M. le président. L’amendement n° 42, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 36, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, ainsi que des mesures d’annulation de crédits en cours de gestion
La parole est à M. le corapporteur.
M. Jacques Bigot, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. L’ensemble des amendements déposés par la commission à l’article 1er sont des amendements de coordination qui portent sur l’annexe. Je vous propose de considérer, monsieur le président, qu’ils sont tous défendus.
M. le président. L’amendement n° 43, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 66
Remplacer les mots :
est prévu
par les mots :
et les dérogations qu’il serait possible d’y apporter, sous l’autorité du Conseil supérieur de la magistrature, sont prévus
L’amendement n° 44, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 137
Après le mot :
magistrats
insérer les mots :
, les greffiers
L’amendement n° 45, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 163, première phrase
Remplacer les mots :
ayant une activité économique, pour en
par les mots :
, pour les mesures et les procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, afin d’en
L’amendement n° 46, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 168
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 169
Au début, insérer les mots :
Lorsque le conciliateur de justice intervient par délégation du juge,
III. – Après l’alinéa 169
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
A contrario, toutes les fois où la conciliation aura été engagée à l’initiative des parties, ou toutes les fois où la tentative de conciliation relèvera d’un préalable obligatoire à la saisine du juge, le conciliateur n’aura pas à adresser, au juge saisi, de proposition de règlement du litige.
L’amendement n° 47, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 204
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il associera également les élus locaux, en particulier les conseils départementaux.
L’amendement n° 48, présenté par MM. J. Bigot et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 226, première phrase
Remplacer le mot :
décision
par le mot :
demande
Ces amendements ont été présentés.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, j’émettrai un avis défavorable, car il s’agit d’amendements de coordination avec la proposition de loi organique que nous n’avons pas encore examinée. Il ne me semble pas cohérent de commencer la discussion de cette manière.
Par ailleurs, au fond, ce sont des dispositions auxquelles je ne suis pas nécessairement favorable.
Je pense notamment à l’amendement n° 42, qui vise à instaurer une forme de sanctuarisation en interdisant les gels de crédits. Je ne crois pas que, d’un point de vue constitutionnel, l’on puisse prévoir par amendement de réduire la capacité du Gouvernement à gérer les crédits qui lui sont attribués. Se pose donc ici une question de constitutionnalité.
Enfin, dernier argument, qui ne porte plus sur la constitutionnalité, je rappelle que le Gouvernement s’est engagé à ce que les réserves de crédits n’excèdent dorénavant plus 3 %, ce qui me semble être une amélioration importante.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, je ne comprends pas très bien votre argumentation, et ce pour deux raisons.
Première raison, vous nous dites que chercher à mettre en adéquation l’annexe de ce texte avec la proposition de loi organique pose problème, car nous n’avons pas encore examiné cette dernière. Mais nous allons en parler ! Rien n’empêche nos rapporteurs de mettre en harmonie les deux textes. Je ne vois pas pourquoi vous seriez pour la disharmonie.
Deuxième raison, il est tout de même étonnant que votre première intervention sur l’article 1er soit pour contester l’affirmation en vertu de laquelle il ne faudrait pas qu’il y ait des gels de crédits en cours d’année. Vous savez bien que les lois de finances que nous votons ne sont finalement qu’une sorte d’exercice quelque peu abstrait, puisque des régulations qui détruisent la volonté du législateur finissent toujours par survenir.
Nous sommes ici – c’était la volonté, me semble-t-il, du président Philippe Bas et des rapporteurs – pour dire qu’il faut absolument une programmation en matière de justice. Madame la ministre, vous voudriez donc commencer par affirmer qu’une mesure que nous voterions dans la loi de finances serait derechef aléatoire et que, si elle ne l’était pas, elle serait inconstitutionnelle…
Vous avez de hautes qualités pour parler de constitutionnalité, mais vous comprenez bien que nous sommes nous simplement des législateurs. Lorsque nous disons, comme nous allons souvent le faire dans ce débat, qu’il faut respecter les augmentations de crédits prévus dans une loi de finances, c’est pour nous simplement du bon sens ! Nous en avons assez de cette fantasmagorie qui consiste à voter des lois de finances pour avoir ensuite toute une série de suppressions de crédits aléatoires.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je voudrais vous faire observer qu’inscrire dans un texte de loi, puisque tel est l’objet de l’amendement, qu’il faut exonérer les crédits de l’autorité judiciaire de décisions d’annulation en cours de gestion ne signifie pas que le Gouvernement n’est pas décidé à se battre pour que les crédits du budget de la justice soient en augmentation.
J’aurai l’occasion de vous présenter le budget de la justice, mais je veux dire ici que le budget pour 2018 est en augmentation. Ne mélangeons donc pas les choses, monsieur le sénateur !
Vous me faites observer que ce serait bien mal commencer le débat que d’émettre un avis défavorable sur cet amendement. Mais, encore une fois, mon désaccord de fond porte sur la technique même de la disposition qui nous est proposée, et non sur le principe de l’augmentation du budget ni même sur la nécessité, que nous partageons avec la commission et vous-même, d’avoir des crédits en augmentation pour les services judiciaires.
Je veux simplement dire que je m’interroge sur la constitutionnalité d’une disposition qui prévoit de restreindre la compétence et les prérogatives du Gouvernement en matière d’exécution budgétaire. Il me semble qu’elle n’est pas constitutionnelle.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Madame la garde des sceaux, je ne veux pas prolonger excessivement cet échange : nous avons bien compris que le Gouvernement ne souhaitait pas que soit délibérée ici et adoptée une disposition traduisant notre opposition aux annulations de crédits.
Pour autant, et je rejoins les propos de notre collègue Jean-Pierre Sueur, votre position ne doit pas tenir à un argument constitutionnel. Nous ne sommes pas en train de légiférer. Nous délibérons d’une annexe à une proposition de loi. Dans ce texte, sont énoncés de grands principes, des objectifs dont nous aurions souhaité – il faut le dire – qu’ils soient partagés par le Gouvernement.
Nous entendons que vous êtes en désaccord avec cet objectif, ce qui est regrettable, mais ne vous cachez pas derrière un argument constitutionnel qui ne tient pas puisque, je le redis, avec cette annexe, nous ne sommes pas en train d’adopter une disposition législative stricto sensu.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article 1er et de l’annexe, modifié.
(L’article 1er et l’annexe sont adoptés.)
Article 2
La progression des crédits de paiement de la mission « Justice », en euros courants, entre 2018 et 2022, s’effectuera selon le calendrier suivant :
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Mission « Justice » |
8 733 512 141 |
8 974 042 001 |
9 420 059 277 |
10 059 867 430 |
10 902 216 304 |
dont programme justice judiciaire |
3 420 144 300 |
3 522 748 629 |
3 628 431 088 |
3 737 284 021 |
3 849 402 542 |
dont programme administration pénitentiaire |
3 691 892 789 |
3 802 649 572 |
4 106 861 538 |
4 599 684 923 |
5 289 637 661 |
dont programme conduite et pilotage de la politique de la justice |
378 405 668 |
397 325 952 |
425 138 768 |
454 898 482 |
486 741 376 |
dont programme accès au droit et à la justice |
406 623 117 |
410 689 349 |
414 796 242 |
418 944 205 |
423 133 647 |
dont programme protection judiciaire de la jeunesse |
831 878 444 |
836 037 836 |
840 218 025 |
844 419 115 |
848 641 211 |
dont programme Conseil supérieur de la magistrature |
4 567 823 |
4 590 663 |
4 613 616 |
4 636 684 |
4 659 867 |
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Cet amendement de suppression vise à marquer notre désaccord sur la répartition des crédits proposée.
Il s’agit non pas de mettre en cause la sincérité de la programmation, mais plutôt de souligner la différence de nos approches respectives concernant le redressement de la justice.
Nous aurions souhaité que l’effort en direction de l’autorité judiciaire soit plus important. Une fois encore, le programme « Administration pénitentiaire » absorbe une grande partie des crédits. En effet, sur un total de 2,17 milliards de progression de l’ensemble de la mission « Justice », 1,59 milliard est fléché vers l’administration pénitentiaire, soit trois fois plus que pour le programme « Justice judiciaire ».
La surpopulation carcérale et le délabrement de nos prisons sont indéniables. La situation des prisons françaises a d’ailleurs donné lieu à de nombreuses condamnations de l’État devant la Cour européenne des droits de l’homme. Mais la France a également déjà été condamnée pour ses procédures judiciaires trop lentes. Les deux situations sont donc prioritaires.
Comme nous l’évoquions précédemment, il nous paraît donc illusoire de vouloir résoudre ces deux problèmes avec le même outil budgétaire, en maintenant une justice de qualité et accessible. Cela nous conduit toujours à arbitrer entre l’un et l’autre : la programmation proposée n’en est qu’une énième démonstration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission est défavorable à cet amendement tendant à supprimer l’article 2, l’un des fondements du texte qui nous est proposé sur la programmation budgétaire pluriannuelle.
Je rappelle simplement, et je le fais une fois pour toutes, car d’autres amendements iront dans le même sens, que cette démarche de programmation a été saluée par l’ensemble des personnes qui ont participé à l’élaboration de ce rapport et ont été consultées.
Par ailleurs, le principe d’une programmation pluriannuelle est plutôt convergent avec les projets actuels du Gouvernement, comme cela a été précédemment rappelé à la tribune. Il tient évidemment compte de la construction de 15 000 places de prison supplémentaires. Proportionnellement, le budget pénitentiaire est plus important que le budget judiciaire, mais ce dernier augmente aussi. Nous sommes donc dans une cohérence globale. On ne peut pas scinder les choses en deux pour donner plus ou moins satisfaction. Je le redis, cette cohérence globale est absolument nécessaire.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement uniquement parce que, comme je l’ai expliqué dans la discussion générale, il souhaite présenter sa propre programmation budgétaire dans un texte qui vous sera proposé au printemps prochain.
C’est donc moins sur la cohérence et la construction de l’article 2 que j’émets un avis favorable que sur le fait que le Gouvernement souhaite s’approprier la présentation de la programmation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je suis opposé à cet amendement.
Nous sommes en train de payer au prix fort le fameux principe de l’annualité budgétaire.
L’annualité budgétaire est toujours présentée comme une sorte de dogme. Je me souviens que j’avais présenté, il y a un certain nombre d’années, un rapport sur la politique urbaine, la politique de la ville et des quartiers. J’avais proposé une programmation sur dix ans. Tout le monde m’avait répondu que c’était impossible, que ce serait insupportable pour Bercy, qui allait se révolter, s’étrangler… L’annualité budgétaire, il n’y a que cela de vrai !
Madame la garde des sceaux, j’estime pour ma part que le culte de l’annualité budgétaire est finalement contraire à la politique elle-même. Qu’est-ce que la politique ? C’est voir le moyen terme et le long terme, et c’est inscrire l’effort dans ce moyen terme et ce long terme. Or, en matière de justice, les chiffres sont éclatants. Je me rappelle des propos des différents orateurs lors de la discussion de la loi pénitentiaire. Le retard est considérable : si l’on regarde les chiffres de l’OCDE, la France est dans les quatre ou cinq derniers pays sur quarante ou quarante-cinq. Je le redis, le retard est considérable.
Je crois que si l’on veut sérieusement combler ce retard, il faut a minima aller dans le sens proposé par le président Philippe Bas, soit une augmentation de 27 % en cinq ans. Il faudrait faire davantage, mais je le dis avec beaucoup de modestie, car je n’ignore pas, comme tout un chacun, que lors du précédent quinquennat les crédits du ministère de la justice ont augmenté de 14 %. Il est proposé ici une augmentation de 27 %, soit pratiquement deux fois plus. Mais, je le répète, il faudra aller beaucoup plus loin.
Madame la garde des sceaux, si les Tables de la loi sont contraires à ce que je dis, cela m’est complètement égal ! (Sourires.) Si l’on veut rattraper la situation que connaissent les tribunaux comme celui de Bobigny et les prisons – vous êtes au courant, puisque vous vous y êtes rendue –, si l’on veut en finir avec la sous-évaluation des besoins du ministère de la justice, il faut avoir le courage de faire une loi de programmation sur dix ans.
Cette loi de programmation s’imposerait à tous les gouvernements. Non seulement il n’y aurait pas d’annualisation budgétaire, mais les chiffres seraient sacralisés et sanctuarisés. En dix ans, nous nous donnerions les moyens de ne pas être la lanterne rouge de l’OCDE.
Cet enjeu est absolument majeur. C’est la raison pour laquelle il faudrait à tout le moins voter ces dispositions du texte.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Je m’étonne donc, madame la garde des sceaux, que vous soyez favorable à cet amendement.
Monsieur le président, je vous demande votre indulgence, car je sais qu’elle est grande ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je suis pleinement d’accord avec vous : il faut une loi de programmation pour la justice. C’est la raison pour laquelle je vous la présenterai dans quelques mois ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Je serai là !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il faut une loi de programmation pour la justice, mais je m’étonne que vous préemptiez ce que décideront celles et ceux qui vous succéderont. Peut-être vous succéderez-vous à vous- même lors des prochaines élections sénatoriales, mais je trouve surprenant que vous préemptiez la capacité de décider de vos futurs collègues pendant dix ans ! Cela me semble être une innovation assez radicale…
Je me contenterai pour ma part d’une loi de programmation pour cinq ans que je vous présenterai dès le printemps prochain.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
La progression des effectifs de la mission « Justice », en équivalents temps plein travaillé, entre 2018 et 2022, s’effectuera selon le calendrier suivant :
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Plafond d’emplois de la mission « Justice » |
85 747 |
88 378 |
91 118 |
93 976 |
96 954 |
dont programme justice judiciaire |
33 239 |
33 738 |
34 244 |
34 758 |
35 279 |
dont programme administration pénitentiaire |
41 167 |
43 226 |
45 387 |
47 656 |
50 039 |
dont programme conduite et pilotage de la politique de la justice |
2 200 |
2 244 |
2 289 |
2 335 |
2 382 |
dont programme protection judiciaire de la jeunesse |
9 119 |
9 147 |
9 174 |
9 202 |
9 229 |
dont programme conseil supérieur de la magistrature |
22 |
23 |
24 |
25 |
25 |
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Dans la même logique que précédemment, nous souhaitons affirmer notre opposition à la répartition retenue des évolutions d’effectifs.
Les rapports de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice permettent de mettre en lumière la sous-dotation structurelle de nos juridictions en effectifs, par comparaison avec les effectifs recensés chez nos voisins européens.
En 2014, la France comptait ainsi deux fois moins de juges professionnels que la moyenne européenne, quatre fois moins de procureurs et deux fois moins de non-magistrats.
La répartition de l’augmentation des plafonds d’emplois retenue prévoit une hausse d’environ 6 % des effectifs du programme « Justice judiciaire », soit un peu plus de 2 000 personnes, contre une hausse de 21 % pour l’administration pénitentiaire. Cela ne nous semble pas aller dans le sens d’un rattrapage de notre retard au regard de nos voisins européens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. L’avis est défavorable.
Je ne reviens pas sur l’explication générale et la cohérence de l’ensemble. En revanche, je voudrais apporter quelques précisions à mes collègues sur les effectifs. Il y a bien eu un important effort de recrutement consenti en faveur de l’administration pénitentiaire : nous l’avons déjà dit, cela représente 1 500 postes de surveillants en plus. Il s’est également agi d’accompagner l’ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires, puisque l’on tient compte de la construction de 15 000 places supplémentaires.
Des recrutements significatifs sont également prévus au bénéfice des juridictions. Je voudrais les citer dans le détail : la programmation des emplois vise notamment à combler la vacance de postes de magistrats – 500 postes – et de greffiers – plus de 900 postes sur cinq ans –, mais aussi à prévoir la création de postes de greffiers assistants de magistrats – 100 postes – et de juristes assistants – 300 postes – destinés à renforcer l’équipe du juge, ainsi qu’à accroître les effectifs mis à disposition des chefs de cour et de juridiction, en augmentation de 200 postes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Dans la logique de mon avis sur l’amendement précédent, je suis favorable à l’amendement n° 23 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
La progression du nombre de conciliateurs de justice, entre 2018 et 2022, s’effectuera selon le calendrier suivant :
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Nombre de conciliateurs de justice |
2 220 |
2 520 |
2 820 |
3 120 |
3 420 |
M. le président. L’amendement n° 24 rectifié, présenté par Mmes Costes, N. Delattre et M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Cet amendement vise à contester l’augmentation du nombre de conciliateurs de justice prévue à l’article 4, qui préfigure l’évolution proposée à la section 2 de du chapitre III de la proposition de loi.
L’objectif semble être d’accorder une plus grande place à la conciliation dans l’architecture judiciaire, en permettant au conciliateur de présenter au juge une proposition de règlement du litige et en exploitant si nécessaire la main-d’œuvre bon marché que constituent les assistants de justice pour s’acquitter de cette fonction.
Sur le plan programmatique, cette volonté se traduit donc par le recrutement de 1 200 conciliateurs supplémentaires, en plus des 2 200 existants.
Certains se féliciteront du faible coût de la mesure, puisque les conciliateurs sont bénévoles et que les assistants de justice sont rémunérés entre 450 et 500 euros nets mensuels, selon une information publiée sur le site internet du ministère de la justice.
Derrière l’économie budgétaire, on peut cependant s’inquiéter du coût caché d’une telle mesure pour le justiciable, pour qui la conciliation pourrait représenter une étape supplémentaire dans un parcours judiciaire déjà long.
D’autant que peu d’informations sont disponibles sur l’avenir des conciliations et la satisfaction qu’en tirent les personnes qui y ont recours. À ce propos, la décision des rapporteurs de ne pas conférer à l’accord issu de la conciliation la force exécutoire est une bonne chose.
Nous ne sommes pas opposés par principe à la conciliation, bien que ce soit une forme de déjudiciarisation, mais nous souhaiterions disposer de renseignements susceptibles de nous convaincre de son utilité, pour la gestion du flux de contentieux comme pour le justiciable.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Bigot, corapporteur. L’avis est défavorable.
La commission ne cherche pas du tout à supprimer des juges – au contraire, il faut en recruter ! – pour les remplacer par des conciliateurs.
Je rappelle que, dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a été récemment adoptée, une conciliation obligatoire a été prévue pour les litiges inférieurs à 4 000 euros. Nous sommes bien conscients que, pour la plupart des justiciables, une conciliation rapide pour des valeurs en litige aussi faibles est plus utile qu’un long procès.
Pour beaucoup d’affaires – je pense notamment aux questions relatives aux troubles du voisinage –, la conciliation est une bonne voie de règlement des litiges. Jacques Bigot et moi-même avons rencontré les conciliateurs : ce sont des bénévoles, et ils tiennent à le rester.
La proposition de loi prévoyait que le conciliateur pouvait faire un rapport au juge pour l’aider à comprendre le litige en cas de désaccord. Nous avons présenté un amendement sur ce point, qui a été accepté par la commission et par l’auteur de la proposition de loi : le conciliateur ne pourra proposer des éléments de règlement au juge que si le juge lui confie préalablement une mission de conciliation. Dans ce cas, il peut indiquer quel pourrait être le sens de l’issue du litige.
Le but des conciliateurs est d’amener les gens à se réconcilier. Ce n’est pas du tout gênant ! Si l’on arrive à décharger les magistrats de ce type de contentieux, ce serait une bonne chose pour la justice.
Voilà le motif pour lequel la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame Costes, j’émets un avis favorable sur votre amendement, mais pas pour les raisons que vous avez exposées.
Le recours à des conciliateurs est à nos yeux important : comme l’a très bien expliqué M. le rapporteur, la conciliation est une procédure qui mérite d’être développée, non pas pour faire des économies, mais tout simplement parce que ce mode alternatif de règlement des litiges peut permettre d’éviter des procédures longues, coûteuses et anxiogènes.
Cependant, je ne souhaite pas m’engager ce soir sur les objectifs chiffrés définis par la commission. Il convient d’attendre les conclusions des chantiers de la justice, en particulier du travail en cours sur la procédure civile.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Madame la garde des sceaux, les conciliateurs de justice sont de plus en plus considérés, par les nombreuses personnes qu’ils reçoivent chaque semaine dans nos mairies, comme des juges : elles attendent d’eux qu’ils rendent un jugement. Il y a là une dérive qui s’installe peu à peu, avec pour corollaire l’apparition de comportements de justiciables. Tout cela se passe dans nos mairies où, chaque mois voire chaque semaine, des dizaines de personnes viennent rencontrer un conciliateur de justice, et ce, il faut le souligner, gratuitement.
Multiplier les conciliateurs peut relever d’un bon principe, mais, aujourd’hui, on observe une dérive complète : en s’adressant à un conciliateur, nombre de nos concitoyens pensent s’adresser à un juge professionnel, dont ils attendent un jugement !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes bien sûr en désaccord avec cet amendement de suppression de l’article. Je crois, pour ma part, que celui-ci va dans le bon sens, car les conciliateurs de justice jouent un rôle utile. Toutefois, on peut plaider, notamment à la lumière de ce que vient de dire M. Grand, que l’augmentation du nombre de conciliateurs, pour nécessaire qu’elle soit, ne saurait être une sorte de cataplasme destiné à masquer le manque de magistrats.
La réalité, mes chers collègues, c’est que la France consacre chaque année 72 euros par habitant à la justice, contre 146 euros en Allemagne et 155 au Royaume-Uni. Dans notre pays, on compte dix magistrats pour 100 000 habitants, contre le double, en moyenne, dans les autres pays européens. Enfin, la France se classe au trente-neuvième rang parmi les quarante-trois pays de l’OCDE…
C’est dire l’impérieuse nécessité de faire davantage que tout ce qui a été fait par le passé : il faut une loi de programmation qui nous permette de retrouver un classement plus digne de la République française !