M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Joël Labbé. … ne convient pas au monde agricole.
Les coûts générés par ces mesures inadaptées, que ce soit la mise en place de sas, les contrôles onéreux sur les fumiers, les filets de protection…
M. le président. Il faut vraiment conclure. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Joël Labbé. Afin de préserver ces élevages, une législation cohérente et adaptée est nécessaire.
Les éleveurs de volaille fermière comptent sur vous, monsieur le ministre, pour les entendre et leur apporter des réponses appropriées.
M. le président. Je vais maintenant donner la parole à l’orateur suivant. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Joël Labbé. Aussi, la majorité des membres du groupe du RDSE s’abstiendra. (Mme Michèle Vullien applaudit.)
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Il y a deux poids, deux mesures…
M. le président. Non, ma chère collègue, notre collègue a seulement bénéficié de quarante secondes supplémentaires. Mais je vous pardonne votre remarque ! (Sourires.)
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, normalement, un budget traduit des choix politiques. Alors que les États généraux de l’alimentation ont été lancés au mois de juillet dernier, on pouvait imaginer que le budget 2008 traduirait déjà une partie des choix politiques du Gouvernement pour notre agriculture et la filière agroalimentaire et, surtout, qu’il trace des perspectives pour le futur.
Contrairement à ce qu’a affirmé tout à l’heure l’un de nos collègues, il ne s’agit pas de dramatiser. Il s’agit de parler simplement de la réalité des faits.
Voilà deux ans, pour que l’agriculture française soit aussi compétitive que l’agriculture européenne, une baisse significative des charges sociales avait été mise en œuvre.
Selon le communiqué de presse publié à l’époque, cette baisse de charges allait « alléger les trésoreries des exploitations de manière durable dans le temps » – il semble que nous n’ayons pas la même définition de la durabilité – et permettre « un alignement du taux de cotisations applicable aux agriculteurs français sur le taux moyen de cotisations de leurs voisins européens. » Autrement dit, il s’agissait de permettre à la « ferme France » d’accéder au même niveau de compétitivité.
Dans le budget 2018, on supprime cet avantage et on remet l’agriculture française en situation de handicap sur le plan des charges sociales. Ce n’est pas dramatiser que de le dire. C’est tout simplement parler vrai.
De même, l’an passé, le Sénat a considéré, toutes sensibilités confondues, qu’il était urgent de mettre en œuvre, au-delà des mesures d’accompagnement de la gestion des risques et des crises, des mesures fiscales, au travers, notamment, de la création d’une épargne de précaution.
Là encore, on ne voit, dans ce budget 2018, aucune traduction de ce souhait, aucune volonté politique d’accompagner la gestion des crises par des mesures fiscales. On s’en remet à l’Europe.
Monsieur le ministre, nous avons besoin de garanties sur les 300 millions d’euros. Sur ce point, je vais encore plus loin que nos rapporteurs, dont je salue la qualité du travail : j’ai l’impression que nous sommes en train de rompre le pacte du « 1 pour 1 » sur les calamités agricoles – l’État versait un euro pour tout euro dépensé par le paysan. De fait, c’est la première fois que l’on voit apparaître une ligne budgétaire figée.
La France veut être exemplaire. Elle veut même donner des leçons à l’Europe. Sans rouvrir le débat sur le glyphosate, j’estime que l’on aurait pu imaginer une traduction budgétaire des choix politiques opérés pour accompagner l’agriculture, tant au niveau de la recherche de solutions qu’à celui des investissements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme Nathalie Goulet. Ça se tient !
M. Daniel Gremillet. Aujourd’hui, en matière d’investissements, la proposition du budget pour l’année 2018 consiste en une baisse.
Là encore, ce n’est pas dramatiser que de le dire. C’est tout simplement parler vrai.
L’affaire est sérieuse : c’est l’avenir alimentaire de la France, de l’Europe et du monde qui est en train de se jouer. Que voulons-nous pour notre agriculture, pour les emplois dans nos territoires, pour notre filière agroalimentaire ? Quelle place la France veut-elle occuper dans le contexte européen ?
Le budget de la Nation est une traduction de cette volonté politique.
Je veux évoquer brièvement la forêt.
L’espace forestier est, pour la France, une chance formidable. Or aucune ambition forestière n’est traduite dans le budget 2018.
Qui plus est, monsieur le ministre, avec l’amendement que vous avez fait adopter à l’Assemblée nationale, vous remettez en cause un fondement majeur du développement agricole : l’équité des territoires. En effet, cet amendement vise à remonter les fonds prélevés par les chambres d’agriculture, qui pratiquent des taux très différents. Cela va pénaliser nos territoires. J’y reviendrai lors de l’examen des amendements.
En conclusion, monsieur le ministre, le Gouvernement a voulu faire naître de l’espoir avec la mise en œuvre des États généraux de l’alimentation. Nous sommes ici un certain nombre à avoir vécu des états généraux de l’agriculture, des assises du développement agricole,…
M. le président. Il faut vraiment conclure.
M. Daniel Gremillet. Pour terminer, je dirai tout simplement que le budget 2018 est une occasion ratée…
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. Daniel Gremillet. … et, surtout, qu’il ne traduit aucune ambition pour notre agriculture et notre filière agroalimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mes propos sur la forêt et l’élevage.
La forêt constitue un capital exceptionnel pour la France; en termes de réponse aux enjeux climatiques, avec la séquestration de carbone, économiques, avec plus de 450 000 emplois, 60 000 entreprises et 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et sociétaux, avec plus de 200 millions de visiteurs chaque année dans nos forêts.
La forêt française est la quatrième d’Europe. Cette ressource n’est pas pour autant immuable. Elle est le fruit du travail des générations précédentes.
Actuellement, nous coupons ce que nos parents et grands-parents ont planté, mais nous ne replantons pas suffisamment. On parle d’ores et déjà de tensions sur la ressource en chêne et l’on s’interroge sur les peuplements de résineux, très convoités par nos voisins européens et au-delà.
Nous connaissons un déficit de la balance commerciale de 6 milliards d’euros, dû à notre incapacité à transformer notre matière première sur le territoire français.
Ces défis à relever ont été mis en exergue dans le cadre du programme national de la forêt et du bois et se traduisent par des objectifs de mobilisation supplémentaire de 12 millions de mètres cubes. Ils se déclinent dans le cadre de plans régionaux.
Pourtant, monsieur le ministre, à la lecture des crédits de cette mission, je m’interroge sur notre capacité à atteindre ces objectifs.
Symptôme d’une déconsidération, le programme 149, « Forêt », a été supprimé.
Le fonds « stratégique » est raboté, passant de 25 millions à 18 millions d’euros. Je rappelle que l’ambition initiale était de l’alimenter à hauteur de 150 millions d’euros…
Comment faire si nous ne finançons pas de nouvelles infrastructures de dessertes des massifs, l’innovation dans la construction, l’investissement dans la mécanisation, le reboisement des parcelles, l’adaptation des essences pour lutter contre les changements climatiques ou encore la défense contre le risque croissant d’incendies ?
Les recettes de la taxe de défrichement ne reviennent plus en totalité à la forêt. Elles sont écrêtées. Ainsi, 1 million d’euros sont réorientés vers le budget général.
Au final, le budget consacré à la forêt se résume à financer l’Office national des forêts, pour 70 % de l’enveloppe, soit 175 millions d’euros. Est-ce bien sérieux quand on sait que la mobilisation supplémentaire visée par le plan national est, pour l’essentiel, stockée dans les forêts privées ?
Au contraire de mes collègues, je considère comme un point positif l’article 49 bis, qui vise enfin à affecter la totalité des « centimes forestiers », la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti, au Fonds national de solidarité et de péréquation du réseau des chambres d’agriculture, afin de financer exclusivement les actions consacrées à la forêt et à la filière bois.
Monsieur le ministre, l’argent de la forêt doit être fléché sur les politiques forestières publiques, pour régénérer ce capital essentiel. Sans cela, nous préempterons l’avenir des générations qui suivent.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Anne-Catherine Loisier. En matière d’agriculture, la France a choisi une politique d’une rare complexité et coûteuse, avec, pour conséquences, une perte de compétitivité des filières françaises et des professionnels qui désespèrent.
Nos éleveurs doivent pouvoir valoriser le modèle français de production de viande, fondé sur des exploitations majoritairement familiales et des vaches nourries à 80 % d’herbe. Or, dans nos restaurants collectifs, 70 % des viandes bovines et 90 % des viandes ovines sont encore issues de l’importation… Il est donc essentiel de s’assurer de la cohérence de nos politiques publiques, en refusant l’importation de viandes qui ne répondent pas aux mêmes normes de production.
Ouvrir le marché intérieur, aujourd’hui autosuffisant, à des flux supplémentaires serait préjudiciable. Ainsi, avec l’accord économique et commercial global, le CETA, 65 000 tonnes de viande bovine canadienne, issue d’animaux engraissés aux farines animales et autres activateurs de croissance, viendront concurrencer nos viandes françaises. Avec le Mercosur, 100 000 à 130 000 tonnes supplémentaires pourraient être concernées, à droits de douane quasi nuls.
Monsieur le ministre, toute politique agricole sera vouée à l’échec si, dans le même temps, nos professionnels subissent la concurrence déloyale de produits issus de systèmes peu ou pas réglementés.
Faute de viabilité, confronté à une mondialisation croissante, le modèle français auquel nous tenons tant risque bel et bien de disparaître plus vite que nous ne l’imaginons.
En conséquence, le groupe Union Centriste se prononcera défavorablement sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quelques points près, que j’aborderai, deux mots caractérisent le budget agricole général et celui de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » qui nous sont présentés : continuité et attente.
Continuité, parce que les orientations majeures de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt – je pense à l’objectif de transition agroécologique et à la conciliation des enjeux de performance économique, sociale et environnementale – sont confirmées.
Attente, parce qu’aucune mesure répondant fondamentalement aux besoins des agriculteurs, qu’il s’agisse du niveau des revenus, de la gestion prévisionnelle des risques de marché, du juste retour de la valeur ajoutée aux producteurs ou même de la compétitivité de la « ferme France », n’apparaît dans ce budget, en tout cas de manière distinctive par rapport au précédent budget. C’est un constat plus qu’un jugement de valeur.
Je souhaite que les orientations retenues à l’issue des États généraux de l’alimentation permettent de répondre aux attentes aussi urgentes que légitimes de nos agriculteurs.
Cette démarche a suscité beaucoup d’attentes chez tous les acteurs. Il ne faudra pas les décevoir.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Franck Montaugé. Faut-il comprendre, parce que rien, absolument rien n’y fait référence dans les programmes et les actions de ce budget, que c’est le budget 2019 qui prendra en compte les mesures retenues à l’issue des états généraux ? Comment les soutiens spécifiques nécessaires, pour la partie de leur financement concernant l’État, doivent-ils être identifiés sur des lignes budgétaires peu ou prou semblables à celles du budget précédent ? Pour notre compréhension du chemin que vous voulez faire prendre à notre agriculture, à la filière agroalimentaire et à la distribution, il sera intéressant que nous vous entendions sur ces points, monsieur le ministre.
L’autre grand sujet qui surplombe ce budget est celui de la prochaine politique agricole commune. Voilà quelques jours, nous avons eu connaissance des orientations que la Commission européenne voudrait donner à la prochaine PAC.
Indépendamment de la question, majeure, du niveau du budget de cette politique, la révision qui se profile, si elle devait aboutir, n’est ni une adaptation ni une évolution. Elle peut être comprise comme une révolution, une révolution fondée sur la reprise en main par les États membres de leur politique agricole.
Cependant, cette reprise en main serait très encadrée, par le biais d’objectifs fixés aux États par la Commission européenne, de plans stratégiques définis par les États et présentés à celle-ci, qui les validerait ou les ferait amender, et d’une évaluation périodique par la Commission des résultats atteints par les États.
La simplification et la prise en compte de la diversité des agricultures nationales ont été, semble-t-il, au fondement de ce projet de nouvelle PAC.
Le principe de subsidiarité pourrait donc, à l’avenir, être au cœur de son fonctionnement. Nous ne serions alors pas loin d’une renationalisation de la PAC…
Je n’ouvre pas le débat de fond sur les avantages et les inconvénients de la formule, mais j’espère que nous y reviendrons rapidement. Le groupe de suivi de la PAC de notre Haute Assemblée apportera son expertise sur cette nouvelle situation.
Si le budget 2018 ne peut traduire les premières conséquences de ce qui pourrait être une évolution managériale de la PAC, l’anticipation de ce nouveau modèle et de ses conséquences prévisibles est cruciale pour la performance de notre État.
Partagez-vous cette approche, monsieur le ministre ? Le cas échéant, comment cette anticipation se traduit-elle dans le budget dont nous discutons aujourd’hui ?
Vous parlez, à propos de ce budget, de « première étape d’une transformation sans précédent de l’agriculture française ». Pour ma part, je n’ai pas su y trouver de nouveauté et j’y vois plutôt un budget de reconduction, la hausse de 400 millions d’euros étant en grande partie la conséquence de la création d’une provision pour aléas de 300 millions d’euros et de l’intégration, pour 45 millions d’euros, du budget consacré à la pêche, qui figurait auparavant dans la mission « Écologie ».
Je regrette, au moment où la question du revenu est si problématique pour beaucoup trop d’agriculteurs, la suppression de la réduction de 7 points de la « cotisation personnelle maladie ». Les mesures agroenvironnementales et climatiques, les MAEC, sont en baisse de près de 4 millions d’euros. Plus incompréhensible encore est la baisse de 13 millions d’euros des aides destinées à la modernisation des exploitations.
Enfin, le Président de la République avait annoncé vouloir mettre en place une « épargne de précaution individuelle » pour les agriculteurs. Rien n’est prévu en ce sens dans le budget 2018. C’est regrettable quand on sait la nécessité de se doter d’outils divers de gestion des risques agricoles – Henri Cabanel a rappelé le travail que nous avons réalisé en ce sens.
En définitive, ce que pourrait être la politique agricole et agroalimentaire du Gouvernement est renvoyé à la loi ou aux ordonnances issues des États généraux de l’alimentation, d’une part, et à la prise en compte des nouvelles orientations de la PAC, d’autre part.
L’essentiel étant à venir, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand.
Mme Anne-Marie Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’ont expliqué les rapporteurs, les crédits de la mission « Agriculture » ont été rejetés par les commissions des finances et des affaires économiques.
Impasse budgétaire, difficultés pour le paiement des MAEC et des aides à l’agriculture biologique, manque de provisions pour les risques économiques, climatiques et sanitaires qui pourraient survenir en 2018, diminution des crédits du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles, etc. : les motifs d’inquiétudes sont nombreux, monsieur le ministre.
Comme tous les autres entrepreneurs, nos agriculteurs ont besoin de visibilité.
En septembre dernier, vous annonciez la fin des aides au maintien de l’agriculture biologique, alors que, pour un grand nombre d’exploitations, ces aides étaient intégrées à leur modèle économique.
Monsieur le ministre, ces agriculteurs ne sont pas des nantis ! Ils veulent simplement vivre de leur travail.
L’augmentation prévue du crédit d’impôt destiné aux entreprises d’agriculture biologique ne compensera pas cette perte nette de 3 000 à 7 000 euros.
Vous nous direz sans doute, et vous aurez raison, qu’il faut bien faire des économies. C’est oublier que l’agriculture n’est pas un secteur d’activité comme les autres : elle a un impact certain sur notre environnement, nos nappes phréatiques, notre santé… Nos agriculteurs produisent la matière première de notre si réputée culture gastronomique, mais ils sont aussi et surtout gages de notre souveraineté et de notre sécurité alimentaires.
Une exploitation bio emploie 77 % de main d’œuvre de plus qu’une exploitation conventionnelle, notamment parce qu’elle n’utilise pas de pesticides. Ces aides ne relèvent donc pas de la gabegie.
En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, première région française pour l’agriculture biologique, l’attribution des aides au maintien est, depuis 2015, restreinte aux zones de captage. Nous constatons déjà que certains exploitants repassent en agriculture conventionnelle.
Certes, vous allez encourager à la conversion, monsieur le ministre, mais combien vont déchanter ?
Vous avez déclaré que les régions qui souhaitent continuer à financer ces aides au maintien le pourront. Cette déclaration me laisse perplexe : soit vous considérez que ces aides ne sont pas utiles, auquel cas il ne semble pas opportun d’encourager à leur versement, soit vous assumez pleinement votre désengagement.
Dans mon département des Bouches-du-Rhône, vous le savez, les terres agricoles sont rares et onéreuses pour les jeunes qui souhaitent les acquérir.
À ces difficultés, il faut désormais ajouter le remplacement de l’impôt sur la fortune, l’ISF, par l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, qui réserve un traitement particulier aux terres agricoles, puisque celles-ci vont être traitées comme des biens immobiliers, et non comme des actifs économiques – à ce titre, elles seront soumises à l’IFI.
Ajoutons-y également l’alignement du régime de cotisation des salariés non agricoles sur celui des travailleurs indépendants. Ajoutons-y encore la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en baisse de cotisations patronales à compter de 2019. Pour l’heure, la perte de ce dernier n’est pas compensée pour les employeurs éligibles au dispositif en faveur des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi.
Enfin, je veux évoquer la suppression du fonds d’accompagnement de la réforme du microbénéfice agricole. Monsieur le ministre, il faut maintenir ce fonds. En effet, pour certains agriculteurs, sa suppression représente pas moins de 25 millions d’euros de cotisations sociales en plus sur la période 2018-2021.
Par ailleurs, nos agriculteurs doivent faire face à une concurrence toujours plus difficile. Rappelons que, chez nos voisins espagnols ou italiens, le coût du travail est inférieur de 30 % à 35 % à ce qu’il est en France ! Des normes toujours plus contraignantes pèsent sur nos agriculteurs, présumés coupables – contrôles récurrents et usants, obligations, paperasse, etc. –, alors même que leurs concurrents en sont exempts.
Monsieur le ministre, une étude de la Mutualité sociale agricole, datant du mois d’octobre dernier, montre que 30 % des exploitants agricoles ont gagné moins de 350 euros par mois en 2016 et que 20 % étaient en déficit.
Dans ces conditions, vous comprendrez que je m’interroge : le Gouvernement a-t-il pris la mesure de la situation ?
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Anne-Marie Bertrand. Monsieur le ministre, notre agriculture est un atout majeur pour notre économie. Ne l’oublions pas.
Je ne voterai pas les crédits de cette mission, qui manque véritablement d’ambition pour l’avenir de notre agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’intensification du réchauffement climatique et ses conséquences sur les activités agricoles nous incitent à préparer des solutions pérennes.
Les tensions sur la ressource en eau s’accentueront, avec une diminution importante des débits moyens des cours d’eau, en particulier dans les zones vulnérables. Mon département, le Lot-et-Garonne, sur le bassin Adour-Garonne, en fait partie.
En ce qui concerne l’hydrologie souterraine, le sud-ouest de la France subira une baisse de la recharge des nappes comprise entre 30 % et 50 %, voire plus. La question de la disponibilité de l’eau pour permettre une irrigation correcte des plantations et un abreuvement satisfaisant des animaux se posera de façon de plus en plus aiguë. Dans le même temps, il ne faudra pas altérer les nappes phréatiques ni le débit et la qualité des cours d’eau.
Dans ce contexte, la création de réserves d’eau, notamment collinaires, est primordiale pour les exploitants agricoles. Celles-ci recueillent et stockent les eaux de ruissellement dans des réserves de proximité. Elles sont remplies en hiver, en période d’abondance, pour être utilisées pour l’irrigation pendant l’été.
Un ajustement de la législation existante est nécessaire dans le domaine de l’utilisation et du stockage de l’eau. La réglementation en vigueur est trop contraignante pour être incitative, surtout pour les petits projets individuels, portés par les agriculteurs eux-mêmes.
Il convient donc de veiller à ce que les normes applicables s’en tiennent au respect des directives européennes, sans zèle et sans « surtransposition » de notre part, d’alléger les contraintes d’autorisation et de raccourcir les délais d’instruction pour les dossiers de création de réserves en eau.
Une gestion pragmatique consiste à privilégier la recherche de solutions locales, en associant à la concertation les acteurs locaux, notamment les agriculteurs.
Le Gouvernement doit mettre en œuvre les moyens nécessaires, y compris financiers, pour permettre au secteur agricole de développer ce type de rétention d’eau.
J’aimerais également évoquer la question de la recherche sur les molécules de remplacement des néonicotinoïdes, une classe d’insecticides utilisés dans les filières grandes cultures, fruits et légumes, vignes, etc.
La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a instauré une interdiction d’utilisation de cette classe d’insecticides dans les cultures agricoles, à compter du 1er septembre 2018.
Des dérogations pourront être accordées jusqu’au 1er juillet 2020 s’il n’existe pas d’alternative.
Dans le cadre de cette interdiction, le Gouvernement a demandé à l’ANSES d’identifier les substituts possibles aux néonicotinoïdes et de vérifier leur efficacité, ainsi que leur éventuel impact sur l’environnement et sur la santé publique. Mais l’ANSES sera-t-elle en mesure de trouver, dans les délais fixés par la loi, des produits de substitution ?
Ces délais sont courts et un très grand nombre de produits sont à examiner. Monsieur le ministre, je ne vois pas de moyens, dans votre budget, pour atteindre cet objectif.
Par ailleurs, l’interdiction des néonicotinoïdes risque de favoriser le recours à d’autres substances d’ancienne génération, présentant d’autres inconvénients, parfois pires, pour l’environnement.
Il faut concilier le niveau élevé d’exigence sanitaire pour l’utilisation de ces produits avec les contraintes économiques des agriculteurs. Leur interdiction ne doit intervenir qu’à la condition que soit mise sur le marché une nouvelle molécule aussi efficace et dans des conditions économiques équivalentes.
L’ANSES et l’INRA, mènent des études pour développer des molécules alternatives. Les fabricants doivent aussi consacrer une partie de leur budget à cette recherche.
Dans un monde agricole en pleine mutation, la multiplication des normes et la baisse des revenus des agriculteurs rendent la situation difficile.
Monsieur le ministre, nous souhaitons, comme vous, que notre agriculture soit dans l’excellence et dans la compétitivité. Une pause normative est donc vitale pour ce secteur, qui représente un enjeu très important de notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, vous avez présenté ce budget, monsieur le ministre, comme étant la première étape d’une « transformation sans précédent de l’agriculture française ».
Nous ne pouvons que souscrire à cet objectif, car une telle transformation est une nécessité. Mais une question se pose : les moyens mis en œuvre permettront-ils d’en faire une réalité ?
Il est en effet urgent de revoir aujourd’hui en profondeur le modèle agricole mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ce schéma essentiellement productiviste devait en effet répondre à une seule exigence : nourrir une population en plein développement.
Désormais, nous ne pouvons plus aborder la question agricole de manière isolée. L’agriculture ne peut plus être séparée de trois enjeux majeurs de notre époque et de notre société : l’alimentation, la santé et l’environnement.
En matière d’alimentation, ce n’est plus la seule quantité qui est en question, mais bien la qualité.
À cet égard, la suppression des aides au maintien pour les exploitations bio n’est pas un bon signal. S’il faut bien évidemment « mettre le paquet » sur l’aide à la conversion pour accroître la proportion du bio, les aides au maintien restent encore nécessaires pour conforter les exploitations déjà dans cette démarche. Le marché est encore loin d’être solide et les habitudes de consommation ne sont pas encore installées.
Les aides au maintien ont été intégrées dans les modèles économiques. Les retirer de cette manière risque de déstabiliser les exploitations ou d’avoir un impact important sur les prix de vente des produits. Or, si l’on veut que toutes les familles, et pas seulement les plus aisées, puissent faire le choix de manger bio, il faut absolument éviter l’augmentation des prix.
La question de la quantité est bien sûr importante. La réponse doit d’abord passer par la sanctuarisation des terres agricoles. Nous savons tous que l’équivalent d’un département disparaît tous les sept ans. Pourtant, les outils existent – je pense notamment aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, dont les crédits, malheureusement, reculent à leur niveau de 2016.
En matière de santé, pour les producteurs comme pour les consommateurs, il est urgent de poser les bases d’un système cultural pouvant se passer de produits chimiques à tous les niveaux.
La synthèse que vient de publier très récemment l’INRA, intitulée Usages et alternatives au glyphosate dans l’agriculture française, est particulièrement intéressante. Elle présente les alternatives qui existent d’ores et déjà : rotation des cultures, travail du sol, herbicides naturels, etc.