je ne souhaite pas que l’on revienne sur la définition du travail saisonnier inscrite pour la première fois dans le code du travail par l’article 86 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels : des tâches « appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ».
De surcroît, cet amendement pose un problème de forme, car il vient compléter la définition du CDD d’usage, et non celle du CDD saisonnier.
Quand un problème de fond se pose, c’est à l’inspection du travail de le régler.
Pour ces raisons, j’avais proposé à la commission des affaires sociales d’émettre sur cet amendement un avis défavorable. La commission ne m’a pas suivie et s’y est finalement déclarée favorable.
Mme la présidente. L’avis de la commission des affaires sociales est donc favorable…
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. Et le mien défavorable !
Mme Cécile Cukierman. C’est l’avis de la commission que vous devez exposer, ma chère collègue !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Comme vient de l’expliquer Mme la rapporteur, ce débat a déjà eu lieu lors de l’examen du projet de loi défendu par ma collègue Myriam El Khomri. Une définition du travailleur saisonnier a été adoptée qui reprend celle qui est issue de la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Maintenir cette définition est un enjeu de lisibilité, de clarté et donc de sécurisation, pour les salariés comme pour les employeurs.
L’ajout que vous proposez, madame la sénatrice, nous éloignerait de cette définition : il n’est pas opportun, car il contribuerait, à rebours de l’objectif que vous visez, à obscurcir les cas dans lesquels il peut être recouru aux contrats saisonniers.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je vais à nouveau tenter de vous convaincre de voter cet amendement, même si ce double avis défavorable rend ma tâche difficile, pour ne pas dire impossible.
Monsieur le ministre, vous faites valoir que la définition inscrite dans la loi reprend la jurisprudence constante en matière de travail saisonnier. Certes, mais la définition du Défenseur des droits est un peu plus précise.
Ajouter que l’activité de l’entreprise doit elle aussi être saisonnière empêcherait que des salariés travaillant pendant l’été dans des grandes surfaces ne soient embauchés sous contrat saisonnier. Mes chers collègues, trouvez-vous normal que des jeunes – nous en connaissons tous qui sont dans cette situation –, mais aussi des moins jeunes, soient employés dans une grande surface, un restaurant ou n’importe quel commerce d’une zone touristique dans le cadre de contrats saisonniers, ce qui les prive de prime de fin de contrat et dispense les entreprises de payer une partie de leurs cotisations, avec les conséquences qui en résultent sur notre système de protection sociale ?
Ces entreprises connaissent un surcroît d’activité pendant l’été, mais il n’est pas juste qu’elles en tirent argument pour recourir à des contrats saisonniers. Les salariés sont obligés de subir ce que les entreprises leur imposent et, quand ils essaient de se défendre, ils sont condamnés : il y a notamment une chasse aux syndicalistes qui essaient de défendre les droits des salariés. De leur côté, certains employeurs profitent de toutes les astuces pour bénéficier de toujours plus d’avantages, y compris d’avantages auxquels ils ne devraient normalement pas pouvoir prétendre.
Bien sûr, la loi El Khomri a marqué une avancée en matière de travail saisonnier ; j’ai modestement contribué au groupe de travail qui s’est penché sur la définition de cette forme de travail. Reste que nous nous sommes arrêtés au milieu du gué, ce que je regrette.
Mme la présidente. L'amendement n° 73, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1244-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1244-2. – Les contrats de travail à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L. 1242-2 doivent comporter une clause de reconduction pour la saison suivante.
« Une convention ou un accord collectif de travail prévoit que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier lui propose, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante. La convention ou l’accord en définit les conditions, notamment la période d’essai, et prévoit en particulier dans quel délai cette proposition est faite au salarié avant le début de la saison ainsi que le montant minimum de l’indemnité perçue par le salarié s’il n’a pas reçu de proposition de réemploi.
« À défaut de convention ou d’accord collectif, l’indemnité prévue à l’article L. 1243-8 est versée au terme du contrat de travail à caractère saisonnier.
« Pour calculer l’ancienneté du salarié, les durées des contrats de travail à caractère saisonniers successifs dans une même entreprise sont cumulées. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Je poursuis le débat engagé sur la situation des travailleurs saisonniers en évoquant cette fois-ci la reconduction du contrat de travail saisonnier, contrat dont vient de parler mon collègue Michel Le Scouarnec dans sa précédente intervention.
Qu’il s’agisse des députés lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale ou des auteurs des différents rapports établis sur le sujet tant au Sénat qu’ailleurs, tout le monde s’accorde pour reconnaître l’importance des travailleurs saisonniers pour les territoires de montagne.
Que les parlementaires soient de gauche ou de droite, il se dégage une belle unanimité autour de l’idée que l’emploi saisonnier accroît la précarité des travailleurs et qu’il est nécessaire d’améliorer les conditions de vie et de travail de ces salariés indispensables.
Par ailleurs, il a souvent été fait mention du profit économique que les employeurs pourraient tirer d’une forme de pérennisation de ces emplois, dès lors qu’ils n’auraient plus à chercher des personnels qualifiés d’une année sur l’autre.
Avec cet amendement, nous proposons de répondre à une réalité économique, d’améliorer la sécurité de l’emploi saisonnier et d’agir en faveur d’une meilleure stabilité des personnels.
En effet, cela fait plus de quinze ans que la faculté de conclure un accord ou une convention collective prévoyant la reconduction d’un tel contrat de travail existe, mais que cette clause est absente de la majorité des accords de branche. Il est temps de passer des paroles et des discours grandiloquents – je parle des discours de ceux qui soulignent combien les saisonniers sont précieux – aux actes et d’imposer cette clause de reconduction, en prévoyant le versement d’une indemnité dans le cas où le contrat ne serait pas renouvelé.
Les travailleurs saisonniers bénéficieront ainsi d’une situation plus stable. Ils n’auront plus à chercher un nouvel employeur chaque année et se verront reconnaître à la fois leur ancienneté et leur savoir-faire. Une telle obligation permettra également aux employeurs de fidéliser leurs salariés, de capitaliser sur leur formation et d’améliorer tout à la fois leur qualité de vie et la qualité du travail fourni. Il s’agit donc d’un amendement de bon sens, mes chers collègues !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. L’alinéa 6 de l’article 86 de la loi Travail du 8 août 2016 impose aux partenaires sociaux de lancer une négociation sur la reconduction du contrat de travail à caractère saisonnier et la prise en compte de l’ancienneté des salariés avant le début du mois de février 2017.
La même loi prévoit que le Gouvernement pourra prendre une ordonnance sur ce sujet avant le mois de mai 2017, et que celle-ci s’appliquera de manière supplétive si aucun accord de branche ou d’entreprise n’est conclu.
Les auteurs de l’amendement souhaitent aller plus loin et anticipent les résultats de cette négociation. Pour ma part, je considère qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs et vous propose de faire confiance à la négociation entre partenaires sociaux.
Pour cette raison, la commission des affaires sociales vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement.
Madame David, vous proposez de récrire une partie du code du travail et de modifier les dispositions relatives à la reconduction du contrat saisonnier pour la saison suivante.
Or le sujet a déjà été débattu lors de l’examen du projet de loi Travail. À cette occasion, votre Haute Assemblée a voté en faveur de l’ouverture de négociations dans les branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé, relatives aux modalités de reconduction des contrats à caractère saisonnier d’une saison sur l’autre et à la prise en compte de l’ancienneté des salariés pour les branches ou les entreprises qui emploient un grand nombre de salariés saisonniers. C’est l’article 86 de la loi du 8 août 2016.
Ces négociations sont actuellement en cours et le délai de six mois laissé aux partenaires sociaux n’est pas encore expiré.
De plus, je rappelle que, à défaut d’accord, il est prévu que le Gouvernement prendra une ordonnance. Il me semble donc prématuré, avant même l’issue des négociations, de prévoir la modification des règles qui figureront dans le code du travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je comprends l’impatience de notre collègue Annie David et des membres du groupe communiste républicain et citoyen, mais il est vrai que nous avons déjà débattu de ce sujet lors de l’examen de la loi Travail.
Mme la rapporteur et M. le ministre ont rappelé que le Sénat, ou du moins le groupe socialiste et républicain, avait voté en faveur de l’ouverture d’une négociation entre partenaires sociaux.
Il nous avait d’ailleurs fallu batailler contre nos collègues de droite. Je ne veux pas relancer la polémique, mais ces derniers n’étaient alors pas tellement emballés à l’idée que ces travailleurs, en cas de reconduction quasi-systématique de leur contrat à durée déterminée, se voient reconnaître des droits à formation…
Mme Annie David. Et à la santé !
Mme Nicole Bricq. En effet, ainsi qu’au logement !
Désormais, la négociation est lancée. Compte tenu du délai qui a été laissé au Gouvernement pour prendre une ordonnance, à défaut d’accord entre partenaires sociaux, nous devrons toutefois nous montrer extrêmement vigilants : il ne faut pas laisser passer cette échéance, mes chers collègues, dans la mesure où elle a été fixée au mois de mai prochain…
M. Loïc Hervé. Pourquoi ? Que se passe-t-il en mai prochain ? (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. En effet, je vous rappelle que la faculté pour le Gouvernement de prendre une ordonnance est encadrée : il n’est autorisé à agir que dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi Travail.
Étant donné la période en question, il faudra donc faire très attention et veiller à ce que l’État se substitue bien aux partenaires sociaux dans l’hypothèse où les négociations n’aboutiraient pas.
Cela étant, d’après ce que je sais, ces négociations se déroulent plutôt bien. Je partage donc la position de la rapporteur et du ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Votre intention est évidemment louable, madame David. Je partage d’ailleurs l’idée selon laquelle il est souhaitable d’améliorer l’encadrement du contrat de travail saisonnier.
Il faudrait également prendre en compte le fait que les employeurs d’un certain nombre de branches renouvellent déjà les contrats de leurs saisonniers depuis de nombreuses années. Il a été rappelé que tous les secteurs n’agissaient pas ainsi : certains secteurs sont certes restés un peu au point mort en la matière, mais d’autres ont été au contraire très volontaristes ! Je pense notamment à Domaines skiables de France, organisme qui regroupe les exploitants de remontées mécaniques : ses saisonniers ont désormais la garantie de voir leurs contrats reconduits d’une année sur l’autre, ne serait-ce que parce que leur employeur a intérêt à réemployer un certain nombre de travailleurs d’une année sur l’autre, compte tenu du niveau de formation demandé.
Les secteurs dans lesquels le renouvellement des contrats saisonniers est rare sont connus : il y a les hébergeurs, mais ils s’y mettent progressivement ; on trouve aussi le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, ainsi qu’un certain nombre de secteurs commerciaux dans lesquels les règles sont plus difficiles à mettre en œuvre, pas nécessairement parce que les employeurs font preuve de mauvaise volonté, mais parce que ce sont des secteurs très atomisés, dans lesquels on trouve une multitude de structures professionnelles et où l’on observe parfois la plus totale inorganisation.
La saison d’hiver est désormais entamée. Sous réserve des observations exprimées par notre collègue Nicole Bricq, il me paraît donc préférable d’attendre l’échéance du mois de mai prochain pour évaluer ce qu’il se sera passé, puis nous efforcer de faire avancer les choses.
Faire en sorte que les contrats des saisonniers soient plus régulièrement renouvelés est dans l’intérêt collectif, et ce pour plusieurs raisons : non seulement cela contribue à fidéliser le personnel de l’employeur, mais, dès lors que ce sont les mêmes personnes qui viennent travailler d’une année sur l’autre, cela lui permet de trouver plus facilement les solutions les plus adaptées en matière d’hébergement – par exemple, il sait alors si ces personnes viennent seules ou en famille, ou si leurs enfants seront présents ou pas. La question de la reconduction du contrat des travailleurs saisonniers relève donc véritablement de l’intérêt général.
Pour autant, une disposition vient d’être votée et il convient par conséquent de stabiliser les conditions actuelles de sa mise en œuvre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je tiens à dire que je ne retirerai pas mon amendement. En effet, cela fait très longtemps que je travaille avec un grand nombre de saisonniers, que ce soit lors du Forum des emplois saisonniers ou avec l’Association des lieux d’accueil des travailleurs saisonniers, l’ALATRAS – je les salue d’ailleurs à cet instant.
À vous écouter, chers collègues, monsieur le ministre, les saisonniers de cette année devraient être les derniers à ne pas bénéficier de la reconduction de leur contrat : en effet, vous venez d’affirmer que les négociations sont en cours, qu’elles vont aboutir et que, même si elles n’aboutissaient pas, le Gouvernement prendrait une ordonnance ou une mesure réglementaire d’ici à la fin du mois de mai pour que la mesure entre en vigueur.
Selon vous, ce sont donc les derniers saisonniers qui connaîtront cette situation. Pour ma part, je vous donne rendez-vous l’an prochain, mes chers collègues, dans une station de ski, pourquoi pas ! Nous verrons alors si cette reconduction des contrats saisonniers est effective ou non.
J’ai organisé ici même un colloque sur l’emploi saisonnier : M. Matthias Fekl y a participé et a reconnu la nécessité qu’il y avait à se préoccuper de salariés qui sont indispensables à nos territoires, que ce soit à la montagne ou à la mer.
S’il n’y avait pas tous ces saisonniers, une grande part de l’activité économique de nos territoires n’existerait pas. Je crois que nous sommes tous d’accord pour le dire. Alors, comment agir pour préserver cette armée de l’ombre, ces gens invisibles ? Sans eux, rien ne pourrait se faire et, pourtant, on ne les reconnaît pas !
C’est pourquoi je ne retirerai pas mon amendement. Mes chers collègues, j’espère vraiment que vous aurez l’occasion de vous réjouir l’an prochain et de vous congratuler : ce serait la preuve que la reconduction des contrats saisonniers est devenue effective !