M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Nous croyons – c’est manifestement une différence entre vous et nous – à la construction européenne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRCE.) Nous croyons à la réussite française dans le cadre de la construction européenne. Le nationalisme économique ne constitue en aucun cas une mesure.
Monsieur Bourquin, vous avez cité à l’instant un exemple assez pertinent, celui de Peugeot. Que pensez-vous de Peugeot, qui vient d’acquérir une grande société en Allemagne ? Elle s’appelle Opel ! Pensez-vous que les Allemands y ont vu une menace pour leur économie ?
M. Gérard Longuet. Opel appartenait déjà aux Américains !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. N’ont-ils pas plutôt considéré qu’il y avait là un enjeu de coproduction industrielle pour faire un leader mondial de l’automobile ? Voilà ce dont on parle !
Si nous appliquions votre préconisation – ainsi que celle qui a été défendue tout à l’heure –, nous bloquerions immédiatement le rapprochement entre Siemens et Alstom. En effet, la condition de ce rapprochement pour faire un grand leader européen du ferroviaire, c’est justement que la France ne lève pas l’option.
Alors, oui, nous pourrions avoir une approche spéculative ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRCE.) Oui, nous pourrions envisager de toucher le bénéfice de 8 euros ! Je n’entends pas faire de leçon d’économie. Je me contenterai de souligner que si nous levions cette option, de toute façon, le cours, au moment même où nous revendrions nos actions, serait largement inférieur.
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est vous qui le dites !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Ce dont il s’agit aujourd'hui, c’est d’accepter le fait que nous sommes dans une économie mondialisée. Ce qui signifie, n’en déplaise à ceux qui pensent qu’on peut raisonner sur un enjeu comme le ferroviaire à la seule échelle de la France, que nous avons des concurrents. Je pense notamment à un grand concurrent chinois, CRRC, qui devient le leader mondial. Il n’est pas encore arrivé sur le marché européen, mais il est allé sur le marché américain où il est immédiatement devenu le numéro un.
On peut penser qu’il vaut mieux nous replier sur nous-mêmes avec nos petits bras musclés et faire confiance aux entreprises ou, au contraire, faire le pari audacieux de miser sur le rapprochement entre la France et l’Allemagne de deux fleurons industriels qui ont des complémentarités évidentes. On peut choisir de ne pas avoir peur de cette ambition, celle qui a permis, au cours de l’année écoulée, à 96 entreprises françaises d’acquérir en Allemagne et de contribuer à la création de cet Airbus ferroviaire européen ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour la réplique.
M. Martial Bourquin. Monsieur le secrétaire d’État, votre angélisme me sidère ! (Exclamations sur les travées du groupe La République en marche.) Dans l’accord, Alstom conserve la possibilité de supprimer des emplois sur les sites en sous-charge, comme Belfort.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Martial Bourquin. General Electric, à Grenoble, ce sont 345 emplois supprimés sur 800. L’entrée d’un fonds de pension américain au capital de General Electric aboutira bientôt à n’avoir qu’une vision purement financière.
On a perdu la branche énergie d’Alstom. Allons-nous, demain, perdre la branche ferroviaire d’Alstom ?
M. le président. Il faut conclure !
M. Martial Bourquin. Ce que je vous propose, c’est la création d’un EADS franco-allemand avec les deux États qui prendront les garanties pour que l’ensemble des sites soit préservé, avec les emplois. Prenez vos responsabilités !
M. le président. Il faut conclure !
M. Martial Bourquin. Arrêtez de botter en touche ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRCE.)
ressources des collectivités
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Dans le projet de loi de finances pour 2018, votre gouvernement s’apprête à concentrer le paiement de la taxe d’habitation sur seulement 20 % des Français à l’horizon de trois ans. Ce que vous présentez comme une grande mesure de générosité, censée contrebalancer la suppression de l’ISF sur les valeurs mobilières, pose de réelles questions de fond auxquelles vous n’avez pas donné de réponse.
Tout d’abord, vous avez qualifié la taxe d’habitation de « mauvais impôt » et d’« impôt injuste ». Par quel miracle les défauts attribués à cet impôt ont-ils disparu pour justifier son maintien sur une partie de la population avant toute autre réforme ?
Cette décision va encore accroître l’hyperconcentration fiscale qui pèse sur les classes moyennes, alors même que plus de quatre millions de ménages ont d’ores et déjà une taxe égale à zéro et que les foyers les moins aisés bénéficient d’allégements. Les contribuables qui gagnent plus de 20 000 euros par an et qui acquittent déjà par ailleurs l’impôt sur le revenu vont donc être les seuls à payer la taxe d’habitation. Ne pensez-vous pas que ce que vous présentez comme une mesure de justice apparaît en réalité très injuste ?
Par ailleurs, une fois encore, ce sont les collectivités locales qui vont faire les frais de cette réforme. D’une part, elles nourrissent des inquiétudes quant au respect des services publics locaux - ce qui est gratuit n’a pas de valeur ! D’autre part, vous leur ôtez une part significative de leur autonomie fiscale en diminuant leur pouvoir de taux.
Comment comptez-vous, dès lors, préserver cette autonomie, qui est garantie par la Constitution ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. La réforme de la taxe professionnelle avait été annoncée par le Président de la République. (La taxe d’habitation ! sur les travées du groupe Les Républicains.) La réforme de la taxe d’habitation (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) redonnera du pouvoir d’achat à un certain nombre de nos concitoyens.
Cette réforme interviendra sous forme de dégrèvements. Aujourd’hui déjà, les communes bénéficient de dégrèvements au titre de la taxe d’habitation : l’État prend la place des citoyens qui sont exonérés.
Mme Sophie Primas. C’est faux !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Sur trois ans, ce sera la même chose.
M. Marc-Philippe Daubresse. À quel taux ? Avec quelle année de référence ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. La première année, les citoyens concernés seront exonérés de 30 %, la deuxième année de 60 % et la troisième année de 100 %. L’État prendra la place des citoyens exonérés. Ce sera donc une opération blanche pour les collectivités locales. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Bien entendu, comme l’a dit M. le Premier ministre il y a quelques instants, cette opération est aussi une manière de repenser la fiscalité locale. Vous le savez, depuis des années, on pense à réviser les bases cadastrales de la taxe d’habitation, mais cela n’a jamais été fait.
M. Marc-Philippe Daubresse. Jamais !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cela n’a jamais été fait par les gouvernements successifs et, reconnaissons-le, cela n’a jamais été fait non plus par les élus, qui mettaient la pédale douce quand ils voyaient les conséquences qu’un tel changement entraînerait.
Madame la sénatrice, la réforme de la taxe d’habitation sera véritablement sans effet sur les ressources des collectivités locales. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) En outre, ces dernières garderont la liberté de taux pour la taxe d’habitation. (M. Alain Bertrand applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Cette réponse n’est pas vraiment de nature à me rassurer. L’opération sera certainement blanche la première année, mais qu’en sera-t-il les années suivantes ?
M. Roger Karoutchi. Évidemment !
Mme Christine Lavarde. Finalement, votre propos ne fait qu’illustrer les choix du Gouvernement : trouver des boucs émissaires, en l’occurrence, les collectivités locales, et concentrer l’impôt sur une infime partie de la population, celle qui vit du fruit de son travail, qui a pu acquérir un logement et qui paye donc par ailleurs la taxe foncière. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme Pascale Gruny. Très bien !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi 17 octobre 2017.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)
PRÉSIDENCE DE M. philippe dallier
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Évaluation environnementale
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 2.
Article 2 (suite)
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mme Tocqueville, MM. Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Préville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 42
Rédiger ainsi cet alinéa :
– au 1° de l’article L. 121-17-1, les mots : « au seuil fixé par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « à un seuil fixé par décret en Conseil d’État et ne pouvant être supérieur à 5 millions d’euros » et, à la fin, le mot : « montant » est remplacé par le mot : « seuil » ;
II. – Alinéa 67
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – Le deuxième alinéa du c du 2° du I entre en vigueur deux mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Le présent amendement vise à réintroduire le seuil de 5 millions d’euros à partir duquel peut s’exercer le droit d’initiative citoyenne, auquel il a été fait allusion à plusieurs reprises au cours de ce débat.
Ce seuil a été introduit par l’Assemblée nationale en lieu et place de celui de 10 millions d’euros afin que davantage de projets puissent être concernés. Le rapporteur, M. Jean-Marc Zulesi, par ailleurs auteur de l’amendement, a rappelé que, selon l’étude d’impact, seuls 140 projets en une année seraient susceptibles d’entrer dans le champ du droit d’initiative citoyenne si le seuil de 10 millions d’euros était maintenu.
Cependant, le nouveau seuil de 5 millions d’euros a été supprimé en commission au Sénat au motif que cette précision venait empiéter sur le domaine réglementaire. En effet, l’ordonnance prévoyait initialement que ce seuil serait fixé par décret, sans en préciser le montant minimum.
Si nous pouvons entendre cet argument d’un point de vue légistique et réglementaire, nous tenons à préciser qu’il arrive très souvent que la loi encadre le champ d’un décret.
En outre, il nous paraît nécessaire d’ouvrir davantage ce droit d’initiative citoyenne afin de rendre le dispositif réellement pertinent et efficient tout en répondant à une attente sociétale forte.
C’est pourquoi notre amendement tend à réintroduire la précision apportée par l’Assemblée nationale, précision qui, je tiens à le rappeler, n’avait pas suscité d’opposition de la part du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Cet amendement vise à revenir sur une décision de notre commission, qui a supprimé, dans le présent texte, le plafonnement du seuil des dépenses publiques au-delà duquel le droit d’initiative citoyenne s’appliquera à un projet public ou privé.
Sans prendre position quant au seuil pertinent, nous avons supprimé cette précision pour deux raisons. D’une part, elle empiétait sur le domaine réglementaire ; d’autre part, elle rigidifiait le dispositif en empêchant d’assurer une adaptation ultérieure sans passer par une loi.
Il est clair que, si la loi énonce un chiffre, il sera compliqué de le modifier : il faudra une autre loi. Pour le pouvoir réglementaire, ce sera plus facile.
De plus, il ne revient pas au législateur de se substituer au pouvoir réglementaire.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déjà évoqué ce sujet, et peut-être pourrez-vous nous donner d’autres précisions, mais, en tout cas, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le rapporteur, le Gouvernement va vous donner toutes les précisions de la Terre ! (Sourires.) Je reprends le commentaire que j’ai fait, sur ce sujet, avant les questions d’actualité au Gouvernement.
Premièrement, le Gouvernement souhaite fixer le seuil à 5 millions d’euros, car cela permet, symboliquement – mais quel symbole ! –, d’inclure le projet de Sivens dans le cadre de l’ordonnance. Faute de cela, il y aurait, dans cette affaire, une forme d’anachronisme tout de même un peu curieuse !
Deuxièmement, Le Gouvernement est à la disposition du Parlement, et j’observe que les députés tiennent beaucoup à cette mesure : à l’Assemblée nationale, l’unanimité s’est même exprimée pour qu’elle figure dans la loi. Je ne suis pas là pour vous dire que le Sénat doit faire de même. Néanmoins, sachez qu’en commission mixte paritaire, nous serons de nouveau confrontés à ce sujet.
L’affaire de Sivens a eu un impact très fort. Peut-être d’autres dossiers, dans un avenir plus ou moins proche, y feront-ils écho : n’allons pas nous mentir entre nous.
Je constate, en outre, que certains sénateurs – Mme Tocqueville vient de s’en faire la porte-parole – sont favorables à cette mesure.
Pour les raisons que je viens d’exposer, le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, je ne veux pas émettre un avis défavorable : j’exprime le même avis de sagesse, et je sais que nous reviendrons sur cette question en commission mixte paritaire.
Je sais les efforts du président du Sénat, Gérard Larcher, de vous tous et de vous toutes, dans cet hémicycle, pour distinguer clairement les domaines législatif et réglementaire. Lors de la discussion générale, j’ai moi-même exprimé ma bienveillance pour cet état d’esprit. Mais j’ai trop de respect et surtout d’amitié pour le Sénat pour vous cacher quoi que ce soit : en commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale reviendra avec de solides arguments pour que cette disposition figure dans la loi, et, dans ce cadre, le Gouvernement émettra également un avis de sagesse. Je me dois de vous donner cette vérité.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Monsieur le rapporteur, avec cet amendement, il n’est plus question d’un montant, mais d’un seuil. Par ailleurs, M. le secrétaire d’État l’a dit, nous reviendrons sur ce sujet en commission mixte paritaire, échéance vers laquelle nous nous projetons déjà.
À mon sens, en votant le présent amendement, nous laissons un plus grand espace au champ réglementaire qu’en gardant les dispositions retenues par l’Assemblée nationale. Ainsi, une partie du travail accompli par le Sénat sera inscrit dans la loi.
La question des 5 millions d’euros reviendra quoi qu’il en soit en commission mixte paritaire. Mais, je le répète, avec cet amendement, il ne s’agit plus d’un montant, mais d’un seuil : c’est une avancée. Voilà pourquoi, tactiquement, nous avons intérêt à soutenir cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Dans cet amendement, il y a deux problèmes : un problème de fond, à savoir l’abaissement du seuil – j’ai bien compris que le Gouvernement et certains sénateurs souhaitaient revenir au seuil initial –, et un problème de forme.
Depuis un certain temps déjà, le Sénat s’oppose constamment à l’inscription de dispositions réglementaires dans la loi.
Bien sûr, il faut que les parlementaires soient écoutés par le Gouvernement, et, effectivement, il ressort de la discussion qu’un certain nombre d’entre nous veulent revenir au seuil fixé par l’Assemblée nationale, mais nous, sénateurs, avons aussi un devoir : faire la loi sans y inclure trop de mesures réglementaires.
Mes chers collègues, en l’occurrence, je ne vois pas vraiment où est le problème : le Gouvernement est complètement d’accord avec les dispositions proposées, et il s’engage à les mettre en œuvre par décret. On pourrait se méfier du Gouvernement sur ce point, mais, précisément, on a l’accord du Gouvernement ! Puisque, par décret, celui-ci mettra en vigueur le seuil que vous souhaitez, nous n’avons aucun intérêt à surcharger la loi avec des mesures réglementaires.
Selon moi, cet amendement n’a pas lieu d’exister, dès lors que le Gouvernement s’est engagé à instaurer par décret les mesures que vous souhaitez.
M. Alain Fouché, rapporteur. Parfait !
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Bien entendu, je soutiens l’amendement de notre collègue Nelly Tocqueville, et je défends la position inverse de celle que vient d’exposer M. Cornu.
Comme l’a dit M. Dantec, il est bon d’inscrire ce seuil dans la loi : cela nous laissera davantage de respiration.
M. Gérard Cornu. Au contraire !
M. Claude Bérit-Débat. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet excellent amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. À mon sens, il est utile de préciser dans quel contexte s’inscrit cette discussion.
L’ordonnance est incomplète et imparfaite sur ce sujet, puisqu’elle ne mentionne pas la valeur sur laquelle le seuil est établi. Il est logique que ces dispositions soient définies par la voie réglementaire : s’agit-il du coût de travaux ? S’agit-il du coût complet ? La réponse est naturellement de l’ordre du règlement. C’est une première raison pour renvoyer l’ensemble au décret en Conseil d’État comme l’impose – pardon de le rappeler – la Constitution depuis 1958. La loi fixe les règles ou les principes, suivant les matières, mais, ensuite, c’est au pouvoir réglementaire de fixer les conditions d’application.
Il est donc nécessaire de préciser la nature de l’opération qui est chiffrée.
S’ajoute un sujet qui, à mes yeux, n’a pas été suffisamment approfondi au cours des travaux préparatoires, et j’en prends ma part : la définition de « l’opération privée bénéficiant d’un soutien public ».
Il y a juste cinquante façons de définir un soutien public ! Se traduit-il par des infrastructures, par des subventions ou par des avantages fiscaux ? Cela n’est précisé nulle part. Or, puisqu’il s’agit de fixer le champ d’application d’une obligation, il va bien falloir donner cette définition, et cela ne peut être fait que dans le règlement.
Enfin, j’invoquerai un dernier argument. Puisque, à 90 % au minimum, ce sont les collectivités territoriales qui seront assujetties à cette obligation, ce ne sera pas perdre du temps que d’assurer un minimum de concertation avec les représentants des communes et des intercommunalités, mais aussi avec les représentants des départements, car il faut prendre en compte tous les travaux routiers. Aussi, il me paraît beaucoup plus logique de ne pas fixer de montant.
Monsieur le secrétaire d’État, peut-être vous êtes-vous laissé un peu emporter dans une discussion, disons hâtive, à l’Assemblée nationale. À mon avis, la réflexion mérite d’être complétée. J’estime donc qu’il serait de loin préférable de renvoyer purement et simplement, conformément au texte initial de l’ordonnance, vu par le Conseil d’État, à un décret en Conseil d’État l’ensemble des modalités de fixation du seuil.
M. Gérard Cornu. Tout à fait d’accord !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. Monsieur Richard, sur ce point, l’ordonnance est précise. Autant, sur d’autres points, je vous ai donné acte et raison sur le fait, et le Sénat l’a compris, que certaines rédactions étaient imparfaites, autant, sur ce point, l’intérêt à agir, ce sont précisément ces 5 millions d’euros !
M. Alain Richard. Évalués de quelle manière ?
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. C’est ce que dit M. Dantec.
Je ne suis pas là pour influencer le Sénat ! Je vais simplement donner lecture des dispositions dont il s’agit afin que chacun, sur les différentes travées, partage la même information. Sont concernés « les projets mentionnés au 2° de l’article L. 121-15-1, lorsque le montant des dépenses prévisionnelles d’un tel projet réalisé sous maîtrise d’ouvrage publique est supérieur » – nous en arrivons à l’ajout effectué en commission par l’Assemblée nationale : sur ce point, j’insiste, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat – « à un seuil fixé par décret en Conseil d’État et ne pouvant être supérieur à 5 millions d’euros ou lorsque le montant total des subventions publiques à l’investissement accordé sous forme d’aide financière nette au maître d’ouvrage d’un projet privé est supérieur à ce montant ».
Je le répète au nom du Gouvernement, la rédaction de l’ordonnance me semble précise quant à l’intérêt à agir. La vraie question est donc la suivante : la mention des 5 millions d’euros appartient-elle au domaine législatif ou au champ réglementaire ?
Monsieur Cornu, je vous réponds et, ainsi, je donne également l’avis du Gouvernement sur ce point : cette disposition appartient bien au champ réglementaire. Les députés souhaitent la voir figurer dans la loi, puisqu’ils considèrent que c’est un seuil, conformément à l’argumentation qui a été développée à l’instant par plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que d’autres parmi vous disent que, peu importe, cette mesure étant réglementaire, elle n’a pas à figurer dans la loi – pardon, ce n’est pas au Gouvernement de faire la synthèse des débats du Sénat… Je tenais seulement à préciser de nouveau les choses : en l’espèce, l’enjeu n’est pas un problème de rédaction de l’ordonnance, mais la volonté du Parlement d’aller dans un sens ou dans un autre.
Comme je tiens à la transparence dans la manière de travailler entre le ministère de la transition écologique et solidaire, le Gouvernement dans son ensemble et le Sénat, sachez que je ne me suis pas laissé emporter par l’Assemblée nationale, puisque j’ai émis un avis de sagesse. Si être sage, ici, au Sénat, c’est se laisser emporter… J’en perds mon latin, et même mon normand ! (Sourires.)
Sur ce sujet, devant vous, j’émets de nouveau un avis de sagesse ; in fine, en commission mixte paritaire, le Gouvernement fera de même, avec le résultat que vous devinez. L’honnêteté me commandait de vous le dire.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Ce débat est assez paradoxal. Il y a, me semble-t-il, un accord quant à l’objectif, à savoir, grosso modo, la fixation d’un seuil de 5 millions d’euros. Il n’y a donc pas matière à se disputer ou à émettre des points de vue divergents : nous sommes d’accord sur le fond.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le secrétaire d’État, reste la manière de faire. À cet égard, je partage à la fois le propos de M. Richard et le propos de M. Cornu.
Dans la logique de M. Richard, vous devez prendre un tout petit peu plus de temps pour traiter cette question par voie réglementaire en affinant la définition du seuil. Cette proposition me paraît plutôt de bon sens, et elle me semble assez positive.
Dans la logique de M. Cornu, il s’agit d’une disposition réglementaire. Vous l’admettez volontiers, et cela me paraît effectivement une évidence.
Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, j’ajoute que l’article 41 de notre Constitution vous fait normalement obligation, non d’émettre un avis de sagesse, mais de dire que de telles dispositions sont irrecevables, puisque de nature réglementaire.
M. Gérard Cornu. Bien sûr !
M. Philippe Bonnecarrère. Cet article permet au président de notre assemblée de faire sanctionner un amendement dans les mêmes conditions.
Que l’on soit au Sénat ou à l’Assemblée nationale, il paraît assez cohérent de considérer que, la disposition étant de nature réglementaire, elle doit relever du décret, tout en prenant acte – il faut quand même avoir un minimum de confiance en la parole gouvernementale ! – de l’engagement du Gouvernement de fixer, par voie de décret, le seuil à 5 millions d’euros. En procédant comme on le fait actuellement, on est en train de s’enfoncer dans une impasse.
J’ajoute un dernier élément, en raisonnant par l’absurde. En suivant la mécanique que vous nous avez décrite, c’est-à-dire si, avec ses gros muscles, l’Assemblée nationale impose, en commission mixte paritaire, sa rédaction avec un seuil de 5 millions d’euros figurant dans la loi, imaginons que l’on ait un mauvais coucheur – ce n’est pas exclu – (M. le secrétaire d’État le concède.) et qu’une question prioritaire de constitutionnalité soit soulevée : vous êtes sûr de voir prononcer l’inconstitutionnalité du texte. Dès lors, vous repartez de zéro.
Ainsi, ce débat me paraît totalement improductif. J’espère que, à partir de votre engagement de fixer par voie réglementaire le seuil à 5 millions d’euros, nous allons pouvoir sortir de cette discussion ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe République et territoires/Les Indépendants et du groupe Les Républicains.)