M. le président. Monsieur Bignon, les amendements nos 3, 2 et 1 sont-ils maintenus ?
M. Jérôme Bignon. J’ai pris bonne note de la proposition de Mme la secrétaire d’État de travailler à un nouveau régime de la responsabilité civile sur ces sujets ; je participerai à cette réflexion.
En attendant, je retire ces trois amendements, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 3, 2 et 1 sont retirés.
Article 1er
Après l’article L. 311-1 du code du sport, il est inséré un article L. 311-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-1-1. – Les dommages causés à l’occasion d’un sport de nature ou d’une activité de loisirs ne peuvent engager la responsabilité du gardien de l’espace, du site ou de l’itinéraire dans lequel s’exerce cette pratique pour le fait d’une chose qu’il a sous sa garde, au sens du premier alinéa de l’article 1242 du code civil. »
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 365-1 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 365-1. – La responsabilité civile ou administrative des propriétaires ou gestionnaires d’espaces naturels, à raison d’accidents survenus à l’occasion de la circulation des piétons ou de la pratique d’un sport de nature ou d’activités de loisirs, est appréciée au regard des risques inhérents à l’évolution dans ces espaces naturels n’ayant pas fait l’objet d’aménagements ou ayant fait l’objet d’aménagements limités dans le but de conservation des milieux, et compte tenu des mesures d’information prises, dans le cadre de la police de la circulation, par les autorités chargées d’assurer la sécurité publique. »
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Nous sommes attentifs aux préoccupations exprimées par les auteurs de la proposition de loi et par M. le rapporteur. Le Gouvernement, je l’évoquais dans mon propos introductif, a donc souhaité formuler, dans le cadre d’une évolution de l’article L. 365-1 du code de l’environnement, une proposition de substitution.
En effet, l’économie générale de cet article nous paraît satisfaisante, puisqu’elle permet la conciliation des contraintes des propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels, d’une part, avec les droits des victimes d’accidents survenus dans ces espaces, d’autre part. Cet article présente d’ailleurs le mérite de traiter des accidents survenus tant dans le cadre de la pratique d’un sport ou d’une activité de loisirs qu’à l’occasion de la simple circulation des piétons.
Ainsi, sans préjudice d’une modification ultérieure du régime de responsabilité spécifique applicable aux activités sportives, l’article L. 365-1 du code de l’environnement pourrait donc être, selon nous, maintenu.
Néanmoins, au regard des préoccupations exprimées, il nous semble tout de même opportun d’en élargir le champ.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer, d’une part, l’énumération sous forme de liste des collectivités, organes et organismes concernés par cette disposition, de façon à englober l’ensemble des personnes publiques ou privées propriétaires ou gestionnaires d’espaces naturels, et, d’autre part, l’énumération sous forme de liste des espaces concernés par cette disposition, au profit d’une référence à la notion, plus large, d’espace naturel.
Enfin, cette nouvelle rédaction prendrait en compte les espaces restés vierges de tout aménagement dans un objectif de préservation du caractère naturel de l’espace. En effet, la disposition existante ne concerne expressément que les espaces naturels ayant fait l’objet d’aménagements, ce qui peut susciter des difficultés d’interprétation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Au cours des travaux préparatoires à la réunion de la commission des lois, j’avais aussi réfléchi à l’hypothèse qui est aujourd’hui la vôtre, madame la secrétaire d’État. Cela consistait à conserver l’article L. 365-1 dans sa rédaction actuelle, en en élargissant le périmètre. L’autre hypothèse consistait simplement à remplacer le régime de responsabilité du fait des choses par celui de la responsabilité pour faute, dont il est question dans cette proposition de loi.
À l’issue de mes travaux, j’ai choisi de proposer à la commission d’en rester, sous une forme modifiée, à la proposition de loi de M. Retailleau et de ses collègues.
Dès lors, madame la secrétaire d’État, l’amendement que vous proposez est contraire à la position de la commission, puisqu’il vise à rétablir la rédaction actuelle de l’article L. 365-1 du code de l’environnement, en élargissant son application à l’ensemble des espaces naturels. J’indique, pour rappel, que cet article invite seulement le juge à prendre en compte les particularités du milieu naturel pour contextualiser et apprécier la responsabilité des propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels.
Selon cet article, cette responsabilité doit être appréciée « au regard des risques inhérents à la circulation dans des espaces naturels ayant fait l’objet d’aménagements limités dans le but de conservation des milieux, et compte tenu des mesures d’information prises, dans le cadre de la police de la circulation, par les autorités chargées d’assurer la sécurité publique ».
Ce dispositif a une portée normative limitée, puisqu’il pointe seulement les éléments factuels que le juge doit prendre en considération pour se prononcer. Or c’est bien le rôle du juge que d’apprécier, pour chaque contentieux, les circonstances de l’espèce. Le législateur n’a, je le répète, pas besoin de l’inviter à le faire.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois a souhaité aller plus loin que cette hypothèse-là, et aller jusqu’au remplacement de la responsabilité du fait des choses par la responsabilité pour faute. Cet amendement ne permet pas d’atteindre l’objectif des auteurs de la proposition de loi et de la commission des lois, à savoir le fait d’écarter l’application des règles de la responsabilité de plein droit du fait des choses, en exigeant une faute pour engager la responsabilité des propriétaires et gestionnaires de ces espaces naturels.
Ainsi, à moins que, convaincue par mes arguments, vous souhaitiez retirer cet amendement, madame la secrétaire d’État, j’émettrai, au nom de la commission des lois, un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Compte tenu de vos arguments, monsieur le rapporteur,… je maintiens l’amendement du Gouvernement ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Il est vrai que cet amendement arrive quelque peu en bout de course, si j’ose dire, après la position adoptée par la commission des lois. Cette dernière rechigne donc à revenir sur ses positions. (M. Jackie Pierre proteste.)
Il n’en demeure pas moins que cet amendement vise à prévoir une solution sage, qui permettrait de ne pas se précipiter. Rappelons-le, l’affaire qui a en partie motivé la proposition de loi que nous examinons n’est qu’un cas d’espèce, qui est actuellement soumis à la juridiction d’appel. Celle-ci est amenée à statuer – nous ne savons pas dans quel sens elle le fera –, et la décision de la cour d’appel pourra encore être soumise à la Cour de cassation. C’est donc seulement au stade de la cassation que nous pourrons commencer à parler de jurisprudence.
Pour toutes ces raisons, en plus de celles que j’ai évoquées lors de la discussion générale, je soutiens cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Madame la secrétaire d’État, je ne peux pas suivre votre proposition, parce qu’elle dénature complètement la proposition initiale elle-même. Celle-ci visait effectivement l’article L. 365-1 du code de l’environnement, mais en introduisant spécifiquement l’existence d’une faute et le refus du principe de la garde.
La commission des lois et son rapporteur ont, dans leur sagesse, simplement proposé que l’on rejette le principe de la garde ; ainsi, celui qui pratique un sport ne bénéficiera pas de la mise en cause de la responsabilité du gardien. C’est fondamental ! C’est d’ailleurs le seul argument que l’on puisse présenter à ce stade.
Cela donnera lieu à des débats, dans le cadre de l’examen du futur texte, sur les domaines dans lesquels il faut envisager que la responsabilité du fait des choses, la responsabilité du gardien, qui est de plein droit, ne bénéficie pas, en raison des circonstances, à telle ou telle victime. Avec votre rédaction, madame la secrétaire d’État, on entre dans un débat juridique d’une grande complexité sur la responsabilité, qui retire tout intérêt au débat que nous avons depuis la reprise de la séance.
Le groupe socialiste et républicain ne peut donc pas vous suivre ; il ne peut que se ranger, comme il l’a fait au sein de la commission des lois, à l’avis de M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Michel Savin. Bien sûr !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2 (nouveau)
Le chapitre V du titre VI du livre III du code de l’environnement est abrogé.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Compte tenu de l’avis très étonnamment défavorable de la commission sur le précédent amendement du Gouvernement, après un grand suspens, je retire le présent amendement, monsieur le président. (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.
Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
10
Adoption des conclusions de la conférence des présidents
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents.
Elles sont adoptées.
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 1er février 2018 :
À dix heures trente :
Deuxième lecture du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (n° 154, 2017-2018) ;
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 247, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 248, 2017-2018).
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
De seize heures quinze à vingt heures quinze :
(Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)
Proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques (n° 792, 2015-2016) ;
Rapport de M. Bernard Jomier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 236, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 237, 2017-2018).
Proposition de loi relative à la réforme de la caisse des Français de l’étranger (n° 553, 2016-2017) ;
Rapport de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 238, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 239, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinq.)
nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
La liste des candidats établie par la commission des lois a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, cette liste est ratifiée.
Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité sont :
Titulaires : MM. Philippe Bas, Philippe Bonnecarrère, Christophe-André Frassa, Mmes Brigitte Lherbier, Laurence Harribey, MM. Simon Sutour, Alain Richard ;
Suppléants : Mmes Esther Benbassa, Maryse Carrère, Jacqueline Eustache‑Brinio, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-Yves Leconte, Henri Leroy.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD