Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 8.
L'amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. P. Dominati et Danesi, Mme Procaccia, M. Pointereau, Mme Duchêne, MM. de Raincourt, Joyandet et Laménie, Mme Garriaud-Maylam et M. Dassault, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le second alinéa de l’article L. O. 151-1 du code électoral est supprimé.
II. – L’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Le Président de la République, s’il est membre de la fonction publique, en démissionne au plus tard le trentième jour qui suit son entrée en fonction ou, en cas de contestation de son élection, la date de la décision du Conseil constitutionnel. »
III. – La liste des fonctionnaires visés par l’obligation de démission est précisée par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement aurait pu être examiné en discussion commune avec les amendements présentés tout à l’heure par mon collègue Éric Doligé, qui s’est attaqué à une montagne. J’ai d’ailleurs été surpris par le silence assourdissant dans lequel ont été accueillis ses propos.
Il paraît en effet curieux d’oublier l’essentiel lorsqu’on parle de « confiance retrouvée » dans l’action publique et qu’on essaie de construire des barrières pour supprimer un certain nombre de préventions.
Car il n’y a pas de plus grande incompatibilité que de voter le budget qui fixe votre rémunération, votre salaire et votre carrière. Ainsi un mandat de parlementaire et un poste important dans la fonction publique me paraissent-ils incompatibles.
On le sait bien, la sociologie des députés comme des sénateurs, qu’ils soient de droite ou de gauche, varie suivant que ces derniers appartiennent à la fonction publique ou au secteur privé.
Cet amendement vise donc à corriger un tel dysfonctionnement. Si l’on veut faire disparaître les dysfonctionnements et incompatibilités qui s’attachent aux sociétés de conseil, aux avocats ou aux journalistes, on doit également s’intéresser à la double appartenance que je viens d’évoquer, manifestement nuisible et dommageable à un réel débat démocratique.
Dans les conseils d’administration des grandes sociétés, lorsque le statut particulier, les avantages ou la rémunération du président ou du directeur général sont évoqués, celui sort généralement de la salle.
Faudrait-il que les fonctionnaires puissent sortir de l’hémicycle lors du vote du budget ? Car ils votent alors le budget de leur propre employeur, ainsi que l’indexation de leur carrière et de leur retraite. Comment un agent d’un ministère peut-il user de son libre arbitre au moment de voter le budget de son ministère ? Au demeurant, je suis très respectueux de la fonction publique, considérant qu’elle est, en France, particulièrement performante.
Ce sujet concerne également le Président de la République. En effet, après avoir occupé les hautes fonctions qui sont les siennes, il devient membre du Conseil constitutionnel. Je demande donc que la disposition prévue par cet amendement s’applique également à lui.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je me suis exprimé tout à l’heure sur les amendements présentés par M. Éric Doligé, dont les objets sont comparables à celui que vous venez de nous présenter, monsieur Dominati.
Je tiens à attirer votre attention sur un point : pourquoi un ancien fonctionnaire de l’enseignement public ou de l’hôpital public devrait-il se retrouver sans emploi ou condamné à faire un travail autre que celui pour lequel il est qualifié ? Pourquoi un ancien plombier ou un ancien cadre d’entreprise pourraient-ils retrouver du travail dans une entreprise, tandis qu’un ancien professeur ne le pourrait pas et qu’un ancien médecin hospitalier devrait ouvrir un cabinet en médecine libérale ?
Pourquoi, pour traiter le problème de la précarité d’emploi d’anciens parlementaires issus du secteur privé, devrait-on absolument plonger dans la précarité d’anciens parlementaires issus du secteur public, auxquels on interdirait, puisqu’ils auraient rompu tout lien avec la fonction publique, de reprendre un travail de fonctionnaire ? Ce serait une injustice qui ne réparerait pas l’injustice dont sont victimes les anciens parlementaires issus du secteur privé ! Nous devons être attentifs à éviter ce genre de choses.
Au demeurant, je me permets de vous le signaler, mon cher collègue, tel qu’il est rédigé, cet amendement revient sur l’obligation de mise en disponibilité, laquelle exclut la possibilité de cotiser pour sa retraite et de bénéficier d’un avancement ou d’un avantage matériel. Une telle disposition, qui revient sur la loi de 2013, rend le détachement – et non pas la démission – seul possible.
En effet, si vous écartez la mise en disponibilité, vous revenez à la situation antérieure, et les droits à avancement continueront pendant le mandat parlementaire. Je suis sûr que ce n’est pas ce que vous voulez faire !
S’agissant du Président de la République, Mme la garde des sceaux s’exprimera.
Outre les arguments de fond contre cet amendement, que je viens d’évoquer et qui me tiennent à cœur, car ils relèvent selon moi de la justice entre les Français, je relève que la rédaction proposée aboutira à l’effet inverse de ce que vous voulez obtenir, mon cher collègue : en effet, en supprimant l’obligation de mise en disponibilité, qui implique le renoncement à toute forme d’avantages pendant la période durant laquelle on siège au Parlement, vous rétablissez, je le répète, la possibilité du détachement.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, tout comme M. Doligé l’a fait au bénéfice d’explications analogues.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ce que nous recherchons, au fond, c’est la prévention des conflits d’intérêts et une plus grande transparence.
À cet égard, le dispositif actuel, à savoir la mise en disponibilité pendant l’exercice du mandat et le respect d’un certain nombre d’obligations déontologiques du fonctionnaire à l’issue du mandat – je pense notamment aux déclarations de patrimoine – me semble suffisant.
Je l’ai dit, mais je le répète, selon moi, une interdiction beaucoup plus générale serait d’abord source de rupture d’égalité. Ensuite, je ne vois pas ce qu’elle apporterait au regard de l’objectif que nous voulons atteindre.
En outre, cela créerait une atteinte à la liberté de candidature, laquelle me semblerait susceptible d’être sanctionnée.
Enfin, vous le savez, monsieur le sénateur, la possibilité, pour les anciens présidents de la République, d’être nommés membres du Conseil constitutionnel devrait cesser avec la prochaine révision constitutionnelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Chacun connaît mes liens d’amitié avec Philippe Dominati. Toutefois, en la matière, nos analyses diffèrent.
J’entends son point de vue, selon lequel les fonctionnaires, quand ils sont dans l’hémicycle, votent des budgets qui les concernent.
Pour ma part, j’ai pu constater que, au cours des débats sur des textes relatifs à la santé, ce sont essentiellement des médecins qui s’expriment. Certes, tel ne devrait pas être le cas, dans la mesure où, après leur mandat parlementaire, ils reprendront leurs cabinets médicaux et se verront appliquer des lois qu’ils auront eux-mêmes votées.
Bien sûr, le mandat de parlementaire peut être source d’incompatibilités et de conflits d’intérêts. Malgré tout, le parlementaire est censé représenter l’intérêt général. Certes, je veux bien admettre que, dans certaines situations, il faille faire preuve de vigilance.
Que vous veniez du privé ou du public, tout débat peut vous concerner de manière globale pour la suite de votre vie. Dans un tel contexte, on peut choisir de ne plus rien faire et de donner le pouvoir aux techniciens !
Du temps que j’étais sérieux,…
M. Philippe Dallier. Il y a longtemps ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. … j’ai passé une agrégation d’histoire. Je suis ensuite devenu inspecteur général de l’éducation nationale. Que voulez-vous que je fasse de cela dans le privé ? Mon cher collègue, vous me mettez dans une situation impossible ! (Rires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Il y a plus de risques de conflits d’intérêts avec les banques qu’avec les syndicats de fonctionnaires !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. On parle beaucoup des parlementaires qui étaient salariés avant leur mandat et du manque de protections et de garanties dont ils bénéficient.
Tel est mon cas. Par ailleurs, ayant été élu relativement jeune, je suis assez sensible à ce que j’entends. La seule garantie que nous ayons, en entrant au Parlement, c’est l’obligation pour l’entreprise de nous mettre en suspension du contrat de travail, suspension valable une seule fois.
L’amendement présenté par Philippe Dominati m’inquiète. En effet, si les fonctionnaires devaient démissionner de facto après leur élection, que deviendraient, pour leur part, les anciens salariés ? Ainsi, en tant qu’ancien employé d’une grande banque à titre d’informaticien, on pourrait sans doute m’accuser de conflit d’intérêts lorsque je siège à la commission des finances et que cette dernière évoque la situation des banques. Sans doute en viendra-t-on un jour à dire que les salariés employés des banques ne bénéficient plus de la garantie de suspension du contrat de travail pendant au moins un mandat.
Selon moi, il ne faut donc pas aller trop loin. En effet, à force de vouloir laver plus blanc que blanc et de chercher à éliminer tout type de conflit d’intérêts, je me demande qui sera susceptible de siéger au Parlement dans les années à venir. Les candidats finiront par se réduire à une frange très limitée de la population. Or ce n’est pas, je crois, ce que nous recherchons ! (Applaudissements sur certaines travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. En tant que médecin, je suis condamné à réagir sur cette question.
Il est important de disposer d’expériences diversifiées sur les bancs des différentes assemblées. Il faut en effet qu’il y ait un intérêt à légiférer. Le lien d’intérêt n’est pas le conflit d’intérêts ! On a d’ailleurs tendance, dans les assemblées, à mettre le médecin, ou le président d’un conseil départemental, à la commission des affaires sociales. On estime ainsi qu’ils ont acquis une expérience en la matière et qu’ils sauront de quoi ils parlent. Ils apprennent bien sûr beaucoup d’autres choses dans d’autres domaines !
Les liens d’intérêts, qui n’ont rien à voir avec les conflits d’intérêts, sont à mes yeux importants. Quand ils n’existent pas, l’intérêt disparaît, qu’il s’agisse du territoire, du monde professionnel voire de la société, ce qui est à l’encontre de l’esprit du parlementaire. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Sur ce sujet, il me semble que les attentes sont parfois contradictoires. D’un côté, nous souhaitons tous que le Parlement soit la représentation la plus large de la réalité de notre société ; d’un autre côté, nous sommes en train d’accumuler obstacles et interdits à cette diversité.
Selon moi, la compétence, notamment dans le domaine législatif, vient aussi de l’exercice d’un métier. Nous souffrons beaucoup aujourd'hui de l’entrée en métier politique de gens n’ayant jamais exercé aucun métier et qui ne se trouvent là où ils sont que par la grâce d’appareils politiques.
À mes yeux, tel ne doit pas être l’avenir du Parlement, dans l’intérêt même de la diversité de représentation de notre société. Soyons donc attentifs à ne pas pousser le bouchon trop loin s’agissant des interdits. Sinon, nous aurons, dans ces travées, des gens qui n’auront jamais travaillé et seront au service de leur appareil politique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe La République en marche, du RDSE, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Monsieur Dominati, l'amendement n° 1 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Je voulais lancer ce débat, qui me paraît d’actualité. Un ministre du Gouvernement, en l’occurrence celui de l’économie et des finances, a démissionné de la fonction publique pendant la campagne présidentielle. Dans l’opposition, une candidate, Nathalie Kosciusko-Morizet a démissionné de la fonction publique pour promouvoir cette idée d’incompatibilité.
Il s’agit donc d’une idée qui, loin d’être absurde, témoigne d’une volonté d’indépendance.
J’ai beaucoup apprécié l’intervention de ma collègue Catherine Tasca. Nous connaissons tous, aussi bien à gauche qu’à droite ou au centre, des personnalités entrées très jeunes dans la fonction publique, ayant ensuite exercé plusieurs mandats parlementaires et occupé des fonctions ministérielles, qui terminent leur carrière dans la fonction publique.
Mon cher collègue Philippe Dallier, en évoquant les obstacles que se verront opposer les professions libérales, qu’il s’agisse des médecins ou des avocats, j’ai voulu montrer l’iniquité de cette loi et toutes les entraves qu’elle vise à créer.
Vous le savez, je suis attaché à la liberté. Mon but n’est pas, madame Tasca, de créer des entraves supplémentaires. Je l’ai indiqué hier dans le cadre d’autres amendements, j’estime que les entraves dont il est question sont nuisibles au débat démocratique. Tel est le sens de mon amendement.
Dans la mesure où le débat se poursuivra à d’autres occasions, je retire aujourd'hui cet amendement.
Mme Évelyne Yonnet. Madame la présidente, je n’ai pas compris pourquoi l’adoption de l’amendement n° 55 avait rendu l’amendement n° 63 rectifié sans objet. Il s’agit en effet de deux sujets différents.
Par ailleurs, M. Bas avait affirmé être favorable à l’amendement n° 63 rectifié. Je souhaiterais donc qu’il s’explique sur ce point.
Mme la présidente. Ma chère collègue, l’amendement n° 63 rectifié faisait l’objet d’une discussion commune avec l’amendement n° 55, qui a été adopté. Or celui-ci avait notamment pour objet de modifier la rédaction de l’article LO 176, tout comme l’amendement n° 63 rectifié, qui, de fait, tombe.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Ma chère collègue, effectivement, je n’aurais pas dû dire que j’étais favorable à l’amendement n° 63 rectifié, cet avis étant incompatible avec l’avis favorable que j’avais auparavant formulé sur l’amendement n° 55.
Mme la présidente. L'amendement n° 62, présenté par Mme Garriaud-Maylam, n'est pas soutenu.
Chapitre III
Soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements
Article 9
I. – Le chapitre II du titre II de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est ainsi modifié :
1° (nouveau) Le I de l’article 7 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du troisième alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Une dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements. » ;
2° (nouveau) Au premier alinéa de l’article 11, après le mot : « imprévisibles », sont insérés les mots : « et sur la dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements » ;
3° (nouveau) Après le même article 11, il est inséré un article 11-1 ainsi rédigé :
« Art. 11-1. – I. – Chaque année, le bureau de chaque assemblée adresse au Gouvernement la liste des projets que les députés et sénateurs proposent pour soutenir l’investissement des communes et de leurs groupements pour l’exercice suivant.
« Ces projets répondent aux critères cumulatifs suivants :
« 1° Ils correspondent à la réalisation de projets d’investissement matériel ou immatériel des communes, de leurs groupements ainsi que de leurs établissements publics ;
« 2° Ils présentent un caractère exceptionnel ;
« 3° Ils permettent la mise en œuvre d’une politique d’intérêt général ;
« 4° Les fonds qu’il est envisagé de verser n’excèdent pas la moitié du montant total du projet concerné et le plafond de 20 000 euros ;
« 5° Un même projet ne peut être proposé par plusieurs députés ou sénateurs ;
« 6° Leur délai prévisionnel d’exécution est égal ou inférieur à sept ans.
« Cette liste précise, pour chaque projet proposé, le nom de l’éventuel bénéficiaire, le montant proposé, la nature du projet à financer et le nom du membre du Parlement à l’origine de cette proposition. Chaque assemblée la publie dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.
« II. – Avant le 31 mai de chaque année, le Gouvernement publie la liste des projets ayant bénéficié, au cours du précédent exercice, de la dotation prévue au I. Elle est publiée dans les conditions prévues au dernier alinéa du même I. »
II. – Le 9° de l’article 54 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est abrogé.
III (nouveau). – Le présent article entre en vigueur à compter du 1er septembre 2017.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Le présent article visait initialement à supprimer purement et simplement la réserve parlementaire En jetant ce pavé dans la mare, le Président de la République et de son gouvernement ont fait le choix d’envoyer des signaux clairs : sous couvert de moraliser la vie politique, ils ciblent particulièrement les parlementaires et souhaitent limiter leurs financements et leurs prérogatives. Les parlementaires coûtent toujours trop cher et il faut limiter la dépense publique.
Nous connaissons le laïus. Les travers antiparlementaristes de cette loi ne nous ont donc pas échappé.
Pour autant, il s’agit d’une vraie question, tant la suspicion est forte, résultat des dérives constatées dans certains territoires. L’exigence de transparence d’aujourd’hui doit être prise en compte par les élus que nous sommes.
En commission, cet article a été totalement réécrit pour concilier à la fois le maintien de la réserve parlementaire, tout en encadrant plus fortement son usage.
Nous prenons connaissance pour la séance de trois séries d’amendements : certains parlementaires ne veulent finalement aucune contrainte sur l’usage de la réserve ; le Gouvernement souhaite supprimer cette réserve, tout en annonçant la sanctuarisation des ressources dans une prochaine loi de finances ; quelques parlementaires souhaitent aménager le texte de la commission.
Je crois qu’il faut s’entendre au préalable sur les termes de notre débat.
Si la suppression de la réserve parlementaire signifie la limitation des ressources des territoires et des collectivités, sans oublier les associations durement frappées par l’austérité, nous ne sommes pas d’accord.
Les territoires subissent la baisse des dotations, qui devrait encore s’amplifier par les récents choix politiques. Pour cette raison, nous n’avons qu’une confiance relative dans vos déclarations, madame la garde des sceaux, sur la sanctuarisation de ces crédits. Nous verrons, lors de la loi de finances, quels seront les arbitrages et nous vous rappellerons vos promesses. Ces 140 millions doivent rester au service des territoires et de leurs habitants.
Pour nous, le débat doit essentiellement porter sur la question suivante : l’idée même d’une réserve parlementaire est-elle légitime ? En la matière, les avis sont partagés. En effet, si elle permet aux élus de tisser un lien particulier avec leur territoire, les modes d’attribution, soumis au seul arbitraire des parlementaires, rendent nécessaire, pour une bonne part d’entre nous, dont je fais partie, la suppression de ce dispositif. Cette réserve apparaît aux yeux de notre peuple comme un privilège d’un autre temps, qui va jusqu’à bloquer le renouvellement de la vie politique, les sortants et les nouveaux n’étant pas sur un pied d’égalité.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l'article.
M. Daniel Gremillet. L’article 9 visait à supprimer la réserve parlementaire, comme l’indique le titre du chapitre III.
On parle vraiment très mal de cette action parlementaire. Laisser croire aux Français que c’est un trésor caché des sénatrices et sénateurs, laisser croire qu’on va dans nos campagnes ou dans nos villes distribuer des billets de 200 euros ou de 500 euros, c’est faire injure au travail parlementaire.
Surtout, c’est faire injure aux élus de nos territoires. Madame la garde des sceaux, que font en réalité les sénatrices et les sénatrices ? Ni plus ni moins que soutenir l’action territoriale, les projets de nos territoires !
Combien d’investissements n’auraient pas eu lieu si l’action parlementaire n’était pas intervenue ? Combien de projets, orphelins de tout financement de l’État, de la région ou du département, n’auraient pas vu le jour si l’action parlementaire ne s’était pas exercée ?
C’est le mieux vivre de nos territoires dont il est question. Combien de projets d’accessibilité ont été soutenus dans nos territoires grâce à l’action parlementaire ? Autre exemple d’actualité : les maires ont l’obligation de formuler leurs propositions de mise en conformité eu égard à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Comment feront-ils si l’action de proximité n’est pas au rendez-vous ?
Combien de fois le soutien de l’action parlementaire est-elle l’effet déclencheur de soutiens communautaires ?
À mes yeux, mettre fin au soutien de l’action territoriale, c’est mettre encore un peu plus les élus hors-sol. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Sur ce débat concernant la réserve parlementaire, je voudrais exprimer ici le ressenti d’un sénateur de la ruralité. Si cette réserve parlementaire était totalement supprimée, je m’interroge sur les réactions, dans un ou deux ans, des maires, des élus, des habitants de petites communes, qui se trouveraient dans la difficulté pour compléter les financements de travaux d’aménagement : écoles, salles de loisirs, travaux de voirie, protection du patrimoine. Ces élus, dans un ou deux ans, jugeraient-ils que la moralisation de la vie politique – c’est bien le sujet qui nous préoccupe – est réellement en marche ?
Je veux profiter de cette intervention pour réaffirmer, à la suite du collègue qui m’a précédé, que la réserve parlementaire, aujourd’hui, est totalement transparente. La procédure qui la régit répond aux mêmes règles que tout octroi de subvention de la part de l’État. Je veux dire à nos concitoyens que cette réserve parlementaire n’est pas versée en liquide, qu’elle ne passe pas par la poche des parlementaires, que ces derniers n’en prélèvent pas une partie avant de la redistribuer aux élus locaux. Or c’est ce que nos concitoyens, souvent, pensent !
Bien sûr, le cadre de ce dispositif peut être rénové – je n’y suis pas opposé –, des règles peuvent être précisées, des aménagements proposés. Réserver la réserve parlementaire à des investissements dans les petites communes ? J’y suis favorable, encore que les élus de la région parisienne y trouveraient légitimement à redire.
Il serait envisageable également d’interdire qu’un parlementaire oriente la réserve parlementaire vers une commune dans laquelle il exercerait un mandat d’élu.
Quant à l’argument du clientélisme, je prendrai pour y répondre l’exemple du département de l’Aisne, celui que je connais le mieux. Sur un mandat de six ans, 150 communes au maximum peuvent être aidées, ce qui veut dire que 550 ne le sont pas. L’argument du clientélisme est donc assez faible !
Pour conclure, je souhaite vraiment que ne soit pas sacrifié, sur l’autel de l’antiparlementarisme, dont l’ambiance hélas ! imprègne dangereusement notre pays aujourd’hui, un outil de financement simple, efficace, utile et désormais totalement transparent en direction des petites communes. (M. Jackie Pierre applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.
M. Jean Louis Masson. Si la réserve parlementaire est utilisée honnêtement, il n’y a strictement aucun problème ; elle contribue à aider les communes, souvent les plus défavorisées, pour la réalisation de petits projets. Elle constitue souvent un déclic permettant d’inciter la commune à réaliser un petit projet d’intérêt général.
Chaque année, je distribue des petites subventions d’égale importance, ou presque, à toutes les communes de mon département ; je parviens ainsi à en distribuer une centaine. Lorsque je visite les communes, par la suite, on me montre ce qui a été réalisé, et je constate les effets très positifs de la réserve parlementaire.
Si elle est aujourd’hui contestée, c’est parce que des abus ont été commis ! Je citerai l’exemple d’un ancien parlementaire de mon département – il n’est plus parlementaire, on peut en parler librement : il a attribué deux années de suite les 200 000 euros de sa réserve parlementaire à sa propre commune ! C’est scandaleux ! Il faut donc que nous exercions un contrôle sur ce dispositif.
Me paraissent tout à fait anormales également les dérives des subventions aux associations. Mediapart a révélé le cas d’un parlementaire qui, en deux ans, avait alloué, au total, 160 000 euros à une association dont il était le président, dont le délégué général était son assistant parlementaire, et dont la trésorière était sa première adjointe ! C’est quand même incroyable ! Pour couronner le tout, le siège de l’association se trouvait dans son bureau au Sénat !
Il y a quand même des limites ! Et les communes n’ont pas à être les victimes des agissements et des dérives de quelques personnes. C’est la raison pour laquelle je suis partisan du maintien de la réserve parlementaire, à condition cependant qu’elle fasse l’objet d’un contrôle.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.