M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Quatre faits sont cependant à signaler.
Tout d'abord, des crédits sont inscrits pour l’installation et la sécurisation d’un troisième site pour la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, à Neuilly-sur-Seine, en attendant la réalisation d’un site unique, sur lequel nous sommes en train de réfléchir.
Ensuite, le budget comprend une forte augmentation des crédits de contentieux. En effet, ces crédits se sont trouvés notablement insuffisants par le passé, ce qui a conduit les parlementaires à qualifier les budgets d’insincères. Ces crédits passent donc de 55 millions d’euros en 2017 à 80 millions d’euros en 2018, ce qui reflète davantage la réalité des besoins. Vous savez que c’est le souhait du Gouvernement que d’avoir, dans tous les domaines, une plus grande sincérité budgétaire.
En outre, pour ce qui concerne la stratégie de prévention de la radicalisation, la baisse des crédits est due à la fermeture du centre de Pontourny, qui, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, avait été un échec, parce que nous n’avions pas pu y réaliser ce qui avait été initialement prévu. Nous réfléchissons également en ce moment à la répartition des crédits, un certain nombre de crédits ayant été alloués par le passé à des associations autoproclamées leaders dans le domaine de la déradicalisation. Nous souhaitons travailler davantage sur le terrain. Nous aurons donc l’occasion de vous faire de nouvelles propositions.
Enfin, les crédits de la mission permettront de financer la mise en place de la juridiction spéciale chargée du contentieux des forfaits du stationnement payant, qui accompagnera l’entrée en vigueur, au 1er janvier prochain, de la réforme de la décentralisation du stationnement payant. Ainsi, 119 ETP et 8 millions d’euros de budget sont prévus pour armer cette juridiction, qui sera établie, comme vous le savez, à Limoges. Cet acte de décentralisation avait été voulu par le précédent gouvernement.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Administration générale et territoriale de l’État |
2 702 036 940 |
2 761 507 605 |
Administration territoriale |
1 699 148 925 |
1 694 818 759 |
Dont titre 2 |
1 516 868 363 |
1 516 868 363 |
Vie politique, cultuelle et associative |
122 499 509 |
125 819 509 |
Dont titre 2 |
5 911 443 |
5 911 443 |
Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur |
880 388 506 |
940 869 337 |
Dont titre 2 |
502 591 482 |
502 591 482 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 49 B, ainsi que l’amendement portant article additionnel après l’article 49 B, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
Administration générale et territoriale de l’État
Article 49 B (nouveau)
L’article L. 375 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dépenses liées à la campagne audiovisuelle officielle sont à la charge de l’État. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 49 B
M. le président. L'amendement n° II–393, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'article 49 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le huitième alinéa de l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut également n’indiquer aucun parti ou groupement politique, l’aide correspondante venant alors en déduction du total de la seconde fraction. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. J’ai déjà présenté cet amendement voilà déjà quelques années, et j’ai eu l’occasion de le défendre à nouveau lors de l’examen du projet de loi de moralisation de la vie politique.
Il concerne la liberté des parlementaires.
La France a choisi le système du financement public de la vie publique. Comme vous le savez, mes chers collègues, c’est essentiellement grâce à la manne de l’État que nos partis politiques peuvent développer leurs idées, leurs actions, leur programme, leurs projets.
Pour leur permettre d’en bénéficier, tous les parlementaires doivent, vers le mois de novembre – nous l’avons fait voilà quelques jours –, choisir l’un des onze partis politiques ayant présenté des candidats dans un certain nombre de départements en France.
Il existe une sorte de monopole des grands partis, qui se partagent cette dotation financière.
L’année 2017 a été paradoxale à cet égard : d’une part, un candidat non issu des partis politiques est devenu Président de la République et, d’autre part, les partis traditionnels de gouvernement, malgré le financement public, n’ont pas remporté les élections législatives, alors que le parti devenu majoritaire a surgi sans aucune aide publique.
Cet amendement tend à laisser leur liberté de choix aux parlementaires. S’ils sont, par exemple, indépendants, divers droite ou divers gauche, ils peuvent ne pas vouloir choisir. Or, aujourd’hui, quand un parlementaire ne choisit pas, sa dotation est partagée entre les onze formations retenues.
Il est tout à fait naturel, à mes yeux, qu’un parlementaire puisse décider de reverser sa dotation au budget général de l’État, ce qui contribuera à amoindrir le déficit public.
Tel est l’objet, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, de cet amendement, particulièrement technique, dont j’espère l’adoption après un long cheminement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Genest, rapporteur spécial. Je tiens tout d’abord à remercier Hervé Marseille, l’ancien rapporteur de la commission des finances, dont le travail m’a été très utile.
S’agissant de l’amendement de M. Dominati, qui a déjà été voté par le Sénat, la commission des finances a émis un avis de sagesse très favorable. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.) À titre personnel, je voterai en faveur de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. M. Dominati semblait avoir du mal à déceler des évolutions positives depuis l’arrivée de ce nouveau gouvernement. Je vais lui démontrer qu’il y en a, en émettant un avis favorable sur son amendement (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.), cet amendement qu’il a déjà déposé à trois reprises par le passé.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-393.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 49 B.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Communication relative à deux commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017–48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Je l’informe également que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017–644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
7
Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Justice
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Justice » (et article 57 ter).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget du ministère de la justice bénéficiera, en 2018, d’une hausse de 3,9 % de ses crédits de paiement, à périmètre constant.
Certains considèrent que cette augmentation est insuffisante. Il est vrai que l’on peut regretter que notre pays consacre seulement 72 euros par habitant à la justice, contre 95 euros en Italie ou même 146 euros en Allemagne.
Néanmoins, replacée dans le cadre du budget général de l’État, la mission « Justice » apparaît bien considérée comme une priorité. Si l’on compare avec d’autres politiques publiques prioritaires – je pense en particulier à l’armée et aux forces de sécurité –, la justice bénéficie d’un traitement plutôt favorable : contrairement aux missions « Défense » et « Sécurités », les efforts budgétaires en faveur de la mission « Justice » devraient être à la fois durables sur la période triennale 2018–2020 et renforcés en fin de période.
Bien sûr, les réformes paraissent toujours trop lentes et leurs résultats tardent à se traduire dans les chiffres et dans les faits. La surpopulation carcérale n’a ainsi jamais été aussi élevée dans notre pays. Le traitement des détenus est indigne dans certaines maisons d’arrêt et la France pourrait bien finir par se faire sérieusement rattraper par la Cour européenne des droits de l’homme.
Par ailleurs, les délais de jugement s’allongent devant certaines juridictions, ce qui n’est satisfaisant pour personne : quel est le sens d’une peine prononcée à l’encontre d’un mineur désormais majeur, installé dans la délinquance profonde, et condamné depuis pour d’autres faits autrement plus graves ? Qu’en est-il pour un majeur, désormais installé dans une vie tranquille et responsable, qui n’a plus eu affaire à la justice depuis lors ? Quelle efficacité ? Aucune ! Mais quelle perte de temps !
S’agissant de l’emprisonnement, je soulignais l’année dernière, dans un rapport présenté à la commission des finances sur l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l’AGRASC, que dans bien des domaines – trafic de drogues ou criminalité organisée, par exemple –, la saisie et la confiscation des biens étaient nettement plus efficaces qu’un séjour d’emprisonnement, d’ailleurs considéré comme un « risque du métier » par les auteurs de ces infractions.
Par ailleurs, en étudiant les modalités de financement des dépenses de santé des personnes détenues prises en charge par le ministère de la justice jusqu’à cette année, je me suis interrogé sur la fin de vie en détention, mais aussi sur la prise en charge de certaines maladies mentales.
Est-il vraiment efficace et digne d’enfermer des personnes grabataires ou relevant de maladies psychiatriques lourdes dans des établissements pénitentiaires inadaptés à leur pathologie et nécessitant une prise en charge par des personnels pénitentiaires parfois démunis ?
La réponse à ces questions ne passe pas d’abord par l’octroi de moyens supplémentaires, mais bien par une réflexion plus large sur la place de la justice dans la cité et le sens de la peine dans notre société.
À ce titre, si je suis favorable à la construction rapide de 15 000 nouvelles places de prison, il me semble indispensable d’adapter la taille comme la localisation des établissements à la diversité des profils qui s’y côtoient. Il faut bien admettre que tout cela va prendre du temps.
Nous le savons tous, les défis sont colossaux pour améliorer le fonctionnement de la justice. Mais à quoi bon voter la création de centaines de postes supplémentaires s’ils ne sont pas pourvus parce que les agents renoncent à leur concours en raison de conditions de travail trop difficiles ?
Mme la garde des sceaux a prévu plus de 1 000 postes supplémentaires en 2018 au sein du ministère de la justice, ce qui devrait contribuer à améliorer la situation des juridictions et des établissements pénitentiaires. Mais comment favoriser l’attractivité des métiers du ministère de la justice, en particulier celui de surveillants pénitentiaires ? Cette question me semble prioritaire.
Je sais que les questions indemnitaires sont au cœur du débat, mais, en visitant dernièrement le tribunal de grande instance de Bobigny, il m’a semblé que l’amélioration des conditions de travail, au sens large, devrait faire l’objet d’une attention particulière.
Les créations de postes de surveillants pénitentiaires prévues en 2018 permettront d’ouvrir de nouveaux établissements, mais pas de résorber les vacances de postes. Or cette vacance, dans un contexte de surpopulation carcérale, tend à dégrader encore davantage les conditions de travail des agents et contribue, comme dans un cercle vicieux, à réduire l’attractivité de ces métiers.
Par ailleurs, ce projet de loi de finances devrait ne constituer qu’une première étape dans un programme plus profond de transformation du fonctionnement de la justice. Certes, vous inscrivez 328 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 65 millions d’euros de crédits de paiement en faveur d’un plan numérique, mais ce chantier ne saurait, à lui seul, assurer le désengorgement des juridictions et la modernisation de la justice.
Nous attendons donc impatiemment la présentation de votre projet de loi de programmation de la justice pour évaluer la stratégie et mesurer le volontarisme du Gouvernement pour que l’augmentation continue des moyens ne constitue pas l’unique réponse aux dysfonctionnements et au malaise de la justice.
C’est donc un budget en demi-teinte que Mme la garde des sceaux nous présente pour 2018 : d’un côté, l’augmentation des moyens est indéniable, la priorité donnée à la transformation numérique et au recrutement de personnels me semble pertinente au vu de la situation actuelle et des défis à venir ; d’un autre côté, je m’interroge sur la capacité réelle du ministère à se transformer, à se moderniser et même à recruter. Peut-être votre projet de loi de programmation saura-t-il définitivement nous convaincre ?
Certaines économies prévues, notamment sur les frais de justice, me laissent dubitatif. J’espère sincèrement que la plateforme nationale des interceptions judiciaires, la PNIJ, permettra de réaliser les économies ambitieuses prévues.
S’agissant justement des économies, peut-être pourriez-vous nous préciser les projets ou les actions qui seront concernés par le « coup de rabot » de 9,4 millions d’euros voté en seconde délibération par l’Assemblée nationale ?
Malgré des réserves et des doutes sur les points que j’ai évoqués précédemment, et bien consciente des lourdes contraintes qui pèsent sur le budget de la mission « Justice », la commission des finances est favorable à l’adoption de ces crédits.
Toutefois, ayant participé à l’audition de Mme la garde des sceaux par la commission des lois, le 29 novembre dernier, c’est-à-dire après le vote de l’avis de la commission des finances, je veux préciser que je regrette, à titre personnel, que la garde des sceaux ait annoncé revenir sur l’engagement du Président de la République de construire 15 000 places de prison avant la fin du quinquennat, alors que l’immobilier pénitentiaire a tant besoin d’être soutenu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains et M. Pierre Louault applaudissent également.)
M. Philippe Bas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Marc, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour le programme « Administration pénitentiaire ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au 1er novembre 2017, 69 307 personnes étaient détenues, en augmentation de 1,1 % par rapport au 1er novembre 2016, dont 19 889 prévenus et 48 685 condamnés. La « densité carcérale » atteignait donc 117 %.
Aujourd’hui, notre parc immobilier pénitentiaire est inadapté à la croissance de la population carcérale.
Dans ce contexte, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018 pour l’administration pénitentiaire apparaissent largement insuffisants au regard des besoins.
Les crédits hors masse salariale, qui s’élèvent à 1 112,4 millions d’euros, diminuent de 1,3 %.
Plus alarmant, les dépenses d’investissement, qui s’établissent à 236,6 millions d’euros, diminuent de 18,2 % en crédits de paiement et de 77,26 % en autorisations d’engagement.
Le programme de 15 000 places annoncé par le Président de la République n’est pas crédible. Seuls 21 millions d’euros de crédits sont inscrits au budget 2018 pour réaliser une partie des acquisitions foncières du programme « 15 000 places », soit 1,9 % du budget du programme « Administration pénitentiaire » hors dépenses de personnel. Le programme « 15 000 places » ne sera donc jamais achevé à la fin du quinquennat, comme nous l’a avoué Mme la ministre de la justice, lors de son audition en commission des lois.
Il est regrettable que le Gouvernement n’ait pas souhaité soutenir la démarche du Sénat qui, sur l’initiative du président de notre commission des lois, Philippe Bas, a adopté, en octobre dernier, une proposition de loi très ambitieuse.
Pour créer 15 000 places supplémentaires, il faut construire au moins 20 000 places nouvelles, dans la mesure où 3 000 à 4 000 places disparaîtront avec la fermeture d’établissements vétustes.
J’évoquerai deux autres points très inquiétants : d’une part, la diminution des crédits consacrés aux aménagements de peine et à la lutte contre la récidive ; d’autre part, la diminution des crédits de paiement consacrés à la maintenance du parc immobilier carcéral.
Depuis dix ans, la maintenance du parc immobilier carcéral souffre d’un sous-investissement chronique et notoire. Il faudrait 140 millions d’euros chaque année pour simplement maintenir le parc existant. Or le projet de loi de finances pour 2018 ne consacre que 80,7 millions d’euros à la maintenance des établissements, contre 114 millions en 2017.
J’en viens à l’insuffisance des créations d’emplois.
La création de 732 emplois supplémentaires est prévue, alors qu’il faudrait, selon l’administration pénitentiaire, entre 1 600 et 1 800 postes supplémentaires.
Dans ce contexte, l’absence de hausse significative du plafond des autorisations d’emplois des surveillants pénitentiaires est injustifiable et place durablement les surveillants dans une situation dangereuse.
Je passerai sur la part substantielle des mesures catégorielles annulées pour 2018, notamment le passage en catégorie A des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. Il est pourtant indispensable de renforcer l’attractivité des métiers de l’administration pénitentiaire.
Pour ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable sur ces crédits. (M. Philippe Bas et Mme Sophie Joissains applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour les programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous partageons tous ici le constat selon lequel notre justice a d’abord besoin de moyens.
Le Gouvernement a tenté d’y répondre dans son projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 en prévoyant une trajectoire d’augmentation des crédits de la mission « Justice » de 19 % sur cette période.
Or je ne peux que constater que cette trajectoire est bien moins ambitieuse que celle de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice, que vous avez adoptée, mes chers collègues, le 24 octobre dernier, sur l’initiative de notre collègue, président de la commission des lois, Philippe Bas. Cette proposition de loi prévoit en effet une progression des moyens de 28,9 %, sur la base d’un diagnostic qui n’a pas été contesté, et d’importantes réformes de structure dont notre justice a besoin pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens.
La trajectoire que propose le Gouvernement, inférieure de près de dix points à celle qui a été prévue par le Sénat, ne me semble donc pas à la hauteur des difficultés rencontrées aujourd’hui par la justice.
S’agissant du projet de loi de finances pour 2018, première étape de cette trajectoire quinquennale, je prends acte de l’augmentation des crédits de paiement alloués aux programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » de 5,4 % globalement, dont 4,1 % pour le seul programme « Justice judiciaire ».
C’est la raison pour laquelle je comprends que nos collègues de la commission des finances aient proposé d’adopter les crédits de la mission « Justice ». Toutefois, malgré cette progression, les moyens demeurent nettement insuffisants. L’effort consenti est en recul par rapport à celui qui avait été accompli en loi de finances initiale pour 2017.
S’agissant plus particulièrement des moyens dévolus aux juridictions judiciaires en 2018, seules 148 créations nettes d’emplois sont prévues – contre 600 en 2017 –, dont aucune création nette d’emploi de greffier.
Les délais de traitement des affaires s’allongent, tant en matière civile qu’en matière pénale. Le sous-effectif lié aux vacances de postes demeure, ainsi que la sous-dotation manifeste des frais de justice, avec près de 122,65 millions d’euros de dettes et charges à payer non budgétés.
Quant à la progression des crédits de fonctionnement et d’investissement des juridictions, elle sera absorbée, pour l’essentiel, par l’ouverture du nouveau palais de justice de Paris, alors que le piètre état de l’immobilier de certaines juridictions dans l’ensemble de l’Hexagone tout comme l’insuffisance de leurs moyens de fonctionnement sont régulièrement dénoncés.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, toute augmentation de crédits sera vaine si elle se termine par une annulation de crédits en gestion.
À cet égard, le Gouvernement s’est engagé à revenir à une pratique plus conforme à l’autorisation parlementaire. Je constate toutefois qu’un décret d’avance, daté du 30 novembre dernier, a encore annulé 78 millions d’euros de crédits de paiement et d’autorisations d’engagement sur le budget de la mission « Justice », dont 23 millions d’euros pour le seul budget consacré à la « Justice judiciaire ».
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits des programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » de la mission « Justice », inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Philippe Bas applaudit également.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Josiane Costes, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour le programme « Protection judiciaire de la jeunesse ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il me revient de vous présenter l’avis de la commission des lois sur les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », qui représentent à peu près 10 % des crédits de la mission « Justice ».
Dans le projet de budget pour 2018, le montant accordé à la protection judiciaire de la jeunesse, ou PJJ, s’élève à 857 millions d’euros, soit une augmentation de 3,4 % par rapport à la loi de finances pour 2017.
Le plafond d’emplois de la PJJ augmente également de 16 équivalents temps plein travaillé supplémentaires, notamment du fait de la création de quarante postes d’éducateur, affectés au milieu ouvert, en 2018.
Les crédits de la PJJ sont donc en hausse, dans le prolongement de la consolidation entamée au cours du précédent quinquennat, après plusieurs années de forte baisse. Je souhaite saluer cette évolution positive.
Il m’apparaît cependant important de relever plusieurs éléments de ce budget qui méritent notre attention.
Tout d’abord, le patrimoine immobilier me semble faire l’objet d’une attention insuffisante. Je salue l’effort apporté à cette question, mais je souhaite souligner que seule une hausse plus sensible des crédits permettra d’enrayer la dégradation et de rattraper le retard accumulé.
Ensuite, les crédits du secteur associatif habilité, partenaire historique de la PJJ, poursuivent leur redressement en 2018, avec une hausse de 0,7 %. Il s’agit pourtant, là aussi, d’une revalorisation trop faible, qui n’apportera pas au secteur associatif les marges de manœuvre dont il a besoin pour l’accompagnement et la prise en charge des mineurs sous mandat judiciaire.
Au début de l’année, Mme la ministre de la justice a annoncé, dans le prolongement d’une promesse de campagne du Président Macron, la création de vingt nouveaux centres éducatifs fermés. Les crédits consacrés à ces centres seraient ouverts en 2019.
Dans cette perspective, je souhaite rappeler que l’ouverture de ces centres ne doit pas se faire au détriment des autres modalités de prise en charge qu’offre la PJJ, et en particulier du milieu ouvert.
J’aimerais à présent évoquer brièvement la situation des jeunes filles prises en charge par la PJJ. Si la mixité est un principe fondateur de la PJJ, ce public ne représente qu’une part très minoritaire des interventions de la PJJ, estimée autour de 10 %.
Cette situation soulève des interrogations sur leur intégration dans les structures collectives, majoritairement masculines, et peut faire obstacle aux principes d’individualisation et de continuité de la prise en charge. La question est d’autant plus préoccupante que la délinquance des jeunes filles est en hausse au cours des dernières années.
Il est donc nécessaire de développer une réflexion sur l’amélioration des conditions d’accueil dans les structures de la PJJ et sur la formation des personnels aux enjeux de la mixité.
À ce titre, je crois que la mise en place de structures non mixtes, comme il en existe déjà plusieurs, doit être envisagée.
Sous réserve de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits de la PJJ pour 2018.