M. Éric Bocquet. Très bien !
M. Pascal Savoldelli. Auquel cas, il n’y aurait pas eu de problème ni juridique ni administratif, la navette n’aurait pas été nécessaire, il n’y aurait pas eu besoin de réunir une commission mixte paritaire !
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vendredi, la commission mixte paritaire s’est soldée par un échec. Ce n’est pas une surprise, c’était prévisible. Nous examinons donc, en nouvelle lecture et au lendemain du vote de l’Assemblée nationale, le projet de loi de finances rectificative pour 2017.
Que ressort-il de nos débats de la semaine dernière ?
En première lecture, une majorité s’est dégagée au Sénat pour supprimer l’article 1er à l’issue d’un scrutin public, et ce, malheureusement, sans proposition alternative permettant de respecter nos objectifs budgétaires et nos engagements européens. Pour notre part, nous le regrettons, d’autant que tous les amendements déposés sur l’article 1er avaient préalablement été rejetés, y compris un amendement de suppression de l’article.
En réalité, l’article 1er est au cœur même du projet de loi, c’est celui qui instaure la taxe exceptionnelle sur les sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros. Le Gouvernement veut la mettre en place pour faire face, au mieux, aux conséquences financières de la censure par le Conseil constitutionnel en octobre dernier de la taxe sur les dividendes créée en 2012.
Ce rejet pur et simple de l’article 1er a eu pour effet de supprimer les deux contributions prévues. Nous avons donc dû tirer les conséquences de cette décision en adoptant dans la foulée un amendement présenté par le Gouvernement visant à procéder à l’ajustement de l’équilibre financier consécutif à cette perte de 5,4 milliards d’euros de recettes. Par voie de conséquence, le déficit budgétaire de l’État, tel qu’il résultait des délibérations du Sénat, ressortait à 81,7 milliards d’euros à la place des 76,9 milliards d’euros prévus, soit une dégradation de notre déficit de 4,8 milliards d’euros.
Le Sénat ayant supprimé le cœur du projet de loi de finances rectificative, la commission mixte paritaire n’a pu que constater l’impossibilité d’un accord entre les deux chambres. Sans surprise, après l’échec de celle-ci, l’Assemblée nationale a rétabli l’article 1er en nouvelle lecture.
Alors, quelle est la situation aujourd’hui ?
Nous sommes face à une obligation, une obligation à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire : rembourser 10 milliards d’euros aux entreprises taxées sur les montants distribués depuis 2013. Voilà ce qu’est concrètement la situation à laquelle nous devons répondre en responsabilité !
Le contenu du dispositif proposé par le Gouvernement est aujourd’hui bien connu : couvrir la moitié de la somme par cette imposition progressive sur les bénéfices et l’autre moitié par un prélèvement sur le budget de l’État. Il ne s’agit pas de savoir si la solution proposée est idéale : il n’y a pas de solution idéale. Il s’agit de savoir s’il en existe une meilleure ! Et, si oui, laquelle ?
Quelles autres solutions avons-nous ? Taxer tous les Français ? Creuser les déficits ? Laisser filer l’endettement ? On voit bien qu’aucune de ces solutions n’est crédible au regard de la situation de notre pays.
Alors qu’il ne reste plus que trois pays sous le coup de la procédure pour endettement excessif dans l’Union européenne, dont la France depuis huit ans, serait-il responsable, mes chers collègues, de creuser encore le déficit public du pays ? Et même au-delà des règles européennes, que nous avons par ailleurs voulues, ne devons-nous pas tout faire pour alléger une dette insoutenable pour notre société et pour la France de demain ?
On peut se dire que, 5 milliards d’euros supplémentaires, ce n’est pas grand-chose au regard de notre dette. C’est vrai !
M. Philippe Dallier. Pas pour les entreprises !
M. Bernard Delcros. Mais c’est justement en choisissant toujours cette solution-là, qui consiste à dire que, après tout, ce n’est pas grand-chose, que notre dette frôle aujourd’hui les 100 % du PIB, avec 2 200 milliards d’euros.
Ce texte, au-delà de ce qu’il contient, est une occasion d’agir en responsabilité. Nous devons le faire au nom des générations qui viennent. C’est pourquoi, au groupe Union Centriste, nous voulons affirmer cette conviction, et c’est aussi pour cela que nous avons soutenu à l’unanimité le texte présenté par le Gouvernement la semaine dernière.
Je rappelle que la solution inscrite dans le projet de loi ne dégrade pas notre déficit en 2017. Elle le creuse légèrement en 2018 – 0,2 point de PIB –, sans toutefois remettre en cause nos engagements européens. Certes, nous aurions tous préféré ne pas avoir à gérer cette situation et à prendre une telle décision, mais, quand on a dit cela, on n’a rien fait avancer et l’on n’a pas apporté le moindre début de solution.
M. François Patriat. Absolument !
M. Bernard Delcros. Je considère, pour ma part, monsieur le ministre, que vous apportez une réponse pragmatique et réaliste.
M. François Patriat. Et efficace !
M. Bernard Delcros. Nous pensons que le Sénat, dans sa sagesse, peut encore faire preuve de responsabilité en réexaminant sa position. Aussi, au groupe Union Centriste, nous voterons unanimement contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Claude Raynal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas ici sur les origines de ce projet de loi de finances rectificative ni sur les raisons de l’abstention de notre groupe en première lecture, me bornant à renvoyer à notre débat en discussion générale de la semaine dernière.
Je note cependant que, dans son rapport publié jeudi, que vous aviez commandé, monsieur le ministre, l’Inspection générale des finances déclare « vouloir sécuriser la loi fiscale et […] vouloir sécuriser le contribuable ». Elle formule quelques préconisations en ce sens. À la lecture de ce rapport, nous sommes bien loin du « scandale d’État » évoqué, voire de « l’amateurisme » stigmatisé.
Je vous rappelle les quelques difficultés que nous avons pointées en première lecture : des entreprises nouvelles touchées par la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, notamment celles qui ne distribuent pas de dividendes ; une liste de gagnants et de perdants non documentée à ce jour.
J’ai entendu certains collègues qui sont intervenus avant moi dire qu’il n’y avait pas de solutions alternatives. Mais si ! Et nous en avons proposé, de même que le groupe communiste, notamment le report d’un an ou deux des mesures sur l’ISF ou le prélèvement forfaitaire unique, autant de sources de financement. Des solutions alternatives existent donc, il ne faut pas le nier.
Autant de points qui, en tant que tels, auraient dû, dès la première lecture, nous conduire à nous opposer directement. Nous avons préféré donner une chance à un accord au Sénat en nous abstenant – c’est un signal –, tout en marquant notre désaccord avec l’article 5, qui ratifie le décret d’avance du 20 juillet 2017.
Je dois vous dire, monsieur le ministre, que si, malgré les réserves que je viens de formuler, le calendrier faisait que l’intérêt de notre pays appelle à un vote immédiat, notre groupe aurait sans doute fait l’effort nécessaire que le groupe Les Républicains, par son vote négatif, s’est refusé à faire.
L’Assemblée nationale étant convoquée dès ce soir pour une lecture définitive, nous en resterons à notre position initiale, ne pouvant valider les dispositions très largement critiquées par notre groupe et au-delà, ayant fait l’objet du décret d’avance du 20 juillet 2017, notamment celles qui concernent la baisse des aides personnalisées au logement, la suppression des contrats aidés ou la diminution de certaines aides aux collectivités.
Concernant la question préalable, par principe, nous ne la voterons pas – nous ne votons jamais une question préalable –, car elle est la négation du travail parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons à nouveau le projet de loi de finances rectificative pour 2017. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires défend en la matière une approche de responsabilité devant une situation impérieuse d’intérêt général.
L’héritage d’insincérité budgétaire et de laxisme du précédent gouvernement menace de dégrader le solde budgétaire de l’année et de sérieusement compromettre notre sortie de la procédure pour déficit excessif. Face à cette urgence, nous partageons la volonté du Gouvernement et du Président de la République de mettre fin le plus tôt possible à cette procédure. Nous estimons que là se trouve l’intérêt national. Nous estimons que c’est une condition nécessaire à la restauration du crédit de la France en Europe. Nous admettons, enfin, que, dans cette situation exceptionnelle, des mesures exceptionnelles sont nécessaires pour respecter nos engagements.
Pour toutes ces raisons, nous ne nous opposons pas à ce texte présenté en l’état. Le projet de loi de finances rectificative est néanmoins loin de répondre à l’idéal de justice que nous défendons, vous le savez. Non content de faire payer aux entreprises les erreurs de l’État, il pénalise les entreprises qui investissent et créent des emplois. Il crée des gagnants et des perdants, sans rapport avec les politiques de distribution des entreprises, sans lien avec leur exposition à la taxe à 3 %, sans mesure, enfin, de leur situation financière sur le long terme.
Nous déplorons que le Gouvernement n’ait pas pu proposer une mesure plus fine, qui répartisse plus justement l’effort entre les entreprises. Néanmoins, vous héritez, monsieur le ministre, d’une situation budgétaire critique. Nous le comprenons. Dans cette optique de responsabilité, nous ne nous opposons pas à cette mesure urgente et nécessaire à la restauration de notre crédibilité en Europe.
J’aurais aimé que cette nouvelle lecture soit l’occasion d’une prise de conscience : si nous échouons à sortir de la procédure pour déficit excessif en 2018, il se peut que cet échec hypothèque l’ensemble du quinquennat avec les incertitudes pesant sur l’année 2019. Cela, nous ne pouvons pas l’accepter. Il nous faut collectivement solder, une fois pour toutes, l’héritage de la crise et des errements budgétaires du passé, pour enfin nous tourner vers l’avenir.
Sachez néanmoins, monsieur le ministre, que l’indulgence de la représentation nationale s’accompagnera d’une vigilance accrue pour le futur : nous demandons que le processus d’élaboration de la loi fiscale soit amélioré en profondeur, tout au long de la chaîne législative. « Sécurité et stabilité », avez-vous indiqué. Nous vous en donnons acte et nous partageons ces objectifs. Nous demandons que cette malheureuse affaire soit pour vous et vos services l’occasion d’une réflexion sérieuse sur la manière d’élaborer la norme fiscale. Nous demandons, enfin, que des mécanismes d’alerte performants soient mis en place. Il faut, à l’avenir, empêcher que des annulations contentieuses de cette importance ne viennent mettre en péril la trajectoire budgétaire de la Nation.
Nous devons avoir conscience que nos concitoyens ne nous pardonneront pas les remèdes superficiels, les expédients qui ne traitent pas les causes du mal. Le précédent gouvernement a épuisé leur patience : les limites du consentement à l’impôt ont été atteintes. Cette énième rustine doit mettre un point final à cette ère d’irresponsabilité et ouvrir, enfin, la période de courage et de sincérité budgétaire que le Président de la République nous a promis, la période de sécurité et de stabilité que vous nous proposez, monsieur le ministre. (MM. Jean-Pierre Decool et Jean-Louis Lagourgue applaudissent.)
M. Michel Raison. Applaudissements nourris !
M. Gérard Longuet. Mesurés… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’ont rappelé mes prédécesseurs, après l’échec de la commission mixte paritaire la semaine dernière, nous sommes amenés à réexaminer le projet de loi de finances rectificative pour 2017.
Jeudi dernier, après des débats prolongés, la Haute Assemblée a rejeté en première lecture la principale mesure du texte, à savoir l’impôt exceptionnel sur les grandes entreprises. Je le regrette, comme l’ensemble de mon groupe, car le refus de cette contribution signifierait, s’il était acté, le passage du déficit public de 2,9 % à 3,1 % du PIB en 2017, alors que la France est l’un des derniers États de la zone euro soumis à la procédure de déficit public excessif.
Le projet de loi de finances rectificative, cela a été expliqué, prévoit la création, pour l’exercice 2017, d’une contribution exceptionnelle à l’impôt sur les bénéfices des sociétés applicable aux sociétés réalisant plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, ainsi que d’une contribution additionnelle pour les sociétés réalisant plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires. C’est une réponse législative à l’invalidation par le Conseil constitutionnel, le 6 octobre dernier, de la taxe additionnelle de 3 % sur les dividendes instituée par la loi de finances rectificative de l’été 2012, décision fondée sur la « différence de traitement entre les sociétés mères, selon que les dividendes qu’elles distribuent proviennent ou non de filiales établies dans un État membre de l’Union européenne autre que la France ».
Le 17 mai dernier, la Cour de justice de l’Union européenne avait d’ores et déjà jugé la contribution de 3 % sur les revenus distribués incompatible avec le régime fiscal européen commun applicable aux sociétés mères et aux filiales.
À la suite de ces décisions, l’État est donc tenu de rembourser les sommes perçues aux entreprises concernées, soit près de 10 milliards d’euros, un montant important qui comprend notamment les intérêts moratoires de 4,8 % par an, qui s’ajoutent au remboursement des sommes perçues depuis 2012. Je note d’ailleurs que le taux des intérêts moratoires devrait être réduit de moitié dans le prochain projet de loi de finances rectificative pour le rapprocher des taux d’intérêt actuels.
D’après les estimations données par le Gouvernement, ces dispositions concerneront environ 320 entreprises au total, dont 110 seront assujetties au taux de 30 %. Le rendement est estimé à 5,4 milliards d’euros, dont 4,8 milliards d’euros versés en 2017 au titre d’un acompte payé avant le 20 décembre de cette année.
Le solde public 2017 serait inchangé par rapport à l’estimation réalisée lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2018, à 2,9 %. Au-delà de 2017, le coût lié au contentieux serait intégré à la trajectoire des finances publiques sans compromettre le respect par la France de ses engagements européens. La prévision de solde pour 2018, prévue dans le projet de loi de finances à 2,6 %, serait réévaluée à 2,8 %.
Le rapport de l’Inspection générale des finances, remis hier au ministre de l’économie et des finances, a établi la chronologie de l’adoption de la taxe sur les dividendes, de son maintien et, enfin, de son annulation.
Cette taxe était née de la volonté de couvrir un autre contentieux sur les OPCVM et de la mise en œuvre des engagements de campagne de l’ancien Président de la République. Sa constitutionnalité et sa compatibilité avec le droit européen n’avaient pas été mises en cause par l’administration, ni par le Conseil d’État, ni par les parlementaires auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel sur la loi de 2012. En revanche, les signes d’incompatibilité avec le droit européen étaient apparus en 2015 avec une question préjudicielle sur une taxe belge similaire, mais surtout après la mise en demeure de la France par la Commission européenne sur l’incompatibilité avec la directive mère-fille et les principes de liberté d’établissement et de circulation des capitaux, et, enfin, avec la multiplication des contentieux à partir de cette même année.
Le rapport tire des leçons importantes pour l’avenir : renforcer la solidité de la loi fiscale, à l’image de bonnes pratiques existant dans d’autres pays européens, en associant davantage les acteurs publics, dont le Parlement, et les acteurs privés ; améliorer la transparence sur les risques de contentieux ; redéfinir le suivi administratif du contentieux fiscal et mettre en place une procédure d’alerte efficace.
Concernant le présent projet de loi, la position du groupe du RDSE reste identique à celle exprimée en première lecture : si le dispositif n’apparaît pas satisfaisant au regard du calendrier et de la méthode, qui fera nécessairement des gagnants et des perdants, et, à plus long terme, au regard du projet du Gouvernement de renforcer l’attractivité de la fiscalité des entreprises, nous pensons qu’il n’y a pas de solution alternative qui n’aurait lourdement pénalisé les finances publiques. Rappelons également que l’État prend à sa charge dans ce dossier pas moins de 5 milliards d’euros, soit environ la moitié du remboursement de la taxe sur les dividendes.
C’est pourquoi nous ne pourrons suivre la position du rapporteur général sur la motion tendant à opposer la question préalable. Majoritairement favorables à l’examen et à l’adoption du texte du Gouvernement, nous voterons donc contre cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Inspection générale des finances a rendu son rapport hier et ses conclusions sont sans appel. La taxation d’entreprises pour rembourser d’autres entreprises d’une taxe illégale, au motif que l’urgence ne permettait pas de trouver d’autres solutions, ne tient plus.
L’IGF confirme ce que j’avais dit en première lecture : le problème était identifié depuis longtemps et le choix du gouvernement a toujours consisté à repousser la décision en misant sur la probabilité d’une issue ou d’un dénouement qui ne lui soit pas trop défavorable. Aller plus loin et plus vite dans les économies pour dégager des marges de manœuvre, par exemple en réduisant la dépense publique ou même en vendant des participations de l’État – je le rappelle, elles représentent 100 milliards d’euros –, des solutions existaient bel et bien.
Comme je l’avais indiqué en première lecture, Emmanuel Macron était à Bercy, à la tête du ministère de l’économie, quand, en 2015, le risque a été clairement identifié, pointé et signalé par le secrétaire d’État chargé du budget. L’Inspection générale des finances retient également cette date, dénonçant « le choix politique fait à partir de 2015 de maintenir la taxe et de continuer à la percevoir en dépit d’incertitudes avérées sur sa conformité au droit européen ».
En effet, la mise en demeure par la Commission européenne en 2015 aurait dû constituer une alerte suffisante pour faire réagir Emmanuel Macron et Michel Sapin, alors à la tête de Bercy. D’ailleurs, si le gouvernement avait réagi à la fin de 2015, le coût n’aurait pas dépassé 3 milliards d’euros.
M. François Bonhomme. Eh oui !
M. Jean-François Husson. Le recours devant le Conseil d’État en 2016 laissait subsister encore moins de doutes. Notre rapporteur général avait alors clairement évoqué le problème constitutionnel.
Le Gouvernement refuse de prendre à sa charge la totalité du remboursement, la somme de 10 milliards d’euros étant trop importante et risquant d’obérer la baisse du déficit public sous les 3 % en 2017. Mais j’ai une question à formuler : la taxe sur les revenus distribués a rapporté au budget de l’État, chaque année depuis 2013, 2 milliards d’euros ; elle a donc, malgré son caractère aujourd’hui illégal, contribué à amoindrir le déficit public, qui, calculé sur des bases corrigées, devrait donc être de 3,3 % en 2017, et non de 2,9 %. Voilà la réalité dont vous êtes non pas responsable, monsieur le ministre, mais comptable. Ce sont des arguments objectifs que je veux livrer à notre assemblée.
Il faut également intégrer le fait que l’économie, pour une part, repose aussi sur de la psychologie. Pour le moment, je dois l’avouer, pour m’en réjouir, le Président de la République bénéficie d’une relative bienveillance, et la confiance revient progressivement. Les investissements reprennent, les embauches en CDI augmentent. Mais cette confiance reste fragile. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de donner des gages, parce que les acteurs économiques ont besoin de stabilité, de lisibilité et de confiance. Pourtant, les principales mesures qui leur avaient été promises pendant la dernière campagne électorale ont déjà été repoussées à 2019, puisqu’il n’y aura pas d’amélioration sensible à attendre dans le projet de loi de finances pour 2018. Ajouter à cela que toute erreur commise par l’État, selon ce que vous nous proposez aujourd’hui, doit être payée sur le dos des entreprises, c’est, je le crois, mettre dangereusement en péril le lien de confiance que j’évoquais.
Alors que le Gouvernement promet de baisser l’impôt sur les sociétés pour le ramener à 25 % en 2022, voilà qu’il commence par l’augmenter pour certaines entreprises pour le porter à un niveau record qui peut atteindre 43,33 %. Excusez du peu ! Prendre les grandes entreprises en otage ou pour des vaches à lait, c’est parfois oublier que ces fleurons de notre économie sont aussi de formidables pourvoyeurs d’emplois, par milliers, et qu’ils génèrent beaucoup de sous-traitance auprès d’autres entreprises.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que 318 entreprises seraient concernées, dont 109 par la contribution additionnelle. Parmi elles, 223 seraient perdantes, c’est-à-dire qu’elles paieraient plus de surtaxe qu’elles ne recevraient de remboursement. Sur ces 223 entreprises perdantes, un tiers seraient même, pour reprendre vos propos, des perdantes « net », c'est-à-dire qu’elles ne bénéficieraient d’aucun remboursement, tout en étant prélevées. Surtout, il y a quinze jours, il n’était même pas question qu’elles le soient. Ce sont d’ailleurs bien souvent des entreprises de taille intermédiaires, les fameuses ETI, qui sont les premières créatrices d’emploi en France, celles-là mêmes qui ont réinvesti leurs bénéfices dans leur croissance plutôt que dans la rémunération d’actionnaires. Ce sont aussi des entreprises ou des groupes mutualistes bancaires ou de protection sociale qui sont impactés à un niveau record, et cela doit nous interpeller.
Ainsi, les entreprises concernées se voient imposer près de 800 millions d’euros de contributions, dont, je le répète, elles n’avaient pas connaissance il y a un peu plus de quinze jours. Et, aujourd’hui, plus de 15 % de cette facture est à la seule charge de trois grands groupes mutualistes et coopératifs.
Monsieur le ministre, vous parlez de perdants nets, de perdants et de gagnants. Je ne poserai qu’une seule question : y a-t-il réellement des gagnants ? Pour ma part, je n’en vois pas ! C’est à tort que les entreprises frappées par la taxe de 3 % sur les dividendes ont été mises à contribution. Le remboursement des créances n’est donc pas un gain, mais la restitution d’un indu. Finalement, toutes les entreprises sont perdantes dans cette affaire.
Je vous ai bien entendu expliquer, il y a quelques instants, que ces taxes seraient exceptionnelles. Mais je fais appel à notre mémoire et je nous mets en garde collectivement quant à certaines taxes, dont le caractère exceptionnel était promis à l’origine et qui, malheureusement, se sont révélées bien durables.
Enfin, je tiens à juxtaposer trois chiffres, qui, à eux seuls, résument en quelque sorte la philosophie du Gouvernement aujourd’hui.
Ce gouvernement pratique ce que j’appelle « l’échantillonnage des 300 et quelques » : 318, 319 et 324 ; 318, c’est le nombre de grandes entreprises surtaxées à un niveau record ; 319, c’est celui des grandes collectivités que l’État convie à des travaux dirigés surveillés par ses soins, qui subissent une forme de tutelle, un plafond de dépenses et un ratio d’endettement mal calibré ; et 324, c’est le nombre d’emplois publics supprimés par l’État en 2018 sur un total de 2 millions.
Avec ces trois chiffres étonnamment proches, nous constatons combien les efforts demandés peuvent être variables entre des entreprises surtaxées, des collectivités déjà lourdement ponctionnées par l’État, au point d’en être parfois à l’os, et un État qui, s’il ne fait pas l’effort de se réformer, n’en continue pas moins à jouer les donneurs de leçons.
Mes chers collègues, vous l’avez compris, avec ce projet de loi de finances rectificative établi dans l’urgence, vite fait, mal fait, on nous propose de passer l’éponge sur une ardoise de 10 milliards d’euros. Cette dernière a été accumulée par l’État avec une forme d’inconséquence, par un enchaînement malheureux d’absence de décision particulièrement préjudiciable aux intérêts de la France. Il s’agit, ni plus ni moins, du plus gros fiasco fiscal de l’État sous la Ve République. D’un fiasco d’État dont le Gouvernement a imaginé, en l’absence pourtant de toute responsabilité et, plus encore, de toute culpabilité des entreprises, de proposer une réparation partagée, à moitié, entre 300 et quelques entreprises objets d’un tirage au sort orienté. Un seul critère de choix a été retenu : le chiffre d’affaires brut, non corrigé de données comme l’emploi, l’exposition à la concurrence, la compétitivité ou la profitabilité.
Votre choix, monsieur le ministre, est injuste. Il augure mal de l’avenir, notamment du pacte de confiance que vous appelez de vos vœux et que vous voulez par ailleurs proposer aux acteurs économiques. Nous ne pouvons le cautionner. C’est pourquoi le groupe Les Républicains demeure opposé à ce projet de loi de finances rectificative et votera, bien sûr, la motion proposée par la commission des finances tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. de Montgolfier, au nom de la commission, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,
Considérant que le projet de loi de finances rectificative pour 2017 déposé en urgence par le Gouvernement a pour objet de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2017 relative à la contribution de 3 % sur les montants distribués ;
Considérant que, pour faire face au montant des dépenses de contentieux, il prévoit la création de deux contributions exceptionnelle et additionnelle sur l’impôt sur les sociétés dû au titre de 2017 dont le rendement attendu s’élèverait à 4,8 milliards d’euros en 2017 et 600 millions d’euros en 2018 ;
Considérant qu’en première lecture le Sénat a rejeté la création de ces deux nouvelles contributions au motif qu’elles affecteraient particulièrement l’industrie, le commerce et les services financiers, notamment les banques mutualistes, qui ne pourraient prétendre à des remboursements à la hauteur de ces prélèvements ;
Considérant qu’après l’échec de la commission mixte paritaire l’Assemblée nationale a, en nouvelle lecture, rétabli son texte de première lecture sans prendre en compte la position exprimée par le Sénat ;
Considérant qu’il n’y a pas lieu de penser qu’un nouvel examen complet du projet de loi par le Sénat en nouvelle lecture permettrait de rapprocher les positions des deux assemblées ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 84, 2017-2018).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur général, pour la motion.