Sommaire
Présidence de M. David Assouline
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi, M. Victorin Lurel.
2. Élection à la présidence d’un groupe politique
M. Pierre Ouzoulias ; M. le président.
4. Renforcement du dialogue social. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur
Clôture de la discussion générale.
Demande de renvoi à la commission
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
5. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Jean-Claude Requier ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Jean-Claude Requier.
rémunération des plus hauts fonctionnaires
M. Pierre-Yves Collombat ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; M. Pierre-Yves Collombat.
M. Patrick Kanner ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.
mise en place des péages inversés
M. Dany Wattebled ; M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Bruno Retailleau ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Bruno Retailleau.
situation de l’entreprise vallourec
Mme Nadia Sollogoub ; Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
couverture numérique en outre-mer
M. Antoine Karam ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.
M. Olivier Léonhardt ; M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
M. Hugues Saury ; M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Mme Catherine Dumas ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; Mme Catherine Dumas.
statistiques sur les violences conjugales
Mme Catherine Conconne ; Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
réhabilitation d’une ligne ferrée existante permettant le désenclavement du centre var
Mme Claudine Kauffmann ; M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Claudine Kauffmann.
6. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. David Assouline
7. Renforcement du dialogue social. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels avant l’article 1er
Amendement n° 18 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public n° 50.
Amendement n° 19 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public n° 51.
Adoption de l’article.
Amendement n° 22 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 74 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 75 de M. Jean-Louis Tourenne. – Devenu sans objet.
Amendement n° 151 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Retrait.
Amendement n° 76 de M. Jean-Louis Tourenne. – Devenu sans objet.
Amendement n° 77 de M. Jean-Louis Tourenne. – Devenu sans objet.
Amendement n° 9 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Devenu sans objet.
Amendement n° 79 de M. Jean-Louis Tourenne. – Devenu sans objet.
Amendement n° 80 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 81 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 23 de M. Dominique Watrin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 179 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 78 de M. Jean-Louis Tourenne. – Devenu sans objet.
Amendement n° 82 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet par scrutin public n° 53.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
Amendement n° 84 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Amendement n° 24 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 180 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 173 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.
Amendement n° 192 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 63 de M. Dominique Watrin. – Retrait.
Amendement n° 25 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 146 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Amendement n° 147 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Amendement n° 26 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 83 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 150 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Amendement n° 89 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 85 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 170 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.
Amendement n° 86 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 87 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 148 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Amendement n° 88 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 149 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Amendement n° 90 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 91 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 92 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 27 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 93 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 2
Amendement n° 4 rectifié quater de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 3
Amendement n° 154 de Mme Patricia Schillinger. – Retrait.
Amendement n° 164 de Mme Patricia Schillinger. – Adoption.
Amendement n° 30 de M. Dominique Watrin. – Retrait.
Amendement n° 136 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Amendement n° 68 de M. Dominique Watrin. – Retrait.
Amendement n° 10 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
Amendement n° 5 rectifié quater de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
Amendement n° 6 rectifié quater de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
Amendement n° 137 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Amendement n° 31 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 32 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 66 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 95 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 13 rectifié de M. Michel Forissier. – Adoption.
Amendement n° 96 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. David Assouline
vice-président
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
M. Victorin Lurel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 17 janvier 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Élection à la présidence d’un groupe politique
M. le président. J’informe le Sénat que M. Patrick Kanner a été élu, ce matin, président du groupe socialiste et républicain, ce dont personnellement je me réjouis. (Applaudissements.)
3
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, mes chers collègues, préalablement à nos débats, je souhaite intervenir conformément à l’article 36 de notre règlement, qui donne aux sénateurs la faculté d’évoquer des problèmes d’ordre constitutionnel.
Lors des questions d’actualité au Gouvernement de la semaine dernière, deux sénateurs ont interpellé le Premier ministre à propos de différentes démarches qui, initiées par le ministère de la recherche et plusieurs universités, nous semblaient constituer des transpositions anticipées du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants devant être discuté par le Sénat les 7 et 8 février prochain.
Le lendemain de cette séance de questions d’actualité, soit le 17 janvier, à l’occasion de l’audition de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, la présidente de notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Mme Morin-Desailly, lui a rappelé nos réserves et inquiétudes à propos de ces anticipations.
Toujours la semaine dernière, le samedi 20 janvier, a été publié au Journal officiel un arrêté ministériel destiné à préciser le fonctionnement de la plateforme « Parcoursup » dans le cadre de la procédure nationale de préinscription, qui constitue l’une des dispositions essentielles de la loi que nous aurons à examiner.
Il est très regrettable qu’aucune information sur cet arrêté ministériel n’ait été donnée par la ministre à notre commission lors de son audition.
Sur le fond, il nous semble très contestable de publier ainsi un arrêté découlant de l’application d’une loi qui n’a pas encore été votée par notre Haute Assemblée.
Enfin, cette anticipation très discutable fait peser sur les familles des risques de contentieux juridiques importants, alors qu’il leur est demandé de commencer, dès cette semaine, à introduire leurs vœux sur ce nouveau portail.
À tout le moins, nous souhaiterions que soit rappelée au Gouvernement par notre Haute Assemblée la règle constitutionnelle, simple, selon laquelle une loi ne peut être appliquée qu’après son adoption définitive et sa promulgation.
Nous nous réservons le droit de déférer cet arrêté devant la juridiction administrative. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
4
Renforcement du dialogue social
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (projet n° 119 rectifié, texte de la commission n° 195, rapport n° 194).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le président, monsieur le rapporteur – cher Alain Milon –, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, « ce n’est pas dans l’objet que réside le sens des choses, mais dans la démarche », écrivait Antoine de Saint-Exupéry.
En effet, c’est bien tout au long de leur processus de maturation, par lequel nos projets communs, en se nourrissant des aspirations et des apports de chacun, se concrétisent, qu’ils puisent leur sens profond et leur force.
Cette affirmation illustre la nature même du débat parlementaire comme la philosophie générale de la réforme qui nous réunit à nouveau aujourd’hui, celle du renforcement du dialogue social.
Cette réforme, qui, par son processus d’élaboration, son ampleur et sa visée, est sans précédent, crée les conditions d’un développement d’ampleur du dialogue social, puisqu’elle plante les graines d’une convergence entre la performance économique et le progrès social.
Terreau de ce dialogue social, elle est composée de deux éléments structurants : d’une part, la confiance en l’intelligence collective pour trouver des solutions adaptées au terrain ; d’autre part, son corollaire, la responsabilisation des acteurs, qui doivent se mobiliser et s’emparer des opportunités offertes pour relever les défis présents et à venir.
C’est pourquoi cette réforme, qui est essentielle pour la réussite de la transformation de notre modèle social, a été portée par une démarche pragmatique et dynamique et s’est matérialisée par les ordonnances, adoptées à la suite de la loi d’habilitation que vous avez votée.
Annoncées pendant la campagne présidentielle, ces ordonnances sont le fruit, vous le savez, d’une coconstruction inédite, alliant démocratie sociale – plus de 300 heures de discussions – et démocratie politique.
Je voudrais d’ailleurs saluer la qualité et la précision des travaux du Sénat, ainsi que l’action constructive et approfondie d’Alain Milon, président de la commission des affaires sociales et rapporteur sur ce texte, qui a contribué à l’émergence rapide d’un accord, en commission mixte paritaire, sur le projet de loi d’habilitation, ce qui a permis que cette loi soit promulguée dès le 15 septembre dernier.
Le mandat de la loi d’habilitation que vous avez votée était clair : il s’agissait de prendre, dans les meilleurs délais, les mesures nécessaires pour créer les conditions d’un dialogue social structuré, lisible, décentralisé et offrant plus d’agilité et de sécurité tant aux employeurs qu’aux salariés et à leurs représentants, qui seront, dans ce cadre équilibré, des acteurs responsabilisés, plus formés et mieux armés pour envisager cette négociation, et l’avenir en général.
Comme nous nous y étions engagés, nous avons appliqué ce mandat sans attendre. Ainsi, sept jours après la promulgation de la loi d’habilitation, soit le 22 septembre dernier, cinq ordonnances ont été publiées au Journal officiel, ce qui a permis l’entrée en vigueur immédiate d’une grande partie des dispositions. C’est également le sens de la parution, fin décembre, de l’intégralité des décrets d’application – vingt-six décrets au total – et de l’ordonnance de cohérence légistique.
De ce fait, dès le 1er janvier dernier, l’action est devenue possible pour l’ensemble des partenaires. Grâce à cette méthode, chefs d’entreprise, salariés, délégués syndicaux et élus du personnel peuvent d’ores et déjà s’emparer des opportunités permises par les ordonnances pour libérer les initiatives, protéger chacun et dynamiser l’emploi.
C’est ce mouvement de confiance et de responsabilisation qu’ont amplifié vos collègues députés, en approuvant, le 28 novembre dernier, à une très large majorité, le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui. Ils ont aussi souhaité encourager le changement de mentalités que les ordonnances supposent.
D’ailleurs, en sillonnant la France depuis la publication des ordonnances, j’ai pu constater – comme vous, je le pense – l’effet psychologique réel produit par les ordonnances, en particulier dans les petites et moyennes entreprises.
Nous avons éteint une peur et redonné confiance aux chefs d’entreprise pour embaucher, au moment même où les carnets de commandes se remplissent et où la croissance repart avec robustesse. La confiance en l’avenir est essentielle pour transformer ces possibilités en embauches effectives.
Ce changement tient d’abord au fait que les ordonnances transforment, à travers le droit, l’esprit même du code du travail comme du dialogue social, qui est renforcé.
Évidemment, la loi est et demeurera le cadre dans lequel la négociation de branche et d’entreprise se déploiera – aucun doute là-dessus ! –, mais, à un niveau plus détaillé, c’est désormais la négociation qui déterminera les règles quotidiennes de fonctionnement, dans le cadre des principes posés par la loi.
Comme vous le savez, cette nouvelle articulation entre la loi, l’accord de branche et l’accord d’entreprise repose sur un système supplétif qui constitue un filet de sécurité pragmatique : faute d’accord d’entreprise, c’est l’accord de branche qui s’applique ; faute d’accord de branche, c’est la loi. Et, dans certains domaines, comme les salaires minima hiérarchiques, les grilles de classification, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou la prévoyance, l’accord de branche s’impose aux entreprises.
Il existe donc un véritable équilibre entre les accords d’entreprise, les accords de branche et les principes fixés dans la loi.
En outre, la branche professionnelle a un pouvoir de verrou, en décidant qu’un accord d’entreprise devra respecter au minimum ses stipulations, et ce dans quatre domaines.
Le premier domaine concerne la gestion et la qualité de l’emploi.
Cette nouvelle compétence des branches garantira, par exemple, à tous les salariés handicapés d’une même branche un niveau de droits et de garanties identique, qui devra être supérieur à ce que prévoit la loi.
Un rôle central est ainsi dévolu à la négociation de branche, dont l’insuffisance actuelle explique, en partie, pourquoi les entreprises n’emploient toujours que 3,3 % de salariés handicapés, alors que, depuis plus de vingt ans, l’objectif est d’atteindre 6 %. Il est temps de convenir que nous sommes tous responsables de cette situation. Les mécanismes prévus par la loi doivent pousser à la négociation de branche qui, elle seule, nous permettra de progresser significativement.
Je ne ferai que citer les trois autres domaines dans lesquels la branche dispose d’un verrou et d’une capacité d’imposer des dispositions aux entreprises : la prévention en termes de risques professionnels ; les primes pour travaux dangereux ou insalubres ; la valorisation du parcours syndical.
L’application du principe de subsidiarité dont résulte cette nouvelle articulation permettra de s’appuyer sur la réalité de la vie des entreprises. Elle consacre aussi la nécessaire prise en compte de la spécificité des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises – notre priorité –, qui représentent 55 % des 19 millions de salariés du secteur privé et recèlent la plus grande dynamique en termes d’emploi.
Les TPE-PME sont, je le disais, la priorité des ordonnances, ce qui est une première pour une réforme du code du travail. Ces entreprises l’ont bien compris. Notre souci de répondre à leurs réalités a constitué le fil rouge des modalités contenues dans les ordonnances pour renforcer le dialogue social.
Ainsi, les accords de branche devront prévoir systématiquement les dispositions spécifiques applicables aux TPE-PME. Fréquemment, les accords de branche, négociés par des représentants qui sont souvent issus des grandes entreprises, tant du côté patronal que du côté syndical, présentent inconsciemment un biais et ne s’appliquent pas bien dans les TPE-PME.
La négociation sera simple et accessible dans les entreprises de moins de 50 salariés. La priorité est certes donnée au délégué syndical, mais, s’il n’y en a pas, ce qui est le cas dans 96 % des PME, il est possible de négocier directement sur tous les sujets soit avec un élu du personnel, soit avec les salariés dans les entreprises de moins de 20 salariés qui n’ont pas d’élu du personnel.
Ce nouveau système de consultation permettra d’éviter une procédure lourde, tout en garantissant aux salariés une autonomie de jugement et d’appréciation et une liberté de parole, puisqu’il faut que deux tiers d’entre eux soient d’accord et que leurs délibérations se tiennent hors de la présence du chef d’entreprise.
Il est clair que ce dialogue informel existe dans de très nombreuses petites et moyennes entreprises, de manière très positive, mais il est désormais sécurisé là où il existait et encouragé là où il n’était pas pratiqué.
Pour les entreprises de plus de 50 salariés, le dialogue social est également simplifié et amplifié et rendu plus opérationnel par la fusion des trois instances d’information et de consultation en une seule : le comité social et économique – CSE –, qui permettra la discussion, en son sein, de tous les sujets économiques et sociaux dont le chef d’entreprise et les représentants syndicaux ont besoin de discuter.
Nous avons longuement débattu de la fusion de ces trois instances, désormais donc regroupées en une seule entité dotée de la personnalité morale, le CSE ; ce nouveau comité conserve les capacités de ses prédécesseurs – ester en justice, recourir à l’expertise… –, ainsi que les compétences du délégué du personnel, du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Je tiens à souligner que les entreprises pourront se doter, au sein du CSE, d’une commission spécialisée dans les domaines de l’hygiène, de la sécurité et des conditions de travail. Une telle commission sera même obligatoire dans les entreprises de plus de 300 salariés et dans les secteurs sensibles. Il s’agit de l’un des apports significatifs du Parlement au projet de loi d’habilitation.
Comme vous le savez, une étape supérieure peut être franchie, par accord majoritaire, pour mettre en place un conseil d’entreprise qui intègre l’ensemble des fonctions de représentation du personnel – information, consultation, mais aussi négociation par l’intermédiaire des délégués syndicaux.
Il sera intéressant de suivre l’évolution de ces conseils d’entreprise, car ils contribueront à instaurer la vision d’un dialogue social plus intense, intégrant une part de codécision. Des chefs d’entreprise et des organisations syndicales sont aujourd’hui prêts à aller dans cette voie, qui constitue une nouveauté pour la France.
Outre la transformation des instances, en donnant plus de grain à moudre, les ordonnances créent une véritable incitation à un dialogue social de qualité, qui conditionnera l’ampleur de l’agilité des entreprises et des branches, responsabilisant ainsi les partenaires sociaux.
L’extension des champs de négociation ouverts contribuera à ce phénomène, mais cette capacité d’anticiper et de s’adapter rapidement aux évolutions du marché ne sera accessible que si les entreprises arrivent à conclure des accords majoritaires sur le temps de travail, la rémunération ou la mobilité.
En raison du caractère puissant et incitatif de cette mesure, nous avons décidé – c’est l’une des divergences entre le Gouvernement et la commission – d’avancer d’un an et demi, au 1er mai 2018, la date de généralisation des accords d’entreprise majoritaires. Il est logique de procéder ainsi du fait de l’augmentation sensible du nombre de sujets de discussion – ce que j’appelle le « grain à moudre » – et de la liberté laissée aux acteurs de terrain au sein de l’entreprise.
Par ailleurs, nous avons confiance en la négociation de branche pour trouver des compromis « gagnant-gagnant » entre les salariés et les entreprises dans les champs nouveaux de la gestion et de la qualité de l’emploi, tels que le recours aux contrats à durée déterminée, les CDD, et l’accès aux contrats de chantier.
Cette agilité par le dialogue social, qui permet d’anticiper, d’accompagner, de moderniser, d’augmenter la performance économique et de favoriser le progrès social, s’inscrit dans un cadre juridique équilibré, à même de libérer l’initiative et de sécuriser tant les entreprises que les salariés.
Comme l’avaient montré nombre de vos interventions, l’insécurité juridique pèse lourdement sur la compétitivité et la confiance, tant pour les PME que pour les investisseurs, qu’ils soient français et étrangers. Cette insécurité peut en outre entraver l’accès effectif aux droits et instiller un sentiment d’iniquité.
Comme nous nous y étions engagés, les ordonnances lèvent ces barrières par le biais de plusieurs mesures de simplification et de clarification pour davantage de transparence et d’équité.
Tout d’abord, nous créons un code du travail numérique accessible à tous et compréhensible pour tous ; il permettra de répondre aux questions concrètes que se posent les chefs d’entreprise des TPE-PME, mais aussi les salariés, notamment ceux qui sont en situation de handicap, puisque ce code sera adapté. Ce dispositif est significatif de notre volonté commune de rendre effectifs les droits des salariés dans leur vie professionnelle au quotidien.
Nous avons aussi pris le parti de l’audace, en établissant, c’est une première en Europe, un droit au télétravail sécurisé et souple. Il s’agit d’un droit opposable, auquel le salarié peut demander à bénéficier ; il appartiendra à l’employeur de proposer une négociation aux partenaires sociaux, d’élaborer une charte et de se justifier s’il ne peut donner suite à la demande. Nous pensons qu’il s’agit d’une évolution de société importante, qui peut permettre de répondre à des aspirations individuelles et d’assurer, en même temps, une plus grande efficacité dans l’entreprise.
Permettez-moi de m’attarder sur un sujet emblématique de l’importance de normes lisibles : la prévention des risques professionnels, ce que l’on appelait auparavant la « pénibilité ».
Je le dis clairement : nous ne baissons pas la garde sur l’objectif. Les dix critères sont maintenus et nous avons trouvé une formule opérationnelle et pragmatique pour que ce droit ne soit pas seulement formel, mais qu’il puisse être exercé dans toutes les entreprises. Désormais, pour les trois critères ergonomiques, un examen médical permettra de mettre en évidence les conséquences de conditions de travail pénibles et le salarié pourra partir deux ans plus tôt à la retraite à taux plein. C’est un droit qui s’applique dès maintenant et les branches négocieront sur la prévention.
Les TPE-PME nous ont dit qu’elles réussiraient à appliquer ce droit, ce qui ne leur était pas possible dans la rédaction précédente.
Pour aller plus loin sur la prévention des risques chimiques, Agnès Buzyn et moi-même avons confié une mission au professeur Paul Frimat pour nous assurer des modalités de suivi de l’exposition des salariés aux agents chimiques dangereux et étudier des modalités adaptées de prise en compte de la spécificité de ce risque dans les règles d’indemnisation. Il s’agit en effet d’un risque très différé, dont la constatation est très tardive, ce qui pose des questions spécifiques, notamment pour l’indemnisation. Les conclusions de cette mission nous seront remises en février 2018.
En complément, nous avons chargé la députée Charlotte Lecocq, l’ancien secrétaire confédéral syndical Henri Forest et la personnalité qualifiée Bruno Dupuis d’une mission sur la santé au travail. Beaucoup de sénateurs avaient soulevé cette question et s’étaient inquiétés de la situation des services de santé au travail. Cette mission devra, d’ici la fin avril, définir l’état des lieux des enjeux et des acteurs et faire des propositions pour renforcer la prévention et résoudre les problèmes que nous connaissons en matière de médecine du travail.
Enfin, pour en revenir au mandat que vous nous avez délivré, nous avons sécurisé davantage les relations de travail, notamment au moment de leur rupture.
Ainsi, concernant le licenciement, les ordonnances mettent un terme à la prévalence du vice de forme sur l’examen au fond par le juge – c’est un point essentiel. Elles créent un formulaire type rappelant les droits et devoirs de chaque partie, pour éviter les erreurs de procédure lors d’un licenciement. Elles remettent au standard européen le périmètre d’appréciation du motif économique, en le fixant au niveau national. Elles instaurent des procédures de reclassement plus transparentes et plus équitables, notamment par l’affichage des emplois disponibles ou grâce à l’intranet de l’entreprise. Elles harmonisent à un an les délais de recours en cas de contestation de la rupture du contrat de travail.
S’agissant des indemnités légales de licenciement, nous avons respecté l’engagement pris devant la représentation nationale. Nous les avons augmentées de 25 %. Je rappelle qu’auparavant un salarié gagnant 2 000 euros percevait 4 000 euros d’indemnités après dix ans d’ancienneté ; il en percevra désormais 5 000.
Quant aux indemnités prud’homales, les ordonnances instaurent, comme annoncé, un barème de dommages et intérêts reposant sur plancher et un plafond, ce qui sécurise les deux parties, en donnant plus de visibilité sur les contentieux potentiels, et incite à la conciliation.
Je rappelle que, comme je m’y étais engagée, le plafond ne s’applique pas en cas d’atteinte aux libertés fondamentales, de harcèlement ou de discrimination. L’actualité de ces deniers mois l’a montré : avec le harcèlement, il s’agit non pas simplement d’une perte d’emploi, mais bien d’une atteinte à l’intégrité de la personne. C’est pour cela que, dans ces situations, le plafond ne s’applique pas.
L’incitation à la conciliation se manifeste également par l’instauration de la rupture conventionnelle collective, qui transpose au niveau collectif ce qui a fonctionné au bénéfice des deux parties de manière individuelle.
Cette rupture conventionnelle collective ne vise pas toutes les situations, elle permet à une entreprise qui souhaite se réorganiser, anticiper, se restructurer, d’éviter le traumatisme d’un licenciement, lorsque tout le monde est d’accord. Les conditions sont claires : l’employeur et les organisations syndicales majoritaires doivent s’accorder sur ses conditions ; l’ensemble des salariés concernés doivent être strictement volontaires ; l’accord doit être homologué par les services du ministère du travail - les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
Accorder plus de grain à moudre au dialogue social nécessite de donner les moyens aux différents partenaires d’en être pleinement acteurs. Or, aujourd’hui les vocations syndicales sont insuffisantes par crainte, pour les élus, de s’enfermer dans leur mandat.
Il faut donc renforcer l’attractivité du mandat syndical. C’est le sens de la mission que j’avais confiée à Jean-Dominique Simonpoli, directeur général de l’association Dialogues, qu’il poursuit désormais avec Gilles Gateau, directeur général des ressources humaines d’Air France.
Cette mission doit identifier les meilleures pratiques des branches et des entreprises en matière de parcours syndicaux et faire des propositions sur ce sujet, ainsi que sur la meilleure reconnaissance des compétences économiques, sociales et managériales acquises lors de l’exercice d’un mandat. Elle doit aussi travailler sur l’intégration systématique des questions relatives au dialogue social dans les formations en ressources humaines et en management, là où aujourd’hui elles sont très peu présentes.
Enfin, nous créons un observatoire départemental de la négociation, qui aura pour mission de suivre la dynamique du dialogue social et qui devra rester vigilant sur la question de la discrimination syndicale – phénomène inacceptable, mais qui existe dans les faits, comme l’a montré un rapport du Conseil économique social et environnemental. C’est pourquoi je ne peux qu’exprimer le regret que vous ayez supprimé cet outil en commission.
Enfin, conformément aux engagements du Président de la République, nous évaluerons, de façon transparente et efficace, avec les partenaires sociaux et le Parlement les effets de cette loi. J’ai en ce sens confié une mission à Sandrine Cazes, de l’OCDE, ainsi qu’à Jean-François Pilliard et Marcel Grignard – anciens membres, l’un, d’une organisation patronale, l’autre, d’un syndicat - pour suivre la mise en œuvre des ordonnances, ce travail permettant de nourrir les futurs débats parlementaires.
En conclusion, je voudrais dire que l’adoption de ce projet de loi constitue une phase importante de la mise en application des ordonnances et j’espère, même si cela n’est pas de mon ressort, que la commission mixte paritaire sera conclusive.
Le Gouvernement a engagé parallèlement des chantiers importants, qui nous occuperont, vous et moi, en 2018 : renforcement des compétences, réformes de l’apprentissage, de la formation professionnelle et de l’assurance chômage, autant de sujets qui feront l’objet de projets de loi au printemps et qui sont pour moi pleinement complémentaires des ordonnances sur le dialogue social.
Le plan d’investissement « compétences », doté de 15 milliards d’euros, poursuit le même objectif et vise à former 1 million de jeunes et de demandeurs d’emploi.
Oui, la confiance est là, oui, la reprise est là, mais des offres d’emploi ne sont pas satisfaites. Il existe en effet un décalage entre les qualifications nécessaires et souhaitées et celles que proposent les demandeurs d’emploi. L’existence d’un chômage de masse n’entraîne pas la résorption automatique de cet écart. Il faut donc transformer l’apprentissage et la formation professionnelle pour être beaucoup plus ambitieux devant les mutations à venir, les dispositifs actuels n’étant pas assez simples et assez incitatifs, mais aussi agir dès maintenant.
Notre objectif est non seulement d’apporter une protection plus efficace contre le chômage – la qualification constitue la meilleure de ces protections –, mais aussi de doter les salariés, les jeunes et les demandeurs d’emploi d’un véritable levier pour choisir véritablement leur avenir professionnel.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je conclurai mon discours par une citation avec laquelle je suis pourtant en total désaccord, mais, après tout, on a le droit d’être en désaccord avec les grands auteurs. Pour Gustave Flaubert, « l’avenir nous tourmente, le passé nous retient, c’est pour ça que le présent nous échappe ».
Prouvons-lui, par la ratification de cette première réforme structurelle, qu’il avait tort ! L’avenir ne nous tourmente pas, le passé ne nous retient pas et le présent ne nous échappe pas ! Il est aujourd’hui entre vos mains.
Donnons à nos concitoyens l’audace et la capacité d’être pleinement acteurs de leur vie professionnelle et de construire ensemble l’avenir avec confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui l’une des plus importantes réformes du droit du travail menées ces trente dernières années, une réforme qui devrait redonner confiance à nos concitoyens dans la capacité de notre pays à se moderniser et à restaurer sa compétitivité.
L’habilitation donnée par le Parlement au Gouvernement, au mois d’août dernier, pour procéder par ordonnances au renforcement du dialogue social visait quatre objectifs principaux : donner une place centrale à la négociation d’entreprise, mieux assurer la représentation du personnel, sécuriser les licenciements et adapter les règles de prévention des risques professionnels.
Le Sénat avait imprimé sa marque sur la loi d’habilitation, notamment en autorisant les employeurs à organiser un référendum pour valider un projet d’accord collectif, en garantissant la transparence des comptes de la nouvelle instance unique de représentation du personnel, ou encore en imposant un périmètre national pour apprécier la cause économique d’un licenciement quand l’entreprise appartient à un groupe.
Moins de trois mois après le dépôt du projet de loi d’habilitation à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a adopté, le 22 septembre 2017, cinq ordonnances denses et techniques qui traduisent ces orientations, à l’issue d’une concertation atypique, mais approfondie, avec les partenaires sociaux.
Les députés ont adopté, le 28 novembre dernier, le projet de loi de ratification, assorti d’une cinquantaine d’amendements n’ayant pas dénaturé l’équilibre général des ordonnances. La plupart d’entre eux ont apporté des précisions pertinentes, ont corrigé des imperfections, inévitables en raison de l’ampleur du chantier et des délais imposés aux services du ministère, ou ont enrichi les dispositifs, par exemple en relevant la limite d’âge pour les médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
Il appartient désormais au Sénat de se prononcer sur la ratification des ordonnances afin de leur donner valeur législative.
Lors de l’examen du projet de loi de ratification, le 20 décembre dernier, la commission des affaires sociales a résolument approuvé la philosophie des ordonnances, qui s’inscrivent dans une tendance de fond trouvant son origine dans la position commune du 16 juillet 2001, au travers de laquelle les partenaires sociaux appelaient à développer la négociation collective.
Cet appel a trouvé sa traduction dans plusieurs textes, comme la loi du 4 mai 2004, qui a permis aux accords d’entreprise de déroger aux accords de branche, ou, plus récemment, la loi Travail du 8 août 2016, qui a donné la primauté à l’accord d’entreprise sur l’accord de branche pour fixer les règles en matière de durée du travail, de congés et de repos.
Surtout, ces ordonnances reprennent et approfondissent des propositions défendues de manière constante par la majorité sénatoriale depuis 2014. Je pense notamment à la simplification des accords de flexisécurité, à la modulation dans le temps des effets des décisions du juge, à la suppression des contrats de génération, à la rationalisation des institutions représentatives du personnel, ou encore à la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité. L’ensemble de ces mesures contribue à répondre aux difficultés auxquelles chacun d’entre nous a été sensibilisé, dans son département, au contact des acteurs économiques.
Dès lors, nos travaux ont été guidés par quatre principes, qui avaient déjà servi de fil conducteur au Sénat lors de l’examen du projet de loi d’habilitation : la simplification des normes, le renforcement de la compétitivité de l’économie, la prise en compte des spécificités des petites entreprises et la protection des droits fondamentaux des salariés.
Madame la ministre, la commission a adopté trente-sept amendements, dont trente-six sur mon initiative. Si certains d’entre eux tendaient à corriger des erreurs de rédaction ou des malfaçons, d’autres visaient à revenir sur certains choix du Gouvernement. Le Parlement a toute latitude pour modifier le présent projet de loi, quitte à priver de base légale les textes réglementaires d’application des ordonnances, qui ont tous déjà été publiés, ou à les modifier.
Depuis nos travaux communs sur la loi d’habilitation, j’ai établi une relation de confiance avec Mme la ministre et son cabinet, ce dont je me félicite. Pour autant, je suis en désaccord avec certains des arbitrages rendus, qui, sur plusieurs points, ne correspondent pas à la position constante de notre assemblée, ou qui, sur d’autres, me sont apparus trop éloignés de l’habilitation que nous avons conférée au Gouvernement. Nous les avons donc modifiés, et j’espère pouvoir convaincre le Gouvernement, ainsi que nos homologues de l’Assemblée nationale, du bien-fondé de la position du Sénat d’ici à la commission mixte paritaire.
Ainsi, pour favoriser la négociation collective, nous avons approuvé la création d’un accord unique et simplifié de flexisécurité, que nous avons baptisé « accord de performance sociale et économique ». Les leçons des échecs précédents en la matière semblent avoir été tirées, bien que le volet relatif à l’accompagnement des salariés licenciés à la suite de leur refus d’appliquer un tel accord mériterait, à mes yeux, d’être amélioré.
De plus, nous avons facilité la conclusion d’accords collectifs avec les représentants élus du personnel dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.
Enfin, fidèles à la position exprimée par le Sénat depuis 2016, nous avons supprimé l’accélération de la généralisation des accords majoritaires, considérant que la date du 1er mai 2018 retenue dans l’ordonnance pourrait freiner la conclusion d’accords d’entreprise.
La commission a également approuvé la fusion des institutions représentatives du personnel au sein d’une structure unique, le comité social et économique, le CSE. Il lui a toutefois semblé important de renforcer les obligations de celui-ci en matière de transparence financière, obligations qui s’appliquent déjà depuis quatre ans aux comités d’entreprise grâce à la persévérance de notre collègue Catherine Procaccia. Nous avons ainsi souhaité que tous les CSE qui remplissent au moins deux des trois critères suivants – employer au moins 50 salariés, avoir des ressources dépassant 3,1 millions d’euros, disposer de plus de 1,55 million d’euros de patrimoine – soient dotés d’une commission des marchés, chargée de fixer des critères objectifs pour choisir ses prestataires. Les partenaires sociaux de l’entreprise ne pourront plus convenir, par accord, de s’en dispenser.
De même, nous avons rendu obligatoire la formation de tous les membres du CSE aux problématiques de santé et de sécurité au travail, formation qui pouvait être restreinte aux membres de la commission dédiée, car c’est l’instance elle-même qui reste compétente pour rendre un avis à l’employeur sur ces sujets.
Soucieuse de sécuriser les relations de travail, la commission a fixé à trois mois le délai dont dispose le juge pour se prononcer en cas de recours en nullité contre un accord collectif ou de contestation d’un avis du médecin du travail. Elle a précisé que toute fraude rendait caduque l’utilisation d’un périmètre national pour apprécier, au sein d’un groupe, la cause économique d’un licenciement. En outre, s’agissant de la rupture conventionnelle collective, elle a autorisé les entreprises dépourvues de CSE à y recourir et a précisé que l’administration, quand elle examine le volet relatif à l’accompagnement et au reclassement des salariés qui acceptent cette rupture, devait seulement exercer un contrôle minimum, et non d’opportunité.
Enfin, nous avons veillé à ce que les ordonnances n’outrepassent pas le champ des habilitations. C’est pourquoi nous avons refusé toute dérogation à l’interdiction d’effectuer plus de trois mandats consécutifs de représentation du personnel, sauf dans les entreprises de moins de 50 salariés. Nous avons par ailleurs supprimé les observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social, ainsi que les règles relatives à la durée du mandat des membres de la Commission nationale de discipline des conseillers prud’hommes, ces sujets n’ayant jamais été évoqués lors de l’examen du projet de loi d’habilitation.
La réforme du code du travail qui est sur le point d’achever son parcours législatif a d’ores et déjà eu un effet très favorable sur l’image de notre pays auprès des investisseurs étrangers et contribuera indéniablement à créer un climat favorable à l’emploi. Il appartient désormais aux partenaires sociaux de se saisir des nombreuses souplesses qu’elle leur offre, et au Gouvernement de les accompagner en ce sens. Au vu des enjeux, je ne doute pas qu’ils se mobiliseront dès maintenant afin de remporter la bataille de l’emploi et de restaurer la compétitivité de l’économie française. Il va sans dire que le Parlement se montrera très attentif, dans les mois à venir, à l’évaluation de ces dispositions, mais également à la stabilité de ce nouveau cadre juridique : c’est à ce prix que l’atmosphère de confiance actuelle pourra être pérennisée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Watrin, Mmes Cohen et Assassi, MM. Bocquet et Collombat, Mme Cukierman, MM. Foucaud, Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, d’une motion n° 178.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 195, 2017-2018).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la motion.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, nous arrivons au terme de ce processus assez complexe, plutôt illisible, abscons, technocratique, des ordonnances, qui ne permet en aucun cas un large débat, une appropriation collective par les premiers concernés, les salariés.
Tel est bien évidemment le but : il s’agit d’éviter que l’on aborde le fond de votre projet, à savoir la poursuite et l’amplification de la démolition du code du travail. La mise en scène très théâtralisée de la signature de ces ordonnances par le président Macron ne leur confère pas, pour autant, un caractère plus populaire.
Ainsi donc, le Gouvernement a décidé de contourner le Parlement en démultipliant le recours aux ordonnances. Aujourd’hui, les ordonnances sont utilisées pour réformer le code du travail, mais, demain, le Gouvernement a l’intention d’y avoir recours pour mettre à mal les centres de santé en les transformant en centres lucratifs, pour réformer le logement social ou encore le secteur agricole, à la suite des états généraux de l’alimentation, cette liste n’étant pas exhaustive. Le Gouvernement souhaite passer en force sur des sujets aussi importants ; nous nous y opposons, car, pour nous, madame la ministre, cela remet en cause le contrôle par la représentation du peuple.
Ce caractère antidémocratique se ressent bien évidemment jusque dans notre assemblée, puisque notre pouvoir d’intervention est plus que restreint. Le principe des ordonnances est l’octroi d’un blanc-seing au Gouvernement, ce qui remet profondément et dangereusement en cause notre droit d’élaboration de la loi.
De plus, mes chers collègues, en toute honnêteté, lequel d’entre nous peut prétendre maîtriser à 100 % le contenu très technique de ces cinq ordonnances ? C’est, je le redis avec gravité, un vrai problème démocratique que de ratifier un texte dont on ne maîtrise pas totalement les tenants et les aboutissants et que l’on ne peut pas modifier.
Que l’on me permette de citer un extrait du rapport du président Alain Milon, présenté en juillet dernier, à l’occasion de la discussion du projet de loi d’habilitation : « Votre rapporteur considère que le recours aux ordonnances, s’il est prévu par la Constitution, ne permet pas en l’espèce la tenue d’un débat satisfaisant au Parlement, compte tenu notamment de l’ampleur des thèmes traités. »
Mais venons-en au fond.
La réduction des droits collectifs des salariés est le premier grand chantier de votre quinquennat. Cela s’inscrit, hélas, dans le droit fil de l’action du gouvernement précédent, au nom d’une prétendue modernisation du code du travail. L’angle d’attaque, non avoué bien sûr, des lois ANI, Rebsamen, Macron ou El Khomri, est toujours le même, et il ne va pas dans le sens du progrès social, tant s’en faut !
Un bilan de la mise en œuvre de ces précédentes lois, somme toute récentes, a-t-il été dressé ? Non. Ainsi, on enchaîne les projets de loi, sans procéder à aucune évaluation. Peu importent les résultats en matière d’emploi, finalement, tant que les grands patrons peuvent engranger plus de profits et licencier avec plus de souplesse.
Nous l’avons rappelé lors des débats sur le projet de loi d’habilitation, en juillet dernier : toutes les études conduites par l’OCDE, l’Organisation internationale du travail, la Banque mondiale et l’INSEE démontrent qu’il n’y a pas de lien entre l’abaissement des droits et des garanties collectives, d’une part, et un meilleur taux d’emploi, une baisse du chômage, d’autre part.
C’est également vrai à l’échelle européenne avec les « minijobs » à l’allemande, les contrats « zéro heure » à l’anglaise, le Jobs Act à l’italienne ou encore les « reçus verts », comme au Portugal. Ces dispositifs ont peut-être permis de dégonfler artificiellement les statistiques du chômage, mais ils ont précarisé les travailleuses et les travailleurs en plongeant nombre d’entre elles et eux dans la misère, sans produire aucun effet réel et durable sur l’emploi.
Afin d’éviter un débat de fond, on nous reproche souvent, à nous parlementaires communistes, d’être caricaturaux, voire binaires, mais, malheureusement, nous ne décrivons que des faits bien réels, que tout un chacun peut vérifier.
Les salariés de notre pays vivent de plus en plus mal et se rendent compte quotidiennement de la précarisation de leur emploi. Ils sont aussi conscients que les instances représentatives du personnel, les IRP, qui étaient là, avec les syndicats, pour les défendre, les protéger, sont, elles aussi, attaquées, au travers de leur fusion ou de la mise en œuvre d’un référendum à l’initiative de l’employeur.
Dans les faits, madame la ministre, vous contournez les syndicats, instances démocratiques qui, bien que leurs pouvoirs soient de plus en plus restreints, étaient en mesure de résister aux attaques patronales. Les justifications que vous avancez – les syndicats ne sont pas présents partout, le taux de syndicalisation recule, il faut redonner la parole aux salariés – ne tiennent pas à l’épreuve de la réalité des rapports de force dans les entreprises.
Sans entrer dans le détail des ordonnances, car mon collègue Dominique Watrin le fera tout à l’heure si cette motion est rejetée – mais on peut toujours rêver à son adoption, surtout en cette période des vœux ! –, je veux redire ici que les principales mesures que le Gouvernement est en train de mettre en œuvre vont conduire à un véritable dumping social.
Vous êtes en train de créer une société de l’individualisation, où tout se négociera, où rien ne sera plus garanti : primes d’ancienneté, de panier, de nuit, pour ne citer que quelques exemples, ne seront plus sanctuarisées.
Sur tous les sujets qui ne seront pas mentionnés explicitement dans le code du travail, l’accord d’entreprise prévaudra sur l’accord de branche, même lorsqu’il est moins favorable aux salariés : niveau de prise en charge des arrêts maladie au-delà des minima sociaux, congés exceptionnels pour événement familial, pour enfant malade ou maternité au-delà des minima légaux.
Ce sont autant de remises en cause de droits conquis, qui vont affecter négativement les conditions de travail de tous les salariés, et singulièrement des femmes. De plus, vous supprimez l’une des rares avancées à mettre au crédit du précédent gouvernement, à savoir le compte de prévention de la pénibilité.
Vous prétendez vouloir renforcer le dialogue social, comme l’indique l’intitulé du projet de loi, permettre à l’échelon le plus local, à savoir l’entreprise, de définir ce qui est bon pour lui, mais c’est nier totalement, nous n’avons eu de cesse de le répéter, le rapport de force, le lien de subordination, la hiérarchie qui existent au sein de toute entreprise, pour tout contrat de travail.
La loi est justement là pour protéger, fixer un cadre général, éviter les abus. Avec votre réforme, vous abrogez purement et simplement les principes fondamentaux de notre code du travail. Au lieu de l’égalité devant les droits, inscrite dans notre Constitution, vous mettez en place une variabilité des droits, une inégalité entre les salariés. Pourtant, vous continuez à assurer que les salariés seront mieux protégés grâce à vous, que leurs conditions de travail s’amélioreront.
Comment, dès lors, expliquer que le MEDEF soit si satisfait de votre beau projet et que votre texte ait été largement soutenu par la majorité à l’Assemblée nationale, comme il va l’être également par la majorité sénatoriale ?
Nous ne prétendons pas que, à l’heure actuelle, avec le droit existant, le monde du travail soit un paradis. Loin de là ! Les burn-out, le mal-être au travail, les suicides sont de plus en plus fréquents, mais, sans être alarmistes ni devins, nous pouvons affirmer que les choses ne vont faire qu’empirer avec votre politique. Sachez-le, madame la ministre, nous aimerions avoir tort !
Mes chers collègues, si nous avons déposé cette motion tendant à opposer la question préalable, ce n’est pas parce que nous refusons de débattre, de confronter les points de vue, bien au contraire ! Vous connaissez notre goût du débat et notre volonté constructive de faire des propositions alternatives chaque fois que cela est possible. Mais l’examen de ce projet de loi de ratification est l’exemple même d’un simulacre de débat orchestré par le Gouvernement.
Ainsi, certaines ordonnances sont déjà entrées en application, sans l’aval du Parlement. Dès lors, à quoi bon débattre ? Même si le Parlement ne les ratifiait pas, les ordonnances s’appliqueraient sous forme réglementaire. Cela amène à s’interroger sur le rôle du Parlement.
Par ailleurs, si les partenaires sociaux ont effectivement été consultés, aucune des organisations de salariés n’a validé ces ordonnances. Cela n’a-t-il donc aucune importance pour vous ? Vous consultez pour la forme, puis vous agissez comme prévu : drôle de conception du dialogue social !
De même, madame la ministre, vous vous êtes vantée d’avoir rencontré, depuis la publication des ordonnances, plus de 3 000 chefs d’entreprise, et, avec votre équipe, plus de 5 000 directeurs des ressources humaines, ce qui vous aurait permis de constater l’effet psychologique réel produit par les ordonnances sur les PME. C’est une bonne chose que de consulter, mais avez-vous également pris le temps de rencontrer autant de salariés pour leur demander ce qu’ils pensaient de vos ordonnances, pour voir quel effet psychologique elles produisaient sur eux ? (Mme la ministre acquiesce.)
Notre groupe a déposé cette motion parce que nous rejetons les principes qui sous-tendent ce projet de loi de ratification des ordonnances réformant le code du travail. Nous aurions souhaité avoir un débat de qualité sur la modernisation du droit du travail, mais le recours aux ordonnances ne le permet pas.
Aussi utilisons-nous les outils parlementaires qui restent à notre disposition avant la suppression du droit d’amendement en séance publique. La motion tendant à opposer la question préalable étant débattue avant la discussion générale, nous pouvons comprendre que certains de nos collègues soient réticents à voter en faveur de son adoption, mais nous ne sommes pas maîtres du règlement du Sénat. Je rappellerai enfin à celles et ceux qui nous reprochent de recourir à la motion tendant à opposer la question préalable que la majorité sénatoriale l’a utilisée lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2017 et lors de la seconde lecture du PLFSS pour 2018.
Parce que le Gouvernement a, en réalité, refusé le débat sur ces ordonnances, parce que le Gouvernement affirme que l’égalité entre les femmes et les hommes sera une priorité du quinquennat, mais supprime les CHSCT au moment même où des milliers de femmes dénoncent le harcèlement sexuel, notamment sur leur lieu de travail, parce que le Gouvernement ne fait rien pour redonner des moyens à l’inspection et à la médecine du travail, parce que le Gouvernement ne prend pas en compte les dégâts engendrés par l’ubérisation de la société, parce que le Gouvernement a rejeté toutes nos propositions pour un code du travail du XXIe siècle, parce que, enfin, comme l’a dit mon ami et collègue député Pierre Darrhéville, il a fallu dix-sept ans de travail législatif pour édifier le code du travail, quand, un siècle plus tard, madame la ministre, il vous a fallu dix-sept semaines pour en faire une passoire, je vous invite, mes chers collègues, à voter notre motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Alain Milon, rapporteur. L’avis est défavorable.
Je suis contre l’adoption de cette motion tendant à opposer la question préalable, car je considère que, sur la forme, le recours aux ordonnances est justifié quand il faut agir rapidement sur des sujets techniques.
J’ajoute que le Parlement n’est pas totalement dessaisi de ses prérogatives en cas de recours aux ordonnances, car c’est lui qui fixe le champ de l’habilitation, qui doit être précis, et le délai pour déposer le texte de ratification. De plus, lorsqu’il examine, comme nous le faisons aujourd’hui, le projet de loi de ratification, il peut approuver les dispositions des ordonnances, les modifier, voire les supprimer. Ce pouvoir du Parlement n’est pas remis en cause par la publication des textes réglementaires d’application.
Sur le contenu des ordonnances, je dirai simplement qu’elles donnent une place non pas aux décisions unilatérales de l’employeur, mais à l’accord d’entreprise.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Même avis !
Je voudrais rappeler que la Constitution a prévu le recours aux ordonnances. Il y a d’ailleurs eu de nombreux cas dans l’histoire sociale de notre pays ; je vous y renvoie.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 178, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président-rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous sommes réunis pour prendre acte d’une des grandes orientations du quinquennat : la réforme du dialogue social, au travers de cinq ordonnances, en vue de transformer le marché de l’emploi et de relancer notre économie. C’est une démarche ambitieuse, que nous sommes aujourd’hui appelés à approuver.
Afin que le projet de loi fasse l’objet d’un vrai débat, l’Assemblée nationale a souhaité le réorganiser pour que chaque segment de la réforme mise en œuvre au travers de ces ordonnances puisse être pleinement discuté. Je souhaite préciser la position du groupe Les Indépendants - République et Territoires sur les grandes orientations de ces ordonnances.
Le Gouvernement a d’abord défini le principe de la primauté de l’accord d’entreprise, afin de faciliter la négociation collective dans toutes les entreprises, plus particulièrement dans les plus petites d’entre elles. C’est la première fois qu’une réforme du code du travail donne la priorité aux TPE et PME. Cela mérite d’être souligné. Elles pourront désormais conclure un accord collectif, même en l’absence de délégué syndical. Il faut savoir que 4 % seulement des PME disposent d’un délégué syndical.
Cette simplification de la vie quotidienne des TPE et PME passe par une série de mesures attendues de longue date : réforme des règles de licenciement, nouveau barème des dommages et intérêts et suppression des contraintes administratives inapplicables, notamment. Ces ordonnances clarifient les règles, tout en favorisant l’instauration d’un climat serein entre le chef d’entreprise et les salariés. Elles nous semblent susceptibles de redonner confiance en donnant les moyens d’anticiper et de s’adapter aux nouvelles contraintes de la vie économique et financière.
Pour atteindre ces objectifs, le Gouvernement a proposé la fusion des instances d’information et de consultation en une nouvelle structure, le conseil social et économique. Simplicité, efficacité, rapidité : tels sont les mots d’ordre.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur toutes les mesures figurant dans ces textes, mais je souhaite insister sur le fait que, si elles visent à aider les entreprises à relever les défis de l’économie du XXIe siècle, elles ouvrent aussi de nouveaux droits pour les salariés et consacrent de nouvelles garanties pour les syndicats et les élus du personnel.
Je crois qu’il faut donner au Gouvernement les chances de changer les choses, de mettre fin à l’inertie du marché de l’emploi en France et de prendre des mesures concrètes pour lutter contre le chômage. Bien sûr, ces ordonnances peuvent être complétées. Notre collègue Daniel Chasseing fera part des propositions de notre groupe sur ce point.
Cependant, ces ordonnances ne sont qu’une pierre d’un vaste édifice. Cette réforme du dialogue social devra s’accompagner d’une réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle, adossée à un grand plan d’investissement en faveur du développement des compétences et de la formation.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, faisons de la ratification de ces ordonnances une perspective de redressement pour la France. Nous soutenons ce texte qui apportera aux 18 millions de salariés, aux 3 millions d’entreprises et aux 2,6 millions de demandeurs d’emploi que compte notre pays plus de liberté, de protection et d’égalité des chances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président-rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, avec l’examen de ce projet de loi de ratification des ordonnances relatives au renforcement du dialogue social, nous arrivons au terme d’un processus qui, à l’origine, avait soulevé pas mal de critiques ou de craintes de la part des partenaires sociaux et du Parlement. Il convient aujourd’hui de reconnaître que cette procédure, annoncée par le candidat devenu Président de la République, s’est déroulée dans des conditions assez satisfaisantes d’échange et de dialogue entre, d’une part, le Gouvernement, et, d’autre part, les partenaires sociaux et les assemblées parlementaires.
Si la ligne directrice de ces ordonnances est restée ferme et cohérente, des infléchissements et des améliorations ont pu être introduits tout au long du cheminement de ce texte. J’espère, madame la ministre, que cela pourra encore être le cas lors de la discussion qui s’engage aujourd’hui au Sénat.
La plupart des propositions constructives consistent en des amendements de précision ou de simplification, inspirés par la volonté d’élaborer le texte le plus abouti possible.
Ces ordonnances s’inscrivent dans le prolongement de la loi du 8 août 2016, dite « loi El Khomri » avec un champ d’intervention plus restreint, mais des dispositions nettement plus réformatrices, notamment en ce qui concerne l’organisation du dialogue social. La démarche globale inclura aussi – il faut mettre ces éléments en perspective – les réformes de l’apprentissage, de la formation professionnelle, de l’assurance chômage et des retraites.
C’est à l’issue de ce parcours réformateur qu’il conviendra d’évaluer le nouvel équilibre qui aura été trouvé entre libéralisation et protection, moyennant sans doute quelques compléments souhaitables concernant les travailleurs détachés, les nouveaux emplois indépendants ou le renforcement de l’intéressement financier des salariés aux résultats des entreprises.
Les principales orientations qui sous-tendent ces ordonnances nous paraissent bien adaptées, notamment en ce qui concerne les modes de conclusion des accords d’entreprise, qui permettront d’en augmenter le nombre dans les PME et TPE en ouvrant ces accords, en l’absence de délégués syndicaux, aux délégués du personnel et, en dernier ressort, à une consultation directe des salariés, le périmètre à prendre en considération pour évaluer les difficultés d’une entreprise, les contrats de chantier ou d’opération à durée indéterminée, la fusion des instances de représentation des salariés, qui va atténuer l’effet dissuasif de seuil pour les entreprises dont l’effectif atteint 50 salariés, la fixation d’un barème obligatoire pour les dommages et intérêts alloués en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais assortie d’une majoration de 25 % des indemnités de licenciement de base jusqu’à dix ans d’ancienneté – cela représentera une masse financière beaucoup plus importante, pour les salariés, que le rabotage éventuel des dommages et intérêts –,le traitement différencié des PME et TPE pour certaines mesures.
Cette modification significative du code du travail, en allégeant les contraintes supportées par les entreprises et en réorganisant les outils du dialogue social, stimulera le désir d’entreprendre et d’investir dans notre pays, et favorisera ainsi le développement des entreprises, de l’activité économique et de l’emploi.
Compte tenu de ces éléments, une très large majorité du groupe du RDSE apportera son soutien à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe La République En Marche.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, six mois, presque jour pour jour, après l’examen du projet de loi d’habilitation, notre assemblée se prononce sur la ratification des cinq ordonnances « pour le renforcement du dialogue social » prises par le Gouvernement le 22 septembre dernier.
Six mois pour réformer ce qu’on disait irréformable : ce n’est pas un mince succès. Il n’y aura pas de pause dans les réformes d’ampleur dont notre pays a besoin pour retrouver confiance en l’avenir. Le Gouvernement a déjà mis sur le métier de nombreux sujets, notamment celui de la formation et de l’apprentissage, avec la même volonté de concertation et de dialogue.
En effet, madame la ministre, tant durant la discussion du projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnances qu’après son adoption, vous avez consacré, avec le Premier ministre, près de 300 heures à la consultation des organisations syndicales. C’est l’un des rares moments de notre histoire où démocratie sociale et démocratie politique ont marché de concert pour, au final, au travers de ces ordonnances, confier à la société civile un réel pouvoir de fixer des règles du jeu au plus près des réalités des entreprises.
Cette méthode a porté ses fruits, puisque l’été et l’automne, que l’on nous prédisait « chauds », furent en réalité plutôt cléments.
Aussi, évitons les caricatures qui amènent certains à évoquer un « coup d’État social », et reconnaissons que ce texte est inspiré par une philosophie progressiste.
Le 24 juillet dernier, à cette tribune, notre regrettée collègue Nicole Bricq, avec son habituelle acuité, soulignait en ces termes l’enjeu des ordonnances : « Cette réforme de fond du dialogue social participe d’une bataille culturelle, voire idéologique ; nous savons tous que les batailles de ce genre sont les plus difficiles à mener, parce qu’il faut passer d’une culture conflictuelle à une culture du dialogue. Celui-ci n’exclut pas les confrontations, mais il recherche les points de passage d’accords collectifs. »
Pour gagner cette bataille culturelle, il nous faut parier sur l’intelligence collective des entreprises, des syndicats, des salariés et de leurs représentants. C’est pourquoi le cœur de la réforme dont nous sommes saisis donne à la négociation collective, notamment dans l’entreprise, une place sans précédent dans notre histoire sociale.
Comme le soulignait Michel Rocard en 2012, « en France, l’essentiel du progrès social doit se faire et s’est toujours fait par la loi. Rien n’est contractuel. » Il ajoutait : « Cela correspond aussi à l’esprit jacobin, qui considère que tout est politique. La société civile disparaît et la société française est obligée d’avancer par coups de sang. Ce qui est très mauvais. »
Avec le Président de la République, le Gouvernement et la majorité, nous affirmons que notre République sociale est mûre pour accorder une place beaucoup plus importante à la société civile et au droit « négocié ».
Les quatre premiers articles du projet de loi, enrichis par le travail parlementaire, contiennent de grandes avancées pour vivifier le dialogue social.
Ainsi, ils établissent une nouvelle architecture conventionnelle afin d’accorder plus de place à l’accord d’entreprise et de renforcer la branche dans son rôle de définition des conditions de travail, tout en prenant en compte les spécificités des entreprises de moins de 50 salariés.
La périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires de branche et d’entreprise sont refondus afin de ménager plus de souplesse et de mieux les adapter aux spécificités du secteur d’activité ou de l’entreprise.
La possibilité encadrée d’adopter des accords dans les entreprises de 11 à 50 salariés en l’absence de mandatement est désormais ouverte.
La création du comité social et économique, issu de la fusion de trois instances de représentation du personnel, permettra la mise en place d’un dialogue social à la fois plus stratégique, plus concret et moins formel.
Ce comité social et économique pourra être transformé en conseil d’entreprise doté de la compétence de négociation. C’est une première étape vers ce qui pourrait représenter un modèle de codécision à la française.
Enfin, les parcours syndicaux sont valorisés, avec l’ouverture de la possibilité, pour les titulaires d’un mandat syndical, de bénéficier d’un recensement des compétences acquises et le renforcement de l’obligation de formation.
Le travail en commission a permis de progresser encore sur de nombreux points. Néanmoins, nous restons en désaccord avec le rapporteur sur certaines dispositions, en particulier la suppression des observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social. Nous présenterons également deux amendements visant à adapter aux réalités du terrain la règle de limitation dans le temps des mandats des élus.
Outre ces mesures de renforcement du dialogue social, ces ordonnances contiennent des mesures de sécurisation, de flexibilité et de simplification. Nous y reviendrons au fil de l’examen des articles. Ces dispositions, que je n’énumérerai pas, sont créatrices de nouvelles sécurités et de nouveaux droits pour les salariés comme pour les employeurs.
Bien sûr, nombre de ces mesures cristallisent les oppositions, parfois sur fond de procès d’intention… Mais là encore, mes chers collègues, gardons-nous de la désinformation : la flexibilité à tout crin ne constitue pas la philosophie de cette réforme, qui n’est pas inspirée par le credo trompeur selon lequel la complexité et la rigidité du droit du travail seraient les principales responsables de tous nos maux, à commencer par le chômage qui frappe notre pays.
Cela ne doit cependant nullement nous empêcher de simplifier, de sécuriser ou d’adapter des mécanismes et des dispositifs qui permettent de pérenniser et de soutenir les entreprises quand la reprise est là. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé Laurence Cohen, le Gouvernement, en procédant par ordonnances et en nous demandant maintenant de ratifier des mesures qui sont déjà appliquées, nous semble mépriser la représentation nationale.
Je sais que la majorité sénatoriale s’est ralliée, si ce n’est sur la forme, en tout cas sur le fond à ce projet de loi. Les arguments développés par les uns et les autres n’enlèvent cependant rien à l’opposition frontale du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste à la philosophie de ce texte.
La première ordonnance, qui porte sur la négociation collective, généralise l’inversion de la hiérarchie des normes et donne la primauté à l’accord d’entreprise. Cela pourra conduire à la remise en cause d’avantages acquis, comme le treizième mois ou la prime d’ancienneté.
La deuxième ordonnance réduit les prérogatives et les moyens des représentants du personnel.
La troisième ordonnance, qui prévoit la barémisation des indemnités prud’homales, ne sécurise que les employeurs et encouragera les licenciements abusifs. Cette ordonnance prévoit aussi la restriction au territoire national du périmètre d’appréciation de la cause économique du licenciement, ce qui fait la joie – il faut bien le dire – des multinationales.
La cinquième ordonnance, sous prétexte de simplification, diminue la protection des salariés soumis à quatre critères de pénibilité, en matière tant de prévention que de réparation.
En réalité, ce texte prolonge et aggrave la loi dite « El Khomri ». Nous étions, malheureusement, bien seuls pour la combattre, mais l’actualité nous donne aujourd’hui raison !
Nous sommes d’accord pour simplifier le code du travail, madame la ministre, mais ne comptez jamais sur nous pour détruire un équilibre fondé sur des décennies de luttes sociales !
Vous avez toujours à la bouche ce mot d’« équilibre », mais c’est pour mieux masquer les reculs sociaux et économiques que votre texte induira au profit d’une minorité.
Ainsi, madame la ministre, vous invoquez l’équilibre de votre texte en vous appuyant sur l’exemple des ruptures conventionnelles collectives. Drôle d’exemple, puisque cette mesure a été introduite par surprise, sans être débattue avec les organisations syndicales ! Drôle de concertation ! En outre, cette mesure autorise des entreprises qui ne rencontrent pas de difficultés économiques à supprimer des emplois en réduisant les mesures d’accompagnement des victimes… Croyez-vous vraiment que cela fera repartir notre économie ?
À vous en croire, le fait que la majorité des syndicats ait refusé cette procédure chez Pimkie et l’ait approuvée chez PSA serait la preuve de sa justesse ou de son équilibre. Nous n’avons pas la même appréciation : les ruptures conventionnelles collectives chez PSA sont la suite logique des accords de compétitivité, qui se sont tout de même traduits, pour ce groupe automobile, par la disparition de 25 000 emplois depuis 2013 !
En réalité, vous autorisez des suppressions de postes de travail alors même que les usines tournent à plein régime, que la journée de travail est quotidiennement allongée et que les emplois se précarisent. Je peux en parler, étant élu d’un département où est implantée la Française de mécanique, entreprise qui appartient au groupe PSA. Ce n’est pas la promesse de 1 300 embauches en CDI, dont 400 seulement en production, qui réglera les problèmes chroniques de sous-effectif et ceux liés à un intérim durable et sciemment organisé. On est loin du compte ! Si l’on produit plus, nous estimons pour notre part, au groupe CRCE, qu’il faut tout simplement plus de bras en CDI ! Vous autorisez pourtant l’inverse, pour que l’on puisse doper les bénéfices et gaver encore plus les actionnaires !
C’est bien là le sujet. Lors des auditions menées par la commission des affaires sociales, les organisations patronales n’ont pas caché leur satisfaction unanime, tandis que tous les syndicats de salariés – je dis bien tous – se sont montrés pour le moins critiques, et même souvent hostiles à votre texte, qui est de fait extrêmement clivant, madame la ministre.
L’arrogance du MEDEF est désormais telle que son représentant s’est même permis d’énoncer devant la commission des affaires sociales des contre-vérités sur la répartition des richesses créées dans l’entreprise, alors que notre pays, de fait, est devenu le plus gros distributeur de dividendes après les États-Unis. C’est cela, malheureusement, qui freine l’investissement productif, et c’est cela qu’il faudrait corriger.
En réalité, cette énième réforme du droit du travail ne répond nullement aux graves problèmes du chômage et de la précarité. Selon vous, madame la ministre, elle créera de l’emploi ; j’estime pour ma part que ce texte ne fait que reprendre de vieilles lunes patronales. Sous couvert de modernisation, ce projet de loi est largement inspiré par le MEDEF.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre ce texte et proposera des amendements alternatifs visant à s’attaquer aux vrais défis de notre temps : déprécarisation du travail, exercice par les salariés de pouvoirs réels dans la gestion des entreprises, investissement dans l’économie réelle plutôt que financiarisation, responsabilisation des grands groupes envers les PME et TPE, reconnaissance de certaines plateformes numériques comme les véritables employeurs de prestataires prétendument indépendants, exigence de maîtrise du travail et du temps libéré.
Pour conclure, nous voterons résolument contre la ratification de ces ordonnances. Il convient d’apporter une bouffée d’oxygène à toutes celles et à tous ceux qui combattent les régressions sociales et aspirent à une vie meilleure ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour le groupe Union Centriste.
Mme Catherine Fournier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, l’une des toutes premières actions du gouvernement d’Édouard Philippe fut de publier, au début de l’été 2017, une feuille de route pour rénover notre modèle social.
Marquer une telle ambition dès les premiers jours du quinquennat a immédiatement fait réagir, suscitant à la fois craintes et espoir.
L’épisode malheureux de la loi El Khomri était naturellement dans tous les esprits, qu’il s’agisse du manque de préparation du texte, de l’absence de concertation avec les partenaires sociaux, du recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution ou encore des très importantes manifestations et autres blocages. Les premières annonces du Gouvernement au sujet de sa réforme du droit du travail ont ravivé ces souvenirs et fait craindre de revivre des semaines de graves perturbations.
Le Gouvernement l’a compris, vous l’avez compris, madame la ministre, et vous vous êtes organisée en conséquence.
Vous avez d’abord été très claire quant aux ambitions de votre première réforme et sur le fait qu’elle s’intégrait dans un projet cohérent que vous résumiez ainsi : libérer l’énergie des entreprises et des actifs, tout en donnant de nouveaux moyens concrets à chacun de trouver sa place sur le marché du travail et de construire son parcours professionnel.
Les ordonnances pour le renforcement du dialogue social sont la première étape de la mise en œuvre d’un plan qui se poursuivra, au printemps prochain, par la réforme de l’assurance chômage, de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
Le droit du travail est donc assoupli, simplifié, sa définition ramenée au sein des entreprises, échelon le plus pertinent. En parallèle, la protection des salariés est renforcée afin qu’eux aussi puissent s’adapter aux transitions professionnelles liées à une économie en constante mutation. Ce sera l’objectif suivant, qui sera atteint grâce à la modernisation de l’offre de formation professionnelle et de l’apprentissage, mais également par le biais de la réforme de l’assurance chômage.
Vous avez ensuite mis en œuvre une méthode : celle du dialogue et de la concertation. En réunissant les partenaires sociaux tout au long de l’été 2017, vous avez cherché des points d’accord et œuvré à réduire les désaccords. Forte de ce travail et malgré ces désaccords persistants, vous avez présenté au Parlement, en juillet dernier, un projet de loi d’habilitation.
Le recours aux ordonnances n’est pas du goût des parlementaires que nous sommes, vous l’avez bien compris, mais vous avez fait le choix de la réactivité pour relancer notre économie ; nous respectons ce choix. Nous avions passé des semaines à discuter de la loi El Khomri, et nous avons validé les contours des ordonnances que vous nous demandez maintenant de ratifier.
Vous vous êtes saisie d’un outil que vos principaux détracteurs n’ont jamais hésité à utiliser, et vous avez envoyé rapidement un premier signal fort. Vos prochaines réformes suivront la procédure classique, et nous aurons de très nombreuses heures de séance publique pour nous exprimer et exercer pleinement notre droit d’amendement.
J’en viens plus précisément au projet de loi de ratification que nous examinons aujourd’hui.
Parmi les principales mesures que je tiens à mettre en exergue figure la réorganisation de l’architecture conventionnelle au profit des accords d’entreprise. Vous permettez enfin aux entreprises d’adapter les règles à leur activité. Les branches ne sont pas pour autant oubliées, bien au contraire, puisque leur rôle est clarifié et conforté. Elles pourront prendre en compte les besoins spécifiques des petites et moyennes entreprises. Cela est primordial : rappelons que les artisans constituent le premier employeur de France.
La loi, quant à elle, continuera de définir l’ordre public qui s’impose à l’ensemble des règles conventionnelles, sécurisant ainsi les relations de travail. L’ensemble est rendu moins rigide, pas moins protecteur.
La définition des règles à l’échelon de l’entreprise se fera dans le cadre d’un dialogue social rénové, donnant plus de place à la consultation des salariés. Les possibilités sont nombreuses, en fonction de la taille de l’entreprise et de la présence ou non de représentants élus du personnel ou de délégués syndicaux. L’objectif est clair : encourager le dialogue et la définition concertée des règles de travail.
Je salue également la création du comité social et économique, issu de la fusion des délégués du personnel, du CHSCT et du comité d’entreprise. Les prérogatives de chacune de ces institutions ne seront pas réduites ; il s’agit au contraire de les renforcer grâce à une plus forte visibilité. Les entreprises n’auront plus la crainte de franchir le seuil fatidique des 50 salariés.
L’ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations du travail comporte sans doute les mesures les plus controversées de cette réforme : le plafonnement des indemnités prud’homales et la rupture conventionnelle collective.
Le plafonnement des indemnités prud’homales avait cristallisé les oppositions à la loi El Khomri, conduisant le gouvernement d’alors à renoncer et à ne proposer qu’un barème indicatif. Votre réforme, madame la ministre, va jusqu’au bout de la logique, tout en prévoyant les verrous nécessaires. Elle offrira à la fois de la visibilité pour les employeurs et la garantie d’une justice protectrice pour les salariés.
La rupture conventionnelle collective, particulièrement médiatisée et caricaturée ces derniers temps, offre également de la souplesse aux entreprises dans la gestion de leur masse salariale et évitera les licenciements massifs issus d’un défaut d’anticipation.
J’aurai l’occasion, lors de la discussion des articles, de revenir sur d’autres dispositions.
Il me faut toutefois exprimer un regret. À l’heure où nous parlons de prévention et de protection des salariés contre les maladies professionnelles, la question de la médecine du travail, qui en est le bras armé, est toujours abordée de manière parcellaire, sans vision d’ensemble.
Non seulement cette filière subit une importante perte d’attractivité, mais son intérêt n’est pas non plus compris, voire admis, par les entreprises, qui, rappelons-le, la financent. La médecine du travail doit pourtant être vue non plus comme une contrainte pour les entreprises, mais bien comme une alliée de la productivité de leurs salariés. En outre, elle s’intègre parfaitement dans la responsabilité sociale des entreprises.
Madame la ministre, le groupe Union Centriste soutient ce qui n’est qu’une première étape de votre réforme de notre modèle social. Nous demeurerons néanmoins attentifs et surtout particulièrement exigeants quant à la mise en œuvre des mesures de protection et d’accompagnement des salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Louis Tourenne. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président-rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous voici donc presque parvenus au terme d’un voyage commencé en juin dernier !
Nous allons débattre et tenter d’apporter des améliorations à un texte qui, selon l’essayiste Mathieu Laine, grand zélateur du Président de la République, « va plus loin que les réformes de Chirac, Sarkozy et Hollande réunies » : c’est édifiant, non ?
M. François Bonhomme. C’est comme les additions !
M. Jean-Louis Tourenne. Mais rien n’est plus frustrant que d’imaginer que, peut-être – sans doute, même –, nos amendements n’auront nul effet sur le destin du texte et que celui-ci sortira du Sénat dans un état moins acceptable socialement qu’à son arrivée.
Permettez-moi de faire quelques observations préalables, volontairement peu détaillées.
Le Gouvernement, dans ses présentations, use d’un langage délicatement choisi et de mots qui fleurent bon le bonheur et la joie de vivre,…
M. Bruno Sido. Et de travailler !
M. Jean-Louis Tourenne. … presque les lendemains qui chantent. À en croire des affirmations que la modestie n’étouffe pas, c’est ainsi un monde idyllique qui émergerait après les tristes errements du passé, que, heureusement, les grands sauveurs que vous êtes sont venus corriger ! Bref, c’est la bibliothèque rose et son vocabulaire relevant du merveilleux : dialogue social, confiance, pouvoir d’achat, la moindre virgule déplacée convoquant immédiatement le terme de « révolution »…
C’est cependant plus qu’un fossé qui sépare le verbe de la réalité. Il y a un océan entre la suppression de la taxe d’habitation et sa compensation encore indéfinie, entre le discours et la vérité sur le pouvoir d’achat ou sur la résorption, plus qu’improbable, du déficit budgétaire, que les charges reportées sur 2019 vont considérablement creuser.
La réforme du code du travail relève parfaitement de ce hiatus entre les déclarations lénifiantes et les effets toxiques des ordonnances. Ainsi, avant même qu’aient été mesurés les effets de la loi El Khomri, vous en bouleversez l’économie. Les syndicats, unanimes, condamnent la régression représentée par un texte mis en place avant toute évaluation du précédent. Ne condamniez-vous pas vous-même les cadres législatifs ou fiscaux trop changeants ? Vérité quand cela vous arrange, erreur sinon…
Nous aurions pu vous rejoindre sur la double ambition déclarée : favoriser la compétitivité des entreprises et sécuriser l’emploi. Hélas, si le premier volet est largement satisfait – les organisations patronales vous disent merci –, c’est au détriment du second.
De tristes illustrations viennent douloureusement confirmer nos inquiétudes.
Ainsi, Kingfisher, maison mère de Castorama, réclamait des licenciements plus souples et le plafonnement des indemnités prud’homales, et devait en retour créer 5 000 emplois. Le groupe a obtenu ce qu’il attendait, et déménage son siège en Pologne…
Le groupe PSA fait de larges bénéfices – nous nous en réjouissons – et profite du dispositif de rupture conventionnelle collective pour se séparer de 1 300 salariés, parmi les plus âgés, et les remplacer par autant de jeunes aux salaires moins élevés.
Comme Le Monde lui-même le titrait sans nuances, « Le Gouvernement n’écoute que le MEDEF ».
En réalité, ces ordonnances font du licenciement un mode banal de gestion, précarisent les salariés, durcissent les conditions de travail et sacrifient la santé et la sécurité des personnels.
Ainsi, les accords d’entreprise pourront, en dehors de l’intervention de toute représentation syndicale, décider de modifier les conditions et les horaires de travail, y compris de nuit, la rémunération, par la modulation ou la suppression des primes, les abondements pour heures supplémentaires. Le mouvement des chauffeurs routiers n’avait pas d’autre objet que de réinscrire ces différents éléments dans les accords de branche, plus protecteurs et antidumping. Ils ont obtenu satisfaction : à qui le tour maintenant ?
En cas de désaccord d’un salarié dont on aura ainsi modifié le contrat de travail, celui-ci pourra être licencié sans que le caractère « réel et sérieux » du motif puisse être contesté.
Hier, le rachat d’une entreprise imposait au repreneur de reprendre l’ensemble du personnel. Dorénavant, le vendeur pourra spéculer sur le prix en engageant, avant cession, les procédures de licenciement.
La rupture conventionnelle collective a vite fait des adeptes. L’encre du décret n’était pas encore sèche que PSA et Pimkie avaient déjà sauté sur l’aubaine.
Les accords de compétitivité pourront être conclus sans présence syndicale ni mandatement. Ils pourront être mis en œuvre « dès lors que l’exigent les nécessités de fonctionnement de l’entreprise ». On ne saurait faire plus flou ni plus large ! Toute tentation d’exiger des sacrifices supplémentaires pourra se donner libre cours.
Les procédures seront expéditives. Ainsi, établir la lettre de licenciement se résumera à remplir un modèle sans trop s’embarrasser de précisions juridiques. Celles-ci pourront être fournies ultérieurement par l’employeur. Un salarié pourrait donc ne pas savoir, au moment de la notification de son licenciement, les motifs qui le fondent ! En outre, bien entendu, puisqu’il faut faire du licenciement une opération banale et sans risque pour l’employeur, les délais de recours contre une décision jugée injuste ou arbitraire sont raccourcis.
Vous dites, madame la ministre, vouloir intensifier le dialogue social, mais un dialogue ne peut exister qu’entre deux interlocuteurs égaux en droit. Aussi votre déclaration relève-t-elle plus de l’incantation que de la réalité. Désormais, dans la majorité des entreprises de moins de 50 salariés, la participation syndicale ne sera plus assurée. La relation de subordination, donc la menace, réelle ou supposée, qui pèsera sur les épaules des salariés élevés au rang de négociateurs, conduira forcément à une négociation pipée, ce qui ne servira ni l’entreprise ni les travailleurs qui en font le dynamisme.
Quant au référendum à la main du patron, il fait l’unanimité contre lui. On ne peut imaginer un seul instant une négociation équilibrée quand les questions posées n’auront fait l’objet d’aucune discussion préalable, tandis que la réponse, réduite à « oui » ou à « non », exclut toute adaptation. Le périmètre même d’un tel référendum ne va pas sans poser question quand tous les salariés ne sont pas concernés ou victimes potentielles.
Le CHSCT disparaît, noyé dans le comité social et économique, à la grande satisfaction du MEDEF. Les conditions de travail et la santé seront diluées dans les logiques économiques et défendues par des délégués condamnés à être omniscients. Contrairement aux promesses faites, l’obligation d’instaurer une commission spécifique n’existera qu’à partir de 300 salariés. En outre, cette commission perdra ce qui faisait l’efficacité du CHSCT, à savoir la personnalité juridique et la possibilité d’ester en justice. Voilà la sécurité et la santé ramenées au rang de préoccupations subalternes…
Par ailleurs, les salariés seront précarisés. Il faut être poète pour qualifier de CDI des contrats de chantier. La possibilité de généralisation de ces contrats par les branches risque d’augmenter le nombre de travailleurs précaires, lesquels, parce que leur CDD aura été rebaptisé CDI, seront privés des primes de précarité.
Que dire du plafonnement des indemnités fixées par les conseils de prud’hommes en réparation du préjudice provoqué par un licenciement abusif ? Il s’agit là d’une entorse grave aux fondements de notre droit, qui, jusqu’à présent, exigeaient que chacun puisse bénéficier d’une juste et complète réparation, obligatoirement individualisée. Le juge pourra bien estimer à 15 000 euros le préjudice résultant d’un licenciement : un salarié payé au SMIC justifiant de dix-huit mois d’ancienneté ne percevra en tout et pour tout que 3 970 euros.
En réalité, calcul fait, l’ordonnance d’aujourd’hui est moins favorable au salarié jeune que le CPE de M. de Villepin, ce contrat première embauche que nous avions tant combattu.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Louis Tourenne. Nous aurons l’occasion de le montrer.
Circonstance « exténuante », acharnement supplémentaire, le juge peut dispenser de l’application de l’effet rétroactif à compter de la date du licenciement et intégrer des indemnités légales dans la réparation du préjudice.
Les ordonnances ne se bornent pas à supprimer une grande partie des moyens d’alerte sur les risques pour la santé et la sécurité par la suppression des CHSCT, elles s’en prennent à la prévention et à la réparation des handicaps et maladies liés à l’exécution de tâches pénibles. Sur les dix activités considérées comme pénibles et donnant droit à actions de prévention et départ anticipé à la retraite, quatre – et non des moins nocives – ont été retirées, notamment la manipulation de charges lourdes et l’exposition à des produits dangereux, au motif que la réalité de leur caractère de pénibilité serait difficile à appréhender. C’est sans doute difficile, mais ce n’est pas impossible : on a commencé à élaborer des grilles d’évaluation. Ainsi, des victimes de l’exposition à l’amiante ou à d’autres produits dangereux pourront continuer à travailler dans cet environnement délétère jusqu’à l’âge normal de la retraite.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jean-Louis Tourenne. En effet, les pathologies graves liées à ces expositions n’apparaîtront que beaucoup plus tard. Rappelons-nous comment les lobbies ont fini par faire de l’exposition à l’amiante une tragédie et un scandale.
Enfin, selon une curieuse conception de la démocratie, une sixième ordonnance, une ordonnance « balai », pourrait être prise après avoir suivi des chemins particuliers, sans avoir été examinée à l’Assemblée nationale ni au Sénat. À en croire certaines affirmations, elle ne réglerait pas que des détails. Cette ordonnance-Arlésienne pourrait apparaître brusquement et dessaisir le Parlement de ses prérogatives. Sans doute n’est-ce là qu’une rumeur ! Il va de soi que le Gouvernement ne saurait agir de la sorte… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Madame la ministre, la marche normale d’une société est d’aller vers toujours plus de liberté, de droit à l’épanouissement, de sécurité. C’est ainsi qu’a évolué notre pays. Aujourd’hui, fait rare dans notre histoire, c’est une régression grave que vous nous proposez d’approuver. Nous voterons donc contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, chacun d’entre nous le sait, la mère de toutes les batailles, c’est le chômage de masse. Bien sûr, il a commencé sa décrue, mais l’on ne peut pas s’en contenter. En effet, cette décrue tient à une amélioration météorologique qui nous vient d’ailleurs, commune à de nombreux pays. En outre, la France n’affiche qu’une piètre performance, se classant au vingt-deuxième rang sur vingt-sept grands pays européens. Enfin, cette décrue masque un phénomène extrêmement préoccupant, à savoir l’augmentation du chômage structurel, lequel pourrait s’établir aujourd’hui à plus de 9 %, contre 7,5 % avant la crise. Or l’économie et l’observation nous apprennent que, lorsque le taux de chômage naturel se rapproche du taux de chômage structurel, la croissance faiblit. Ce que nous pouvons constater dans tous nos territoires reflète d’ailleurs cette réalité : alors que nous connaissons un chômage de masse, près de 40 % des entreprises déclarent rencontrer des difficultés à recruter.
Par conséquent, toutes les politiques publiques permettant de réduire le chômage de masse, notamment le chômage structurel, sont bienvenues. Le Gouvernement en a inscrit trois à son agenda, qui concernent la formation professionnelle et l’apprentissage, le marché du travail et l’assurance chômage.
Nous reviendrons de façon très précise, madame la ministre, sur la formation professionnelle et l’apprentissage : vous pouvez compter sur nous ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
En ce qui concerne le marché du travail, le projet de loi de ratification des ordonnances que nous examinons aujourd’hui soulève la grande question suivante : ces ordonnances vont-elles bouleverser, à tout le moins changer substantiellement, le fonctionnement du marché du travail ? S’agit-il d’une véritable révolution, pour reprendre les mots du Président de la République, ou d’un faux-semblant de réforme ? Ni l’un ni l’autre, selon nous.
Nous pensons que, sous réserve de l’adoption des amendements judicieux déposés par le président de la commission des affaires sociales, un certain nombre de mesures vont dans le bon sens, mais que de nombreuses lacunes demeurent et que ce projet manque d’ambition.
Commençons par ce qui va dans le bon sens. Je ne reviendrai pas sur les propositions de la commission des affaires sociales, qu’Alain Milon a présentées de façon très détaillée. J’évoquerai plutôt les mesures de sécurisation, en particulier de la rupture du contrat de travail – à condition que la jurisprudence ne vienne pas contrecarrer vos efforts, madame la ministre –, ou de simplification, notamment la fusion des instances de représentation du personnel pour les entreprises de plus de 50 salariés et la création du référendum pour les petites entreprises. Ces mesures représentent à nos yeux des avancées positives.
J’en viens aux lacunes, qui sont graves. Notre groupe les a souvent soulignées.
Les 35 heures demeurent. Selon une étude récente, depuis 2000, le coût du travail a augmenté de 52 % en France et de seulement 36 % en Allemagne. C’est l’une des causes de l’affaissement de la compétitivité française.
Les seuils sociaux demeurent également. Vous durcissez le seuil de cinquante salariés. Les entreprises devront payer plus d’heures de délégation. Du reste, si Bruno Le Maire a indiqué voilà quelques jours qu’il souhaitait entreprendre une réforme de ces seuils, c’est bien que les ordonnances ne la mettent pas en place.
Enfin, concernant le plancher de 24 heures par semaine pour le travail à temps partiel, nous aurions apprécié un peu plus de souplesse : de nombreux demandeurs d’emploi auraient pu en profiter.
Il est un point sur lequel je tiens à insister, car je n’en ai jamais entendu parler pour le moment. À mon sens, c’est le point aveugle de la réforme ; c’est en tout cas le critère selon lequel le Président de la République voulait que l’on juge les ordonnances : la décentralisation du dialogue social. Emmanuel Macron avait raison de proclamer que le dialogue social devait désormais se déployer dans l’entreprise plutôt qu’à l’échelon de la branche. La différence de compétitivité entre notre économie et celles des pays de l’Europe du Nord tient précisément au fait que, dans ces pays, l’entreprise est le lieu du dialogue social. En France, les conventions collectives sont souvent très protectrices pour ceux que l’on appelle les insiders, c’est-à-dire ceux qui sont déjà protégés. Malheureusement, elles n’aident pas les plus fragiles à retrouver du travail et n’incitent pas les entreprises à embaucher des jeunes.
Les ordonnances que vous nous proposez, madame la ministre, respectent-elles vraiment la parole présidentielle ? Je ne le pense pas, pour deux raisons.
D’une part, les ordonnances, notamment la première d’entre elles, consacrent la primauté de l’accord de branche sur l’accord d’entreprise dans des domaines très importants, encore plus nombreux qu’avant. Plutôt qu’à une décentralisation du dialogue social à l’échelon de l’entreprise, on assiste donc à sa recentralisation au niveau de la branche dans treize domaines fondamentaux. Que reste-t-il à négocier librement dans l’entreprise ? Vous mettez constamment en avant les primes, madame la ministre, en particulier les primes d’ancienneté. Or, même sur ce sujet, si je me réfère à l’accord de branche tripartite que vous avez conclu le 4 octobre dernier avec le secteur du transport, les primes d’ancienneté seront désormais régies par la convention collective – c’est en tout cas notre lecture de l’accord – plutôt que négociées librement au sein des entreprises.
D’autre part, quel que soit le gouvernement en place, il est dans la pratique constante de vos services, madame la ministre, notamment de la direction générale du travail, de recourir au mécanisme d’extension des conventions collectives. Celles-ci couvrent 95 % des entreprises : c’est une spécificité française, le record des pays occidentaux ! Une convention ne s’applique en principe qu’aux entreprises adhérentes, mais, par ce mécanisme d’extension, elle peut finir par concerner toutes les entreprises, même celles qui ne sont pas adhérentes. Si votre ministère renonçait à ce mécanisme d’extension généralisée, cela marquerait une véritable rupture et permettrait au paritarisme de se réorganiser profondément. Cela inciterait en outre les partenaires sociaux à améliorer la qualité des conventions collectives qu’ils élaborent, afin d’amener davantage d’entreprises à y adhérer. Les choses pourraient alors réellement changer.
Telles sont les remarques que je souhaitais formuler rapidement, à l’orée de ce débat. Je vous fais confiance, madame la ministre, pour écouter les sages avis du président de la commission. Les amendements qu’il a déposés sont importants et le sort qui leur sera réservé déterminera notre vote final.
En tout état de cause, je le répète, il ne s’agit ni d’un faux-semblant de réforme ni d’une révolution : comme souvent, il s’agit plutôt d’une demi-réforme. Elle est nécessaire, mais elle est trop timide, à notre avis, pour changer véritablement la situation du marché du travail. Encore une fois, la mère de toutes les batailles, c’est le chômage de masse ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le président de notre groupe, Claude Malhuret, s’est déjà exprimé sur l’opportunité de ce projet de loi et l’importance de ces ordonnances. Je n’y reviendrai donc pas.
Il me paraît important de souligner que cette réforme, pourtant difficile, a été menée dans un climat serein, en grande partie grâce au pragmatisme des parties prenantes et au temps qui a été consacré à la consultation des différents acteurs et aux négociations.
Les ordonnances proposées par le Gouvernement et amendées par la commission des affaires sociales du Sénat privilégient le dialogue social dans l’entreprise, simplifient certaines règles qui constituaient indéniablement un frein au développement de l’emploi, apportent de la flexibilité et, ainsi, adaptent notre législation du travail à l’évolution de notre économie sans précariser les salariés.
Les règles relatives à la négociation collective sont clarifiées grâce à une articulation cohérente entre accords de branche et accords d’entreprise, une place importante étant donnée à ces derniers.
La fusion des instances, donnant naissance au CSE, est une bonne mesure alliant simplicité et efficacité. La réforme du compte de prévention de la pénibilité était nécessaire. Certains critères étaient difficilement définissables et gérables, notamment par les petites entreprises. Leur retrait est une très bonne nouvelle, en particulier pour ces dernières.
Étant élu d’un département rural, je veux souligner la prise en compte des spécificités des petites entreprises dans le code du travail. Alors qu’elles sont les nombreuses dans notre pays, les règles leur sont rarement adaptées. Les TPE-PME pourront maintenant conclure un accord collectif, même si elles n’ont pas de délégué syndical. Comme l’a rappelé Claude Malhuret, seulement 4 % des entreprises de moins de 50 salariés disposent d’un délégué syndical.
La mise en place d’un barème des indemnités prud’homales pour l’ensemble du pays est aussi une mesure d’équité.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires a souhaité exprimer son avis sur les effets de seuil, s’agissant notamment du seuil de 50 salariés, et sur le droit de contrôle de l’administration concernant la validation d’une rupture conventionnelle collective, extension de la rupture conventionnelle individuelle introduite dans le droit du travail en 2008. Contrairement à ce que certains prétendent, il ne s’agit pas d’un licenciement économique déguisé. Je rappelle que les salariés doivent être volontaires et que l’accord doit être accepté par 50 % des syndicats.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants-République et Territoires est favorable à ces ordonnances. En France, l’emploi industriel a reculé de 25 % en quinze ans. Notre législation, qui se voulait vertueuse en étant très protectrice envers les salariés, pouvait, par un excès de contraintes, freiner le développement de l’emploi. Dans ce contexte, il fallait faire évoluer les règles qui régissent notre économie pour aller vers le plein-emploi, sans précariser les salariés, mais en visant une augmentation du nombre d’embauches en CDI dans les entreprises.
Après l’adoption de ces ordonnances et la baisse des charges, d’autres textes, eux aussi très attendus, seront nécessaires à la relance de l’économie, à l’instar de la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons à la dernière étape du processus d’adoption des ordonnances. J’espère qu’un accord pourra être trouvé sur les dispositions proposées en commission par le rapporteur. Dans la mesure où l’ensemble des décrets d’application ont déjà été publiés, notre vote est-il encore utile ? À l’instar du président Milon, nous l’espérons…
Je souhaitais ouvrir mon intervention sur cette question de forme, eu égard aux libertés que prend de plus en plus le Gouvernement à l’égard des prérogatives du Parlement, en particulier du Sénat, sur ce dossier comme sur d’autres.
Sur le fond, notre groupe sera cohérent avec la position constante qui a été la sienne ces dernières années. Nous avons en effet proposé la plupart des dispositions contenues dans ces ordonnances lors du précédent quinquennat, par le biais d’amendements déposés sur les projets de loi dits « Rebsamen », « Macron » ou « El Khomri » ou de textes tels que la proposition de loi relative aux entreprises de notre collègue Alain Chatillon.
Je rappellerai nos positions, pour apporter des précisions sur ce que nous soutenons et sur ce que nous ne soutenons pas. En effet, si nous souscrivons au projet global, le Gouvernement est loin d’avoir supprimé tous les freins au développement de nos entreprises, alors que le Président de la République présente ces ordonnances comme constituant la principale réforme de son quinquennat.
Tout d’abord, en matière de dialogue social, nous souhaitions la primauté des accords d’entreprise, parce qu’il est important que les décisions soient prises au plus près du terrain, d’un commun accord entre les acteurs concernés. Madame la ministre, vous mentionnez souvent les primes comme nouveau champ de négociation ouvert prioritairement aux accords d’entreprise. Vous ne pouvez guère citer d’autres exemples, car ils sont bien peu nombreux !
En réalité, les ordonnances privilégient surtout les négociations à l’échelon de la branche, alors que le projet initial était de renvoyer tous les accords à l’échelon de l’entreprise. Étendre la primauté des accords de branche est judicieux dans certains domaines, mais, dans d’autres, cela restreindra le champ des possibles pour les entreprises. Ce sera notamment le cas pour les contrats de mission, dont le Gouvernement affirme pourtant vouloir favoriser le développement.
D’autres dispositions concernant les accords de branche sont au contraire judicieuses, comme l’obligation de prévoir des dispositions spécifiques qui tiennent compte de la réalité des TPE-PME.
Concernant précisément les TPE-PME, nous nous réjouissons que soit favorisé un dialogue social direct, avec la possibilité, pour les entreprises de moins de 50 salariés, de négocier avec un élu du personnel en l’absence de délégué syndical, et, pour les TPE de moins de 20 salariés, de consulter le personnel en l’absence de représentant élu.
De même, notre groupe demandait depuis des années une simplification des instances représentatives du personnel. Celle-ci est réalisée aujourd’hui par la fusion des trois instances d’information au sein d’un comité social et économique.
Plusieurs mesures avaient été également proposées par notre groupe concernant la sécurisation des relations de travail. Je pense d’abord au plafonnement des indemnités en cas d’absence de cause réelle et sérieuse d’un licenciement et à la fixation d’un barème. Jusqu’à présent en effet, les employeurs comme les salariés étaient dans l’incertitude quant aux conséquences financières de ce type de licenciement, le montant des indemnités pouvant varier de un à quatre suivant le tribunal saisi.
La définition des difficultés économiques d’une entreprise à l’échelle nationale répond, quant à elle, à une attente forte des investisseurs, qu’il s’agit d’encourager à reprendre le risque d’investir en France. Je salue la qualité du travail de notre rapporteur, qui a permis d’aboutir à une rédaction équilibrée.
Je précise que, sur ces deux sujets, les ordonnances ne font qu’appliquer des règles qui sont suivies par la majorité des autres pays européens.
Je citerai également l’harmonisation des accords dits « offensifs » et « défensifs », qui permettent aux entreprises d’anticiper et de s’adapter rapidement aux évolutions à la hausse ou à la baisse du marché, ou encore la création de conventions collectives reprenant le principe des conventions individuelles créées par notre majorité et que les entreprises et leurs salariés s’étaient rapidement appropriées.
Enfin, le dossier de la pénibilité trouve une issue, même si le sujet est loin d’être clos. Pour ma part, je crains les effets du transfert du financement à la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM.
Malgré toutes ces dispositions favorables au développement de l’activité, à l’issue de ces quelques mois de préparation des ordonnances, les retours du terrain dans nos circonscriptions montrent que les entreprises ne sont toutes convaincues par l’action du Gouvernement.
J’y vois plusieurs explications. Si des incertitudes sont levées, un sentiment de fragilité face aux nombreuses contraintes administratives et fiscales auxquelles les entreprises sont soumises aujourd’hui demeure. L’action du Gouvernement comporte des contradictions. Par exemple, si des dispositions ont été prises pour que les entreprises puissent anticiper le coût d’un licenciement, les indemnités légales de licenciement ont parallèlement été augmentées de 25 % ! Le décret d’application a d’ailleurs été pris quelques jours seulement après la publication des ordonnances.
Cela n’est pas de nature à rétablir la confiance, d’autant que l’essentiel manque. Comme vient de le souligner le président Retailleau, le Gouvernement n’a pas souhaité inclure dans les ordonnances la réforme pourtant capitale des seuils sociaux et fiscaux, ni évoquer la question du temps et du coût du travail.
Notre vote positif s’accompagnera donc de nombreuses réserves et traduit une position d’attente. Les Français ont voté aux élections présidentielles pour une rupture, pour une véritable politique de développement de l’activité et de l’emploi, avec les réformes structurelles et les choix budgétaires que cela implique. Même si ce texte va dans le bon sens, je ne perçois pas, pour le moment, le courage politique que nécessitent de tels changements. Je le regrette sincèrement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par Mme Grelet-Certenais, MM. Tourenne, Daudigny et Jomier, Mmes Féret, Jasmin, Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, d’une motion n° 70.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour la motion.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la publication et l’entrée en vigueur progressive des cinq ordonnances confirment les ambitions libérales du Gouvernement en matière d’emploi et de dialogue social. Ces ordonnances relèvent d’une logique d’abord comptable qui, plutôt que de favoriser l’emploi, renforce les moyens de le réduire, privilégie la flexibilité plutôt que la justice sociale. Le rejet exprimé par l’ensemble des syndicats de salariés est, en lui-même, assez éloquent quant à l’esprit de ces textes qui ont fait l’objet d’une concertation menée au pas de course et qui, de plus, ne sont accompagnés d’aucune étude d’impact.
Ces ordonnances pourraient être qualifiées, selon l’expression forgée par le célèbre juriste universitaire Alain Supiot, de nouveau « produit législatif » proposé sur le marché international des normes. Il porte de sérieux reniements de notre modèle social et économique.
La loi semble détournée de son objectif premier, à savoir la fixation des conditions de justice entre le salarié et l’employeur. Où est le volet protecteur de cette « réforme » présentée comme progressiste ?
La loi El Khomri du 8 août 2016 reposait sur une autre méthodologie et proposait de véritables contreparties sociales aux efforts demandés aux salariés. Des réponses novatrices furent élaborées pour adapter notre droit à la numérisation du travail. Je pense au compte personnel d’activité, au droit à la déconnexion, à la prise en compte de la pénibilité, aux congés spéciaux, aux emplois saisonniers, etc.
Une fois ces quelques points essentiels rappelés, l’on comprendra que, contrairement au grand patronat et à la majorité sénatoriale, le groupe socialiste et républicain est très loin de se satisfaire d’un tel projet de loi.
L’entrée en vigueur au 1er janvier dernier de l’ordonnance traitant des ruptures conventionnelles collectives illustre à la fois les régressions sociales contenues dans ce texte et la relégation du Parlement à un rôle d’enregistrement d’une législation émanant de l’exécutif.
S’agissant des RCC, que constatons-nous ? Les entreprises du secteur commercial et du secteur bancaire, à l’instar de Pimkie, de PSA ou de la Société Générale, se sont aussitôt saisies de ce dispositif avantageux. Rappelons que ce nouvel outil permet aux entreprises de licencier sans justification économique et à moindres frais, en évitant les contraintes d’un plan de sauvegarde pour l’emploi, dispositif qui limitait jusqu’à présent le nombre des licenciements.
En ce qui concerne les salariés, la RCC les prive de leur droit au contrat de sécurisation, qui leur offrait un meilleur suivi post-licenciement et leur assurait pendant un an une indemnité plus élevée que l’indemnité de base.
La conjoncture favorable pour l’emploi que nous connaissons depuis quelques mois et dont il semble difficile de ne pas attribuer la paternité au précédent quinquennat la paternité (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) suffira-t-elle à masquer les aspects délétères de cette mesure pour les parcours professionnels de nos concitoyens ?
Maintes dispositions, évoquées par mes collègues, constituent autant de renoncements et d’innovations régressives, qui tendent à une généralisation de la précarité et à un affaiblissement du dialogue social. Je citerai, entre autres mesures, la barémisation impérative des indemnités prud’homales, qui remet en question le principe fondamental de « réparation intégrale » des préjudices subis, la limitation du périmètre d’appréciation du motif économique, qui permettra aux multinationales implantées sur notre territoire de procéder plus facilement à des licenciements massifs, l’assouplissement des obligations de reclassement dans le cadre d’un licenciement économique, le contournement des syndicats par l’employeur dans les petites entreprises de moins de 20 salariés via l’instauration d’un référendum à la main du patron, la suppression du CHSCT, créé par les lois Auroux de 1982, l’intégration de cette instance sanitaire dans le comité social et économique la dépossédant, en vérité, de sa capacité à ester en justice et à recourir à des expertises.
Toutes ces mesures ne traduisent-elles pas la volonté du Gouvernement de parier sur la dérégulation au détriment des protections salariales, uniquement perçues comme des contraintes ? Où est l’humain dans tout cela ? L’esprit de ces ordonnances est trop éloigné de la réalité humaine et psychologique des salariés. La création des « CDI de chantier ou d’opération » n’est-elle pas une innovation juridique visant à précariser encore un peu plus le monde du travail, déjà marqué par l’importance du recours aux CDD et à l’intérim ?
Il est un autre point auquel je demeure très attentive : la prévention de la pénibilité. Le dispositif a été souvent qualifié d’« usine à gaz », et les syndicats étaient eux-mêmes conscients de la perfectibilité des référentiels. Toutefois, au lieu de tendre vers un système coconstruit avec l’ensemble des partenaires sociaux, le Gouvernement a manifestement cédé aux arguments des organisations patronales. Le retrait de quatre facteurs de risque liés à des contraintes physiques marquées, à savoir les postures pénibles, les vibrations mécaniques, la manutention manuelle de charges lourdes ou l’exposition à des agents chimiques dangereux, incluant poussières et fumées, constitue un point de désaccord majeur pour notre groupe politique.
Par ailleurs, le nouveau système entré en vigueur au 1er octobre dernier prévoit qu’il faudra avoir été atteint par une pathologie avant la date de départ à la retraite. Ne s’agit-il donc pas là d’un renversement de la logique même de prévention des risques ? Jusqu’alors, le salarié acquérait des droits « à raison de son exposition sans exigence d’une affection » ou d’un taux minimal d’incapacité permanente partielle. Alors qu’a été déposée une proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des pesticides, les fiches d’exposition aux risques chimiques, notamment à l’amiante, instaurées sous Lionel Jospin sont purement et simplement supprimées. Nous ne pouvons être partisans d’une simplification du droit allant à l’encontre de la santé des salariés.
Ces quelques exemples suffisent à démontrer que l’humain et la réalisation de l’individu au travail sont balayés d’un revers de main au profit de mesures aussi techniques qu’injustes. Ces ordonnances ravivent les lignes de fracture idéologique traditionnelles.
Pour nous, l’entreprise n’est pas seulement la propriété de l’employeur, ni uniquement le lieu de la production de biens et de services ; c’est aussi un lieu de création collective et d’interaction sociale où l’être humain doit pouvoir se réaliser et se révéler. Le dialogue social est un élément essentiel du nécessaire rééquilibrage des rapports de force existants au sein de cette organisation humaine.
A contrario, la philosophie défendue ici par le Gouvernement relève d’une idéologie verticale de l’entrepreneuriat envisageant les règles comme des contraintes et les droits comme des coûts.
À l’heure de la révolution numérique, il est regrettable de voir réapparaître en France une vision passéiste du dialogue social, selon laquelle le bien-être des salariés serait contre-productif et altérerait la performance économique. L’humain n’est pas une simple variable d’ajustement.
Au regard de cet écueil idéologique, il est également fort regrettable de ne relever aucune mesure d’anticipation des grandes mutations du travail : ubérisation, recrudescence des mini-jobs, multiplication des contrats excessivement précaires. Les salariés étaient pourtant dans l’attente d’une meilleure sécurisation des parcours professionnels.
Madame la ministre, en raison de l’adoption d’une sixième ordonnance présentée en conseil des ministres le jour de l’examen du rapport de la commission des affaires sociales du Sénat, soit le 20 décembre dernier, et dans l’attente de la publication de la septième, toujours en préparation, nous considérons que les conditions ne sont pas réunies pour travailler correctement et avoir un débat approfondi permettant de mesurer les tenants et les aboutissants de l’ensemble des dispositions proposées par le Gouvernement.
Bien que décrite comme une « ordonnance balai », ce qui sous-entend que ce texte n’apporterait que des précisions d’ordre technique, il s’avère que la sixième ordonnance, qui, faut-il le préciser, n’a fait l’objet d’aucune concertation, pose de nombreuses questions qui ne pourront pas être débattues dans de bonnes conditions.
Cette ordonnance comporte en effet des modifications de fond qui ne se résument pas à de simples rectifications aux fins de coordination juridique, comme le prétend le Gouvernement. Ainsi que cela a été indiqué à l’occasion d’une récente table ronde réunissant les principaux syndicats, certaines de ces mesures font d’ores et déjà l’objet de recours.
Je pense notamment aux nouvelles prérogatives octroyées au « conseil d’entreprise », qui serait seul compétent pour négocier tout type d’accord d’entreprise, privant ainsi les délégués syndicaux du pouvoir de négocier.
En outre, cette nouvelle ordonnance prévoit que les accords d’entreprise primeront également les accords interprofessionnels, sachant que, sur certains sujets, les premiers pourront être moins favorables que les seconds. C’est une brèche importante dans le principe de faveur qui sous-tend notre code du travail. La discussion parlementaire ne saurait éluder cette question.
Certaines obligations d’information des salariés licenciés sont également purement et simplement supprimées. Il conviendrait pourtant d’en débattre et de donner au Parlement le temps nécessaire à l’examen de ces ordonnances tardives ; la septième n’est d’ailleurs même pas encore connue.
La procédure par ordonnances est une pratique dérogatoire permise par l’article 38 de la Constitution. Nous en convenons, mais avec une certaine amertume.
Sur des sujets aussi lourds et au regard des centaines d’articles du code du travail concernés, il est pour le moins cavalier de ne pas permettre à la représentation nationale de participer à la définition de ces changements dans les meilleures conditions, d’autant que, à l’heure de ratifier ces ordonnances, le Gouvernement n’a toujours pas fourni l’ensemble des textes sur lesquels celle-ci doit se prononcer. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, au regard de l’avancement du travail législatif en cours, quand le Parlement disposera de l’ensemble des éléments pour jouer son rôle constitutionnel de législateur ? La volonté d’agir vite ne justifie nullement un enregistrement précipité des lois, a fortiori dans des domaines aussi sensibles que le travail et le dialogue social.
C’est pour toutes ces raisons, mes chers collègues, que nous avons déposé cette motion tendant à demander le renvoi à la commission. Je vous invite à la voter, afin que le Sénat et sa commission des affaires sociales puissent, sereinement et en toute transparence, procéder à l’examen de ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Alain Milon, rapporteur. La commission a disposé du temps nécessaire pour débattre de ce texte. Nous avons examiné de manière approfondie le projet de loi d’habilitation en juillet dernier. Les cinq ordonnances ont été adoptées le 22 septembre et la commission a étudié le projet de loi de ratification trois mois plus tard. On en conviendra, il ne s’agissait pas d’un délai contraint. En outre, la discussion en séance publique a lieu un mois après l’examen en commission, ce qui est rare.
Par conséquent, bien que la publication de la sixième ordonnance ne soit intervenue que le 20 décembre dernier, j’estime que notre assemblée, en particulier sa commission des affaires sociales, est suffisamment éclairée pour débattre du présent projet de loi.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cette motion.
Dans la mesure où les six ordonnances relatives au renforcement du dialogue social ont bien été publiées, le Sénat peut procéder à l’examen du projet de loi de ratification. La septième ordonnance concerne un autre sujet, celui des travailleurs détachés, que vous aviez accepté d’inscrire dans le champ de la loi d’habilitation. Cette ordonnance sera publiée dans quelques semaines et fera l’objet d’une ratification ad hoc.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 70, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n’est pas adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
5
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais, en préambule, féliciter M. Patrick Kanner, élu ce matin président du groupe socialiste et républicain. (Applaudissements.)
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
J’appelle chacun au respect des uns et des autres, ainsi que des temps de parole.
zadistes
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Claude Requier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé la semaine dernière votre décision d’abandonner le projet de construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. (Exclamations sur diverses travées.) Vous avez ainsi mis fin à de longues années de fuite en arrière des précédents exécutifs. Il était temps que la voix de l’État retrouve sa crédibilité.
M. Philippe Dallier. C’est réussi !
M. Jean-Claude Requier. En cela, notre groupe, dans toute la diversité de ses expressions, salue votre décision. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
Désormais va s’ouvrir la phase de l’évacuation de la ZAD, qui regroupe, je le rappelle, des occupants sans droit ni titre. Vous avez choisi une double approche, en fixant au printemps prochain le dernier délai d’évacuation des lieux tout en exigeant le déblocage immédiat des routes. Pour notre groupe, il n’est pas acceptable que des expressions minoritaires bloquent tout projet, au mépris des processus démocratiques. C’est pourquoi nous attendons des précisions sur le calendrier que vous mettrez en œuvre.
Mais une question plus large se pose : celle de l’intangibilité de l’ordre républicain dans les autres ZAD placées sous la surveillance des services de renseignement, dont on estime le nombre à une cinquantaine. Nous faisons nôtres ces mots du Président de la République : « Je ne veux plus voir ce genre de ZAD en France. »
Monsieur le Premier ministre, ma question est très simple : quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer le maintien de l’ordre républicain et faire respecter l’autorité de l’État en mettant fin à l’existence de ces zones de non-droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Requier, la semaine dernière, j’ai pris en réalité une double décision : mettre un terme au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, le constat ayant été posé que les circonstances qui auraient pu permettre sa construction n’étaient pas réunies, et revenir à la légalité dans cette zone, qui fut longtemps une zone d’aménagement différé, puis, pour certains, une « zone à défendre », voire une « zone d’autonomie définitive ».
Ce retour à la légalité doit se faire en deux temps : d’abord, la libération des axes routiers traversant la zone, qui sera effective avant la fin de la semaine ; ensuite, le départ de ceux qui, depuis fort longtemps, occupent sans titre des terrains qui ne leur appartiennent pas. Le respect de la loi exige que nous attendions la fin de la trêve hivernale pour pouvoir procéder, le cas échéant, à leur expulsion. Il se trouve que, au cours de la législature précédente, les conditions dans lesquelles certains occupants peuvent être considérés comme résidents et donc bénéficier de la trêve hivernale ont été étendues. C’est la loi, je le constate. Mais il est clair que, à l’expiration de la trêve hivernale, les occupants sans titre devront avoir libéré les lieux. Sinon, il faudra les expulser, conformément à la loi.
La vocation agricole des terrains étant affichée, les propriétaires qui avaient été expropriés pourront, s’ils le souhaitent, les récupérer. Les autres personnes désireuses de rester sur les lieux devront acheter des terrains. En tout cas, tout se déroulera dans un cadre légal excluant que des occupants sans titre puissent se maintenir.
Concernant les autres projets d’infrastructures dont la réalisation pourrait être contrariée à l’avenir, si ceux qui s’y opposent sont parfois de bonne foi, il s’agit souvent, en fait, d’une opposition frontale, quelquefois violente, à un mode de prise de décision et à ce que l’État peut représenter.
Pour que nous puissions faire prévaloir ce à quoi nous sommes tous attachés, il faut que nous évitions que se reproduise une situation comme celle qui s’était installée à Notre-Dame-des-Landes. Autrement dit, il faut éviter l’enracinement, l’occupation durable de terrains, parfois même leur préparation physique en vue de créer le maximum de troubles à l’ordre public. Pour cela, il convient d’agir tôt : c’est précisément le sens de la remarque du Président de la République que vous avez citée. C’est, au fond, un art d’exécution : nous devons faire en sorte de réagir suffisamment tôt pour que jamais nous ne nous trouvions de nouveau dans une situation où la division soit telle que le projet ne puisse plus avancer.
C’est une tâche difficile qui est devant nous, mais nous sommes déterminés à la mener à bien. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le Premier ministre, pour restaurer l’autorité de l’État, nous serons toujours derrière vous, mais ce sera beaucoup plus difficile pour les ZAD que pour abaisser la limitation de vitesse à 80 kilomètres à l’heure ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
rémunération des plus hauts fonctionnaires
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre-Yves Collombat. « Les hauts fonctionnaires se sont constitués en caste. […] Il n’est pas acceptable qu’ils continuent à jouir de protections hors du temps. » Ainsi parlait le révolutionnaire Emmanuel Macron lors de sa campagne élyséenne. (Rires sur diverses travées.)
Parmi les privilèges de cette caste figurent la possibilité de faire des allers-retours lucratifs entre public et privé, la perception de très hauts revenus protégés du regard des contribuables qui les paient.
Ma question est simple : quand le Gouvernement envisage-t-il de mettre fin à cette situation, en commençant par publier les montants des salaires des quelque 600 hauts fonctionnaires recevant annuellement plus de 150 000 euros nets, soit le montant de l’indemnité du Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Catherine Deroche applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur, il convient de préciser, pour la clarté du débat, que la rémunération des hauts fonctionnaires est encadrée par des règlements et des lois, qui fixent un certain nombre de plafonds. (M. le secrétaire d’État est invité à parler plus distinctement par de nombreux sénateurs.)
Je rappelle que l’amplitude des rémunérations dans la fonction publique va de 1 à 11, contre 1 à 70 dans le secteur privé, ce qui relativise le procès fait actuellement à la fonction publique. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Il faut aussi souligner que le niveau des responsabilités confiées et les qualifications requises justifient, dans l’immense majorité des cas, les traitements versés.
Le déploiement du régime indemnitaire, qui tient compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel, permet progressivement de franchir une nouvelle étape dans la transparence et la cohérence des rémunérations. Les sous-directeurs et chefs de service des administrations centrales sont régis par ce dispositif depuis le début de 2017, et les emplois de direction de l’administration territoriale de l’État depuis le mois de juillet de la même année. Ainsi, le plafond de leur rémunération indemnitaire est fixé à 74 000 euros. Les préfets et sous-préfets sont soumis à ce même régime depuis le 1er janvier 2018.
Par un référé en date d’octobre 2017, la Cour des comptes formule une double recommandation au Gouvernement.
Elle lui demande, d’une part, de mettre un terme aux irrégularités. Ce travail est engagé depuis le début des années 2000. Aujourd’hui, ne subsistent que sept situations relevant d’un droit que l’on peut qualifier d’exorbitant ; elles sont en cours de règlement. Le Gouvernement a prévu l’extinction de ces dispositifs au 1er janvier 2019, plutôt qu’en 2023, comme précédemment programmé.
La Cour des comptes souhaite, d’autre part, qu’il soit mis fin à la surrémunération des administrateurs généraux des finances publiques : nous nous y employons, dans un souci d’équité et de cohérence. De 2013 à 2017, le nombre de ces fonctionnaires a baissé de 15 %, leur rémunération de 10 %, et le grade le plus élevé est en voie d’être supprimé.
Nous sommes animés par une volonté de transparence et de mise en cohérence. Notre objectif est aussi de protéger l’ensemble de la fonction publique d’accusations qui ne sauraient porter que sur quelques-uns ou sur un héritage du passé. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le secrétaire d’État, si je comprends bien, la réponse à ma question, c’est : « Touche pas à ma bureaucratie céleste, touche pas au grisbi ! » (Rires sur diverses travées.) En fait de révolution annoncée, ce n’est même pas une émeute, c’est un simple produit marketing, lancé pour se faire mousser ! (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.)
population kurde (i)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Patrick Kanner. Permettez-moi tout d’abord, monsieur le président, de vous remercier des félicitations que vous m’avez adressées.
Monsieur le Premier ministre, depuis samedi dernier, plusieurs villes de la région d’Afrin, au nord de la Syrie, sont pilonnées par les forces armées turques. Ciblant des sites militaires de l’YPG, acronyme désignant les unités de protection du peuple, organisation faisant partie des forces démocratiques syriennes, ces bombardements ont fait de nombreuses victimes civiles, dont des enfants.
Cette situation est aussi dramatique qu’inquiétante, et ce à plus d’un titre.
Elle est dramatique, parce que cette zone gérée par les Kurdes était l’une des rares parties du pays à avoir été épargnée jusqu’alors par les combats.
Elle l’est également parce que ce conflit, complexe du fait du nombre et de l’opacité des acteurs en présence, charrie depuis ses origines les germes d’un embrasement régional. En intervenant, troupes au sol à l’appui, Ankara prolonge le conflit et bouscule le rapport de force au sein des forces libres syriennes, éloignant un peu plus les perspectives de paix. Le président Erdogan, reçu par l’Élysée en début d’année, a d’ailleurs déclaré qu’« il n’y aura pas de retour en arrière ».
Pourtant, mes chers collègues, l’YPG est connue pour ses faits d’armes contre l’État islamique et a contribué largement à la défaite de ce dernier sur le terrain. C’est donc une composante essentielle du front commun contre le terrorisme qui est aujourd’hui attaquée.
La situation est inquiétante, enfin, parce qu’il s’agit d’une intervention militaire d’un État membre de l’Alliance atlantique menée en violation des règles les plus élémentaires du droit international. La France a été à l’initiative de la tenue d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies sur le sujet. Pouvez-vous nous informer de l’issue de cette réunion, monsieur le Premier ministre ?
Nous souhaitons également savoir quelles mesures la France envisage de prendre pour que cette opération, baptisée de manière provocante « Rameau d’olivier », soit stoppée et qu’un cessez-le-feu intervienne dans les plus brefs délais, alors que les États-Unis semblent se désengager totalement de cette région. Il y a urgence, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, je voudrais tout d’abord saluer votre prédécesseur, Didier Guillaume, qui a choisi de tourner la page politique, et vous adresser toutes mes félicitations. La confiance que vous ont manifestée les sénateurs du groupe socialiste et républicain en vous élisant à leur tête vous honore.
Si nous n’ouvrons pas de perspective politique crédible en Syrie, la défaite attendue de Daech risque de se traduire par une mutation des conflits : Turcs contre Kurdes, Kurdes contre Arabes, Israël contre Hezbollah, etc. La France a eu plusieurs fois l’occasion de rappeler cette réalité dans les médias, dans les instances internationales ou au Parlement.
Aujourd’hui, nous y sommes : c’est bien ce qui est en train de se produire. La Turquie a engagé voilà quatre jours dans la région d’Afrin, au nord de la Syrie, une opération militaire, motivée par des inquiétudes sur sa propre sécurité. Nous pouvons entendre ces inquiétudes, mais la priorité doit rester le combat contre Daech, qui n’est pas terminé.
L’opération turque intervient à un moment où la situation humanitaire dans la région, du fait de la guerre terrible qui s’y déroule depuis maintenant de longues années, est incroyablement fragile.
Le régime et ses alliés conduisent des bombardements indiscriminés contre les populations à Idlib, 400 000 civils sont assiégés dans l’enclave de la Ghouta, près de Damas. À notre demande, le Conseil de sécurité s’est saisi hier de cette situation. Nous avons appelé la Turquie à la retenue.
Toutefois, la seule voie, difficile, que nous devons suivre, c’est celle de la recherche d’une solution politique durable qui garantisse le retour, le plus rapidement possible, à une forme de stabilité en Syrie, pour les populations de ce pays et pour ses voisins. Ce ne sera pas facile. La diplomatie française prendra toute sa part à cette recherche, en exposant systématiquement et clairement aux parties prenantes et à nos partenaires la position de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
mise en place des péages inversés
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Dany Wattebled. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Monsieur le ministre, afin d’améliorer la qualité de l’air et les conditions de circulation sur son territoire, la métropole européenne de Lille, s’inspirant de l’expérience réussie de Rotterdam, aux Pays-Bas, a décidé de mettre en œuvre le concept innovant de « péage inversé ».
Cela consiste à inciter les automobilistes qui circulent sur les grands axes aux heures de pointe à utiliser d’autres modes de déplacement ou à reporter leurs trajets en dehors de ces périodes. Une incitation financière de 2 euros par trajet évité leur sera ainsi proposée.
Cette initiative, appelée « écobonus-mobilité », est le projet phare du pacte État-métropole signé le 17 février 2017. Il s’agit d’une réelle occasion d’innover pour trouver des solutions concrètes et rapides aux phénomènes de congestion routière constatés dans toutes les grandes agglomérations françaises. En cela, cette initiative, en cas de succès de l’expérimentation de la métropole de Lille, pourra être étendue aux autres métropoles.
Mercredi dernier, Mme la ministre des transports s’est déclarée favorable à la mise en œuvre de péages urbains par les collectivités, ainsi qu’à des expérimentations de péages inversés.
Or le cadre juridique pour permettre à une collectivité de mettre en œuvre directement un péage inversé reste à clarifier : la phase de recrutement des participants volontaires nécessite le recours à des caméras de lecture automatisée de plaques d’immatriculation, et donc à un traitement de données à caractère personnel.
Parallèlement à la phase de travail parlementaire qui va s’engager, comment envisagez-vous d’accompagner la métropole européenne de Lille, de manière que le président de celle-ci, M. Damien Castelain, puisse lancer rapidement cette expérimentation et ainsi alimenter le projet de loi sur les mobilités en préparation, en vue de permettre une généralisation à d’autres collectivités ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Wattebled, je vous prie tout d’abord d’excuser Élisabeth Borne, qui ne pouvait être présente cet après-midi.
Par un hasard du calendrier, je répondrai mardi prochain 30 janvier à la Commission européenne, qui a convoqué la France en raison d’un dépassement régulier des seuils de pollution atmosphérique. Face à ce fléau, soupçonné de provoquer chaque année près de 48 000 décès prématurés dans notre pays, on ne peut pas se résigner. Nous sommes mobilisés au côté des territoires et des élus, qui prennent toute leur part dans la réduction des pollutions, qu’elles soient liées au chauffage et à l’industrie ou au transport automobile.
Pour donner aux collectivités les moyens de construire une mobilité durable et de rendre les villes de nouveau respirables, la loi autorise depuis 2010 l’expérimentation des péages urbains, pour trois ans. Le principe de ce dispositif est simple : permettre aux collectivités qui le souhaitent d’inventer des solutions incitant au report modal, à l’usage des transports en commun ou du vélo.
Comme vous l’avez souligné, la métropole de Lille envisage de mettre en œuvre le péage inversé, modèle inspiré des pays nordiques que je trouve très malin. Il faut essayer, quitte à revoir les choses si cela ne marche pas. Il s’agit de verser une incitation financière, un bonus aux conducteurs qui acceptent de recourir à d’autres modes de transport que la voiture pendant les heures de pointe.
D’autres mesures, visant notamment à simplifier la création de voies dédiées aux covoitureurs sur les axes d’entrée dans les grandes agglomérations, sont envisagées.
Afin d’accompagner les collectivités, nous travaillons avec le ministère de l’intérieur pour développer les outils, notamment numériques, qui vont leur permettre d’avancer tout en respectant la vie privée de nos concitoyens. Ces mesures seront intégrées dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
notre-dame-des-landes
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, la réponse que vous avez faite à M. Requier ne nous a pas convaincus.
En réalité, à Notre-Dame-des-Landes, le chantage à la violence a payé, malgré 179 décisions de justice toutes favorables, malgré la légitimité du suffrage universel, malgré l’engagement solennel du Président de la République !
L’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, c’est le triomphe des ultras, des zadistes. Il suffisait d’ailleurs, pour s’en convaincre, de regarder la télévision ces derniers jours. Lorsque le ministre d’État Nicolas Hulot s’était rendu dans cette ZAD, il en était ressorti avec des épluchures sur la tête ! (Murmures sur diverses travées.)
Monsieur le Premier ministre, c’est un terrible message adressé à tous les élus de la République qui s’échinent au quotidien à prendre des décisions difficiles et qui savent désormais qu’une minorité agissante peut bloquer un projet d’intérêt général.
C’est un terrible message adressé à nos territoires de l’Ouest et des Pays de la Loire. Voilà quelques semaines, nous avons appris que notre grand port maritime n’était plus au niveau d’un port national. Mercredi dernier, vous nous avez appris que, désormais, pour prendre l’avion, il nous faudrait d’abord nous rendre en train à Paris. Toujours Paris ! Est-ce là, monsieur le Premier ministre, votre conception de l’aménagement du territoire ?
Vous avez pris une décision, il vous faut désormais prendre vos responsabilités : que ferez-vous pour accompagner le désenclavement de l’Ouest et des Pays de la Loire ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, dans votre question, j’entends de la déception, de la colère et de l’inquiétude. Je ne suis pas sûr de pouvoir effacer votre déception – je suis même certain du contraire ! –, je ne suis pas sûr de pouvoir éteindre votre colère, j’espère au moins pouvoir apaiser quelque peu votre inquiétude.
Oui, mercredi dernier, j’ai pris une décision. Ce n’était pas facile. Elle s’est fondée sur l’ensemble des éléments en ma possession au moment où j’ai dû la prendre : les procédures, les décisions de justice, les consultations conduites depuis le début de ce projet, voilà bien longtemps, les échanges que j’ai eu le plaisir d’avoir avec les élus locaux et nationaux, mais aussi l’analyse d’une situation de division qui m’est apparue exceptionnelle et que notre pays, collectivement – si ces propos vous heurtent, monsieur Retailleau, je vous prie de m’en excuser –, a laissé se développer sur la zone de Notre-Dame-des-Landes. Disant cela, je ne pointe la responsabilité de personne, je formule un constat.
Les occupations illégales ont commencé il y a plus de huit ans, les tentatives d’évacuation de la zone effectuées dans le passé ont échoué. À la différence de ce que l’on observe pour beaucoup d’autres projets, où des oppositions locales existent, mais où un mouvement puissant en faveur de la réalisation de l’infrastructure se manifeste, chacun était retranché dans ses positions et nous allions vers un affrontement certain.
Au regard de tous ces éléments, j’ai considéré qu’il fallait à la fois prendre une décision pour sortir de cette situation –c’est la raison pour laquelle j’ai annoncé que ma décision était irrévocable – et rétablir dans la zone l’État de droit, qui n’était plus depuis trop longtemps qu’un mythe. Cela passe par le rétablissement de la circulation routière, qui était interrompue depuis bien longtemps, et par la cessation de l’occupation illégale des terres, dès la fin de la trêve hivernale.
Reste le problème de fond, difficile, des besoins de mobilité du Grand Ouest, de la Bretagne et des Pays de la Loire, de la mise en place d’une meilleure connexion aux grandes infrastructures aéroportuaires et aux flux de développement économique. La question est posée. J’ai indiqué que, pour y répondre, nous consulterions rapidement, une fois le temps de la déception et de la colère passé, l’ensemble des acteurs. Mme la ministre des transports se rendra vendredi et samedi à Rennes et à Nantes pour rencontrer les élus qui le voudront bien, afin d’étudier avec eux les actions envisageables à court, moyen et long terme.
J’ai indiqué un certain nombre de pistes pour le court terme, notamment le réaménagement, le plus vite possible, des infrastructures de l’aéroport Nantes-Atlantique. (M. Christophe Priou lève les bras au ciel.) On peut procéder en deux temps. Une première étape est la construction d’une nouvelle aérogare et l’aménagement de nouveaux taxiways. Ces travaux se dérouleront sur l’emprise de l’aéroport existant, sans gêner son exploitation : ils ne nécessiteront pas d’expropriation, juste l’obtention d’un permis de construire et une négociation avec l’opérateur. Ensuite se posera la question de l’allongement de la piste existante, qui présenterait l’avantage de réduire les nuisances sonores à Nantes, et l’inconvénient de les augmenter dans les communes situées en bout de piste, au sud, notamment à Saint-Aignan de Grand Lieu.
Il faudra voir dans quelle mesure les propriétaires des infrastructures existantes à Rennes, à Nantes, à Lorient et, de façon générale, dans le Grand Ouest pourront mettre en réseau leurs équipements et les développer.
Ces questions ont pu être déjà posées par le passé, monsieur Retailleau, mais elles ont toujours été étudiées avec l’idée que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes se ferait.
Je pressens que la discussion que nous aurons avec les élus locaux et les opérateurs nous permettra de dessiner des solutions d’investissement pour améliorer la desserte aérienne.
S’agissant de la desserte ferroviaire, il faudra voir dans quelles conditions il est possible de rejoindre les grandes plateformes aéroportuaires. Je prends le monde tel qu’il est, monsieur Retailleau. Aujourd’hui, la France ne compte que deux grandes plateformes aéroportuaires susceptibles de développer des vols long-courriers internationaux : Paris et Nice. Cela ne condamne pas les autres, mais je constate que l’aéroport de Lyon, grande agglomération qui ne manque pas de dynamisme et se trouve à deux heures de Paris par le TGV, a une fonction nationale et européenne, mais n’est pas compétitif sur le plan international.
Il faudra donc répondre point par point à ces questions pour améliorer la mobilité dans le Grand Ouest. Nous sommes prêts à mener ce travail indispensable et difficile, car, je le dis très tranquillement, nous n’avons pas d’autre choix. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, vous pouviez faire un autre choix que celui de la facilité : celui du courage ! L’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, c’est la victoire d’une violence physique, mais aussi d’une violence symbolique, faite au pacte civique qui lie les Français entre eux et qui repose sur le droit et sur le vote ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation de l’entreprise vallourec
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Nadia Sollogoub. Le Président de la République a manifesté hier, à l’occasion de son déplacement chez Toyota et de sa rencontre à Versailles avec 140 patrons de grandes entreprises, sa volonté de défendre l’attractivité de la France et de soutenir l’industrie française.
Il va de soi que le patrimoine industriel historique présent sur notre territoire doit bénéficier du même soutien. C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je me permets de vous interroger sur l’avenir du groupe Vallourec.
En 2016, le Gouvernement avait participé à une recapitalisation de ce groupe à hauteur de plus de 500 millions d’euros, par l’intermédiaire de la Banque publique d’investissement, la BPI, en contrepartie de l’engagement pris auprès de M. Macron, alors ministre de l’économie, de ne fermer aucun site de production.
Cet engagement n’était que verbal. On me dit que c’est normal. Habituée que je suis au formalisme entourant le versement des subventions aux collectivités, j’ai beaucoup de mal à l’admettre…
À ce jour, des cessions, des restructurations ou des fermetures sont annoncées pour toute une série de sites appartenant en propre à Vallourec ou détenus en partenariat, bien que les indicateurs boursiers du groupe soient bons. Ces fragilités touchent des territoires entiers.
À Cosne-sur-Loire, dans la Nièvre, département dont je suis élue, le site de fabrication de tubes sans soudure n’est pas repris par le groupe américain NOV et 120 emplois sont menacés à très court terme.
Dans le Nord, sur le site historique de Valenciennes, où Vallourec est partenaire d’Ascométal, la reprise n’attend plus, pour être finalisée, qu’un engagement officiel de l’État.
Derrière Vallourec, ce sont des bassins d’emploi et des sous-traitants qui pourraient être fragilisés, à Montbard par exemple. Certains dossiers présentent un caractère d’urgence absolue.
L’État est désormais l’actionnaire principal de Vallourec. Il a consenti en 2016 d’énormes efforts financiers. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer la volonté forte, concrète et immédiate de l’État, d’une part, de soutenir ce fleuron national qu’est l’aciérie française, d’autre part, d’exiger du groupe Vallourec qu’il respecte les engagements pris voilà quelques mois ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub, Vallourec est en effet un acteur industriel important sur notre territoire, employant 4 000 salariés en France.
Comme vous le savez, cette entreprise a été frappée de plein fouet par la chute abrupte des cours du pétrole il y a quelques années, laquelle se poursuit encore dans une moindre mesure aujourd’hui. Elle a également été touchée par le développement de surcapacités au plan mondial dans son segment d’activité. Elle a donc dû engager une restructuration profonde en 2016 pour assurer sa pérennité. Elle continue à s’ajuster à cette situation difficile. Elle a ainsi pris, plus récemment, la décision de se désengager du secteur des produits pour le forage pétrolier. Cette opération conduit à la cession à l’entreprise américaine NOV d’une partie de son usine d’Aulnoye.
Deux autres sites, ceux de Cosne-sur-Loire et de Tarbes, sont affectés par cette décision. Vallourec a annoncé son intention de les mettre en vente et approche actuellement plusieurs partenaires potentiels.
Je vous confirme que le Gouvernement est attaché au maintien d’un avenir industriel pour ces deux sites et a demandé à Vallourec de mettre en œuvre tous les efforts possibles.
À ce titre, l’entreprise, qui avait initialement fixé un calendrier très contraint, avec une échéance à fin février, s’est engagée à poursuivre les discussions avec d’éventuels repreneurs au-delà de ce terme. Le suivi de ce dossier a été confié à Jean-Pierre Floris, délégué interministériel aux restructurations d’entreprises. Il recevra demain les élus du territoire de la Nièvre et se rendra à Tarbes en cette fin de semaine. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
couverture numérique en outre-mer
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour le groupe La République En Marche.
M. Antoine Karam. Le 14 janvier dernier, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, annonçait la signature d’un accord historique visant à généraliser « une couverture mobile de qualité pour l’ensemble des Français ». L’ensemble des Français ? Non, pas exactement, puisque cet accord ne concerne en réalité que la France hexagonale et la Corse…
Les outre-mer, comme souvent, ont été écartés, car les opérateurs y seraient différents, auraient des fréquences différentes et seraient soumis à des obligations distinctes par territoire.
Monsieur le ministre, si je peux entendre ces raisons, les mots n’en ont pas moins un sens, et lorsque l’ARCEP se prévaut d’un accord historique pour tous les Français, nos concitoyens ultramarins sont en droit de s’interroger. À vrai dire, il leur suffit de consulter le site monreseaumobile.fr pour comprendre qu’ils ne sont visiblement pas des Français comme les autres, la carte de la France se limitant, là encore, à l’Hexagone et à la Corse.
Les besoins sont pourtant bien réels. Si c’est bien de la Guyane que nos satellites de communication sont lancés, le coût des forfaits y reste très élevé et la couverture en téléphonie mobile extrêmement défaillante, en particulier dans les communes isolées et sur les routes nationales.
Certes, des efforts sont faits. L’attribution en 2016 de nouvelles fréquences aux opérateurs ultramarins a permis de commercialiser des services mobiles à très haut débit. Mais, là encore, les engagements des opérateurs seront-ils à la hauteur ? Rappelons que, en 2015, l’ARCEP avait dû retirer leurs fréquences à trois d’entre eux suite à des retards de déploiement et de paiements.
Dans ce contexte, nous ne pouvons que déplorer, voire dénoncer, le fait que nos territoires ne soient pas, avec leurs particularités de marchés respectives, inclus pleinement dans le champ d’un accord aussi ambitieux.
Monsieur le ministre, vous le savez, le défi de la résorption de la fracture numérique que nous avons à relever ensemble est immense, mais aussi fondamental. C’est pourquoi je souhaiterais avoir des précisions sur la stratégie que le Gouvernement entend déployer outre-mer pour renforcer les obligations des opérateurs et mettre fin, une bonne fois pour toutes, aux zones blanches. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Karam, je pense pouvoir vous rassurer en trois points.
Tout d’abord, en ce qui concerne l’internet fixe, les outre-mer sont pleinement intégrés à la feuille de route qu’avait annoncée M. le Premier ministre le 14 décembre dernier à Cahors. Des subventions de l’État sont déjà engagées, à hauteur de 90 millions d’euros, pour soutenir la couverture en internet fixe des huit territoires ultramarins. Pour la Guyane, une enveloppe supplémentaire de 40 millions d’euros va être mobilisée.
Ensuite, en matière de téléphonie mobile, effectivement, les opérateurs ne sont pas identiques. Ils utilisent des fréquences différentes, avec des calendriers adaptés, et sont soumis à des obligations distinctes par territoire. Un travail est en cours avec l’ARCEP pour identifier les besoins spécifiques, déployer des outils adaptés et arriver à une couverture de qualité généralisée selon le même calendrier que pour le territoire hexagonal. Je tiens à l’affirmer devant vous, monsieur le sénateur.
Nous réunirons prochainement les collectivités et les opérateurs concernés pour préciser la feuille de route et voir comment les futures attributions de fréquences outre-mer peuvent constituer un outil pertinent pour renforcer les obligations des opérateurs mobiles. Ce chantier sera inscrit dans les Assises des outre-mer.
Enfin, vous avez à juste titre mentionné l’enjeu des cartes de couverture. À compter de juillet 2018, les opérateurs seront tenus de publier sur leur site les cartes de couverture de leurs services mobiles dans les territoires ultramarins.
Nos compatriotes d’outre-mer, que nous n’oublions pas, bénéficieront de la même transparence sur le niveau et le rythme de mise en place d’équipements fixes et mobiles qu’en métropole. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
population kurde (ii)
M. le président. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Olivier Léonhardt. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Nous sommes très préoccupés par l’intervention militaire turque dans la province kurde syrienne d’Afrin, conduite en violation du droit international.
Alors que la coalition internationale affronte, dans la province d’Idlib, l’ex-Front al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, les forces turques bombardent l’enclave kurde d’Afrin, située au nord de la ville martyre d’Alep. Depuis dimanche, une intervention terrestre est en cours et les correspondances font état de nombreuses victimes civiles. La Turquie mène l’assaut contre l’une des rares villes syriennes qui a, jusqu’ici, échappé à la destruction et servi de refuge à des milliers de déplacés syriens, une ville dont le seul crime est d’être dirigée par des forces kurdes.
Or ces forces sont nos alliées dans la guerre contre Daech. Ce sont elles qui, à Kobané, ont infligé une défaite sans appel à Daech. Elles ont mis hors d’état de nuire des milliers de djihadistes et participé à la libération de tous les territoires syriens occupés par Daech, y compris Rakka, capitale du prétendu califat.
Alors que l’engagement des Kurdes à nos côtés n’est plus à démontrer, nous savons aussi que des parlementaires et des maires kurdes, élus démocratiquement, sont aujourd’hui emprisonnés en Turquie.
Monsieur le Premier ministre, vous avez à raison saisi le Conseil de sécurité de l’ONU, qui s’est réuni à huis clos mais dont aucune mesure ne semble être sortie. Nous connaissons votre attachement à soutenir ceux qui combattent pour la liberté. Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, quelle est la position de la France à l’égard de nos alliés kurdes ? Allons-nous demander le retrait de l’armée turque et l’arrêt immédiat de l’intervention à Afrin ? Peut-on considérer qu’appeler la Turquie à la retenue après une réunion du Conseil de sécurité soit suffisant au regard de la gravité de la situation sur place ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Léonhardt, le Premier ministre a dressé tout à l’heure, en répondant à M. Kanner, un tableau précis de la situation. Le temps de l’éradication de Daech, un objectif fort de la France, déjà affirmé par le président François Hollande, semble enfin venu. Comment cette mutation peut-elle se traduire, non par des guerres et des oppositions, telles que le Premier ministre en a évoqué, mais par une réelle libération du pays ?
Vous l’avez souligné, la Turquie a engagé voilà quatre jours au nord de la Syrie, dans la région d’Afrin, une opération destinée à assurer sa propre sécurité. Les inquiétudes de la Turquie étaient légitimes et elle a souhaité intervenir. La priorité doit toutefois rester, dans tous les cas, le combat contre Daech, qui n’est pas terminé. Il ne s’agit pas, pour tel ou tel pays voisin de la Syrie, de préparer dès aujourd’hui la sortie de Daech en fonction de ses propres intérêts.
J’ajoute que l’opération turque intervient à un moment où la situation humanitaire en Syrie est déjà très dégradée.
En outre, le régime et ses alliés conduisent des bombardements indiscriminés contre les populations d’Idlib. Vous avez évoqué les civils aujourd’hui menacés : ce sont 400 000 femmes, hommes, enfants qui sont assiégés dans l’enclave de la Ghouta, près de Damas.
Vous l’avez dit, à la demande de la France, le Conseil de sécurité s’est saisi hier de cette situation humanitaire. Pour des raisons de diplomatie internationale, peu d’éléments d’information ont filtré.
Toutefois, monsieur le sénateur, je tiens à réaffirmer ici devant vous la volonté de la France d’appeler la Turquie, et plus largement l’ensemble des partenaires, à une sortie par le haut : seule une solution politique peut permettre de stabiliser durablement la Syrie et de garantir la sécurité de tous ses voisins, notamment de la Turquie. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Vives protestations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme Éliane Assassi. Et les Kurdes ?
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Hugues Saury. Ma question s’adressait à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. En son absence, je me tourne vers M. Benjamin Griveaux.
Monsieur le secrétaire d’État, des incidents inacceptables impliquant des détenus radicalisés ont récemment eu lieu dans des établissements pénitentiaires. Le mouvement des surveillants de plusieurs maisons d’arrêt témoigne de l’ampleur du phénomène, auquel les personnels ne peuvent faire face. Ces derniers sont confrontés à des détenus de plus en plus dangereux : 488 personnes sont incarcérées pour des faits en lien avec le terrorisme, contre 390 au début de l’année 2017, et 1 336 détenus sont en voie de radicalisation. Le constat a déjà été fait que l’idéologie djihadiste des personnes incarcérées pour terrorisme se renforce au cours de leur détention.
Un chiffre est plus alarmant encore : près de 1 400 détenus sont considérés comme étant en voie de radicalisation alors qu’ils sont entrés en prison pour des délits ou des crimes de droit commun. Ces détenus savent faire preuve de ruse et de dissimulation pour tromper les surveillants et les personnels pénitentiaires d’insertion et de probation. Dans un passé récent, des programmes spécifiques ont été mis en place, tel le regroupement de ces détenus au sein de quartiers. Au vu de ses résultats infructueux, cette politique a été abandonnée à l’automne 2016.
L’Organisation des Nations unies vient de tirer la sonnette d’alarme en adressant une série de recommandations eu égard aux atteintes aux droits de l’homme commises dans l’Hexagone. Elle a appelé la France à améliorer la gestion de ses prisons dans un contexte de surpopulation carcérale.
Monsieur le secrétaire d’État, Mme la garde des sceaux a annoncé un « plan pénitentiaire global ». À cet égard, quels moyens le Gouvernement s’engage-t-il à prendre pour assurer la sécurité des personnels pénitentiaires face aux détenus violents ? Enfin, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures concrètes seront prochainement adoptées pour gérer les détenus radicalisés et éviter que nos prisons ne soient davantage encore des lieux de radicalisation et d’apprentissage du terrorisme ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme Nathalie Goulet. Question bienvenue !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Hugues Saury, je vous prie tout d’abord d’excuser la garde des sceaux, qui est retenue place Vendôme par les discussions engagées avec les organisations syndicales du monde pénitentiaire.
Dès sa prise de fonctions, Mme la garde des sceaux s’est rendue dans différents établissements pénitentiaires. Comme chacun des parlementaires présents sur ces travées qui ont eu l’occasion de faire de même, elle a pu mesurer les difficultés auxquelles se heurtent les personnels.
Le métier de surveillant pénitentiaire est un métier difficile. Le malaise de la profession est réel, et ses causes sont profondes, multiples et anciennes. Les personnels pénitentiaires peuvent être assurés de la solidarité non seulement du Gouvernement, mais aussi – j’en suis certain – de la représentation nationale, dans la difficile mission qu’ils accomplissent au service de l’intérêt général.
À la suite des actes graves qui ont été perpétrés, notamment, mais pas uniquement, dans les établissements de Vendin-le-Vieil et de Borgo,…
Mme Nathalie Goulet. À Alençon aussi !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. … des discussions ont été engagées dès le 13 janvier dernier. Elles ont permis au Gouvernement de témoigner sa solidarité aux agents au travers d’engagements concrets : création de 1 100 emplois supplémentaires dans les quatre années à venir afin de pourvoir les postes vacants ; renforcement des équipements de sécurité, pas uniquement dans les unités accueillant des détenus radicalisés, mais dans l’ensemble des prisons ; création de quartiers spécifiques, totalement séparés du reste de la détention, pour la prise en charge de détenus particulièrement violents ; évaluation des dispositions législatives relatives, notamment, aux fouilles de détenus ; enfin, étude de mesures indemnitaires spécifiques et ciblées en faveur des personnels pénitentiaires – Mme la garde des sceaux le confirmera –, dans les limites d’une enveloppe raisonnable.
Monsieur le sénateur, voilà les propositions concrètes que le Gouvernement a mises sur la table. Mme la garde des sceaux a reçu les syndicats. Ils ont quitté la table des discussions. Le Gouvernement en prend acte, mais appelle à la reprise du dialogue et au sens des responsabilités de chacun, car, comme vous le savez, la mission des personnels pénitentiaires ne peut pas être interrompue ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
exposition universelle 2025
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Dumas. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, c’est par voie de presse que les élus ont appris, ce week-end, l’abandon de la candidature de la France à l’Exposition universelle de 2025.
Cette décision unilatérale, précipitée et prise sans concertation préalable avec les promoteurs du projet est une mauvaise nouvelle pour la France et pour la région capitale, dont je suis élue.
Depuis le lancement officiel de l’association Expo France 2025, en 2013, lors d’une conférence au Grand Palais, à Paris, les soutiens politiques, les soutiens citoyens de tous bords sont venus renforcer cette formidable aventure collective.
Cette décision est regrettable et préjudiciable à la France, à plusieurs titres : un très grand nombre d’acteurs économiques étaient parties prenantes à ce projet, depuis la modeste PME jusqu’aux plus grands noms des réussites économiques de notre pays, et en permettaient le financement.
Organiser l’Exposition universelle de 2025 aurait permis de mettre en valeur les savoir-faire et la capacité d’innovation de notre pays. En un mot, monsieur le Premier ministre, cela aurait contribué à son rayonnement.
Enfin, doit-on comprendre que cette renonciation a pour corollaire l’abandon du projet de la ligne 18 du Grand Paris Express (Marques d’approbation et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.),…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est évident !
Mme Catherine Dumas. … qui doit relier en 2024 Orly à Versailles en passant par le plateau de Saclay, vitrine scientifique de notre pays ? Nous attendons votre réponse, car nous sommes inquiets ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Laurent Lafon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, ce projet d’exposition universelle est ancien. Il a été soutenu par des équipes qui y ont mis beaucoup de cœur, beaucoup d’énergie, beaucoup d’enthousiasme. Je ne méconnais ni la déception qui peut être la leur ni le travail qui a été réalisé.
Parce que l’échéance était fixée à 2025, parce que, au-delà de celle de ses promoteurs, ce projet engageait la parole de la France, nous nous y sommes intéressés très tôt, dès que ce gouvernement a été formé. Nous avons dit dès le début que, si le projet nous paraissait soutenable, si toutes les garanties étaient apportées quant au respect des lignes principales qui avaient été fixées – en particulier, il ne serait pas fait appel à des subventions publiques –, nous le soutiendrions.
Le 28 septembre dernier, nous avons franchi une étape supplémentaire avec le dépôt du dossier de candidature proprement dit. À ce moment-là de la procédure, j’ai dit très clairement, très précisément, après m’être rapproché d’un certain nombre d’acteurs élus locaux, que l’État se réservait l’entière possibilité de ne pas donner suite à ce projet si des garanties solides n’étaient pas apportées que ni l’État ni les collectivités territoriales n’auraient à participer à son financement.
Le 18 janvier dernier, les deux personnalités chargées de l’analyse et de l’accompagnement du projet m’ont remis leur rapport. Y était jointe une note de la direction générale du Trésor…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Évidemment !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … présentant une analyse approfondie du modèle économique transmis à la fin de décembre dernier par l’association Expo France 2025. L’ensemble de ces documents est, bien entendu, à votre disposition.
Cette note indiquait que le modèle économique du projet comportait plusieurs faiblesses structurelles. En particulier, l’équilibre économique reposait, au moins à hauteur d’environ 300 millions d’euros, sur l’hypothèse d’une cession gratuite du foncier par l’établissement public d’aménagement Paris-Saclay. Or, une cession gratuite de foncier par un établissement public, c’est une subvention publique… En outre, les chiffres de fréquentation retenus ne permettaient pas d’atteindre le montant de recettes prévu. Enfin, l’association souhaitait que l’ensemble des partenaires privés garantissent le projet, mais elle avait du mal – c’est le moins que l’on puisse dire ! – à obtenir de leur part cet engagement, sauf à ce que l’État lui-même apporte sa garantie.
Autrement dit, alors que nous devions définitivement engager la parole de notre pays, il nous est apparu que ce projet, si beau soit-il, n’était pas suffisamment solide. J’en ai tiré les conséquences. Si la situation budgétaire nous permettait de dire « on verra bien », il en serait peut-être allé autrement, mais tel n’est pas le cas. Depuis très longtemps, on a tendance, dans notre pays, à renvoyer à plus tard le traitement des difficultés. À mes yeux, ce n’est pas raisonnable, et c’est pourquoi j’ai pris la décision que vous regrettez. N’y voyez aucune autre raison que celle que je viens d’évoquer.
Vous avez posé la question d’un éventuel lien entre l’abandon de cette candidature et la réalisation des travaux prévus dans le cadre du Grand Paris Express, ce projet monumental et remarquable définissant de nouveaux modes de transports en commun dans toute la région d’Île-de-France. J’observe que, en la matière, les difficultés techniques sont majeures. La Cour des comptes pointe une dérive budgétaire considérable depuis la conception de ce projet. Nous ne pouvons pas faire comme si cela n’était pas grave, nous dire que l’on verra bien plus tard. Nous devons donc tous prendre en compte cette dimension budgétaire, pour faire en sorte que ce projet puisse être mené à son terme.
Je le dis très clairement, madame la sénatrice : mon objectif, c’est que le Grand Paris Express aboutisse, car c’est un bon projet. Mais, aujourd’hui, sa réalisation repose sur des bases fragiles. Vous connaissez comme moi les difficultés : les travaux du Grand Paris Express viennent croiser les travaux sur les infrastructures existantes, ce qui cause parfois des accidents perturbant le fonctionnement des réseaux du quotidien.
Nous devons donc examiner ensemble – c’est ce à quoi je me suis engagé – dans quelles conditions nous pouvons faire réussir ce projet. Il s’agit là d’une discussion difficile, techniquement et budgétairement, mais j’y suis ouvert, et nous trouverons les solutions ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.
Mme Catherine Dumas. Merci, monsieur le Premier ministre.
Concernant l’abandon de la candidature de la France à l’organisation de l’Exposition universelle 2025, je rappellerai simplement que le Président de la République lui-même avait dit que la France devait apporter sa contribution à une nouvelle ambition universelle. Tel ne sera pas le cas : c’est donc un mauvais message.
Pour ce qui concerne le Grand Paris Express, j’ai bien entendu votre réponse. Les élus franciliens et, plus largement, les élus de toute la France souhaitent que ce projet aboutisse dès 2024, car nous en avons vraiment besoin ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
statistiques sur les violences conjugales
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Catherine Conconne. Ma question s’adresse à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Madame la ministre, le Gouvernement a annoncé vouloir faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité. Je ne peux qu’approuver. Les violences au sein des couples, dont les femmes sont les premières victimes, comptent toutefois parmi les faits les plus difficiles à déceler.
En France, tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint. À la Martinique, le dernier homicide perpétré dans le cadre conjugal date de ce week-end !
La Martinique est un territoire particulièrement touché par les violences conjugales : en la matière, le taux de criminalité est de 9,5 pour 1 000, contre 4,4 pour 1 000 à l’échelle nationale. En 2017, près d’un millier de plaintes concernant des faits de violences au sein du couple ont été traitées par les services de police et de gendarmerie martiniquais.
Pour combattre un tel fléau, une seule arme : la connaissance. Aujourd’hui, seulement un fait de violence conjugale sur dix est porté à la connaissance des services de police et de gendarmerie. Cette délinquance spécifique devrait être comptabilisée de manière distincte dans les statistiques. Or il existe, dans l’opinion, un discours récurrent selon lequel les victimes de violences au sein du couple seraient difficilement identifiées par les enquêteurs, du fait du manque de moyens.
Cette difficulté que rencontrent les services d’enquête tiendrait-elle à ce que la hiérarchie souhaite éviter le dépôt de ces plaintes, qui aggrave les chiffres de la délinquance ?
Afin de mobiliser davantage nos forces de l’ordre sur cet aspect de la délinquance, de faciliter la parole des victimes et de développer des politiques publiques adéquates, le Gouvernement peut-il, madame la ministre, s’engager à réformer l’état 4001, qui recense l’activité des services de police et de gendarmerie et sert d’indicateur de la délinquance ?
D’une part, il conviendrait de créer une ligne spécifique propre aux procédures pour violences au sein du couple. Pour l’heure, une telle ligne n’existe toujours pas, alors que la thématique en question est censée être une priorité nationale depuis des années.
D’autre part, il faudrait classer cette ligne parmi celles pour lesquelles une hausse des faits constatés est considérée comme un fait positif. Une telle hausse ne signifierait évidemment pas une augmentation des faits de violence, mais une réduction de la « zone grise » des faits réels n’ayant fait l’objet d’aucune plainte.
M. le président. Votre question, s’il vous plaît !
Mme Catherine Conconne. Une hausse des faits d’usage de stupéfiants recensés est considérée comme un indicateur de la performance des services : ne pourrait-il en être de même pour les violences au sein du couple ? Un tel changement ne pourrait avoir que des vertus. Aussi j’attends une réponse positive de votre part ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Ronan Dantec applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, vous venez de rappeler un événement dramatique survenu ce week-end en Martinique. Naturellement, la lutte contre les violences faites aux femmes sur l’ensemble de notre territoire est une priorité absolue du Gouvernement.
Vous avez rappelé à juste titre que l’amélioration des connaissances est un enjeu très important pour ce qui concerne les violences faites aux femmes. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a engagé, dans les départements d’outre-mer, une grande enquête, intitulée violences et rapports de genre, ou VIRAGE DOM, consacrée à ces violences. Au total, 10 000 personnes, femmes et hommes, sont interrogées. Les premiers résultats sont attendus pour la fin de l’année 2018. Je tenais à apporter ces précisions, car une fine connaissance de cette problématique est nécessaire.
Par ailleurs, dans son discours du 25 novembre dernier, le Président de la République a rappelé que les politiques publiques menées dans ce domaine devaient être adaptées aux besoins des victimes, afin que l’on puisse apporter les réponses les plus efficaces possible.
C’est pourquoi nous réfléchissons aujourd’hui à l’opportunité de créer un observatoire de l’égalité en Martinique. Cette mesure a d’ailleurs été préconisée par le Conseil économique social et environnemental dans un rapport récent.
Bien sûr, de nombreux partenaires associatifs agissent également. Le ministère de la justice a mis en place l’opération « Téléphone grave danger ». Ce dispositif est également déployé en Martinique.
La présence d’équipes territoriales des droits des femmes dans chacun des territoires est également une nécessité.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Enfin, madame la sénatrice, je vous invite à relayer cette parole sur les violences faites aux femmes dans le cadre des ateliers du tour de France de l’égalité et des Assises de l’outre-mer. Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour faire tout ce qui est en son pouvoir dans tous les territoires, y compris, bien entendu, les territoires ultramarins, dont la Martinique. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
réhabilitation d’une ligne ferrée existante permettant le désenclavement du centre var
M. le président. La parole est à Mme Claudine Kauffmann, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Mme Claudine Kauffmann. Ma question s’adresse à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Le Gouvernement adopte actuellement, à l’encontre des automobilistes, des mesures drastiques visant à réduire la circulation des véhicules particuliers et son incidence sur l’environnement. Certaines zones de notre territoire se voient infliger cette dissuasion sans qu’on leur propose pour autant des solutions de substitution en termes de transports.
À cet égard, l’arrière-pays varois est un exemple révélateur. Sa population, qui a crû de 30 % en vingt ans, n’a d’autre choix que d’utiliser des véhicules automobiles pour se déplacer. En effet, le centre Var est dépourvu de toute ligne ferroviaire, le train ne desservant que le littoral.
Est-il nécessaire de préciser qu’il s’agit là d’une forte entrave au développement économique, à la création d’emplois, à la formation de nos jeunes et à la préservation de l’environnement ?
Pourtant, une ligne ferrée existe. Reliant Carnoules, Brignoles et Gardanne, elle offre des possibilités de connexions vers Marseille et Nice. Cependant, elle est demeurée inutilisée durant des décennies, à la satisfaction de certains lobbies locaux, mais au plus grand détriment de nos concitoyens.
Alors que les investissements dans notre réseau ferré ont concerné essentiellement les lignes à grande vitesse, pouvons-nous espérer du Gouvernement qu’il considère enfin que la priorité doit être désormais donnée aux transports locaux ?
Monsieur le ministre d’État, puis-je espérer que vous portiez une attention nouvelle à la réhabilitation de la ligne de chemin de fer que j’ai évoquée ? Cela permettrait l’indispensable désenclavement du centre Var. (Mme Christine Herzog applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser Élisabeth Borne, qui ne pouvait être présente au Sénat cette après-midi.
Les Assises de la mobilité, conduites par Élisabeth Borne, ont bien défini comme priorité la mobilité du quotidien, qui permet à nos concitoyens d’aller travailler, de vivre, d’avoir des loisirs au cœur de leur territoire.
Je ne peux que le constater avec vous, la desserte ferroviaire du Var est aujourd’hui difficile, et le mot est faible. En effet, depuis la modernisation de la ligne avec l’arrivée du TGV dans les années quatre-vingt, très peu d’investissements ont été réalisés.
Élisabeth Borne et moi-même savons que la situation du réseau ferroviaire est difficile dans ce territoire, qu’elle provoque désagréments, retards, difficultés pour les usagers, en particulier dans les déplacements du quotidien.
Vous proposez la réhabilitation d’une ligne ancienne. Cette dernière, pour des raisons évidentes de sécurité, n’est actuellement pas en mesure de recevoir des trains. Un tel projet est envisageable, mais sa réalisation et son financement doivent être étudiés avec le conseil régional dans le cadre d’un contrat de plan État-région.
Vous le savez, le budget reste contraint et, sur cette ligne en particulier, les travaux nécessaires sont excessivement importants. C’est précisément pour identifier les priorités qu’Élisabeth Borne a mis en place le Conseil d’orientation des infrastructures. Deux priorités principales ont été fixées : l’entretien et la modernisation des réseaux existants, d’une part, les transports du quotidien, d’autre part. Le Parlement a d’ailleurs été pleinement associé aux réflexions pour établir ces priorités et pour examiner les enjeux financiers. Pour moderniser les réseaux, il faut en effet des ressources.
Un rapport sera remis, sur la base duquel le Gouvernement engagera une démarche de concertation et de travail, afin de pouvoir inscrire dans un texte de programmation, au printemps prochain, les engagements retenus sur le fondement des priorités que je viens d’évoquer.
M. le président. La parole est à Mme Claudine Kauffmann, pour la réplique.
Mme Claudine Kauffmann. Je vous remercie, monsieur le ministre d’État. Je suivrai ce dossier avec le plus grand intérêt !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le jeudi 1er février 2018, à quinze heures.
6
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai le grand plaisir de saluer, au nom du Sénat, la présence dans notre tribune officielle d’une délégation de sénateurs du Kenya, conduite par M. Kenneth Makelo Lusaka, président du Sénat kényan, créé en 2013. (Mmes et MM. les sénateurs, M. le Premier ministre, Mmes et MM. les ministres se lèvent.)
La délégation effectue actuellement un séjour d’étude au Sénat sur les thèmes du bicamérisme, de la procédure législative, de l’évaluation des politiques publiques : c’est là d’ailleurs, pour nous-mêmes, tout un programme pour les temps qui viennent ! (Sourires.)
Après plusieurs entretiens sur ces sujets, la délégation a été reçue par nos collègues du groupe interparlementaire d’amitié France-Madagascar et pays de l’océan Indien, que préside Mme Nassimah Dindar.
La délégation vient de s’entretenir avec nos collègues Charles Guené, vice-président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Le vice-président Philippe Dallier la recevra dans quelques instants.
Nous sommes sensibles à l’intérêt que la délégation porte à notre institution. Au nom du Sénat de la République, je forme des vœux pour que son séjour lui soit profitable ! (Applaudissements prolongés.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinq, sous la présidence de M. David Assouline.)
PRÉSIDENCE DE M. David Assouline
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Renforcement du dialogue social
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Articles additionnels avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 18, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est abrogée.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Permettre qu’un accord d’entreprise puisse fixer des règles moins favorables que celles qui sont prévues par un accord collectif, voire par la loi, est une vieille revendication du MEDEF, qui a gagné du terrain petit à petit.
L’inversion de la hiérarchie des normes sociales et la remise en cause du principe de faveur ne sont malheureusement pas des nouveautés. Elles s’inscrivent dans la continuité des lois Fillon de 2004, Bertrand de 2008, Macron de 2015, Rebsamen de 2016 et El Khomri de 2017, qui ont élargi le champ du possible en la matière.
C’est l’importance des domaines concernés par la généralisation de l’inversion des normes qui apparaît comme la véritable innovation de ce texte. En effet, à l’exception de ceux du salaire et des normes d’hygiène et de sécurité, l’accord d’entreprise pourra déroger à presque tout le code du travail. Cette généralisation n’aurait pas été possible sans la loi El Khomri, contre laquelle des millions de personnes se sont mobilisées.
En effet, si le gouvernement précédent n’avait pas ouvert la boîte de Pandore de la libéralisation du droit du travail en inversant la hiérarchie des normes, en instaurant un barème indicatif des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif, en donnant une définition variable du licenciement économique selon la taille des entreprises et en remplaçant la visite médicale d’embauche par une visite de prévention tous les cinq ans, son successeur n’aurait pas eu les coudées aussi franches pour proposer un tel recul des protections collectives.
Pour notre groupe, la modernité consiste, au contraire, à combattre les inégalités et les injustices. Aussi demandons-nous, par cet amendement, l’abrogation des mesures contenues dans la loi El Khomri afin de revenir aux règles de droit antérieures, qui, si elles n’étaient pas parfaites, entérinaient néanmoins un certain équilibre, fondé sur des décennies de luttes sociales.
Il ne s’agit pas ici de prôner une forme de conservatisme, nous demandons au contraire l’abrogation de mesures régressives et passéistes, dans l’intérêt des salariés, de l’emploi et de l’économie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
La loi Travail a eu, selon nous, le mérite d’accélérer la transformation de notre droit du travail, en donnant plus de place à l’accord d’entreprise. Comme je l’ai dit en commission et lors de la discussion générale, cette tendance est ancienne. Elle suscite des craintes, mais je suis convaincu que nous devons accompagner cette réforme pour moderniser le code du travail et répondre aux attentes des partenaires sociaux dans les branches et dans les entreprises.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Il est bien sûr défavorable. Ce texte a été bâti sur la confiance dans le dialogue social, il constitue la première étape de la transformation de notre modèle social ; nous l’assumons pleinement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 50 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 266 |
Pour l’adoption | 15 |
Contre | 251 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 19, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° À la première phrase de l’article L. 2251-1, les mots : « peut comporter » sont remplacés par les mots : « ne peut comporter que » ;
2° L’article L. 2252-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « interprofessionnel », est inséré le mot : « ne » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
3° Le dernier alinéa de l’article L. 2253-1 est ainsi rédigé :
« Cet accord ne peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés. » ;
4° Les articles L. 2253-4 et L. 3122-6 sont abrogés.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Au travers de cet amendement de repli par rapport au précédent, nous souhaitons insister sur la question du temps de travail.
La généralisation de l’inversion de la hiérarchie des normes à l’ensemble du droit du travail a été engagée par la loi El Khomri, contre laquelle des millions de personnes s’étaient mobilisées. Nous déplorons que le gouvernement précédent ait ouvert la boîte de Pandore de la libéralisation du droit du travail en promouvant cette évolution et en supprimant le principe de faveur. Il n’est pas surprenant qu’aujourd’hui vous proposiez une régression des protections collectives. Les salariés s’étaient fortement mobilisés contre la loi El Khomri car ils avaient bien perçu les dangers que faisait peser sur eux au quotidien cette flexibilisation du droit du travail.
Madame la ministre, vous dites assumer ces ordonnances et ce projet de loi, mais vous n’avancez pas d’arguments pour nous démontrer que ces textes protègent les salariés, à l’encontre de ce que donnent à penser les exemples assez terrifiants que nous observons dans les entreprises.
Cet amendement vise à abroger l’article 2 de la loi El Khomri, qui permet la négociation à l’échelle de l’entreprise de l’essentiel des dispositions relatives au temps de travail. On peut penser, par exemple, que la loi sur les 35 heures pourrait, par ce biais, être largement remise en cause.
Hormis l’emblématique 1er mai, auquel aucun gouvernement n’a encore tenté de s’attaquer, l’ensemble des congés payés pourra être supprimé par accord d’entreprise.
L’inversion de la hiérarchie des normes ne peut pas être favorable aux salariés, étant donné la réalité des relations sociales dans la plupart des entreprises françaises et les discriminations subies par les représentants des salariés.
En un sens, cette loi a dénaturé la finalité même du code du travail, lequel doit, d’abord, protéger le salarié dans le cadre du rapport de subordination qui le lie à son employeur, et non déterminer le niveau de flexibilité et de précarité de son contrat de travail.
Permettre aux patrons de mettre en place, dans chaque entreprise, des accords instaurant moins de droits pour les salariés que ce que prévoit l’accord de branche ou la loi n’a jamais permis des embauches supplémentaires et ne peut que déboucher sur une réduction des protections dont bénéficient les salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’expression « inversion de la hiérarchie des normes » est source de malentendus. La loi, aux termes de l’article 34 de la Constitution, reste dans notre pays la seule norme propre à distribuer les compétences entre les différents acteurs. C’est la loi qui fixe l’ordre public social, les règles dans les domaines régaliens, les compétences accordées à la négociation de branche ou d’entreprise et, enfin, les règles supplétives en l’absence d’accord.
Par ailleurs, le principe de faveur continue d’exister dans le code du travail à travers la notion d’équivalence de garanties, utilisée pour autoriser un accord d’entreprise à traiter de sujets relevant normalement d’un accord de branche.
L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. M. le rapporteur l’a dit, il n’y a pas d’inversion des normes. Invoquer aussi lourdement cette notion s’apparente presque à de la désinformation.
En matière de protection des salariés, je crois beaucoup plus au dialogue qu’au conflit. La nouveauté, c’est que nous nous inscrivons aujourd’hui dans une logique de dialogue social plutôt que de conflit. Nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Il faut effectivement s’entendre sur les termes. Où est le dialogue social quand on retire toutes garanties aux salariés, notamment en termes de représentation ? On voudrait faire croire que tout le monde est à égalité dans l’entreprise, le grand patron, la direction, les salariés, sans aucune hiérarchie, et que, par conséquent, il ne serait pas nécessaire que des règles protègent ces derniers… En réalité, il importe que le code du travail prévoie des protections en matière de temps de travail, de conditions de travail, etc.
Que l’on ne nous dise pas que rien ne va changer, que tout a été bien pensé : nous disposons d’exemples qui prouvent le contraire ! Si tout est aussi bien que vous le prétendez, alors pourquoi bouleverser le code du travail ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 51 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 267 |
Pour l’adoption | 15 |
Contre | 252 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 1er
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective est ratifiée.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, pour beaucoup d’entre vous, semble-t-il, le débat sur le bien-fondé des ordonnances a eu lieu lors de l’examen du projet de loi d’habilitation et il faut maintenant que ces mesures puissent entrer en application.
Monsieur le président Milon, vous avez affirmé tout à l’heure, en donnant l’avis de la commission sur la motion tendant à opposer la question préalable, qu’il ne s’agit que de textes techniques. Il ne nous resterait plus, en somme, qu’à approuver docilement les modifications du droit du travail proposées. J’y reviendrai, et nous verrons si ces textes sont aussi techniques que vous le dites !
Notre groupe a décidé, au contraire, de débattre du contenu des ordonnances et a déposé à cette fin une cinquantaine d’amendements, par respect pour nos convictions et pour celles et ceux qui nous ont accordé leur confiance et attendent de nous que nous ne laissions pas passer ces textes sans sourciller.
Cet article 1er, en particulier, ne nous a pas laissé sans réaction ! Jusqu’à présent, la loi garantissait à toutes et à tous des droits dans l’entreprise. Il était possible de s’entendre, au sein de la branche ou de l’entreprise, pour établir des règles plus favorables aux salariés, par le dialogue social, précisément, et pas forcément par le conflit. C’est ce que l’on appelait le « principe de faveur ».
Dorénavant, madame la ministre, la norme sera fixée à l’échelon de l’entreprise et il sera possible de déroger aux accords de branche pour introduire des mesures moins favorables aux salariés. Vous parlez de « renforcement de la négociation collective ». Qui peut être contre ? Mais, en vérité, il faut entendre « renforcement des dispositions moins favorables pour les salariés, au niveau de l’entreprise ou de la branche, que ce qui figure dans la loi ». Voilà en quoi la hiérarchie des normes est renversée : le principe de faveur devient un principe de défaveur. Une entreprise pourra déroger à un accord de branche : que vaudra ce dernier, s’il ne s’applique pas à toutes les entreprises ?
Vous prétendez qu’il s’agit d’une loi technique : allez donc dire aux salariés que la prime d’ancienneté, le treizième mois, l’épargne salariale sont des sujets techniques !
Plus que le patron, qu’il ne faut pas diaboliser, ce qui fait peur aux salariés, c’est le chômage ! Il prive de la parole ! Qui aura le dernier mot ? Le patron, pas le salarié.
M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure. Vous pourrez reprendre la parole pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Par ailleurs, vous renforcez les mesures dérogatoires au bénéfice des petites entreprises, mais il faut savoir que 33 % des entreprises de 10 à 20 salariés et 54 % des entreprises de 20 à 50 salariés appartiennent en réalité à un groupe. Pour les entreprises dont l’effectif salarié est supérieur, ce taux dépasse même 80 %. Il ne s’agit donc pas d’aider les TPE.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 20 est présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 71 est présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 20.
M. Guillaume Gontard. L’article 1er ratifiant l’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective réorganise les rapports entre la loi, les accords de branche et les accords d’entreprise.
Au travers de cette ordonnance, le Gouvernement entend parachever l’inversion de la hiérarchie des normes en matière de droit du travail et la remise en cause du principe de faveur.
Dans la continuité de la loi El Khomri, il s’agit d’élargir le champ de la négociation collective en généralisant la primauté de l’accord d’entreprise, ce qui contribuera à l’affaiblissement des protections légales et conventionnelles.
Sur de nombreux points, le code du travail se trouve modifié dans un sens particulièrement régressif : primauté donnée à l’accord collectif sur le contrat de travail, instauration du référendum d’entreprise à l’initiative de l’employeur, élargissement des possibilités de négociation en l’absence de délégué syndical.
Désormais, ce sont les accords d’entreprise qui fixeront les conditions d’emploi et de travail des salariés en matière de salaires minima, de classifications, de durée du travail, de droit à la formation, de mesures relatives aux CDD, aux CDI et aux nouveaux CDI dits « de chantier », d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, de mise à disposition de salariés temporaires auprès d’une entreprise utilisatrice, de rémunération des salariés portés, etc.
Loin de simplifier le code du travail et de renforcer les droits des salariés, le texte entérine des reculs sociaux sans précédent. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 71.
M. Jean-Louis Tourenne. Nous demandons la suppression de l’article 1er pour les mêmes raisons que les auteurs de l’amendement précédent. Je n’y reviendrai pas, mais j’évoquerai un sujet d’inquiétude, voire d’angoisse. J’avais cru comprendre que l’appréciation de la pénibilité était du ressort de l’accord de branche. Or elle relèvera en fait des accords d’entreprise, sauf « verrouillage » de l’accord de branche. C’est tout de même traiter un peu légèrement ce qui touche à la génération de handicaps, voire de maladies professionnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cette ordonnance comporte des apports importants sur des sujets aussi divers que l’articulation entre les accords de branche et les accords d’entreprise, l’instauration d’un régime juridique unique pour les accords de flexisécurité ou encore l’assouplissement des règles de mandatement syndical.
Par ailleurs, cette réforme n’entraînera pas une concurrence sociale déloyale entre entreprises d’une même branche, car si un accord d’entreprise empiète sur les domaines relevant des accords de branche, il ne s’appliquera que s’il offre aux salariés des garanties au moins équivalentes à celles qui ont été prévues à l’échelon de la branche.
L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Ces amendements visent à supprimer des dispositions permettant à l’entreprise de choisir, au profit des salariés, les mesures les plus adaptées à son mode de fonctionnement, à sa taille, à son secteur d’activité. Les membres du groupe La République En Marche sont pour le dialogue social. Ils ne peuvent donc que voter contre ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 et 71.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 52 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 93 |
Contre | 252 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – Le livre II de la deuxième partie du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 précitée, est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l’article L. 2232-11, après le mot : « conclu », sont insérés les mots : « soit au niveau du groupe, » ;
1° bis (nouveau) Au premier alinéa du II de l’article L. 2232-23-1 et au dernier alinéa de l’article L. 2232-25, après le mot : « exprimés », sont insérés les mots : « en faveur des membres du comité social et économique » ;
1° ter (nouveau) À l’article L. 2232-22, après la seconde occurrence du mot : « accord », sont insérés les mots : « d’entreprise » ;
1° quater (nouveau) Le chapitre IV bis du titre III est abrogé ;
2° L’article L. 2241-5 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « négociations », sont insérés les mots : « et leur périodicité, » ;
b) Au début du 2°, les mots : « La périodicité et » sont supprimés ;
c) Au dernier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « cinq » ;
2° bis (nouveau) La sous-section 6 de la section 3 du chapitre Ier du titre IV est abrogée ;
3° L’article L. 2242-11 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « négociations », sont insérés les mots : « et leur périodicité, » ;
b) Au début du 2°, les mots : « La périodicité et » sont supprimés ;
3° bis Le dernier alinéa de l’article L. 2253-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette équivalence des garanties s’apprécie par ensemble de garanties se rapportant à la même matière. » ;
3° ter L’article L. 2253-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’équivalence des garanties mentionnée au premier alinéa du présent article s’apprécie par ensemble de garanties se rapportant à la même matière. » ;
4° L’article L. 2254-2 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) Au premier alinéa du I, les mots : « d’entreprise » sont remplacés par les mots : « de performance sociale et économique » ;
ab) (nouveau) Au troisième alinéa du I, les mots : « du salaire minimum interprofessionnel de croissance et des salaires minimas conventionnels » sont remplacés par les mots : « des salaires minima hiérarchiques » ;
a) Avant le dernier alinéa du II, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les modalités d’accompagnement des salariés ainsi que l’abondement du compte personnel de formation au-delà du montant minimal défini au décret mentionné au VI du présent article. » ;
b) Après le mot : « dernier », la fin du IV est ainsi rédigée : « a informé les salariés, par tout moyen conférant date certaine et précise, de l’existence et du contenu de l’accord, ainsi que du droit de chacun d’eux d’accepter ou de refuser l’application à son contrat de travail de cet accord. » ;
c) Le début du V est ainsi rédigé :
« V. – L’employeur dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement. Ce licenciement repose… (le reste sans changement). » ;
d) (nouveau) Le début de la deuxième phrase du VI est ainsi rédigé : « En l’absence des stipulations mentionnées au 4° du II du présent article, … (le reste sans changement). » ;
5° (nouveau) Après l’article L. 2262-14, il est inséré un article L. 2262-14-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2262-14-1. – Lorsque le juge est saisi d’une action en nullité mentionnée à l’article L. 2262-14, il rend sa décision dans un délai de trois mois. »
I. bis (nouveau) Les articles 11 et 17 de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 précitée sont abrogés.
II. – (Non modifié) L’article 13 de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 précitée est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Après l’article L. 2141-7 du code du travail, il est inséré un article L. 2141-7-1 ainsi rédigé : » ;
2° Au début, est ajoutée la mention : « Art. L. 2141-7-1. – » ;
3° Après le mot : « année », sont insérés les mots : « les salariés ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 21 est présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 72 est présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 21.
M. Pierre Laurent. L’article 2 prévoit la ratification de l’ordonnance n° 2017-1386 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise.
En fait de nouvelle organisation, il s’agit plutôt d’une nouvelle restriction apportée au dialogue social. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
L’ordonnance précitée fusionne en effet les trois instances représentatives du personnel au sein d’un comité social et économique, faisant droit à une vieille revendication du patronat, lequel a toujours cherché à réduire place de la représentation syndicale dans l’entreprise. Ainsi disparaissent les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, dont l’intervention est pourtant ô combien nécessaire dans nombre de situations à risques. Le nombre de représentants syndicaux va diminuer de manière drastique, à l’inverse de ce qui serait souhaitable.
Cela va conduire à un éloignement des représentants syndicaux, alors qu’il faudrait au contraire rapprocher la représentation du personnel de l’ensemble des salariés, ainsi qu’à leur « professionnalisation », du fait de l’ampleur considérable des tâches qu’ils devront assumer. Comme l’a déclaré Fabrice Angéi, le représentant de la CGT qu’a entendu la commission des affaires sociales, l’affaiblissement du fait syndical qui en résultera, à un moment où les salariés ont au contraire besoin de médiateurs solides, peut déboucher sur l’apparition de conflits violents, alors même que les instances représentatives du personnel ont jusqu’à présent réussi, malgré les difficultés, à instaurer un dialogue. Il faut davantage de représentation des salariés, davantage de proximité, face à des directions aux pouvoirs démultipliés.
Pour toutes ces raisons, nous jugeons les dispositions présentées inquiétantes. Leur mise en œuvre limitera les droits de recourir à une expertise des futurs CSE en réduisant les prérogatives des représentants syndicaux. Ainsi, il va être très compliqué, pour les syndicats, de diligenter une expertise pour faire annuler un plan social dont la mise en place entraînerait, par exemple, un risque avéré de surcharge de travail, comme ce fut le cas en 2013 à la FNAC.
Pour prendre un exemple tiré de l’actualité, on imagine les conséquences redoutables qu’aurait l’application de ces ordonnances dans une grande entreprise comme Carrefour, dont la direction vient d’annoncer un plan massif de suppression d’emplois.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 72.
M. Jean-Louis Tourenne. Je ne saurais dire mieux ! J’ajouterai simplement que le fait que l’accord collectif, quel qu’il soit, primera désormais le contrat de travail, notamment dans le cas des accords de compétitivité, dont j’ai souligné les dangers dans mon propos liminaire, permettra de justifier des licenciements, des modifications régressives du contrat de travail, et ce quelle que soit la situation de l’entreprise. Les entreprises risquent fort de s’engouffrer dans cette brèche…
Les accords collectifs bénéficieront d’une présomption de conformité à la loi, et le licenciement d’un salarié qui refusera la modification de son contrat de travail sera réputé pour motif personnel et pour cause réelle et sérieuse.
En d’autres termes, la signature du contrat de travail, tant par le salarié que par l’employeur, perd singulièrement de sa valeur. La question apparaît d’autant plus sérieuse lorsqu’on examine les conditions dans lesquelles les accords pourront être conclus : référendums à l’initiative patronale qui isolent les salariés et exercent sur eux une pression, signature par des salariés élus, disparition du mandatement, possibilité de recours à des voies diverses de contournement des syndicats et de leur déplaisante expertise juridique…
Au travers de ces ordonnances, on réussira donc la performance d’isoler le salarié tout en lui imposant ce qui semblera être le fruit d’un accord collectif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission des affaires sociales a adopté dix amendements à l’article 2 : neuf ont été présentés par son rapporteur, le dernier par Mme Gruny et plusieurs de ses collègues. Voter la suppression de l’article 2 reviendrait à ne pas reconnaître le travail accompli en commission. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il est évidemment défavorable. L’article 2 est intéressant, et la commission a beaucoup travaillé à l’améliorer.
Je voudrais par ailleurs apporter une petite précision juridique. L’article 2 prévoit de fusionner quatre types d’accords afin de rendre les choses plus simples et plus lisibles pour les salariés comme pour les entreprises. Le fait que l’accord collectif prime le contrat de travail n’est pas une nouveauté : c’était déjà le cas pour ces quatre types d’accords. Ce principe a été mis en œuvre pour la première fois en 2000 par Martine Aubry, pour l’instauration des 35 heures. Il ne me semblait pas inutile de faire ce petit rappel historique.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 72.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 22, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Les deuxième à huitième alinéas de l’article L. 2232-12 sont supprimés ;
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’article 10 de l’ordonnance relative à la négociation collective prévoit la faculté, pour l’employeur, de demander la tenue d’un référendum pour valider un accord signé par des organisations syndicales ayant recueilli plus de 30 % des voix.
Le référendum à l’initiative de l’employeur constitue selon nous, potentiellement, un instrument de contournement des organisations syndicales. Je rappelle que c’est par ce biais qu’a été entériné chez Smart, en 2015, le passage temporaire à 39 heures de travail payées 37, dans un contexte où une majorité de salariés étaient complètement terrorisés à l’idée de voir leur usine de Moselle délocalisée en Slovénie.
Risques de contournement des organisations syndicales, possibilité donnée aux employeurs de durcir les conditions de travail et de rémunération des salariés dans un contexte de chantage à l’emploi : voilà qui justifie, à nos yeux, la suppression de ces dispositions.
M. le président. L’amendement n° 74, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 2232-12 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
b) Le troisième alinéa est supprimé ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote sur l’amendement n° 22.
M. Martin Lévrier. Concernant le référendum à l’initiative de l’employeur, des garde-fous sont prévus : il ne peut être demandé qu’à l’issue d’un délai d’un mois et les organisations syndicales peuvent s’opposer à sa tenue si elles estiment que ce n’est pas une bonne idée.
Par ailleurs, prévoir que des organisations syndicales non signataires de l’accord majoritaire pourront signer le protocole va dans le bon sens, puisque cela permettra à toutes les organisations syndicales de s’exprimer sur les conditions d’organisation du référendum.
Nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je voudrais remercier les collègues qui prennent la peine de débattre au fond et le président de la commission, qui essaie de motiver ses avis…
M. Charles Revet. Il le fait toujours très bien !
Mme Laurence Cohen. … afin d’alimenter un débat démocratique. Je souhaiterais que Mme la ministre nous fournisse également des éléments de réponse et ne se borne pas à émettre des avis défavorables, en particulier lorsque nous évoquons des cas très concrets, comme vient de le faire mon collègue Dominique Watrin.
Le Gouvernement assume ses choix, dont acte, mais il doit les justifier, d’autant que le débat est déjà tronqué du fait du recours aux ordonnances. J’aimerais que le Gouvernement fasse un effort pour nous permettre de cheminer ensemble. Si le groupe CRCE condamne les mesures qu’il juge négatives, il s’efforce toujours de faire des propositions alternatives.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je voudrais répondre à M. Lévrier, qui a évoqué l’existence de garde-fous.
Toute la logique de la loi est de supprimer des droits pour les salariés et d’en créer pour les patrons. Le référendum d’entreprise est une vieille revendication patronale : vous ne pourrez pas dire le contraire, le MEDEF l’a suffisamment réclamé sur tous les tons ! Ce droit nouveau est par ailleurs pondéré, dites-vous, mais les dispositions présentées induisent au final un déséquilibre terrible au détriment de salariés qui se trouvent déjà dans une situation de très grande fragilité sociale. Cela conduira non pas à l’amélioration de la situation de l’emploi, mais à la précarisation de celui-ci. Vos arguments, mon cher collègue, ne renversent donc pas les nôtres.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Les entreprises de moins de 50 salariés sont les plus nombreuses. Dans 96 % de ces petites entreprises, il n’y a pas de délégués syndicaux, et ce n’est pas la guerre pour autant ! Un dialogue social existe déjà entre le chef d’entreprise et les salariés. Ce texte permettra de l’approfondir.
M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 17 rectifié ter, présenté par Mme Gruny, MM. Gremillet, Bonne et Daubresse, Mmes Garriaud-Maylam et Lamure, M. Lefèvre, Mme Imbert, M. Longuet, Mme Micouleau, MM. Raison, Perrin, Paccaud et Dallier, Mmes Eustache-Brinio et Lassarade, MM. Savary, Laménie, Mandelli et Rapin, Mme Deromedi, M. Mouiller et Mme Deseyne, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 2232-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable à la révision et à la dénonciation de la convention ou de l’accord qu’elles qu’aient été ses modalités de négociation et de ratification. » ;
…° Au premier alinéa de l’article L. 2232-21, après les mots : « d’accord », sont insérés les mots : « ou d’un avenant de révision » ;
II. – Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par six alinéas ainsi rédigés :
1° ter L’article L. 2232-22 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2232-22. – Lorsque le projet d’accord ou d’un avenant de révision mentionné à l’article L. 2232-21 est approuvé à la majorité des deux tiers du personnel, il est considéré comme un accord valide.
« L’accord ou l’avenant de révision ainsi conclu peut être dénoncé à l’initiative de l’employeur dans les conditions prévues par l’accord ou à défaut de stipulation expresse par les articles L. 2261-9 et suivants.
« L’accord ou l’avenant de révision peut également être dénoncé à l’initiative des salariés dans les conditions prévues par l’accord, ou à défaut de stipulation expresse, par les articles L. 2261-9 et suivants sous réserve des dispositions suivantes :
« Les salariés représentant les deux tiers du personnel notifient collectivement et par écrit la dénonciation à l’employeur.
« La dénonciation à l’initiative des salariés ne peut avoir lieu que pendant un délai d’un mois avant chaque date anniversaire de la conclusion de l’accord. »
III. – Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Aux premier et quatrième alinéas du I de l’article L. 2232-23-1 et au premier alinéa de l’article L. 2232-26, les mots : « et révisés » sont remplacés par les mots : « , révisés et dénoncés » ;
…° Aux premiers alinéas des articles L. 2232-24 et L. 2232-25, les mots : « et réviser » sont remplacés par les mots : « , réviser et dénoncer » ;
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. L’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2107 relative au renforcement de la négociation collective permettra aux employeurs des entreprises de moins de 11 salariés ou comptant entre 11 et 20 salariés sans élu à la délégation du personnel du comité social et économique de valider des accords après consultation des salariés et ratification par les deux tiers de ceux-ci. Elle permettra également aux employeurs des entreprises de moins de 50 salariés de négocier avec un salarié élu tout type d’accord.
Cet amendement prévoit en complément les modalités de révision et de dénonciation de tels accords conclus dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, quel que soit leur effectif.
M. le président. Le sous-amendement n° 198, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 17 rectifié ter
I. – Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 2232-21 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2232-21. – Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et dont l’effectif habituel est inférieur à onze salariés, l’employeur peut proposer un projet d’accord ou un avenant de révision aux salariés, qui porte sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective d’entreprise prévus par le présent code. La consultation du personnel est organisée à l’issue d’un délai minimum de quinze jours courant à compter de la communication à chaque salarié du projet d’accord. Les conditions d’application de ces dispositions, en particulier les modalités d’organisation de la consultation du personnel, sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
II. – Après l’alinéa 13
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 2232-22 du code du travail, il est inséré un article L. 2232-22-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2232-22-1. – Les modalités de révision et de dénonciation prévues à l’article L. 2232-22 sont applicables aux accords collectifs quelles qu’aient été les modalités de leur conclusion lorsque l’entreprise vient à remplir postérieurement les conditions prévues aux articles L. 2232-21 et L. 2232-23. » ;
…° L’article L. 2232-23 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2232-23. – Dans les entreprises dont l’effectif habituel est compris entre onze et vingt salariés, en l’absence de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, les dispositions des articles L. 2232-21, L. 2232-22 et L. 2232-22-1 s’appliquent. » ;
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’amendement n° 17 rectifié ter tend à compléter utilement le dispositif de l’ordonnance, qui prévoit les modalités de la conclusion de l’accord, mais pas celles de sa révision ou de sa dénonciation.
Dans la même logique, le sous-amendement du Gouvernement vise à prévoir le cas où une entreprise ayant conclu un accord avec un délégué syndical se trouverait par la suite dépourvue de délégué syndical.
M. le président. L’amendement n° 75, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Les articles L. 2232-21 à L. 2232-23 sont abrogés ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise à éviter la conclusion d’accords au moyen d’une procédure permettant le contournement des organisations syndicales et une validation par référendum dans les entreprises de moins de 50 salariés.
M. le président. L’amendement n° 151, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article L. 2232-21 est abrogé ;
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement est retiré.
M. le président. L’amendement n° 151 est retiré.
L’amendement n° 76, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 2232-21 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2232-21. – En l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise ou l’établissement, ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les représentants élus du personnel au comité social et économique ou, à défaut, les représentants de proximité peuvent négocier, conclure et réviser des accords collectifs de travail s’ils sont expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel. Une même organisation ne peut mandater qu’un seul salarié.
« Les organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel sont informées par l’employeur de sa décision d’engager des négociations. » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. L’ordonnance rendra possible la négociation d’accords sans les syndicats dans les entreprises de moins de 50 salariés et permettra à l’employeur d’obtenir la validation d’un accord par référendum, en négligeant le rapport de sujétion inhérent à la relation de travail entre le chef d’entreprise et les salariés.
Nous proposons donc de redonner leur place légitime aux syndicats dans les TPE, en supprimant le référendum et en restaurant le mandatement, dont nous pensons qu’il constitue une réponse adaptée dans les petites entreprises et qu’il permet le respect du droit des salariés.
M. le président. L’amendement n° 77, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 2232-21 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La validité des accords ou des avenants de révision conclus en application du présent article est soumise à l’approbation de la commission paritaire de branche. La commission paritaire de branche contrôle que l’accord collectif n’enfreint pas les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles applicables.
« Si cette condition n’est pas remplie, l’accord est réputé non écrit. » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Nous proposons d’introduire la validation obligatoire de la commission de validation des accords collectifs pour les accords conclus par des élus non mandatés. Cela permettra de répondre à une double inquiétude quant au renforcement du rôle régulateur de la branche, d’une part, et à la remontée effective des informations de terrain au niveau de la branche, d’autre part.
Cet amendement répond pleinement à l’objectif affiché par le Gouvernement de conserver à la branche « un rôle essentiel pour réguler les conditions de concurrence et définir des garanties économiques et sociales ».
Il s’agit en fait de s’assurer que des accords n’ont pas été conclus par des moyens détournés et qu’ils sont en parfaite conformité avec la loi.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Bignon, Capus, Fouché, Guerriau, Lagourgue et A. Marc, Mme Mélot, MM. Wattebled, Luche et Cigolotti, Mme F. Gerbaud, M. Delcros, Mme C. Fournier et M. Longeot, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 2232-22 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les votes ont lieu habituellement à main levée. Le vote est à bulletin secret si un salarié en fait la demande. » ;
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. L’article 8 de l’ordonnance n° 2017-1385 vise à faciliter la négociation au sein des entreprises de moins de 20 salariés dépourvues de délégué syndical, ce qui représente l’immense majorité des cas. Toutefois, ni cet article ni son décret d’application ne mentionnent les modalités du vote par référendum. Le présent amendement vise à remédier à cette lacune.
M. le président. L’amendement n° 79, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article L. 2232-23 est abrogé ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Il s’agit d’un amendement de conséquence relatif aux entreprises de 11 à 20 salariés.
On incite les employeurs à contourner les syndicats en leur ouvrant la possibilité de proposer unilatéralement un accord, qui sera validé s’il est ratifié par au moins deux tiers des salariés. Après avoir affaibli la voix des salariés dans les très petites entreprises, on fait de même pour les petites entreprises.
Les quelques mesures censées renforcer la présence syndicale dans les petites entreprises ne sont pas convaincantes. Les accords instituant les commissions paritaires régionales interprofessionnelles n’ont pas fait l’objet d’une évaluation loyale et sincère pour leur donner leur chance.
M. le président. L’amendement n° 80, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer sept alinéas ainsi rédigés :
…° Le I de article L. 2232-23-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « compris entre onze et moins de » sont remplacés par les mots : « inférieur à » ;
b) Le 1° est ainsi modifié :
- le mot : « Soit » est supprimé ;
- est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel sont informées par l’employeur de sa décision d’engager des négociations. » ;
c) Au 2°, le mot : « Soit » est remplacé par les mots : « À défaut de salarié mandaté conformément au paragraphe précédent » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Il s’agit d’un autre amendement de conséquence, concernant cette fois les entreprises de moins de 50 salariés.
L’article 2 tend à permettre de contourner la représentation syndicale dans les entreprises de 11 à 50 salariés. En effet, la négociation peut avoir lieu avec des salariés mandatés ou des élus au choix de l’employeur, sans préférence pour l’une ou l’autre de ces modalités. De plus, le texte ne prévoit aucune obligation d’avertir les organisations syndicales de l’existence d’une volonté de négocier, en violation du principe de participation et de négociation loyale.
Nous proposons donc de redonner aux syndicats et aux salariés mandatés la priorité pour négocier. À défaut de salarié mandaté, nous ouvrons la possibilité de négocier à un ou des membres de la délégation du personnel du CSE. En outre, nous rétablissons l’obligation, pour l’employeur, d’informer les syndicats qu’il souhaite engager des négociations.
M. le président. L’amendement n° 81, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa du I de l’article L. 2232-23-1, les mots : « compris entre onze et moins de » sont remplacés par les mots : « inférieur à » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Les deux premiers paragraphes de l’article 8 de l’ordonnance n° 2017-1385 vont bien au-delà de ce qu’autorisait l’habilitation. Par une décision en date du 7 septembre 2017, le Conseil constitutionnel a reconnu que cette consultation des salariés était conforme à la Constitution parce qu’il s’agissait de valider un accord conclu. En d’autres termes, le Conseil constitutionnel n’a pas autorisé le recours au référendum pour valider un accord proposé de façon unilatérale par l’employeur.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer la possibilité de recourir au référendum dans les entreprises de moins de 50 salariés.
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° bis Les articles L. 2232-21 à L. 2232-23-1 sont abrogés ;
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. L’article 8 de l’ordonnance relative à la négociation collective prévoit que, dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’employeur pourra, de manière unilatérale, soumettre à référendum ses décisions portant sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective.
Le danger que présente cette mesure est flagrant : le référendum que vous voulez inscrire dans la loi n’est en aucun cas une forme de consultation démocratique. Les salariés seront en effet placés devant un choix binaire : accepter ou refuser les propositions qui leur sont soumises, sans pouvoir proposer une autre solution.
Il existe évidemment un autre risque : que le refus soit immédiatement sanctionné, dans une forme de chantage à l’emploi tout à fait inacceptable.
La logique référendaire est la négation même du dialogue social. C’est même la raison d’être de ce type de dispositif que de court-circuiter le dialogue social pour imposer la volonté patronale.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer cette prétendue nouvelle modalité de négociation et de lui substituer une procédure de mandatement dans les entreprises de moins de 50 salariés dépourvues de délégué syndical.
M. le président. L’amendement n° 179, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par neuf alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 2232-23-1 est ainsi modifié :
a) Le dernier alinéa du I est supprimé ;
b) Au premier alinéa du II, après le mot : « exprimés », sont insérés les mots : « en faveur des membres du comité social et économique » ;
c) Après le premier alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’appréciation de la condition de majorité prévue au premier alinéa, lorsqu’un accord est conclu par un ou des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique central, il est tenu compte, pour chacun des membres titulaires de la délégation, d’un poids égal au rapport entre le nombre de suffrages exprimés dans l’établissement en faveur de ce membre et du nombre total des suffrages exprimés dans chaque établissement en faveur des membres titulaires composant ladite délégation. »
…° L’article L. 2232-25 est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, après le mot : « exprimés », sont insérés les mots : « en faveur des membres du comité social et économique » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Pour l’appréciation de la condition de majorité prévue au troisième alinéa, lorsqu’un accord est conclu par un ou des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique central, il est tenu compte, pour chacun des membres titulaires de la délégation, d’un poids égal au rapport entre le nombre de suffrages exprimés dans l’établissement en faveur de ce membre et du nombre total des suffrages exprimés dans chaque établissement en faveur des membres titulaires composant ladite délégation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement répond à un double objectif : modifier l’insertion dans le code du travail des apports de la commission sur les règles de validité des accords collectifs signés par les élus du personnel dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, afin de tenir compte de la sixième ordonnance « travail » du 20 décembre 2017, et corriger certaines erreurs de rédaction de cette ordonnance. Il s’agit donc d’un amendement de coordination juridique.
M. le président. L’amendement n° 78, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par six alinéas ainsi rédigés :
1° ter L’article L. 2232-22 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2232-22. – En l’absence de représentant élu du personnel mandaté en application de l’article L. 2232-21, les représentants élus titulaires du comité social et économique ou à l’instance mentionnée à l’article L. 2391-1 ou, à défaut, les délégués titulaires du personnel qui n’ont pas été expressément mandatés par une organisation mentionnée à l’article L. 2232-21 peuvent négocier, conclure et réviser des accords collectifs de travail.
« Cette négociation ne porte que sur les accords collectifs de travail relatifs à des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, à l’exception des accords collectifs mentionnés à l’article L. 1233-21.
« La validité des accords ou des avenants de révision conclus en application du présent article est subordonnée à leur signature par des membres titulaires élus au comité d’entreprise ou à la délégation unique du personnel ou, à défaut, par des délégués du personnel titulaires représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. Si cette condition n’est pas remplie, l’accord ou l’avenant de révision est réputé non écrit.
« Les accords conclus en application du présent article sont transmis pour information à la commission paritaire de branche. L’accomplissement de cette formalité n’est pas un préalable au dépôt et à l’entrée en vigueur des accords.
« À défaut de stipulations différentes d’un accord de branche, la commission paritaire de branche comprend un représentant titulaire et un représentant suppléant de chaque organisation syndicale de salariés représentative dans la branche et un nombre égal de représentants des organisations professionnelles d’employeurs. » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission n’a pas examiné le sous-amendement n° 198 du Gouvernement, qui vise la création des articles L. 2232-21 et L. 2232-22-1 du code du travail, afin d’autoriser les entreprises dont l’effectif est inférieur à 20, voire à 11 salariés, et qui sont ainsi dépourvues de délégué syndical, à bénéficier de l’actuel assouplissement des règles de mandatement.
Ce sous-amendement est utile ; son adoption permettra aux salariés de dénoncer et de modifier les accords antérieurs, indépendamment de leur mode de conclusion. À titre personnel, j’y suis donc favorable.
La commission est favorable à l’amendement n° 17 rectifié ter de Mme Gruny.
L’amendement n° 75, comme plusieurs autres amendements, tend à contester la réforme du mandatement. Aussi, je souhaite rappeler précisément la position de la commission sur ce sujet.
La commission soutient les mesures proposées par le Gouvernement, car celles-ci visent à favoriser la conclusion d’accords dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical.
À cet égard, je rappelle que seulement 4 % des entreprises de 11 à 49 salariés disposent d’un délégué syndical. Comme on ne peut pas forcer un salarié à devenir délégué syndical, que le mandatement a montré depuis longtemps ses limites et que le statu quo n’est plus acceptable, il fallait bien proposer de nouvelles règles.
Dans les entreprises de moins de 11 salariés dépourvues de délégué syndical, et dans celles qui emploient moins de 20 salariés et qui sont également dépourvues d’élus du personnel, l’employeur peut désormais conclure directement avec les salariés un accord collectif qu’il a préparé, portant sur l’un des thèmes ouverts à la négociation dans le code du travail, si les deux tiers du personnel l’acceptent.
Dans les entreprises de 11 à 50 salariés dépourvues de délégué syndical, mais dotées d’élus du personnel, l’employeur qui souhaite conclure un accord a dorénavant le choix entre trois possibilités mises sur un pied d’égalité : il peut le signer soit avec des élus non mandatés, soit avec des élus mandatés, soit avec des salariés non élus, mais mandatés.
Les règles ont donc été considérablement assouplies pour les entreprises employant moins de 50 salariés et dépourvues de délégué syndical. À nos yeux, il s’agit d’une avancée majeure par rapport aux règles antérieures. D’ailleurs, le Sénat, lors de l’examen de la loi Travail, avait déjà proposé une réforme similaire.
La commission approuve donc cette réforme, qui permettra de développer le dialogue social dans les petites entreprises, souvent oubliées du législateur, et qui pourrait susciter des vocations parmi les salariés pour rejoindre des syndicats, si ceux-ci changent leur stratégie et s’adaptent à cette nouvelle donne.
En conséquence, la commission est défavorable à l’amendement n° 75.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 76, qui vise à redonner une forme de monopole aux élus mandatés pour conclure des accords dans les entreprises sans délégué syndical. Nous avons tous constaté l’échec des règles antérieures. Aussi, nous devons essayer d’autres voies pour augmenter le nombre d’accords conclus dans les petites entreprises.
L’amendement n° 77, également présenté par M. Tourenne, tend à introduire l’approbation obligatoire des projets d’accords négociés dans les entreprises dépourvues de délégué syndical par la commission paritaire de branche. L’obligation d’obtenir l’aval de la commission paritaire de branche serait, selon la commission, un frein à la conclusion des accords collectifs dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Chasseing, m’apparaissait satisfait par l’article 1er du décret du 26 décembre 2017, qui dispose, au travers de l’article R. 2232-10, que « le caractère personnel et secret de la consultation est garanti ».
Cela dit, la proposition de notre collègue me semble intéressante et plus opérationnelle que le décret. J’avais proposé en commission un avis de sagesse, sous réserve d’une rectification pour introduire la notion de bulletin secret. La modification ayant été apportée par notre collègue, la commission émet un avis de sagesse sur cet amendement.
La commission est évidemment défavorable à l’amendement n° 79, qui vise à tirer les conséquences de l’amendement n° 77.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 80, qui tend à vider de sa substance la réforme proposée par la première ordonnance, en redonnant la priorité au mandatement.
L’amendement n° 81 de conséquence vise à ouvrir à toutes les entreprises de moins de 50 salariés les possibilités prévues à l’article L. 2232-23-1 du code du travail, qui conserve la priorité aux élus du personnel mandatés pour conclure un accord. La commission est défavorable à cet amendement, qui remet en cause la logique de la réforme proposée par le Gouvernement.
La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 23, pour les raisons déjà évoquées, ainsi que sur l’amendement n° 78, qui vise à rétablir les anciennes règles relatives à la conclusion d’accords dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je ne détaillerai pas l’avis du Gouvernement sur chacun des amendements. Je veux plutôt revenir sur deux points, pour être sûre que nous parlions tous de la même chose, car c’est très important.
Je rappelle ce que la loi prévoit pour les entreprises de moins de 50 salariés.
Premièrement, un délégué syndical peut être désigné. C’est la priorité et l’objectif même de la loi, mais seulement 4 % d’entre elles en comptent un, et l’on ne peut imposer à personne d’être délégué syndical…
Deuxièmement, le mandatement est toujours possible ; nous ne l’avons pas supprimé. Un salarié ou un élu mandaté peut tout à fait négocier, mais l’expérience prouve qu’il y a extrêmement peu de salariés candidats au mandatement. Ce système est mis en place depuis une vingtaine d’années ; force est de constater qu’il ne fonctionne pas.
Troisièmement, nous avons prévu l’élection de délégués du personnel.
Pourquoi est-ce important ? Nous en sommes tous conscients ici, me semble-t-il, la moitié des salariés travaillent dans de petites entreprises. Il serait paradoxal que, pour les questions les concernant directement, l’expression des salariés soit inférieure dans les entreprises de petite taille à celle des salariés travaillant dans les plus grandes, celles-ci ayant plus les moyens de structurer le dialogue. En termes d’équité, il importe que tous les salariés aient leur mot à dire sur la marche de l’entreprise.
Des précautions ont effectivement été prises, avec le délégué du personnel, par exemple. On a aussi parlé précédemment du référendum. Toutes ces mesures sont très encadrées. Néanmoins, il est important de donner un signal aux salariés des petites entreprises : ils ont aussi, je le répète, leur mot à dire et peuvent le faire sous la forme qu’ils souhaitent.
Par ailleurs, j’en suis persuadée, au vu de mon expérience, dès lors qu’une négociation est engagée dans l’entreprise, il est beaucoup plus facile de s’adresser alors au délégué syndical : l’idée même d’une négociation formalisée, avec un délégué du personnel, va entrer dans les mœurs.
Tous les accords signés, si les observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation ne sont pas supprimés – je ne le souhaite pas –, seront connus des partenaires sociaux et de l’administration, ce qui permettra aux organisations syndicales de savoir où se trouve la dynamique de négociation, afin de cibler leurs efforts.
Aujourd’hui, quelque 1,3 million d’entreprises de petite taille n’ont pas les moyens de savoir où il peut y avoir une dynamique. Il est donc dans l’intérêt des salariés, du dialogue social dans ces entreprises et, finalement, des organisations syndicales que de prévoir cette possibilité.
Permettez-moi maintenant de revenir sur la question de la consultation dans les entreprises de moins de 11 salariés ou de moins de 20 salariés et qui sont dépourvues d’élus du personnel.
Comme cela a été évoqué, le décret précise les modalités d’application et les garanties : il prévoit que le caractère personnel et secret de la consultation est garanti – c’est très important. D’ailleurs, d’après les remontées de terrain qui nous parviennent depuis le début du mois, quelques accords ont été signés. Dans tous les cas, les salariés comme les employeurs – j’ai été surprise de constater que c’était aussi vrai chez ces derniers ! – préfèrent le caractère secret de la consultation, ce qui me conduit à m’inscrire en faux contre le vote à main levée proposé. Ils considèrent que les mesures prévues les sécurisent.
En effet, le décret prévoit, premièrement, que l’employeur doit communiquer aux salariés le projet d’accord quinze jours avant la date de la consultation ; deuxièmement, qu’une discussion entre les salariés doit avoir lieu en l’absence de l’employeur ; troisièmement, que les deux tiers des salariés doivent être d’accord ; quatrièmement, et enfin, que le débat peut être oral.
Dans de nombreux cas, sans mettre en place une machinerie très compliquée ressemblant à un référendum, les employeurs organiseront tout cela de manière simple, tout en garantissant le caractère confidentiel de la consultation. Cette bonne démarche, de nature à sécuriser l’accord, ne pose manifestement pas de problème.
J’ai compris l’intention – positive – de M. Chasseing, mais la proposition me semble superfétatoire : le décret qui prévoit le caractère personnel et secret de la consultation apporte la garantie nécessaire.
En conséquence, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 17 rectifié ter, tel qu’il sera modifié par le sous-amendement du Gouvernement, ainsi qu’à l’amendement n° 179 de la commission, qui vise un perfectionnement utile.
En revanche, il est défavorable à l’ensemble des autres amendements, car ces dispositions nous semblent témoigner d’un manque de confiance envers ce qui va se passer. Le cadre législatif et réglementaire permettra le développement du dialogue social dans les petites entreprises et tendra à le sécuriser : il faut faire confiance aux acteurs. D’ailleurs, nous suivrons tout cela de très près et nous vous en rendrons compte, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. J’ai entendu les explications fournies par Mme la ministre. C’est beau ! C’est magnifique ! C’est un monde idyllique ! C’est un conte de fées qui nous est raconté : dans l’entreprise, les employés ne subissent aucune pression,…
M. Jean-Louis Tourenne. … ils se sentent totalement libres d’exprimer leurs opinions. Bref, cela marche du tonnerre, et depuis toujours sans doute ! Depuis que les ouvriers et les patrons existent. Depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, c’est ainsi que le monde a évolué, par la confiance et la négociation collective. Voilà comment vous nous présentez les choses… Comprenez notre inquiétude !
Nous savons nous aussi comment fonctionne une entreprise : tout le monde s’entend sans doute bien dans la plupart des entreprises, mais cela ne signifie pas pour autant que la variable d’ajustement la plus facile, quand se posent des questions stratégiques, quand surviennent des difficultés, ne soit pas la compression du personnel ou la modification des conditions de travail. Or c’est ce que facilite le projet qui nous est soumis.
Au-delà de vos propos, auxquels vous croyez sûrement, madame la ministre, nous constaterons dans les années qui viennent, j’en suis persuadé, quelques difficultés.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié ter, modifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 75, 76, 77, 9 rectifié, 79, 23 et 78 n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 80.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 82, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise à rétablir les observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation. En effet, pourquoi les supprimer ? Ces observatoires ont a priori l’air plutôt inoffensif…
Toutefois, à bien les observer, ils seront institués sur l’initiative des DIRECCTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, et auront pour mission de favoriser et d’encourager le dialogue social et la négociation collective dans les entreprises de moins de 50 salariés.
Pour ce faire, il est prévu qu’ils établissent un bilan annuel du dialogue social dans le département, se prononcent sur toute difficulté rencontrée dans le cadre d’une négociation, sur la saisie d’un syndicat ou d’une organisation patronale, apportent leur concours ou leur expertise juridique aux entreprises dans le domaine du droit social.
De plus, ils seront paritaires et à présidence tournante.
En clair, ils risquent de ressembler à ces commissions régionales dont les représentants du patronat n’ont jamais accepté l’existence. On nous dira qu’il s’agit encore de réunions qui causent une perte de temps, alors que le vrai sujet – absolument insupportable – est que ces observatoires seront des tours de guet pour ce qui concerne la nature réelle du dialogue social dans les entreprises.
De plus, ils pourront être saisis par un syndicat, et donc « mettre leur nez » dans cette demande au sein des petites entreprises, alors que chacun sait combien le dialogue social s’y déroule dans un climat sympathique et convivial, où l’expertise juridique est superflue.
Nous estimons pour notre part que la création de ces observatoires n’est en rien superflue. D’ailleurs, madame la ministre, ces instances seraient un moyen de vérifier la mise en œuvre des mesures que vous envisagez.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Aucune disposition dans la loi d’habilitation n’autorisait la création de ces observatoires.
En outre, leur utilité est douteuse, car leurs missions ne sont pas clairement identifiées et leurs prérogatives ne sont pas définies. Ces instances pourront être saisies par les partenaires sociaux de « toutes difficultés rencontrées dans le cadre d’une négociation », mais les services de l’inspection du travail, ainsi que la branche professionnelle, peuvent déjà jouer ce rôle de conseil juridique.
Par ailleurs, le Sénat s’est toujours opposé à la multiplication des structures paritaires du dialogue social, comme les commissions paritaires régionales interprofessionnelles, les CPRI, qui méconnaissent la réalité du dialogue social dans les petites entreprises.
Enfin, le Gouvernement, en publiant un décret dès le 28 novembre 2017 pour installer ces observatoires, avant même la fin de l’examen du projet de loi de ratification des ordonnances, s’est montré certes diligent, mais aussi peu respectueux des prérogatives du Parlement sur cette question précise.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je suis favorable à cet amendement visant à rétablir le texte du Gouvernement.
Nous avions effectivement proposé la création d’observatoires tripartites, qui sont directement issus de la concertation. Comme je l’ai dit précédemment – je connais trop bien l’entreprise de l’intérieur et depuis trop longtemps pour que l’on puisse m’accuser de naïveté ou de méconnaissance ! –, nous souhaitons vraiment que le dialogue social puisse se développer dans les petites et moyennes entreprises.
Aujourd’hui, le dialogue social existe, mais il est informel, car le dialogue formel ne fonctionne absolument pas à cause de l’absence de délégués syndicaux. Nous créons un cadre de nature à sécuriser l’informel, à encourager et à amplifier le dialogue dans les entreprises où il n’existe pas encore. Il s’agit évidemment, il est vrai, d’un pan assez nouveau de notre histoire sociale. Nous faisons confiance aux acteurs pour aller dans ce sens, mais, parce que c’est nouveau, il convient de regarder comment cela se passera.
En outre, il faudra accompagner et sans doute soutenir, dans certains cas, les entreprises et les salariés, qui seront peut-être contents d’obtenir des conseils auprès de cette instance tripartite sur la marche à suivre, car ils ne s’adresseront pas à un avocat.
Ces observatoires nous permettront aussi de rendre compte au Parlement, en observant et en suivant les accords qui seront signés dans les entreprises de moins de 50 salariés.
Cet amendement fait partie de l’équilibre d’ensemble : il faut suivre l’évolution du développement du dialogue social dans les entreprises de moins de 50 salariés. Je le répète, car c’est rare (Sourires.) : je suis favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Mme la ministre l’a bien expliqué, on n’a pas eu le temps de mesurer l’efficacité de ces observatoires. C’est pourquoi le groupe La République En Marche votera cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 82.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 53 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 135 |
Contre | 210 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 2.
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 84, présenté par Mme Lienemann, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au 3° de l’article L. 2241-1, après le mot : « emplois », sont insérés les mots : « notamment pour ce qui concerne les contrats de travail à durée déterminée et les missions de travail temporaire et leur durée, » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. L’article L. 2241-2 du code du travail, relatif aux négociations annuelles de branche, prévoyait, dans son ancienne rédaction, l’obligation de négocier au moins une fois par an sur « l’évolution économique, la situation de l’emploi dans la branche, son évolution et les prévisions annuelles ou pluriannuelles établies, notamment pour ce qui concerne les contrats de travail à durée déterminée et les missions de travail temporaire ».
Une disposition analogue figure à l’article L. 2241-9 issu de l’ordonnance n° 2017-1385, mais seulement au titre des dispositions supplétives. Nous proposons d’insérer la mention relative aux CDD et au travail temporaire dans la nouvelle rédaction de l’article L. 2241-1, parmi les dispositions d’ordre public.
On constate en effet l’utilisation abusive et la répétition dans certains secteurs des contrats très courts, d’un jour ou deux. Une négociation au niveau des branches est nécessaire pour endiguer ce phénomène.
M. le président. L’amendement n° 24, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 13
Remplacer ces alinéas par cent cinquante-deux alinéas ainsi rédigés :
2° Les chapitres Ier et II du titre IV sont ainsi rédigés :
« Chapitre Ier
« Négociation de branche et professionnelle
« Section 1
« Négociation annuelle
« Art. L. 2241-1. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels, se réunissent, au moins une fois par an, pour négocier sur les salaires.
« Ces négociations prennent en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ainsi que les mesures permettant de l’atteindre.
« Art. L. 2241-2. – La négociation sur les salaires est l’occasion, pour les parties, d’examiner au moins une fois par an au niveau de la branche les données suivantes :
« 1° L’évolution économique, la situation de l’emploi dans la branche, son évolution et les prévisions annuelles ou pluriannuelles établies, notamment pour ce qui concerne les contrats de travail à durée déterminée et les missions de travail temporaire ;
« 2° Les actions éventuelles de prévention envisagées compte tenu de ces prévisions ;
« 3° L’évolution des salaires effectifs moyens par catégories professionnelles et par sexe, au regard, le cas échéant, des salaires minima hiérarchiques.
« Les informations nécessaires à la négociation sont déterminées par voie réglementaire.
« Art. L. 2241-2-1. – Lorsque le salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification au sens du 4° du II de l’article L. 2261-22 est inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent pour négocier sur les salaires.
« À défaut d’initiative de la partie patronale dans les trois mois, la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation syndicale de salariés représentative au sens de l’article L. 2231-1.
« Section 2
« Négociation triennale
« Sous-section 1
« Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
« Art. L. 2241-3. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent pour négocier tous les trois ans sur les mesures tendant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées. La mise en œuvre de ces mesures de rattrapage, lorsqu’elles portent sur des mesures salariales, est suivie dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires prévue à l’article L. 2241-1.
« La négociation porte notamment sur :
« 1° Les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle ;
« 2° Les conditions de travail et d’emploi et notamment celles des salariés à temps partiel.
« Les informations nécessaires à la négociation sont déterminées par voie réglementaire.
« Sous-section 2
« Conditions de travail et gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
« Art. L. 2241-4. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent, au moins une fois tous les trois ans, pour négocier sur les conditions de travail, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et sur la prise en compte de la pénibilité du travail. La négociation peut également porter sur le contrat de génération. L’accord conclu au titre de la présente sous-section vaut conclusion de l’accord mentionné au 3° de l’article L. 5121-8, sous réserve du respect des dispositions prévues à la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la cinquième partie. »
« La négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences peut se décliner à l’échelle du territoire et s’appuie sur les travaux de l’observatoire prospectif des métiers et des qualifications mis en place par la commission paritaire nationale de l’emploi au niveau de chaque branche, tout en veillant à l’objectif de mixité des métiers. Cet observatoire porte une attention particulière aux mutations professionnelles liées aux filières et aux métiers de la transition écologique et énergétique.
« Par ailleurs, les organisations mentionnées au premier alinéa se réunissent tous les trois ans pour négocier sur les matières définies aux articles L. 2242-15 et L. 2242-16.
« Sous-section 3
« Travailleurs handicapés
« Art. L. 2241-5. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent pour négocier, tous les trois ans, sur les mesures tendant à l’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés.
« La négociation porte notamment sur les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles ainsi que sur les conditions de travail, d’emploi et de maintien dans l’emploi.
« Les informations nécessaires à la négociation sont déterminées par voie réglementaire.
« Sous-section 4
« Formation professionnelle et apprentissage
« Art. L. 2241-6. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par un accord professionnel se réunissent au moins tous les trois ans pour négocier sur les priorités, les objectifs et les moyens de la formation professionnelle des salariés.
« Cette négociation porte notamment sur l’égal accès à la formation des salariés selon leur catégorie professionnelle et la taille de leur entreprise, les abondements supplémentaires du compte personnel de formation, la validation des acquis de l’expérience, l’accès aux certifications, le développement du tutorat et la valorisation de la fonction de tuteur ou de maître d’apprentissage, en particulier les actions aidant à l’exercer et les conditions de son exercice par des salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans.
« La négociation sur la validation des acquis de l’expérience visée à l’alinéa précédent porte sur :
« 1° Les modalités d’information des entreprises et des salariés sur les actions de validation des acquis de l’expérience mises en œuvre en vue de l’obtention d’une qualification mentionnée à l’article L. 6314-1 ;
« 2° Les conditions propres à favoriser l’accès des salariés, dans un cadre collectif ou individuel, à la validation des acquis de l’expérience ;
« 3° Les modalités de prise en charge par les organismes collecteurs paritaires agréés des dépenses afférentes à la participation d’un salarié à un jury d’examen ou de validation des acquis de l’expérience.
« Section 3
« Négociation quinquennale
« Sous-section 1
« Classifications
« Art. L. 2241-7. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent, au moins une fois tous les cinq ans, pour examiner la nécessité de réviser les classifications.
« Ces négociations prennent en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de mixité des emplois.
« Lorsqu’un écart moyen de rémunération entre les femmes et les hommes est constaté, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels font de sa réduction une priorité.
« À l’occasion de l’examen mentionné au premier alinéa, les critères d’évaluation retenus dans la définition des différents postes de travail sont analysés afin d’identifier et de corriger ceux d’entre eux susceptibles d’induire des discriminations entre les femmes et les hommes et afin de garantir la prise en compte de l’ensemble des compétences des salariés.
« Sous-section 2
« Épargné salariale
« Art. L. 2241-8. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent, une fois tous les cinq ans, pour engager une négociation sur l’institution d’un ou plusieurs plans d’épargne interentreprises ou plans d’épargne pour la retraite collectifs interentreprises lorsqu’il n’existe aucun accord conclu à ce niveau en la matière.
« Section 4
« Dispositions communes à la négociation annuelle et à la négociation quinquennale
« Art. L. 2241-9. – Les négociations annuelle et quinquennale prévues aux articles L. 2241-1 et L. 2241-7 visent également à définir et à programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.
« Art. L. 2241-10. – À défaut d’initiative de la partie patronale dans l’année suivant la promulgation de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation syndicale de salariés représentative au sens de l’article L. 2231-1.
« Art. L. 2241-11. – L’accord visant à supprimer les écarts de rémunération conclu à la suite des négociations annuelle et quinquennale fait l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative dans les conditions définies à l’article L. 2231-6.
« En l’absence de dépôt d’un accord ou de transmission d’un procès-verbal de désaccord auprès de cette autorité, contenant les propositions des parties en leur dernier état, la commission mixte mentionnée à l’article L. 2261-20 est réunie à l’initiative du ministre chargé du travail afin que s’engagent ou se poursuivent les négociations prévues à l’article L. 2241-9.
« Art. L. 2241-12. – Une commission mixte est réunie dans les conditions prévues à l’article L. 2241-11 si la négociation n’a pas été engagée sérieusement et loyalement.
« L’engagement sérieux et loyal des négociations implique que la partie patronale ait communiqué aux organisations syndicales les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et ait répondu de manière motivée aux éventuelles propositions des organisations syndicales.
« Section 5
« Temps partiel
« Art. L. 2241-13. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels ouvrent une négociation sur les modalités d’organisation du temps partiel dès lors qu’au moins un tiers de l’effectif de la branche professionnelle occupe un emploi à temps partiel.
« Cette négociation porte notamment sur la durée minimale d’activité hebdomadaire ou mensuelle, le nombre et la durée des périodes d’interruption d’activité, le délai de prévenance préalable à la modification des horaires et la rémunération des heures complémentaires.
« Chapitre II
« Négociation obligatoire en entreprise
« Section 1
« Modalités de la négociation obligatoire
« Art. L. 2242-1. – Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur engage :
« 1° Chaque année, une négociation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise ;
« 2° Chaque année, une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail ;
« 3° Tous les trois ans, dans les entreprises d’au moins trois cents salariés mentionnées au premier alinéa de l’article L. 2242-13, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.
« À défaut d’une initiative de l’employeur depuis plus de douze mois, pour chacune des deux négociations annuelles, et depuis plus de trente-six mois, pour la négociation triennale, suivant la précédente négociation ou, en cas d’accord mentionné à l’article L. 2242-20 ou prévu à l’article L. 2222-3, suivant le terme de cet accord, cette négociation s’engage obligatoirement à la demande d’une organisation syndicale représentative.
« La demande de négociation formulée par l’organisation syndicale est transmise dans les huit jours par l’employeur aux autres organisations représentatives.
« Dans les quinze jours qui suivent la demande formulée par une organisation syndicale, l’employeur convoque les parties à la négociation.
« Art. L. 2242-2. – Lors de la première réunion sont précisés :
« 1° Le lieu et le calendrier des réunions ;
« 2° Les informations que l’employeur remettra aux délégués syndicaux et aux salariés composant la délégation sur les thèmes prévus par la négociation qui s’engage et la date de cette remise.
« Art. L. 2242-3. – Tant que la négociation est en cours conformément aux dispositions de la présente section, l’employeur ne peut, dans les matières traitées, arrêter de décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l’urgence le justifie.
« Art. L. 2242-4. – Si, au terme de la négociation, aucun accord n’a été conclu, il est établi un procès-verbal de désaccord dans lequel sont consignées, en leur dernier état, les propositions respectives des parties et les mesures que l’employeur entend appliquer unilatéralement.
« Ce procès-verbal donne lieu à dépôt, à l’initiative de la partie la plus diligente, dans des conditions prévues par voie réglementaire.
« Section 2
« Négociation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée
« Art. L. 2242-5. – La négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise porte sur :
« 1° Les salaires effectifs ;
« 2° La durée effective et l’organisation du temps de travail, notamment la mise en place du travail à temps partiel. Dans ce cadre, la négociation peut également porter sur la réduction du temps de travail ;
« 3° L’intéressement, la participation et l’épargne salariale, à défaut d’accord d’intéressement, d’accord de participation, de plan d’épargne d’entreprise, de plan d’épargne pour la mise à la retraite collectif ou d’accord de branche comportant un ou plusieurs de ces dispositifs. S’il y a lieu, la négociation porte également sur l’affectation d’une partie des sommes collectées dans le cadre du plan d’épargne pour la retraite collectif mentionné à l’article L. 3334-1 et sur l’acquisition de parts de fonds investis dans les entreprises solidaires mentionnées à l’article L. 3334-13. La même obligation incombe aux groupements d’employeurs ;
« 4° Le suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes.
« Cette négociation peut avoir lieu au niveau des établissements ou des groupes d’établissements distincts.
« Art. L. 2242-5-1. – L’employeur qui n’a pas rempli l’obligation définie au 1° de l’article L. 2242-5 dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 est soumis à une pénalité. Si aucun manquement relatif à cette obligation n’a été constaté lors d’un précédent contrôle au cours des six années civiles précédentes, la pénalité est plafonnée à un montant équivalent à 10 % des exonérations de cotisations sociales mentionnées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale au titre des rémunérations versées chaque année où le manquement est constaté, sur une période ne pouvant excéder trois années consécutives à compter de l’année précédant le contrôle. Si au moins un manquement relatif à cette obligation a été constaté lors d’un précédent contrôle au cours des six années civiles précédentes, la pénalité est plafonnée à un montant équivalent à 100 % des exonérations de cotisations sociales mentionnées au même article L. 241-13 au titre des rémunérations versées chaque année où le manquement est constaté, sur une période ne pouvant excéder trois années consécutives comprenant l’année du contrôle.
« Dans le cas où la périodicité de la négociation sur les salaires effectifs a été portée à une durée supérieure à un an en application de l’article L. 2242-20 du présent code, le premier alinéa n’est pas applicable pendant la durée fixée par l’accord. Au terme de cette durée ou si une organisation signataire a demandé que cette négociation soit engagée sans délai, lorsque l’employeur n’a pas rempli l’obligation définie au 1° de l’article L. 2242-5, dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4, il est fait application du premier alinéa du présent article.
« Lorsque l’autorité administrative compétente constate le manquement mentionné au même premier alinéa, elle fixe le montant de la pénalité en tenant compte notamment des efforts constatés pour ouvrir les négociations, de la situation économique et financière de l’entreprise, de la gravité du manquement et des circonstances ayant conduit au manquement, dans des conditions fixées par décret.
« La pénalité est recouvrée dans les conditions prévues à la section 1 du chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale.
« Le produit de la pénalité est affecté au régime général de sécurité sociale, selon les mêmes modalités que celles retenues pour l’imputation de la réduction mentionnée à l’article L. 241-13 du même code.
« Art. L. 2242-6. – La négociation prévue à l’article L. 2242-5 donne lieu à une information par l’employeur sur les mises à disposition de salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs mentionnées à l’article L. 2231-1.
« Dans les entreprises qui ne sont pas soumises à cette obligation annuelle de négocier, l’employeur communique aux salariés qui en font la demande une information sur les mises à disposition de salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs mentionnées à l’article L. 2231-1.
« Art. L. 2242-7. – Les accords collectifs d’entreprise sur les salaires effectifs ne peuvent être déposés auprès de l’autorité administrative, dans les conditions prévues à l’article L. 2231-6, qu’accompagnés d’un procès-verbal d’ouverture des négociations portant sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, consignant les propositions respectives des parties.
« Le procès-verbal atteste que l’employeur a engagé sérieusement et loyalement les négociations. L’engagement sérieux et loyal des négociations implique que l’employeur ait convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions. L’employeur doit également leur avoir communiqué les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et avoir répondu de manière motivée aux éventuelles propositions des organisations syndicales.
« Section 3
« Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et qualité de vie au travail
« Art. L. 2242-8. – La négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail porte sur :
« 1° L’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pour les salariés ;
« 2° Les objectifs et les mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en matière de suppression des écarts de rémunération, d’accès à l’emploi, de formation professionnelle, de déroulement de carrière et de promotion professionnelle, de conditions de travail et d’emploi, en particulier pour les salariés à temps partiel, et de mixité des emplois. Cette négociation s’appuie sur les données mentionnées au 1° bis de l’article L. 2323-8.
« Cette négociation porte également sur l’application de l’article L. 241-3-1 du code de la sécurité sociale et sur les conditions dans lesquelles l’employeur peut prendre en charge tout ou partie du supplément de cotisations.
« En l’absence d’accord prévoyant les mesures prévues au présent 2° , l’employeur établit un plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l’année écoulée, ce plan d’action, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l’année à venir, définit les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre et évalue leur coût. Ce plan d’action est déposé auprès de l’autorité administrative. Une synthèse de ce plan d’action, comprenant au minimum des indicateurs et des objectifs de progression définis par décret, est portée à la connaissance des salariés par l’employeur par voie d’affichage sur les lieux de travail et, éventuellement, par tout autre moyen adapté aux conditions d’exercice de l’activité de l’entreprise. Elle est également tenue à la disposition de toute personne qui la demande et publiée sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un.
« En l’absence d’accord prévoyant les mesures prévues au présent 2° , la négociation annuelle sur les salaires effectifs prévue au 1° de l’article L. 2242-5 porte également sur la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes ;
« 3° Les mesures permettant de lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d’emploi et d’accès à la formation professionnelle ;
« 4° Les mesures relatives à l’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, notamment les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, les conditions de travail et d’emploi et les actions de sensibilisation de l’ensemble du personnel au handicap ;
« 5° Les modalités de définition d’un régime de prévoyance et, dans des conditions au moins aussi favorables que celles prévues à l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale, d’un régime de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, à défaut de couverture par un accord de branche ou un accord d’entreprise.
« Dans les entreprises de travaux forestiers mentionnées au 3° de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, la négociation définie au premier alinéa du présent 5° porte sur l’accès aux garanties collectives mentionnées à l’article L. 911-2 du code de la sécurité sociale ;
« 6° L’exercice du droit d’expression directe et collective des salariés prévu au chapitre Ier du titre VIII du présent livre, notamment au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise ;
« 7° Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. À défaut d’accord, l’employeur élabore une charte, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Cette charte définit ces modalités de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques.
« Art. L. 2242-9. – Les entreprises d’au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle portant sur les objectifs et les mesures mentionnées au 2° de l’article L. 2242-8 ou, à défaut d’accord, par les objectifs et les mesures constituant le plan d’action mentionné au même 2° . Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l’accord et du plan d’action sont fixées par décret. Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, ce défaut d’accord est attesté par un procès-verbal de désaccord.
« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action mentionné au premier alinéa du présent article. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées au même premier alinéa.
« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale.
« Art. L. 2242-10. – Sans préjudice des dispositions prévues à l’article L. 2242-8, les négociations obligatoires en entreprise conduites en application du présent chapitre prennent en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
« Art. L. 2242-11. – La négociation sur l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés se déroule sur la base d’un rapport établi par l’employeur présentant la situation par rapport à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés prévue par les articles L. 5212-1 et suivants.
« Art. L. 2242-12. – La négociation prévue à l’article L. 2242-8 peut également porter sur la prévention de la pénibilité prévue au chapitre III du titre VI du livre Ier de la quatrième partie.
« Section 4
« Gestion des emplois et des parcours professionnels
« Art. L. 2242-13. – Dans les entreprises et les groupes d’entreprises au sens de l’article L. 2331-1 d’au moins trois cents salariés, ainsi que dans les entreprises et groupes d’entreprises de dimension communautaire au sens des articles L. 2341-1 et L. 2341-2 comportant au moins un établissement ou une entreprise de cent cinquante salariés en France, l’employeur engage tous les trois ans, notamment sur le fondement des orientations stratégiques de l’entreprise et de leurs conséquences mentionnées à l’article L. 2323-10, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la mixité des métiers portant sur :
« 1° La mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ainsi que sur les mesures d’accompagnement susceptibles de lui être associées, en particulier en matière de formation, d’abondement du compte personnel de formation, de validation des acquis de l’expérience, de bilan de compétences ainsi que d’accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique des salariés autres que celles prévues dans le cadre des articles L. 2242-21 et L. 2242-22 ;
« 2° Le cas échéant, les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise prévue à l’article L. 2242-21, qui doivent, en cas d’accord, faire l’objet d’un chapitre spécifique ;
« 3° Les grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle dans l’entreprise et les objectifs du plan de formation, en particulier les catégories de salariés et d’emplois auxquels ce dernier est consacré en priorité, les compétences et qualifications à acquérir pendant la période de validité de l’accord ainsi que les critères et modalités d’abondement par l’employeur du compte personnel de formation ;
« 4° Les perspectives de recours par l’employeur aux différents contrats de travail, au travail à temps partiel et aux stages, ainsi que les moyens mis en œuvre pour diminuer le recours aux emplois précaires dans l’entreprise au profit des contrats à durée indéterminée ;
« 5° Les conditions dans lesquelles les entreprises sous-traitantes sont informées des orientations stratégiques de l’entreprise ayant un effet sur leurs métiers, l’emploi et les compétences ;
« 6° Le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l’exercice de leurs fonctions.
« Un bilan est réalisé à l’échéance de l’accord.
« Art. L. 2242-14. – La négociation mentionnée à l’article L. 2242-13 peut également porter sur le contrat de génération. L’accord conclu au titre du présent article vaut conclusion de l’accord mentionné au second alinéa de l’article L. 5121-8 et à l’article L. 5121-9, sous réserve du respect des autres dispositions prévues à la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la cinquième partie.
« Art. L. 2242-15. – La négociation prévue à l’article L. 2242-13 peut également porter :
« 1° Sur les matières mentionnées aux articles L. 1233-21 et L. 1233-22 selon les modalités prévues à ce même article ;
« 2° Sur la qualification des catégories d’emplois menacés par les évolutions économiques ou technologiques ;
« 3° Sur les modalités de l’association des entreprises sous-traitantes au dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de l’entreprise ;
« 4° Sur les conditions dans lesquelles l’entreprise participe aux actions de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences mises en œuvre à l’échelle des territoires où elle est implantée.
« Art. L. 2242-16. – Si un accord de groupe est conclu sur les thèmes inclus dans le champ de la négociation triennale mentionnée à l’article L. 2242-13, les entreprises comprises dans le périmètre de l’accord de groupe sont réputées avoir satisfait aux obligations de négocier prévues par ce même article.
« Art. L. 2242-17. – L’employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise dans le cadre de mesures collectives d’organisation courantes sans projet de réduction d’effectifs.
« Dans les entreprises et les groupes d’entreprises mentionnés à l’article L. 2242-13, les modalités de cette mobilité interne à l’entreprise s’inscrivent dans le cadre de la négociation prévue au même article.
« Dans les autres entreprises et groupes d’entreprises, la négociation prévue au présent article porte également sur les évolutions prévisionnelles des emplois et des compétences et sur les mesures susceptibles de les accompagner.
« Art. L. 2242-18. – L’accord issu de la négociation prévue à l’article L. 2242-17 comporte notamment :
« 1° Les limites imposées à cette mobilité au-delà de la zone géographique d’emploi du salarié, elle-même précisée par l’accord, dans le respect de la vie personnelle et familiale du salarié conformément à l’article L. 1121-1 ;
« 2° Les mesures visant à concilier la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale et à prendre en compte les situations liées aux contraintes de handicap et de santé ;
« 3° Les mesures d’accompagnement à la mobilité, en particulier les actions de formation ainsi que les aides à la mobilité géographique, qui comprennent notamment la participation de l’employeur à la compensation d’une éventuelle perte de pouvoir d’achat et aux frais de transport.
« Les stipulations de l’accord collectif conclu au titre de l’article L. 2242-17 et du présent article ne peuvent avoir pour effet d’entraîner une diminution du niveau de la rémunération ou de la classification personnelle du salarié et doivent garantir le maintien ou l’amélioration de sa qualification professionnelle.
« Art. L. 2242-19. – L’accord collectif issu de la négociation prévue à l’article L. 2242-17 est porté à la connaissance de chacun des salariés concernés.
« Les stipulations de l’accord conclu au titre des articles L. 2242-17 et L. 2242-18 sont applicables au contrat de travail. Les clauses du contrat de travail contraires à l’accord sont suspendues.
« Lorsque, après une phase de concertation permettant à l’employeur de prendre en compte les contraintes personnelles et familiales de chacun des salariés potentiellement concernés, l’employeur souhaite mettre en œuvre une mesure individuelle de mobilité prévue par l’accord conclu au titre du présent article, il recueille l’accord du salarié selon la procédure prévue à l’article L. 1222-6.
« Lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent l’application à leur contrat de travail des stipulations de l’accord relatives à la mobilité interne mentionnées au premier alinéa de l’article L. 2242-17, leur licenciement repose sur un motif économique, est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique et ouvre droit aux mesures d’accompagnement et de reclassement que doit prévoir l’accord, qui adapte le champ et les modalités de mise en œuvre du reclassement interne prévu aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1.
« Section 5
« Adaptation des règles de négociation par voie d’accord
« Art. L. 2242-20. – Un accord d’entreprise peut modifier la périodicité de chacune des négociations prévues à l’article L. 2242-1 pour tout ou partie des thèmes, dans la limite de trois ans pour les deux négociations annuelles et de cinq ans pour la négociation triennale. Cette possibilité de modifier la périodicité de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail mentionnée à l’article L. 2242-8 n’est ouverte que dans les entreprises déjà couvertes par un accord sur l’égalité professionnelle ou, à défaut, par un plan d’action.
« Dans le cas où un accord modifie la périodicité de la négociation sur les salaires effectifs définie au 1° de l’article L. 2242-5, une organisation signataire peut, au cours de la période fixée par l’accord, formuler la demande que cette négociation soit engagée. L’employeur y fait droit sans délai.
« Cet accord peut adapter le nombre de négociations au sein de l’entreprise ou prévoir un regroupement différent des thèmes de négociations mentionnés au présent chapitre, à condition de ne supprimer aucun des thèmes obligatoires.
« Lorsqu’un accord modifie la périodicité de la négociation sur l’égalité professionnelle définie au 2° de l’article L. 2242-8, l’entreprise remplit l’obligation prévue à l’article L. 2242-9 pendant la durée prévue par l’accord. » ;
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Les dispositions de cet amendement se rapportent aux négociations obligatoires de branche, que la première ordonnance refond, alors même que la loi de 2015, dite « Rebsamen », les a déjà bouleversées. Plus précisément, l’ordonnance change le rythme des négociations.
Certaines dispositions peuvent paraître anecdotiques, mais elles entérinent de vrais risques. Nous avons là un exemple de régression possible, et je suis certain que Mme la ministre sera sensible à notre amendement, à l’heure où il est beaucoup question d’égalité professionnelle et où l’on parle de durcir la loi dans ce domaine.
En matière d’égalité professionnelle, en effet, l’obligation de négocier au niveau de la branche passe, avec l’ordonnance, d’un rythme triennal à un rythme quadriennal. Pourquoi entériner ce recul, lorsque l’on connaît l’ampleur des inégalités salariales entre les femmes et les hommes aujourd’hui ?
Madame la ministre, dans un entretien accordé au Journal du dimanche vous avez fait connaître votre volonté de supprimer cet écart entre les femmes et les hommes d’ici à la fin du quinquennat.
Pour y parvenir, il semble difficile de s’en tenir à un rendez-vous quadriennal en matière de négociations sur l’égalité professionnelle, alors que, selon le Conseil économique, social et environnemental, seulement 61,4 % des entreprises disposent actuellement d’un accord collectif ou d’un plan unilatéral sur le sujet, et 60 % seulement des cinquante principales branches professionnelles.
Il faudrait au contraire resserrer le rythme de ces rendez-vous, ce que nous proposons à travers cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 180, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise simplement à supprimer une disposition relative au temps partiel qui est déjà prévue dans l’ordonnance du 20 décembre 2017.
M. le président. L’amendement n° 173 rectifié, présenté par M. Requier, Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Vall et A. Marc, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
2° ter Au 1° de l’article L. 2242-1, après les mots : « le temps de travail », sont insérés les mots : «, le télétravail » ;
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Les sénateurs du groupe du RDSE ont déposé, le 3 janvier dernier, une proposition de loi visant à favoriser le télétravail en cas d’épisode de pollution.
Cette initiative procède du constat que les entreprises françaises restent réticentes à mettre en place le télétravail, souvent en raison d’un cadre juridique jugé flou, notamment en matière d’accidents du travail, en dépit de l’adoption de la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, dite « loi Warsmann ».
Le recours au télétravail demeure faible en France par rapport aux pays scandinaves et anglo-saxons : le rapport rendu par les partenaires sociaux évoque une fourchette de 2 % à 6 % pour le télétravail avec avenant et de 16 % à 20 % pour le télétravail informel.
L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail, a complété les règles encadrant le télétravail en vue de le favoriser. Celui-ci devra désormais être mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, d’une charte élaborée par l’employeur après consultation du comité social et économique, s’il existe.
Au travers de cet amendement, le groupe du RDSE propose d’inclure le télétravail parmi les thèmes obligatoires à traiter lors des négociations collectives, en vue de susciter le dialogue social autour de cette organisation du travail qui intéresse de plus en plus les partenaires sociaux.
Il est temps de faire entrer définitivement le droit dans le monde du travail du XXIe siècle : les mutations du monde du travail ne nous ont pas attendus, à nous de les accompagner par la loi !
M. le président. L’amendement n° 192, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Au second alinéa de l’article L. 2242-3, le mot : « annuelle » est supprimé ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit simplement d’opérer une coordination juridique relative aux règles de la négociation obligatoire en entreprise.
M. le président. L’amendement n° 63, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 2242-8 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ou lorsqu’elles ne produisent pas les informations et indicateurs sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l’entreprise mentionnés au 1°bis de l’article L. 2323-8 » ;
b) La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « ou au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’a pas produit les informations et indicateurs sur la situation comparée des femmes et des hommes mentionnés au premier alinéa du présent article » ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Dans le cadre de ces ordonnances, il nous paraît essentiel de traiter d’un thème jusqu’ici absent de nos débats : l’égalité professionnelle, dont mon collègue Pierre Laurent vient de souligner fortement l’importance.
Puisque, madame la ministre, vous vous êtes engagée, avec le Président de la République et la secrétaire d’État chargée de ces questions, à faire de l’égalité professionnelle l’un de vos chevaux de bataille, si je puis dire, pourquoi ne pas en faire un thème incontournable de la négociation d’entreprise, telle que celle-ci est abordée dans les différentes ordonnances ?
Vouloir réformer, d’accord, mais pas sans donner aux entreprises les moyens de résorber les inégalités professionnelles. Songeons que l’écart de salaires entre les femmes et les hommes reste, tous postes confondus, d’environ 25 % !
Aujourd’hui, lorsqu’une entreprise dépasse les 50 salariés, elle doit négocier avec les syndicats pour se mettre d’accord avec eux sur des objectifs d’égalité professionnelle et de salaire entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre. Ce que nous reprochons aux ordonnances, en plus de tous les griefs que nous avons déjà exposés, c’est qu’elles permettent de modifier, par accord d’entreprise, le thème, le contenu et la périodicité des négociations, dans une limite de quatre ans.
De plus, alors que la loi dite « Rebsamen » a supprimé le rapport de situation comparée issu de la loi Roudy de 1983, vous ne contraignez en rien les entreprises concernées à publier les informations figurant dans la base de données économiques et sociales.
Notre amendement vise à obliger les entreprises à produire ces données qui, malgré les critiques que nous pouvons formuler à leur égard, sont essentielles, notamment pour les organisations syndicales. Comment, en effet, négocier et faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes sans disposer des chiffres sur la réalité interne de l’entreprise ?
C’est pourquoi, en nous fondant sur la pénalité prévue en cas de non-respect d’un accord sur l’égalité entre les femmes et les hommes, nous proposons de sanctionner à hauteur de 1 % de leur masse salariale les entreprises qui ne fournissent pas ces informations essentielles.
Cette nécessaire transparence fait aussi partie, selon nous, du dialogue social que vous ne cessez, madame la ministre, d’appeler de vos vœux.
Pour rappel, l’égalité entre les femmes et les hommes est un principe constitutionnel ; nous en sommes malheureusement encore loin, tout comme nous sommes encore loin de l’exemple de l’Islande, où une loi rend obligatoire l’égalité salariale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 84 vise à obliger les partenaires sociaux à mettre l’accent sur les CDD et les contrats d’intérim lors de la négociation obligatoire. Ce sujet est évidemment important, mais il semble à la commission qu’il ne faut pas ouvrir la boîte de Pandore, au risque d’alourdir la loi par l’ajout d’une multitude d’exemples et cas particuliers. Pour cette raison, l’avis est défavorable.
Sur l’amendement n° 24 – un amendement-fleuve… (Sourires.) –, la commission a également émis un avis défavorable. En effet, son adoption ferait échec à la réforme visant à donner plus de liberté aux partenaires sociaux pour fixer la périodicité des négociations obligatoires de branche et aménager leur contenu, dans le respect de l’ordre public social.
L’amendement n° 173 rectifié tend à mentionner le télétravail dans l’intitulé de la négociation obligatoire en entreprise sur la rémunération, qui porte aujourd’hui, notamment, sur les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée. Il a pour objet de reprendre l’article 3 de la proposition de loi visant à favoriser le télétravail en cas d’épisode de pollution, déposée par le groupe du RDSE au Sénat le 3 janvier dernier.
Si le télétravail est évidemment un sujet qui tient à cœur à nombre de nos concitoyens, je ne souhaite pas, non plus que la commission, alourdir le texte, surtout que l’amendement vise à modifier l’article d’ordre public définissant les négociations obligatoires. L’avis est donc défavorable.
Reste l’amendement n° 63. La pénalité plafonnée à 1 % de la masse salariale vise actuellement deux cas de figure : l’absence d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et l’absence de plan d’action fixé unilatéralement par l’employeur. L’amendement vise à créer un troisième cas : l’absence d’informations sur la situation comparée des femmes et des hommes.
Je suis plutôt réticent à augmenter sans cesse les pénalités sans discernement. De surcroît, l’amendement est tout à fait satisfait par l’adoption à l’Assemblée nationale d’un amendement de notre collègue député Gérard Cherpion, à l’alinéa 43 de l’article 4 du présent projet de loi : la disposition adoptée oblige l’employeur à financer intégralement un expert pour préparer la négociation sur l’égalité professionnelle quand la base de données économiques et sociales ne comporte aucun indicateur sur ce thème.
Sur ce sujet délicat, la commission souhaite recueillir l’avis du Gouvernement, Mme la ministre du travail ayant annoncé dimanche dernier, dans un entretien au Journal du dimanche, qu’un plan d’action en matière d’égalité professionnelle serait présenté avant la fin du mois de mars prochain.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 84. L’esprit de la réforme est en effet de donner de la liberté dans les branches, comme dans les entreprises, pour que l’agenda social soit déterminé par les partenaires sociaux. Si on leur dit tout le temps ce qu’ils doivent faire exactement et dans quel ordre, on leur ôte cette liberté – étant entendu qu’ils devront évidemment respecter a minima les règles prévues par la loi.
L’amendement n° 192 vise à procéder à une amélioration matérielle qui me paraît positive ; j’y suis favorable.
Les dispositions de l’amendement n° 24 se rapportent, comme celles de l’amendement n° 84, aux négociations obligatoires de branche. Je le répète, c’est à la demande des partenaires sociaux que nous avons ouvert le champ des négociations possibles dans les branches, avec une liberté assez grande, à condition, bien sûr, qu’il y ait un agenda social négocié – il ne s’agit donc pas d’un blanc-seing : en l’absence d’un tel agenda social négocié, les dispositions supplétives définies par la loi devront être respectées.
Lorsqu’un accord est trouvé par les partenaires sociaux, qui, par définition, connaissent bien la réalité des entreprises et des salariés, il a une valeur en soi ; s’ils ne trouvent pas d’accord, il y a le filet de sécurité de la loi. Tel est notre principe.
Je ne puis donc pas être favorable à l’amendement n° 24 : je pense qu’il faut jouer le jeu de la négociation de branche, avec la liberté d’en définir l’agenda.
S’agissant de l’amendement n° 180, j’y suis évidemment favorable : la disposition qu’il vise à supprimer est déjà prévue par l’article 1er de l’ordonnance du 20 décembre 2017.
Je m’étendrai davantage sur l’amendement n° 63, dont les dispositions soulèvent à bon droit la question de l’égalité professionnelle. Comme vous, madame Cohen, je constate que nous connaissons une situation assez incompréhensible et, par définition, tout à fait inacceptable – je me suis exprimée publiquement sur le sujet.
Tout d’abord, le principe « à travail égal, salaire égal » est consacré dans la Constitution. Ensuite, voilà vingt-cinq ans qu’il y a une loi spécifique sur ce sujet, prévoyant des pénalités en cas de non-respect de la règle d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Pourtant, il y a encore 25 % d’écart, tous postes confondus…
Cette situation s’explique en partie par l’orientation des femmes vers des métiers moins rémunérés et moins valorisés, des stéréotypes culturels sexistes et une gestion des carrières différenciée, non pas à la demande des femmes, mais, de fait, dans les entreprises. Toutes ces raisons, et d’autres encore, demandent un travail de longue haleine.
Toutefois, même à poste similaire, on constate encore 9 % d’écart… Le principe fondamental « à travail égal, salaire égal », qui est au cœur de nos valeurs constitutionnelles et républicaines, n’est donc pas respecté.
C’est pourquoi j’ai souhaité, avec Marlène Schiappa, que ce problème soit le premier auquel nous nous attaquions. Il faut s’attaquer aussi à tous les autres, mais ils exigent un travail de longue haleine. Cette question-là, je pense que nous devons avoir l’ambition collective de la traiter dans les cinq ans.
Si nous avons besoin de cinq ans, c’est d’abord parce que nous devons trouver les bons outils. Nous avons la loi et des sanctions, mais nous voyons bien que cela ne suffit pas, puisque la situation évolue, certes, mais très lentement ; à ce train-là, je ne sais pas quand on sera arrivé…
Si l’on veut vraiment éradiquer ce problème dans les cinq ans, ce qui est notre ambition, il faut trouver non pas cinquante outils, mais ceux qui auront vraiment un effet dans les entreprises – si je puis dire, le bon marteau pour le bon clou. Or cela mérite réflexion, car bon nombre de mesures ont déjà été essayées, dont on ne peut pas dire que le résultat soit satisfaisant.
La question que vous posez, celle de l’information et de la transparence, est une des questions importantes.
Un progrès a été accompli à l’Assemblée nationale avec l’adoption d’un amendement tendant, de manière assez astucieuse, à mettre à la charge de l’employeur, en l’absence de travail sur les indicateurs, le financement d’une expertise sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Il y a là une première étape.
Pour aller plus loin, je pense qu’il faudra en passer aussi par un peu d’information normée. Aujourd’hui, en effet, chaque entreprise déclare les informations comme elle le souhaite, ce qui donne des résultats très hétéroclites et pas forcément toujours exploitables.
Si je pense que votre idée est quelque peu prématurée – je ne dis pas qu’elle n’est pas bonne –, il est sûr que, parmi les divers leviers qu’il faudra actionner, celui de l’information est essentiel : il faut que les partenaires sociaux et les salariés puissent s’en saisir, ce qui est difficilement le cas aujourd’hui, ne serait-ce que parce que seules les sociétés cotées ont un bilan publié – encore sont-ils tous publiés de façon différente, de sorte qu’il est assez difficile de s’y retrouver pour avoir un levier d’action.
J’ai souhaité réunir d’ici à quelques semaines les partenaires sociaux, qui ont tous aussi réfléchi au sujet. Nous consulterons également les entreprises où cela a réussi, afin de comprendre pourquoi. Il s’agit de créer une dynamique forte, qui rendra intolérable la situation actuelle, ce qui demande des mobilisations de différents types : des engagements des partenaires sociaux, des engagements des chefs d’entreprise, éventuellement des aspects législatifs – s’il y en a, nous aurons l’occasion d’en reparler ensemble.
Je n’ai pas d’a priori et je ne cherche pas trente, ni même vingt outils. Nous devons trouver, y compris en considérant ce qui s’est passé dans les autres pays, le moyen d’éradiquer cette injustice profonde pour les femmes, qui entraîne aussi une perte de pouvoir d’achat et une perte pour l’économie.
Inexplicable, la situation actuelle est d’autant plus inacceptable qu’elle est autoreproductrice, puisqu’elle crée de nombreux comportements associés : je pense que certains comportements en entreprise sont encouragés par une situation qui est inégalitaire à la base. Je pense que nous pourrons jouer aussi sur l’évolution des mentalités : quel homme ou quelle femme accepterait aujourd’hui que sa fille soit moins payée que son fils pour le même travail ?
Si je suis un peu longue sur ce sujet, c’est parce que je souhaite vraiment que l’on engage une réflexion avec le Parlement.
Nous devons prendre le temps de discuter avec les partenaires sociaux et d’étudier ce qui marche, y compris à l’étranger, pour identifier non pas une batterie de mesures, mais deux ou trois actions majeures et massives qui nous fassent vraiment changer d’échelle. Si l’on y arrive en cinq ans, ce sera très bien ! En une année, c’est impossible, puisque l’on ne peut pas augmenter de 9 % d’un seul coup les salaires d’un très grand nombre de salariés, mais il faut un engagement qui conduise à ce rattrapage.
De la même façon, s’agissant de la place des femmes dans les conseils d’administration, la loi dite « Zimmermann-Copé » a fixé un plan à cinq ans. Ce plan était connu et inéluctable. Résultat : en cinq ans, il y a eu 40 % de femmes dans les conseils d’administration. Cette méthode était à la fois très volontariste et intelligente, dans la mesure où elle permettait une gradation. Le pluriannuel, avec du volontarisme et de la détermination, est parfois, sur ce sujet, plus efficace que de bonnes paroles répétées chaque année, mais sans amélioration suffisante de la situation.
Madame Cohen, je suis donc défavorable, à cet instant, à votre amendement, non pas tant sur le fond, mais parce que je ne veux pas opter aujourd’hui pour tel ou tel outil. Je veux que nous menions cette réflexion, avant de revenir ensemble sur le sujet. J’espère que, le moment venu, l’ensemble du Parlement soutiendra notre action dans ce domaine.
Enfin, s’agissant de l’amendement n° 173 rectifié, nous avons ouvert la porte pour que le télétravail soit un droit opposable, ce qui constitue une grande nouveauté législative. Par ailleurs, les entreprises vont essayer de signer des accords et il y aura des chartes.
On est au début de ce processus consistant à transformer une partie du télétravail qui n’était pas sécurisé juridiquement en télétravail sécurisé et à ouvrir largement cette forme de travail ailleurs.
Je crois qu’il ne faut pas que l’on commence à ajouter dans la loi tous les cas de télétravail. Le recours au télétravail a de nombreuses raisons. Je pense qu’il faut d’abord faire vivre le dispositif existant et j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement : ajouter un thème obligatoire de négociation n’est pas nécessaire dans le cadre d’une dynamique qui est aujourd’hui engagée.
Les obligations doivent être instaurées lorsqu’elles sont nécessaires, mais pas sur tous les sujets. Trop d’obligations tuent, d’une certaine façon, la force des obligations ! Sur ce thème-là, il y a des attentes considérables et une envie de négocier ; il n’y a donc pas besoin d’une obligation de négociation. Je serais étonnée que cela ne se développe pas naturellement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. J’ai bien entendu l’avis défavorable sur cet amendement, qui porte en effet sur les durées de négociation de manière générale ; j’avais pris volontairement l’exemple de la durée de négociation en matière d’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Dans la réflexion que vous proposez d’engager sur les nouveaux outils, madame la ministre – nous vous avons écoutée avec intérêt sur ce sujet, qui semble pris au sérieux –, je pense qu’il faudra réexaminer cette question des délais : si l’on veut avancer relativement vite dans les années à venir, la négociation quadriennale est tout de même un espace de temps problématique.
Si donc vous êtes défavorable à cet amendement pour la raison que j’ai bien entendue, il faudra rester attentif à la question des délais dans la discussion qui s’ouvre en matière d’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Compte tenu des explications qui nous ont été données, s’agissant en particulier de l’amendement adopté à l’Assemblée nationale – il nous avait échappé et il est effectivement intéressant –, ainsi que des efforts annoncés par Mme la ministre, que nous voulons accompagner pour gagner l’égalité entre les femmes et les hommes, nous retirons cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 63 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 25, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 14 à 16
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
3° bis Les articles L. 2253-1 et L. 2253-2 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2253-1. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut adapter les stipulations des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l’entreprise aux conditions particulières de celle-ci ou des établissements considérés.
« Cet accord ne peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés.
« Art. L. 2253-2. – Lorsqu’une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel vient à s’appliquer dans l’entreprise postérieurement à la conclusion de conventions ou d’accords d’entreprise ou d’établissement négociés conformément au présent livre, les stipulations de ces derniers sont adaptées en conséquence. » ;
3° ter L’article L. 2253-3 est abrogé ;
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Madame la ministre, même si vous contestez cette analyse – j’y reviendrai –, l’ordonnance relative à la négociation collective prévoit de généraliser l’inversion de la hiérarchie des normes. La primauté de l’accord d’entreprise devient ainsi la règle, l’accord de branche conservant, par exception, treize domaines d’application.
Cet amendement de repli reprend un amendement du groupe GDR adopté à l’Assemblée nationale et qui visait à instaurer des garde-fous sur la volonté de déroger, par accord collectif, à l’ordre public.
Nous avons notamment à l’esprit le précédent de la signature par une fédération CFDT d’un accord fixant le salaire minimal dans la chimie en dessous du SMIC.
Plus précisément, cet accord prévoit une augmentation des minima salariaux de 1,1 % pour l’année 2018, en deux temps, d’abord en janvier, puis en avril, alors que la revalorisation annuelle du SMIC, qui correspond à l’inflation, sera de 1,24 % cette année. En d’autres termes, dans la chimie, le salaire minimal sera de 9,82 euros de l’heure en janvier, quand le SMIC sera de 9,88 euros de l’heure, soit, tout de même, 0,6 % d’écart. La volonté du patronat de tirer vers le bas les salaires semble ici démontrée.
Bien sûr, on peut nous opposer des arguments, nous parler de garde-fous qui existeraient dans les textes, nous dire que, dans la mesure où l’on change les normes, il n’y a plus d’inversion de la hiérarchie des normes, par définition, puisque c’est la nouvelle loi qui s’applique. Reste que, sur le fond, votre logique, madame la ministre, en autorisant les accords d’entreprise et de branche à déroger à une norme supérieure, ne vise qu’à tirer vers le bas les protections des salariés.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons l’abrogation de ces dispositions et le rétablissement d’une véritable hiérarchie des normes, selon laquelle une norme d’un niveau inférieur ne peut déroger à une norme qui lui est supérieure.
M. le président. L’amendement n° 146, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer les mots :
ensemble de garanties se rapportant à la même matière
par les mots :
catégorie d’avantages ayant la même cause et le même objet
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Comme notre collègue Dominique Watrin, nous avons déposé cet amendement pour empêcher que l’inversion de la hiérarchie des normes ne joue trop en défaveur des salariés.
Il nous semble que le remplacement des mots « ensemble de garanties se rapportant à la même matière » par « catégorie d’avantages ayant la même cause et le même objet » permet d’éviter une certaine insécurité juridique et les risques de contentieux.
En outre, cette nouvelle terminologie permettra aux salariés d’obtenir des avantages qui vont au-delà de ce qui a été négocié ou de ce qui a été imposé dans le cadre d’un accord d’entreprise – en effet, on a vu qu’il s’agit souvent davantage d’accords imposés, sans réelle capacité de construction collective, que de négociations –, et favorisera le cumul d’un certain nombre de ces avantages. En revanche, il nous semble que la formule actuelle n’offre pas une telle garantie juridique.
Ce raisonnement vaut pour les amendements nos 146 et 147, qui sont très proches dans leur contenu.
M. le président. L’amendement n° 147, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Remplacer les mots :
ensemble de garanties se rapportant à la même matière
par les mots :
catégorie d’avantages ayant la même cause et le même objet
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 25, qui a pour objet de rétablir le principe de la hiérarchie des normes, nous avons déjà rejeté aujourd’hui un amendement n° 19, déposé par les mêmes auteurs, et dont l’objet est similaire. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Pour ce qui est de l’amendement n° 146, la table ronde que la commission a organisée en décembre dernier avec les syndicats de salariés a soulevé des interrogations autour de la notion que vous avez développée, madame la sénatrice. Cette terminologie mériterait sans doute d’être précisée.
Je pense toutefois que la notion de « même cause » retenue dans l’amendement est source de complexité, tandis que celle de « même objet » a déjà été rejetée par l’Assemblée nationale en raison du risque de confusion avec celle de « matière » figurant aux articles L. 2253-1 et L. 2253-2 du code du travail.
En conséquence, la commission demande à son auteur de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi elle y serait défavorable.
De même, elle souhaite le retrait de l’amendement n° 147, qui a le même objet que l’amendement n° 146, mais qui vise un alinéa différent ; à défaut, elle émettrait également un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. En ce qui concerne l’amendement n° 25, employer la formule d’« inversion de la hiérarchie des normes » n’est pas juridiquement exact. En outre, c’est abusif. Cela a déjà été dit lors de l’examen de la loi d’habilitation, mais je ne compte pas recommencer une démonstration qui a déjà été faite tout à l’heure. Il convient d’être rigoureux quand on utilise un tel terme.
Je voudrais simplement revenir sur l’exemple qui a été donné à l’instant à propos du SMIC. Rien n’a évidemment changé de ce point de vue : si le SMIC augmente au point que le niveau d’un minimum conventionnel se retrouve au-dessous du sien, ce minimum doit être réévalué pour rattraper l’écart constaté. Sinon, le SMIC ne serait pas un salaire minimum !
Enfin, je suis défavorable aux amendements nos 146 et 147, parce que la notion de « garanties au moins équivalentes », figurant dans le code est à la fois assez large pour permettre une négociation et assez précise pour éviter toute confusion. Cette formulation n’empêche pas la mise en place d’un espace de discussion, tout en apportant la garantie que, en définitive, le résultat soit équilibré, ce qui était le but du Gouvernement.
Au total, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Madame Taillé-Polian, les amendements nos 146 et 147 sont-ils maintenus ?
Mme Sophie Taillé-Polian. Oui, je les maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 26, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 17 à 25
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
4° Le VI de l’article L. 2254-2 est ainsi rédigé :
« VI. – Si l’employeur engage une procédure de licenciement à l’encontre du salarié ayant refusé l’application de l’accord mentionné au I, ce licenciement repose sur un motif économique. » ;
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Le Gouvernement souhaite unifier les procédures de licenciement en vigueur dans le cadre des différents accords, qu’il s’agisse des accords de compétitivité, des accords de maintien de l’emploi ou des accords de préservation et de développement de l’emploi. Nous partageons bien sûr cet objectif.
Avant les ordonnances, alors que le licenciement pour motif économique constituait la règle dans la plupart des cas, madame la ministre, vous choisissez de faire peser sur le salarié la responsabilité de la rupture, alors qu’il n’a rien demandé. En effet, vous refusez de reconnaître que le refus individuel d’un accord est susceptible de caractériser un licenciement économique et d’ouvrir les droits qui s’y rapportent.
Selon vous, dans la mesure où le licenciement n’est pas contraint et rendu inévitable par les difficultés économiques de l’entreprise, comme dans le cas d’un licenciement économique, le salarié n’est pas tenu de bénéficier de l’accompagnement et de l’indemnisation prévus en cas de licenciement pour motif économique. En l’absence de cause économique, ces accords de compétitivité peuvent toutefois conduire à modifier les contrats de travail, donc à réviser les conditions d’engagement des salariés.
Pour nous, une telle situation pose problème en tant que telle : ce n’est pas au salarié qui refuse de voir ses conditions de travail modifiées par rapport à celles qui sont initialement prévues lors de son embauche de porter la responsabilité de son licenciement. Il nous paraît légitime d’accorder au salarié contraint les conditions dont bénéficient les salariés en cas de licenciement économique.
En cas de refus d’un salarié de se voir appliquer un accord de compétitivité, nous proposons au contraire que s’applique la procédure de licenciement pour motif économique.
M. le président. L’amendement n° 83, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. La nouvelle dénomination des accords de préservation et de développement de l’emploi, devenus « accords de performance » sur la proposition de notre rapporteur, marque l’élargissement des possibilités offertes à l’employeur d’utiliser l’emploi à tout moment et en toutes circonstances comme un instrument d’ajustement.
Il ne s’agit pas d’une simple discussion sémantique. Nous relevons simplement que le mot « performance » s’applique à la seule entreprise concernée, tandis que le mot « compétitivité » implique l’existence de compétiteurs et la nécessité pour le salarié d’être à la hauteur pour maintenir l’existence de l’entreprise. Cette notion de « performance » exigée de chacun et de chacune d’entre nous, à tout propos et à tout moment, outre qu’elle démontre la pression exercée sur le monde du travail, ouvre pour l’avenir un champ élargi aux exigences des employeurs et aux menaces en matière de précarité et de licenciements.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cette dénomination.
M. le président. L’amendement n° 150, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 23 et 24
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
c) Le V est ainsi rédigé :
« V. – L’employeur dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement. Ce licenciement repose sur un motif spécifique. Ce licenciement est soumis aux seules modalités et conditions définies aux articles L. 1232-2 à L. 1232-14 ainsi qu’aux articles L. 1234-1 à L. 1234-11, L. 1234-14, L. 1234-18, L. 1234-19 et L. 1234-20.
« Lorsqu’au moins dix salariés ont refusé la modification de leur contrat de travail résultant de l’application de l’accord d’entreprise et que leur licenciement est envisagé, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique. » ;
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. L’amendement vise tout d’abord à faire en sorte que le motif spécifique sur lequel le licenciement repose ne puisse plus constituer une cause réelle et sérieuse. Il s’agit là de se conformer à la directive européenne de 1998, qui prévoit l’obligation pour l’employeur d’informer et de consulter le personnel en cas de licenciement pour motif non inhérent à la personne du salarié.
Or, en l’occurrence, le motif spécifique du licenciement visé par ce dispositif est bien non inhérent à la personne, puisqu’il n’est ni disciplinaire, ni pour inaptitude, ni pour faute. Il découle simplement du fait que le salarié ne souhaite pas se conformer à l’accord d’entreprise.
Notre amendement vise également à faire en sorte qu’un accord d’entreprise soit soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique, lorsqu’au moins dix salariés ont refusé une modification de leur contrat de travail, qui résulterait de l’application dudit accord d’entreprise.
Comme le soulignait notre collègue Guillaume Gontard, il y a effectivement beaucoup plus d’avantages à être licencié pour motif économique que pour cause réelle et sérieuse.
Pour le salarié, c’est d’ailleurs plus facile à accepter humainement même si, de toute façon, la manière dont les ordonnances sont rédigées fait désormais peser le risque de l’entreprise sur les salariés et non plus sur les investisseurs. Un célèbre juriste en droit social a du reste récemment déclaré que, avec ces ordonnances, le droit du travail constituait aujourd’hui un outil de protection non plus des salariés, mais des investisseurs.
M. le président. L’amendement n° 89, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 24
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le V est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si l’employeur engage une procédure de licenciement à l’encontre de dix salariés ou plus ayant refusé l’application de l’accord mentionné au premier alinéa, ce licenciement est soumis aux modalités et conditions définies aux articles L. 1233-28 à L. 1233-33. » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Le code du travail prévoit que l’employeur qui envisage de procéder au licenciement collectif pour motif économique d’au moins dix salariés dans une même période de trente jours doit réunir et consulter les représentants du personnel.
La directive 98-59 du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs oblige l’employeur à consulter les instances représentatives du personnel sur les mesures de reclassement prévues. La directive est claire : peu importe la nature économique ou non du licenciement ; dès lors que celui-ci est collectif, les procédures d’information et de consultation des salariés sont obligatoires.
C’est pourquoi nous proposons de rétablir cette obligation dans le cas où dix salariés ou davantage refuseraient de se voir appliquer l’accord de compétitivité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 26, le Sénat a œuvré en juillet dernier lors de l’examen de la loi d’habilitation pour que le licenciement d’un salarié qui refuse d’appliquer un accord de flexisécurité repose sur un motif qui ne soit ni personnel ni économique, mais spécifique et défini par la loi. La commission souhaite conserver cet acquis.
En outre, l’amendement tend à écraser plusieurs apports importants obtenus par l’Assemblée nationale sur les délais de réflexion accordés aux salariés et à l’employeur et à revenir sur certains travaux de la commission. Cette dernière émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 26.
J’en viens à l’amendement n° 83. La commission a appelé « accord de performance sociale et économique » le nouvel accord de flexisécurité défini à l’article 3 de la première ordonnance. L’expression « accord de compétitivité », parfois utilisée pour le désigner, est en effet apparue impropre, non seulement parce que le nouvel accord peut avoir uniquement une visée défensive en cas de difficultés conjoncturelles ou structurelles, mais aussi parce qu’elle peut être source d’incompréhension chez certains de nos concitoyens.
Je souhaite en outre rappeler à notre collègue Jean-Louis Tourenne que la commission n’a pas élargi le champ d’application de cet accord et que l’employeur ne peut pas unilatéralement l’imposer : il faut un accord avec les syndicats majoritaires. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 83.
Le dispositif de l’amendement n° 150 me semble contradictoire : on ne peut pas, d’un côté, maintenir le motif spécifique du licenciement d’un salarié qui refuse d’appliquer l’accord de performance, et, de l’autre, appliquer les règles du licenciement économique quand plus de dix salariés sont licenciés. La commission demande donc à son auteur de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Enfin, pour les mêmes raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 89.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 26. En effet, il ne faut pas confondre deux procédures. Il existe une procédure de licenciement pour motif économique, qui est particulièrement encadrée par la loi et qui n’existe que lorsqu’un motif économique précisément défini, compte tenu de difficultés économiques clairement identifiées, existe au préalable.
Ici, nous nous trouvons dans un cadre différent, celui des quatre catégories d’accords qui, demain, n’en feront plus qu’une : il s’agit d’accords collectifs sur des sujets comme la mobilité, le temps de travail, les salaires ou l’organisation du travail. L’accord s’impose au salarié, sauf s’il le refuse.
Comme je le disais précédemment, cette disposition en vigueur depuis 2000 n’a été utilisée qu’à quatre reprises dans le cadre des accords en cours de fusion. On ne peut pas parler de licenciement économique, dans la mesure où le licenciement découle du refus individuel de se voir appliquer un accord signé, accord qui – je le rappelle – sera demain un accord majoritaire, ce qui n’était pas le cas précédemment. La protection des salariés en sera encore renforcée.
La proposition de M. Gontard ne nous semble donc pas adaptée. Le régime juridique propre au licenciement pour motif économique n’est pas transposable à ce dispositif.
En ce qui concerne l’amendement n° 83, j’ai bien compris que la commission souhaitait changer la dénomination des accords et non élargir leur champ d’application. Il me semble que tout le monde est bien d’accord sur ce point.
Il est vrai que le Gouvernement n’avait pas arrêté de dénomination spécifique dans le cadre du projet de loi d’habilitation. Il avait simplement énuméré un certain nombre de cas de figure. La commission propose la formulation « accord de performance économique et sociale ». Il faut trouver la dénomination qui soit la plus parlante et qui ne crée aucune ambiguïté sur ce que sont ces accords ou ce qu’ils ne sont pas. En tout cas, il s’agit bien d’accords majoritaires, puisque l’enjeu est de s’entendre sur un certain nombre de modifications défensives ou offensives dans l’entreprise.
S’agissant de savoir quelle est la meilleure formulation à retenir, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat. Après tout, c’est tout de même au Sénat que l’on sait le mieux faire ce genre de choses ! (Sourires.)
M. Alain Milon, rapporteur. Merci !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Pour finir, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 150 et 89, qui sont très proches dans leur contenu.
Je reviens au point précédent : si un accord de performance économique et sociale a été signé et que des salariés refusent individuellement de se le voir appliqué, on ne se trouve pas du tout dans le cadre d’un licenciement collectif.
D’ailleurs, si un licenciement collectif était décidé a posteriori, sans motif préalable, ce serait toute la législation sur le licenciement économique qui serait inadaptée. Les amendements nos 150 et 89 sont donc quelque peu hors sujet, tant sur le plan juridique que par rapport à l’esprit qui prévaut à ce type d’accord ou compte tenu de la différence qui existe entre un accord et un contrat.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 85, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer deux alinéas suivants :
…) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’accord ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié. » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise à garantir le respect de la rémunération et du pouvoir d’achat des salariés.
Il s’agit d’un amendement de précaution, dans la mesure où l’accord peut porter atteinte aux primes et accessoires de salaire en augmentant parallèlement le temps de travail et en le flexibilisant.
M. le président. L’amendement n° 170 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’employeur envisage d’aménager la rémunération en application du troisième alinéa du présent I, il transmet aux organisations syndicales de salariés toutes les informations nécessaires à l’établissement d’un diagnostic partagé entre l’employeur et les organisations syndicales de salariés. » ;
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Cet amendement vise à rétablir le diagnostic partagé qui existait dans les accords offensifs, lorsque des baisses de salaires étaient envisagées.
En effet l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective a fusionné les accords de préservation et de développement de l’emploi et les accords de maintien de l’emploi en une seule catégorie, les accords dits « de compétitivité ». Ces anciens accords obligeaient l’employeur à transmettre les informations nécessaires à l’établissement d’un diagnostic partagé, dès lors que la négociation portait sur l’aménagement de la rémunération.
Or cette disposition ne figure plus au nombre des obligations de l’employeur dans le cadre des nouveaux accords de compétitivité. Si nous partageons cette idée que les accords de compétitivité doivent laisser toute sa place à la négociation collective, il nous semble toutefois opportun de rétablir le diagnostic partagé lorsque des baisses de salaires sont envisagées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 85 vise à réintroduire l’une des dispositions qui étaient obligatoires quand un accord de préservation et de développement de l’emploi était signé. Cet accord, créé par la loi Travail, n’a existé que pendant une année et l’on ignore aujourd’hui combien d’accords de ce type ont été conclus.
Ce qui est certain, en revanche, c’est que les multiples contraintes juridiques prévues dans le cadre des accords de maintien de l’emploi, créés en 2013, expliquent leur échec : seule une douzaine d’accords ont été signés en cinq ans. Ne réitérons pas les mêmes erreurs aujourd’hui !
J’ajoute que rien n’interdit aux négociateurs de maintenir la rémunération mensuelle des salariés lors de la négociation d’un accord de performance. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 85.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 170 rectifié, les accords de préservation et de développement de l’emploi, créés par la loi Travail, rendaient obligatoire le diagnostic partagé. Les syndicats pouvaient en outre recourir à un expert-comptable pour analyser le diagnostic de l’entreprise avec l’employeur avant d’établir un accord de maintien de l’emploi.
Toutefois, nous avons tous pu constater depuis cinq ans que la multiplication des garde-fous juridiques était le meilleur moyen de tuer dans l’œuf les accords de flexisécurité. Je souhaite conserver un dispositif simple : faisons confiance aux partenaires sociaux dans l’entreprise, puis tirons un bilan des ordonnances, plutôt que de prévoir des contraintes a priori.
La commission demande donc le retrait de l’amendement n° 170 rectifié ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements, et ce pour les mêmes raisons que celles qu’a évoquées le rapporteur.
À un moment donné, il faut choisir une approche. La nôtre, c’est le dialogue social dans les domaines fixés par la loi. On définit le cadre qui peut être discuté dans l’entreprise et celui qui peut l’être dans la branche. Pour le dialogue social dans l’entreprise, on va favoriser la pratique de l’accord majoritaire, ce qui n’était pas le cas auparavant. On donne ainsi davantage de puissance à l’accord social.
Toutefois, en même temps, on ne peut pas fournir aux salariés tout le détail de ce qu’ils peuvent faire ou ne pas faire. En effet, cela va exactement à l’encontre du renforcement du contrat social dans l’entreprise. Si l’on crée des obligations complémentaires, il faut vraiment que celles-ci soient incontournables, quel que soit le cas de figure. Il faudrait être sûr que, en l’absence de telles précisions, il y aurait un très grand risque de voir les partenaires sociaux ne pas signer l’accord. Honnêtement, je ne le crois pas.
En l’occurrence, je préfère donner la chance au dialogue social. Comme l’a dit le rapporteur, dans le passé, certaines dispositions légales n’ont pas pu entrer en vigueur, tout simplement parce que l’on avait ajouté tellement de conditions, apporté tellement de précisions et créé tellement d’exceptions que les partenaires sociaux ne se sont jamais saisis de ces dispositions, estimant que celles-ci étaient trop compliquées et qu’ils n’y arriveraient jamais.
Il faut au contraire responsabiliser les acteurs : c’est pourquoi on leur donne plus de moyens, notamment de négociation. On va également aider les organisations syndicales à monter en puissance et en compétence. Grâce à l’accord majoritaire, on va renforcer l’équilibre de la discussion entre l’employeur et les organisations syndicales. On peut leur faire confiance. De toute façon, le Gouvernement va suivre de près cette réforme : ce sera l’occasion d’en faire le bilan ensemble.
Personnellement, je ne suis pas inquiète à ce sujet. Des obligations trop détaillées peuvent in fine produire l’effet inverse de celui qui est recherché, à savoir responsabiliser les acteurs pour qu’ils négocient des mesures qui vont dans le sens du progrès économique et social.
M. le président. Monsieur Gold, l’amendement n° 170 rectifié est-il maintenu ?
M. Éric Gold. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 86, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au second alinéa de l’article L. 2222-3-3, l’absence de préambule entraîne la nullité de l’accord. » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Les garanties autour des modalités de préparation de cet accord apparaissent trop faibles. Ainsi, la nullité de l’accord qu’entraînerait l’absence de préambule a disparu.
Or le préambule présente de manière succincte les objectifs visés. Il s’agit d’une sorte de note de synthèse, lisible par tous, qui permet d’améliorer la visibilité et la bonne compréhension des accords. L’intérêt pour les salariés et l’entreprise est évident : ils bénéficient ainsi d’une meilleure connaissance de la norme conventionnelle applicable.
Si la loi de 2016 a prévu de ne pas sanctionner l’absence de préambule par la nullité des accords et conventions conclus, sauf si l’accord en décidait autrement, c’est pour éviter de faire peser une nouvelle obligation sur les organisations syndicales. La nullité des accords offensifs et défensifs était prévue, parce que les accords offensifs, plus particulièrement, réclament un diagnostic partagé. Ceux-ci participent d’une démarche prospective et ne peuvent donc pas s’appuyer sur l’analyse d’un seul diagnostic.
Il est indispensable de doter les partenaires sociaux de tous les outils permettant ce diagnostic partagé et d’améliorer la visibilité de tous les salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Comme je l’ai déjà dit, je suis opposé à l’introduction de contraintes juridiques pour les nouveaux accords de performance. J’ajoute que la sanction de la nullité me paraît quelque peu disproportionnée et que les négociateurs ont l’obligation de prévoir un tel préambule pour exposer les objectifs de l’accord de performance. Restons-en là !
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Aller jusqu’à envisager une clause de nullité ne me semble pas judicieux, d’autant qu’il s’agit d’une source de contentieux.
Au moment où les parties vont s’entendre et signer un accord, je les imagine mal ne pas se mettre d’accord sur des objectifs clairs à partir d’une base concrète. Là encore, évitons un excès de juridisme qui créerait une machine à contentieux plutôt qu’une machine à négocier. Le but, c’est tout de même de faire en sorte que des accords soient conclus !
Le Gouvernement est donc également défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je souhaite m’exprimer sur toute cette série d’amendements qui ont pour objet des accords aux noms différents : accords de compétitivité, accords de maintien de l’emploi, accords de performance, etc. Il serait toujours possible de trouver d’autres noms, mais, l’essentiel, c’est que ces accords présentent un certain nombre de caractéristiques communes.
Tous les garde-fous que nos collègues ont proposés me semblent ne pas suffire. Il y a un instant, notre collègue Jean-Louis Tourenne a proposé le maintien de la rémunération des salariés. Si ces derniers doivent travailler deux heures de plus par jour pour gagner la même chose, il est certain que l’on fait porter les efforts demandés, et certes peut-être nécessaires, pour une réorganisation sur les seuls travailleurs !
Dans mon intervention générale, j’ai parlé tout à l’heure du bilan des différents accords. Je ne sais pas quel type d’accord a été conclu chez PSA, mais ce qui est fondamental et incontestable, c’est que 25 000 emplois ont été supprimés depuis la mise en œuvre de ces accords – peu importe leur nom –, alors que le groupe ne cesse d’accumuler des bénéfices. On attend d’ailleurs l’annonce de bénéfices records chez PSA d’ici peu.
Selon nous, on réglera le problème de la compétitivité et de la performance non pas en abaissant le coût du travail, mais en réduisant le coût du capital. Ce point fondamental nous conduit à nous abstenir sur ces différents amendements, y compris sur l’amendement n° 86, dont les dispositions ne nous semblent pas aller assez loin, compte tenu de la situation et de ses nécessités.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Il y a un malentendu entre nous, madame la ministre. Les arguments que vous développez revêtent une certaine logique, que l’on pourrait partager. Toutefois, votre raisonnement ressemble à un sophisme, car sa base est fausse ou, tout du moins, n’est pas partagée.
Vous partez en effet du postulat que la négociation a toutes les vertus. À partir de là, vous considérez qu’il y a une certaine sagesse à ce que les employés et les chefs d’entreprise qui se sont mis d’accord sur un certain nombre de points et de principes ne les remettent pas en cause.
On pourrait partager ce point de vue, sauf que la négociation telle que vous l’avez définie n’a pas les vertus que vous lui prêtez. Nous l’avons dit et redit : il n’y a pas de délégués syndicaux et, dans un certain nombre de cas, il n’y a même pas de délégués du personnel dans les petites entreprises. Cette réalité fausse complètement la négociation !
Vous aurez des négociations dont le résultat sera un peu forcé, dans la mesure où il existe une relation de subordination entre l’employeur et ses salariés. Dès lors, tout l’édifice que vous construisez risque de s’écrouler, madame la ministre.
J’ai peur que dans les deux ou trois années qui viennent, on assiste à de nombreuses baisses de salaires, à une importante dégradation des conditions de travail, à une augmentation importante des horaires et à un accroissement sensible du travail de nuit. J’espère me tromper, mais je n’en suis pas sûr du tout !
M. le président. L’amendement n° 87, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, cet accord peut être négocié et conclu par des représentants élus mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans les conditions prévues aux articles L. 2232-21 et L. 2232-21-1 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, ou, à défaut, par un ou plusieurs salariés mandatés mentionnés à l’article L. 2232-24. » ;
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement tend à prévoir que les accords de compétitivité puissent être conclus par des élus mandatés ou, à défaut, par des salariés mandatés dans les entreprises ne disposant pas de délégués syndicaux. Leur négociation nécessite une formation spécifique et l’assistance des organisations syndicales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’assouplissement des règles du mandatement prévu par la première ordonnance profitera également aux accords de performance. Je ne suis pas favorable à des dérogations, comme tend à le proposer cet amendement, qui vise à redonner un monopole aux élus mandatés.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 148, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le second alinéa du III est ainsi rédigé :
« La modification du contrat de travail résultant de l’application de l’accord doit faire l’objet de l’accord express du salarié. » ;
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, je défendrai simultanément les amendements nos 148 et 149, qui visent à modifier respectivement le III et le IV de l’article L. 2254-2 relatifs au délai d’un mois dont dispose le salarié pour faire connaître son accord, et non pas son refus.
L’idée que nous défendons à travers ces dispositions, c’est « qui ne dit mot ne consent pas » Nous voulons que les salariés expriment leur refus et donnent leur accord en pleine conscience de ce qu’ils vont signer.
Encore une fois, nous sommes totalement défavorables à ces accords d’entreprise qui s’imposent aux salariés, tout refus de leur part pouvant constituer soi-disant une cause réelle et sérieuse de licenciement immédiat. Nous présentons donc là des amendements de repli.
Nous voulons faire en sorte qu’un certain nombre de cas individuels puissent être mieux pris en compte et qu’un espace de discussion puisse être ouvert. Si le salarié doit donner son accord, peut-être peut-il aller voir l’employeur pour lui expliquer qu’il ne lui est pas possible d’accepter, dans son contrat de travail, telle ou telle clause, compte tenu de sa situation personnelle.
Nous essayons de croire dans le dialogue, même si l’on sait bien que, dans nombre d’entreprises, il s’agit bien souvent d’un dialogue de sourds.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’article L. 2254-2, tel qu’il a été modifié à l’Assemblée nationale par le présent projet de loi, offre, selon la commission, des garanties suffisantes aux salariés qui refusent l’accord.
Le principe étant désormais l’application automatique de l’accord collectif dans l’entreprise, y compris sur les stipulations contraires et incompatibles des contrats de travail, il n’est pas nécessaire de prévoir en plus des règles pour obtenir l’accord des salariés en cas de modification de leur contrat de travail.
M. Martial Bourquin. C’est incroyable !
M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Encore une fois, il n’y a là aucune innovation : ces dispositions selon lesquelles l’accord s’applique aux contrats de travail ne sont pas nouvelles ; on les retrouvait dans les quatre accords qui sont fusionnés.
En revanche, il me semble cohérent de retenir le principe de l’accord tacite du salarié et celui du refus exprès.
Prévoir l’inverse, madame la sénatrice, ce serait aller à l’encontre du but que vous vous êtes fixé : si le salarié doit donner son accord exprès dans un délai d’un mois, dans le cas contraire, il est présumé avoir exprimé un refus et il est donc licencié, sans avoir jamais formulé explicitement qu’il était contre l’accord. Alors même qu’elle n’est pas nécessaire sur le plan juridique, cette disposition pourrait même se retourner contre les salariés. Honnêtement, je pense que c’est superfétatoire.
M. le président. L’amendement n° 88, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au IV, les mots : « dispose d’un délai d’un mois pour faire » sont remplacés par le mot : « fait » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Il existait quatre régimes différents, qui obéissaient à quatre procédures différentes, qui conduisaient à quatre motifs de licenciement différents et qui donnaient lieu à quatre modalités d’accompagnement différentes des salariés.
L’article proposé par les ordonnances tend à harmoniser et à simplifier ces régimes, ce qui est tout à fait louable. Seulement, si le salarié refuse l’accord, on considère qu’il commet une faute et il peut donc être sanctionné par un licenciement.
Le salarié dispose d’un délai d’un mois pour refuser l’accord. Ce délai, nouveau, nous semble trop court. Surtout, cela ressemble à de l’acharnement : non seulement il est en difficulté parce que l’accord, incompatible avec le contrat de travail qu’il a signé, ne lui convient pas, mais encore on lui explique que, faute de contestation de sa part dans un délai d’un mois, il en subira toutes les conséquences.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer ce délai pour lui laisser le temps de la réflexion, voire le temps de s’adapter et de revenir sur sa position.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement, tel qu’il est rédigé, vise à supprimer le délai de réflexion d’un mois accordé au salarié pour refuser l’application d’un accord de performance économique et sociale.
Je ne suis pas certain de saisir l’intention des auteurs de l’amendement. Aux yeux de la commission, et aux miens, le délai de réflexion d’un mois protège à la fois l’employeur et le salarié. Un mois de réflexion n’est pas excessif compte tenu des enjeux d’un tel accord et de ses conséquences en cas de refus du salarié.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Outre les raisons invoquées par le rapporteur, la jurisprudence applicable en général à ce type d’accord retient comme délai raisonnable une durée d’un mois, dans un souci d’équilibre, pour permettre au salarié de prendre sa décision en disposant de toutes les informations pour ce faire. L’absence de précision peut être dommageable pour l’une ou l’autre des parties et elle est facteur de risque, y compris pour le salarié.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Juste une petite divergence : nous ne sommes pas là pour nous plier à la jurisprudence ; nous sommes là pour faire la loi ! Et si la jurisprudence n’est pas en accord avec la loi, nous avons toute latitude pour modifier la loi si telle est notre intention.
Il est exact que l’absence de précision de tout délai peut être quelque peu préjudiciable, mais un mois, c’est nettement trop court. Par conséquent, je souhaiterais que vous puissiez y réfléchir pour l’allonger un peu.
Quand vous êtes licencié, à tout le moins quand vous êtes victime d’une modification de vos conditions de travail, quand votre contrat de travail a été modifié, vous êtes déjà dans l’émotion, vous êtes déjà saisi par angoisse parce que vous ne savez pas ce que vous allez devenir, parce que vous ne savez pas quelle décision vous devez prendre. Tout de même, un mois pour essayer de retrouver de l’apaisement et de la sérénité, c’est un peu trop court.
M. le président. L’amendement n° 149, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au IV, le mot : « refus » est remplacé par le mot : « accord » ;
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Comme je viens de l’expliquer lors de l’examen de l’amendement n° 148, le principe est désormais l’application directe et automatique dans l’entreprise de l’accord de performance. Il n’est donc pas souhaitable de créer des règles spécifiques pour l’acceptation de l’accord. Ce sont les règles de refus qui doivent être définies, non pas celles d’acceptation.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 90, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 25
Insérer huit alinéas ainsi rédigés :
…) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Afin d’assister dans la négociation les délégués syndicaux ou à défaut les élus ou les salariés, un expert-comptable peut être mandaté :
« 1° Par le comité social et économique ;
« 2° Dans les entreprises ne disposant pas d’un comité social et économique :
« – par les délégués syndicaux ;
« – à défaut, par les représentants élus mandatés ;
« – à défaut, par les salariés mandatés.
« Le coût de l’expertise est pris en charge par l’employeur. »
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. La possibilité de conclure de tels accords doit s’accompagner d’un droit à l’expertise, quelle que soit la taille de l’entreprise. Ce droit était inscrit dans les accords de préservation et de développement de l’emploi et financé par l’employeur.
En fait, le problème, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir, est que les ordonnances introduisent des dispositions qui visent – l’intention n’est peut-être pas affichée, mais elle semble bien réelle – à dissuader les membres du CSE de recourir à des expertises en leur faisant porter une part importante de leur financement.
Pourtant, la qualité du diagnostic analysé et partagé sur la situation de l’entreprise est indispensable en l’espèce et faciliterait sans doute les opérations éventuellement de compression du personnel. Sinon, comment les organisations syndicales et les élus du personnel pourront-ils disposer des informations indispensables pour déterminer leur position au regard des accords proposés ?
C’est pourquoi nous proposons de réintroduire ce droit explicitement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La possibilité reconnue par la loi Travail aux négociateurs d’un accord de préservation et de développement de l’emploi de bénéficier de l’aide d’un expert-comptable était somme toute surprenante, car l’expert est là en principe pour aider les élus du personnel, et non pas les délégués syndicaux.
La création du conseil d’entreprise, qui donne des compétences de négociation aux élus du personnel, permettrait de répondre aux attentes des auteurs de l’amendement.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Désormais, il est prévu que les frais d’expertise soient, dans toute une série de cas, à la charge unique de l’employeur, et, dans d’autres cas, à sa charge à hauteur de 80 % et à la charge du comité social et économique à hauteur de 20 %.
Certains frais d’expertise sont toujours pris en charge à 100 % par l’employeur : la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise ; la consultation sur la politique sociale et les conditions de travail et d’emploi ; les expertises sur les projets de licenciements collectifs pour motif économique ; en cas de risques graves constatés dans l’établissement.
En revanche, l’employeur finance à 80 % et le CSE à hauteur de 20 % – sur son budget de fonctionnement – les frais d’expertise liés à la consultation récurrente sur les orientations stratégiques de l’entreprise – depuis 2013 – et, désormais, ce qui est nouveau, les consultations qui peuvent être menées ponctuellement, autres que celles qui sont liées à un licenciement collectif pour motif économique ou à un risque grave constaté dans l’établissement.
La raison de cette inflexion, qui ne touche qu’une partie des expertises, c’est que la situation antérieure n’incitait pas les parties à la responsabilité – elle les rendait même un peu schizophrènes –, puisque l’un – le comité d’entreprise ou le CHSCT – passait la commande, tandis que l’autre – l’employeur – payait, sans jamais qu’une réflexion soit menée sur le choix des experts, sans jamais qu’une négociation soit menée avec eux. Cette double décision était donc complètement dissociée.
L’introduction de cette coresponsabilité, même si, évidemment, la part de l’employeur est beaucoup plus importante en raison de ses capacités financières, permettra à l’employeur et au CSE de mener une réflexion commune sur ces expertises ponctuelles – les sujets récurrents ou graves, je le répète, ne sont pas concernés –, sur leurs « conditions d’achat ». Cela permettra aussi une certaine régulation du marché de l’expertise, ce qui ne sera peut-être pas inutile.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je récuse l’idée selon laquelle on ne se responsabilise que lorsque l’on doit sortir de sa poche des espèces sonnantes et trébuchantes. Dire cela, c’est considérer que les individus ne sont sensibles qu’à cet aspect des choses et ne sont responsables que si on les fait payer. C’est un peu rapide et cela ne correspond pas à la réalité.
Vous nous dites que ce cofinancement est destiné à éviter les abus, les demandes d’expertise un peu trop faciles. C’est une noble ambition, même si je ne suis pas certain qu’il y en eût trop.
Toutefois, ce que vous ne nous dites pas, madame la ministre, c’est qu’en faisant payer les CSE pour les expertises alors que la cotisation n’augmentera pas dans les petites entreprises, vous leur retirez des moyens, non seulement pour faire des expertises, mais également pour proposer des activités culturelles, sportives et éducatives, qui sont pourtant bien utiles.
Ce sont les petites entreprises, que vous voulez défendre, qui seront cette fois encore pénalisées.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 91, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 25
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article L. 2262-13 est abrogé ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Cet article prévoit que les nouveaux accords sont « présumés négociés et conclus conformément à la loi ». En conséquence, il appartient à celui qui conteste leur validité d’apporter la preuve qu’ils n’ont pas été négociés ou conclus conformément à la loi. C’est une règle de base du droit.
Toutefois, la mention portée dans l’ordonnance mérite deux observations.
D’une part, nous sommes là dans le droit du travail, si tant est que vous le souhaitiez, pour le faire dériver vers le droit civil des obligations et le droit commercial de la prestation de service. Si donc le droit du travail a encore une autonomie, pourquoi la présomption de conformité à la loi d’un simple accord entre parties privées doit-elle être explicitement mentionnée ? S’agit-il de faire pression en cas de contentieux ou de dissuader de former un recours ?
D’autre part, cette présomption ne nous paraît pas être une bonne chose dès lors que la base de données nationale rendant publics les conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d’entreprise et d’établissement prévue par la loi de 2016 n’existe pas.
M. le président. L’amendement n° 92, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 25
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa de l’article L. 2262-14, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « six » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Nous estimons que le délai de deux mois prévu pour le recours contre les accords collectifs est trop court, particulièrement en raison des nouvelles modalités de conclusion. Nous proposons donc de le porter à six mois.
M. le président. L’amendement n° 27, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 26 à 33
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
5° Les articles L. 2262-13 à L. 2262-15 sont abrogés.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Comme cela vient d’être dit, cet article valide tout accord ratifié au nom d’une présomption de légalité d’un accord d’entreprise majoritaire. Mais quand on sait que les négociations d’accords d’entreprise sont largement favorables au patronat, une telle mesure signifie que ce dernier pourra imposer sa « loi » en toute légalité, même si les mesures qui sont prises se révèlent illégales.
D’ailleurs, dans un document publié le 7 juin dernier par le journal Libération, la Direction générale du travail annonce clairement que cette présomption de légalité vise en fait à restreindre le contrôle du juge sur les accords collectifs. C’est clair !
L’ordonnance vise donc bien à éloigner les salariés des moyens de faire respecter leurs droits. Ainsi, les syndicats auront moins de temps pour analyser le contenu des accords et apporter la preuve d’une non-conformité de ces derniers avec la loi. Et même s’ils arrivent à le faire, ils ne pourront pas véritablement obtenir gain de cause, car le recours aux prud’hommes sera toujours à l’avantage de l’employeur, en raison, notamment, du plafonnement préalable des indemnités.
La présomption de légalité, c’est donc donner un chèque en blanc pour que les employeurs enfreignent la loi et les droits des salariés. C’est tout simplement leur donner les pleins pouvoirs. C’est pourquoi nous demandons l’abrogation de ces articles.
M. le président. L’amendement n° 93, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article L. 2262-15 est abrogé ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise à mieux encadrer les conséquences de la décision du juge. En effet, cette disposition permet la modulation de l’annulation d’un accord collectif jugé illégal. Si un accord prévoyant une diminution de salaire est jugé illégal, l’employeur pourrait échapper à la compensation financière relative aux heures travaillées.
Nous demandons donc la suppression de cet alinéa.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’article L. 2262-13 que souhaitent abroger les auteurs de l’amendement n° 91 tire les conséquences d’un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation.
Dans un arrêt du 27 janvier 2015, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées.
En conséquence, il revient à celui qui les conteste de démontrer que ces différences de traitement sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. La chambre sociale a étendu cette jurisprudence aux différences de traitement entre salariés exerçant des fonctions distinctes au sein d’une même catégorie professionnelle, puis aux différences de traitement résultant d’accords d’établissement au sein d’une même entreprise.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
S’agissant de l’amendement n° 92, le délai de deux mois pour engager une action en nullité contre un accord collectif est effectivement bref, mais il correspond à celui bien connu pour introduire devant le juge administratif un recours en excès de pouvoir contre un acte réglementaire.
J’ajoute que les salariés conservent la faculté, qui n’est pas limitée dans le temps, d’attaquer indirectement, par voie d’exception, un accord devant le juge judiciaire quand il est lié à un litige individuel.
La commission émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.
Concernant l’amendement n° 27, la commission souhaite conserver les trois articles mentionnés dans cet amendement de suppression.
Le premier article porte sur la charge de la preuve en matière de recours contre un accord. Nous venons de le voir avec l’amendement n° 91.
Le deuxième concerne le délai de prescription des actions en nullité, fixé à deux mois. Nous venons d’en parler avec l’amendement n° 92.
Le troisième autorise le juge à moduler dans le temps les effets de sa décision en cas d’annulation d’un accord, en reprenant une jurisprudence du Conseil d’État du 11 mai 2004, Association AC ! et autres.
Tous ces articles améliorent, selon la commission, la sécurisation juridique des normes du droit du travail. Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, je ne comprends pas ce qui motive l’amendement n° 93, car l’article L. 2262-15 vise à mieux protéger les salariés et les employeurs quand un accord est annulé par le juge.
J’ajoute que le Sénat tient à cette mesure, car c’est notre assemblée qui l’a proposée lors de l’examen de la loi Travail à travers un amendement présenté par Mme Lamure et plusieurs membres de la délégation aux entreprises.
Au total, la commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Concernant l’amendement n° 91, la présomption de conformité des accords est un principe de droit qui fait sens. De surcroît, considérer que les accords majoritaires ne bénéficient pas par principe de cette présomption, c’est introduire de la défiance avant même le début des négociations, même si rien n’empêche l’une des deux parties de former par la suite un recours… Laissons plutôt la confiance s’installer !
Concernant l’amendement n° 92, un délai de six mois serait beaucoup trop long, d’autant que cette durée de deux mois correspond à la pratique. Le cas échéant, l’accord aurait eu le temps de produire ses effets, ce qui ne serait pas forcément l’intérêt ni d’une partie ni de l’autre.
En ce qui concerne l’amendement n° 27, le Gouvernement est évidemment défavorable à suppression des trois articles. Le juge sait parfaitement moduler dans le temps les effets de sa décision en cas d’annulation d’un accord : il prend en compte la nature du sujet et, bien évidemment, la situation des deux parties, notamment celle des salariés dans une petite entreprise.
La question qui se pose, c’est celle d’une rétroactivité complète ou non de la décision du juge. De fait, on n’a observé jusqu’à présent aucune étrange jurisprudence qui rendrait nécessaire de légiférer. Je me permets donc de renvoyer l’ascenseur ! (Sourires.)
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article additionnel après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié quater, présenté par MM. Chasseing, Luche et Cigolotti, Mme F. Gerbaud, MM. Longeot, Gabouty et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l’article L. 1233-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur n’est pas tenu de réaliser des efforts de formation ou d’adaptation qui nécessiteraient l’acquisition de connaissances de base non acquises avant le reclassement. »
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Le nouvel article L. 1233-4 du code du travail, modifié par l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, prévoit une obligation de formation, imposant à l’employeur des efforts de formation ou d’adaptation du salarié avant qu’un licenciement économique ne puisse intervenir.
C’est très bien, mais cette obligation n’est aujourd’hui ni limitée ni précise. Il peut cependant être compliqué de former un salarié pour un poste disponible s’il ne dispose pas de suffisamment de compétences pour accéder à un tel poste ; la formation doit être en rapport avec les possibilités du salarié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement de notre collègue Daniel Chasseing vise à préciser que l’employeur n’est pas obligé de proposer des actions de formation de base aux salariés avant un licenciement économique.
Il est vrai que la formation professionnelle doit, hélas, souvent pallier les carences de la formation initiale, mais cet amendement risque d’envoyer un mauvais signal, alors même que le Gouvernement veut mettre l’accent sur la formation tout au long de la vie. En outre, la notion de « connaissances de base » me paraît floue et mal définie.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’acquisition de connaissances de base n’implique pas de devoir en revenir à une formation initiale complète ; auquel cas, il ne serait pas possible de solliciter l’employeur à cette fin.
En revanche, alors que les mutations professionnelles sont chaque jour un peu plus d’actualité, l’employeur a pour responsabilité essentielle de maintenir l’employabilité de ses salariés, de veiller à leurs compétences ; j’irai presque jusqu’à dire que c’est inscrit dans le contrat. C’est un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir lors de l’examen de la prochaine loi.
Le Gouvernement demande donc lui aussi le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 4 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié quater est retiré.
Article 3
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales est ratifiée.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article.
M. Dominique Watrin. Je veux revenir sur l’annonce de la rédaction d’une sixième ordonnance, dite « ordonnance balai », qui est – ou serait – censée corriger les erreurs et les incohérences des cinq textes initiaux. En tout cas, c’est ainsi qu’elle est présentée.
Alors que l’article 3 prévoit la fusion des instances représentatives du personnel au sein du nouveau conseil social et économique, le CSE, entraînant au passage la disparition des CHSCT, des comités d’entreprise et des délégués du personnel, cette fameuse ordonnance balai prévoit d’élargir la capacité de négociation du futur conseil d’entreprise. En effet, l’article 3 autorise les entreprises à transformer, par accord majoritaire avec les syndicats, le nouveau CSE en conseil d’entreprise, lequel pourrait même négocier des accords avec les employeurs.
Par exemple, un plan de sauvegarde de l’emploi pourra être négocié par le conseil d’entreprise, et non plus par les organisations syndicales représentatives.
En attendant de discuter de cette sixième ordonnance, celle dont nous débattons à cet article prévoit la disparition des CHSCT et leur remplacement par une commission « santé, sécurité et conditions de travail », mais uniquement dans les entreprises de plus de 300 salariés, alors que les CHSCT étaient créés dans celles de plus de 50 salariés.
En réalité, en supprimant cette instance, vous supprimez l’instance de représentation la plus proche de la réalité de l’activité et du travail. Ses réunions sont en effet l’occasion de discussions, de décisions et d’expertises en faveur de l’amélioration des conditions de travail et l’ordre du jour de cette instance est exclusivement consacré à ce sujet.
D’ailleurs, les CHSCT n’ont cessé de prendre de l’importance ces dernières années pour devenir des acteurs incontournables dans la prévention des risques professionnels, qu’ils soient physiques, chimiques ou organisationnels. Cette montée en puissance s’est faite, alors que se développaient des maladies psychosociales et que les pathologies plus classiques se maintenaient à un niveau élevé.
Malgré leurs limites, les CHSCT remplissaient une fonction spécifique, préventive, que vous prenez la responsabilité de supprimer. Pour notre part, nous nous opposons à cette régression, qui ne tardera pas – nous en sommes convaincus – à montrer des effets négatifs, et cela bien au-delà de l’entreprise.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Au sujet de l’article 3, comme pour l’article 4 d’ailleurs, et quitte à me répéter, je persiste à dire que la fusion prévue des délégués du personnel, du CHSCT et du comité d’entreprise aura pour effet de relativiser les questions de santé au travail.
Je l’avais dit l’été dernier ici même et je le redis aujourd’hui encore une fois, il s’agit d’une grave régression, notamment en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés.
On nous avait promis qu’une commission traiterait les questions d’hygiène et de santé et celles liées aux conditions de travail et qu’elle bénéficierait de la personnalité morale pour pouvoir ester en justice. Comme l’a fait remarquer Jean-Louis Tourenne, seules les entreprises de plus de 300 salariés seront obligées d’instaurer cette commission qui, d’ailleurs, n’aura pas de personnalité morale… Et quid des autres entreprises ?
Je veux encore rappeler que chacune des trois instances que vous voulez fusionner a une histoire, et surtout une raison d’exister. Elles permettent aux salariés d’intervenir et de s’exprimer. Par exemple, les CHSCT ont un rôle irremplaçable pour vérifier que les lois et règlements ayant un rapport avec la sécurité et la santé au travail sont bien respectés. Ces comités sont aussi des lanceurs d’alerte dans le domaine de l’environnement et pour bien d’autres questions encore.
Comme l’écrivait un sociologue du travail, les élus du CHSCT constituent la mauvaise conscience de l’employeur, lui rappelant sans cesse les conséquences de ses décisions sur les salariés. Voilà qui explique que certaines organisations patronales considèrent bon nombre de ses prérogatives comme exorbitantes. Le contre-pouvoir que constituent les CHSCT semblait en effet les gêner. « Cachons ces conditions de travail que nous ne saurions voir ! », pourrait-on dire pour expliquer cette position… (Sourires.)
Je persiste : fusionner toutes ces instances en une seule, c’est enlever de l’efficacité et de la force à chacune d’elles, à commencer par le CHSCT, dont le remplacement par une hypothétique commission dans les entreprises de moins de 300 salariés ne saurait suffire. Je m’opposerai donc à une telle fusion.
Pour conclure, je rappellerai qu’il n’y a pas de fatalité à ce que le Parlement du XXIe siècle vote des lois dont le XXe siècle n’a pas voulu. Et si le XXe siècle n’en a pas voulu, c’est que ces lois n’étaient pas fidèles aux promesses de justice de la République.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, sur l’article.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je ne reviendrai pas en détail sur les dispositions de cet article, parce que mes deux collègues Watrin et Courteau l’ont fait brillamment.
Cet article acte effectivement la disparition du CHSCT, mais, au-delà de cette mesure, je dois dire que la politique actuellement mise en place par le Gouvernement contient toute une série de mesures, qui fragilisent les dispositifs et les acteurs de la prévention des risques professionnels.
Pourtant, ces problématiques émergent aujourd’hui dans la société, souvent à la suite – malheureusement – de scandales, comme l’amiante ou les vagues de suicides qu’ont connues de grandes entreprises.
Malgré cela, le Gouvernement ne se saisit pas de ce sujet. Au contraire, madame la ministre, vous êtes gravement, et presque inexplicablement, à contre-courant. C’est pourquoi je vous appelle, ainsi que votre collègue en charge de la santé, à écouter les acteurs et les parlementaires.
Plusieurs exemples concrets montrent ce décalage : le budget de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail connaît encore une diminution et des suppressions de postes vont être mises en œuvre ; à l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, 58 postes de chercheurs vont également être supprimés, alors qu’ils ont pour objectif de trouver des solutions aux problèmes graves que rencontrent les salariés dans leurs conditions de travail ; les CARSAT – les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail – auront 80 postes en moins, alors que la branche AT-MP est excédentaire.
De leur côté, les ordonnances entraînent la disparition du CHSCT et une moindre prise en charge des expertises. Or, ces expertises, dont le financement est mis en danger, touchent directement la prévention des risques professionnels, y compris lorsqu’elles concernent la question des réorganisations. Il faut aussi citer, bien évidemment, le compte professionnel de prévention, qui remplace le compte personnel de prévention de pénibilité dont on retire, au passage, quatre facteurs de risques, notamment l’exposition à des agents chimiques dangereux.
En matière de santé, on sait bien que l’exposition à certains risques chimiques provoque des cancers et la traçabilité dans l’entreprise est essentielle, car elle permet de comprendre l’origine de la maladie, et donc d’assurer la prévention et de traiter le problème.
On le voit, bien des décisions prises par le Gouvernement ne peuvent que susciter un regard non seulement critique, mais surtout extrêmement inquiet, en ce qui concerne la situation de la prévention des risques professionnels.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l’article.
M. Martial Bourquin. Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes en pleine curiosité législative, puisque nous discutons d’un texte qui s’applique déjà en grande partie. Avouez tout de même que c’est assez singulier ! C’est pourtant la réalité.
L’article 3 du projet de loi, qui concerne la fusion des différentes instances représentatives dans l’entreprise, pose un véritable problème. En effet, nous serons certainement les seuls, en Europe, à pratiquer de la sorte.
L’Allemagne est souvent présentée comme un exemple sur le plan économique et en termes de consensus entre directions des entreprises et organisations syndicales. Or ce consensus s’exprime notamment dans des instances comme le CHSCT, tout simplement parce que ce comité joue un rôle fondamental en matière de santé au travail.
Les élus qui siègent dans les CHSCT se sont formés durant des années. Ils ont la possibilité de dialoguer avec la direction et de faire des suggestions pour améliorer la santé au travail, les conditions de travail, donc la productivité.
Vous décidez de fusionner tout cela et, à terme, les missions réalisées aujourd’hui par les CHSCT vont disparaître. En effet, les organisations syndicales sont unanimes pour dire que siéger efficacement dans un CHSCT nécessite d’être formé. Il faut connaître le droit du travail, mais aussi les questions de santé et de dangerosité, tous sujets qui nécessitent bien évidemment une formation.
Pourquoi fusionner ces organismes, alors que chez nos voisins européens, ils sont utilisés pour discuter et élaborer des consensus ? Cette décision me paraît dommageable, car une telle fusion risque d’empêcher l’émergence publique de nombre de problèmes de santé au travail.
Parmi ces ordonnances, qui, disons-le, sont antisociales (Exclamations sur les travées du groupe Union Centriste.), la disparition du CHSCT constitue certainement le recul social le plus emblématique !
Mme Françoise Gatel. Ce n’est tout de même pas la fin du monde !
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de respecter vos temps de parole.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 28 est présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 94 est présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 28.
Mme Laurence Cohen. Les collègues qui se sont exprimés sur cet article en ont bien montré la nocivité. Pour nous, la fusion des instances représentatives du personnel ne va pas du tout dans le bon sens. Je veux insister sur le fait que chacune de ces instances joue un rôle bien différencié et nécessaire à la démocratie sociale en entreprise.
Qu’il s’agisse des revendications du quotidien, de la santé ou des conditions de travail, chaque élu a un rôle spécifique, tout en restant ancré dans la réalité de son entreprise.
La création par ces ordonnances du comité social et économique détricote ce maillage au plus près de la réalité du travail et des salariés. Ces ordonnances prétendument destinées à renforcer le dialogue social font en fait l’inverse, et j’y vois trois raisons.
Tout d’abord, la fusion dans une seule instance introduira une grande complexité pour les représentants du personnel, ce que tous les syndicalistes auditionnés par notre groupe ont dénoncé.
Ensuite, la suppression du CHSCT en tant qu’institution autonome est très grave, car elle contribue à diluer les questions de santé au travail, qui sont pourtant fondamentales à l’heure où les techniques managériales augmentent les risques psychosociaux. Les accidents du travail sont nombreux, et les CHSCT conservent plus que jamais toute leur place. Vous parlez de prévention et d’amélioration des conditions de travail, mais vous cassez l’outil qui est au cœur de ces questions.
Enfin, la fusion de ces instances va diminuer le nombre d’élus, et ceux qui seront élus devront assumer plus de missions avec autant d’heures de délégation. Là encore, comment imaginer que cette mesure constitue un atout pour le dialogue social ? C’est l’inverse ! Comment ignorer que, de fait, ces délégués du personnel vont devenir, faute de temps, des professionnels éloignés des problématiques de terrain ?
La fusion de ces instances est donc dangereuse et contribue encore un peu plus à faire pencher la balance toujours du même côté, celui qui n’est pas favorable aux salariés.
Si les conditions de travail sont bonnes, la productivité du travail s’améliore ; tout le monde est donc gagnant : les salariés comme les directions des entreprises. Avec cet article, nous sommes au contraire dans un mouvement « perdant-perdant » !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 94.
M. Jean-Louis Tourenne. Tout ce qui vient d’être dit dénote la gravité de la décision qui a été prise par l’intermédiaire de l’ordonnance n° 2017-1386, ratifiée à l’article 3 du projet de loi, et qui aboutira à une dégradation grave des conditions de l’exercice professionnel dans l’entreprise.
Je ne vais pas reprendre l’ensemble des arguments, puisque je les ai déjà évoqués dans la discussion générale et qu’ils viennent d’être rappelés.
Les effets toxiques de la fusion, qui plus est, brutale, de l’ensemble des instances représentatives du personnel en une instance unique ont été démontrés. En outre, cette mesure risque de créer une nouvelle complexité des tâches et des responsabilités pour les élus du personnel, qui seront moins nombreux pour les assumer.
Je note également la volonté de réduire le nombre de mandats à trois. Or les accords de branche fixent souvent la durée de ces mandats entre deux et quatre ans, ce qui pourrait entraîner une période totale de six ans seulement.
M. Martial Bourquin. Oui, c’est d’une bêtise incroyable !
M. Jean-Louis Tourenne. Pour ma part, je suis sénateur depuis trois ans et je n’ai pas encore appris tous les arcanes du métier. Exercer de telles fonctions demande des compétences, des connaissances et une sensibilité particulière.
Qui plus est, vous allez interdire aux représentants du personnel – j’espère que ce n’est pas voulu – de disposer des moyens nécessaires pour remplir leurs missions.
La suppression du CHSCT et son remplacement par une hypothétique commission dans les entreprises de moins de 300 salariés constituent, à notre sens, une régression grave en matière de conditions de travail et de prévention de la santé et de la sécurité des salariés. Cela aboutira inévitablement à la dilution de ces questions, pourtant primordiales, dans l’ensemble des compétences du nouveau CSE, notamment les considérations économiques. Je note d’ailleurs que les ordres du jour de ces conseils seront particulièrement chargés…
Cela a été dit, ces commissions spécialisées n’auront pas la personnalité juridique et ne pourront pas ester en justice, aspect qui donnait de l’indépendance aux CHSCT et leur permettait de juger en toute objectivité et de s’adresser éventuellement aux instances compétentes afin de régler les difficultés.
En ce qui concerne la liberté du conseil social et économique de décider du transfert de l’excédent du budget de fonctionnement vers les activités sociales et culturelles, le projet de loi de ratification revient sur un droit du CSE : selon les informations disponibles, ce transfert serait limité à 10 %. Ainsi, en cas d’excédent de fonctionnement, seuls 10 % des fonds pourraient être utilisés en plus pour les activités culturelles et sportives.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Louis Tourenne. Ce seuil est particulièrement bas et conduit à s’interroger sur la volonté de réduire, à terme, le budget des CSE.
Enfin, en ce qui concerne le financement des frais d’expertise, sujet traditionnellement conflictuel, le projet de loi de ratification ajoute une nouvelle restriction aux droits du CSE. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Jean-Louis Tourenne. Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 3.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission est favorable au maintien de l’article 3. Elle est donc défavorable à ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je voudrais revenir un instant sur la question de la santé au travail.
Nous en sommes tous d’accord, il s’agit d’un sujet très important.
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. Martial Bourquin. Tellement important que vous supprimez les CHSCT !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le désaccord que nous pouvons avoir avec certains d’entre vous ne porte donc pas sur l’intention, mais sur l’efficacité et les moyens.
En ce qui concerne la fusion des instances, que certains estiment judicieuse, d’autres non, je voudrais revenir sur le cas de l’Allemagne : la commission où les sujets de santé au travail sont discutés fait partie du Betriebsrat, équivalent du futur comité social et économique. L’intégration d’une telle commission au sein d’un conseil plus large ne signifie donc pas moins d’efficacité.
Je rappelle d’ailleurs que, en matière d’accidents du travail, la France a aujourd’hui de mauvais résultats. On ne peut donc pas dire que le dispositif en vigueur donne pleinement satisfaction… Et l’une des raisons qui expliquent ces résultats tient justement au fait que la santé et les conditions de travail dans l’entreprise ne sont pas considérées comme l’affaire de tous.
L’absence d’un comité unique, qui s’intéresse à la fois à l’économie générale de l’entreprise, à son organisation, au temps de travail, à la formation et aux conditions de sécurité, explique que nous nous situions davantage dans le curatif que dans la prévention primaire.
Je puis vous dire que je parle d’expérience. Lorsque Christian Larose, Henri Lachmann et moi-même préparions, en 2010, notre rapport sur le bien-être et l’efficacité au travail, nous imaginions déjà un rapprochement des instances pour que la santé au travail devienne l’affaire de tous, au niveau tant du management que des partenaires sociaux.
Il est évidemment nécessaire que quelques personnes se spécialisent plus avant du fait de la technicité des sujets. Cela existe d’ailleurs aujourd’hui dans les entreprises avec les personnes responsables de la prévention, parfois appelées « préventeurs ». Les ordonnances ne modifient pas cet aspect.
Pour autant, un comité social et économique, qui s’attaque à l’ensemble des questions, permet de faire en sorte que la santé au travail devienne l’affaire de tous.
Vous le savez, il est prévu qu’une commission spécialisée sera créée dans les entreprises de plus de 300 salariés et dans tous les secteurs sensibles – on pense naturellement à la chimie, mais il y a aussi la construction et bien d’autres. C’est une occasion de mettre ces questions à l’agenda de tout le monde.
Par ailleurs, je rappelle que les membres du CHSCT ne sont pas élus directement par le personnel et ne sont donc pas considérés par les salariés comme des représentants au sens direct. Dorénavant, ceux qui s’occuperont de ces sujets seront élus, ce qui devrait créer un lien et une dynamique plus forts.
En ce qui concerne la pénibilité, et comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, nous avons eu pour objectif de transformer un droit formel en un droit réel qui s’applique à la totalité des salariés, même dans les petites entreprises. Cela n’aurait pas été le cas si nous en étions restés aux textes précédemment en vigueur.
Pour autant, je suis d’accord avec vous pour dire que la question des risques chimiques reste pendante. C’est un sujet très difficile, puisque, par définition, l’effet est considérablement différé. C’est pourquoi Agnès Buzyn et moi-même avons confié une mission au professeur Frimat. Et il est évident que nous devrons revenir sur ce sujet, pour mettre en place un outil qui soit efficace à la fois en termes de prévention et de réparation.
Toujours avec Agnès Buzyn, j’ai lancé une mission sur la santé au travail pour faire le point sur le renforcement de la prévention et j’ai demandé que la prévention primaire soit intégrée dans les priorités. Cette mission approfondira aussi les questions liées à la médecine du travail, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle rencontre de graves difficultés – on le voit, entre autres, au déficit de candidatures – et que ses métiers doivent évoluer.
Vous le voyez, la prévention comme la santé et la sécurité au travail font partie de nos priorités. En ce sens, faire en sorte que l’ensemble du comité social et économique s’empare de ces sujets et s’en sente responsable est une bonne chose.
Bien sûr, certains membres se spécialiseront et apporteront leur expertise propre, mais intégrer la prévention dans toutes les compétences du comité – contexte économique, organisation et aménagement du travail… – est positif. Aujourd’hui, une instance est chargée de négocier un accord, tandis qu’une autre en évalue les conséquences, ce qui est clairement un obstacle à la prévention.
Contrairement aux craintes que certains d’entre vous ont exprimées, le CSE permet de progresser sur le terrain de la santé au travail et de la prévention. Les représentants continueront d’être formés et aucune obligation existante en matière de santé au travail n’est diminuée du fait des ordonnances.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je voudrais intervenir sur ces deux amendements pour dire que je partage, avec beaucoup de sincérité et de conviction, la présentation que vient de faire Mme la ministre.
Tous ceux, dans cet hémicycle ou ailleurs, qui ont eu l’occasion de travailler en entreprise, voire d’être membres d’une instance représentative, comprennent effectivement la problématique de la sécurité et de la santé. Le CHSCT est souvent vu comme un instrument d’alerte à titre curatif, alors que les problèmes doivent être appréhendés dans leur globalité. Parler de sécurité et de santé amène nécessairement à évoquer l’organisation et la formation.
Je ne vois pas comment on peut faire fonctionner une entreprise si l’on traite les thématiques en silos. Au contraire, avec la mesure de fusion des instances, la problématique de la santé et de la sécurité sera placée au cœur de l’organisation de l’entreprise. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Chacun d’entre nous est fort de son expérience, et nous savons bien que les CHSCT sont déjà interrogés sur les questions d’organisation du travail et sur leurs conséquences sur la santé.
Madame la ministre, je crois à votre bonne foi, mais vous ne me convainquez pas, tout simplement parce que, dans les faits, vous nous avez proposé une diminution des budgets et des moyens de l’État et de la sécurité sociale consacrés à ces questions.
Il est clair que les prérogatives des commissions qui remplaceront les CHSCT seront également en baisse par rapport au droit antérieur.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je souhaite apporter mon soutien aux propos de Mme la ministre, en particulier sur cette question du CHSCT et de la fusion des instances représentatives en une seule.
Ceux qui connaissent la situation des petites entreprises – je pense à celles de moins de 300 salariés – savent pertinemment que ces instances ne fonctionnent pas très bien et qu’elles sont finalement composées des mêmes personnes. En les regroupant pour éviter un travail distinct, on crée une véritable colonne vertébrale, à la fois économique et sociale, au sein de l’entreprise.
En outre, pour les entreprises de plus de 300 salariés, le conseil d’entreprise sera un outil de gouvernance beaucoup plus puissant que des instances séparées.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que cette mesure favorisera une meilleure reconnaissance des parcours syndicaux et une plus grande implantation syndicale par le biais des nouvelles négociations qui sont prévues.
L’article 3 est donc essentiel. C’est pourquoi le groupe La République En Marche votera contre ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 et 94.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 160 rectifié bis, présenté par Mme Schillinger, MM. Lévrier, Amiel et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le second alinéa de l’article L. 2232-8 du code du travail est complété par les mots : « sur la base d’un montant forfaitaire fixé par arrêté pris par le ministre chargé du travail ».
II. – L’article L. 2232-8 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est applicable au maintien de rémunération et de cotisations et contributions sociales afférentes à la rémunération des salariés ayant participé aux négociations engagées après le 31 décembre 2017.
III. - Au 3° de l’article L. 2135-11 du code du travail, après le mot : « moyen », sont insérés les mots : « de la contribution prévue au 1° du I de l’article L. 2135-10 et ».
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement a pour objet le maintien de la rémunération des salariés des entreprises de moins de 50 salariés par l’association de gestion du Fonds paritaire national.
Il est indispensable de prévoir la prise en charge de ces salaires sur la base d’un forfait, puisque l’association ne sera pas en mesure de connaître précisément la rémunération des salariés ayant participé aux négociations. La transmission à cette association du montant de la rémunération des salariés par les organisations syndicales ou par les employeurs serait une atteinte à la protection des données personnelles.
En outre, cet amendement vise à réintroduire la possibilité de financement de missions d’information et d’animation de la formation économique, sociale et syndicale par la contribution des entreprises. En effet, à la suite à la concertation avec les organisations syndicales, il est apparu que la seule subvention de l’État ne pourrait couvrir durablement les dépenses relatives aux missions d’animation et d’information qui incombent aux organisations syndicales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’ordonnance n° 2016-1386 a prévu la prise en charge par le Fonds paritaire de financement du dialogue social de la rémunération des salariés des PME amenés à participer à des négociations au niveau de la branche.
Cet amendement vise à préciser qu’il s’agira d’une prise en charge forfaitaire, faute de pouvoir transmettre au Fonds des informations sur la rémunération de chaque négociateur.
Il s’agit donc d’un ajustement technique et il appartiendra au Gouvernement de consulter les partenaires sociaux avant de fixer ce forfait par arrêté.
Par ailleurs, cet amendement a été complété, il y a quelques instants, pour réintroduire la possibilité pour le fonds paritaire de prendre en charge, au titre de la contribution des entreprises, la formation économique, sociale et syndicale.
Cette modification ne modifie pas l’avis de la commission, qui reste favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Nous avions effectivement prévu que les salaires des négociateurs de branche puissent être pris en charge par le Fonds paritaire national et nous avions précisé, par décret, que cela se ferait sur une base forfaitaire pour les entreprises de moins de 50 salariés.
En prévoyant que cette mesure soit prise par arrêté, cet amendement apporte une clarification utile, qui rend le dispositif opérationnel, sans aucune ambiguïté.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
L’amendement n° 162, présenté par Mme Schillinger, MM. Lévrier, Amiel et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 9 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales est ainsi modifié :
1° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Lorsque, en dehors du cas prévu au 1° du présent II, les mandats des délégués du personnel, des membres élus du comité d’entreprise, de la délégation unique du personnel, de l’instance regroupée mise en place par accord et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail arrivent à échéance entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019, leur durée peut être réduite par accord collectif, de manière à ce que leur échéance coïncide avec la date de mise en place du comité social et économique et, le cas échéant, du comité social et économique d’établissement et du comité social et économique central. » ;
2° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’accord collectif et la décision de l’employeur mentionnés au premier alinéa du présent III peuvent fixer, pour le premier cycle électoral suivant la mise en place du comité social et économique, des durées de mandat des représentants des comités d’établissement différentes pour chaque établissement, dans une limite comprise entre deux et quatre ans. »
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Le présent amendement a pour objet de permettre la mise en place du comité social et économique de manière anticipée lorsque les mandats des anciennes IRP arrivent à échéance entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019, hypothèse qui n’est pas prévue par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017.
Cet amendement vise également à prévoir que l’accord collectif et la décision de l’employeur permettant de faire coïncider l’échéance des mandats pour une mise en place du comité social et économique simultanée au niveau de chaque établissement puissent fixer des durées de mandat différentes pour chaque établissement distinct pour le premier cycle électoral suivant la mise en place du comité social et économique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement a pour objet de donner plus de souplesse aux entreprises pour mettre en place de manière anticipée, avant la date du 1er janvier 2020, le comité social et économique et ses déclinaisons au niveau central, ainsi que dans les établissements.
Dans le cadre d’un accord, les partenaires sociaux de l’entreprise pourront s’entendre pour réduire la durée des mandats des élus actuels lorsque ceux-ci s’achèvent dans le courant de l’année 2019. De plus, ils pourront adapter la temporalité des comités d’établissement pour tenir compte des contraintes propres à l’entreprise.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Nous n’avions pas envisagé ce cas de figure au préalable. Un certain nombre de responsables d’entreprises et de syndicats nous ont interpellés pour dire qu’ils étaient d’accord pour fusionner, trouvant très positive cette réforme allant vers plus de globalité. Ils souhaitaient même anticiper les échéances électorales, ce que nous n’avions pas prévu, puisque nous avions seulement instauré une date butoir.
L’adoption de cet amendement permettra donc d’anticiper la fusion partout où, comme vous pouvez l’imaginer, le dialogue social est de grande qualité.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le rapporteur, madame la ministre, ce que vous venez de dire va totalement à l’encontre des positions que nous avons exprimées sur l’article précédent. Vous me direz que c’est le jeu…
En l’occurrence, nos collègues de La République En Marche vont encore plus loin que la proposition initiale du Gouvernement, puisqu’ils proposent d’accélérer le processus de fusion que nous avons combattu à l’article précédent.
Vous comprendrez donc que, même à cette heure tardive, nous votions résolument contre cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
L’amendement n° 154, présenté par Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les différents seuils sociaux et leurs effets sur la structure et la croissance des entreprises.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. La question des seuils sociaux est souvent abordée uniquement sous l’angle du relèvement, voire de leur suppression, pour se défaire des contraintes dans l’entreprise et, ainsi, prétendument favoriser la compétitivité et l’emploi.
Le présent amendement vise non pas à faire le procès des seuils sociaux, mais, à partir des éléments de constat et d’analyse qui seraient fournis par le Gouvernement, à ouvrir la voie à une harmonisation, voire à un lissage des différentes strates d’obligations, notamment pour améliorer l’efficacité du dialogue social, dans le droit fil de la création du comité social et économique. Les effets de seuil peuvent provoquer des comportements d’évitement qu’il convient de mesurer pour mieux les corriger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit d’une demande de rapport…
Il s’agit là d’un thème certainement très intéressant, qui fait en tout cas couler beaucoup d’encre. Pour autant, à mon avis, cette question dépasse très largement le champ de ce projet de loi, puisqu’il comporte également une problématique fiscale ou encore de réglementation environnementale.
En matière de représentation du personnel, la présente réforme apporte déjà des réponses aux difficultés rencontrées par les entreprises avec une instance unique à partir de 11 salariés, le franchissement du seuil de 50 salariés n’étant plus synonyme de création de deux instances supplémentaires. De plus, des aménagements sont apportés aux modalités de prise en compte du passage de ces seuils et d’application des obligations qui leur sont afférentes.
Par ailleurs, vous connaissez mes réticences, qui ne datent pas d’aujourd’hui, et, plus largement, celles de la commission, à l’égard des demandes de rapport.
Je voudrais juste vous rappeler un chiffre important : sur la dizaine de rapports qui ont été demandés dans le cadre de la loi El Khomri du 8 août 2016, aucune n’a été satisfaite jusqu’à présent.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Dès le départ, il était clair pour nous que ce qui entrait dans le champ des habilitations en matière de seuil, c’était la question de l’aménagement des conditions de représentation des salariés et des conditions valables pour négocier dans les entreprises selon leur taille. Bref, tout ce dont nous avons discuté ce soir. Ce sujet a donc été traité dans les ordonnances.
En revanche, le sujet, plus large, des seuils sociaux et fiscaux, couvre de nombreux domaines. Il y a plus d’une vingtaine de seuils différents, par exemple en matière de fiscalité, de transport, avec des conditions de lissage différentes.
Il est évident que nous avons besoin de simplifier et de rendre cela plus lisible, mais ce sujet n’entre pas dans le champ de l’habilitation et dans le champ même de la loi sur le renforcement du dialogue social, sauf pour ce qui concerne la représentation des personnels.
Néanmoins, dans le cadre du projet de loi Croissance que prépare Bruno Le Maire, cette question sera étudiée, même si je ne puis vous dire pour l’instant quelles seront les réponses qui lui seront données.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Madame Schillinger, l’amendement n° 154 est-il maintenu ?
Mme Patricia Schillinger. Je remercie Mme la ministre et M. le rapporteur des précisions qu’ils nous ont apportées et je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 154 est retiré.
Article 4
La deuxième partie du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 précitée, est ainsi modifiée :
1° A Au deuxième alinéa de l’article L. 2143-3, après la seconde occurrence du mot : « alinéa », sont insérés les mots : « , ou si l’ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées au même premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d’être désigné délégué syndical » ;
1° B L’article L. 2312-5 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Au deuxième alinéa, le mot : « les » est remplacé par les mots : « l’amélioration des » ;
b) (nouveau) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle exerce le droit d’alerte dans les conditions prévues aux articles L. 2312-59 et L. 2312-60. » ;
1° CA (nouveau) Après le 3° de l’article L. 2312-37, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3 bis Opération de concentration ; » ;
1° CB (nouveau) À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2312-56, après le mot : « consultations », sont insérés les mots : « et informations » ;
1° C L’article L. 2312-81 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;
b) Le second alinéa est ainsi rédigé :
« À défaut d’accord, le rapport de cette contribution à la masse salariale brute ne peut être inférieur au même rapport existant pour l’année précédente. » ;
1° D (nouveau) Le second alinéa de l’article L. 2312-83 est supprimé ;
1° E (nouveau) Au premier alinéa du I de l’article L. 2314-3, la deuxième occurrence du mot : « les » est remplacée par le mot : « aux » ;
1° F (nouveau) À l’article L. 2314-31, le mot : « compétente » est remplacé par les mots : « administrative ou de l’employeur » et le mot : « l’employeur » est remplacé par le mot : « celui-ci » ;
1° L’article L. 2314-33 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Au début du deuxième alinéa, les mots : « Sauf si l’accord prévu à l’article L. 2314-6 en dispose autrement, » sont supprimés ;
b) (nouveau) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le nombre maximal de mandats successifs fixé au deuxième alinéa du présent article vaut également pour les membres du comité social et économique central et pour les membres des comités sociaux et économiques d’établissement, excepté pour les entreprises ou établissements de moins de cinquante salariés, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
1° bis (nouveau) Au début du premier alinéa de l’article L. 2315-18, les mots : « Les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail, ou, le cas échéant, » sont supprimés ;
1° ter (nouveau) Au deuxième alinéa de l’article L. 2315-27, le mot : « et » est remplacé par le mot : « ou » ;
1° quater (nouveau) Après l’article L. 2315-44, il est inséré un paragraphe 1 bis ainsi rédigé :
« Paragraphe 1 bis
« Commission des marchés
« Art. L. 2315-44-1. – Une commission des marchés est créée au sein du comité social et économique qui dépasse, pour au moins deux des trois critères mentionnés au II de l’article L. 2315-64, des seuils fixés par décret.
« Art. L. 2315-44-2. – Pour les marchés dont le montant est supérieur à un seuil fixé par décret, le comité social et économique détermine, sur proposition de la commission des marchés, les critères retenus pour le choix des fournisseurs et des prestataires du comité et la procédure des achats de fournitures, de services et de travaux.
« La commission des marchés choisit les fournisseurs et les prestataires du comité. Elle rend compte de ces choix, au moins une fois par an, au comité, selon des modalités déterminées par le règlement intérieur du comité.
« Art. L. 2315-44-3. – Les membres de la commission des marchés sont désignés par le comité social et économique parmi ses membres titulaires.
« Le règlement intérieur du comité social et économique fixe les modalités de fonctionnement de la commission, le nombre de ses membres, les modalités de leur désignation et la durée de leur mandat.
« Art. L. 2315-44-4. – La commission des marchés établit un rapport d’activité annuel, joint en annexe au rapport mentionné à l’article L. 2315-69. » ;
2° L’article L. 2315-61 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) Au 1°, après les mots : « de cinquante à », sont insérés les mots : « moins de » ;
ab) (nouveau) Au 2°, les mots : « de plus de » sont remplacés par les mots : « d’au moins » ;
a) La première phrase du cinquième alinéa est complétée par les mots : « ainsi qu’à la formation des représentants de proximité, lorsqu’ils existent » ;
b) La seconde phrase du même cinquième alinéa est ainsi modifiée :
– les mots : « tout ou » sont remplacés par le mot : « une » ;
– sont ajoutés les mots : « , dans des conditions et limites fixées par décret en Conseil d’État » ;
b bis) (nouveau) Le dernier alinéa est supprimé ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le financement des frais d’expertise est pris en charge par l’employeur en application du 3° de l’article L. 2315-80 du présent code, le comité social et économique ne peut pas décider de transférer d’excédents du budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles pendant les trois années suivantes. » ;
2° bis L’article L. 2315-80 est ainsi modifié :
a) Le 1° est complété par les mots : « ainsi qu’à l’article L. 2315-95 en l’absence de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle prévu à l’article L. 2312-18 » ;
b) Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :
« 3° Par l’employeur concernant les consultations mentionnées au 2° du présent article, lorsque le budget de fonctionnement du comité social et économique est insuffisant pour couvrir le coût de l’expertise et n’a pas donné lieu à un transfert d’excédent annuel au budget destiné aux activités sociales et culturelles prévu à l’article L. 2312-84 au cours des trois années précédentes. » ;
2° ter Au 1° de l’article L. 2315-85, après le mot : « expertise, », sont insérés les mots : « à défaut d’accord entre les parties, » ;
2° quater (nouveau) À l’article L. 2316-22, les quatre occurrences des mots : « comité central d’entreprise » sont remplacées par les mots : « comité social et économique central », les deux occurrences des mots : « comités d’établissement » sont remplacées par les mots : « comités sociaux et économiques d’établissement » et les mots : « comité d’établissement » sont remplacés par les mots : « comité social et économique d’établissement » ;
3° (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 164, présenté par Mme Schillinger, MM. Lévrier, Amiel et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
1° À L’article L. 2143-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2143-3. – Chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise ou l’établissement d’au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l’article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l’employeur.
« Si aucun des candidats présentés par l’organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ou s’il ne reste, dans l’entreprise ou l’établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au premier alinéa, ou si l’ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées au même premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d’être désigné délégué syndical, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l’article L. 2314-33.
« La désignation d’un délégué syndical peut intervenir lorsque l’effectif d’au moins cinquante salariés a été atteint pendant douze mois consécutifs.
« Elle peut intervenir au sein de l’établissement regroupant des salariés placés sous la direction d’un représentant de l’employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques. » ;
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement a pour objet de préciser que, dans les cas où aucun des candidats présentés par l’organisation syndicale aux élections professionnelles n’a recueilli 10 % des suffrages exprimés, qu’il ne reste plus aucun candidat ayant rempli cette condition ou que tous les élus qui remplissent cette condition renoncent par écrit à leur droit d’être désigné, le délégué syndical peut être désigné parmi les anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du mandat au comité social et économique fixée au second alinéa de l’article L. 2314-33 du code du travail.
Il s’agit d’une demande forte des syndicats, pour pouvoir déroger dans des cas bien particuliers à la limitation du nombre de mandats.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à clarifier l’impact de la limitation à trois du nombre maximal de mandats de représentant du personnel pouvant être effectués par un élu sur la désignation des délégués syndicaux, qui doivent en principe avoir recueilli au moins 10 % des suffrages aux élections professionnelles. Il est prévu que, si aucun candidat n’a atteint ce seuil ou qu’il n’en reste plus dans l’entreprise, l’organisation syndicale pourra désigner un ancien élu ayant déjà effectué trois mandats.
Il ne s’agit pas de contourner cette nouvelle règle, auquel cas je serais tout à fait opposé à cet amendement, mais de permettre aux organisations syndicales de s’y adapter et de ne pas porter atteinte à la liberté syndicale, protégée notamment par la convention n° 87 de l’OIT.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Pour les raisons que j’évoquais tout à l’heure, nous souhaitons que la représentation syndicale puisse s’exercer dans l’entreprise partout où il y a des candidats.
Nous avions déjà prévu la situation où il n’y avait pas de candidat remplissant toutes les conditions, mais une difficulté pouvait subsister avec la conjonction de la règle des trois mandats successifs.
En clair, avec cet amendement, l’objectif est d’éviter la carence de délégués syndicaux. Le mieux est que ceux-ci soient élus selon les règles, mais, à défaut, la désignation par les organisations syndicales, conforme aux règles de l’OIT, sera possible, quel que soit le cas de figure. Cette précision est donc utile.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 30, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
…° La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie est complétée par un article L. 2312-7-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2312-7-… – Si un membre de la délégation du personnel au comité social et économique constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
« L’employeur procède sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
« En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le membre de la délégation du personnel au comité social et économique si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la forme des référés.
« Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d’une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor public. » ;
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Dans les entreprises d’au moins 11 salariés, les délégués du personnel ont toujours disposé d’un droit d’alerte en cas d’atteintes au droit des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise, qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées à l’objectif.
Je le dis avec gravité, ce droit est essentiel et doit donc être maintenu. Compte tenu de la dimension symbolique très forte du droit d’alerte, l’intervention des délégués du personnel peut avoir, dans certaines circonstances, plus de poids qu’une autre.
Alors que, jour après jour, l’actualité nous rappelle que des faits de harcèlement moral ou sexuel terribles se produisent dans tous les milieux, vous n’ouvrez le droit d’alerte au CSE en cas de danger grave et imminent que dans les entreprises de plus de 50 salariés.
Dès lors, une question se pose : considérez-vous qu’il n’est pas nécessaire d’attribuer au CSE un droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes dans les entreprises de moins de 50 salariés ? Il nous paraît important de lever cette ambiguïté : le CSE doit avoir le même droit d’alerte dans toutes les entreprises, qu’elles emploient plus ou moins de 50 salariés.
Le présent amendement vise donc à rétablir ce droit d’alerte en cas d’atteinte aux personnes pour les représentants au comité social et économique dans les entreprises d’au moins 11 salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Les auteurs de cet amendement craignent que la création du CSE ne se traduise par la disparition du droit d’alerte des élus en matière d’atteinte aux droits des salariés dans les entreprises de moins de 50 salariés.
Je tiens à les rassurer, leurs craintes sont infondées et leur amendement est satisfait, puisque, à la suite de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, puis par notre commission des affaires sociales, il est désormais bien précisé que la délégation du personnel du CSE dans ces entreprises exerce le droit d’alerte dans les conditions prévues aux articles L. 2312-59 du code du travail, en cas d’atteinte aux droits des salariés, et L. 2312-60 du même code, en cas de danger grave et immédiat ou de problème tenant à la santé publique ou à l’environnement. Il s’agit de l’alinéa 6 du présent article 4.
Mon cher collègue, votre amendement étant satisfait, j’en demande le retrait, faute de quoi j’y serais défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je confirme les propos de M. le rapporteur. Un amendement voté à l’Assemblée nationale, confirmé par votre commission des affaires sociales, a effectivement rétabli le droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes dans les entreprises de moins de 50 salariés. Cette possibilité sera insérée dans le code du travail, au troisième alinéa de l’article L. 2312-5.
Monsieur le sénateur, je vous invite donc à retirer votre amendement, qui est satisfait.
M. le président. Monsieur Gay, l’amendement n° 30 est-il maintenu ?
M. Fabien Gay. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 30 est retiré.
L’amendement n° 136, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer sept alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 2312-9 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Contribue à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale et à la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure ; »
b) Au 1°, les mots : « des effets » sont remplacés par le mot : « de » ;
c) La seconde phrase du 3° est supprimée ;
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« …° Veille à l’observation des prescriptions légales prises en ces matières. Le refus de l’employeur est motivé. » ;
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous pourrions croire à la bonne foi du Gouvernement sur son souhait de conforter la santé au travail dans les entreprises si ces commissions au sein des CSE avaient exactement les mêmes prérogatives que les CHSCT auparavant.
Bien sûr, dans certaines entreprises de plus petite taille, ces commissions n’existeront plus ou ne seront pas obligatoires, mais, même là où elles existeront, il y aura des différences dans les prérogatives dont elles vont bénéficier, notamment en matière de prévention des risques et de vigilance sur le respect de la réglementation en matière de santé et de sécurité.
L’objet de cet amendement est donc de réintégrer toutes les dispositions dont se prévalaient les CHSCT et de rétablir l’entière responsabilité de l’employeur en matière de prévention des risques, car nous pensons que cela permettra une meilleure implication de celui-ci dans le cadre d’une responsabilité sociale et environnementale ambitieuse, qui est un objectif affiché par le Gouvernement. C’est l’occasion pour vous, madame la ministre, de montrer la force de cet engagement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Selon les auteurs de cet amendement, la création du CSE se traduirait par un recul des prérogatives en matière de santé et de sécurité au travail, pour la seule raison que ne sont pas reprises mot pour mot les dispositions antérieures relatives au CHSCT.
Or cette réforme prend également la forme d’un grand exercice de réécriture de plusieurs centaines d’articles du code du travail. Certains aspects ont été mis en facteur commun au sein d’un article socle rassemblant les principales attributions du CSE, qui sont détaillées ensuite. C’est le cas notamment de la protection de la santé et de la sécurité des salariés, qui est désormais mentionnée à l’article L. 2312-5, l’article L. 2312-6 disposant que ses attributions sont étendues en la matière aux salariés mis à disposition.
Je tiens par ailleurs à vous faire remarquer que, lorsque les membres du CSE constatent que l’employeur ne se conforme pas à ses obligations légales en matière de santé et de sécurité, plusieurs possibilités s’offrent à eux.
Ainsi, en cas de danger grave et imminent, ils peuvent, par le biais du droit d’alerte, en informer l’employeur ; en cas de désaccord, celui-ci doit saisir l’inspection du travail, en application de l’article L. 4132-4 du code du travail.
De manière plus générale, je rappelle que « les membres de la délégation du personnel du comité peuvent saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l’application des dispositions légales dont elle est chargée d’assurer le contrôle », selon l’article L. 2312-5 du même code. Il s’agit cette fois de la reprise intégrale d’une disposition antérieure, ce qui devrait vous satisfaire.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. À mon sens, cet amendement est superfétatoire, car le comité social et économique exerce pleinement et à droit constant l’ensemble des missions et attributions en matière de santé et de sécurité des conditions de travail qui étaient exercées précédemment par le CHSCT. Ces attributions sont regroupées aux articles L. 2312-5 et L. 2312-9 du code du travail pour les entreprises de moins ou de plus de 50 salariés.
La formulation, qui a sans doute provoqué votre interrogation, a été au contraire élargie afin d’actualiser le dispositif pour tenir compte d’une approche de la santé plus holistique que promeut notamment l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé. Aussi, le CSE a pour mission de participer à la promotion de la santé et de la sécurité des conditions de travail, ainsi qu’à l’analyse des risques professionnels.
C’est une formulation à la fois plus synthétique et plus large, qui permettra aux représentants du personnel au CSE d’exercer toutes les attributions qui étaient dévolues au CHSCT, et même au-delà. En effet, ils s’occuperont de promotion, de prévention et de gestion des risques. Grâce à cette appellation plus large, rien ne leur échappera donc.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Madame la ministre, je crois que nous avons, là encore, une divergence de fond.
Vous nous laissez entendre que les CSE auront une vocation élargie par rapport aux CHSCT et qu’ils rempliront des missions qui ne l’étaient pas par les CHSCT. Sauf que ces derniers ont disparu, et que les délégués qui étaient exclusivement chargés de travailler en son sein pour améliorer les conditions de santé et de sécurité du travail ne le seront plus ! Ils devront se disperser sur plusieurs fonctions, missions, activités, examens, diagnostics, ce qui leur fera inévitablement perdre de leur capacité à bien remplir leurs tâches sur les conditions de travail.
Bref, le CHSCT a vécu, mais vous ne le remplacerez pas par un organisme qui rassemblera diverses prérogatives, les problèmes de santé et de sécurité étant dilués dans des considérations économiques et sociales.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 68, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2312-18 est remplacée par une phrase et un alinéa ainsi rédigés : « Ces informations comportent des informations relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en particulier le diagnostic et l’analyse de la situation comparée des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, l’analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de l’âge, de la qualification et de l’ancienneté, l’évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l’entreprise, la part des femmes et des hommes dans le conseil d’administration.
« Au-delà de leur intégration dans la base de données économiques et sociales, ces données, analyse et diagnostic font l’objet d’un rapport remis sur support papier tous les ans par l’employeur pour avis au comité d’entreprise, à défaut, aux délégués du personnel et à la commission de l’égalité professionnelle, quand elle existe. » ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Avec cet amendement, nous souhaitons compléter l’article L. 2312-18 du code du travail, repris dans l’ordonnance n° 2017-1386.
Nous l’avons déjà évoqué lors de l’examen de l’article 2, la question de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est primordiale. Or nous trouvons qu’elle est insuffisamment traitée dans ces textes. Nous nous réjouissons cependant que Mme la ministre ait exprimé la même préoccupation et sa volonté de traiter cette question.
Nous proposons ici de préciser concrètement les informations que devrait, selon nous, comporter la base de données économiques et sociales. En effet, en l’état actuel du texte, cela reste très flou, puisqu’il n’est fait état que des écarts de rémunération, ce qui est certes important, mais loin d’être le seul sujet en la matière.
C’est pourquoi il nous apparaît nécessaire, afin d’être le plus exhaustif possible, que les entreprises concernées spécifient leurs données en matière d’embauche selon les différentes catégories professionnelles, en matière de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale.
Elles devraient également fournir l’analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de l’âge, de la qualification et de l’ancienneté, les données relatives à l’évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l’entreprise, ainsi qu’à la part des femmes et des hommes dans le conseil d’administration.
Je ne suis pas persuadée, au moment où je vous parle, que ce qui a été ajouté à l’Assemblée nationale par voie amendement, et qui nous a fait retirer un précédent amendement, soit de nature à couvrir les besoins d’informations que je viens d’exposer.
Je le répète, nous souhaitons vraiment que toutes ces dispositions soient introduites dans la loi, car c’est indispensable pour corriger les inégalités professionnelles qui dont encore trop prégnantes dans les entreprises.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Malhuret, Bignon, Capus, Fouché, Guerriau, Lagourgue et A. Marc, Mme Mélot, MM. Wattebled, Luche, Cigolotti et Longeot et Mme F. Gerbaud, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2312-18 est ainsi rédigée : « Ces informations comportent des informations relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en particulier le diagnostic et l’analyse de la situation comparée des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, l’analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de l’âge, de la qualification et de l’ancienneté, l’évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l’entreprise, la part des femmes et des hommes dans le conseil d’administration. » ;
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Il s’agit un peu du même amendement. Il vise à préciser les données devant figurer dans la base de données économiques et sociales en matière d’égalité professionnelle. L’ordonnance n° 2017-1386 se borne en effet à proposer la présence « d’indicateurs relatifs à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, notamment sur les écarts de rémunération. »
Compte tenu de l’importance de ce problème et de l’engagement du Gouvernement dans une politique de renforcement des obligations des entreprises en matière d’égalité professionnelle, la mention précise des indicateurs à renseigner nous semble aller dans le bon sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Comme on l’a beaucoup répété depuis maintenant plus de six mois et l’ouverture des débats sur la loi d’habilitation, l’un des objectifs de cette réforme est d’élargir le champ de la négociation d’entreprise à des domaines qui lui étaient jusqu’à présent fermés, afin de laisser aux partenaires sociaux, en son sein, la possibilité d’adapter par accord, c’est-à-dire s’ils parviennent à un compromis, le cadre légal aux particularités de l’entreprise. À défaut d’accord, des dispositions supplétives, strictement identiques au droit antérieur, s’appliquent.
L’un des domaines nouvellement ouverts à la négociation est celui du contenu de la base de données économiques et sociales, la BDES, qui doit être alimentée par l’employeur et fournir aux représentants du personnel les informations dont ils ont besoin pour rendre leurs avis lorsqu’ils sont consultés.
Ces amendements visent à faire basculer les informations fournies dans la BDES en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes du supplétif à l’ordre public, ce qui signifie que ces dispositions s’imposeraient à tous et ne pourraient être négociées.
Or c’est contraire à la philosophie même de la réforme et cela témoigne de bien peu de confiance envers les partenaires sociaux dans les entreprises pour promouvoir l’égalité professionnelle. En l’absence d’accord sur la BDES, ces dispositions trouveront bien à s’appliquer. En revanche, si les syndicats majoritaires dans l’entreprise estiment que certaines des informations mentionnées ici ne sont pas pertinentes dans leur cas particulier, mais que d’autres indicateurs le seraient davantage, il faut leur faire confiance.
Par ailleurs, cet amendement tend à rétablir un rapport de situation comparée sur support papier faisant référence au comité d’entreprise et aux délégués du personnel sans tenir compte de la création du CSE.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Encore une fois, nous n’avons pas de divergence de fond sur l’intention, que je salue par ailleurs. Toutefois, il y a un problème de forme dans l’amendement présenté par Mme Cohen, évoqué par M. le rapporteur, à savoir la référence aux anciennes instances. C’est cohérent, puisque vous ne souhaitez pas la fusion, mais c’est suffisant pour faire achopper la discussion sur un aspect juridique.
Sur le fond, je pense que le degré d’information, la transparence et les destinataires seront des sujets clefs du plan d’action dont nous aurons à discuter avec les partenaires sociaux et, si besoin, avec le Parlement.
Pour l’immédiat, dans le cadre des ordonnances, qui sont antérieures à l’annonce du plan d’action, il nous a paru important de rester dans la même philosophie du supplétif. De toute façon, le plus important est que les partenaires sociaux se saisissent du sujet. Il est vrai qu’il n’y a pas d’accord ou de plan d’action partout, alors que c’est obligatoire. De plus, la qualité du contenu et le degré d’engagement des accords sont assez inégaux.
Nous avons donc un véritable problème de dynamique, que les seules obligations et sanctions prévues par la loi n’ont pas réussi à enclencher pour aboutir à des résultats. À présent, nous voulons, pour résumer, passer de l’obligation de moyens à l’obligation de résultat.
Je pense que nous serons d’accord sur cette ambition. Pour autant, dans nombre de cas, il n’y a pas d’accord sur les critères à retenir. Il est très bien d’avoir l’ensemble des critères dans le BDES, mais il peut arriver que certains préfèrent ne pas perdre de temps et d’énergie sur tous ces critères et entendent mettre le paquet sur trois mesures déterminées. Je préfère un plan d’action efficace à un ensemble de critères formels dont les partenaires sociaux ne se saisiraient pas.
Certes, il faut qu’il y ait un accord, mais s’il y a un accord, c’est qu’ils ont un plan d’action. Il y a des indicateurs obligatoires sur l’égalité professionnelle, qu’ils peuvent compléter. On les laisse choisir ceux qu’ils jugent les plus efficaces par rapport à un plan d’action donné, en cohérence avec la philosophie des ordonnances, et même si je suis d’accord avec vous pour dire que cela n’épuisera pas le sujet pour la suite.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis moins convaincue que je ne l’étais par les explications qui ont été apportées sur l’article 2. Néanmoins, je me réjouis que cette question de l’égalité professionnelle nourrisse notre débat et qu’il s’agisse d’une préoccupation assez largement partagée.
Je constate, y compris chez les partenaires sociaux, salariés et employeurs, qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour que la bataille s’engage réellement. En 2018, l’égalité professionnelle se serait déjà imposée si tout le monde était convaincu de son bien-fondé. Or, malgré les lois successives, elle n’est toujours pas mise en œuvre. Il y a donc bien des résistances, qui se retrouvent à tous les niveaux de la société, y compris d’ailleurs à la Haute Assemblée, le patriarcat ayant partout la vie dure.
Je veux bien entendre les explications qui nous sont données. Certes, il ne s’agit pas non plus du meilleur vecteur. De fait, je sens bien que cet amendement ne va pas être adopté, comme bien d’autres auparavant déposés par le CRCE.
Je le répète cependant, cette question de l’égalité professionnelle me semble devoir faire l’objet de l’attention de chacune et de chacun, et en premier lieu du Gouvernement. Nous allons retirer notre amendement, mais nous resterons extrêmement vigilants sur cette question. Je réaffirme le plus clairement possible que nous serons parties prenantes de tout travail permettant de faire avancer cette question, que l’on doit mettre partout à l’ordre du jour.
Quoi qu’il en soit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 68 est retiré.
Monsieur Chasseing, l’amendement n° 10 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Compte tenu des explications de M. le rapporteur et de Mme la ministre, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié est retiré.
Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance pendant encore une demi-heure, afin d’avancer dans l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5 rectifié quater, présenté par MM. Chasseing, Luche et Cigolotti, Mme C. Fournier, MM. Delcros, Longeot, Gabouty et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 2312-18 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’ensemble des données contenues dans la base de données économiques et sociales sont stockées et traitées sur le territoire français. » ;
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Dans le cadre de la base de données économiques et sociales, ou BDES, les entreprises sont parfois amenées à fournir des informations qui ont un caractère confidentiel. Le code du travail garantit le respect du devoir de discrétion des représentants du personnel.
Néanmoins, la protection des données n’est pas assurée au niveau des fournisseurs de logiciels de bases de données « clef en main » qui peuvent être amenés à stocker ces données à l’étranger.
L’obligation d’héberger et de traiter les données sensibles contenues dans la BDES, telles celles concernant la santé financière des entreprises, sur des serveurs situés en France permettrait de diminuer les risques de diffusion desdites données, par exemple par espionnage industriel.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié quater, présenté par MM. Chasseing, Luche, Cigolotti, Delcros, Longeot, Gabouty et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 2312-18 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’ensemble des données contenues dans la base de données économiques et sociales sont stockées et traitées sur le territoire de l’Union européenne. » ;
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement a lui aussi pour objet le traitement de données sensibles concernant, par exemple, la santé financière des entreprises.
Nous souhaitons que ces données soient hébergées sur des serveurs situés sur le territoire de l’Union européenne, ce qui permettrait de diminuer les risques de diffusion de ces données.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Ces amendements visent à imposer que les données contenues dans la BDES soient hébergées soit en France, pour l’amendement n° 5 rectifié quater, soit dans l’Union européenne, pour l’amendement n° 6 rectifié quater.
Leurs auteurs soulèvent un problème intéressant, mais partent du postulat qu’un hébergeur situé à l’étranger serait par nature moins fiable qu’un hébergeur français ou européen. Or ceux-ci peuvent tout autant être les victimes de piratages ou même d’employés indiscrets ou malveillants.
De plus, le dispositif de l’amendement n° 5 rectifié quater est, à mon sens, contraire aux règles européennes en matière de libre circulation des services.
La commission demande donc le retrait de ces amendements, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Chasseing, les amendements nos 5 rectifié quater et 6 rectifié quater sont-ils maintenus ?
M. Daniel Chasseing. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 5 rectifié quater et 6 rectifié quater sont retirés.
L’amendement n° 137, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au dernier alinéa de l’article L. 2312-19, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « un an » ;
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement vise à restituer leur rythme antérieur aux consultations de la commission chargée de la santé et de la sécurité au travail. Aux termes de cette ordonnance, ces consultations pourraient avoir lieu tous les trois ans, ce qui n’est pas très favorable au dialogue social.
Nous souhaitons pour notre part que, en l’absence d’accord, des dispositions supplétives prévoient que les consultations soient annuelles, conformément aux anciennes dispositions du code du travail.
C’est justement en cas d’absence d’accord que la non-prise en compte des problématiques de santé au travail et des conditions de travail risque d’être la plus prégnante, ce qui justifie à mon sens de revenir, dans ce cas, à une consultation annuelle obligatoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à revenir sur l’une des principales modifications apportées par l’ordonnance n° 2017-1386 aux règles relatives à la consultation récurrente des instances représentatives du personnel – auparavant le comité d’entreprise, désormais le comité social et économique.
Rationalisées en 2015 dans le cadre de la loi Rebsamen, ces consultations concernent trois grands domaines : orientations stratégiques de l’entreprise ; situation économique et financière ; politique sociale, conditions de travail et emploi. Elles doivent en principe avoir lieu tous les ans.
L’ordonnance a ouvert aux partenaires sociaux dans l’entreprise la possibilité de modifier cette périodicité, dans la limite de trois ans. Je ne partage pas les réticences des auteurs de cet amendement, qui estiment que cet élargissement du champ du dialogue social lui serait néfaste ; au contraire, il responsabilise les organisations syndicales et l’employeur.
Par exemple, est-il nécessaire d’examiner tous les ans dans toutes les entreprises leurs orientations stratégiques ? Les entreprises dotées d’un plan pluriannuel de développement et de production ne trouveraient-elles pas intérêt à y procéder tous les deux ou trois ans, pour consacrer dans ce cas, peut-être, plus de temps aux consultations sur la politique sociale et aux enjeux relatifs aux conditions de travail ?
Il ne faut pas restreindre le champ du dialogue social ou considérer que ses acteurs en entreprise ne pèsent pas les conséquences des accords qu’ils concluent.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je souhaite revenir à mon tour sur la question de la pluriannualité des consultations. Dans une entreprise, on compte au minimum dix-sept champs de négociations, auxquels peuvent s’ajouter des sujets spécifiques à l’entreprise. Si tous devaient faire l’objet d’une négociation annuelle, on aboutirait très souvent à une obligation très formelle : on ne négocierait pas grand-chose, mais on cocherait la case.
Souvent, la négociation pluriannuelle représente un outil intéressant de transformation au sein de l’entreprise. Il s’agit non pas de reporter la discussion de trois ans, mais de conclure un accord pour trois ans.
Ainsi, pour en revenir au sujet typique de l’égalité professionnelle, toutes les entreprises où l’on a pu l’atteindre – j’en ai une expérience personnelle – y sont parvenues par la conclusion d’un accord de rattrapage salarial sur deux, trois ou quatre années. En effet, un tel rattrapage est impossible à effectuer en un an : tous les hommes seraient alors grandement affectés, ce qui constitue un frein assez considérable pour la conclusion d’un accord.
Sur d’autres sujets aussi, il peut être intéressant de conclure un accord pour trois ou quatre ans, accord qui peut d’ailleurs comporter une clause de revoyure annuelle. C’est pour nous un moyen de confier aux partenaires sociaux dans l’entreprise la responsabilité d’établir un ordre de priorité au sein des sujets qui, de toute façon, doivent être inscrits à l’ordre du jour, puisque la loi s’impose à tous. Ils pourront décider quels sujets feront l’objet d’accords pluriannuels et lesquels seront examinés tous les ans.
Cela contribue à accroître le grain à moudre de la liberté contractuelle que l’on donne aux partenaires sociaux dans l’entreprise.
Tel est notre esprit, sur ce sujet comme pour les autres. Il faut donc, selon moi, véritablement s’engager dans cette voie, qui obligera à mener, dans l’entreprise, une réflexion et un dialogue sur ce qui est prioritaire. Or vous verrez que les sujets prioritaires seront peut-être justement ceux qui feront l’objet d’un accord pluriannuel, parce qu’ils nécessitent souvent un plan d’action ou de transformation portant sur plusieurs années ou nécessitant plusieurs étapes. C’est la liberté des acteurs.
Encore une fois, aucun sujet ne sera évité ; on ne peut donc pas dire qu’il y aura un dommage ; je crois plutôt qu’il y aura une incitation à établir des priorités sur ce qui est le plus important et, surtout, à réfléchir de façon pluriannuelle, ce qui est peu le cas aujourd’hui encore.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la ministre, se voir tous les ans n’exclut pas la réflexion pluriannuelle ! Il s’agit de remettre à plat tous les ans l’accord qui a été passé, d’en évaluer la mise en œuvre et de le recadrer : c’est une négociation annuelle sur la base d’une réflexion pluriannuelle, ce qui oblige à remettre le sujet sur la table et à piloter l’accord.
En revanche, dans le nouveau dispositif, quand il n’y a pas d’accord, c’est pour trois ans. Une telle situation signifie que le dialogue social est médiocre : on n’a pas même réussi à se mettre d’accord sur des règles de fonctionnement.
Si, dans de telles situations, on ne peut pas revenir sur la question avant trois ans, au lieu d’un an, on y perd et on n’est pas dans la situation que vous décrivez, madame la ministre. Au contraire, il s’agit selon moi de diluer les choses. En outre, on sait que, pour bien des sujets, si un suivi annuel est impossible, on perd le fil. C’est une perte tant pour les salariés que pour les entreprises.
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le quatrième alinéa de l’article L. 2312-21 est complété par les mots : « et, le cas échéant, la stratégie fiscale et notamment les prix de transfert entre les entités du groupe » ;
…° Le premier alinéa du I de l’article L. 2312-25 est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « ainsi que sur les prix de transfert pratiqués entre les entreprises et entités appartenant au même groupe, y compris celles basées ou exerçant à l’étranger. Elle porte également sur les cessions d’actifs, y compris les actifs immatériels et sur la politique fiscale de l’entreprise. » ;
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. La récente affaire des « Paradise papers » a montré la nécessité de renforcer la législation et de remettre de l’ordre et de la transparence dans les transactions financières internationales. Il convient également d’exiger la transparence des multinationales et la disparition des sociétés-écrans et des prête-noms.
Pour remplir ces objectifs, il faut renforcer les moyens humains et matériels des administrations fiscales, mais aussi renforcer les pouvoirs de contrôle des salariés dans les domaines économiques et financiers et, plus particulièrement, en matière fiscale et sociale.
Nous proposons donc de permettre au comité d’entreprise d’être informé et consulté sur la politique de prix de transferts retenue par l’entreprise et sur les cessions d’actifs réalisées au sein d’un même groupe.
En effet, les salariés sont les premiers concernés par les pratiques et manœuvres fiscales des grandes multinationales ; ils en sont même, souvent, les premières victimes. Face aux politiques fiscales pratiquées par certains de ces grands groupes, il y a lieu d’instaurer un droit leur faisant contrepoids.
Cet amendement tend donc à octroyer aux représentants des salariés un droit de regard sur la politique fiscale de leur entreprise en consolidant la procédure d’information et de consultation sur ce thème et en offrant la possibilité de recourir, dans certains cas, à un expert technique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Je tiens tout d’abord à souligner que cet amendement est partiellement satisfait, puisque la base de données économiques et sociales doit déjà contenir des informations relatives aux « transferts commerciaux et financiers » entre les entités d’un groupe.
S’agissant de la politique fiscale de l’entreprise, elle doit relever exclusivement de l’employeur : il n’appartient pas aux représentants des salariés de connaître de telles décisions financières ou de participer à leur élaboration.
Si, à leurs yeux et selon les informations dont ils disposent, cette politique est de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, ils peuvent faire usage de leur droit d’alerte en matière économique et saisir de cette question le conseil d’administration ou de surveillance.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. En complément de ce qu’a indiqué M. le rapporteur, je voudrais rappeler que les instances représentatives du personnel ont vocation à représenter les salariés et non à se substituer à l’administration fiscale, qui doit évaluer si un prix de transfert pose problème dans le cas de cessions d’actifs réalisées au sein d’un même groupe.
Je profiterai par ailleurs de l’examen cet amendement pour compléter la réponse que j’ai faite à Mme Taillé-Polian sur l’amendement précédent, qui portait lui aussi sur la consultation annuelle des représentants des salariés.
J’ai omis de rappeler tout à l’heure un élément très important pour la bonne compréhension du problème : cette ordonnance prévoit que, par accord d’entreprise, on puisse décider que la négociation sera pluriannuelle. Ce sera bien une décision prise par les partenaires s’ils choisissent de ne pas mener cette négociation à nouveau chaque année. Par défaut, en l’absence d’accord, la négociation reste annuelle, ce qui est, selon moi, de nature à rassurer vos inquiétudes, madame la sénatrice.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je soutiens l’amendement n° 31. Nous avons beaucoup réfléchi aux moyens de lutter contre l’évasion fiscale, notamment au sein de la commission d’enquête consacrée à ce problème. Cette commission avait entendu de nombreux salariés de multinationales ; je pense en particulier aux syndicalistes de groupes tels que L’Oréal ou Colgate.
Nous avons constaté à cette occasion l’existence d’une grosse différence dans ce domaine entre la France et l’Allemagne. En Allemagne, les comités d’entreprise et les représentants du personnel peuvent recevoir une explication précise de la manière dont sont calculés les prix de transfert au sein du groupe ; ils ont en outre un droit de saisine de l’administration fiscale allemande.
En France, en revanche, nous sommes très faibles quant aux prix de transfert. Tout d’abord, l’administration n’est pas dotée d’outils performants pour évaluer avec rigueur ces prix de transfert. Ensuite, dans bien des cas, on découvre a posteriori, quand la filiale française est déjà en train de fermer ou est en faillite, que c’est par un mécanisme de prix de transfert que l’on l’a vidée de sa substance pour la mettre artificiellement en déficit. Cela se fait d’ailleurs souvent pour récupérer des brevets et des marques, ou pour réorganiser et délocaliser.
Cette question est centrale, parce que notre outil de production s’en trouve considérablement fragilisé. C’est pourquoi, pour ma part, je crois qu’il est tout à fait sérieux que les représentants du personnel ou les comités d’entreprise puissent avoir clairement connaissance, dans le détail, du mode de calcul de ces prix de transfert, et qu’ils puissent, dans ces situations, saisir l’administration fiscale.
L’amendement de mes collègues communistes va dans ce sens ; je crois que ce dispositif constituerait, de surcroît, une protection contre les délocalisations.
M. le président. L’amendement n° 32, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le deuxième alinéa de l’article L. 2312-39, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si le comité estime que l’employeur n’a pas suffisamment pris en considération ses avis ou ses propositions, il peut prendre une délibération contraignant l’employeur à suspendre son projet. Toute décision du chef d’entreprise contraire à cette délibération est nulle et de nul effet. » ;
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, lors des débats à l’Assemblée nationale, vous avez qualifié l’entreprise de bien commun des salariés et de l’employeur.
L’entreprise est commune aux salariés qui travaillent et aux dirigeants qui prennent les décisions. Malheureusement, la séparation des tâches entre la prise de décision et son application ne permet pas aux salariés de s’impliquer réellement. Pour que ce soit le cas, il faut accorder à ces derniers des droits d’intervention dans les décisions stratégiques.
Tel est le sens de cet amendement. Il vise à associer de manière plus importante les salariés en reconnaissant aux représentants du personnel un droit de vélo suspensif sur les décisions de l’employeur relatives à des projets de restructuration de l’entreprise ou de compressions d’effectifs : délocalisations, licenciements collectifs, transferts de production de moyens de production d’un établissement à un autre, de la même entreprise ou du même groupe.
Il nous semble vital que les salariés, par leurs représentants, puissent non seulement donner leur avis, mais aussi décider lorsque les sujets intéressent directement la gestion de l’entreprise : organisation du travail, formation professionnelle, gestion économique et financière. L’entreprise étant un bien collectif, il paraît nécessaire d’en moderniser la gouvernance.
Si votre projet de loi vise réellement à mieux partager les pouvoirs dans les entreprises, madame la ministre, il n’y a aucune raison d’exclure du nouveau cadre de relations entre salariés et employeurs les choix économiques qui ont trait à la vie de l’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Selon les auteurs de cet amendement, l’employeur devrait suspendre ses projets de restructuration sur injonction du CSE, s’il n’a pas suffisamment pris en compte les remarques de ce dernier.
L’objet de cette réforme du droit du travail n’est pas d’instaurer la cogestion des entreprises. Néanmoins, elle ouvre la possibilité, par accord d’entreprise, de transformer le CSE en conseil d’entreprise doté d’un droit de veto dans les domaines que cet accord aura définis. Les restructurations pourraient très bien, dans ce cadre négocié, en faire partie.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Dans la gestion d’une entreprise, les responsabilités sont complémentaires et différentes. Sur ce point, je formulerai deux remarques.
Si l’employeur et les syndicats s’entendent, un conseil d’entreprise peut être envisagé et une codécision être décidée dans ce cadre. Il a d’ailleurs été expressément prévu que ce soit systématiquement le cas, au moins sur les questions d’égalité professionnelle et de formation professionnelle. D’autres champs sont toutefois envisageables, qui peuvent faire l’objet d’une négociation. Ce sont des sujets de réflexion sur les questions de gouvernance.
Par ailleurs, comme vous le savez, mes collègues Bruno Le Maire, Nicolas Hulot et Nicole Belloubet et moi-même avons récemment confié une mission à Nicole Notat et Jean-Dominique Sénard pour réfléchir sur les relations entre l’entreprise et l’intérêt général.
Certes, l’entreprise n’a pas pour vocation première l’intérêt général, mais elle a un impact sur celui-ci, par ses incidences sociales, environnementales, économiques. L’articulation entre le rôle de l’entreprise dans la société et son empreinte sociale et environnementale constitue un sujet de réflexion de fond, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir devant le Parlement dans les mois qui viennent.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 66, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. La commission des affaires sociales du Sénat a retiré de l’assiette de calcul de la contribution de l’employeur au financement des activités sociales et culturelles du comité social et économique les sommes versées au titre de la participation et de l’intéressement.
Dans la mesure où ces sommes sont issues de la plus-value réalisée par les salariés, il est normal de les mettre à contribution en faveur des activités sociales et culturelles de l’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir l’intéressement et la participation dans l’assiette de calcul de la contribution de l’employeur aux activités sociales et culturelles gérées par le CSE.
Sur ce point, dans sa rédaction initiale, l’ordonnance rompait avec le droit antérieur en élargissant cette assiette, qui correspondait à la masse salariale, aux sommes versées dans l’année au titre de l’intéressement et de la participation.
Une brève réflexion sur les conséquences néfastes de cette mesure ne peut que nous conduire à la supprimer, ce que nous avons fait en commission. En effet, elle a un caractère désincitatif très fort pour les entreprises en matière de développement de l’intéressement et de la participation.
À l’heure où le Gouvernement a fait part de son intention de développer l’épargne salariale, les entreprises déjà engagées dans ces pratiques seraient sanctionnées par une augmentation potentiellement très importante de leur contribution financière aux activités sociales et culturelles, tandis que celles qui y étaient jusqu’à présent réticentes verraient leurs craintes renforcées.
Il n’est donc pas souhaitable, sur ce point, de revenir au texte d’origine. Je ne doute pas que Mme la ministre sera d’ailleurs de mon avis sur cette question.
Par ailleurs, cet amendement ne vise pas le bon alinéa, et la suppression proposée ne concerne pas le financement du CSE. Dans les faits, son adoption supprimerait la possibilité, insérée par la commission, de prévoir, par accord de groupe, que les informations ponctuelles du CSE pourront avoir lieu à l’échelon du comité de groupe.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’ordonnance prévoyait bien cette disposition, mais la commission a proposé de la corriger, avec une certaine sagesse. Entre-temps, un certain nombre de réactions se sont en outre fait entendre, à juste titre d’ailleurs, sur le fait que la fluctuation de l’intéressement et de la participation pouvait déstabiliser de façon sensible le financement des activités sociales et culturelles du CSE.
Par ailleurs, l’ordonnance prévoit l’augmentation de la contribution des salariés au sein des entreprises au budget des CSE, dans les entreprises de plus de 2 000 salariés, en la passant de 0,020 % à 0,022 % de la masse salariale. L’augmentation des ressources est donc bien prévue.
Cependant, le caractère aléatoire de ce dispositif risquait non seulement de pénaliser le CSE, mais aussi d’être dissuasif de nouveaux accords d’intéressement et de participation ambitieux. Or, comme nous avons la volonté d’encourager l’élargissement de ces accords, cela ne nous a pas paru opportun.
C’est pourquoi il faut en revenir à la situation antérieure, où l’intéressement et la participation n’étaient pas inclus dans la base. En revanche, il a été décidé d’augmenter la contribution employeur pour les entreprises de plus de 2 000 salariés.
Enfin, comme M. le rapporteur, je fais remarquer que ce n’est pas le bon alinéa qui est visé.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. L’une des raisons invoquées par Mme la ministre est le caractère aléatoire de cette recette supplémentaire. Il ne faudrait par conséquent surtout pas élargir l’assiette et donner aux CSE des revenus supplémentaires, dont le montant différerait chaque année, ce qui risquerait de provoquer des déceptions d’une année sur l’autre. Voilà tout de même un drôle de raisonnement !
J’observe également que la participation des entreprises n’augmente pas pour celles qui comptent moins de 2 000 salariés, puisqu’elle est maintenue à 0,020 %.
Toutefois, les ordonnances prévoient, et cela a été voté, que le CSE devrait dorénavant participer pour une bonne part aux expertises – à hauteur de 20 % – dans les domaines que vous avez indiqués, madame la ministre. Il s’agit là d’une économie pour l’entreprise et d’une dépense supplémentaire pour le CSE, qui verra forcément ses activités diminuer.
Il ne serait donc que justice de considérer que l’ensemble des revenus versés aux salariés – salaires, intéressement ou participation – doivent être intégrés dans une assiette sur la base de 0,020 %. Ainsi, les recettes des CSE ne seraient pas diminuées et ces instances pourraient organiser leurs actions comme avant.
M. le président. L’amendement n° 95, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Forissier et Mouiller, Mmes Di Folco, Lamure, Eustache-Brinio et L. Darcos, MM. Sol et Paccaud, Mmes Lassarade, Deseyne et Morhet-Richaud, MM. Lefèvre, Longuet, Pierre, Savary, Vogel, Daubresse, Chaize et Cuypers, Mmes F. Gerbaud, Garriaud-Maylam et Gruny, MM. Bonne, Bazin, Charon, Kennel, B. Fournier et Gremillet, Mme Deromedi et MM. Mayet, Huré, Paul, Dufaut, Carle, Babary, Raison, Rapin et Perrin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… ° Au second alinéa de l’article L. 2313-1 après le mot : « entreprises» sont insérés les mots : « d’au moins cinquante salariés » ;
La parole est à M. Michel Forissier.
M. Michel Forissier. Il s’agit de préciser que la mise en place d’un comité social et économique central ne s’impose que lorsque les effectifs de l’entreprise à établissements multiples sont au moins égaux à 50 salariés. En effet, la rédaction actuelle de l’article L. 2313-1 du code du travail laisse entendre que, dès lors qu’une entreprise comporte au moins deux établissements distincts, la mise en place d’un CSE central s’impose, peu importe l’effectif de l’entreprise.
En d’autres termes, une instance serait créée, qui serait dépourvue d’attribution, dans la mesure où l’effectif global est inférieur à 50 salariés. Il convient de corriger cette erreur rédactionnelle et d’apporter une telle précision. Voilà qui démontre, s’il le fallait, l’intérêt et l’utilité d’un régime parlementaire basé sur le bicamérisme ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. On ne peut qu’être d’accord, monsieur le président !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je m’incline devant le Sénat ! (Sourires.)
Il est vrai que mettre en place un CSE central est dénué de sens dans les entreprises de moins de cinquante salariés comprenant des établissements distincts. Les articles L. 2316-1 à L. 2316-3 fixent les attributions d’un CSE d’une entreprise d’au moins 50 salariés. Par conséquent, un CSE central dans une entreprise de moins de 50 salariés comportant des établissements ne disposerait pas d’attributions. CQFD !
La vigilance du Sénat est précieuse, et je vous en remercie. (Nouveaux sourires.) Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L’amendement n° 96, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après le mot : « réunions », la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2314-1 est supprimée ;
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Il s’agit de rétablir la possibilité pour les suppléants d’assister avec les titulaires aux réunions afin que, en cas d’absence de ces derniers, les suppléants soient parfaitement au courant de la situation.
C’est une question de bon sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Sur ce point, l’ordonnance rejoint la position que le Sénat a exprimée dès 2015 lors de l’examen de la loi Rebsamen : les suppléants ont vocation à remplacer les titulaires en cas d’absence, et non à être présents à leurs côtés en permanence, puisqu’ils n’ont aucune attribution propre.
Pourquoi, en matière professionnelle, le rôle des suppléants serait-il différent de celui des suppléants politiques ? Je vous renvoie à la définition du dictionnaire Larousse : suppléer, c’est « remplacer quelqu’un de façon temporaire ».
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 66 amendements au cours de la journée ; il en reste 116.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 24 janvier 2018, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 119 rectifié, 2017-2018) ;
Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 194, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 195, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 24 janvier 2018, à zéro heure trente.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD