Mme Anne-Catherine Loisier. C’est important !
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Le différend, j’y insiste, portait bien sur cette intégration obligatoire. Certes, il faut s’occuper des dessertes forestières, mais, vous le savez, ce sont souvent les associations syndicales de desserte forestière, les ASA, qui se chargent de cette question.
Quant à ces deux amendements identiques, il me semble, compte tenu du vote qui vient de survenir, qu’ils ne se justifient plus.
M. Michel Bouvard. En effet !
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Au contraire, leur adoption pourrait faire surgir de nouvelles contradictions. Essayons d’être clairs !
Par conséquent, je demande le retrait de ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je suis d’accord avec M. le rapporteur, je suis tout à fait défavorable à cette mesure, qui imposerait aux SCOT de transposer les dispositions des schémas départementaux d’accès à la ressource forestière.
Je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, ces schémas sont des schémas annuels. Gardez cette idée à l’esprit ! On ne coupe pas le bois aux mêmes endroits chaque année !
Le caractère éphémère de ces schémas n’autorise pas leur prise en compte dans des documents tels que les SCOT, des documents de planification à long terme, inscrits dans la durée, sauf à les entraîner dans un rythme de révision perpétuelle que personne – ni vous, ni l’administration – ne sera en mesure de suivre. Vous vous trouverez alors dans une situation de blocage absolu.
De plus, ces schémas traitent d’un sujet très circonscrit, opérationnel. Celui-ci ne peut avoir de transposition systématique dans le SCOT, qui est un document stratégique.
Comme je l’ai indiqué à propos de l’amendement n° 30 rectifié, il vaut mieux encourager les forestiers à exprimer leurs besoins dans le cadre de la concertation précédant l’élaboration du SCOT, plutôt que d’inventer de nouvelles contraintes juridiques qui, in fine, pèseront sur les collectivités, fragiliseront leurs documents d’urbanisme et iront à l’encontre de ce que vous souhaitez.
Vous souhaitez simplifier les choses et vous les complexifiez !
M. le président. Monsieur Savin, l'amendement n° 244 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Savin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Qu’en est-il de l’amendement n° 407 rectifié bis, monsieur Bouvard ?
M. Michel Bouvard. Compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 30 rectifié, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. Les amendements identiques nos 244 rectifié et 407 rectifié bis sont retirés.
Chapitre II
Adapter les règles d’urbanisme aux particularités de certains lieux de montagne
Article 20 A
(Non modifié)
À l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme, après le mot : « existantes », sont insérés les mots : « , ainsi que de la construction d’annexes, de taille limitée, à ces constructions, ».
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. Entre 2000 et 2007, la superficie agricole utilisée a régressé cinq fois plus vite en montagne – moins 10 % – que sur le reste du territoire, où elle affiche une diminution de 2 %. Il est donc nécessaire que la loi Montagne préserve les terres agricoles.
Nous pourrions apporter cette précision : les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières doivent être préservées. La nécessité de leur préservation s’apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d’exploitation locaux. Doivent également être pris en compte leur situation par rapport au siège de l’exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. L’urbanisation serait réalisée en priorité sur les coteaux et dans les « dents creuses ».
Cette préservation des espaces agricoles est aussi prégnante sur le littoral. Le lien entre mer et montagne dans l’ensemble des communes rurales est plus qu’inflexible, puisque les difficultés d’aménagement ou d’élaboration d’un PLU pour nos collègues maires sont les mêmes. En effet, pourquoi, au nom de la loi ALUR, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, interdire de construire dans les « dents creuses » des hameaux, terrains souvent en friches, isolés entre des maisons existantes ?
Les secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, les STECAL, ne sont pas la solution globale. Tout concourt en faveur de l’abandon de cette mesure. C’est toute l’ambivalence de la législation prise pour préserver le foncier agricole. En réalité, le résultat est contraire à l’esprit de la loi.
En effet, construire dans les dents creuses, en montagne ou en plaine, permettrait de réduire le coût du foncier, notamment dans nos communes rurales et littorales soumises à la pression foncière.
Il sera ainsi possible de mieux répartir les constructions, plutôt que de les concentrer en multipliant les lotissements, grands consommateurs de terres agricoles. Ce serait, dans le même temps, un atout majeur pour la vie dans nos campagnes et nos montagnes, essentiel pour un développement harmonieux.
C’est une exigence de justice et d’espoir pour un monde rural insuffisamment pris en considération. Il est très urgent d’entendre la souffrance de nos territoires, qui se sentent malheureusement un peu abandonnés.
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par MM. Duran, Roux, Jeansannetas, Richard, Guillaume et Raoul, Mmes Cartron et Bataille, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau et Daunis, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Duran.
M. Alain Duran. En zone de montagne, le principe d’urbanisation en continuité n’autorise que les extensions limitées, et non les annexes, pour les constructions existantes qui se trouvent en dehors des bourgs, villages, hameaux et groupes de constructions traditionnelles.
L’article 20 A introduit par l’Assemblée nationale autorise la construction des annexes de taille limitée aux constructions existantes, par dérogation au principe d’urbanisation en continuité en zone de montagne.
Cet article ouvre donc la possibilité de construire des annexes – garages, abris de jardin, piscines – autour des constructions isolées situées en zone de montagne.
Cette nouvelle possibilité serait ouverte en l’absence de document d’urbanisme. Elle introduit, de surcroît, une différence de traitement entre, d’une part, les communes de montagne soumises au RNU, le règlement national d’urbanisme, où ces annexes deviendraient possibles, et, d’autre part, les communes « hors zone de montagne » sur le territoire duquel ces annexes sont aujourd’hui impossibles.
D’ailleurs, cette distorsion n’a pas échappé à la majorité sénatoriale, qui a fait adopter en commission un amendement visant à étendre cette possibilité de construction à l’ensemble du territoire.
Cet article constitue un recul important pour la préservation des zones de montagne, en ouvrant la porte à la construction d’annexes dans les zones naturelles et agricoles.
Par ailleurs, comme vient de le rappeler M. le ministre, il n’incite pas les communes à se doter d’un PLU, qui permet d’organiser des aménagements dans le cadre d’une planification concertée et réfléchie, préservant tout à la fois le développement de la commune et la protection des espaces.
Pour toutes ces raisons, cet amendement tend à supprimer l’article 20 A.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Cet amendement important est contraire à la position arrêtée par le Sénat en juin dernier à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural de notre collègue Jacques Genest ainsi qu’à la position adoptée la semaine dernière par la commission.
Nous avions en effet décidé qu’il serait possible, dans les territoires ruraux, de construire quelques annexes à proximité immédiate de l’exploitation principale pour permettre à un jeune agriculteur ou à un jeune qui s’installe de développer celle-ci, par exemple, sans porter atteinte à la cohérence de l’urbanisation. Il ne s’agit aucunement, tout le monde le comprendra, de permettre la construction d’annexes dispersées.
Aujourd’hui, il nous est demandé de supprimer l’article tendant à autoriser ces constructions. Dans la mesure où l’adoption de cet amendement nous obligerait à renier notre position, nous ne pouvons qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Ma position est identique à celle du rapporteur pour avis.
S’il s’agit seulement de permettre la construction d’annexes à proximité immédiate de l’exploitation, nous sommes défavorables à l’amendement de suppression. Nous devons néanmoins limiter le processus : si nous légiférons de manière trop généraliste et trop bavarde, cela donnera lieu à interprétations, contestations et contentieux. Il suffit qu’à un moment un tribunal administratif prenne une décision pour que tout soit fini.
Je me rallie donc à la sagesse du rapporteur.
M. le président. Monsieur Duran, l'amendement n° 120 est-il maintenu ?
M. Alain Duran. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Je ne peux qu’être favorable au maintien de cet article, qui découle de la proposition de loi que nous avons examinée en juin dernier.
Dans le milieu rural, y compris en zone de montagne, on ne fait pas n’importe quoi. Les annexes se situent à proximité immédiate de l’exploitation principale. Il faut y penser, un agriculteur ne peut pas vivre dans un désert, sans un minimum de vie autour de lui.
C’est pourquoi je voterai contre cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le même article est complété par les mots : « ou nécessaires du fait de leur rôle dans la communication à destination ou en provenance des populations en cas de sinistres, catastrophes naturelles ou autres situations de crise ».
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. L’article L. 145-3 du code de l’urbanisme indique en son paragraphe III que, dans les zones de montagne, « l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux […] existants » et que des dérogations ne sont possibles que s’il s’agit « d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ». On peut l’imaginer, un pylône de téléphonie mobile pourrait faire partie des équipements incompatibles.
Or, comme cela a été constaté récemment dans un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 novembre 2016, une interprétation très stricte des dérogations à ce principe peut aujourd’hui empêcher l’installation d’équipements de téléphonie mobile en zones de montagne si ceux-ci ne sont pas en continuité avec l’urbanisation existante.
Cet amendement a donc pour objet de modifier l’article 20 A, afin d’éviter que nous ne nous retrouvions dans une situation dénuée de bon sens.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Permettez-moi, au préalable, de répondre à M. le ministre sur l’amendement précédent.
L’article 20 BAA évoque « l’édification d’annexes à proximité d’un bâtiment existant ». Nous en sommes donc tous d’accord : oui, nous sommes favorables à des annexes, mais seulement si celles-ci sont à proximité d’un bâtiment existant.
J’en reviens à l’amendement n° 31.
Cet amendement prévoit expressément dans le code de l’urbanisme que les règles de l’urbanisation en continuité propres à l’urbanisme de montagne ne peuvent faire obstacle à la construction des installations permettant d’établir des communications nécessaires à la sécurité des populations.
Il se justifie comme une réponse à une décision récente d’un tribunal administratif. Je ne connais pas le fond du dossier de cette décision, qui est susceptible d’être infirmée en appel.
Je rappelle toutefois que l’article L. 122-3 du code de l’urbanisme prévoit que les installations et ouvrages nécessaires au service public ne sont pas soumis aux règles de l’urbanisation en continuité si leur localisation en dehors des espaces urbanisés correspond à une nécessité technique impérative.
Le cas de figure visé par cet amendement est donc bien prévu dans la loi. Il ne s’agit pas de réviser celle-ci à chaque décision administrative dont on n’est pas satisfait : soit cette décision n’était pas bonne, et c’est à la cour administrative d’appel d’en décider ; soit elle était pertinente au vu du fond du dossier, mais le projet n’a sans doute pas été bien monté.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Cet amendement est satisfait par l’article L. 122-3 du code de l’urbanisme, qui prévoit une dérogation générale à l’ensemble des dispositions d’urbanisme de la loi Montagne pour les installations et ouvrages nécessaires au service public.
Or la jurisprudence reconnaît que le fait d’assurer la couverture du territoire national en téléphonie mobile participe à la réalisation d’une mission reconnue par la loi comme étant de service public.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Delcros, l'amendement n° 31 est-il maintenu ?
M. Bernard Delcros. Je le retire, monsieur le président, mais nous resterons vigilants sur ce point.
M. le président. L'amendement n° 31 est retiré.
L'amendement n° 32, présenté par MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sont en continuité les parcelles contiguës et les constructions nouvelles sises à moins de 100 mètres des constructions existantes. »
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Je ne retirerai pas cet amendement !
Comme de nombreux élus de montagne, je suis très attaché à cet amendement frappé au coin du bon sens.
Que se passe-t-il concrètement sur le terrain en matière d’urbanisme lié à la règle de la continuité de l’urbanisation ? Dans nombre de petites communes de montagne soumises au RNU, une construction neuve peut être autorisée sur des terrains contigus même si elle se trouve à 100 ou 120 mètres d’une construction existante. En revanche, si deux terrains sont simplement séparés par un chemin rural de 3 ou 4 mètres de large, on interdit la construction qui se trouve seulement à 20 mètres d’une construction existante. Une telle décision est dénuée de bon sens et contraire à toute logique d’urbanisation.
Il n’est pas question de développer une urbanisation dispersée et de construire dans des endroits très éloignés des bourgs et des bâtis existants ; il convient seulement, au travers de cet amendement, de rectifier cette situation parfaitement illogique.
Je propose donc de compléter la règle de la continuité, en introduisant la possibilité de construire à moins de 100 mètres d’un bâtiment existant, même si les terrains ne sont pas contigus. Cela permettra de résoudre certaines situations de manière très simple, en rendant possibles certaines constructions en milieu rural, d’autant que nous rencontrons déjà des difficultés à fixer la population, notamment les jeunes, dans nos communes rurales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement : 100 mètres, c’est parfois beaucoup, mais c’est nécessaire. Le Sénat décidera.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je suis défavorable à cet amendement, qui tend à limiter au seul critère de distance l’appréciation du principe de continuité, alors que l’objectif est de prendre en compte les caractéristiques locales, notamment la densité, la forme et la logique de l’urbanisation, ou encore les caractéristiques architecturales.
De surcroît, la distance de 100 mètres apparaît disproportionnée par rapport à l’acceptation générale et même à la jurisprudence.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Les petites communes sans PLU sont nombreuses. Elles ne peuvent pratiquement jamais obtenir d’autorisation de construire dans les hameaux – il y a toujours un petit problème ! –, même quand la distance entre les maisons est respectée : la CDPENAF, la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, s’y oppose systématiquement. Du fait de l’exigence de son avis conforme, celle-ci paralyse pratiquement toutes les constructions dans nos zones rurales. Mais si l’on veut maintenir la vie dans ces zones, il faut pouvoir construire, pas n’importe où, bien sûr, et en conservant l’espace agricole.
C’est pourquoi je soutiendrai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je soutiens totalement l’amendement de Bernard Delcros.
Certes, notre collègue évoque les communes soumises au RNU. Mais n’oublions pas que, lorsque nous élaborons des cartes communales ou d’autres documents d’urbanisme, nous répondons à un savant dosage entre le désir des élus et, plus encore, les contraintes de la DDT, la direction départementale des territoires.
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Alain Marc. Chaque fois qu’un modeste chemin sépare deux parcelles, il crée une discontinuité. La situation dans certains villages est parfois si aberrante que, comme l’ont dit fort justement mes collègues, nous en arrivons à être heureux d’accueillir une ou deux familles, parfois pour sauver l’école.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Alain Marc. Empêcher aujourd’hui cette constructibilité au motif d’une prétendue discontinuité n’est pas recevable.
C’est pourquoi, je le répète, je soutiens cet amendement de bon sens.
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Je soutiens totalement, moi aussi, cet amendement.
Nous avons beaucoup de mal à faire vivre nos petites communes. Quand nous parvient de temps à autre une demande de permis de construire, elle nous est refusée à cause de ces problèmes. Pourtant, ce n’est pas nous qui consommons le plus d’espaces agricoles ; je ne donnerai pas d’exemples… Au contraire, nous défendons les agriculteurs, car nous vivons avec eux tous les jours. Aussi, il est souhaitable d’aider nos administrés à construire et à développer la commune.
Par ailleurs, avec les PLU, nombre de communes vont en revenir au RNU, faute de pouvoir financièrement et techniquement les élaborer.
M. Loïc Hervé. Tout à fait !
M. Jacques Genest. Monsieur le ministre, je vous souhaite bien du plaisir pour l’instruction des dossiers de permis de construire ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.
M. Michel Le Scouarnec. Je le répète, je suis favorable à la densification des hameaux, même lorsque deux maisons ou deux bâtiments sont séparés.
Nous menons ce combat dans l’Ouest, en particulier en Bretagne, le Morbihan en tête, et en Normandie. Nous sommes confrontés à la loi Littoral, mais elle ne concerne pas la campagne qui peut être à 80 kilomètres de la mer – je pense notamment à Plouray, en limite du département des Côtes-d’Armor. J’ai reçu au moins 80 courriers de maires du Morbihan, m’incitant à défendre la constructibilité des dents creuses. Mais la situation est différente pour l’extension des hameaux. Je ne peux que défendre la constructibilité des dents creuses.
M. Jacques Genest. On n’est pas dans l’Ouest !
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. On ne va pas opposer la montagne à la Bretagne, auquel cas je serai coupé entre l’une et l’autre, compte tenu de mes origines. (Sourires.)
Cet amendement, qui me paraît frappé au coin du bon sens, remonte du terrain. Eu égard à ce que nous vivons et connaissons dans nos différentes communes de montagne, nous demandons que des familles puissent continuer à vivre au village, comme dit mon cher collègue Alain Marc. On doit encore pouvoir imaginer que quelques personnes veuillent construire dans nos territoires ruraux. Faute de quoi, on actera la désertification de ces villages pour lesquels nous n’aurons plus de solutions.
Cette disposition est vraiment une mesure d’assouplissement et d’ouverture qui va dans le bon sens. Elle mérite, à ce titre, notre soutien le plus unanime possible.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Permettez-moi de revenir sur les propos de M. le rapporteur pour avis, qui a soulevé un point essentiel.
Je ne suis pas opposé à cet amendement, mais il faut l’enrichir pour compléter les mesures que nous venons d’adopter sur les exploitations agricoles notamment. Il faut introduire la réciprocité : dès lors que vous autorisez une construction à moins de 100 mètres, l’exploitation agricole ne pourra plus s’agrandir. Le jeune qui remplacera son père ne pourra plus moderniser son exploitation.
M. Loïc Hervé. Non !
M. Daniel Gremillet. Le texte, vous le savez, comporte des règles très strictes concernant la possibilité, pour les agriculteurs, d’obtenir un permis de construire à moins de 100 mètres d’une maison d’habitation. Nous sommes un certain nombre à avoir voté hier des dispositions destinées à protéger ces investissements en zones de montagne. Autant je partage l’idée de constructibilité dans les dents creuses, autant j’estime, comme le rapporteur pour avis, que nous devons veiller à protéger l’existant concernant l’activité agricole.
Mme Annie David et M. Michel Le Scouarnec. Voilà !
M. Daniel Gremillet. Sans cette précaution, je ne peux pas voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour explication de vote.
Mme Éliane Giraud. Cet amendement me semble extrêmement dangereux. Notre objectif à tous est effectivement d’éviter la disparition des terres agricoles. On ne peut pas tenir un double langage pour le bas et le haut.
Dans le parc de la Chartreuse, en retravaillant avec tous les maires, nous avons regagné 500 hectares de terres agricoles (M. Jacques Genest s’exclame.), soit plus de dix exploitations en zones de montagne. C’est concret ! Vous pouvez le vérifier !
Avec ce type d’amendements, on casse une dynamique comme celles qui ont été créées entre les communes pour ce qui concerne les PLUI ou toute question touchant à l’urbanisme et à l’aménagement du territoire.
M. Loïc Hervé. Pas du tout !
Mme Éliane Giraud. Je ne voterai certainement pas cet amendement, qui constitue un retour en arrière ! (M. Ronan Dantec applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Revenons au sujet. Que se passe-t-il concrètement sur le terrain ?
Il ne s’agit pas de se lancer dans une consommation extravagante de terrains agricoles ni d’envisager des constructions éloignées des villages. Dans certaines communes de mon département, des permis de construire ont été refusés pour des constructions situées à 20 mètres d’une maison existante, au motif que les deux terrains n’étaient pas contigus et se trouvaient séparés par un chemin rural, tandis que d’autres ont été autorisées à 80 ou 100 mètres de maisons existantes, parce que les terrains étaient contigus. Où est la logique dans tout cela ? (M. Michel Bouvard applaudit.)
Revenons à la réalité et allons voir ce qui se passe concrètement sur le terrain ! Ne nous accusez pas de vouloir consommer des terres agricoles ou de construire n’importe où, car n’est pas le sujet ! (Mme Anne-Catherine Loisier et M. Loïc Hervé applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis.
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. J’ai vécu le même problème. Combien de fois la DDT a-t-elle refusé des permis de construire du fait de l’existence d’une voirie ?… L’arbitrage du préfet que j’ai convoqué sur place a souvent dégagé des solutions de bon sens.
Je suis comme vous un élu rural, qui habite sans doute l’un des plus petits villages. Je sais qu’il faut développer les territoires ruraux, mais faisons attention à la règle des 100 mètres, car les constructions extérieures supposent des travaux de VRD, voiries et réseaux divers – les routes, l’eau, etc.
Mme Annie David. Exactement !
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. On a parlé des terrains à proximité de ces villages. Je le dis et je le répète, l’administration est peut-être beaucoup trop rigide.
M. Loïc Hervé. C’est sûr !
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Mais multiplier les autorisations de construction jusqu’à 100 mètres autour de la commune pourrait avoir des incidences importantes ; cela changera fondamentalement les choses.
M. Loïc Hervé. Mais non !
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. Réfléchissez donc bien sur cet amendement ! Son adoption pourra avoir des conséquences assez importantes dans certains villages.
Mais il faut aussi faire passer ce message auprès de l’administration, auprès de ceux qui réalisent les PLU : gardons la proximité en y associant le bon sens local !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je me suis déjà exprimé sur le sujet, mais je vais répondre à M. Genest.
Je sais la difficulté d’élaborer des PLU dans les petites communes.
Mme Éliane Giraud. Absolument !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé la mise en œuvre de PLUI dans le cadre de la loi NOTRe, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Enfin, cette affaire sera réglée et résolue.
M. Jacques Genest. Mais non !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Mais oui ! Car les PLUI sont obligatoires.
Nous savons très bien pourquoi il était impossible d’élaborer des PLU dans certaines communes : soit par manque de volonté politique, soit par l’impossibilité d’emporter l’adhésion du conseil municipal sur les zones constructibles. Ne me dites pas non, je suis un élu rural et je sais tout cela aussi bien que vous. Je connais cette situation, y compris dans mon propre canton, depuis malheureusement plus longtemps que vous, monsieur le sénateur. (Sourires.)
M. Jacques Genest. Pas sûr !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Nous savons pourquoi il est compliqué de mettre en place des PLU dans certaines petites communes. Aussi, naturellement, l’État applique la loi, et il ne faut pas s’en plaindre. Mais si l’on n’est pas capable, au XXIe siècle, d’établir au moins une carte communale, cela veut dire que les élus ne veulent pas prendre leurs responsabilités. Cette affaire sera réglée, je le répète, avec les PLUI.
Au-delà de cet amendement, je voudrais attirer votre attention sur le fait que la discontinuité videra, par principe, et automatiquement, les cœurs de village. Quand cela se produit et que l’on autorise les constructions à l’extérieur, nous, les élus, sommes ensuite les premiers à regretter les cœurs de village authentiques, traditionnels, avec parfois avec un beau cachet architectural, qui ne sont plus entretenus.
En déployant les moyens nécessaires, nous créons les conditions favorables au retour dans les cœurs de village des habitants, qui en ont souvent été éloignés du fait de cette discontinuité. Or quand les cœurs de villages se vident, la vie disparaît dans le village.