M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi SRU est un texte complexe qui a modifié en profondeur le droit de l’urbanisme et du logement en France.
Son article le plus notoire est l’article 55, qui impose aux communes de plus de 3 500 habitants – 1 500 en Île-de-France – de disposer de 25 % ou de 20 % dans certains cas de logements sociaux à l’horizon 2025.
Cette loi, appliquée de manière comptable et dogmatique, soulève des difficultés.
Ainsi, certaines communes ayant fait le choix de l’intercommunalité ou se trouvant dans l’obligation de le faire à la suite de la réforme territoriale, se retrouvent contraintes d’appliquer les taux de logements sociaux obligatoires alors que ces derniers sont manifestement inadaptés à la réalité de territoires essentiellement composés de bourgs avec un habitat majoritairement pavillonnaire et encore éloignés des bassins d’emplois.
La question du logement social doit s’apprécier, sur un territoire donné, de manière globale.
Certaines communes possèdent peu de terrains constructibles. Elles peuvent, à l’inverse, avoir sur leur territoire des espaces naturels protégés ou des zones d’intérêt patrimonial remarquables.
Il semblerait donc logique que les injonctions faites aux communes et communautés d’agglomération pour réaliser des logements sociaux prennent en compte ces espaces spécifiques en minorant d’autant le taux obligatoire de logements sociaux.
Aussi, je souhaiterais savoir quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour établir une analyse objective des besoins et capacités réels des communes, afin d’éviter des coupures d’urbanisation sur des zones présentant un intérêt sur le plan environnemental et paysager.
On ne peut à la fois vouloir préserver un territoire de l’urbanisation dans un texte et prétendre imposer une urbanisation dans un autre, les deux s’appliquant en même temps à un même territoire !
Ne pourrait-on pas plutôt apprécier les efforts réalisés par les communes au regard des contraintes réelles et ne pas se contenter d’un examen exclusivement comptable des logements construits ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, c’est un débat que nous avons évoqué à plusieurs reprises.
Votre territoire compte à peu près 110 000 logements sociaux. Chaque année, 6 000 sont attribués, alors que le nombre de demandeurs est de 32 000. Il faudrait donc environ un quart de logements sociaux supplémentaires pour combler le manque.
J’entends totalement la difficulté et, étant ingénieur agronome de formation, je connais par cœur le sujet de l’artificialisation des sols. On sait que, dans certaines zones, il faut densifier. Construire des maisons autour d’une gare, en termes urbanistiques, c’est aberrant. C’est d’ailleurs un des objets du Grand Paris : il faut non pas construire des petits pavillons autour des gares, mais développer des projets d’urbanisation forte, dense, parce qu’il y a le tramway et le métro. Dans d’autres zones, on peut relâcher la pression, mais il y a une difficulté quand, pour 110 000 logements, il y a 32 000 demandes en attente. Relâcher la pression, c’est mettre beaucoup de personnes sur la touche.
Idéalement, vous avez raison, monsieur le sénateur, il faudrait réussir à territorialiser au maximum. Mais la question qui se pose à nous tous, alors que le déficit de logements est tel, est de savoir si l’on peut ouvrir ce chantier en prenant le risque de laisser penser qu’on peut être cool s’agissant de l’atteinte des objectifs. À ce stade, nous avons décidé de ne pas y toucher : le projet de loi sur le logement n’a pas de composante SRU, mais c’est évidemment un débat que nous aurons au Parlement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec.
M. Philippe Pemezec. Monsieur le secrétaire d’État, nous ne sommes pas de la même sensibilité, mais nous ne voulons pas pour autant votre échec ! Je ne suis pas constructif, mais je suis positif, et j’ai surtout envie que notre pays réussisse.
J’ai entendu vos réponses aux nombreuses interrogations, qui sont d’ailleurs aussi les miennes, de mes collègues, mais, alors que notre débat prend fin, je ne comprends toujours pas votre politique. Vous voulez d’un côté construire des logements et rénover le patrimoine, et, en même temps, vous baissez les moyens financiers des organismes sociaux, avec toutes les conséquences déjà longuement évoquées. Non seulement c’est démagogique, mais c’est surtout une catastrophe pour nos communes !
Votre politique va inévitablement, même si vous vous voulez rassurant, forcer les bailleurs sociaux à faire jouer les garanties d’emprunt que les communes leur ont accordées. En cascade, on va encore une nouvelle fois mettre les communes en difficulté. Nos locataires, qui sont au cœur du sujet, ne vont plus bénéficier des travaux d’entretien, de réhabilitation, de rénovation. C’est une véritable catastrophe.
Où est la cohérence dans tout cela ? Je m’interroge. J’ai un peu le sentiment que vous voulez assassiner les offices publics, pensant trouver là un trésor caché qui n’existe pourtant pas.
Surtout, si vous voulez absolument que les offices vendent du logement social, vous savez qu’il faut, dans le même temps, reconstituer le patrimoine. Or les offices ne pourront y parvenir que s’ils en ont les moyens financiers. Si on les leur coupe, cela leur sera impossible, et votre politique ne pourra pas être menée à son terme.
Dans ma ville, j’ai 40 % de logements sociaux. J’ai besoin que ce patrimoine soit entretenu. Non seulement je n’aurai plus de travaux, mais je vais en plus devoir faire jouer les garanties, qui couvrent 80 % des emprunts engagés !
Monsieur le secrétaire d’État, j’attends que vous nous rassuriez de façon claire. Pourquoi voulez-vous remettre en cause un système de financement qui fonctionnait bien jusqu’à présent ?
Seconde petite question brève sur les attributions de logements : qui est mieux placé que le maire pour attribuer le logement ? Or, dans la précédente loi, on a fait en sorte que ce soit le préfet qui réattribue les logements sans avoir connaissance des lieux, pas même de leur cage d’escalier !
Il faut que vous fassiez confiance aux élus locaux. Vous avez l’air de les estimer et de les porter dans votre cœur, même si vous ne l’avez vous-même jamais été : il faut leur redonner le pouvoir d’attribuer les logements sociaux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Je profite de ma dernière prise de parole pour vous remercier toutes et tous de ce débat.
Oui, j’ai essayé d’être rassurant, mais en parlant avec beaucoup de franchise et de conviction. J’ai tenté de vous expliquer, de manière didactique, quel était le sens de la réforme que nous portons, quels étaient les éléments que nous proposions aux uns et aux autres, et quelle était notre boussole. Il s’agit de faire en sorte qu’aucun locataire allocataire ne soit pénalisé et de répondre à l’attente de 1,5 million de ménages qui n’ont pas accès au logement social.
Quelle est notre politique ? La résumer en une unique phrase serait concis, mais forcément trop court… Je dirai cependant que j’ai l’intime conviction que le système actuel, qui ne repose que sur les APL, n’est pas pérenne. Nous avons donc un choix. Je l’ai dit dans mon propos introductif, il y a quarante ans on a fait celui de l’aide personnelle au logement. Aujourd’hui, c’est une erreur : 18 milliards chaque année, contre 14 milliards il y a quelques années, et 24 milliards prochainement, ce n’est pas tenable. On peut essayer de se persuader du contraire, mais c’est difficile alors que les aides personnelles au logement représentent la moitié du budget de la défense nationale et que, dans le même temps, un Français sur six se considère comme étant en déficience de logement !
Il faut donc réformer le système pour être moins dépendants des APL, en trouvant des dispositifs plus justes, plus innovants, en améliorant les financements, en favorisant l’accession, qui alimente l’aide à la construction tout en permettant le parcours résidentiel, ou encore en rénovant énergétiquement les bâtiments.
C’est une telle approche qui nous fera passer d’un système qui continue inexorablement à prendre de l’ampleur à un système beaucoup plus pérenne et qui nous permette in fine de construire plus au bénéfice du 1,5 million de ménages en attente.
Voilà la logique. C’est difficile, et il aurait été beaucoup plus simple de ne rien faire. Cette logique n’est pas purement budgétaire. Certes, il y a un volet budgétaire, puisque les APL dérivent, mais ce n’est pas uniquement sur ce plan que se situe notre objectif, loin de là, et j’espère vous en avoir convaincus : nous voulons inverser la tendance et remettre le système dans le bon sens en alignant les intérêts.
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Logement social : sur quels territoires, comment et pour qui demain ? »
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre disponibilité et des réponses que vous avez apportées.
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Service public d'eau potable
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d’eau potable (proposition n° 703, [2016-2017], texte de la commission n°32, rapport n°31).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la proposition de loi.
M. Bernard Delcros, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout au long de mon parcours d’élu local, comme maire d’un tout petit village du Cantal et président d’une intercommunalité rurale, j’ai pu mesurer combien, au fil des ans, l’accumulation d’obligations, de démarches en tous genres, de réglementations, de procédures a complexifié la tâche des élus locaux et combien elle pénalise parfois les territoires, tout particulièrement dans les petites collectivités, qui ne disposent pas des services administratifs et techniques pour faire face à ces obligations subies.
Parmi ces obligations, certaines sont bien entendu nécessaires, et c’est le rôle des élus de les mettre en œuvre, mais d’autres sont parfois rendues inopérantes, incompréhensibles, voire contradictoires ou inefficaces, par leur empilement.
Je pense donc que, tout en veillant à accompagner les nécessaires mutations environnementales et sociétales, nous devons aussi avoir le souci permanent de simplifier, de clarifier, d’alléger les procédures. C’est aussi un gage d’efficacité !
Cela me semble possible dans de nombreux domaines, non pas en faisant de grandes révolutions, mais en prenant des mesures simples, pragmatiques, concrètes qui correspondent aux réalités du terrain.
C’est précisément l’objet de la proposition de loi que je vous soumets, au nom – j’y reviendrai – de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que préside notre collègue Jean-Marie Bockel.
De quoi s’agit-il ?
La simplification que je vous propose concerne le service public de distribution d’eau potable, qu’il soit géré par la collectivité compétente en régie ou confié à un délégataire. Il s’agit de simplifier la procédure de déclaration de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau et d’éviter que les collectivités subissent à tort une pénalité financière par le doublement de la redevance.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Au cours d’une même année, les collectivités sont soumises à deux obligations.
La première doit être remplie avant le 1er avril, date à laquelle elles doivent transmettre à l’agence de l’eau la « déclaration pour prélèvement sur la ressource en eau », faisant apparaître les indicateurs de performance de l’année n-1.
C’est à partir de cette déclaration, fondée sur des données non consolidées, que les agences calculent le montant de la redevance et appliquent un éventuel doublement de cette redevance si les indicateurs de performance ne répondent pas aux critères fixés par l’agence.
Poursuivons. Après cette première déclaration d’avril arrive la seconde déclaration, celle du 30 septembre, par laquelle les collectivités doivent publier « le rapport annuel sur le prix et la qualité du service public d’eau potable », ou RPQS, cette fois avec des données consolidées. Tant pis pour les collectivités qui auront été indûment pénalisées !
Voilà donc une situation incompréhensible pour les collectivités, qui sont contraintes de communiquer les mêmes indicateurs de performances deux fois par an, à quelques mois d’intervalle, en avril puis en septembre.
Pour couronner le tout, à cette situation s’ajoute une autre incohérence. Lorsque la gestion du réseau a été déléguée à un tiers, le délégataire est tenu de fournir à la collectivité compétente les données consolidées nécessaires à la déclaration d’avril, non pas avant le 1er avril, mais avant le 1er juin !
La pénalité n’est pas anecdotique : le Conseil national d’évaluation des normes estime qu’elle représente environ 15 % du coût global des majorations. On voit bien que cette situation est aberrante et le dispositif inefficace. Le CNEN évalue le surcoût de cette « majoration abusive » à environ 528 000 euros par an.
La proposition de loi vise tout simplement à rectifier cette incohérence de dates, à simplifier la procédure de déclaration et à protéger les collectivités d’un doublement indu de la redevance.
Comment ?
L’article 1er vise à empêcher le doublement à tort du taux de la redevance, du fait de données non consolidées avant le 1er avril, en fondant la déclaration de la redevance sur les indicateurs de performances non pas de l’année n-1, mais de l’année n-2, donc à partir des données consolidées publiées dans le rapport du mois de septembre de l’année n-1. Ainsi, le surcoût annuel de 528 000 euros serait supprimé.
L’article 2 tend à rapprocher les obligations déclaratives existantes en imposant aux agences de l’eau de préremplir la déclaration de redevance d’avril, puisque les agences disposeront des éléments pour le faire à partir du rapport qui aura été présenté le 30 septembre de l’année précédente.
Ainsi, les collectivités auraient à fournir leurs indicateurs de performance une seule fois, lors de la présentation du rapport en septembre.
L’article 3 prévoit la suspension pendant deux ans du doublement du taux de la redevance, quels que soient les indicateurs de performance constatés. Ainsi, ce doublement ne serait pas appliqué en 2020 et en 2021 pour les manquements constatés en 2018 et en 2019, ce qui offrirait aux collectivités une période de transition sécurisée sans majoration de redevance.
Enfin, l’article 4 a pour objet l’entrée en vigueur de cette loi au 1er janvier 2020.
La commission a un peu ajusté le texte pour permettre à l’outre-mer de bénéficier de ce dispositif ; j’y suis évidemment extrêmement favorable.
Pour terminer, je tiens à rappeler l’origine de cette proposition de loi.
Elle s’inscrit dans le cadre de la mission de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, mission qui a été confiée à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation par un arrêté du bureau du Sénat de novembre 2014, dossier sur lequel s’investit beaucoup notre collègue et ami Rémy Pointereau.
La proposition de loi s’inscrit aussi dans la charte de partenariat signée en avril 2016 par Gérard Larcher, président de notre assemblée, par Alain Lambert, président du Conseil national d’évaluation des normes, et par Jean-Marie Bockel, président de la délégation. Cette charte a pour objet de favoriser les synergies entre la délégation et le CNEN afin de rendre plus efficace notre action en faveur de la simplification des normes.
C’est dans ce cadre que le CNEN a saisi le 1er février 2017 notre délégation, qui a bien voulu confier à notre ancien collègue René Vandierendonck, qui a fait le choix de ne pas se représenter et que je le salue au passage, et à moi-même le soin d’élaborer cette proposition de loi.
Afin d’aboutir à une proposition partagée, nous avons souhaité établir un maximum de concertation avec l’ensemble des partenaires concernés. Nous avons organisé le 20 juin dernier une table ronde, comprenant le CNEN, la FNCCR, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, et le ministère de la transition écologique et solidaire.
Après un travail approfondi et de nombreux échanges, au cours de la table ronde et par la suite, nous avons abouti à une solution équilibrée, appuyée par l’ensemble des acteurs. Je tiens à remercier tous les partenaires et tous les participants à cette table ronde pour leur engagement et pour leur esprit d’ouverture : ils nous ont permis de trouver la solution que je vous propose.
Je vous invite, mes chers collègues, à donner une suite opérationnelle à cette mesure de simplification, car ce qui compte est qu’elle puisse s’appliquer, en approuvant cette proposition de loi. (Applaudissements.)
(M. Philippe Dallier remplace M. Vincent Delahaye au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
vice-président
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Médevielle, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour discuter de la proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d’eau potable.
Cette proposition de loi a été déposée par nos collègues Bernard Delcros et René Vandierendonck 1er août 2017. Elle a été cosignée par plusieurs membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il s’agit ainsi d’une initiative transpartisane, démarche que je salue.
Le texte répond à un problème bien identifié dans le domaine du service public d’eau potable, qui a été soumis au Sénat en application du partenariat conclu le 23 juin 2016 entre le président du Sénat, Gérard Larcher, le président de la délégation aux collectivités territoriales, Jean-Marie Bockel, et le président du Conseil national d’évaluation des normes, notre ancien collègue Alain Lambert.
Chargés de cette saisine, nos collègues Bernard Delcros et René Vandierendonck ont mené un important travail de concertation avec les différentes parties prenantes avant d’élaborer ce texte. Je tiens à les saluer pour la justesse et le pragmatisme de leurs propositions.
En effet, ce texte donne une solution concrète à des difficultés administratives réelles que rencontrent de nombreux élus locaux. Il s’agit, en substance, d’un problème de calendrier pour la transmission de certains indicateurs qui conduit parfois à une majoration indue de la redevance pour les prélèvements destinés à l’alimentation en eau potable.
En décalant d’un an la transmission de ces indicateurs, le texte permettra une application stable du mécanisme de majoration.
Par ailleurs, en prévoyant le préremplissage par l’agence de l’eau de la déclaration à effectuer avant le 1er avril, à partir des éléments transmis au préalable dans le cadre du rapport sur le prix et la qualité de service, il réduira également la charge administrative imposée aux élus locaux.
Cette initiative parlementaire illustre parfaitement le rôle constitutionnel de représentant des collectivités territoriales du Sénat. Elle témoigne aussi de notre engagement en faveur de la simplification des normes, qui s’appuie depuis plusieurs années sur une mission spécifique, particulièrement active, dirigée par notre collègue Rémy Pointereau au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Enfin, ce texte concrétise le partenariat établi avec le Conseil national d’évaluation des normes. En ce sens, il montre la voie à suivre pour, je l’espère, de nombreuses autres initiatives de simplification dans les prochaines années – nous en avons grand besoin.
Comme l’a fait notre commission, qui a, il faut le souligner, adopté la proposition de loi à l’unanimité, je vous invite, mes chers collègues, à la soutenir sans réserve. Nous ferons ainsi œuvre utile en faveur des collectivités territoriales.
Permettez-moi de conclure en évoquant de façon plus globale la question de l’eau dans nos territoires.
La qualité de l’eau nécessite une attention permanente, non seulement pour assurer l’alimentation en eau potable, mais également pour lutter contre les pollutions et pour préserver les écosystèmes. La réduction des contaminations résultant de l’usage de pesticides – sujet d’actualité – ou de certains engrais doit être une priorité et s’accompagner de l’identification de solutions de substitution pour nos agriculteurs.
Par ailleurs, dans les prochaines années, la ressource en eau va devenir de plus en plus rare et précieuse, dans un contexte de changement climatique. Le niveau de perte sur les réseaux d’eau potable est en moyenne de 20 %. Autrement dit, un litre sur cinq est perdu dans les réseaux à cause de fuites, soit un milliard de mètres cubes par an pour la France entière. Il est indispensable de poursuivre nos actions pour réduire ces pertes.
À l’avenir, la gestion de l’eau devra permettre de mieux la préserver et de résoudre les conflits d’usages, qui vont se multiplier. Au-delà du présent texte, nous devrons donc être très vigilants et actifs sur ce sujet afin d’assurer une utilisation raisonnée, équitable et durable de ce bien commun. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, et sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, cher Pierre Médevielle, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une proposition de loi innovante dans sa genèse qui nous réunit sur l’initiative de Bernard Delcros et de votre ancien collègue René Vandierendonck, initiative dont je les remercie.
Des collectivités ont alerté le Conseil national d’évaluation des normes de difficultés administratives. Un diagnostic a été effectué et il est apparu nécessaire de faire évoluer la loi. Grâce à un partenariat conclu entre le CNEN et le Sénat, les parlementaires ont trouvé une solution, en réunissant l’ensemble des acteurs concernés, les collectivités et les représentants de l’État, cela dans un délai finalement assez bref. En effet, la saisine initiale du CNEN par les collectivités ne date que de quelques mois.
Ce processus illustre parfaitement la logique transpartisane qui doit nous guider pour améliorer l’efficacité collective de nos institutions et pour rechercher la simplification de nos mécanismes administratifs, simplification que le Gouvernement met en œuvre. Je pense notamment à l’empilement que vous avez si bien décrit, monsieur le rapporteur, du haut de votre expérience d’élu local.
En l’espèce, cette méthode a trouvé à s’appliquer au mécanisme de déclaration, par les collectivités, des informations nécessaires au calcul des redevances aux agences de l’eau, s’agissant en particulier de la mise en œuvre du dispositif de doublement de la redevance pour prélèvement d’eau pour l’usage « alimentation en eau potable » lorsque certaines conditions de diagnostic ou de rendement des réseaux ne sont pas réunies.
L’application de ce dispositif d’incitation fiscale pour encourager les collectivités à faire des économies d’eau, bien qu’essentielle à la rénovation de nos réseaux de distribution, s’est en effet avérée administrativement complexe à l’usage. Elle pèse, comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, sur nos collectivités locales.
La solution consiste à décaler d’un an la majoration de la redevance afin de leur laisser le temps nécessaire pour transmettre aux agences de l’eau les données techniques nécessaires au calcul. Cela évitera l’émission de titres de redevance majorée donnant lieu à des rectifications et des surcharges administratives inutiles.
Enfin, cette proposition de loi constitue aussi une bonne application du principe « dites-le-nous une fois » en permettant aux agences de l’eau d’utiliser des informations déjà transmises par les collectivités dans un autre cadre.
Je tiens à remercier de nouveau les parlementaires, qui ont su écouter les acteurs concernés et trouver une solution équilibrée. Tout en préservant l’esprit des textes et en assurant la poursuite de la modernisation de nos réseaux, cette solution simplifiera le travail des collectivités sans aggraver la charge de travail des agences de l’eau, qui effectuent depuis plusieurs années un effort de maîtrise de leurs effectifs.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement soutient cette proposition de loi, de même que la proposition d’extension de la simplification aux offices de l’eau des départements d’outre-mer.
Je défendrai simplement trois amendements rédactionnels visant à améliorer encore la lisibilité du texte et donc à faciliter son application par les agences et offices de l’eau et leurs redevables. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi technique vise à répondre à un problème concret auquel sont confrontées les collectivités. En effet, ces dernières sont parfois amenées à subir indûment une majoration des redevances sur l’eau, ce qui ne semble pas souhaitable dans le cadre de la baisse continue des dotations.
Néanmoins, nous formulons plusieurs réserves.
Premièrement, si la simplification proposée constitue un réel progrès pour les collectivités, qui n’auront plus qu’une seule déclaration à remplir, elle représente un lourd transfert de charge pour les agences de l’eau. Celles-ci devront développer des techniques informatiques et former des personnels à remplir leurs nouvelles missions. Or la situation des agences de l’eau est tendue puisqu’elles verront leurs moyens financiers et humains réduits dans le cadre de la loi de finances pour 2018.
Une telle situation aura des conséquences écologiques et économiques, au détriment de la gestion patrimoniale des réseaux d’eau et d’assainissement.
Deuxièmement, comme gage de stabilité pour les collectivités locales, la majoration du taux de la redevance liée à un mauvais entretien ne serait pas appliquée durant deux années. Si les collectivités ne doivent pas être inutilement pénalisées, nous considérons toutefois qu’il est nécessaire de prendre en compte l’état des réseaux, dans un souci d’incitation à la préservation de la ressource.
Je veux dire un mot des territoires de montagne. Le prélèvement sur la ressource est parfois plus important que ce qui serait nécessaire. Cette situation héritée d’aménagements anciens a permis, par le versement de trop-pleins d’eau, de créer une biodiversité particulière. Certaines communes de montagne sont inutilement taxées, alors qu’il n’est pas souhaitable de modifier le mode fonctionnement. Cette situation mériterait également une réglementation adaptée.
Pour finir, il convient de lier les difficultés des collectivités à fournir des éléments aux agences de l’eau à leur perte globale de savoir-faire dans ce domaine. Il faut donc agir non pas uniquement en allégeant les normes, mais également en leur apportant un véritable accompagnement dans l’exercice de leur mission de service public de l’eau.
Cet accompagnement doit se réaliser au travers d’une structure nationale dotée d’un corps de fonctionnaires formés, structure indispensable pour fournir aux élus locaux une mission de conseil, mais également pour promouvoir une utilisation économe de la ressource. Il est inacceptable et dangereux que l’expertise se situe quasi exclusivement au sein des majors de l’eau.
De la même manière, à force de complexité et de réglementations mal adaptées – je pense aux transferts automatiques de compétences –, de nombreuses collectivités vont être amenées à faire le choix de la délégation de service.
Si nous sommes favorables à la simplification des normes, nous estimons que celle-ci ne doit pas se faire au détriment d’un service public de qualité. La situation des agences de l’eau nous paraît beaucoup trop fragile pour que nous leur ajoutions une nouvelle charge.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce texte.