M. Jean Bizet. Évidemment !
M. Jean-Yves Leconte. Ce type de procédé existe déjà aux États-Unis.
M. le ministre d’État a précisé que la disposition figurait déjà dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et qu’il fallait simplement la rendre applicable, parce qu’elle n’est pas applicable aujourd'hui. En l’état actuel des choses, et compte tenu de l’absence de réponse concrète de sa part, je pense que l’on prendrait un risque trop important à déléguer aux compagnies aériennes la capacité d’évaluer au faciès, finalement, si tel ou tel voyageur représente un risque ou non pour elles. Cette mesure me semble abusive.
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Je rappelle que cette disposition est prévue dans la convention de Chicago qui date de 1944. Il ne s’agit donc pas d’une mesure nouvelle, même si celle-ci n’était pas appliquée ces dernières années.
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Administration générale et territoriale de l’État
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (et article 49 B).
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. Jacques Genest, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous présenter le budget pour 2018 de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », qui s’élève à 2,757 milliards d’euros.
Une fois passés les rendez-vous électoraux, nous revenons à une situation correspondant au rythme de croisière d’une mission qui, c’est une évidence revendiquée comme telle, n’est pas prioritaire. Le projet de loi de programmation des finances publiques le confirme en retenant un simple maintien des dotations en valeur à l’horizon 2020.
Le fait que la mission « Administration générale et territoriale de l’État », qui porte les moyens de l’administration générale de l’État dans les territoires, subisse une sourde relégation budgétaire ne peut nous satisfaire, d’autant qu’elle subit des sous-budgétisations récurrentes.
Le programme 307, « Administration territoriale », dont les crédits sont au niveau de 2015, illustre le manque d’attention porté à la mission. Est-ce à dire que rien ne s’est passé depuis ? Certes non ! En application du plan Préfectures nouvelle génération qui, avec la nouvelle directive nationale d’orientation des préfectures et des sous-préfectures, a incarné les orientations de la gestion du ministère ces dernières années, les guichets du réseau préfectoral ont été fermés aux usagers.
Dans la dernière décennie, le réseau des préfectures et des sous-préfectures a perdu plus de 11 % de ses moyens et la réforme des régions n’est pour presque rien dans ce processus. Ce sont les préfectures départementales et, plus encore, les sous-préfectures qui ont été touchées. La fin de l’accessibilité du réseau pour nos compatriotes, en particulier pour l’obtention des titres d’identité, a pu être partiellement compensée par l’effort important des mairies sélectionnées pour être les points d’entrée du système.
Cependant, dans le processus de dématérialisation qui est presque achevé, 33 000 points d’entrée en mairie ont dû être supprimés. Inutile de trop insister sur le fait que les emplois supprimés n’ont jusqu’à présent pas été réaffectés aux priorités fixées au réseau et que, en particulier, les moyens annoncés à la fois pour donner une nouvelle dynamique aux relations entre l’État et les collectivités territoriales et pour améliorer l’animation des politiques publiques sur le terrain ne sont pas au rendez-vous. Les missions ont été soit abandonnées, soit réduites dans leurs ambitions. Monsieur le ministre d’État, il serait utile que vous nous fassiez part de vos orientations stratégiques pour le réseau.
Sans doute faut-il prendre en compte les événements. Les nécessités liées à l’accueil des étrangers ont mobilisé des moyens nouveaux, au demeurant très insuffisants, compte tenu de l’augmentation des demandes adressées à l’administration préfectorale et de la complexité de certaines situations. On peut en dire autant des besoins liés à la sécurité des Français. Je relève que le projet de budget ne compte que 30 créations d’emplois sur ces thématiques, alors qu’il supprime 415 emplois équivalents temps plein travaillé dans le réseau des préfectures. Les créations d’emplois devraient être concentrées dans les services d’éloignement des préfectures, dont le tragique attentat de Marseille a pu illustrer certaines des incapacités.
Progressivement privé de ses moyens, comme sont privés des leurs les services de l’État dans les territoires de province, en particulier les territoires ruraux, le réseau d’administration générale de l’État a jusqu’à présent échappé à la fermeture souvent redoutée de trop de sous-préfectures. Néanmoins, que 60 sous-préfectures soient dotées de moins de 10 fonctionnaires, en comprenant les contractuels temporaires de plus en plus nombreux, constitue une évolution préoccupante.
M. Charles Revet. Oui, c’est vrai !
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. Quant au budget prévu pour informatiser le ministère et pour pourvoir à l’entretien des bâtiments, il accuse une baisse importante. L’état des 1 500 implantations du réseau est pourtant souvent mauvais et les collectivités territoriales qui en délèguent l’utilisation mais aussi l’entretien à l’État ont bien des motifs de s’inquiéter de son lent délabrement.
Bref, le projet de budget pour 2018, loin de dissiper le sentiment que l’État s’éloigne résolument du local, tant des usagers que des collectivités locales, dans une ignorance totale des besoins, mais aussi de l’intérêt que pourrait revêtir une politique d’aménagement du territoire abandonnée au nom des prétendues plus-values ajoutées par les grandes concentrations, confirme des arbitrages allant vers une métropolisation du pays.
La circonstance majeure pour le budget 2018, c’est la fin du cycle électoral de l’année en cours. Elle entraîne la réduction des crédits du programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », qui finance la vie politique. Le financement de la vie politique ne mobilisera qu’un peu moins de 100 millions d’euros l’an prochain. Sur cette somme 68,7 millions d’euros iront aux formations politiques. En effet, 26,3 millions d’euros serviront à combler le manque de crédits de 2017.
Cette enveloppe n’a pas été revalorisée depuis 2014. Elle perd progressivement de sa consistance. C’est bien sûr particulièrement vrai pour certains partis politiques du fait des résultats des scrutins de 2017. Par ailleurs, j’observe que l’extension de responsabilités conférées à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques par la loi pour la confiance dans la vie politique ne trouve aucune traduction budgétaire appréciable dans le projet de loi de finances.
Enfin, je dirai un dernier mot du budget en évoquant les frais élevés qu’il supporte au titre de l’administration centrale du ministère. Il s’agit du programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». J’observe qu’il va être lesté par la création de la commission du contentieux du stationnement payant mais que, dans le même temps, le fonds interministériel de prévention de la délinquance perd le quart de ses crédits. Le Gouvernement explique qu’il va mettre en œuvre une nouvelle stratégie dans ce domaine mais, pour le moment, elle consiste surtout à réaliser des économies sur les structures de réinsertion et de déradicalisation.
Les dépenses de contentieux atteignent un sommet en 2017 à plus de 140 millions d’euros. Seuls 55 millions d’euros avaient été budgétés en 2017.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. J’en termine, monsieur le président.
Par ailleurs, je m’inquiète que pour traiter l’un des problèmes, celui du refus du concours de la force publique, le ministère puisse évoquer un tri fondé sur des enjeux financiers. Cela me paraît tout à fait contraire au principe d’égalité devant la loi et la justice.
M. le président. Votre temps de parole est épuisé depuis plus d’une minute !
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. Malgré ces réserves, la commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour le programme « Administration territoriale ». Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je rappelle que la mission « Administration générale et territoriale de l’État » rassemble les crédits de trois programmes, tout juste énumérés par mon collègue rapporteur.
Le programme « Administration territoriale » regroupe les moyens des préfectures et sous-préfectures. Ses crédits sont pratiquement stables en 2018, avec 1 694 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une baisse de 0,7 %.
Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » finance l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections, de la vie associative et de la liberté religieuse. Comme cela a été dit, la période électorale étant close, sans élection annoncée pour 2018, ses crédits baissent assez logiquement.
Le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » concerne le pilotage des fonctions dites support, c’est-à-dire tout ce que le ministère dépense pour son fonctionnement.
Faute de temps, je me limiterai à l’examen du programme le plus important, le programme « Administration territoriale ».
Si les crédits sont relativement stables par rapport à 2017, ils expriment la stabilisation d’une tendance longue à la restriction et, surtout, la poursuite de la politique de réduction des effectifs de l’administration territoriale que tous les gouvernements successifs ont inlassablement conduite – 1 300 postes supprimés au cours des trois dernières années ; 4 000 depuis dix ans.
Pour ne pas perdre cette mauvaise habitude, le ministre de l’intérieur ici présent nous a annoncé un train de nouvelles réductions des effectifs : la baisse sera de 350 emplois par an au cours des prochaines années ! Il ne faut pas perdre de temps…
Dans la version « bibliothèque rose » du ministère de l’intérieur, les réformes de l’administration territoriale qui suivent ces réductions d’effectifs depuis dix ans permettront de faire face, et au-delà, aux effets des hémorragies.
La dernière réforme en date, le plan Préfectures nouvelle génération – PPNG –, n’est pas arrivée à son terme que le Premier ministre annonce la prochaine, plus globale, dénommée programme Action publique 2022, dans laquelle restent encore à définir les dispositions concernant l’administration territoriale.
J’avoue que la stoïque capacité d’adaptation des fonctionnaires, indépendamment de leur statut, fait mon admiration. Reste à savoir jusqu’à quand cette situation pourra durer.
Comme on le sait, les leviers du plan Préfectures nouvelle génération sont la réorganisation complète de la délivrance des titres – cartes d’identité, passeports, permis de conduire et cartes grises –, ainsi que la dématérialisation des procédures et des échanges entre les usagers et les services, entre les services, et entre les services préfectoraux et les collectivités territoriales.
Les « gains de productivité » ainsi dégagés sont donc censés compenser la baisse des effectifs.
Moderniser les procédures, les sécuriser, faire en sorte que notre administration territoriale s’approprie l’outil informatique ne peut qu’être encouragé – il serait stupide de se priver d’un tel instrument –, si c’est un moyen de renforcer la qualité de la présence de l’État Républicain sur la totalité de notre territoire. Il n’en va pas de même si c’est un cache-misère, si cela conduit à marginaliser un peu plus la population ne disposant pas d’un accès correct aux réseaux ou ne maîtrisant pas suffisamment l’outil informatique. Constatons que malgré les efforts, c’est encore trop souvent le cas !
La présence de l’État, c’est d’abord celle de ses représentants, et non la diffusion de leur image. Là, on est toujours loin du compte !
Telles sont les raisons de fond pour lesquelles la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Hervé Marseille. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avec 2,76 milliards d’euros de budget pour 2018, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » reculent de 11 % par rapport à l’an passé.
Cette diminution, cela a déjà été dit, est principalement imputable à l’évolution du programme 232, dont les dépenses sont liées à un cycle électoral qui, contrairement à 2017, sera a priori dépourvu d’échéances majeures en 2018.
Toutefois, monsieur le ministre d’État, la stabilité relative des crédits alloués à cette mission nous invite à la plus grande vigilance.
Si mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même sommes bien sûr favorables à des mesures de redressement de nos finances publiques, nous demeurons attentifs au fait que cela ne se fasse pas trop au détriment du déploiement territorial de l’État, au détriment de la complète information des Français en matière électorale, au détriment de l’accueil des usagers dans nos préfectures et sous-préfectures, au détriment – en définitive – de nos collectivités et de nos élus.
Le programme 307, « Administration territoriale », est à cet égard révélateur, avec, comme l’a fait remarquer M. le rapporteur spécial, des crédits restant au niveau de 2015.
L’annonce du plan Préfectures nouvelle génération et de la nouvelle directive nationale d’orientation des préfectures et sous-préfectures aura eu pour conséquence de supprimer 1 300 emplois, soit 5 % des effectifs de 2015. En dix ans, ce sont au total plus de 11 % des emplois du réseau d’administration générale de l’État qui auront été amputés !
La réduction des effectifs a laissé près de 60 sous-préfectures dotées de moins de 10 fonctionnaires.
Prenons l’exemple de l’accueil des étrangers. Les dossiers afférents sont toujours plus nombreux et plus complexes. Dès lors, la baisse des effectifs et des moyens ne contribue pas à garantir l’efficacité d’une mission pourtant étroitement liée à la sécurité du pays.
Autre exemple : celui de la lutte contre la fraude documentaire, érigée en priorité par le ministère de l’intérieur. Je ne peux que rejoindre les préoccupations de mes collègues de la commission des lois et m’interroger sur les failles existant dans la prévention de la fraude et la gestion parfois hasardeuse de fichiers qui se sont, par ailleurs, multipliés.
Le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », voit ses crédits réduits de 344,5 millions d’euros en raison de la fin du cycle électoral. Depuis 2014, l’enveloppe consacrée au financement des partis politiques est restée constante, avec 68,7 millions d’euros de crédits.
Mes chers collègues, nous avons tous pu constater la longueur des délais tenant au traitement des comptes et au remboursement des frais de campagne. Il conviendrait à l’avenir d’octroyer des crédits suffisants à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la CNCCFP, afin d’organiser une formation approfondie des personnels qui la rejoignent en année électorale. L’extension des responsabilités conférées à cette commission par la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique ne s’est malheureusement pas traduite par une augmentation des moyens.
J’aimerais enfin, monsieur le ministre d’État, prendre quelques instants pour parler de la propagande électorale. Sa dématérialisation n’est pas prévue dans le présent projet de loi de finances, mais on sait que la mesure réapparaîtra très prochainement dans l’ordre du jour.
Vous connaissez l’attachement, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, comme de l’Assemblée nationale, à la propagande électorale sous format papier. Nous saluons les avancées apportées par la modernité. Mais encore faut-il respecter le principe d’égalité : il existe trop de zones blanches sur notre territoire, trop de populations non reliées à internet pour que la démocratie fasse l’économie de cette propagande papier. Il y a certes un monde hyper connecté, mais n’oublions pas une partie de nos concitoyens dans les zones rurales !
Alors que les dernières élections ont donné lieu à une abstention record, faudrait-il accélérer le mouvement, en cessant d’adresser aux électeurs les listes et professions de foi des candidats ?
C’est par souci démocratique, monsieur le ministre d’État, que nous saisissons cet instant pour vous demander d’être vigilant sur ce point et vous faire part de notre opposition à cette démarche.
Enfin, le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », appelle trois remarques.
Premièrement, et malgré les rapports successifs, nous constatons que les dépenses contentieuses restent sous-budgétisées, ce qui provoque de nombreux dommages. Il faut parfois attendre plusieurs mois pour qu’une décision de justice soit exécutée, ce qui n’est pas acceptable.
Deuxièmement, la Cour des comptes a sévèrement critiqué l’action sociale au sein du ministère de l’intérieur, en mettant en avant des situations inégalitaires préoccupantes.
Troisièmement, je voudrais manifester notre inquiétude face à la révision à la baisse des crédits prévus au titre du fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, au moment même où le Gouvernement entend développer une nouvelle stratégie ambitieuse de prévention de la radicalisation et de la délinquance.
Comme il a coutume de le faire, le groupe Union Centriste votera encore le budget de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » cette année. Toutefois, nous souhaitons être entendus et attendons de connaître les arguments du Gouvernement sur l’essentiel des observations que je viens de formuler. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Alain Fouché et Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, à travers la mission « Administration générale et territoriale de l’État », le ministère de l’intérieur « met en œuvre trois de ses responsabilités fondamentales : garantir l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des grandes libertés publiques, assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République et mettre en œuvre au plan local les politiques publiques nationales ».
C’est en ces termes que l’annexe budgétaire introduit la présentation stratégique de la mission dont nous débattons à l’instant.
Au-delà des trois programmes qui la constituent, et sur lesquels je reviendrai, l’énonciation de ces trois responsabilités amène à questionner les missions exercées par la puissance publique dans nos territoires et, donc, la place de l’État sur ces territoires, ainsi que l’articulation de son action avec celle des acteurs locaux.
Certes, cette réflexion est censée être engagée dans le cadre d’un nouveau programme Action publique 2022, tout juste lancé par le Premier ministre. Mais si une telle réflexion est loin d’être nouvelle, elle n’a jusqu’à présent trouvé, comme réponse principale, qu’une succession de réformes, sans réelle interrogation sur les missions et l’implantation de l’État dans les territoires et, par conséquent, sur le rôle du réseau des préfectures et des sous-préfectures.
Or ce sont bien les missions qui doivent déterminer les moyens, et non l’inverse, avec un objectif d’égal accès à un service public de qualité, notamment au profit des territoires les plus éloignés.
Permettez donc que je développe trois points.
Premier point, un État de proximité dématérialisé et métropolisé.
S’agissant des moyens, des efforts importants ont été consentis en matière de rationalisation et de mutualisation, d’une part, et en matière d’adaptation des préfectures et de leur personnel à la nouvelle carte régionale, d’autre part. Au-delà des effets économiques de la reconfiguration géographique du réseau, il en ressort souvent un sentiment d’éloignement, voire d’abandon des territoires, éprouvé par les usagers et les élus locaux, qui voient dans cette évolution une forme de démantèlement de l’État de proximité.
À ce titre, si le plan Préfectures nouvelle génération a permis, ou devrait permettre, de moderniser l’administration et de simplifier l’accomplissement de démarches administratives pour les usagers, avec le concours non négligeable des mairies pour les cartes d’identité, il y a lieu de s’interroger sur l’accès équitable de tous les usagers aux services désormais dématérialisés.
Je rappelle que la fracture numérique continue d’être une réalité pour plus de 3 millions de personnes et que tous nos concitoyens ne maîtrisent pas de manière uniforme les nouvelles technologies.
Cette fracture numérique nécessite des moyens en matière d’accompagnement des démarches de téléprocédures. Or cet accompagnement est difficile à envisager dans le cadre de la réduction des missions de guichet.
Ainsi, la simplification et le progrès pour les uns deviennent l’exclusion pour les autres, que ce soit pour des raisons géographiques, socioéconomiques ou générationnelles.
Dans cette perspective, il apparaît essentiel de déployer des moyens pour renforcer le dispositif des points numériques permettant à tous les usagers d’effectuer des téléprocédures.
En outre, l’objectif de 100 % de services dématérialisés d’ici à 2022 fixé par le Président de la République appelle une action budgétaire plus volontariste, à la fois pour développer les services dématérialisés existants et pour pouvoir investiguer de nouveaux champs pour cette dématérialisation.
Or, étonnamment, la mission « Administration générale et territoriale de l’État », dans son programme 307, ne fait pas apparaître un tel volontarisme. On constate même plutôt une curieuse contradiction, puisque le programme tend à réduire les crédits alloués au fonctionnement et à la maintenance des matériels informatiques et des systèmes d’information.
Nous serons donc plus qu’attentifs aux moyens alloués pour qu’aucun usager ne soit exclu du service public, auquel l’État a l’obligation de garantir un égal accès à chacun d’entre nous.
Deuxième point, des moyens limités pour exercer les missions des préfectures auprès des collectivités locales.
Sur un autre plan, le PPNG devait également permettre à l’État de se recentrer sur ses missions prioritaires – parmi lesquelles l’expertise juridique, le contrôle de légalité et la coordination territoriale des politiques publiques – et de les renforcer.
Cela nous conduit à nous interroger sur le rapport de l’État aux collectivités territoriales et à sa mission de conseil, inhérente à celle du contrôle de légalité, et ce afin que l’État soit ce qu’il est censé être : un coconstructeur et un facilitateur du développement des territoires.
Cette réflexion apparaît d’autant plus importante à la suite de l’annonce, par le Président de la République, du renforcement de l’ingénierie territoriale, mais aussi du dialogue de gestion entre les préfectures et les collectivités locales, dans le cadre des fameux contrats d’objectifs.
En matière de contrôle de légalité, le PPNG a permis la montée en puissance du pôle interrégional d’appui au contrôle de légalité et le renforcement de la capacité d’expertise juridique par la création de quatre pôles juridiques et deux à venir.
Toutefois, on constate parallèlement un resserrement du nombre d’actes à transmettre au contrôle de légalité et une priorisation des actes à contrôler inégale entre les préfectures. D’après un rapport de la Cour des comptes de 2016, le facteur explicatif serait le manque de temps, de capacité d’expertise des agents et d’efficience de la procédure de transmission des actes.
Dans cette perspective, la soutenabilité des missions du réseau des préfectures pose question, tout comme la place des sous-préfectures dans l’architecture du réseau. Malgré une augmentation des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de 2,24 %, les moyens octroyés nous semblent sous-estimés.
Troisième point, une limitation des moyens du fonds interministériel de prévention de la délinquance.
Mon dernier point porte sur la réduction sensible de ce fonds – de l’ordre de 27 millions d'euros – dans le cadre du programme 216. Cette baisse s’explique par la réduction du format des centres de réinsertion et de prévention de la délinquance, dans le contexte de la mise en place d’une nouvelle stratégie.
Pour autant, ce fonds étant destiné à l’accompagnement des jeunes en voie de radicalisation et à leur insertion sociale, l’actualisation de la stratégie interministérielle ne devrait pas se limiter à réaliser des économies sur les structures de réinsertion et de déradicalisation, compte tenu de la situation que nous connaissons.
Ainsi, pour les raisons évoquées précédemment, qui relèvent principalement de la présence de l’État et de la perception de cette présence dans les territoires, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)