Sommaire
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
Secrétaires :
MM. Éric Bocquet, Dominique de Legge.
élus locaux travailleurs frontaliers
Question n° 0163 de Mme Christine Herzog. – Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes ; Mme Christine Herzog.
Question n° 0174 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes ; M. Gilbert-Luc Devinaz.
enfants franco-japonais au centre d’un conflit parental
Question n° 0192 de M. Richard Yung. – Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes ; M. Richard Yung.
réalisation du quatrième plan autisme
Question n° 0170 de M. Pascal Savoldelli. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; M. Pascal Savoldelli.
systèmes participatifs de garantie en agriculture biologique
Question n° 0181 de M. Alain Marc. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
installation d’officines de pharmacie et seuil minimal de population dans les communes rurales
Question n° 0152 de M. Bernard Delcros. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Bernard Delcros.
difficultés des correctrices et correcteurs d’édition
Question n° 0190 de Mme Maryvonne Blondin. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Maryvonne Blondin.
retour en france des djihadistes de nationalité française
Question n° 0188 de M. Marc-Philippe Daubresse. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Marc-Philippe Daubresse.
choix de la ville de la nouvelle prison de vendée
Question n° 0162 de M. Didier Mandelli. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Didier Mandelli.
insuffisance en moyens humains du tribunal de grande instance de bourg-en-bresse
Question n° 0169 de M. Patrick Chaize. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Patrick Chaize.
situation du tribunal de saint-nazaire
Question n° 0198 de M. Christophe Priou. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Christophe Priou.
protection de l’enfance et contrats locaux de sécurité
Question n° 0167 de Mme Victoire Jasmin. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Victoire Jasmin.
barreau ferroviaire roissy-picardie
Question n° 0158 de M. Édouard Courtial. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Édouard Courtial.
desserte de digne-les-bains par la nationale 85
Question n° 0178 de M. Jean-Yves Roux. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Jean-Yves Roux.
nuisances provoquées par la ligne à grande vitesse bretagne-pays-de-la-loire
Question n° 0186 de Mme Nadine Grelet-Certenais. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Nadine Grelet-Certenais.
situation de l’autoroute a10 en île-de-france
Question n° 0168 de M. Jean-Raymond Hugonet. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Jean-Raymond Hugonet.
part d’énergie nucléaire dans le mix énergétique à l’horizon 2025
Question n° 0149 de Mme Nelly Tocqueville. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Nelly Tocqueville.
lutte contre la désertification médicale dans l’aisne
Question n° 0187 de Mme Pascale Gruny. – Mme Patricia Morhet-Richaud, en remplacement de Mme Pascale Gruny ; M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Patricia Morhet-Richaud.
aide financière de l’état au centre hospitalier universitaire de marseille
Question n° 0155 de Mme Mireille Jouve. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Mireille Jouve.
conséquences de la perte de la compétence eau-assainissement dans l’aude
Question n° 0179 de Mme Gisèle Jourda. – Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; Mme Gisèle Jourda.
engorgement des services de l’état civil des communes sièges d’un tribunal d’instance
Question n° 0160 de M. Daniel Gremillet. – Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Daniel Gremillet.
Question n° 0191 de M. Daniel Chasseing. – Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Daniel Chasseing.
finances des territoires touristiques de montagne
Question n° 0156 de Mme Martine Berthet. – Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; Mme Martine Berthet.
situation des greffiers des tribunaux de commerce
Question n° 0177 de M. Vincent Delahaye. – Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Vincent Delahaye.
utilisation de l’eusko par la ville de bayonne
Question n° 0182 de M. Max Brisson. – Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Max Brisson.
Question n° 0194 de M. Olivier Cigolotti. – Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Olivier Cigolotti.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
3. Accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi organique dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer
M. Philippe Bas, président de la commission des lois, rapporteur
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l’article.
Amendement n° 5 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 2 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 6 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 5 bis (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 5 bis
Amendement n° 3 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
M. Dominique de Legge.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 8 février 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
élus locaux travailleurs frontaliers
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, auteur de la question n° 0163, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Mme Christine Herzog. Madame la ministre, de nombreux habitants du département de la Moselle sont des travailleurs frontaliers en Allemagne ou au Luxembourg. Plusieurs centaines d’entre eux sont des élus locaux. Or les élus locaux d’un pays qui travaillent dans le pays voisin ne peuvent bénéficier du statut de l’élu local ni dans le pays où ils sont élus ni dans celui où ils travaillent.
Malgré de multiples interventions, rien n’est fait, que ce soit globalement, par l’Union européenne, ou de manière bilatérale entre la France et les pays voisins.
Je souhaite savoir pourquoi la France n’a jamais demandé l’inscription de ce dossier à l’ordre du jour du conseil des ministres européens.
Certes, le gouvernement luxembourgeois avait quelque peu réagi. Permettez-moi à ce propos de vous citer un courrier du 9 mars 2009 adressé par son représentant aux élus locaux frontaliers : « Lors de la rencontre avec la plate-forme syndicale de la grande région, le 29 octobre 2008, j’ai indiqué que j’étais conscient de cette problématique et que je souhaitais aborder la question en marge de la réunion sectorielle grand-régionale de l’aménagement du territoire qui se tiendra le 21 avril 2009. En effet, celle-ci a pour objectif général de renforcer la mobilité et le travail transfrontaliers, de trouver des solutions aux divers obstacles administratifs et divergences entre les législations nationales. La task force abordera, entre autres, les problèmes dans le domaine du droit social et du travail et, par conséquent, je suis d’avis que la question du congé politique des élus frontaliers peut ainsi être traitée en son sein. »
Malheureusement, pour l’instant, aucune suite n’a été donnée à cette initiative. De même, il n’y a pas eu de suite à la conférence de Sarrebruck de 2015 sur la coopération franco-allemande, conférence à laquelle la réponse ministérielle à une précédente question écrite faisait référence.
Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, comment vous envisagez de relancer ce dossier.
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice Christine Herzog, vous m’interrogez sur l’absence de reconnaissance transfrontalière du statut d’élu local et sur les difficultés que cela entraîne pour certains élus locaux qui, notamment dans votre département de la Moselle, sont également des travailleurs frontaliers.
Nous savons tous le rôle fondamental que jouent les élus locaux dans l’exercice de la démocratie. C’est la raison pour laquelle ils bénéficient, en France comme dans d’autres États membres de l’Union européenne, d’un statut particulier leur permettant notamment de concilier les contraintes de leur vie professionnelle avec l’exercice d’une fonction élective.
Cependant, il n’y a ni reconnaissance transfrontalière automatique du statut d’élu local ni statut européen. Il est donc possible qu’un Français, élu local et travailleur frontalier, ne se voie pas accorder par son employeur étranger le statut dont il aurait bénéficié en France.
Cette absence d’harmonisation du statut local peut être préjudiciable ; je tiens donc à vous assurer, madame la sénatrice, de notre détermination à limiter les conséquences négatives de cette situation.
Le cadre communautaire, que vous suggérez d’explorer, à travers l’inscription de ce dossier à l’ordre du jour du Conseil de l’Union européenne, n’est toutefois pas nécessairement le plus adapté, en raison de la grande diversité des situations dans les États membres, mais aussi de l’application du principe de subsidiarité, qui renvoie le traitement de ce thème à des négociations bilatérales.
C’est pourquoi nous avons décidé d’étudier cette question dans le cadre du dialogue bilatéral que la France mène avec ses voisins, en particulier avec l’Allemagne et le Luxembourg. Je ne suis malheureusement pas en mesure de faire état devant vous de réels progrès. Nous continuons néanmoins à travailler, en lien avec, notamment, les ministères de l’intérieur et du travail, afin d’obtenir des progrès sur ce dossier.
Je vous remercie donc, madame la sénatrice, d’avoir appelé l’attention du Gouvernement sur ce sujet important pour les élus locaux, qui peuvent aussi le porter, de leur côté, dans les différentes réunions de coopération transfrontalières.
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog.
Mme Christine Herzog. Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre, mais cela fait des années que les gouvernements successifs sont informés de ce problème. Plus de 100 000 élus locaux sont concernés ; or, malheureusement, on ne fait rien, et l’on repousse encore et toujours la solution !
Le Gouvernement se désintéresse des besoins spécifiques des travailleurs frontaliers. Ce n’est vraiment pas encourageant pour la coopération frontalière avec les pays voisins !
situation au togo
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, auteur de la question n° 0174, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la ministre, dans son discours devant les étudiants burkinabé, le Président de la République a déclaré qu’il n’y avait plus de politique africaine de la France, laissant entendre que le temps des arrangements caractéristiques de ce que l’on a appelé la « Françafrique » était révolu.
Je ne peux que souscrire à ce propos, s’il inaugure réellement une nouvelle approche de la relation entre la France et les pays africains. Trop souvent, par le passé, la France a soutenu des pouvoirs autocratiques qui se sont imposés et maintenus à la tête des États par la fraude électorale, la corruption et la violence.
Le cas du Togo est particulièrement significatif. Ce pays a été dirigé pendant trente-huit ans par le dictateur Gnassingbé Eyadema, qui s’est emparé du pouvoir par un coup d’État militaire et a été invariablement soutenu par les gouvernements français successifs. À sa mort, en février 2005, son fils, Faure Gnassingbé, s’est à son tour emparé du pouvoir par la violence et la fraude électorale. Il occupe actuellement son troisième mandat, alors que la Constitution, dans sa version originelle, à laquelle se réfèrent les Togolais, limite à deux les mandats présidentiels.
Depuis le 19 août dernier, les forces armées du Togo, appuyées par des milices, répriment dans le sang des manifestations pacifiques de citoyens qui revendiquent un changement politique. L’Union africaine a désigné deux médiateurs pour trouver une issue à la crise. La coalition de l’opposition et le Président doivent se réunir jeudi prochain, à Lomé.
La France, qui est liée avec le Togo par des accords de coopération, ne peut se contenter de laisser faire la dictature, au risque de lui être associée aux yeux non seulement des Togolais, mais aussi des Africains et de cette jeunesse à laquelle s’adressait le Président de la République. Elle ne peut pas non plus renvoyer dos à dos ceux qui sèment la violence et ceux qui la subissent.
Madame la ministre, si le temps de la « Françafrique » est vraiment révolu, quelles conditions la France met-elle désormais à sa coopération avec les gouvernements qui ne respectent pas les valeurs de la démocratie et des droits de l’homme ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Gilbert-Luc Devinaz, nous suivons avec beaucoup d’attention la situation au Togo.
Depuis le mois d’août 2017, l’opposition tient des manifestations régulières dans les principales villes pour demander le retour à la Constitution de 1992. Le gouvernement togolais a proposé une réforme constitutionnelle prévoyant un scrutin présidentiel à deux tours et une limitation à deux du nombre de mandats présidentiels. Il a néanmoins refusé que ces dispositions soient appliquées rétroactivement, comme le souhaitait l’opposition, qui a boycotté le vote du projet à l’Assemblée nationale.
La situation s’est dégradée en octobre dernier. Des hommes en civil évoquant, comme vous l’avez indiqué, des milices sont intervenus aux côtés des forces de l’ordre. Le bilan a été estimé à 10 morts. La France a condamné publiquement ces violences et, loin de renvoyer dos à dos les uns et les autres, a appelé le gouvernement du Togo à autoriser les rassemblements pacifiques sur l’ensemble du territoire.
Puisque vous citez la coopération franco-togolaise, je voudrais vous apporter quelques précisions.
La France déploie au Togo 12 coopérants dans le domaine de la défense et de la sécurité intérieure.
Pour la défense, leurs missions comprennent l’organisation de l’action de l’État en mer, la préparation des déploiements des forces armées togolaises dans les opérations de maintien de la paix, notamment au Mali, où servent 1 200 soldats togolais, l’accompagnement des forces armées dans leur restructuration et la formation des officiers, sous-officiers et médecins militaires.
En matière de sécurité intérieure et de protection civile, notre priorité est la lutte contre le trafic de drogue, la criminalité et la fraude documentaire. Nous soutenons la gendarmerie maritime pour lutter contre la piraterie. Nous apportons une aide à la formation des sapeurs-pompiers.
Toutes nos actions se fondent sur le respect des standards internationaux du droit international humanitaire.
La France a appelé à un dialogue entre toutes les parties pour sortir de la crise politique. Ce dialogue doit avoir pour base l’accord conclu en 2006 entre le gouvernement togolais et l’opposition. Après avoir été plusieurs fois repoussé, le dialogue devrait débuter le 15 février prochain grâce à l’action de facilitation menée par le Ghana et la Guinée ; nous le soutenons pleinement.
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Merci, madame la ministre, pour votre réponse. Je voudrais insister à nouveau sur le fait que le discours du Président de la République a suscité auprès des jeunes Africains un immense espoir, mais aussi, à en croire la presse africaine, quelques doutes. Pour lever ces doutes, il faut passer de la parole aux actes.
À mon sens, en ce qui concerne le Togo, la France devrait porter, par ses positions, les demandes légitimes de la coalition d’opposition, demandes que vous avez rappelées : retour à la Constitution de 1992, révision du code électoral afin, notamment, d’offrir le droit de vote aux Togolais résidant à l’étranger, déverrouillage des institutions de la République et libération de tous les prisonniers politiques et de toutes les personnes détenues depuis les manifestations d’août 2017.
Pour la France, ne plus avoir de politique africaine ne doit pas signifier se désintéresser de l’Afrique !
enfants franco-japonais au centre d’un conflit parental
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 0192, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Richard Yung. Madame la ministre, je m’adresse à nouveau à vous sur un sujet que nous avons déjà traité : la situation des enfants franco-japonais en cas de séparation de leurs parents, par hypothèse une séparation douloureuse.
Il y a huit ans, nous avions mené une campagne assez active et fait voter par le Sénat une résolution invitant le gouvernement japonais à ratifier la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur la défense des droits des enfants. Cela a été fait : le gouvernement japonais a ratifié cette convention, qui est entrée en vigueur dans ce pays en 2014. Nous nous en réjouissons, mais la réalité est que son application par le gouvernement japonais laisse beaucoup à désirer : nous avons connaissance de plusieurs dizaines de cas d’enfants franco-japonais qui n’ont plus de relations avec leur parent français, quel qu’il soit, ou avec la France.
Le gouvernement japonais, d’une certaine façon, ne joue pas le jeu. Il applique des délais extrêmement longs à toutes les demandes de retour qui lui sont adressées, alors même que la Convention précise que les délais doivent être les plus courts possible. Par ailleurs, des obstacles sont mis à l’exercice du droit de visite : quand le parent japonais le refuse, il reçoit, curieusement, le soutien de la police et des autorités judiciaires locales.
De fait, après tous nos efforts, force est de constater que nous avançons lentement. J’estime donc nécessaire de reprendre, en quelque sorte, notre bâton de pèlerin et, sans doute, de nous rapprocher d’autres pays, comme les États-Unis ou le Canada, qui ont eux-mêmes des enfants dans des situations similaires, de façon à faire pression sur le gouvernement japonais pour une application satisfaisante de la convention de La Haye.
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Richard Yung, depuis l’entrée en vigueur au Japon de la convention de La Haye, le 1er avril 2014, l’autorité centrale française, c’est-à-dire le ministère de la justice, avec l’appui du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, a saisi l’autorité centrale japonaise de onze dossiers.
Sur les sept dossiers ouverts de déplacements illicites d’enfants, la coopération entre nos deux pays a permis le retour des enfants en France dans deux cas. Quatre dossiers ont été clôturés à l’initiative du parent requérant ou de l’autorité centrale japonaise. Jusqu’à présent, un refus de retour a été prononcé par un juge japonais en raison du souhait de l’enfant, en âge d’être entendu, de rester au Japon. C’est le seul cas dans lequel l’article 13 de la Convention a été invoqué par un juge japonais.
Jusqu’à présent, les décisions de retour ont été exécutées de manière volontaire par le parent ravisseur. Les autorités françaises restent donc vigilantes sur ce point, car, dans la pratique, les autorités japonaises ne semblent pas avoir recours à la force en cas de refus d’exécution.
À ce jour, un dossier de déplacement illicite d’enfants et un dossier relatif à des droits de visite et d’hébergement restent en cours de traitement.
Pour les cas ne relevant pas de la convention de La Haye, c’est la protection consulaire, telle que prévue par la convention de Vienne, qui s’applique. Les parents qui sollicitent notre aide dans ce cadre sont accompagnés dans leurs démarches, dans le respect de la souveraineté japonaise et de la séparation des pouvoirs. Une liste d’avocats spécialisés en droit de la famille peut leur être communiquée et une tentative de prise de contact avec l’autre parent peut être entreprise.
D’une façon générale, les affaires de conflits familiaux font l’objet d’échanges réguliers avec nos partenaires lors des réunions consulaires locales. Une nouvelle réflexion sera menée afin de recenser les problématiques spécifiques au Japon et d’explorer la possibilité de mener une démarche commune auprès des autorités japonaises.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je vous remercie, madame la ministre ; je pense en effet que le regroupement est la bonne direction à prendre. Ainsi, nous ferons pression sur le gouvernement japonais. En effet, toute publicité faite autour de tels problèmes est très désagréable dans la culture japonaise.
De fait, il s’agit d’un problème culturel profond : au Japon, l’enfant est à la garde de la mère, un point c’est tout ! Les juges et les policiers considèrent qu’ils n’ont pas à modifier cette tradition millénaire. Nous nous heurtons à ce problème, notamment en cela que, comme vous l’avez rappelé, le gouvernement japonais ne recourt jamais à la force publique pour faire exécuter un jugement rendu dans de telles affaires.
J’estime donc que nous devons réunir sur place les pays qui sont concernés, ce qui se fait d’ailleurs déjà, de manière à faire pression à nouveau sur le gouvernement japonais.
réalisation du quatrième plan autisme
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, auteur de la question n° 0170, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
M. Pascal Savoldelli. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur la réalisation du quatrième plan Autisme, qui relève de la compétence de l’État.
Selon le récent rapport de la Cour des comptes sur ce sujet, seuls 15 % des enfants autistes bénéficient aujourd’hui d’un diagnostic et d’interventions précoces. On est donc dans une situation inquiétante, où les besoins sont très loin d’être pourvus. Quand je rencontre les associations et les familles, je constate beaucoup de colère, une colère qui est légitime, mais qui, à mon sens, n’est pas ignorée par le Gouvernement.
En juillet, puis en septembre 2017, aux côtés du Président de la République, vous avez en effet annoncé, madame la secrétaire d’État, l’élaboration d’un nouveau plan Autisme. Je dois néanmoins vous avouer que les familles sont inquiètes, car rien n’est sorti de concret pour le moment.
En attendant, et pour ne citer que cet exemple, le conseil départemental du Val-de-Marne s’est engagé à cofinancer 520 nouvelles places dans les structures d’accueil pour personnes handicapées, avec une priorité pour les enfants autistes. Voilà du concret !
En déplacement à Bordeaux, il y a quelques jours, vous avez dévoilé, madame la secrétaire d’État, quelques premiers axes de ce plan, concernant notamment le dépistage, mais aussi la formation d’auxiliaires de vie scolaire. Cela n’est pourtant pas suffisamment précis, et c’est pourquoi je vous interroge aujourd’hui. Qu’en est-il des mesures concrètes ? Les familles, les personnels soignants et toutes les personnes concernées ont le droit de le savoir.
Enfin, j’ai une demande particulière relative à la réforme de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH. Sa revalorisation était un combat de longue date des parlementaires communistes ; je me félicite donc que le Gouvernement ait accepté de l’augmenter de 100 euros d’ici à 2019. Toutefois, de par votre réforme, un bénéficiaire commencera à perdre de son allocation si son conjoint dispose d’un revenu de 1 126 euros par mois. C’est ensuite dégressif et, à partir de 2 200 euros de revenu pour le conjoint, la personne handicapée n’aura plus rien !
Jusqu’à 50 % des personnes handicapées seraient pénalisées. Admettez, madame la secrétaire d’État, qu’on ne peut pas accepter cela.
Voici donc ma seconde question : le Gouvernement va-t-il mettre fin à la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Pascal Savoldelli, vous ne vous êtes pas trompé : le Président de la République a bien fait du handicap la priorité du Gouvernement. Je vous confirme qu’il a aussi fait du plan Autisme l’une de ses priorités, puisque, comme vous l’avez rappelé, il a lancé officiellement, le 6 juillet dernier, à l’Élysée, la concertation préalable à sa conception. Comme il avait été annoncé, cette concertation dans les territoires a duré six mois ; le plan est en cours de rédaction et les mesures seront donc annoncées mi-mars, en présence du Président de la République.
Pour autant, je peux vous en révéler quelques pistes. La prise en charge précoce fait partie des axes majeurs du plan. En effet, comme vous l’avez rappelé, les familles ne peuvent plus continuer à être en errance diagnostic. Il faut pouvoir anticiper la prise en charge pour éviter les errances de prise en charge et le surhandicap qui en découle.
La deuxième priorité est la recherche : il faut absolument que nous replacions la France dans les standards scientifiques internationaux. C’est bien le cas : nous allons rattraper ce retard, qui a été pointé dans le rapport de la Cour des comptes auquel vous avez fait allusion.
Un troisième axe majeur est la prise en charge des adultes avec autisme. Trop longtemps, il y a eu des errances diagnostic ; encore aujourd’hui, certains adultes avec autisme ne sont pas diagnostiqués, qu’ils soient chez eux ou dans des établissements où leur prise en charge est inadaptée. Cela aussi, il faut y mettre fin.
Enfin, nous voulons améliorer la formation de tous les professionnels, au-delà des auxiliaires de vie scolaire, que vous avez mentionnés.
Je peux vous dire que la concertation s’est remarquablement bien passée : présidée par Mme Claire Compagnon, elle a été sereine et efficace. Tous les professionnels de santé médicale et paramédicale se sont mis autour de la table, de même que les associations. Je tiens donc à rassurer les parents : le consensus commence à être général sur le socle des mesures à prendre. Maintenant, le plan est en écriture ; il sera bientôt en arbitrage et sera restitué à partir de la mi-mars : vous en aurez bien sûr connaissance.
Je veux aussi répondre à votre question sur l’allocation aux adultes handicapés. Je tiens à rappeler que sa revalorisation représente un effort de 2,5 milliards d’euros sur le quinquennat : nous allons ainsi pouvoir augmenter cette allocation en novembre 2018, puis en novembre 2019. L’AAH bénéficie à plus d’un million de nos concitoyens ; cet effort est donc la preuve que la solidarité nationale joue. Pour cette allocation comme pour toutes les autres, la règle de la conjugalisation a donc été, pour l’instant, retenue.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. C’est plus un accompagnement qu’une réponse, madame la secrétaire d’État ; j’attendrai donc avec attention les résultats.
En guise de parenthèse, puisqu’un autre membre du Gouvernement est maintenant présent à vos côtés, je vous avouerai avoir constaté que, sur certains sujets, vous allez beaucoup plus vite. La suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune a pris moins de mois que l’organisation de la concertation sur un sujet comme celui-là !
Mais vous avez évoqué des pistes que j’avais prises en compte. J’adopte une position, non pas de polémique, mais de vigilance. Si j’ai bien compris, les travaux qui ont été réalisés attestent que seuls 15 % des enfants souffrant d’autisme sont pris en charge aujourd’hui ; 85 % d’entre eux ne le sont donc pas : la situation a bien un caractère d’urgence.
Selon les derniers chiffres qui ont été portés à ma connaissance, lors de la dernière rentrée scolaire, plus de 250 familles ont tout de même vu leurs enfants intégrer l’école sans auxiliaires de vie scolaire. Pouvez-vous imaginer, madame la secrétaire d’État, la vie de parents placés dans une telle situation ?
Il y a donc une mesure d’urgence à prendre, dont je ne sais si elle demande une concertation. J’entends le besoin de dialogue, mais, quand on a son enfant à l’école sans auxiliaire de vie scolaire, il n’y a pas besoin de se concerter ! Je le dis avec un peu de passion, mais il faut être concret.
Je veux revenir en dernier lieu sur la question de l’allocation aux adultes handicapés. Certes, je m’exprime dans le cadre d’une question orale posée au Gouvernement, ce qui ne m’offre pas l’occasion d’en débattre formellement avec mes collègues sénatrices et sénateurs ; néanmoins, nous posons tous des questions, et nous nous parlons ainsi les uns aux autres en même temps qu’au Gouvernement. Pour ma part, j’estime qu’un revenu de 2 200 euros n’est pas indécent ; ce n’est pas une somme faramineuse. En outre, tous ceux qui connaissent des personnes dont un parent proche est handicapé pourront vous dire le coût que cela représente dans le budget de la famille.
C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je pense qu’il faut aller plus loin. Sur certains sujets, on ne peut pas sérieusement s’aligner ainsi sur des niveaux de revenus. Certains de ceux qui produisent des expertises ne connaissent manifestement pas la réalité des familles où vit un handicapé. C’est un coût énorme dans notre société, d’autant qu’elle se « marchandise » de plus en plus ; cela est vrai qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un adulte handicapé.
Quoi qu’il en soit, madame la secrétaire d’État, merci pour votre attention et pour la suite de vos travaux.
M. le président. Mes chers collègues, veuillez respecter le temps de parole qui vous est imparti.
systèmes participatifs de garantie en agriculture biologique
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, auteur de la question n° 0181, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Alain Marc. Monsieur le ministre, ma question porte sur les systèmes participatifs de garantie, ou SPG, en agriculture biologique.
La volonté d’offrir aux consommateurs une garantie sur l’origine et la production ou la fabrication des produits qu’ils achètent constitue le point commun entre la certification par tiers et les SPG. En revanche, les SPG se distinguent de la certification par tiers par la dimension sociale et locale très forte qu’ils apportent.
En effet, une des priorités des SPG est la cogestion de la certification entre le producteur, le consommateur et tout acteur du territoire. La certification sera donc effectuée, non pas par un organisme extérieur, mais par les consommateurs et les acteurs du territoire, chacun ayant un rôle dans le processus et dans la prise de décision finale.
En intégrant les consommateurs aux processus de décision, la certification participative les place au centre du contrôle de production. En contact direct avec les producteurs, ils sont alors capables de vérifier et d’analyser eux-mêmes la délivrance d’une certification.
Les SPG ne se limitent pas à la création d’une dynamique collective ; ils sont fondés, d’une part, sur des critères techniques contenus dans un cahier des charges et, d’autre part, sur des critères plus globaux exprimés, le plus souvent, par une charte.
La Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique, l’IFOAM, définit les SPG comme des « systèmes d’assurance qualité ancrés localement qui certifient les producteurs sur la base d’une participation active des acteurs concernés et sont construits sur une base de confiance, de réseaux et d’échanges de connaissances ».
Ainsi, les SPG présentent de nombreux avantages : ils garantissent le respect des cahiers des charges de l’agriculture biologique ; ils réduisent les coûts de contrôle et de certification ; ils permettent une mise en réseau et un appui technique ; ils renforcent les dynamiques territoriales ; ils stimulent les démarches collectives de commercialisation ; enfin, ils sensibilisent les consommateurs.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si l’on peut envisager prochainement une reconnaissance des SPG au même titre que la certification par tiers ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Alain Marc, vous m’interrogez sur la reconnaissance des systèmes participatifs de garantie en agriculture biologique.
Les règlements européens n° 882/2004 relatif aux contrôles officiels en alimentation et n° 834/2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques ne permettent pas aujourd’hui la reconnaissance de ces systèmes participatifs de garantie pour le contrôle des produits issus de l’agriculture biologique en Europe ou pour des produits importés.
Les produits biologiques portent, vis-à-vis des consommateurs, des engagements d’un mode de production respectueux de l’environnement et du bien-être animal, qui doivent être garantis par un système de contrôle efficace et indépendant. C’est pourquoi les contrôles réalisés en agriculture biologique sont officiels, sous la responsabilité des pouvoirs publics.
En application de la réglementation européenne, ces contrôles sont réalisés par des organismes de certification. En France, ces derniers sont accrédités par le Comité français d’accréditation, le COFRAC, et agréés par l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, autorité compétente en matière de contrôles.
Les systèmes participatifs de garantie permettent de contrôler des productions par un collectif de producteurs et de consommateurs. Ces systèmes sont pertinents pour certains marchés et ont notamment pu se développer autour de labels et de marques. Ils ne garantissent toutefois pas l’indépendance du contrôle et ne répondent pas en cela aux exigences d’une certification telle qu’elle peut être attendue aujourd’hui par les consommateurs.
Dès lors, ces contrôles ne peuvent en aucun cas être assimilés à des contrôles officiels.
installation d’officines de pharmacie et seuil minimal de population dans les communes rurales
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la question n° 0152, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Bernard Delcros. Monsieur le ministre, aujourd’hui, le code de la santé publique rend impossible l’ouverture d’une pharmacie dans une commune comptant moins de 2 500 habitants. Cette règle n’est pas du tout adaptée aux réalités des territoires ruraux, particulièrement en zone de montagne. Et le nombre d’habitants, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, ne peut pas être le seul critère retenu.
Dans ces territoires, des communes de 2 000, 1 000, parfois 800 habitants jouent souvent un véritable rôle de bourg-centre et de pôle de services pour tout un bassin de vie. Il faut aussi tenir compte des difficultés de déplacement inhérentes à l’altitude, au relief, à l’enneigement ou aux distances à parcourir dans ces territoires vastes, mais à faible densité de population.
Certes, l’ordonnance du 3 janvier dernier apporte un début de réponse en introduisant de nouvelles dispositions. Elle permet notamment de prendre en compte la population de communes contiguës, mais à condition que l’une au moins de ces communes atteigne le seuil des 2 000 habitants.
Pourquoi ce seuil de 2 000 habitants ? Il ne correspond pas à la réalité du terrain dans les zones rurales.
Prenons le cas concret de la commune de Vézac, dans le Cantal. Elle compte seulement 1 200 habitants. Pourtant, elle offre un ensemble de services pour un bassin de vie de 4 300 habitants répartis sur neuf communes contiguës.
Grâce à sa politique de développement, Vézac compte aujourd’hui plusieurs commerces, un cabinet d’infirmiers, un cabinet de kinésithérapeutes, et porte un projet de cité des aînés et de construction de nouveaux logements. Elle a également engagé la construction d’un bâtiment pour accueillir deux médecins et une pharmacie. Trois candidats – trois candidats, monsieur le ministre ! – se sont fait connaître pour ouvrir cette pharmacie.
Malgré cela, Vézac s’est vue refuser par l’agence régionale de santé l’installation d’une pharmacie au motif d’un nombre d’habitants insuffisant. Monsieur le ministre, ce n’est pas acceptable, particulièrement au moment où nous devons au contraire tout faire pour lutter contre les déserts médicaux et maintenir l’offre de soins en milieu rural !
Ce cas illustre parfaitement le fossé qui existe entre la théorie d’une règle et les besoins du terrain.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est simple : êtes-vous prêt à reconsidérer le cas de la commune de Vézac et, plus généralement, à faire prévaloir le bon sens en adaptant les critères d’ouverture des pharmacies aux réalités du terrain – au bon sens, allais-je dire –, notamment en milieu rural ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Bernard Delcros, Mme Agnès Buzyn m’a chargé de vous transmettre sa réponse, ce que je fais avec grand plaisir.
Le Gouvernement est bien évidemment soucieux de préserver le maillage territorial et officinal afin d’éviter l’apparition de territoires trop fragiles et de garantir à la population un égal accès aux médicaments sur l’ensemble du territoire.
Vous le savez, la pharmacie joue un rôle central par ses missions de service public de proximité. Ainsi, l’ordonnance n° 2018–3 du 3 janvier 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie, issue de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, présente des mesures qui peuvent répondre aux besoins de la population dans les communes rurales. Certaines de ces mesures visent à assouplir les règles applicables aux transferts et au regroupement des officines, notamment dans les territoires ruraux. En effet, dans des zones susceptibles de connaître des difficultés d’approvisionnement préalablement identifiées par les agences régionales de santé, les ARS, des dispositions particulières prévoient la possibilité de prendre en compte les populations de plusieurs communes contiguës de moins de 2 500 habitants, si au moins l’une des communes atteint 2 000 habitants. Ainsi, l’ordonnance permet de prendre en compte un ensemble de communes ne comptant pas suffisamment d’habitants, afin d’atteindre un seuil ouvrant droit à l’implantation d’une officine. Les ARS pourront alors autoriser, par voie de transfert ou de regroupement, l’ouverture d’une officine au sein de ces communes.
Par ailleurs, l’implantation ou le maintien d’une pharmacie dans les territoires ruraux seront facilités par la prise en compte des flux de population et non d’une seule population résidente, ce qui permettra à une pharmacie de se rapprocher d’une maison de santé ou d’un centre commercial de proximité pour mieux répondre aux besoins de la population. Le cas échéant, en application de l’ordonnance, des mesures d’aides pourront être enfin prévues dans le cadre de la convention signée entre les pharmaciens et l’assurance maladie à l’intention de ces territoires.
De nouveaux leviers sont ainsi mis en place pour soutenir le maillage officinal, en particulier dans les zones rurales. Les services du ministère des solidarités et de la santé travaillent actuellement sur les textes d’application nécessaires de l’ordonnance, dont la publication est prévue à l’été 2018. Il vous sera donc possible, monsieur le sénateur, d’interroger à nouveau Mme la ministre à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse.
Vous avez rappelé le contenu de l’ordonnance du 3 janvier dernier à laquelle j’ai fait référence dans mon intervention et que j’ai bien évidemment analysée de près. Certes, elle apporte des assouplissements, mais ceux-ci ne répondent pas complètement aux besoins du terrain, l’exemple de la commune de Vézac dans le Cantal l’atteste. L’exigence d’un seuil de 2 000 habitants est maintenue, ce qui, encore une fois, ne correspond pas à la réalité de la taille des bourgs-centres en milieu rural.
Par conséquent, monsieur le ministre, je vous demande de prendre en considération cette problématique et d’en faire part à la ministre concernée. (M. le ministre opine.) Il reste un petit pas à franchir – il n’est pas grand – pour assouplir l’ordonnance afin que le dispositif soit en totale adéquation avec les réalités de la ruralité, particulièrement en zone de montagne.
difficultés des correctrices et correcteurs d’édition
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 0190, adressée à Mme la ministre de la culture.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le ministre, je vous remercie de me transmettre la réponse de Mme la ministre de la culture ; je sais votre intérêt pour le domaine que je vais évoquer.
Depuis plusieurs années déjà, les correctrices et correcteurs d’édition tirent la sonnette d’alarme, tentant en vain d’alerter les pouvoirs publics sur la situation de délitement que connaît leur profession. Travaillant le plus souvent à domicile, exerçant un métier largement méconnu du grand public, peu syndiqués, leurs difficultés sont rendues invisibles.
Pourtant, maillon essentiel de la chaîne du livre, ces professionnels se révèlent indispensables à la défense de la langue française, à la qualité des textes édités et, par là même, au rayonnement de notre littérature. Le lecteur-correcteur, premier à disposer des textes bruts, en vérifie la cohérence, la structure et effectue un premier travail de correction syntaxique, orthographique et grammatical. Il vérifie ensuite les premiers changements et en affine encore la forme. Véritables orfèvres de notre littérature, travaillant de concert avec les auteurs, ils sont les garants de la transmission écrite. Victor Hugo les appelait les « modestes savants habiles à lustrer la plume du génie ».
En 2010, une cinquantaine d’entre eux ont manifesté à Paris devant le siège du Syndicat national de l’édition, criant leur désarroi face à leur précarité grandissante : l’annexe IV de la convention nationale de l’édition, qui régit le statut des travailleurs à domicile, n’impose aucune obligation aux employeurs d’un salaire mensuel minimum et leur protection sociale s’en trouve de fait amoindrie. La plupart ayant un contrat à durée indéterminée « zéro heure », leur rémunération se révèle très fluctuante et ils sont soumis à des périodes de chômage non rémunérées et non indemnisées.
Ces professionnels réclament la possibilité de disposer d’un volume d’heures annuel garanti et de les lisser pour disposer d’un salaire mensuel constant. Cette revendication a déjà été formulée par des représentants de ces travailleurs au mois de mars 2016 auprès du Syndicat national de l’édition, sans suite.
Monsieur le ministre, quelles mesures le ministère de la culture entend-il mettre en œuvre pour répondre à la précarité grandissante de ces professionnels ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Maryvonne Blondin, je vous prie d’excuser l’absence de Françoise Nyssen, qui m’a chargé de vous répondre.
Le Gouvernement a bien pris connaissance des alertes envoyées par les correcteurs de l’édition sur les difficultés qu’ils rencontrent. Les services du ministère de la culture suivent attentivement l’évolution des négociations en cours, conduites par les partenaires sociaux sous l’égide du ministère du travail.
Les points de discussion entre les syndicats des correcteurs et le Syndicat national de l’édition concernent essentiellement le lissage de la rémunération, afin que les correcteurs puissent avoir un revenu mensuel régulier, et la compensation des variations de l’activité.
Les partenaires sociaux ont prévu de se réunir en commission mixte paritaire au début du mois de mars prochain au ministère du travail. Ils se sont donné pour objectif de signer un accord qui pourrait aboutir à une réécriture de l’annexe IV de la convention collective de l’édition, permettant de sécuriser davantage la situation des correcteurs travailleurs à domicile et de leur apporter de nouveaux droits.
Si la négociation venait à échouer ou que des blocages persistaient, le ministère de la culture et le ministère du travail pourraient être amenés à proposer une médiation.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le ministre, vos propos sont tout à fait encourageants. J’espère que la négociation, donc je suivrai le cours, aboutira.
Je rappelle qu’existe aussi la possibilité pour les éditeurs d’utiliser l’informatique pour assurer ces corrections. Néanmoins, si l’informatique corrige les coquilles, il n’améliore ni le style ni la structure de la phrase. (M. le ministre opine.)
Il faut préserver ces métiers rares, qui sont des métiers d’artisanat littéraire.
retour en france des djihadistes de nationalité française
M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, auteur de la question n° 0188, transmise à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Marc-Philippe Daubresse. Madame la garde des sceaux, je vous remercie d’être venue en personne répondre à cette question importante.
Au début de cette année, plusieurs questions ont été soulevées sur la vocation potentielle de la France à juger des djihadistes français arrêtés à l’étranger. Nous savons que 1 200 Français environ ont séjourné dans la zone irako-syrienne où l’État islamique dominait le terrain voilà peu. Nombre d’entre eux étaient des combattants souvent accompagnés par des femmes elles-mêmes engagées dans le djihad et par des enfants.
Les grands fiefs de l’État islamique tombant les uns après les autres, que vont devenir ces individus qui ont pris les armes contre la France et défié les valeurs de notre République et de notre civilisation ?
Si l’on réunit les informations données par le Gouvernement et vos propres déclarations, madame la garde des sceaux, on croit comprendre que la France admet que les djihadistes arrêtés soient jugés en Syrie ou en Irak, à condition qu’ils bénéficient d’un procès équitable. On croit comprendre également que la France pourrait s’opposer à une condamnation à mort, dans des pays ne disposant pas d’organes judiciaires constitués.
Cependant, quelle est votre capacité d’action réelle en la matière, par exemple pour les djihadistes français capturés par les Kurdes, qui n’ont pas d’État reconnu ni d’organe judiciaire ? Certes, le droit international prévoit que l’État de nationalité d’un individu puisse le juger à l’étranger, mais cette compétence est subsidiaire de la compétence territoriale de l’État où ils ont été arrêtés, laquelle prime.
S’impose une clarification de la position de la France, de sa fermeté face à la barbarie islamiste qui a frappé à plusieurs reprises sur notre territoire, de sa capacité à mettre en cause des jugements rendus à l’étranger, et de la doctrine claire à appliquer en la matière, qui, à ce jour, ne ressort pas des différentes déclarations.
Au sujet des Français déjà revenus sur notre sol, combien sont incarcérés et combien sont dans la nature ? Madame la garde des sceaux, vous savez que le Sénat a constitué plusieurs missions d’évaluation des dispositifs créés dans ce domaine. Comment et par quels dispositifs judiciaires, ou préventifs, comptez-vous protéger nos compatriotes, si des bombes à retardement sont en liberté dans notre pays ? Peut-on croire que ces femmes et ces hommes aient renoncé à leur dessein meurtrier ?
Ma question est simple, madame la garde des sceaux : pouvez-vous clarifier la position du Gouvernement sur ces deux sujets ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Marc-Philippe Daubresse, la question du traitement des djihadistes de nationalité française se présente sous deux aspects.
La première situation concerne les Français se trouvant encore dans les terrains de combat, c’est-à-dire qui seraient détenus à l’étranger au titre des actes qu’ils auraient pu commettre sous le drapeau de Daech. Pour ceux-là, il ne saurait être fait abstraction du contexte de guerre dans la région, guerre à laquelle ils ont librement et volontairement choisi de participer.
Dans leur situation, l’État français a posé une règle claire : leur situation doit être appréciée dans le respect de la légalité internationale et des relations avec les États dans lesquels ces personnes sont détenues.
Ainsi, les Français majeurs détenus en Irak relèvent d’abord des autorités de ce pays, à qui il revient de décider souverainement s’ils doivent faire l’objet de procédures judiciaires ou non sur place. Ces personnes peuvent bénéficier de la protection consulaire de droit commun. Cette protection implique l’exercice du droit de visite et la vérification qu’elles ne sont pas soumises à des traitements inhumains ou dégradants.
J’en viens aux Français majeurs détenus en Syrie. La France n’a pas de relations diplomatiques avec ce pays, qui est encore, en de nombreux endroits, zone de guerre. C’est pourquoi notre intervention s’exerce d’abord à travers les organismes internationaux compétents dans de tels cas, en particulier via le CICR.
Pour les Français interpellés en Turquie, vous le savez, le Gouvernement a négocié un protocole qui permet d’obtenir l’expulsion de ces personnes – majeures ou mineures – vers la France, où elles sont alors prises en compte par l’autorité judiciaire française dès leur descente d’avion.
S’agissant d’éventuelle condamnation à mort dans ces pays – la question s’est posée non pour des Français, mais pour des ressortissants européens –, la France, qui y est opposée, interviendrait afin de rappeler cette position aux autorités concernées, dans le cadre de l’exercice de la protection consulaire, comme elle le fait de manière systématique.
En toute hypothèse, je le redis, la France est attachée au respect des garanties offertes par le droit à un procès équitable. Elle apporte en tant que de besoin à ses ressortissants une protection consulaire lorsque cela est le cas.
Les mineurs français, en Irak ou en Syrie, ont droit à la protection de la République et peuvent être pris en charge selon les règles concernant la protection des mineurs et rapatriés, sous réserve que leur responsabilité pénale ait été écartée par les autorités locales.
La seconde situation concerne les djihadistes français qui reviennent sur le territoire national.
Depuis 2015, ces « revenants » sont systématiquement « judiciarisés ». Cette politique de judiciarisation systématique se traduit par la mise en œuvre, par le parquet de Paris à l’encontre des majeurs, d’un engagement immédiat de poursuites du chef d’« association de malfaiteurs terroriste », qui visent à réprimer le fait d’avoir rejoint ou tenté de rejoindre la zone irako-syrienne pour y mener le djihad armé au contact d’une organisation terroriste.
Tous ont vocation, dès lors que des éléments probatoires sont réunis, à faire ensuite l’objet d’une mise en examen et d’un placement sous une mesure de contrainte qui est adaptée à leur situation.
M. le président. Il faut conclure, madame la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je conclus. Aujourd’hui, monsieur le sénateur, pour répondre très précisément à votre question, 182 revenants majeurs ont été « judiciarisés », 142 sont en détention, les autres étant placés sous des mesures de contrôle judiciaire strict, ce qui fait que nous savons très précisément où ils sont et ce qu’ils font.
Les mineurs font, eux aussi, l’objet d’un traitement de judiciarisation.
M. le président. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de respecter le temps imparti lors de vos prochaines interventions.
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir laissé Mme la garde des sceaux terminer son propos. La question est importante, la réponse l’est tout autant, elle a permis de clarifier pleinement la doctrine du Gouvernement sur ce sujet. Je me réjouis donc de l’avoir posée et d’avoir reçu cette réponse.
choix de la ville de la nouvelle prison de vendée
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 0162, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Didier Mandelli. Madame la garde des sceaux, au 1er janvier 2018, la France comptait 68 974 détenus pour seulement 59 765 places dans nos prisons. Malgré les dix-sept condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme et la multiplication, ces dernières années, des rapports parlementaires et autres missions d’information, la situation n’a cessé de se détériorer, aggravée et accentuée par les phénomènes de radicalisation. Ces dernières semaines ont été le théâtre d’agressions inqualifiables contre le personnel pénitentiaire.
La Vendée enregistre une surpopulation carcérale qui dépasse 200 % pour la maison d’arrêt de La Roche-sur-Yon – 39 places pour 80 détenus – et atteint 146 % pour celle de Fontenay-le-Comte – 39 places pour 57 détenus.
Depuis le début de mon mandat, j’ai visité à quatre reprises les prisons de mon département de la Vendée. J’ai pu constater les effets particulièrement néfastes et corrosifs de cette surpopulation, non seulement pour le personnel pénitencier bien entendu, mais également pour les détenus et les intervenants extérieurs.
En 2011, Michel Mercier, alors garde des sceaux, s’était engagé à construire une nouvelle prison en Vendée. Au mois d’octobre 2016, le Premier ministre, Manuel Valls, annonçait à son tour la construction de 33 prisons supplémentaires en France, dont une maison d’arrêt en Vendée. Les villes de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte s’étaient portées candidates pour accueillir cette nouvelle prison, qui devrait compter 250 places.
Au mois de février 2017, le ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, votre prédécesseur, annonçait que la nouvelle prison serait construite à Fontenay-le-Comte, dans une logique d’aménagement du territoire.
Depuis cette annonce et le changement de gouvernement, la Chancellerie n’a pas officiellement confirmé ce choix. Une nouvelle prison est une priorité pour la sûreté du personnel pénitentiaire et j’appelle de mes vœux sa réalisation au plus vite.
Madame la garde des sceaux, je souhaite connaître la position définitive du Gouvernement quant à la désignation de la ville qui accueillera cette nouvelle maison d’arrêt et la date de démarrage des travaux.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Didier Mandelli, je ne vous donnerai pas aujourd’hui cette réponse, mais celle-ci est imminente.
Comme vous l’avez souligné, les maisons d’arrêt de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte souffrent d’une surpopulation préoccupante puisque, au 1er novembre 2017 – vous avez vous-même rappelé les chiffres –, la densité carcérale de ces établissements s’élevait respectivement à 202 % et 146 %.
C’est pourquoi la direction de l’administration pénitentiaire mène aujourd’hui une politique volontariste de transfert des personnes détenues pour limiter les effets de la surpopulation carcérale et procède régulièrement à ce que l’on appelle des « désencombrements ».
Par ailleurs, et c’est cela qui est important, comme vous le savez, le Président de la République a pris l’engagement de créer 15 000 places de prison supplémentaires afin notamment d’atteindre l’objectif de l’encellulement individuel dans les maisons d’arrêt, où la très forte surpopulation carcérale dégrade la prise en charge des détenus et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.
Je sais que des propositions de terrains situés sur les communes de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte ont été formulées par les collectivités et transmises à mes services par le préfet.
L’Agence publique pour l’immobilier de la justice a lancé des études sur les terrains proposés dans les deux communes pour s’assurer de la conformité avec le cahier des charges.
Les résultats, dont vous serez tenu informé, seront connus dans les prochaines semaines, à l’occasion de la présentation, par le Président de la République, du plan Prison.
Ainsi que j’ai eu l’occasion de le préciser, la liste des implantations définitivement retenues à l’échelle nationale, qui dépendra des besoins opérationnels, des ressources budgétaires, des orientations retenues dans le cadre du chantier pour la justice consacré au sens et à l’efficacité des peines, ainsi que des disponibilités foncières, sera présentée au Parlement au printemps 2018, lors de l’examen du projet de loi de programmation pour la justice.
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Madame la garde des sceaux, nous attendons avec impatience et intérêt la décision du Gouvernement et le choix définitif de construction de cette prison sur le territoire de l’une ou l’autre de ces villes. Celles-ci ne sont pas « en compétition », leur offre reposant sur des logiques différentes : Fontenay-le-Comte pour des questions d’aménagement du territoire, dans le sud de la Vendée, la Roche-sur-Yon compte tenu de la proximité d’un certain nombre de services liés à la justice.
insuffisance en moyens humains du tribunal de grande instance de bourg-en-bresse
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 0169, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Patrick Chaize. Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, ma question concerne la situation difficile que connaît le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, dont la compétence est départementale.
Le département de l’Ain comprend 637 000 habitants répartis sur une surface de 5 763 kilomètres carrés. Son territoire est très diversifié et certaines de ses zones sont influencées par la présence proche de l’agglomération lyonnaise, à l’extrémité sud-ouest du département, et de l’agglomération genevoise, à l’extrémité nord-est. La proximité de ces deux grandes métropoles entraîne une délinquance importante ainsi qu’une criminalité organisée inhabituelle pour un département rural comme l’Ain, qui n’est lui-même pas pourvu de très grandes villes.
Sont relevés un nombre de faits délictueux élevé dans une configuration inadaptée des services d’enquêtes, avec l’absence notamment de détachement de la direction interrégionale de la police judiciaire ou du service régional, dans le pays de Gex. Parmi d’autres caractéristiques, et non des moindres, l’Ain, qui est le premier département industriel de France, connaît aussi la quatrième plus forte croissance démographique de l’Hexagone avec 8 000 habitants supplémentaires chaque année.
Bien qu’elles soient honorables, ces positions engendrent un contentieux spécifique. Il est à noter par ailleurs que l’Ain est doté d’un hôpital psychiatrique de portée régionale et d’un centre pénitentiaire ouvert en 2010 à Bourg-en-Bresse, comprenant une maison d’arrêt, un centre de détention et un quartier de semi-liberté, qui est aujourd’hui à pleine capacité avec plus de 700 détenus.
Malgré tous ces éléments, la comparaison des chiffres avec les départements avoisinants, selon le rapport entre la population et le nombre de magistrats, démontre un déficit fort important pour l’Ain, qui se situe largement en dernière place des départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes. L’analyse de ces chiffres prouve que le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse est structurellement sous-évalué, tant pour les magistrats du siège que pour ceux du parquet.
Dans ce contexte, le Gouvernement envisage-t-il de doter rapidement ce tribunal en moyens humains suffisants pour un meilleur fonctionnement de la justice dans l’Ain ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Patrick Chaize, vous appelez mon attention sur la situation des effectifs de magistrats du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, estimant que ceux-ci sont sous-évalués au regard des données structurelles que vous mentionnez pour le département de l’Ain.
Afin d’assurer le fonctionnement optimal des juridictions, le ministère de la justice élabore chaque année une circulaire de localisation des emplois, à l’issue d’un dialogue avec les chefs de cour, au vu de l’activité des juridictions. Pour le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, si l’on regarde ce qui s’est passé ces dernières années, deux emplois de magistrats du siège ont été créés en 2012. Les effectifs du parquet ont été aussi renforcés en 2016. Ainsi, en cinq ans, quatre créations de postes sont intervenues au sein de cette juridiction, soit une augmentation de plus de 10 % des effectifs de magistrat.
À ce jour, les effectifs des magistrats au parquet sont au complet. Deux postes de magistrats du siège sont cependant vacants, faute de candidature lors des derniers mouvements de magistrats, ce qui engendre évidemment des difficultés de fonctionnement.
Tout à fait conscients de l’activité juridictionnelle soutenue, liée aux spécificités démographiques et économiques du ressort que vous avez évoqué, les services de la Chancellerie seront particulièrement attentifs à la situation du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, dans le cadre de l’élaboration du projet de nomination des magistrats pour l’année 2018. Si nous n’avons pas de candidature, ce qui est possible, mes services regarderont avec attention la possibilité d’offrir ces postes aux 373 auditeurs de justice qui prendront leurs fonctions au 1er septembre 2018.
Enfin, monsieur le sénateur, je vous rappelle que les chefs de la cour d’appel de Lyon disposent également de quatre magistrats placés au parquet et de dix magistrats placés au siège, qu’ils peuvent déléguer provisoirement dans les juridictions du ressort de la cour, et donc notamment au tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, pour renforcer les effectifs, si cela apparaît utile.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que je serai très attentive, à la suite de votre question, à la situation du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Je vous remercie, madame la ministre, de ces indications et de la prise en compte de ma question et des difficultés rencontrées dans ce département. J’ai beaucoup apprécié, la semaine dernière, les annonces du ministre de l’intérieur, qui a lui-même reconnu que les effectifs de gendarmerie étaient sous-dotés et que le Gouvernement y avait porté une attention particulière.
J’espère que cela se traduira dans les faits pour les personnels de justice dans les prochaines années, l’ensemble des magistrats étant vraiment sous tension, malgré un travail tout à fait efficace de leur part.
situation du tribunal de saint-nazaire
M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, auteur de la question n° 0198, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Christophe Priou. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice et concerne le tribunal de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique.
En effet, à la suite du lancement, le 6 octobre 2017, des chantiers de la justice, en amont du projet de loi de programmation pour la justice 2018–2022, il apparaît urgent de signaler le rôle important du tribunal de Saint-Nazaire, étant donné la démographie de son ressort.
Si le principe de création d’un tribunal de première instance par département était retenu, il me faudrait vous alerter, madame la garde des sceaux, sur les conséquences importantes pour le ressort du tribunal, mais aussi pour l’ensemble des justiciables de Loire-Atlantique.
La croissance démographique du territoire et l’activité soutenue du tribunal de Saint-Nazaire comme celle du tribunal de Nantes obligent à une prise en compte de cette réalité du département. La Loire-Atlantique est l’un des départements les plus dynamiques de France, gagnant plus de 16 000 habitants par an, soit 81 000 habitants sur cinq ans.
C’est pourquoi, compte tenu de ces éléments objectifs, l’activité du tribunal de Saint-Nazaire est particulièrement soutenue. Pour un ressort de 350 000 habitants, il aura rendu en 2016 un nombre élevé de décisions : 10 532 pour le tribunal de grande instance et 8 182 pour le tribunal d’instance.
Cette situation s’explique par un apport élevé de population, jusqu’à près de 1 million de personnes sur le littoral durant la période estivale et les week-ends. Le tribunal de Nantes, déjà fortement sollicité, n’aura pas la capacité d’absorber une charge importante d’affaires.
Aussi, quelles mesures sont envisagées pour qu’une ville comme Saint-Nazaire conserve un accès direct à la justice, connaissant le fonctionnement efficace de son tribunal, qui plaide au contraire pour un renforcement de ses moyens en accueillant de nouvelles chambres, notamment sur les questions maritimes, dans une région qui a eu à traiter la catastrophe de l’Erika ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Christophe Priou, comme vous le savez, le Gouvernement a lancé une très large réflexion sur cinq grands chantiers thématiques concernant le fonctionnement et l’organisation de la justice, dont l’un est relatif à l’adaptation de l’organisation territoriale des tribunaux.
Les propositions concernant ces chantiers m’ayant été rendues, je suis actuellement dans une phase de concertation avec l’ensemble des métiers du droit et, bien entendu, des organisations syndicales représentant les personnels de justice qui durera jusqu’au début du mois de mars. J’aurai également l’occasion de rencontrer les parlementaires sur l’ensemble de ces sujets.
La réforme de l’organisation territoriale telle que nous l’avons conçue vise à satisfaire les intérêts essentiels du justiciable, c’est-à-dire à garantir un accès simple, lisible, rapide et direct à la justice. Sur la base de ces principes, des évolutions concrètes et opérationnelles seront envisagées. Ces évolutions trouveront leurs premières traductions dans la loi de programmation pour la justice 2018–2022. Elles concilieront l’exigence de proximité, la spécialisation et l’efficience des juridictions.
S’agissant de Saint-Nazaire, je réaffirme ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire à plusieurs reprises : aucun site juridictionnel ne sera fermé. La réforme envisagée du réseau judiciaire sera au contraire pensée comme une opportunité de moderniser l’action de l’institution judiciaire dans l’intérêt de nos concitoyens et non pour réaliser des économies.
Les propositions formulées dans le cadre du chantier sur l’adaptation territoriale mené par Dominique Raimbourg et Philippe Houillon visent effectivement à la mise en place d’un tribunal judiciaire en principe au niveau départemental. Il est cependant clairement indiqué que les départements pour lesquels la situation démographique ou économique le justifierait pourraient comporter plusieurs tribunaux judiciaires.
Cette réforme, je puis vous l’assurer, ne se fera ni au détriment du service rendu au justiciable ni au détriment de la proximité que nous devons assurer. Il me semble plus encore que le succès de cette réforme sera conditionné à un ancrage dans la réalité de nos territoires. C’est le sens des chantiers et c’est aussi celui de mon action.
M. le président. La parole est à M. Christophe Priou.
M. Christophe Priou. Madame la garde des sceaux, j’entends bien vos arguments. Vous aviez annoncé que la réforme de la carte judiciaire était à l’ordre du jour pour l’adapter à une nouvelle organisation, que vous évoquée. Nous entrerons néanmoins dans des considérations géographiques.
Malgré vos propos rassurants, de nombreuses professions juridiques me font part de leur inquiétude sur la redéfinition des ressorts des cours d’appel en vue de les mettre en cohérence avec les nouvelles grandes régions. Nous aimerions connaître avec plus de précisions géographiques ce projet, dans lequel, nous dit-on, la cour d’appel de Rennes deviendrait celle du Grand-Ouest et les tribunaux de Loire-Atlantique passeraient sous la juridiction de la cour d’appel d’Angers. À Rennes, du fait du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, on craint la partition judiciaire liée à ce nouveau découpage.
Il est utile de rappeler que les Bretons se sont fortement opposés en 2007 à la partition judiciaire de leur territoire. À l’époque, le Gouvernement avait finalement conscience de cette réalité et avait dû renoncer à transférer les juridictions de Loire-Atlantique sous la juridiction de la cour d’appel d’Angers.
De plus, il est largement admis que la cour d’appel de Rennes fonctionne bien, à la grande satisfaction des autorités, des magistrats, des greffiers et des fonctionnaires, ainsi que de l’ensemble des auxiliaires de justice. Nous attendons que la raison l’emporte, avec nos anciens collègues Dominique Raimbourg et Philippe Houillon.
Je terminerai en rappelant, madame la garde des sceaux, puisque vous êtes membre du Gouvernement, que la région Pays-de-la-Loire, qui touche le Grand-Ouest avec la Bretagne, a été fortement pénalisée, traumatisée par l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Nous espérons que notre voix sera entendue s’agissant de ce que l’on appelle déjà les « compensations », notamment dans le domaine de la justice.
protection de l’enfance et contrats locaux de sécurité
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, auteur de la question n° 0167, transmise à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de renforcer les mesures d’alerte et de prévention en faveur de la protection de l’enfance, de façon concrète et sur l’ensemble du territoire national.
Ainsi, dans son dernier rapport, rendu public lors de la journée internationale des droits de l’enfant, et intitulé Droit de l’enfant en 2017, le Défenseur des droits pointait l’existence, dans notre pays, d’un « déséquilibre entre les droits consacrés par les textes législatifs et réglementaires ou les plans d’action nationaux, et les droits réalisés de manière effective pour tout un chacun ».
Ce déséquilibre est avéré et persistant dans notre pays et, plus encore, dans nos territoires ultramarins, qui s’illustrent malheureusement comme les départements les plus touchés par les violences faites aux enfants.
Or les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD, les groupes locaux de prévention, les GLP, ou encore, au niveau intercommunal, les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CISPD, peuvent être des outils efficaces pour permettre aux acteurs locaux de se saisir de manière obligatoire et volontariste de cette problématique, résorbant de fait ce déséquilibre entre les droits théoriques et les droits réels.
En effet, ces dispositifs locaux de sécurité existants sont des lieux de partage et d’échange d’informations entre les responsables publics et privés pour définir de façon partenariale des plans d’action pertinents, concrets et opérationnels sur chaque territoire.
Dans ce cadre, inscrire de manière obligatoire la déclinaison d’actions en faveur de la protection des mineurs au sein des CLSPD, des GLP et des CISPD nationaux favoriserait, de fait, l’effectivité des mesures nationales en faveur de la protection de l’enfance.
Ces conseils locaux de sécurité constitueraient dès lors le cadre de concertation sur les priorités de la lutte contre l’insécurité, la prévention de la délinquance et la protection des mineurs dans toutes les communes.
Ainsi, il s’agirait simplement, en fonction de la réalité de chaque territoire, pour les partenaires concernés, de proposer obligatoirement, au sein de ces structures, des actions concrètes et spécifiques en prévention de toutes les formes de violences auxquelles peuvent être confrontés les enfants et les mineurs vulnérables – les violences sexuelles, les violences intrafamiliales, les suicides, la cybercriminalité, la radicalisation.
C’est donc en ce sens que je vous interroge, madame la garde des sceaux, sur l’extension des compétences obligatoires des conseils locaux de sécurité et de prévention en la matière.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Victoire Jasmin, la protection de l’enfance est une compétence des conseils départementaux. Ceux-ci disposent d’ores et déjà d’instances de nature à répondre aux besoins de protection, évidemment, et de concertation entre les institutions.
Au titre du suivi des situations individuelles, les cellules départementales de recueil des informations préoccupantes visent à ce que les signaux faibles repérés par des acteurs divers, voire par des particuliers, soient recoupés afin qu’aucun enfant en situation de danger ne passe entre les mailles du filet de la protection.
Au titre de la concertation entre les institutions pour parfaire le dispositif de prévention et de protection, les observatoires départementaux de la protection de l’enfance, placés auprès des conseils départementaux et très largement ouverts – police, gendarmerie, magistrats, santé, handicap, avocats, etc. – sont chargés notamment d’analyser les informations préoccupantes, d’évaluer les besoins de prise en charge et de définir les axes de formation des professionnels.
Les instances partenariales locales sont des lieux de dialogues et d’échanges fructueux entre l’autorité judiciaire et les élus sur les problématiques locales de délinquance.
Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, ou CLSPD, présidé par le maire, constitue le cadre de concertation sur les priorités de la lutte contre l’insécurité et de la prévention de la délinquance dans la commune. Les problématiques liées à la délinquance des mineurs y sont traitées. Il existe aussi des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, ainsi que les groupes locaux de traitement de la délinquance, les GLTD. Ceux-ci sont présidés par le procureur de la République qui décide, au regard des enjeux et des besoins constatés, de leur création sur le ressort du tribunal de grande instance. Les GLTD thématiques « mineurs » sont aujourd’hui développés dans une très grande majorité de ressorts.
Sources d’informations utiles pour la définition d’actions de prévention, ces instances partenariales locales favorisent effectivement l’échange d’informations sur des situations individuelles, personnelles ou familiales de mineurs et permettent au procureur de la République de s’assurer que ces mineurs font l’objet d’une prise en charge pénale et éducative appropriée. Ces comités poursuivent toutefois prioritairement un objectif de prévention de la délinquance.
L’instauration d’échanges sur la protection de l’enfance dans une instance dédiée à la prévention de la délinquance porte en germe le risque d’apporter de la confusion, alors qu’existe un dispositif très élaboré et très ouvert placé sous la responsabilité du président du conseil départemental et que la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant est encore venue renforcer en instaurant la pluridisciplinarité des évaluations.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Je formule cette proposition parce qu’il y a un constat de carence. La situation des mineurs, des jeunes qui sont confrontés aujourd’hui à différentes formes de violence, la radicalisation notamment, devrait être prise en compte.
barreau ferroviaire roissy-picardie
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 0158, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Édouard Courtial. Monsieur le secrétaire d’État, ma première question orale au Gouvernement dans cet hémicycle, je veux la consacrer à un projet qui me tient particulièrement à cœur, un projet essentiel et structurant pour notre territoire, un projet de barreau ferroviaire de sept kilomètres entre Roissy et la gare de Creil.
Sept kilomètres pour nous relier, habitants comme acteurs économiques, à un des bassins d’emplois et d’activités les plus dynamiques d’Europe et permettant, en retour, d’accroître l’attractivité de notre territoire.
Sept kilomètres pour nous relier à un aéroport international, une gare TGV, pour réduire le temps de trajets de près de 4 000 Oisiens et permettre ainsi d’améliorer la connectivité de notre territoire et participer à son désenclavement.
Sept kilomètres pour nous faire basculer dans une stratégie globale d’avenir, respectueuse de l’environnement, d’une part, puisqu’elle encourage des modes de transports alternatifs à la voiture et à une autoroute A1 déjà saturée, d’autre part, parce qu’elle prend en compte le nécessaire développement de l’intermodalité du hub que constitue Roissy–Charles-de-Gaulle avec le canal Seine-Nord, un autre projet auquel je suis évidemment attaché.
Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, ces sept kilomètres ne sont pas anecdotiques pour l’Oise et ses habitants. C’est pourquoi ils font l’objet d’un consensus au-delà des clivages partisans, de la part des parlementaires de l’Oise, ici comme à l’Assemblée nationale, mais aussi et surtout de la part des élus locaux qui se mobilisent en faveur de sa réalisation.
Comme président du conseil départemental, j’avais d’ailleurs engagé le département de l’Oise et fédéré les intercommunalités directement concernées pour boucler le budget du projet en mars 2017.
Ainsi, je ne peux vous cacher les inquiétudes qui avaient suivi l’annonce de votre ministre de tutelle, en juillet 2017, du report sine die du barreau ferroviaire, mais qui ont laissé place à un vent d’optimisme à la suite de la publication, il y a quelques jours, du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, considérant ce projet comme prioritaire.
Si cette annonce va indéniablement dans le bon sens, il appartient encore au Gouvernement de s’engager publiquement et fermement pour faire de ce projet une réalité. Monsieur le secrétaire d’État, ma question est toute simple : allez-vous suivre les recommandations du Conseil d’orientation des infrastructures sur ce sujet ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le ministre Édouard Courtial, je me réjouis de répondre à votre première question orale dans cet hémicycle. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre d’État, Nicolas Hulot, et de la ministre chargée des transports, Élisabeth Borne, mais sachez que le Gouvernement a pleinement conscience de l’importance économique et environnementale du projet Roissy-Picardie.
Effectivement, la réalisation de ce barreau ferroviaire de sept kilomètres entre le contournement LGV de l’Île-de-France, au nord de l’aéroport de Roissy, et la ligne classique Paris-Creil-Amiens représente une double opportunité : celle d’une mise en lien de deux bassins d’activités importants et celle d’un report modal dans les trajets domicile-travail.
Ainsi, les études postérieures à l’enquête d’utilité publique et les premières acquisitions foncières du projet ont été inscrites dans les deux contrats de plan État-région, ou CPER, Hauts-de-France et Île-de-France sur la période 2015–2020.
Une première phase du projet, évaluée à 282 millions d’euros, a été définie et a fait l’objet d’un protocole relatif au financement des travaux, signé le 3 mai 2017. Il avait alors été envisagé un lancement de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique pour le début de l’année 2018.
Cette opération a été concernée, au même titre que les autres grands projets d’infrastructures de transport, par la démarche organisée par le Gouvernement. Les Assises de la mobilité, qui viennent de s’achever, ainsi que les travaux du Conseil d’orientation des infrastructures doivent permettre une réévaluation, notamment dans une optique d’optimisation du réseau existant, puis une priorisation de l’ensemble des projets du champ de la mobilité.
Le rapport de ce comité, remis il y a quelques jours, met en avant effectivement le caractère prioritaire de ce projet.
Pour rappel, ce travail débouchera sur le projet de loi d’orientation des mobilités, qui sera présenté au Parlement au deuxième trimestre 2018.
Il ne s’agit pas de pénaliser tel ou tel projet, je tiens à le redire dans cet hémicycle, mais de construire une trajectoire pluriannuelle de financement des infrastructures de transport équilibrée entre les ressources et les besoins, réaliste et sincère.
Ces travaux, dont l’objectif est de parvenir à des améliorations rapides du système de transports, permettront de tracer, monsieur le sénateur, monsieur le ministre, les perspectives du projet Roissy-Picardie, et en particulier le lancement de son enquête publique dans les meilleurs délais.
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial.
M. Édouard Courtial. Monsieur le secrétaire d’État, je me réjouis à mon tour que ce soit vous qui ayez répondu à ma première question orale, d’abord parce que nous nous connaissons depuis longtemps, mais surtout parce que, sur le fond, votre réponse est très encourageante.
Néanmoins, vous l’imaginez, nous restons très vigilants et souhaitons que le Gouvernement grave au plus vite dans le marbre cette réponse, sans doute en l’inscrivant dans la loi d’orientation qui sera présentée au deuxième trimestre. Pardonnez-moi d’être insistant, monsieur le secrétaire d’État, mais ces sept kilomètres, comme le dirait une chanteuse française hélas récemment disparue, c’est peut-être un détail pour vous, mais pour nous, ça veut dire beaucoup ! (Sourires.)
desserte de digne-les-bains par la nationale 85
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 0178, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 1er juillet 2017, lors de l’inauguration de la ligne Paris-Rennes, le Président de la République affirmait : « Le combat que je souhaite engager pour les années à venir, ce sont les transports du quotidien ».
Le 15 décembre, Mme la ministre chargée des transports complétait ces propos en rappelant qu’« il y a les zones rurales qui sont souvent dépourvues d’offres et pour lesquelles l’enjeu reste dans de trop nombreux cas de sortir de l’enclavement ».
Fort de ces deux priorités énoncées en matière de transports, le désenclavement et les transports du quotidien, je souhaite défendre devant vous la nécessité d’une desserte pleine et entière de Digne-les-Bains, préfecture des Alpes-de-Haute-Provence, par la RN85.
Engagé depuis bientôt quatre ans, ce projet d’aménagement majeur s’inscrit pleinement dans la feuille de route que le chef de l’État et le Gouvernement se sont donnée. Il s’agit d’améliorer des conditions de circulation quotidienne tout en favorisant l’attractivité économique et touristique du territoire. Je souhaite rappeler que le chef-lieu du département n’est pas desservi par les transports ferroviaires et que le seul moyen de communication est la route.
À ce titre, la desserte prévue de la ville de Digne-les-Bains constitue bien un enjeu déterminant pour le département, car, comme l’indique très justement Mme la ministre, « quand vous êtes dans une ville moyenne mal desservie, je ne vois pas quelle entreprise va venir, il y a même des entreprises qui ont du mal à s’y maintenir ».
La réalisation de cette desserte permettra en particulier d’améliorer les conditions d’accès aux infrastructures régionales et nationales, telles que le TGV et l’aéroport de Marseille-Provence.
Au titre du contrat de plan État-région pour 2015–2020, et plus spécifiquement pour la RN85 entre Malijai et Digne-les-Bains, le principe de cette desserte a été validé pour un montant de 30 millions d’euros.
Or, dans la même période, le budget prévisionnel de la totalité du projet est passé de 30 millions à 47,3 millions d’euros, sans évolution du plan de financement. Lors de sa présentation en comité de pilotage, le 1er décembre 2017, le plan initial a été fortement réduit, seules les sections Malijai–Aiglun étant financées, laissant les sections Aiglun–Digne-les-Bains sans financement.
Mme la ministre chargée des transports, lors de la clôture des Assises de la mobilité, avait justement parlé de « la réalité d’une partie de nos territoires qui se sentent déclassés, à qui on n’a pas apporté de réponses et qui voient partir entreprises et emplois ».
Ma question est simple : le Gouvernement a-t-il l’intention de soutenir la poursuite des travaux engagés dans la totalité des sections initialement prévues, en prévoyant les financements supplémentaires nécessaires et en accélérant les procédures administratives ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, permettez-moi d’excuser l’absence du ministre d’État et de la ministre chargée des transports.
La modernisation de la desserte de Digne-les-Bains a été inscrite à l’actuel contrat de plan État-région Provence-Alpes-Côte d’azur, en cohérence avec les recommandations de la commission « Mobilité 21 », qui avait souligné la nécessité d’une modernisation de cet axe, dont le rôle en matière de désenclavement est incontestable.
L’aménagement de cet axe a été scindé en deux tronçons : entre l’A51 et Malijai, les études d’opportunité sont en cours pour définir le meilleur parti d’aménagement ; entre Malijai et Digne-les-Bains, 30 millions d’euros, dont 12 millions d’euros apportés par l’État, ont été inscrits au CPER pour permettre de réaliser une première phase de travaux.
Sur cette section, les études, menées par les services de l’État, en concertation avec les élus locaux et le grand public, ont permis d’aboutir à un parti d’aménagement optimisé, comprenant des créneaux de dépassement, des sécurisations de carrefours et la requalification de la traverse de Mallemoisson.
L’ensemble de ces aménagements est estimé à 47,3 millions d’euros. Ce parti d’aménagement permettra d’apporter, dans des délais raisonnables, une réelle amélioration aux usagers de cet axe en termes de sécurité routière et de fiabilisation des temps de parcours.
En 2018, le projet va entrer dans une phase décisive, monsieur le sénateur, avec l’enquête publique prévue au premier trimestre, puis l’obtention de la déclaration d’utilité publique, qui devrait intervenir avant la fin de l’année.
Compte tenu des contraintes d’exploitation sous chantier, l’ensemble des travaux sera réalisé en plusieurs phases dans le temps afin de minimiser la gêne pour les usagers. Ainsi, une priorisation des différents aménagements prévus a été effectuée, permettant d’orienter les premiers travaux vers les sections où le gain de sécurité sera le plus important.
Par ailleurs, les travaux de requalification de la traverse de Mallemoisson vont pouvoir être engagés à la fin de l’année 2018, grâce à la programmation de 1,6 million d’euros, témoignant de la volonté de l’État d’aménager rapidement cet axe, malgré une programmation budgétaire annuelle, comme vous le savez, extrêmement contrainte.
Comme vous l’évoquez, la ministre Élisabeth Borne a annoncé, lors de la clôture des Assises de la mobilité, le 13 décembre dernier, un plan de désenclavement routier afin de favoriser la mobilité du quotidien.
Je peux donc vous confirmer, monsieur le sénateur, que la desserte de Digne-les-Bains par la RN85 trouvera naturellement sa place dans ce futur programme en faveur du désenclavement.
Dans le cadre de l’actuel CPER, le Gouvernement veillera à la priorisation des crédits en faveur de la RN85 dans les prochaines programmations annuelles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de ces réponses. J’insiste sur le caractère essentiel, pour notre département, de cette desserte. Les créneaux de dépassement sont maintenant validés, mais il était question, au début, d’une 2x2 voies, voire d’une desserte par l’autoroute. Les coûts ont été minimisés, c’est pourquoi nous tenons à ce que ce projet nécessaire au développement économique du département et à la sécurité des usagers soit mis en œuvre rapidement.
nuisances provoquées par la ligne à grande vitesse bretagne-pays-de-la-loire
M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, auteur de la question n° 0186, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation des riverains de la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays-de-la-Loire, mise en service au début du mois de juillet 2017, sujet récemment évoqué à l’Assemblée nationale par la députée Marietta Karamanli.
Dans la Sarthe, près de vingt-quatre communes sont impactées par les nuisances sonores provoquées par le passage des trains. Face au bruit, des collectifs de riverains se sont créés en Sarthe, en Mayenne et en Ille-et-Vilaine qui ont interpellé les élus locaux et les préfets. Le conseil départemental de la Sarthe a, par exemple, formé le vœu unanime, le 15 décembre dernier, que cette problématique soit traitée d’urgence par l’État et la SNCF.
Cette nouvelle pollution a des conséquences désastreuses non seulement sur le cadre de vie des riverains, mais aussi sur la valeur des biens immobiliers, qui pourrait être dépréciée, selon les cas, jusqu’à 40 %.
Dans un document émis en 2013 par la direction régionale de Réseau ferré de France, il était bien précisé que la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays-de-la-Loire respecterait les seuils acoustiques de 55 et 60 décibels définis par la réglementation. Or ces seuils semblent clairement être dépassés et atteignent parfois 90 décibels lors du passage des trains. Les dispositifs de protection sont nettement insuffisants au regard des nuisances ressenties par les habitants.
En septembre dernier, le maître d’ouvrage s’est engagé à procéder à un relevé de mesures phoniques. Toutefois, la crainte des habitants quant aux résultats de cette étude est grande. En effet, selon la réglementation en vigueur, ces expertises font état de moyennes et ne tiennent pas compte des pics sonores subis lors du passage des trains, ce qui ne traduit pas du tout la réalité vécue par les habitants, plus particulièrement la nuit, vous le comprendrez. Il est aujourd’hui plus que nécessaire de repenser la méthodologie des recueils sonores régie par l’arrêté du 8 novembre 1999 relatif au bruit des infrastructures ferroviaires.
Par ailleurs, l’abandon du projet de construction de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes risque également de provoquer une intensification du trafic ferroviaire et de renforcer les nuisances pour les riverains.
Les riverains exaspérés sont dans l’attente de réponses précises des différents acteurs et espèrent un soutien sans faille de la part de l’État. Le ministre de la transition écologique et solidaire avait eu des propos rassurants lors d’un déplacement dans la Sarthe, le 8 janvier dernier.
Je souhaite donc savoir, monsieur le secrétaire d’État, au regard des éléments nouveaux dont dispose le Gouvernement, quelles mesures techniques seront retenues afin notamment de réduire les nuisances insupportables liées au bruit et aux vibrations, et si des compensations financières peuvent être envisagées.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Nadine Grelet-Certenais, la mise en service de cette ligne a permis une amélioration très importante de la desserte ferroviaire du Grand-Ouest. Cependant, comme vous le rappelez, c’est aussi un sujet de préoccupation majeur pour les riverains de la ligne nouvelle. Le Gouvernement a pleinement conscience de ce problème, qui a déjà été soulevé à l’Assemblée nationale et sur le terrain. Nous avons d’ailleurs été saisis directement par des associations d’élus et des parlementaires.
Les impacts sonores des nouvelles infrastructures de transport sont strictement encadrés par la réglementation. Je peux, à ce sujet, vous confirmer que le partenaire privé Eiffage Rail Express devra scrupuleusement respecter les niveaux maximaux autorisés.
Dans ce domaine, le gestionnaire d’infrastructure a une obligation de résultat. Une vaste campagne de mesures acoustiques sur site, pilotée actuellement par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, est en cours pour s’assurer du respect de ces normes : les résultats sont attendus courant avril, madame la sénatrice. Si des manquements devaient être relevés, le partenaire privé devra mettre en place, sans délai et à ses frais, les mesures correctrices qui s’imposent.
La ministre Élisabeth Borne a demandé aux services de l’État d’être très attentifs au bon respect de ces dispositions.
Vous appelez également notre attention sur la pertinence de la réglementation actuelle, et vous avez raison. Dans le domaine ferroviaire, elle se fonde effectivement sur la mesure du bruit moyen. Il faudra sans doute aussi compléter les mesures en cours par une vérification des pics sonores enregistrés.
L’objectif du Gouvernement est de répondre rapidement au ressenti des populations et des élus locaux. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a demandé aux préfets concernés d’organiser des comités de suivi, qui associent la population, pour veiller au respect de la réglementation par le partenaire Eiffage Rail Express.
Il conviendra alors d’examiner avec toutes les parties prenantes les réponses qui peuvent être apportées.
Le Gouvernement est notamment favorable à ce que le fonds de solidarité territoriale puisse être mobilisé pour toute action visant à améliorer l’insertion environnementale de la nouvelle infrastructure, en dehors de son emprise et au-delà des obligations réglementaires qui s’imposent.
Sur la base de l’ensemble des résultats de ces différentes mesures, la ministre Élisabeth Borne réunira les collectivités territoriales concernées, en liaison, naturellement, avec les parlementaires, pour prescrire éventuellement des travaux complémentaires.
M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Monsieur le secrétaire d’État, il semblerait que, d’ores et déjà, comme on s’en doutait, les mesures qui ont été prises respecteraient la réglementation en cours, non adaptée, effectivement, aux pics sonores. C’est cela qui est problématique. Je le répète, les riverains attendent beaucoup de toutes ces mesures techniques, qui pourront contribuer à atténuer les énormes contraintes qu’ils subissent.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État. Et à les rassurer !
situation de l’autoroute a10 en île-de-france
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 0168, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le secrétaire d’État, ma question concerne la situation particulière de l’autoroute A10, en région Île-de-France.
Située en grande couronne du sud francilien, cette portion revêt un caractère urbain et périurbain ; elle est structurante pour les trajets entre le domicile et le travail, dans un secteur géographique où les transports en commun font défaut.
Sur toutes les autoroutes d’Île-de-France, les péages sont situés à environ 50 kilomètres de Paris ou en sortie de la région parisienne. Le péage de Dourdan, pour ne prendre que cet exemple, n’est, lui, qu’à 23 kilomètres de Paris.
Aussi, des milliers d’habitants de ce territoire subissent une véritable discrimination, tant cette autoroute est la voie principale pour se déplacer. On peut même aujourd’hui parler d’un véritable racket ! Et les tarifs viennent encore d’augmenter.
En ouvrant les Assises de la mobilité, le Président de la République, le Premier ministre et les ministres concernés ont indiqué à l’unisson que leur priorité était d’améliorer rapidement les transports du quotidien, particulièrement pour les territoires ruraux et périurbains délaissés, voire méprisés depuis trop longtemps par les pouvoirs publics.
La réalité est très éloignée des discours. Les hausses des péages ne se justifient pas. En dix ans, le ratio de profitabilité des concessions autoroutières est passé de 17,7 % à 29,2 %. Pour éviter de payer ce péage, de nombreux automobilistes font le choix de se reporter sur les routes secondaires.
Au total, le péage coûte, de manière directe, 10 millions d’euros par an aux usagers franciliens ; autant, de manière indirecte, aux collectivités locales, qui tentent de faire face comme elles le peuvent au trafic d’évitement sur le réseau secondaire.
Pour améliorer les transports du quotidien, il est urgent de changer de modèle. La gratuité des trajets domicile-travail ou, à tout le moins, la mise à disposition d’une carte d’abonnement à tarif réduit est ou serait, à nos yeux, une question de justice sociale.
Quelles démarches le Gouvernement entend-il entreprendre, monsieur le secrétaire d’État, pour faire enfin cesser ce véritable scandale ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Jean-Raymond Hugonet, permettez-moi, une fois encore, de porter la parole d’Élisabeth Borne et de vous répondre en son nom.
Premier point : après la publication du rapport de la Cour des comptes de 2013 sur les autoroutes concédées et des recommandations de l’Autorité de la concurrence de septembre 2014, un groupe de travail constitué de parlementaires avait été mandaté pour examiner la situation des concessions et proposer des solutions.
À l’issue du rapport rendu par ce groupe de travail en février 2015, le Gouvernement a préféré opter pour un renforcement de la régulation des concessions existantes, en rééquilibrant les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires, au profit des usagers de l’autoroute. En particulier, les contrats historiques ont été modifiés pour insérer deux clauses de limitation de la rentabilité des sociétés concessionnaires d’autoroutes : la première contraint l’évolution des péages et prévoit même leur diminution si le chiffre d’affaires annuel du concessionnaire dépasse certains seuils ; et la seconde prévoit une anticipation de la fin de la concession, si le chiffre d’affaires cumulé depuis la privatisation de 2006 dépasse, lui aussi, un montant fixé au contrat. Des indicateurs de performance des sociétés ont également été contractualisés.
En outre, les missions de l’ARAFER, l’Autorité de régulation – indépendante, comme vous le savez – des activités ferroviaires et routières, ont été élargies aux autoroutes dans le cadre de la loi dite Macron d’août 2015. L’ARAFER dispose désormais d’un pouvoir de contrôle et de sanction de l’activité des concessionnaires et veille à l’intérêt des usagers. Elle est ainsi chargée de donner un avis sur tout avenant aux contrats de concessions ayant un effet sur les tarifs et de mieux contrôler la passation des marchés par les sociétés concessionnaires.
Second point : les demandes de gratuité de la section francilienne de l’A10, concédée à la société Cofiroute, sont récurrentes et connues de notre ministère, qui est très attentif à la situation des usagers empruntant quotidiennement ce tronçon.
Les liens contractuels entre l’État et la société Cofiroute prévoient aujourd’hui l’application d’un péage sur les tronçons Ablis (A11)–La Folie-Bessin et Allainville (A10)–La Folie-Bessin, afin d’amortir l’investissement initial et de financer l’exploitation.
Il conviendrait de procéder au rachat du péage pour l’intégralité des trajets réalisés sur cette section, et ce jusqu’à la fin du contrat de concession de Cofiroute. Cela représenterait un montant estimé à plusieurs centaines de millions d’euros, financés par les contribuables, ce qui paraît disproportionné à ce stade.
Dans ce contexte, des efforts importants ont été consentis par l’État comme par le concessionnaire pour améliorer les conditions d’utilisation, y compris financières, de l’autoroute A10.
Des formules d’abonnement préférentielles à destination des usagers réguliers empruntant le diffuseur de Dourdan ont ainsi été mises en place et des tarifs préférentiels destinés à favoriser le covoiturage ont été proposés, en accompagnement des aires de covoiturage réalisées à Ablis, Allainville et Dourdan.
Le réaménagement du site de comodalité de l’échangeur de Dourdan-Longvilliers est également prévu, avec notamment la création de 100 places de stationnement supplémentaires et la réalisation d’une gare routière.
Enfin, l’État a aussi œuvré à l’amélioration de l’offre de transport collectif sur l’autoroute A10, en mettant en œuvre la voie réservée aux lignes régulières de bus circulant entre Les Ulis et Massy.
M. le président. Merci, monsieur le secrétaire d’État, malgré le dépassement du temps !
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de vous livrer à cet exercice. À l’aune de ce que vous nous dites ce matin, nous n’avons certainement pas la même notion du rééquilibrage.
Un groupe de travail réuni en 2015 aurait fortement besoin de se réunir de nouveau aujourd’hui. En effet, si Cofiroute nous annonce toujours de façon larmoyante de grandes difficultés, notamment sur le plan financier, je vous engage à venir visiter ce péage pour constater, je le redis ici solennellement et devant le président et des membres du bureau de l’association présents en tribune, le véritable scandale auquel sont soumis les riverains de cette autoroute, avec un péage qui est le plus inique de la région parisienne, et ce à 23 kilomètres de la capitale !
part d’énergie nucléaire dans le mix énergétique à l’horizon 2025
M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, auteur de la question n° 0149, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Nelly Tocqueville. Monsieur le secrétaire d’État, la loi de transition énergétique, votée en 2015, prévoit que notre pays réduise la part de production d’énergie nucléaire. Cette loi, portée par Ségolène Royal, suivie de l’accord historique de la COP21, avait pour objectif de faire entrer pleinement la France dans la voie de la transition énergétique.
Or, le 7 novembre 2017, le Gouvernement a annoncé son renoncement à atteindre la part de 50 % d’énergie nucléaire dans le mix énergétique français à l’horizon 2025. La principale conséquence de ce revirement l’oblige à s’appuyer fortement sur les centrales à charbon, productrices de millions de tonnes de CO2, pour atteindre cet objectif.
Monsieur le secrétaire d’État, cela inquiète quant à notre volonté réelle et profonde de changer de modèle énergétique. Cela soulève aussi des interrogations quant à la nécessité de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires existantes au-delà de quarante années. Notre pays est doté de cinquante-huit réacteurs et le département de la Seine-Maritime, dont je suis élue, possède deux centrales, qui passeront la barre des quarante ans avant la date d’atteinte des objectifs.
Il est nécessaire de répondre aux inquiétudes légitimes des élus et habitants des territoires concernés. Le changement annoncé impose rapidement de disposer d’un calendrier et de connaître la liste des sites qui seront concernés par des fermetures, dont on sait qu’elles sont estimées au nombre de dix-huit réacteurs sur les cinquante-huit en exploitation à ce jour. L’année 2018 semble être celle qui a été choisie par le Gouvernement pour faire ses arbitrages. Il est essentiel de les connaître vite pour préparer les territoires au changement.
À ce sujet, l’Autorité de sûreté nucléaire devait rendre un rapport courant 2018 permettant d’éclairer les choix du Gouvernement en la matière. Il semblerait que la remise de ce rapport sur la prolongation de la durée de vie des centrales, au-delà de celle qui a été prévue lors de leur construction, n’interviendrait au mieux qu’en 2019, voire en 2021. Cela signifie que la décision gouvernementale sera arrêtée en l’absence de la vision du gendarme de l’atome, ce qui serait dommage.
Aujourd’hui, il est d’ores et déjà important de connaître les mesures qui seront prises pour assurer l’exploitation des réacteurs existants en toute sécurité. Divers incidents ont été recensés dans plusieurs centrales. EDF, avec la reprise d’AREVA et les projets comme Hinkley Point, risque de se retrouver en situation financière tendue. Il ne faudrait pas que cela se fasse au détriment des investissements et des moyens pour assurer une production en toute sécurité.
Par ailleurs, quand bien même les objectifs de réduction de baisse du nucléaire seraient reportés, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour accélérer le développement des énergies renouvelables et ainsi montrer son volontarisme pour parvenir à cet objectif ?
Nous sommes donc dans l’attente de réponses claires, monsieur le secrétaire d’État, nous permettant de connaître la trajectoire de la France en la matière.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Nelly Tocqueville, nous voilà revenus dans le cadre de mon périmètre ministériel, donc je peux m’exprimer devant vous sans notes et vous dire qu’en deux minutes trente il est évidemment quasiment impossible de résumer la politique énergétique de la France. J’évoquerai donc succinctement ses grands principes.
Premier principe : la stratégie énergétique repose avant tout sur un combat pour le climat. Par définition, la décarbonation de la production de l’électricité est un enjeu absolument majeur, ce qui emporte donc – je commencerai par là pour vous répondre puisque votre département est concerné – la fermeture de quatre centrales à charbon, dont une au Havre.
Deuxième principe : pour réduire la part du charbon, ainsi que celle du nucléaire, il faut libérer les énergies renouvelables. Vous l’avez évoqué à la fin de votre question mais j’y réponds dès à présent car il n’y a pas de programmation pluriannuelle de l’énergie – PPE – fiable et sincère, je l’ai dit la semaine dernière publiquement, s’il n’y a pas une véritable libération des énergies renouvelables. Là aussi, votre département est concerné, notamment par des projets d’éolien en mer, avec en plus des filières économiques à défendre et des filières industrielles à protéger. C’est un enjeu important et un certain nombre d’annonces ont été faites sur l’éolien.
Par ailleurs, un groupe de travail est en cours de réflexion pour agir sur les moyens de libérer la méthanisation, élément extraordinairement important pour diversifier les revenus, notamment ceux des agriculteurs. Un travail similaire sera effectué sur le photovoltaïque, sachant que nous avons déjà annoncé un doublement des appels d’offres en la matière. Il s’agit donc d’un volet essentiel.
Troisième principe, enfin : traiter la question de la part de l’atome dans le mix électrique. À cet égard, nous maintenons un objectif à 50 %, sauf que l’horizon 2025, tel qu’il était fixé dans la loi de transition énergétique, n’était pas un horizon fiable et sincère, pour des raisons industrielles, pour des raisons économiques, pour des raisons liées aussi à la sécurité de l’approvisionnement en électricité, notamment telle que RTE l’a décrite dans ses fameux cinq scénarios voilà maintenant quelques semaines.
Cela me permet de vous rappeler que la sécurité de l’approvisionnement en électricité est, bien sûr, l’un des ingrédients majeurs de la PPE telle que nous souhaitons la définir. Cela se fera avec RTE. La sûreté des installations nucléaires fait également pleinement partie de la réflexion dans le cadre de la PPE. D’ailleurs, ce n’est pas au Gouvernement de dire ce qui est sûr ou pas sûr, c’est au gendarme nucléaire, l’ASN, ainsi qu’aux équipes de l’IRSN, moins connues du grand public mais qui travaillent beaucoup sur ces questions.
Sécurité d’approvisionnement, combat pour le climat, sûreté des installations, ce sont autant de variables prises en compte dans la rédaction, en cours, de la PPE, qui sera bientôt versée au débat public. Pour la première fois, le Gouvernement a souhaité associer l’Assemblée nationale et le Sénat aux réflexions sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse. Je sais votre engagement dans ce domaine, en particulier sur le territoire normand. Je me permets toutefois de souligner combien il est important d’anticiper la fermeture des centrales, en particulier en s’attachant au gisement d’emplois que représentent les énergies renouvelables. Ces emplois devront, me semble-t-il, être particulièrement ciblés sur les territoires qui seront concernés à moyen et long termes par la fermeture des centrales nucléaires.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État. Et des centrales à charbon !
lutte contre la désertification médicale dans l’aisne
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, en remplacement de Mme Pascale Gruny, auteur de la question n° 0187, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Patricia Morhet-Richaud, en remplacement de Mme Pascale Gruny. L’Aisne est l’un des départements les plus touchés par la désertification médicale. Alors qu’on y comptait encore 632 médecins généralistes en 2010, ils n’étaient plus que 528 en 2017, dont une bonne partie en fin de carrière.
Le Gouvernement a présenté, le 13 octobre 2017, son plan pour lutter contre la désertification médicale. Parmi les mesures proposées, se trouve l’incitation financière à l’installation des médecins dans les zones sous-denses, ou encore un plan pour doubler le nombre de maisons de santé dans les cinq années à venir.
D’autres pistes mériteraient d’être étudiées, notamment en agissant en amont de la première installation du médecin, c’est-à-dire dès le choix du lieu du stage de six mois que les étudiants en médecine doivent réaliser auprès d’un médecin généraliste. En effet, le lieu du stage effectué par l’étudiant décide à 60 % du lieu d’installation du futur praticien.
Aujourd’hui, une grande majorité des étudiants axonais qui se destinent à la médecine générale vont à la faculté de Reims, plus proche que Lille ou Amiens, c’est-à-dire sur le territoire d’un autre département, d’une autre région, d’une autre agence régionale de santé. Conformément à la réglementation, ils auront l’obligation de réaliser leur stage d’internat dans le périmètre de leur université. Sans accord pédagogique et sans possibilité de transaction financière entre les agences régionales de santé, ils ne pourront pas faire leur stage dans l’Aisne dont ils sont pourtant originaires.
Il serait donc souhaitable de faire évoluer la réglementation, en permettant à un médecin stagiaire de réaliser son stage d’internat dans son propre département, même s’il fait ses études dans une autre région que la sienne. Face au défi majeur de la désertification médicale, ma collègue Pascale Gruny souhaiterait connaître, monsieur le secrétaire d’État, la position du Gouvernement sur cette proposition.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Patricia Morhet-Richaud, dans la mesure où l’on s’éloigne définitivement de mon périmètre ministériel, je reprends mes notes ! (Sourires.) Vous posez cette question au nom de la sénatrice Pascale Gruny, j’y répondrai au nom de la ministre Agnès Buzyn, que je vous prie de bien vouloir excuser. Néanmoins, les problèmes de désertification médicale me sont connus, en tant qu’élu de l’Eure.
La lutte contre la désertification médicale est l’une des grandes priorités du Gouvernement. Avec le Premier ministre, la ministre de la santé a annoncé en octobre dernier la mise en place, vous l’avez dit, d’un plan pour l’égal accès aux soins dans les territoires, qui s’appuie sur des mesures innovantes et pragmatiques en vue d’aider les professionnels de santé et les collectivités à construire des solutions sur mesure pour chaque territoire.
Ce plan permettra notamment d’accroître le temps médical ; de favoriser la coopération entre professionnels de santé, grâce à un programme d’investissement de 400 millions d’euros ; de généraliser la téléconsultation, la téléexpertise et, plus généralement, la télémédecine ; de consacrer 200 millions d’euros sur cinq ans sous la forme d’aides conventionnelles pour aider à l’installation et à l’exercice ; de créer 500 nouveaux lieux de stages en ville pour les internes et étudiants, soit une augmentation de 50 %.
Concernant l’Aisne, la partie sud du département se trouve en effet éloignée de la faculté de médecine d’Amiens, université de référence pour l’agrément des terrains de stage tant en médecine de ville qu’en établissements de santé.
La ministre Agnès Buzyn a, bien entendu, reçu la demande des élus et des professionnels de voir s’ouvrir la possibilité d’accueillir des étudiants en médecine de la faculté de Reims, plus proche géographiquement. À ce jour, les stages hors subdivision en établissement de santé permettent de répondre à cette attente.
La formation à la maîtrise de stage et la reconnaissance des terrains de stage hors subdivision vont être accentuées et facilitées avec les départements limitrophes.
Une réflexion est en cours pour lever les derniers freins afin non seulement d’accompagner et de financer l’accueil des étudiants en médecine depuis la faculté de Reims dans les cabinets du territoire situé au sud de l’Aisne, mais aussi d’identifier les spécialités à cibler en priorité au sein des établissements de santé.
L’Agence régionale de santé comme le ministère des solidarités et de la santé sont aux côtés des élus, des acteurs et des usagers pour trouver, ensemble, des solutions pérennes et efficaces. Le cabinet de la ministre de la santé est à la disposition de la sénatrice Pascale Gruny pour ce faire.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le secrétaire d’État, je prends bonne note de votre réponse. Ma collègue Pascale Gruny pose une question de bon sens. Je vous rappelle que le département de l’Aisne a l’une des densités médicales les plus faibles de France, et l’écart se creuse un peu plus chaque année : en 2016, pendant que 172 médecins s’installaient dans les Alpes-Maritimes, seuls 24 arrivaient dans l’Aisne. Il n’y a jamais eu autant de médecins en France, mais jamais ils n’ont été aussi mal répartis. D’où l’urgence d’agir.
aide financière de l’état au centre hospitalier universitaire de marseille
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, auteur de la question n° 0155, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le secrétaire d’État, alors que la paralysie financière menace, le Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers vient, le 31 janvier dernier, de déclarer éligible le plan de modernisation présenté par la direction de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, l’AP-HM.
Ce plan portera sur 300 millions d’euros d’investissement, dont une grande partie à la charge de l’État.
Si je me félicite de cette aide, je m’inquiète des contreparties actuellement évoquées. En effet, ce refinancement pourrait être conditionné à d’importantes suppressions de postes, estimées entre 800 et 1 000, qui concerneraient, pour moitié, des personnels soignants.
Pourtant, dans de multiples unités, les personnels se trouvent en tension maximale. Pour mémoire, 223 suppressions d’emplois ont déjà été actées dans le contrat de retour à l’équilibre financier présenté en 2015 par l’AP-HM.
Je souhaite donc interpeller le Gouvernement sur les conséquences et les effets pervers que pourrait engendrer une restructuration trop rapide et trop brutale des effectifs de l’AP-HM.
J’évoquerai notamment l’absentéisme, qui grève le budget et trouve aujourd’hui sa justification, au-delà des « mauvaises habitudes » de certains agents, dans l’épuisement de la plupart des équipes soignantes. Ce phénomène pourrait s’en trouver fortement amplifié.
Je comprends l’importance d’une évolution du modèle de fonctionnement actuel de l’AP-HM, qui a largement montré ses limites. Toutefois, le Gouvernement est-il prêt à envisager une réévaluation progressive, en concertation avec les représentants des personnels et du corps médical, et au gré des étapes de la restructuration qui va s’engager, du niveau des réductions de postes qui vont accompagner ces mutations ?
Il me semble indispensable que les investissements requis pour permettre à l’AP-HM d’accueillir les malades dans des conditions décentes et aux personnels de travailler dans une atmosphère normale interviennent avant que des ajustements d’effectifs ne se fassent.
Sans cela, comme l’ont relevé de nombreux praticiens de l’AP-HM, ce plan de modernisation ne pourra pas être pleinement opérant.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Mireille Jouve, permettez-moi de porter la réponse du Gouvernement et de la ministre de la santé à votre question bien éloignée de mon périmètre ministériel. Mais je vais tenter d’être le plus précis possible.
Le projet de modernisation de l’AP-HM a été déclaré éligible par le Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers, le COPERMO. Cela signifie que les grands objectifs de ce projet et ses principes d’élaboration sont en phase avec ce que nous attendons d’une grande opération d’investissement hospitalier.
Cette éligibilité est une étape importante, vous l’avez dit, mais elle reste une première étape. Il faudra encore obtenir une validation définitive du COPERMO avant de pouvoir lancer le projet et annoncer une aide financière nationale.
La validation définitive implique, notamment, que le projet de modernisation de l’AP-HM passe avec succès l’étape de la contre-expertise indépendante, menée sous l’égide du Secrétariat général pour l’investissement.
La ministre Agnès Buzyn souhaite évidemment un plein succès à ce projet, convaincue qu’il constitue un véritable levier de transformation pour placer l’AP-HM dans une dynamique forte de progrès, au service des patients de Marseille et de tout le département des Bouches-du-Rhône.
C’est une occasion à ne pas manquer. Et c’est pourquoi l’ensemble des professionnels de l’AP-HM doivent se mobiliser, dès à présent, pour satisfaire les recommandations émises par le COPERMO. L’objectif est double : renforcer la cohérence du projet médical de répartition des activités entre les différents sites hospitaliers ; faire contribuer ce projet au redressement financier.
L’exigence que nous avons pour ce projet d’investissement hospitalier majeur tient non pas seulement au soutien financier qu’apportera l’État, mais aussi et surtout à l’ambition partagée de hisser le futur outil de travail de l’AP-HM au meilleur niveau de qualité et de performance.
La ministre Agnès Buzyn a toute confiance dans les capacités des équipes de l’AP-HM à poursuivre la dynamique engagée, en concertation avec les représentants des personnels et du corps médical, pour mener le projet jusqu’à une décision finale favorable et faire la démonstration que le CHU de Marseille est capable de s’engager sur la voie du redressement.
Dans cette perspective, l’appui de tous les partenaires de l’AP-HM sera nécessaire, en particulier celui des collectivités territoriales, qui ont déjà fait part de leur grande attention à ce dossier stratégique pour l’avenir de Marseille, et dont la ministre Agnès Buzyn rencontrera prochainement les représentants.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de ces précisions. Je sais en effet que Mme la ministre est très active sur ce dossier et a organisé une rencontre la semaine prochaine.
conséquences de la perte de la compétence eau-assainissement dans l’aude
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, auteur de la question n° 0179, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Gisèle Jourda. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur les conséquences de la perte de la compétence eau-assainissement pour des communes et des communautés de communes de l’Aude et de son transfert aux intercommunalités.
Application des articles 64 et 66 de la loi NOTRe, ce sujet a fait l’objet d’une proposition de loi de nos collègues Les Républicains, adoptée unanimement par le Sénat le 23 février 2017, voilà presque un an. Renvoyée en commission par nos homologues députés, elle y a connu, disons-le, et de façon positive, une sorte de clonage puisque c’est désormais une proposition de loi de députés La République En Marche, à l’intitulé identique et au contenu quasi similaire, qui a été adoptée par l’Assemblée nationale le 30 janvier dernier.
Examinons, madame la secrétaire d’État, la problématique et les enjeux.
Par la loi NOTRe, la commune perdra obligatoirement, le 1er janvier 2020, la maîtrise de ce bien naturel qu’est l’eau de source qui naît sur son territoire, alimente la population et participe fortement au développement de l’économie locale.
Une telle application de la loi se heurte aux pratiques et coutumes locales. C’est ainsi que la commune de Saint-Just-et-le-Bézu, toute petite commune de l’Aude, perdra cette compétence au profit de la communauté de communes des Pyrénées audoises, tout comme la commune de Gincla, également concernée.
Symétriquement, l’intercommunalité ne dispose pas toujours du personnel qualifié et ne peut se permettre des dépenses nouvelles, dans un contexte de dépenses publiques contraint. Elle risque donc de mettre en fermage ce bien et le coût, plus important, se répercutera sur le budget des collectivités et sur celui des usagers, avec une hausse du prix de l’eau très importante pour certaines petites communes. C’est le cas de la communauté de communes de la Montagne noire, qui se trouverait fragilisée financièrement par l’acquisition de cette compétence et ne pourrait l’exercer dans des conditions cohérentes.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les deux propositions de loi que je viens de vous citer démontrent bien la volonté des parlementaires à trouver un aménagement. Elles donnent en effet la possibilité aux communes de s’opposer au transfert des compétences eau et assainissement avant le 1er juillet 2019, de sorte que ces compétences puissent demeurer de leur ressort.
Le Gouvernement compte-t-il, madame la secrétaire d’État, inscrire très rapidement ce texte à l’ordre du jour de la Haute Assemblée ou alors va-t-il faire en sorte que les dispositions portées par ces deux propositions de loi successives disparaissent dans les affres de la navette parlementaire ? Les élus, surtout les élus ruraux, attendent un engagement fort de sa part. (Mme Patricia Morhet-Richaud ainsi que MM. Daniel Gremillet et Olivier Cigolotti applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Gisèle Jourda, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Jacqueline Gourault, qui n’a pu être présente ce matin.
Vous l’avez dit, la loi NOTRe attribue à titre obligatoire aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération les compétences « eau » et « assainissement ».
Le législateur a souhaité accorder aux collectivités et établissements publics concernés un délai raisonnable, leur permettant d’organiser au mieux l’exercice de ces nouvelles compétences. Ainsi, pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération, les compétences « eau » et « assainissement » demeurent optionnelles jusqu’au 1er janvier 2020.
Toutefois, le Sénat a adopté, le 23 février 2017, comme vous l’avez rappelé, une proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d’agglomération. Le Gouvernement est à l’écoute de cette préoccupation. Le Premier ministre a confié à Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, le soin de conduire un travail de concertation approfondi pour identifier les difficultés liées à la mise en œuvre du transfert obligatoire de ces compétences.
De ce travail a émergé un accord, traduit dans la proposition de loi déposée le 21 décembre 2017 et adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 31 janvier 2018.
Ce texte donne tout d’abord la possibilité aux communes de s’opposer au transfert des compétences « eau » et « assainissement » avant le 1er juillet 2019, si un certain nombre d’entre elles s’expriment en ce sens, de sorte que ces compétences puissent demeurer de leur ressort.
Cette possibilité est ouverte aux communes membres de communautés de communes qui n’exercent pas déjà l’une ou l’autre de ces deux compétences, à titre optionnel ou facultatif. S’il en est fait usage, le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » à la communauté de communes concernée est alors reporté au 1er janvier 2026, sans que les communes puissent de nouveau s’y opposer. En outre, si, après le 1er janvier 2020, une communauté de communes n’exerce pas les compétences relatives à l’eau et à l’assainissement, l’organe délibérant de la communauté de communes peut, à tout moment, se prononcer sur l’exercice de ces compétences par la communauté, mais les communes membres garderont la possibilité de s’y opposer en faisant jouer la minorité de blocage.
Vous formulez le vœu, madame la sénatrice, que ce texte soit rapidement présenté à la Haute Assemblée. Le Gouvernement aura à cœur d’aller en ce sens puisque la concertation visant à dégager une bonne solution a été menée avec une grande efficacité.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. Merci, madame la secrétaire d’État. Nous savons parfaitement dans cet hémicycle que Mme Gourault est très sensible à cette problématique, mais nous serons extrêmement vigilants sur le dispositif que vous nous avez présenté, car il suscite des interrogations. Nous en discuterons lors de l’examen du texte.
Nous aurons à cœur de défendre le texte tel qu’il résultait des travaux du Sénat, car il prévoyait des aménagements. Nous ne pouvons pas reculer. Les petites communes doivent pouvoir garder la maîtrise de la gestion de leur eau lorsqu’elles le souhaitent, des communautés de communes ou d’agglomération ne disposant pas des moyens leur permettant d’exercer la compétence.
engorgement des services de l’état civil des communes sièges d’un tribunal d’instance
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, auteur de la question n° 0160, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Daniel Gremillet. Depuis le 2 novembre 2017, les officiers d’état civil des communes sièges d’un tribunal d’instance assurent la gestion obligatoire des pactes civils de solidarité, ou PACS, conclus par les habitants des communes du ressort du tribunal. Il s’agit notamment pour ces communes d’enregistrer les modifications et les dissolutions des PACS dont la conclusion a fait l’objet d’un enregistrement par les tribunaux d’instance avant le 1er novembre 2017.
À titre d’exemple, la commune d’Épinal, chef-lieu du département des Vosges, enregistre environ 345 dissolutions par an et 120 à 180 nouvelles déclarations de PACS. Cette nouvelle charge, qui, selon la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, est incluse dans la dotation globale de fonctionnement « pour le service rendu aux résidents de la commune », ne peut donner lieu a priori à une compensation financière.
Cependant, il se trouve qu’une partie des dossiers concerne des habitants d’autres communes dès lors qu’elles se situent dans le ressort du tribunal de grande instance. En conséquence, il me semble que le Gouvernement devrait pouvoir envisager la mise en place non d’une compensation financière, mais d’une indemnisation spécifique. À titre d’exemple, à Épinal, le coût du transfert de la gestion des PACS s’est élevé la première année à 65 329 euros.
Par ailleurs, depuis le 1er mars 2017, en application du plan Préfectures nouvelle génération et du décret autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d’identité, l’instruction des demandes de cartes nationales d’identité peut uniquement se faire au sein des mairies disposant de dispositifs de recueil des données biométriques actuellement utilisés pour les demandes de passeport.
En conséquence, les communes dotées du dispositif doivent gérer un flux de demandes important. En 2017, 3 150 cartes nationales d’identité et 2 600 passeports ont été délivrés à Épinal, pour un montant global de 101 119 euros. Selon les projections de la commune, avec 35 000 euros de compensation, le reste à charge de la commune serait de 66 119 euros. Cette nouvelle prise en charge grève largement le budget des communes.
Pour toutes ces raisons, je souhaite connaître les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour soulager financièrement les communes face au surcroît d’activité lié au traitement des demandes de cartes nationales d’identité et des PACS.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Daniel Gremillet, je vous répondrai au nom de Jacqueline Gourault.
La modernisation du service public peut s’appuyer sur un redéploiement de certaines compétences exercées par l’État vers les communes, pour une plus grande efficacité et plus de proximité. Les deux réformes que vous évoquez, celle des cartes nationales d’identité et celle du pacte civil de solidarité, en sont une parfaite illustration, même si aucune réforme de l’État ne peut se faire sans un dialogue nourri, continu et sincère entre l’État et les collectivités territoriales.
Concernant la réforme des cartes nationales d’identité qui se déploie depuis 2015, le ministère de l’intérieur a engagé une refonte sans précédent des modalités d’instruction de ces titres, avec un triple objectif : simplifier les démarches des usagers, sécuriser la procédure et renforcer la lutte contre la fraude. Pour produire pleinement ses effets, cette dématérialisation impose une limitation du nombre de communes équipées en dispositifs de recueil.
Cette mission ne constitue pas une mission nouvelle que l’État aurait transférée au bloc communal. C’est une mission exercée par les maires depuis des décennies en leur qualité d’agents de l’État.
Cependant, les craintes des maires sont prises en considération. Les échanges avec l’Association des maires de France ont permis d’aboutir à des engagements fermes du Gouvernement, en ce qui concerne notamment les modalités financières de la réforme.
C’est ainsi que l’État a décidé de renforcer son accompagnement financier en faveur des communes équipées d’un dispositif de recueil. La multiplication par deux, de 18 millions à 40 millions d’euros, de la dotation pour les titres sécurisés en 2018 permettra notamment de revaloriser son montant forfaitaire, lequel sera porté à 8 580 euros par équipement et à 12 130 euros lorsque l’activité du dispositif atteint 1 875 titres par an.
J’ajoute que, en sus des 280 stations supplémentaires déjà installées en 2017, ce sont 250 dispositifs de recueil de plus qui sont actuellement en cours de déploiement pour soulager l’activité des communes les plus sollicitées.
Enfin, vous m’interrogez sur la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, qui a organisé un transfert de nouvelles compétences aux officiers d’état civil en matière de changement de prénom et d’enregistrement des PACS.
La question de la compensation financière a été tranchée, le 17 novembre 2016, par le Conseil constitutionnel, qui confirme que la compensation ne peut intervenir qu’en cas de transfert de compétences, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence, au sens juridique du terme, puisque le PACS est une mission exercée au nom de l’État.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Madame la secrétaire d’État, l’objectif du Gouvernement est de décharger la justice des missions ne nécessitant pas de magistrats, sans toutefois octroyer de moyens supplémentaires aux communes. On peut certes saluer la volonté gouvernementale de recentrer la charge des tribunaux sur des missions purement juridictionnelles.
Cependant, il semblerait que vous n’ayez pas mesuré aujourd’hui l’impact de ces mesures. En effet, les communes manquent de moyens humains et se voient contraintes d’investir dans des locaux pour les aménager. Vous proposez de multiplier par deux le niveau de leur accompagnement. Or, si l’on veut permettre une réelle prise en charge, c’est par trois qu’il faudrait le multiplier.
Cette question s’inscrit dans un contexte global d’éloignement du citoyen des services publics et de diminution de leur présence, notamment dans les territoires ruraux. La fiscalité y pénalise en effet directement les déplacements. Faute de transports collectifs, c’est le véhicule personnel qui doit être utilisé.
L’ensemble de cette réforme est largement supporté par les territoires, essentiellement par le contribuable local. C’est véritablement dommageable à la politique de solidarité et d’aménagement du territoire de notre pays.
situation du logement social
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, auteur de la question n° 0191, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.
M. Daniel Chasseing. Ma question porte sur la situation du logement social.
Le dispositif prévu à l’article 52 de la loi de finances pour 2018 réintroduit dans l’article 126 une baisse concomitante des aides personnalisées au logement, les APL, et des loyers. Même si elle doit s’étaler sur trois ans – 800 millions d’euros en 2018, 1,2 milliard d’euros en 2019, 1,5 milliard d’euros en 2020 –, l’annonce de cette baisse a suscité des craintes de la part des bailleurs sociaux, non seulement pour leur situation financière, mais encore pour leur politique d’investissements, qu’il s’agisse de la construction de logements neufs ou de la rénovation de logements existants.
Vous me pardonnerez de prendre l’exemple de mon département, la Corrèze : les bailleurs sociaux estiment que leur manque à gagner s’élèverait à environ 4 millions d’euros : celui de Corrèze Habitat serait de 1 million d’euros, celui de Brive Habitat de 2 millions d’euros, celui de la COPROD de 600 000 euros, celui de l’Office public de l’habitat d’Égletons de 300 000 euros. Un tel montant est important pour une zone sociogéographique difficile.
Pour compenser le manque à gagner qui résultera de la diminution progressive des APL, le Gouvernement a décidé de moduler plus fortement la cotisation prélevée par la Caisse de garantie du logement locatif social assise sur les ventes de logement afin de financer un fonds de péréquation. Par ailleurs, il a décidé d’augmenter temporairement la TVA applicable aux opérations de construction et de rénovation des logements sociaux.
Cela sera-t-il suffisant pour qu’il n’y ait pas de perdants, comme l’a déclaré le Président de la République ? Je pense naturellement aux ménages disposant de revenus modestes, en particulier à ceux qui souhaitent accéder à la propriété.
Aussi, je vous serais reconnaissant, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir m’indiquer si ces mesures pourront éviter de mettre en difficulté les populations les plus fragiles tout en permettant la poursuite de la construction et de la rénovation des logements sociaux dont la France et les territoires ruraux ont besoin. D’autres mesures sont-elles prévues dans les mois qui viennent, en complément de celles qui ont déjà été annoncées ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Daniel Chasseing, je vous prie de bien vouloir excuser Julien Denormandie, qui ne peut être présent aujourd’hui. Je vous répondrai donc en son nom.
Le Gouvernement a lancé une réforme ambitieuse du secteur du logement social afin de le consolider et de le renforcer par des réformes structurelles.
Cette réforme est fondée sur quatre piliers : l’évolution du mode de financement du secteur, la réorganisation du tissu des opérateurs de logement social, la mise en place de mesures en faveur de l’accession sociale à la propriété et la définition progressive d’une nouvelle politique des loyers.
La première étape a consisté en l’adoption de la loi de finances pour 2018, et plus particulièrement de son article 126. Il prévoit une baisse, sur trois ans, des loyers des ménages modestes du parc social, grâce à la mise en place d’une réduction de loyer de solidarité. Il prévoit également, adossée à cette réduction de loyer de solidarité, une baisse de la dépense publique des aides personnalisées au logement.
À la suite des discussions entre le Gouvernement et les représentants du secteur, cette baisse des aides personnalisées au logement sera mise en œuvre progressivement. Elle sera ainsi limitée à 800 millions d’euros en 2018 et en 2019 pour atteindre 1,5 milliard d’euros en 2020. Cette progressivité est rendue possible par une hausse du taux de 5,5 % à 10 % de la TVA applicable aux opérations de construction et de réhabilitation de logements locatifs sociaux, mesure également prévue dans la loi de finances pour 2018.
La réduction de loyer de solidarité, la RLS, sera lissée sur l’ensemble du parc de logements sociaux, hors logements en outre-mer, logements foyers et logements appartenant à des organismes de maîtrise d’ouvrage d’insertion, non concernés par la RLS. Ce lissage permettra ainsi à l’ensemble des organismes de contribuer de manière équilibrée.
En particulier, l’accueil de ménages bénéficiant des aides personnalisées au logement ne sera en aucun cas pénalisant pour les bailleurs. Par ailleurs, une péréquation renforcée, via la Caisse de garantie du logement locatif social, est aussi instaurée pour aider les organismes les plus fragiles et faciliter la restructuration du secteur.
En Corrèze, sept organismes sont actifs, dont quatre uniquement, ou presque uniquement, dans ce département. Ils devront réaliser une réduction de loyer de solidarité pour les bénéficiaires de l’aide personnalisée au logement. La contribution globale des organismes de logement social de la Corrèze sera proportionnellement la même que celle qui est consentie à l’échelon national.
Afin d’accompagner financièrement le secteur, plusieurs mesures de soutien à l’exploitation et à l’investissement sont également prévues dès 2018.
Ces mesures prévoient notamment une stabilisation du taux du livret A sur deux ans à 0,75 % ; un allongement de la maturité des prêts consentis par la Caisse des dépôts et consignations aux bailleurs, dont l’appel à manifestation d’intérêt sera lancé dès le 15 février prochain ; la mise en place par la Caisse des dépôts et consignations d’une enveloppe de remise actuarielle de 330 millions d’euros fléchée vers le soutien à la démolition et vers la renégociation de dette ; la mise en place de 2 milliards d’euros supplémentaires de prêts de haut de bilan bonifiés par Action Logement fléchés vers le soutien à l’investissement, dont la souscription sera lancée dès avril ;…
M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. … la mise en place d’une enveloppe de 4 milliards d’euros de prêts à taux fixe pour accompagner la restructuration du secteur et l’investissement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État, et des mesures que vous venez d’annoncer. Elles sont attendues, notamment dans les départements ruraux, où les locataires et les offices sont très fragiles. Ces derniers doivent être confortés afin de leur permettre de poursuivre les investissements nécessaires dans le logement, y compris dans les communes rurales et dans les territoires difficiles. Il s’agit d’y maintenir la vie et la mobilité, mais aussi de faire en sorte que les loyers des locataires à faibles revenus n’augmentent pas.
finances des territoires touristiques de montagne
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, auteur de la question n° 0156, transmise à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Martine Berthet. Madame la secrétaire d’État, les élus des territoires de montagne sont en colère. Ils ne peuvent plus se contenter de promesses. Le « fait montagnard » ne doit plus être le parent pauvre des administrations publiques de l’État. Il est temps qu’il soit pris en compte, car de graves menaces pèsent aujourd’hui sur les finances de ces collectivités, ainsi que sur l’équilibre économique précaire de nos stations et de nos vallées.
En effet, au regard des critères et des modes de calcul actuels du prélèvement au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, les territoires ruraux sont pénalisés. Alors que le mode de calcul devait gommer les différences territoriales, il les accentue au contraire. Il donne, via le coefficient logarithmique de population, un avantage indéniable aux territoires urbains, qui ont notamment profité des fusions d’EPCI encouragées par la loi.
Les territoires de montagne, eux, subissent une double peine puisque la constitution d’EPCI élargis demeure très compliquée du fait du contexte géophysique et que le dispositif du FPIC ne tient absolument pas compte de la dimension « charges » – autres que les charges sociales – des collectivités.
Il a été prouvé à de nombreuses occasions que l’altitude et le contexte montagnard alourdissent de 20 % à 30 % leurs charges de fonctionnement classiques. De même, il est démontré que leur effort sur les budgets de fonctionnement n’est pas compensé par la prise en compte de la population DGF, un seul habitant étant comptabilisé par résidence secondaire.
Les territoires touristiques de montagne subissent quant à eux une triple peine. Ils sont contraints par le mode de calcul discriminant du potentiel financier agrégé, calculé sur des recettes dont une part importante doit être réinvestie dans l’outil économique, représenté par l’industrie touristique de montagne, elle-même basée sur l’opérateur qu’est la commune.
Il serait judicieux d’intégrer un critère d’équilibre afin de compenser les effets négatifs de la prime à la population sur les territoires ruraux. Cet ajout se ferait de manière modeste et permettrait de rééquilibrer le rural face à l’urbain, sans remettre en cause l’incitation au regroupement des collectivités.
Autre solution alternative, cette adaptation pourrait se concevoir en multipliant la population DGF par deux en zone de montagne.
Que comptez-vous faire à ce sujet, madame la secrétaire d’État ? Il y va de la survie de nos territoires de montagne, de nos collectivités, de leurs habitants, de leurs emplois et de leur identité.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Martine Berthet, la situation des territoires touristiques de montagne que vous mentionnez est bien souvent hétérogène et l’analyse de la répartition en 2017 du FPIC a permis de confirmer l’efficacité péréquatrice du Fonds sur ces collectivités de montagne.
Les communes touristiques de montagne bénéficient de ressources supplémentaires, qui sont prises en compte dans les indicateurs financiers, tandis que les communes rurales de montagne, notamment celles qui sont classées en zone de revitalisation rurale, sont souvent plus pauvres.
Une analyse des indicateurs financiers agrégés des ensembles intercommunaux de montagne permet d’apprécier leur situation globalement. Avec un revenu moyen par habitant de 13 574,09 euros, contre une moyenne nationale de 14 304 euros, et un potentiel financier agrégé moyen par habitant de 597,14 euros, contre une moyenne nationale de 617,61 euros, les territoires de montagne se situent en dessous de la moyenne nationale.
Il convient toutefois de rappeler que le seuil d’éligibilité au prélèvement au titre du FPIC est fixé à 90 % du potentiel financier agrégé moyen par habitant, qui était de 555,85 euros en 2017. Autrement dit, la mesure de leur richesse par le biais des indicateurs financiers propres au FPIC justifie leur éligibilité au prélèvement.
Par ailleurs, une analyse de la répartition nationale 2017 permet de confirmer les effets péréquateurs du FPIC sur ces territoires, qui sont effectivement contributeurs, mais également bénéficiaires.
Le reversement moyen des ensembles intercommunaux de montagne, au nombre de 316, est de 21,56 euros par habitant, soit légèrement moins que la moyenne, qui est de 23,45 euros. Cependant, leur prélèvement moyen par habitant, de 23,22 euros, est quant à lui inférieur au prélèvement moyen par habitant effectué à l’échelon national, qui est de 24,48 euros.
Ensuite, une analyse de la répartition interne de droit commun du FPIC permet d’illustrer une diversité de situations bien prise en compte dans les modalités de calcul du Fonds.
Les communes de montagne touristiques, plus riches, sont contributrices nettes à hauteur de 22 millions d’euros, pour un montant moyen par habitant de 17,48 euros en 2017. Toutefois, les communes de montagne classées en zone de revitalisation rurale, les ZRR, ont été bénéficiaires nettes à hauteur de 7,27 millions d’euros, soit 3,52 euros par habitant. Les communes de montagne touristiques riches contribuent ainsi davantage à la péréquation, tandis que les communes de montagne classées en ZRR sont, quant à elles, davantage bénéficiaires au titre du FPIC.
Il convient également de rappeler que le prélèvement moyen par habitant des communes de montagne touristiques est très élevé, 28,78 euros, montant qui confirme ainsi l’importance des ressources de ces collectivités, qui ne sont pas représentatives de l’ensemble des communes de montagne.
Dès lors, instaurer une mesure qui favoriserait à titre dérogatoire les territoires de montagne, notamment en majorant artificiellement la population DGF en zone de montagne ou en ajoutant aux modalités de répartition du Fonds, déjà complexes, un critère d’équilibre, serait injustifié dans le sens où, objectivement, la répartition du FPIC ne les défavorise pas.
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Si les communes touristiques de montagne produisent effectivement de nombreuses recettes, elles ont également de nombreux frais de fonctionnement. Elles doivent surtout réaliser de nombreux investissements pour maintenir leur outil économique en bon état. Il serait dommage que, à force de tirer sur la corde, elle finisse par casser, au regard du nombre d’emplois créés et des recettes de TVA considérables que génèrent ces communes chaque année, dans le cadre de leur activité touristique. Ainsi, pour la seule vallée de la Tarentaise, en Savoie, ce sont 600 millions d’euros qui sont ensuite reversés à l’échelon national.
situation des greffiers des tribunaux de commerce
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, auteur de la question n° 0177, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Vincent Delahaye. Madame la secrétaire d’État, j’attire aujourd’hui votre attention sur la situation des greffiers des tribunaux de commerce.
Il y a maintenant plus de deux ans, le Président de la République, alors ministre de l’économie, décidait de s’intéresser à la réforme des professions réglementées, dont celle de greffier de tribunal de commerce.
À cette occasion, il avait été établi que ces greffiers étaient rémunérés en moyenne plus de 30 000 euros net par mois et que la profession se caractérisait par une certaine endogamie : sept familles détenaient plus de 15 % des offices du pays, selon un rapport de l’Inspection générale des finances remis en mars 2013.
Afin de réduire cette rémunération difficilement justifiable eu égard aux responsabilités de ces greffiers et conditionnant des tarifs élevés pour les justiciables, la loi du 6 août 2015, dite « loi Macron », a prévu une baisse de 5 % des tarifs et une gratuité d’accès aux données de la plateforme Infogreffe. Mais rien n’a été fait pour faire disparaître ou, à tout le moins, réduire le droit de présentation au profit de la libre installation, comme cela fut le cas pour les notaires.
Au vu de ces éléments, pouvez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d’État, quel est le résultat de la mise en œuvre de la loi Macron pour ces greffiers ?
Pour réduire davantage les revenus injustifiés de ces greffiers, ne pourrait-on pas faire baisser encore un peu plus le prix des services proposés par les tribunaux de commerce ?
Enfin, ne pensez-vous pas qu’il serait opportun de remettre l’ouvrage sur le métier afin d’accroître la concurrence par la libre installation, dans un secteur où les situations monopolistiques et népotiques ne trouvent aucune justification ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président Delahaye, la réforme des professions du droit prévue dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a profondément modernisé l’activité des greffiers des tribunaux de commerce, leurs tarifs, ainsi que l’accès à cette profession.
Les tarifs des greffiers des tribunaux de commerce, à l’instar des tarifs des autres professions juridiques, sont désormais définis sur la base d’une approche économique, c’est-à-dire orientés vers les coûts, ce qui a entraîné, dès le mois de février 2016, une baisse globale de 5 % de ces tarifs.
Ces derniers doivent être révisés tous les deux ans et feront donc tout prochainement l’objet d’un nouvel arrêté conjoint des ministres de la justice et de l’économie, qui prévoira une nouvelle baisse substantielle des tarifs en ligne avec les recommandations de l’Inspection générale des finances.
Ces orientations seront définies à partir d’une analyse des données financières de la profession s’appuyant sur une expertise très approfondie réalisée par la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, et partagée avec le ministère de la justice.
J’en viens aux conditions d’accès à la profession. Lorsqu’il a souhaité moderniser les conditions d’accès à cette profession au travers de la loi de 2015, le législateur a estimé à juste titre que la liberté d’installation n’était pas une réponse appropriée dans le cas des greffiers de tribunal de commerce. En effet la localisation géographique des offices de ces greffiers est, par définition, la résultante de la carte judiciaire. Cela est incompatible avec une libre installation.
En revanche, le législateur a estimé nécessaire de rendre plus méritocratique l’accès à la profession de greffier de tribunal de commerce. C’est la raison pour laquelle l’article 61 de la loi du 6 août 2015 a habilité le Gouvernement à moderniser par ordonnance le recrutement de ces greffiers, en prévoyant l’instauration d’un concours, conformément à la recommandation d’une mission présidée par le député Richard Ferrand.
Cette ordonnance a été publiée le 29 janvier 2016, et les modalités du concours des greffiers de tribunaux de commerce ont été précisées par voie réglementaire.
La titularisation dans un office de greffier de tribunal de commerce est, en toute hypothèse, conditionnée à la réussite à ce concours.
En particulier, lorsque l’office est cédé par son titulaire dans le cadre de l’exercice du droit de présentation, seul le lauréat du concours le mieux classé parmi ceux qui s’engagent à s’acquitter de l’indemnité demandée peut être présenté par ce titulaire.
Le premier concours d’accès à la profession de greffier de tribunal de commerce sera ouvert en 2018.
En outre, lors des consultations dans le cadre du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, le PACTE, les différents acteurs ont largement soutenu une série de propositions de simplification des formalités imposées aux entreprises. Parmi celles-ci figure la fusion des registres, qui pose la question de la modernisation de la fonction des teneurs de registre, dont le greffier de tribunal de commerce pour le registre du commerce et des sociétés.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Merci, madame la secrétaire d’État, de ces précisions, qui m’avaient échappé.
Je conviens que le concours est sans doute la bonne réponse, contrairement à la libre installation. Nous attendons ces concours et la suite qui y sera donnée.
S’agissant des rémunérations et des tarifs, puisque les rémunérations dépendent des tarifs, je serai ravi de connaître les conséquences de la baisse de 5 % sur les tarifs et sur les rémunérations de ces greffiers. J’attendrai, avant de prendre position sur le fond, de connaître les propositions qui seront faites cette année sur ce sujet, lequel préoccupe, selon moi à juste titre, certains de nos concitoyens.
utilisation de l’eusko par la ville de bayonne
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, auteur de la question n° 0182, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Max Brisson. Ma question porte sur les difficultés que rencontrent les collectivités territoriales pour utiliser les monnaies locales complémentaires, en particulier la ville de Bayonne, qui souhaite avoir recours à l’eusko.
Première monnaie locale créée en France, l’eusko est aujourd’hui véhiculé par 3 000 particuliers et 650 entreprises au Pays basque. L’eusko est ainsi la deuxième monnaie locale d’Europe.
La loi de 2014 relative à l’économie sociale et solidaire encourage le développement de ces monnaies locales complémentaires, car elles permettent d’ancrer dans les territoires les revenus générés par les acteurs économiques locaux.
Au Pays basque, qui compte 85 % de très petites entreprises, le recours à l’eusko est non pas un effet de style, mais bel et bien un levier de développement. Consciente des opportunités offertes par cette monnaie, la ville de Bayonne a souhaité s’inscrire dans cette démarche.
Or le représentant de l’État dans le département, estimant que la délibération prise par la ville pour recevoir et effectuer des paiements en eusko était contraire à la loi, l’a déférée devant le tribunal administratif, lequel a jugé en référé qu’il n’y avait pas lieu de statuer.
Pour le préfet, si le décret du 7 novembre 2012 prévoit que tout moyen de paiement mentionné dans le code monétaire et financier peut servir aux dépenses publiques, en revanche l’arrêté du 24 décembre 2012, pris en application du décret, ne cite pas les monnaies locales complémentaires.
Or, depuis, la loi du 31 juillet 2014 a donné une base légale à ces monnaies.
Vous comprenez donc qu’il y a là une contradiction : d’une part, il est énoncé que toutes les monnaies peuvent servir aux dépenses publiques ; d’autre part, on refuse l’application de cette disposition malgré l’apport de la loi de 2014, en arguant d’un arrêté de 2012.
Madame la secrétaire d’État, plus de 50 collectivités territoriales participent à cette action citoyenne et au moins une dizaine de projets sont actuellement à l’étude.
Lille, Nantes, Toulouse, Grenoble, Strasbourg, ou encore, prochainement, Paris, pour ne citer que les communes les plus importantes, souhaitent également utiliser des monnaies locales.
Madame la secrétaire d’État, je vous interroge sur la nécessité pour l’administration de mettre ses pratiques en cohérence avec la dernière loi en faisant prévaloir le décret du 7 novembre 2012 et l’article 16 de la loi Hamon de 2014 en complément de l’arrêté du 24 décembre 2012, ce qui permettrait de lever la contradiction qui justifie ma question.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Max Brisson, vous mentionnez la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Ce texte a favorisé l’émergence des monnaies locales complémentaires en reconnaissant leur statut, tout en soumettant leurs émetteurs aux règles applicables aux établissements de crédit ou aux établissements de paiement et établissements de monnaie électronique. Ainsi, les émetteurs de monnaie locale sont supervisés.
Cette loi ne va cependant pas jusqu’à autoriser les collectivités territoriales à effectuer des paiements en titres de monnaie locale complémentaire.
Il convient de mon point de vue d’être prudent quant à une telle proposition, susceptible de remettre en cause l’égalité devant les services publics nationaux. Elle pourrait induire des complexités et des coûts significatifs pour les services publics, car elle nécessiterait la mise en place d’une double comptabilité et pourrait comporter des risques pour les investissements publics qui seraient réalisés dans des monnaies potentiellement volatiles.
Plus généralement, si ces monnaies peuvent être un moyen de renforcer les communautés locales, il convient de ne pas oublier qu’elles présentent aussi un certain nombre de risques de repli de l’activité sur le territoire, de perte de confiance dans la monnaie centralisée, de distorsion de concurrence et de perte de pouvoir d’achat pour les consommateurs.
En tout état de cause, il n’appartient pas au Gouvernement de se substituer au jugement qui pourrait être rendu par la juridiction administrative sur cette question.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Madame la secrétaire d’État, je regrette que vous n’ayez pas profité de ma question pour apporter une clarification, nécessaire selon moi, à propos d’un mouvement qui va prendre de l’ampleur.
Vous laissez le soin à la justice de décider, et je crains que cela ne laisse la porte ouverte à des interprétations très différentes.
Nous avions là une belle occasion de montrer l’attachement du Gouvernement à la diversité des territoires et sa volonté de promouvoir une économie circulaire, solidaire et sociale, conformément à l’objectif qu’il avait lui-même affiché.
démarchage téléphonique
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, auteur de la question n° 0194, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Olivier Cigolotti. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur la faible efficacité des mesures mises en œuvre afin de lutter contre le démarchage téléphonique.
Dans mon département, la Haute-Loire, je suis régulièrement saisi de cette problématique.
En effet, alors que le dispositif Bloctel, issu de la loi relative à la consommation, est censé lutter contre le démarchage téléphonique, neuf Français sur dix se disent excédés par l’inefficacité de celui-ci. Les démarchages se poursuivent malgré l’inscription sur cette liste Bloctel.
Il convient de rappeler qu’il est normalement interdit à un professionnel, sous peine d’amende, de démarcher par téléphone des consommateurs inscrits sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique et avec lesquels il n’a pas de relations contractuelles en cours.
Les secteurs ayant recours à ce type de démarchage sont aussi ceux que l’on retrouve le plus souvent dans les litiges de consommation – travaux de rénovation énergétique, fourniture ou abonnement énergétique…
Aujourd’hui, les consommateurs reçoivent en moyenne plus de quatre appels téléphoniques de ce type par semaine.
À l’appui de ce chiffre, force est de constater que les dispositifs existants sont d’une efficacité trop limitée contre le phénomène.
Ce même constat a déjà été évoqué dans ma question écrite datant du 16 février 2017. La réponse à ma question, publiée au Journal officiel du 11 mai 2017, mentionnait alors qu’il fallait laisser du temps au récent dispositif mis en place pour produire son plein effet, avant de décider, éventuellement, d’une révision de la législation et de prévoir des sanctions plus élevées ou d’instituer un indicatif permettant de reconnaître les démarcheurs téléphoniques.
Les opérations de contrôle engagées par les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, à l’encontre des professionnels qui continuent de démarcher des consommateurs inscrits sur la liste d’opposition Bloctel restent peu nombreuses et peu efficaces, puisque ces derniers subissent encore ce démarchage.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser si le Gouvernement entend réviser le dispositif actuel pour limiter le démarchage téléphonique, notamment en ce qui concerne l’éventualité d’une augmentation des amendes pour les opérateurs récalcitrants, d’une intensification des contrôles sur le respect du dispositif Bloctel, ou encore de la mise en place d’un indicatif spécifique permettant aux consommateurs de reconnaître facilement ce type de démarchage avant de décrocher leur téléphone.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Olivier Cigolotti, c’est dans le souci de protéger les consommateurs d’un démarchage téléphonique intempestif et intrusif que l’article L. 223-1 du code de la consommation, issu de l’article 9 de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, interdit à un professionnel de démarcher par téléphone des consommateurs inscrits sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique.
Plutôt qu’interdire le démarchage, le législateur avait choisi d’instituer une liste d’opposition, à charge pour les entreprises de s’assurer, avant toute prospection, de l’absence de numéros de téléphone inscrits sur cette liste.
Ce dispositif a été mis en place en juin 2016, après qu’a été confiée à la société Opposetel, par voie de délégation de service public, sa gestion.
Depuis le mois de juillet 2016, il est de la responsabilité des entreprises qui ont recours à ce mode de prospection commerciale de s’assurer que leurs fichiers clients ne contiennent pas de numéros de téléphone inscrits sur le registre Bloctel. Pour cela, elles doivent faire retirer par le gestionnaire de ce site les numéros de téléphone qui y sont inscrits.
Dès le premier jour d’entrée en vigueur du dispositif, 1 million de consommateurs s’étaient inscrits pour atteindre 3,5 millions aujourd’hui. Le dispositif Bloctel répond donc à une attente forte des Français.
Même si ses résultats ne sont pas encore satisfaisants pour l’ensemble des inscrits, sur l’année 2017, en moyenne, chaque numéro de téléphone inscrit sur le registre Bloctel a été retiré plus de six fois par semaine des listes de prospection téléphonique. Ce dispositif a donc probablement évité de nombreux appels, même si ceux-ci restent encore trop nombreux pour les consommateurs, qui ont cru longtemps que le dispositif était technique et ferait cesser automatiquement les appels.
Si ce dernier n’apporte pas aujourd’hui une réponse parfaite aux demandes légitimes des consommateurs, c’est qu’un nombre trop grand d’entreprises n’y a pas adhéré et continue de démarcher en toute illégalité : seules 800 entreprises ont adhéré au dispositif Bloctel, ce qui semble très en deçà du nombre de professionnels tenus d’y recourir.
Une telle situation appelle une double réponse : une réponse préventive, tout d’abord, pour inciter les entreprises à adhérer – plusieurs campagnes de mailing à grande échelle ont été lancées et des rencontres avec les différents secteurs d’activité organisées ; une réponse répressive, ensuite – la DGCCRF a diligenté à cet effet de nombreuses enquêtes, afin de sanctionner les entreprises contrevenantes.
Il convient de rappeler que, entre juillet 2016 et janvier 2018, la traçabilité des numéros appelants via les réclamations enregistrées sur le site a déjà permis de sanctionner 134 entreprises contrevenantes, pour certaines d’entre elles à hauteur du plafond légal de l’amende, soit 75 000 euros.
Toutefois, les actions de contrôle de la DGCCRF sont complexifiées par certaines techniques mises en place par des entreprises peu scrupuleuses. Un travail étroit et intensif a donc été instauré avec les opérateurs téléphoniques et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, pour permettre de faciliter l’identification des entreprises à l’origine des appels.
Enfin, il convient également de rappeler que plus de la moitié des appels dénoncés par les consommateurs relèvent de la fraude aux numéros surtaxés, sujet distinct sur lequel la DGCCRF est également fortement mobilisée.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti.
M. Olivier Cigolotti. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Vous avez parfaitement identifié les problèmes posés par le dispositif Bloctel, auquel 1 % seulement des entreprises adhèrent, ce qui est très insuffisant.
Nos concitoyens s’agacent d’être régulièrement harcelés. Beaucoup d’entre eux pensaient qu’il s’agissait d’un dispositif technique qui bloquerait systématiquement les appels liés au démarchage téléphonique.
Les services de la DGCCRF doivent aujourd’hui insister sur l’obligation pour les entreprises de s’inscrire à ce dispositif.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi organique dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (projet n° 152, texte de la commission n° 288, rapport n° 287).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, dès le mois de juillet 2017, le Premier ministre était venu l’affirmer devant vous à l’occasion de sa déclaration de politique générale : la Nouvelle-Calédonie est une priorité pour le Gouvernement, et en particulier, bien sûr, pour le ministère des outre-mer.
Le projet de loi organique qu’il vous est proposé d’examiner constitue une illustration concrète de la volonté du Gouvernement d’accompagner au plus près la Nouvelle-Calédonie, quitte à bousculer les agendas.
Élaboré à l’issue du comité des signataires organisé au mois de novembre, soumis immédiatement à l’avis du Conseil d’État et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, avant son passage en conseil des ministres en décembre, il vous est présenté aujourd’hui.
Dès le mois prochain, l’Assemblée nationale l’étudiera à son tour. S’agissant d’un projet de loi organique, la loi qui sera adoptée par le Parlement sera, bien sûr, soumise au Conseil constitutionnel.
Avec ce texte, qui vient solder une difficulté apparue il y a plusieurs années dans les discussions relatives aux listes électorales, l’ensemble des institutions de la République auront démontré leur pleine mobilisation pour contribuer, chacune dans ses compétences, à soutenir la Nouvelle-Calédonie, à lui permettre d’avancer.
L’histoire de la Nouvelle-Calédonie, depuis trente ans, est celle d’un dépassement des antagonismes, des barrières culturelles et identitaires, pour ériger un modèle politique unique au monde. Ce modèle repose sur la conviction qu’il appartient à tous de contribuer au vivre ensemble et à la définition de ce que doit être le destin commun de celles et ceux qui vivent en Nouvelle-Calédonie.
Sur le plan politique, cela a conduit à élaborer un schéma institutionnel profondément original. Localement d’abord, avec une architecture en trois provinces, un congrès et un gouvernement. Surtout, dans l’esprit de l’accord de Nouméa, et afin de bâtir tous ensemble la Nouvelle-Calédonie de demain, les membres de l’exécutif, élus à la proportionnelle, représentent toutes les tendances politiques. Majorité et opposition se côtoient au sein d’un collège dans lequel le consensus est au fondement de toutes les décisions.
Le fait majoritaire, comme principe de décision collective, a donc subi des aménagements forts pour que la majorité tienne compte des intérêts des autres groupes politiques minoritaires.
Cette organisation et la philosophie politique qui la sous-tend conduisent d’ailleurs à s’interroger sur la confusion que nous entretenons souvent, en particulier en France, entre démocratie et prise de décision majoritaire. La démocratie, c’est l’élection à la majorité. Mais la prise de décision majoritaire n’est pas le seul chemin que peut suivre la démocratie pour se déployer.
Cette approche particulière de la prise de décision est à l’œuvre avec le troisième partenaire des différents accords qu’est l’État. Lui aussi participe à la recherche permanente du compromis et du consensus.
L’État est le garant des accords conclus. Il est le partenaire qui, avec ses moyens et son expertise, accompagne la réflexion collective, rappelle aussi les limites de ce que le droit permet. L’État est un acteur de la discussion : il l’anime, il propose des solutions, des idées, des compromis.
C’est dans cet esprit que le Premier ministre a conduit les travaux du comité des signataires du mois de novembre dernier. Les échanges ont permis d’aboutir, vous le savez, à un compromis politique sur la question sensible de l’inscription d’office sur les listes électorales de personnes résidant en Nouvelle-Calédonie et répondant à différents critères leur permettant d’aspirer à participer au référendum.
Le projet de loi organique qui vous est soumis transcrit cet accord politique fort. Il vise à garantir la légitimité et la sincérité des résultats du scrutin. Il a largement pris en compte les propositions émises par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, consulté à chaque étape sur l’ensemble des textes.
Je tiens à le rappeler, car la confusion est parfois entretenue dans les esprits : le présent texte ne modifie pas le corps électoral, dont la composition répond à des critères fixés en 1998 ; il ne traite que la question de l’inscription d’office d’électeurs remplissant a priori les conditions pour participer au scrutin, avec comme finalité d’inscrire le maximum d’électeurs potentiels sur la liste électorale spéciale pour la consultation, la LESC.
Environ 11 000 personnes, de statut civil coutumier ou de droit commun, sont potentiellement concernées par les nouvelles dispositions. Ce chiffre résulte de croisement de fichiers opéré en 2017 et le travail se poursuit pour l’affiner, en lien étroit avec le groupe de travail local, composé des experts de chaque parti, qui suit ce dossier depuis plusieurs années.
Pour inscrire ces personnes sur la liste électorale spéciale, une procédure d’inscription d’office sur la liste électorale générale était indispensable. L’avis du Conseil d’État, que le Gouvernement a consulté sur ce point, a permis de mettre en place une procédure adaptée.
Outre les inscriptions d’office sur la liste électorale générale et sur la liste électorale spéciale, le projet de loi organique ouvre la voie à la mise en place de bureaux de vote délocalisés, permettant aux électeurs des îles résidant à Nouméa de voter sur place.
Cette disposition répond à une demande forte exprimée à plusieurs reprises par les élus de Nouvelle-Calédonie qui craignaient que des électeurs ne doivent renoncer à participer au scrutin, faute de place dans les avions ou de moyens de s’offrir un tel déplacement.
En corollaire, parce que ce qui est privilégié est le vote personnel des électeurs, compte tenu de l’enjeu, un encadrement plus strict des procurations a été jugé pertinent par tous. Le dispositif de droit commun est aujourd’hui très peu encadré ; il semblait nécessaire de le renforcer. Je me félicite que la commission des lois du Sénat ait accepté le dispositif proposé par le Gouvernement, en accord avec l’ensemble des partenaires locaux.
Mais je reviens à mon propos sur les modalités particulières d’élaboration des décisions concernant la Nouvelle-Calédonie. Depuis trente ans, qu’observons-nous ? La procédure particulière d’élaboration de la décision publique à l’œuvre en Nouvelle-Calédonie a fini par irriguer les institutions nationales. Depuis trente ans, le sujet est préservé des querelles politiciennes, des coups d’un jour, de tout ce qui pourrait en réalité déstabiliser le territoire. Il faut s’en féliciter.
Chacun a pris la mesure de l’enjeu. Et chacun a pris conscience qu’il endosserait une responsabilité immense s’il ne s’inscrivait pas dans cette démarche engagée par d’illustres prédécesseurs. Cette démarche se veut respectueuse des opinions de chacun pour définir un chemin collectif qui réponde aux aspirations de tous.
Pierre Frogier me pardonnera l’usage d’un concept qui lui est cher, mais j’ai envie de dire que les palabres océaniens et, avec eux, le respect, l’écoute, la prise en compte sincère de l’autre et de ses contraintes ont fini par faire école jusqu’à Paris. Au moins lorsqu’il s’agit de la Nouvelle-Calédonie…
À ce titre, je me félicite que le travail conduit par le Gouvernement sur ce projet de loi ait avancé sereinement, dans un échange constructif avec le Parlement. L’Assemblée nationale et le Sénat doivent en effet prendre toute leur part dans les réflexions en cours. C’est pourquoi il est important que vous ayez eu l’occasion, monsieur le rapporteur, de vous rendre en Nouvelle-Calédonie. La mission d’information de l’Assemblée nationale fera d’ailleurs de même la semaine prochaine.
Je me félicite également des améliorations que vous avez introduites dans le projet de loi organique déposé par le Gouvernement. Indéniablement, à l’issue de son examen par la commission des lois, ce texte est mieux rédigé. Je pense en particulier à la réécriture d’une partie du premier article, qui y a gagné en clarté, à laquelle, je le sais, vous veillez. Je pense aussi à l’harmonisation des écritures entre les deux premiers articles.
L’amendement du sénateur Poadja que vous avez adopté a permis d’introduire, selon le vœu du congrès de la Nouvelle-Calédonie, une consultation supplémentaire de cette institution sur le décret, décisif, qui convoquera l’élection. Ce décret contiendra des dispositions essentielles sur l’organisation de la campagne. Il fixera également les termes de la question posée. Le Gouvernement juge donc normal que le congrès, par dérogation aux principes habituels organisant les consultations, émette un avis.
Le texte est mieux écrit, par conséquent moins susceptible d’être remis en cause. C’est essentiel. Le plus important, c’est que ce travail a été conduit dans le strict respect des équilibres fixés lors du comité des signataires.
Les échanges informels entre nous ont également permis d’améliorer sensiblement la rédaction de l’amendement présenté par le Gouvernement concernant la répartition du temps de parole pour la campagne officielle, ainsi que les modalités d’intervention du CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Le sujet est important pour les partis politiques locaux. Je me permets de croire que les interrogations légitimes que vous avez soulevées ont été prises en considération et que des réponses auront pu y être apportées.
Par ailleurs, le Gouvernement vous présentera un amendement visant à introduire le principe d’un remboursement plafonné des frais de campagne. C’est l’usage en matière de référendum. Un dispositif identique avait d’ailleurs été mis en place pour le référendum sur l’accord de Nouméa en 1998. C’est aussi un vecteur pour assurer une forme d’égalité entre les partis, qui ne disposent pas tous des mêmes moyens.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de dire encore quelques mots sur la Nouvelle-Calédonie en guise de conclusion, au-delà du projet de loi dont nous allons entamer la discussion. Ce texte ne résume pas, tant s’en faut, l’ensemble des actions conduites par le Gouvernement.
La tâche importante que constitue la préparation de l’échéance référendaire suscite une mobilisation de l’ensemble des services de l’État.
Ainsi, comme vous l’aviez souhaité, le ministère de la justice vient-il de désigner une dizaine de magistrats pour permettre aux commissions électorales de fonctionner.
Nous travaillons également avec le ministère des affaires étrangères sur toutes les actions qui engagent les Nations unies. Ces dernières sont nombreuses : organisation d’une mission sur la constitution des listes électorales, préparation de la visite du Comité spécial de la décolonisation, ou C24, qui aura lieu en mars prochain, anticipation de la mission d’observation sollicitée par les signataires pendant le scrutin.
Surtout, la consultation n’est pas le seul horizon de notre action.
L’État a réaffirmé son soutien à la Nouvelle-Calédonie dans le financement et la mise en œuvre de politiques publiques essentielles. Une attention particulière a été portée aux crédits du budget opérationnel de programme, ou BOP 123, qui financent les contrats de développement et donc, concrètement, des investissements et des projets qui changent la vie quotidienne des Calédoniennes et des Calédoniens.
Nous conduisons également, dans le cadre des assises des outre-mer, une réflexion collective, regroupant l’État, les institutions locales, les associations et tous les citoyens qui souhaitent y prendre part, sur la question spécifique de la jeunesse calédonienne. J’attends beaucoup de ces travaux, qui manqueraient une partie de leur finalité s’ils ne devaient se résumer qu’à un agglomérat de mesures disparates. Ils pourraient – et devraient – être le premier temps d’une mobilisation politique et sociétale en faveur de ceux qui sont la Nouvelle-Calédonie de demain et qui parfois, isolés, désocialisés, partent à la dérive.
L’État a également souhaité que la Nouvelle-Calédonie, qui souffre de difficultés spécifiques pour ce qui concerne la sécurité, bénéficie d’un accompagnement dédié. Des efforts importants ont été consentis en matière de prévention de la délinquance, en lien avec le plan engagé par le gouvernement local, mais aussi en termes d’effectifs des forces de l’ordre et de matériels mis à leur disposition. Le ministre de l’intérieur a confirmé, la semaine dernière, que Nouméa bénéficierait de l’expérimentation de la police de sécurité du quotidien dans l’un de ses quartiers, avant – je le souhaite – un élargissement à l’ensemble de l’agglomération.
À travers toutes ces actions s’exprime la conviction que le référendum est une étape dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Mais comme le Premier ministre l’avait dit au Sénat, en août dernier, la question qui sera posée ne porte pas sur le destin commun, qui doit continuer de se construire. La Nouvelle-Calédonie doit continuer d’avancer et de porter des projets et des ambitions.
C’est pourquoi j’ai récemment rappelé la nécessité que, en parallèle de ces travaux préparatoires, se poursuive un dialogue politique, dont le Premier ministre a dessiné les contours lors de son déplacement à Nouméa. Il me semblait indispensable, avant de nous plonger dans la technicité de ce projet de loi organique, de le réaffirmer devant vous au nom du Gouvernement. (MM. Jean-Pierre Sueur, Jérôme Bignon, Gérard Poadja et Robert Laufoaulu applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, rapporteur. Madame la ministre, mes chers collègues, prendre la parole à cette tribune – sous votre autorité, madame la présidente, c’est un honneur pour moi – à propos de la Nouvelle-Calédonie, quand on est attaché à l’histoire, en particulier à celle de ce territoire, ne peut se faire sans être imprégné d’un sentiment de responsabilité.
En effet, la représentation nationale a une responsabilité vis-à-vis de la paix et de la concorde civile en Nouvelle-Calédonie, mais aussi pour construire l’avenir de ce territoire.
Le scrutin d’autodétermination prévu pour l’automne prochain est, sans aucun doute, une étape, mais il n’est pas la fin de l’histoire.
Madame la ministre, vous avez évoqué un destin commun qui se prolongera, quelle que soit l’issue du scrutin. Je voudrais dire, pour être plus exact de mon point de vue, que le destin est commun tant que l’appartenance à la nation française est maintenue. Si cette appartenance n’est plus, nous serons en présence de pays qui ont vocation à être amis, mais qui sont souverains et devront discuter des coopérations qu’ils veulent développer. Il n’y a alors plus véritablement de destin commun, de même qu’il n’y en a plus avec un seul territoire français ayant choisi l’indépendance.
C’est d’ailleurs tout l’enjeu du scrutin de cette année de décider où ira la Nouvelle-Calédonie. Conscients de l’importance de cet enjeu, nous devons, au moment où il s’agit de déterminer la composition de la liste électorale permettant aux citoyens de Nouvelle-Calédonie de se prononcer sur l’avenir du territoire, être attentifs à ce que le résultat du scrutin ne puisse jamais être entaché de contestation au motif que des Calédoniens ayant vocation à s’exprimer n’auraient pas été admis à voter.
C’était déjà l’enjeu de la loi organique de 2015, dont j’étais également le rapporteur et qui a permis l’inscription sur la liste électorale spéciale de nombreux Calédoniens, qui n’auraient pas forcément pris l’initiative de demander cette inscription. Nous avons inauguré cette politique d’inscription d’office il y a maintenant près de trois ans.
Lors des entretiens de Matignon qui ont réuni, le 2 novembre dernier, tous les signataires ou leurs héritiers de l’accord de Nouméa de 1998, la décision a été prise d’aller plus loin dans le processus d’inscription d’office, afin de n’oublier personne.
C’est l’objet du texte qui nous est présenté. Il prévoit tout d’abord, parce que c’est la condition pour pouvoir être inscrit sur la liste électorale spéciale, que des inscriptions d’office pourront être faites sur la liste électorale générale pour tous les résidents de Nouvelle-Calédonie dont la résidence est ancienne d’au moins six mois.
Cette première opération effectuée, le texte dont nous avons à discuter permet l’inscription d’office, sur la liste électorale spéciale, de Calédoniens dont le centre des intérêts matériels et moraux sera présumé du fait que, premièrement, ils seront natifs de Nouvelle-Calédonie et, deuxièmement, ils y auront résidé au moins trois ans.
Le texte indique que cette inscription d’office n’est pas automatique, ce qui pose naturellement la question de savoir ce que peut être une inscription d’office non automatique. Le texte y répond, autant qu’il peut le faire et sans aller au-delà de l’accord qui a été conclu entre les parties calédoniennes sous les auspices du Premier ministre le 2 novembre dernier : il prévoit que la présomption de détention des intérêts matériels et moraux en Nouvelle-Calédonie, dès lors qu’on y est né et y réside depuis au moins trois ans, est une présomption simple, c’est-à-dire qu’elle n’est pas irréfragable.
En outre, l’inscription par les commissions administratives spéciales, si elle n’est pas automatique, ne peut être refusée qu’en fonction des éléments fournis par l’État. Ces éléments proviennent d’un certain nombre de fichiers, le principal étant celui de l’organisme de sécurité sociale propre à la Nouvelle-Calédonie, lequel va pouvoir établir qu’une personne est résidente depuis au moins trois ans, tout simplement parce que des cotisations sociales auront été versées pendant cette période.
Voilà ce qui fait l’objet de l’accord et qui est fidèlement retranscrit dans le présent texte. Si j’ai tenu à me rendre en Nouvelle-Calédonie, ce que j’ai fait avec Jacques Bigot, c’est pour entendre toutes les parties calédoniennes et vérifier, à partir de là, que le projet de loi organique correspond bien à la volonté commune des parties.
Je n’assurerais pas que toutes les parties calédoniennes font exactement la même interprétation de ce texte, mais je suis sûr qu’il correspond bien à leur volonté commune, avec sa force, mais aussi avec ses limites.
Il me semble qu’il ne nous appartient pas de modifier l’équilibre de ce texte, car nous risquerions, si nous le faisions, de nous écarter de cet accord et de provoquer nous-mêmes des tensions inutiles en Nouvelle-Calédonie.
Le projet de loi organique prévoit aussi que les personnes inscrites sur les listes électorales des communes de Bélep, de l’île des Pins, de Lifou, de Maré et d’Ouvéa, mais qui n’y vivent pas, puissent voter à Nouméa. Il ne leur sera donc pas demandé de revenir dans leur commune d’origine pour voter, ce qui est un point très important. Pour cela seront créés à Nouméa des bureaux décentralisés dépendant de ces communes, où les électeurs concernés pourront se prononcer sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
En lien avec cette facilité offerte aux électeurs des îles, il est prévu de restreindre le recours aux procurations, dont on a observé qu’il était excessif en Nouvelle-Calédonie. Alors même que le régime des procurations a été libéralisé en France il y a quelques années, ce texte prévoit de limiter les conditions d’un empêchement justifiant d’y avoir recours. S’il est, par exemple, possible aux électeurs des îles de voter à Nouméa, pourquoi leur accorder la possibilité de voter par procuration ?
Le Gouvernement a également déposé deux amendements sur ce texte, dont je viens de décrire l’architecture générale. Le premier de ces amendements concerne la répartition équitable du temps de parole entre les forces politiques représentées au congrès de la Nouvelle-Calédonie. Le second vise à insérer des dispositions permettant de faciliter le remboursement des frais engagés pour la campagne électorale.
Au final, ce projet de loi organique permet de faire le chemin qui nous sépare du référendum d’autodétermination, dans des conditions qui évitent les tensions inutiles. Nous pouvons ainsi espérer que, quel qu’en soit le résultat, ce scrutin sera validé par toutes les forces calédoniennes.
Encore faudra-t-il, au lendemain de cette consultation, savoir prendre les initiatives qui rassembleront les Calédoniens. Incontestablement, la République et son gouvernement auront un rôle majeur à jouer pour éclairer le chemin et permettre à tous les Calédoniens de se retrouver, afin de forger une nouvelle entente, qui vaudra pour les décennies à venir. C’est en tout cas le vœu que je forme, à cette tribune, au moment d’ouvrir le débat sur ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – MM. Jacques Bigot, Patrick Kanner et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a trente ans, les accords de Matignon mettaient fin aux événements sanglants qui avaient endeuillé la Nouvelle-Calédonie de 1984 à 1988 et culminé lors du drame atroce d’Ouvéa. Trente ans ! C’est à la fois long et dérisoire à l’échelle de l’histoire de 165 ans entre l’État français et cet archipel.
Le 24 septembre 1853, à Balade, la France de Napoléon III, qui cherchait alors une terre nouvelle, libre de toute occupation européenne, pour y fonder une colonie pénitentiaire, parvint à ses fins, en proclamant la Nouvelle-Calédonie colonie française. De la grande révolte des Kanaks de 1878 au massacre d’Ouvéa, comment effacer de notre mémoire le sang versé inutilement à des milliers de kilomètres de la France ?
Comment, trente ans plus tard, oublier la grande leçon de fierté et d’humanisme léguée par Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur ?
Aujourd’hui, le groupe politique que je représente confirme toutes ses positions antérieures. Comme nous approuvions la loi organique de 1999, qui a traduit dans notre droit les dispositions de l’accord de Nouméa, nous approuverons aujourd’hui ce projet de loi organique, qui précise l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie et qui marquerait – a priori – la fin d’un long processus institutionnel.
Le texte que nous examinons fait consensus, en traduisant l’accord politique trouvé lors du XVIe comité des signataires de l’accord de Nouméa. Les articles proposés permettent essentiellement de constituer le corps électoral de cette consultation avec l’inscription automatique de 11 000 personnes sur les listes électorales générale et spéciale.
Nous soutiendrons le texte qui nous est soumis et qui est attendu en Nouvelle-Calédonie. Cependant, nous veillerons à ce que toutes les parties soient respectées, en particulier les indépendantistes. La résistance de certains à l’idée même d’une indépendance et la menace d’une coupure totale en cas de victoire indépendantiste seraient contraires à la volonté de laisser aux Néo-Calédoniens le pouvoir de décider de leur avenir.
En novembre dernier, lors d’une rencontre avec une délégation du parti anti-indépendantiste Le Rassemblement, Emmanuel Macron a insisté sur le fait que, en cas d’indépendance, la Nouvelle-Calédonie serait pleinement responsable des compétences qui lui reviendraient. « C’est une façon de fermer la porte à quelque solution d’indépendance-association que ce soit, ce qui nous satisfait », déclarait alors le leader de ce parti.
Or, aujourd’hui, comme l’affirme Sarah Mohamed-Gaillard, spécialiste de l’histoire de la France dans le Pacifique, si l’indépendance reste un objectif, le contexte de la décolonisation dans le monde a beaucoup évolué ; elle indique que « les indépendantistes veulent construire une indépendance pas seulement souveraine, mais viable, et s’en donner les moyens, notamment économiques. Certains d’entre eux sont moins fermés que dans les années 1970. »
Aussi, la France n’a nul intérêt à se recroqueviller sur des solutions passéistes. Mes chers collègues, ne sous-estimons pas un ressentiment bien légitime des populations kanakes ! Ne sous-estimons pas non plus les inégalités prodigieuses entre une classe très dominante, qui a notamment bâti sa richesse sur l’or vert, et une classe de laissés-pour-compte dans l’extrême pauvreté !
Certes, la question identitaire est au cœur de ce projet, mais il paraît difficile de discuter de l’avenir du pays sans parler aux populations d’économie.
La Nouvelle-Calédonie est-elle prête pour être autonome sur le plan économique sans les aides de la métropole encore importantes aujourd’hui ?
De son côté, la métropole aurait-elle encore quelques intérêts à garder un pied sur le territoire – nickel, paradis fiscal… ? Ne va-t-on pas lâcher une dépendance politique pour une dépendance économique ?
Ces questions doivent être posées et des réponses adaptées apportées. N’oublions pas que, en cas de victoire du « non » cette année, l’accord de Nouméa prévoit l’organisation de deux autres scrutins similaires à deux ans d’intervalle. Potentiellement, les Néo-Calédoniens pourraient donc être amenés à se prononcer de nouveau en 2020 et 2022.
D’ici là, il est du devoir et de la responsabilité de l’État français d’accompagner la Nouvelle-Calédonie et de créer les conditions d’un développement pérenne, notamment en prenant en compte les atouts de l’archipel pour faire face au défi de la dépendance, que ce soit grâce à la ressource du nickel ou aux économies verte et bleue qu’il est possible d’exploiter pour valoriser le patrimoine intrinsèque de l’archipel, ou dans le cadre de partenariats et d’accords avec les territoires du bassin de l’océan Pacifique.
Dans la limite de son nouveau rôle à l’issue du scrutin, l’État français devra continuer à contribuer à la lutte contre les inégalités, à aider les provinces les plus fragiles à gagner la bataille du développement et, à terme, à faire en sorte que les différentes communautés ne réfléchissent plus par rapport à la France.
Aujourd’hui, au-delà du référendum qui se prépare – nous serons très attentifs au bon déroulement de la campagne qui le précédera –, il s’agit d’anticiper l’issue du scrutin pour que les tensions endormies ou apaisées sur l’archipel ne se réveillent pas, si le respect des communautés composant le territoire venait à faiblir.
Finalement, il s’agit d’être à la hauteur de cet événement historique et, au-delà des réserves que j’ai émises, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera en faveur de ce texte et des amendements qui ont été déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Patrick Kanner et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, en juillet 2013, j’étais intervenu dans le débat sur l’actualisation de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et je reconnaissais bien volontiers mon ignorance des réalités sociologiques, historiques et politiques de ce territoire. Depuis, je pense m’être un peu rattrapé, notamment en me rendant sur place dans le cadre d’une étude triennale sur le foncier menée par la délégation sénatoriale aux outre-mer.
Je suis toujours convaincu que la spécificité du modèle calédonien depuis la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 est sans équivalent. Ce modèle est, néanmoins, l’héritage d’une histoire complexe, marquée par de violents affrontements entre communautés autour de la question de l’accession à l’indépendance.
La signature des accords de Matignon avait mis un terme à plusieurs années de tensions ayant atteint leur paroxysme lors de la tragédie de la grotte d’Ouvéa.
Ces accords ont été suivis par celui de Nouméa et par sa traduction juridique, la loi organique du 19 mars 1999, qui prévoyait des transferts progressifs de compétences de l’État vers la Nouvelle-Calédonie et la tenue d’une consultation de la population entre 2014 et 2018 pour décider de l’avenir institutionnel de cette collectivité.
Ce moment est aujourd’hui arrivé, mais l’une des questions essentielles de l’organisation de la consultation, qui devrait avoir lieu en novembre prochain, repose sur la composition du corps électoral qui y participera.
Il existe en Nouvelle-Calédonie trois listes électorales distinctes, selon les règles fixées par la loi organique précitée de 1999.
La première, dite liste électorale générale, regroupe les électeurs participant aux élections nationales françaises.
La deuxième, dite liste électorale spéciale, permet aux électeurs inscrits de participer à l’élection des assemblées délibérantes spécifiques de la Nouvelle-Calédonie.
Enfin, pour la troisième liste, à savoir la liste électorale spéciale à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, les critères d’inscription sont plus restrictifs : les électeurs qui pourront participer au référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie doivent se trouver dans l’un des huit cas prévus à l’article 218 de la loi organique du 19 mars 1999.
C’est l’inscription sur cette troisième liste qui fait l’objet de difficultés. Aujourd’hui, environ 160 000 électeurs y sont inscrits, tandis qu’entre 10 000 et 22 000 personnes pourraient demander à y figurer, si elles étaient inscrites sur la liste électorale générale.
Le 2 novembre dernier, sous l’égide du Premier ministre, le XVIe comité des signataires de l’accord de Nouméa a trouvé un consensus sur les modalités d’organisation du référendum d’autodétermination.
Le présent projet de loi organique est la traduction de cet accord politique.
Il permettra d’inscrire d’office sur la liste électorale générale les électeurs qui n’y figurent pas et qui ont leur domicile réel dans une commune située en Nouvelle-Calédonie ou y habitent depuis six mois au moins, conformément au droit commun.
Il permettra également de procéder à l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale des électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et domiciliés de manière continue pendant trois ans, lesquels seront réputés y avoir le centre de leurs intérêts matériels et moraux.
Par ailleurs, il prévoit que les électeurs inscrits sur les listes électorales des communes éloignées de Bélep, de l’île des Pins, de Lifou, de Maré et d’Ouvéa, mais résidant sur la Grande-Terre, pourront voter à Nouméa dans des bureaux de vote communaux délocalisés.
Enfin, il rendra possible l’ouverture d’une période de révision complémentaire de la liste électorale spéciale pour l’élection des membres du congrès et des assemblées de province, la présence sur cette liste étant également l’un des critères au titre duquel il est possible d’être inscrit sur la liste électorale spéciale.
Ce texte, qui est d’une importance capitale pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, marque l’engagement pris par ce gouvernement d’honorer sa parole et de permettre la plus large représentation à cette consultation, afin qu’elle se déroule dans des conditions sereines et transparentes et que le résultat qui en découle se révèle par conséquent incontestable.
Ce résultat, quel qu’il soit, ne devra pas opposer deux camps : celui du « oui » et celui du « non ». Il devra permettre de continuer la construction de cette communauté de destin des Calédoniens, chère aux élus de ce territoire, notamment mes collègues et amis, Pierre Frogier et Gérard Poadja.
Pour toutes ces raisons, le groupe La République En Marche votera en faveur de ce projet de loi organique. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Patrick Kanner, Jean-Pierre Sueur et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Poadja, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Gérard Poadja. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis très ému de m’adresser à vous aujourd’hui, parce que le projet de loi organique que nous examinons me donne l’occasion de vous parler de mon histoire et, au travers d’elle, de l’histoire du pays.
Vous me connaissez sous le nom de Gérard Poadja. Mon nom en païci – l’une des vingt-huit langues kanakes de la Nouvelle-Calédonie – est Pounou ; c’était le nom du frère de mon père. Mon père est Auguste Poadja, grand chef du district de Poindah.
Tous deux ont été engagés volontaires (Marque d’approbation de M. Jean-Claude Requier.) au sein du Bataillon du Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle pas moins de 2 000 Calédoniens, dont un millier de Kanaks, ont participé à la défense du monde libre.
Mon père était stockman, ces cow-boys calédoniens qui, à l’époque, dans les années 1930 à 1950, conduisaient sur plusieurs centaines de kilomètres les troupeaux de bovins de la province Nord jusqu’à Nouméa, afin d’alimenter la capitale en viande.
Il a ensuite été éleveur sur sa propriété. C’était la concrétisation d’un rêve, mais ce rêve s’est fracassé à partir de 1983-1984 sur ce que l’on appelle pudiquement chez nous « les événements ». Nuit après nuit, notre cheptel a été abattu à coup de sabre et de tamioc ; nos champs ont été saccagés, nos barrières coupées, notre famille menacée.
Nous avons dû abandonner notre propriété, comme beaucoup d’autres Calédoniens de toutes origines de la Grande-Terre et des îles. Nous avons dû le faire, parce que, à ce moment-là de l’histoire, nous n’étions pas, politiquement, du bon côté ; nous étions du côté de la France, de la République.
Aujourd’hui, presque quarante ans après, je continue de défendre les convictions de mes vieux au sein de Calédonie Ensemble, principale formation politique non indépendantiste de Nouvelle-Calédonie.
Madame la ministre, mes chers collègues, si je délivre devant vous aujourd’hui cette part d’intimité qui n’a pas souvent sa place dans les palais de la République, c’est parce que mon engagement pour que la Nouvelle-Calédonie demeure au sein de la République française est un engagement de longue date, dont ma famille a payé le prix dans sa chair et dans son sang.
Peut-être comprenez-vous mieux maintenant mon attachement viscéral à la paix ! Celle qui a été tissée depuis que deux hommes d’exception, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, ont su se serrer la main au lendemain du terrible drame d’Ouvéa.
Cette paix qui, trente années durant, au travers des accords de Matignon et de Nouméa, nous a permis de bâtir un vivre ensemble calédonien, dans lequel chacun, quelle que soit son origine ethnique, a appris, au fil du temps, à comprendre l’autre et à le respecter.
Nous arrivons aujourd’hui au terme de cet accord. Une consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté doit être organisée au plus tard en novembre 2018.
Cette consultation majeure pour l’avenir de notre pays aboutira à un résultat, dont ni la légitimité ni la sincérité ne doivent pouvoir être remises en cause.
C’est pourquoi, lors du XVIe comité des signataires de l’accord de Nouméa, les partenaires politiques se sont unanimement mis d’accord sur trois points majeurs : inscrire d’office sur les listes électorales générale et référendaire tous les natifs du pays, qu’ils soient kanaks ou non kanaks ; favoriser le vote personnel des électeurs, en créant des bureaux de vote décentralisés pour les inscrits des îles qui résident sur la Grande-Terre ; encadrer de manière plus rigoureuse le recours au vote par procuration.
Chacun de ces engagements a été respecté et, autant que nécessaire, repris dans les amendements que j’ai moi-même présentés lors de la réunion de la commission des lois.
Pour autant, cette consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté porte en elle un vice originel : elle réduit de manière frontale les Calédoniens à ce qui les oppose, avec les risques de tensions ethniques, politiques et sociales qui en découlent.
Comment, dès lors, poursuivre l’œuvre de réconciliation et de paix de ceux qui nous ont précédés, tout en respectant cette échéance prévue par l’accord de Nouméa ?
En conscience, nous, indépendantistes et non-indépendantistes, avons proposé d’adopter, avant le référendum, une déclaration solennelle sur le patrimoine commun de tous les Calédoniens.
Une déclaration qui nous permettrait de sceller nos convergences sur le destin commun, afin d’assumer plus sereinement nos divergences sur l’avenir du pays lors de la consultation.
Une déclaration sur ce qui fait notre ciment, nos acquis de ces trente dernières années, parmi lesquels le processus de décolonisation et d’émancipation, les valeurs calédoniennes qui nous lient, des institutions singulières à l’échelle de la République, des mémoires heurtées devenues au fil du temps une mémoire commune, et tout ce qui fait que l’on se sent calédonien.
Cette déclaration permettra ainsi d’affirmer ce qui nous rassemble avant de nous prononcer sur ce qui nous divise.
C’est ainsi que nous pourrons maintenir ce que nous avons de plus cher dans notre pays : la paix !
Chers amis, chers collègues, celui qui s’exprime à la tribune est un Kanak, qui appartient à une civilisation millénaire. Il est calédonien, aussi, parce qu’il a décidé de partager son pays avec celles et ceux qui, depuis 165 ans, ont contribué à sa mise en valeur. Il est français, enfin, parce que la grande histoire du monde a voulu que ce soit la France qui, en 1853, prenne possession de cette petite île du Pacifique.
Ce Kanak, ce Calédonien, ce Français aujourd’hui devant vous revendique toutes ces appartenances qu’une grande partie des Calédoniens a appris à conjuguer.
Je souhaite plus que jamais que, au lendemain du référendum, nous soyons capables de continuer à les conjuguer, ensemble, dans la France et dans la paix. Comme l’a dit mon grand frère coutumier Élie Poigoune, leader indépendantiste historique, « la Nouvelle-Calédonie a besoin d’un grand frère, et ce grand frère, c’est la France ».
Vive la Nouvelle-Calédonie ! Vive la République ! Vive la France ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain. – M. le rapporteur félicite chaleureusement l’orateur à sa descente de la tribune.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jacques Bigot. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, rapporteur de ce projet de loi organique, mes chers collègues, il est difficile de prendre la parole après Gérard Poadja, qui a parlé avec son cœur de son histoire, de ce qu’il vit en Nouvelle-Calédonie.
En ce qui me concerne, je dois au hasard de la décision du président de la commission des lois de se rendre en Nouvelle-Calédonie pour procéder à des auditions afin de s’assurer que le texte qui nous est proposé est bien conforme à ce que souhaite le peuple de Nouvelle-Calédonie d’avoir découvert ce territoire. Je le reconnais, j’y ai fait des rencontres tout à fait riches et intéressantes.
Mon cher collègue, je pense que ce que vous venez de dire doit nous inspirer dans l’approche de ce projet de loi organique.
Je ne peux pas m’empêcher, fidèle à mes valeurs et à mes origines politiques, de penser en cet instant à Michel Rocard, Premier ministre, qui, confronté à ces moments de tension dont vous venez de parler, a réussi dans la concertation et le consensus à bâtir les accords de Matignon sur la Nouvelle-Calédonie. Grâce à lui, trente ans plus tard, les choses sont peut-être apaisées et un destin commun est possible, même si rien n’est facile.
De ce point de vue, les accords sont très clairs : un scrutin d’autodétermination doit avoir lieu, parce que c’est l’engagement que la République a pris. Dix ans après, et notre collègue Pierre Frogier pourra en parler naturellement mieux que moi, les signataires ont décidé qu’il était trop tôt pour organiser le référendum et qu’il fallait de nouveau vingt années, d’où l’accord de Nouméa. Ce dernier a également mis en place le transfert de toute une série de compétences de l’État vers le congrès de la Nouvelle-Calédonie ou les provinces pour faire en sorte que cette terre si lointaine de la métropole – 17 000 kilomètres – puisse s’organiser de manière plus libre et plus conforme aux besoins du territoire.
Dans le cadre de la recherche d’un consensus, il était même prévu que le référendum devait d’abord être en quelque sorte dessiné par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, à partir de 2014, c’est-à-dire au cours du dernier mandat de ce congrès. Une majorité des trois cinquièmes du congrès ne s’étant pas dégagée pour organiser le référendum, il incombe à l’État, conformément aux termes très clairs de la loi organique votée en 1999, d’organiser à présent cette consultation, madame la ministre, dans des délais contraints et compliqués, pour s’assurer que nul ne vienne dire que l’accord de Nouméa n’a pas été respecté.
La question à poser reste compliquée, et nous attendrons avec impatience le décret du Gouvernement. Nous avons parfois été interrogés sur ce point lors de nos entretiens, mais il appartient au Gouvernement de prendre la décision. Fort heureusement, vous avez accepté l’idée de la consultation préalable du congrès, ce qui est de bonne démocratie.
L’organisation de ce référendum doit être totalement incontestable. Il est fondamental que nul ne puisse, au lendemain du scrutin, dire que les dés étaient pipés, que le scrutin n’a pas été bien organisé. C’est le sens de la présence très forte de l’ONU ; c’est le sens également de la présence de magistrats, qui vont être chargés de contrôler les opérations ; c’est le sens aussi de la demande initiale des indépendantistes qu’il y ait des inscriptions d’office, ce qui est une exception dans notre organisation républicaine.
Ce dernier point, notamment, a fait l’objet d’un débat au sein du comité des signataires, qui a abouti à un accord le 2 novembre dernier, et d’un avis du congrès, qui s’est prononcé en faveur de l’inscription d’office des natifs de Nouvelle-Calédonie qui ont le statut coutumier, bien évidemment, mais aussi de ceux qui, n’ayant pas le statut coutumier, peuvent néanmoins justifier d’une présomption, qui n’est pas irréfragable, comme l’a rappelé le président Bas, que leur centre d’intérêts matériels et moraux se trouve bien en Nouvelle-Calédonie.
Tout cela, comme il nous l’a été rappelé, doit être tout à fait conforme à l’accord de Nouméa, lequel stipulait que le corps électoral pour les élections aux assemblées locales propres à la Nouvelle-Calédonie serait restreint aux personnes établies depuis une certaine durée, c’est-à-dire à celles qui, effectivement, ont leur centre d’intérêts matériels et moraux en Nouvelle-Calédonie, de par leur histoire, de par leur naissance, de par leur implantation. Elles seules pourront dire si elles souhaitent que la Nouvelle-Calédonie accède à la souveraineté, à un statut international, et qu’une nationalité néo-calédonienne remplace la citoyenneté calédonienne, etc.
Il faut aussi que chacun ait la possibilité de voter. C’est pourquoi il importe que les personnes inscrites dans les îles ne soient pas obligées d’y retourner ou de donner procuration et qu’elles puissent voter à Nouméa. C’est aussi une exception néo-calédonienne.
Il a également été introduit une limite pour les procurations. Certains le demandaient fortement lorsque nous les avons rencontrés ; d’autres étaient plus sceptiques. Pour ma part, je pense que vous avez bien fait, madame la ministre, de proposer un amendement sur ce point. Nous en avions discuté avec le président de la commission des lois dans l’avion qui nous ramenait de Nouvelle-Calédonie – on a le temps de discuter, lors de ce long voyage –, et nous nous étions demandé comment nous pouvions répondre à cette demande, malgré l’avis négatif du Conseil d’État. Selon moi, il est bon que nous allions au-delà de cet avis.
Enfin, et c’est le sens de votre dernier amendement, il faut que la campagne électorale puisse s’organiser du mieux possible, ces débats, qui ont lieu depuis des années, devant pouvoir continuer sereinement.
Après, que se passera-t-il ?
Si le référendum aboutit à l’autodétermination, la France devra sans doute accompagner l’assemblée constituante, permettre de constituer cet État de Nouvelle-Calédonie, et voir quels sont les partenariats que nous pourrons nouer avec ce territoire.
Dans le cas contraire, et nul ne peut aujourd’hui anticiper sur un tel scrutin, car cela serait la pire des choses, surtout dans cet hémicycle, si la Nouvelle-Calédonie choisit de rester dans la République, elle demeurera néanmoins naturellement un territoire au statut particulier. Comme vous l’avez rappelé, deux autres référendums sont possibles, à condition qu’un tiers du congrès le demande, mais, dans l’intervalle, si le référendum n’aboutit pas à l’autodétermination, il nous faudra bien travailler, sans doute aussi dans cet hémicycle et dans nos commissions, sur la pérennisation du statut particulier pour réussir cette phase.
Ce sera une expérience tout à fait intéressante pour la République.
Je veux vous dire, madame la ministre, en espérant que vous en fassiez part à vos collègues du Gouvernement, que nous avons là une démonstration très claire de l’importance qui doit être donnée aux élus en démocratie. Je me plais à le rappeler au moment où, au sommet de l’État, il me semble que l’on réfléchit à la manière, en quelque sorte, de vider le Parlement de sa substance, alors que l’on voit bien que, en démocratie, les élus ont un rôle fondamental. Sans les élus qui se rencontrent au congrès, sans les élus qui œuvrent au consensus, sans cette capacité de travailler ensemble, malgré des désaccords, on ne réussira pas. Si l’on veut travailler ensemble, il faut un Parlement.
M. Philippe Bas, rapporteur. C’est plus démocratique !
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. Jacques Bigot. Nous en sommes tous ici convaincus, en même temps… (Rires.)
Je le répète, si la Nouvelle-Calédonie choisit de rester dans la République, elle doit continuer à bénéficier d’un statut particulier, parce que sa situation est particulière. J’en suis convaincu, les articles 76 et 77 de la Constitution ne sont en rien transposables à d’autres territoires de la République, même si, en tant qu’Alsacien, je suis issu d’un territoire où certains, parfois, réclament un statut particulier. La République a du sens et, à cet égard, cher collègue Gérard Poadja, nous avons des expériences à partager, car nous savons aussi, en Alsace, quel est le prix de la paix ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jean-Louis Lagourgue. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà près de trente ans maintenant, les accords Matignon-Oudinot mettaient fin à une période de tensions sévères entre la communauté kanake et la communauté européenne sur le territoire calédonien ; trente ans, et derrière nous déjà, une longue série de négociations vers l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie.
Ces accords Matignon-Oudinot avaient prévu un temps de réflexion de dix ans, période de développement supposée instaurer des garanties institutionnelles et économiques pour le peuple kanak, dans l’attente de sa prochaine indépendance. À l’issue de ces dix années, le 5 mai 1998, le Gouvernement a signé l’accord de Nouméa prévoyant le transfert d’un certain nombre de compétences vers la Nouvelle-Calédonie. Faisant exception de domaines clés comme la défense, la sécurité, la justice, ou encore la diplomatie, ce transfert de compétences a marqué la première étape d’une reconnaissance de l’autonomie du territoire calédonien. À Nouméa encore, gouvernement français et représentants kanaks s’étaient entendus sur l’échéance de 2018 pour l’organisation d’un référendum sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.
Le présent projet de loi organique a pour objet d’apporter les modifications législatives nécessaires pour faciliter les opérations de vote lors de cette consultation et pour favoriser l’inscription sur les listes électorales.
Il vise notamment à mettre en place une procédure exceptionnelle d’inscription d’office sur les listes électorales générales des communes de la Nouvelle-Calédonie pour tous les électeurs, qui, n’étant pas déjà inscrits sur une liste électorale, ont leur domicile réel dans une commune de la Nouvelle-Calédonie ou y habitent depuis six mois au moins. Il prévoit d’inscrire d’office sur la liste électorale spéciale à la consultation les électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux, dès lors qu’ils y ont été domiciliés de manière continue durant trois ans, appréciés à la date de la clôture définitive de la liste électorale spéciale. Ce texte permettra également, s’il est adopté, aux électeurs inscrits sur les listes électorales des communes de Bélep, de l’île des Pins, de Lifou, de Maré et d’Ouvéa de voter à Nouméa pour ce scrutin.
Enfin, il élargit la possibilité d’ouvrir une période complémentaire de révision des listes électorales l’année du scrutin et garantit la sécurité juridique de l’organisation de la consultation.
La commission des lois a enrichi ce projet de loi organique sans en modifier l’équilibre. En effet, deux nouvelles dispositions ont été insérées : l’une encadrant plus strictement le droit de vote par procuration ; l’autre précisant que le décret de convocation des électeurs est pris après consultation à la fois du congrès et du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Pour conclure, je dirai qu’il est primordial que ce processus de consultation référendaire se déroule le mieux possible. Aussi, pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce projet de loi organique, dont les dispositions ont été adoptées, il faut le souligner, à l’unanimité par la commission des lois du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Stéphane Artano. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, président de la commission des lois, mes chers collègues, prévue par l’accord de Nouméa de 1998, la mise en œuvre de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie nécessite de transcrire dans la loi organique du 19 mars 1999 le résultat de l’accord politique obtenu au sein du comité des signataires de l’accord de Nouméa, tenu le 2 novembre 2017.
Le dépôt tardif du texte sur le bureau du Sénat introduit une importante contrainte temporelle avec laquelle nous devons composer, compte tenu du nombre important de mesures réglementaires à publier et des délais de recours à respecter avant l’expiration du délai prévu par l’accord, en novembre 2018. Le Conseil d’État n’a pas manqué de souligner, dans son avis du 30 novembre 2017, un calendrier particulièrement serré.
Depuis 1998, les tensions se cristallisent essentiellement autour de la composition de la liste électorale spéciale rassemblant les électeurs habilités à prendre part à la consultation sur la pleine souveraineté, ses partisans dénonçant l’exclusion de près de 23 000 Kanaks sur 90 000 en âge de voter, soit une part non négligeable du corps électoral total de près de 160 000 personnes.
C’est pourquoi nos collègues Gérard Poadja, Pierre Frogier, ainsi que les députés Philippe Gomès et Philippe Dunoyer, plaident auprès des partenaires politiques locaux et de l’État la nécessité de procéder à l’inscription d’office de ces quelque 11 000 natifs du pays sur les listes électorales.
La conciliation entre cette préoccupation et la nécessité de permettre aux nouveaux résidents français de prendre part à la vie démocratique explique la coexistence de trois listes électorales distinctes en Nouvelle-Calédonie.
Conformément à la volonté exprimée lors du XVIe comité des signataires de l’accord de Nouméa, le projet de loi organique soumis à notre examen comprend diverses mesures pour garantir la légitimité du scrutin et favoriser la plus large participation des « populations intéressées » à l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, garantissant ainsi la sincérité de la consultation à venir.
Ce texte traduit par conséquent fidèlement la volonté commune des signataires de l’accord de Nouméa, des représentants des institutions calédoniennes et des formations politiques locales. La commission des lois l’a approuvé, moyennant quelques améliorations auxquelles le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a souscrit. Je n’y reviendrai donc pas, si ce n’est pour évoquer deux propositions d’amendement émanant du président de mon groupe, Jean-Claude Requier, concernant, d’une part, l’information des électeurs, que nous considérons nécessaire, sur les modalités d’exercice du droit d’option, afin de garantir la sincérité du scrutin, et, d’autre part, les meilleures conditions d’information des électeurs quant aux modalités d’exercice du droit de vote par procuration.
Sur ce point, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a émis le souhait, dans son avis du 23 novembre 2017, de voir préciser le vote par procuration. Je rappellerai, pour clore ce débat, que l’avis du Conseil d’État souligne une fois encore les lacunes de l’étude d’impact fournie par le Gouvernement concernant les mesures relatives au régime des procurations.
Madame la ministre, sur le plan strictement législatif, votre projet de loi organique entre dans le cadre légal en vigueur. Pourtant, mon groupe attire l’attention du Gouvernement sur l’exercice même qui va se traduire concrètement par l’organisation de la consultation.
Le président de la commission des lois, dont je salue l’engagement sur ce dossier, s’est rendu personnellement en Nouvelle-Calédonie début janvier, avec Jacques Bigot, pour s’assurer que le dispositif prévu correspondait bien à la volonté de toutes les forces en présence.
Monsieur le président, vous avez souligné en commission des lois, le 7 février, que cette consultation comportait des risques pour la concorde civile en Nouvelle-Calédonie. Notre collègue Gérard Poadja, auditionné par cette même commission, indiquait également qu’une consultation mal préparée pourrait provoquer des tensions ethniques et politiques. Ainsi, en contribuant à rendre le résultat incontestable, les dispositions de ce projet de loi organique sont de nature à favoriser une consultation référendaire apaisée, …
M. Philippe Bas, rapporteur. Exactement !
M. Stéphane Artano. … certes, mais j’aimerais ajouter une autre préconisation, qui concerne le texte même de la question posée. Je me suis personnellement confronté pendant deux ans à certains élus de mon territoire,…
M. Philippe Bas, rapporteur. Lesquels ?
M. Stéphane Artano. … dont la volonté, relayée par le Gouvernement, était de vouloir introduire par voie référendaire une modification du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Gouvernement a finalement fait le choix de reculer, mais la question posée était, de mon point de vue, extrêmement ambiguë.
Loin de vouloir ouvrir une polémique avec le Gouvernement, j’insiste néanmoins sur l’impérieuse nécessité de faire en sorte que la question posée pour la Nouvelle-Calédonie soit claire et sans aucune ambiguïté. La réponse doit être oui ou non.
La formulation de la question ne doit pas être l’occasion d’ouvrir un nouveau débat sur l’avenir institutionnel, sinon les efforts déployés pour rendre incontestable cette consultation voleraient en éclats, et nous risquerions d’ouvrir une crise politique majeure que ce territoire n’a pas le luxe de s’offrir aujourd’hui.
Je sais combien le congrès de la Nouvelle-Calédonie et l’ensemble des forces politiques seront vigilants sur ce point.
Mais, ne nous y trompons pas, cette consultation ne réglera pas le sujet de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Celui-ci ne se résume pas à savoir si la Nouvelle-Calédonie doit ou non devenir un État souverain ; la réalité est beaucoup plus complexe.
En fait, ce qui se joue depuis quelques décennies en Nouvelle-Calédonie, c’est le vivre ensemble, que j’associe au troisième pilier de notre devise républicaine : la fraternité. Dans un contexte que nos collègues calédoniens pourraient mieux décrire que moi, cette consultation risque de créer une nouvelle fracture entre des populations qui cherchent une nouvelle voie pour mieux vivre ensemble. J’y insiste, indépendamment de l’aspect strictement législatif et institutionnel, tout doit être fait pour que cela n’arrive pas.
Au-delà de la loi se joue là le destin de populations qui souhaitent, avant tout, trouver un juste équilibre dans le respect de leurs réalités respectives. Nous ne prétendons pas avoir la solution, et je crois que, sur ce sujet, il appartient aux Calédoniens eux-mêmes de construire cette troisième voie du vivre ensemble. Or celle-ci ne passe pas seulement par la loi ; elle passe par l’intelligence collective, qui irrigue la Nouvelle-Calédonie, et qui s’est traduite voilà quelques minutes dans les propos de notre collègue Gérard Poadja, Kanak, Calédonien et Français. Faisons en sorte que cette triple appartenance perdure en toute sérénité dans notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Frogier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Frogier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, la France ou l’indépendance ? L’indépendance ou la France ? Tel est le choix que les Calédoniens auront à faire avant la fin de cette année.
C’est dans ce contexte que nous sommes appelés aujourd’hui, une nouvelle fois, à modifier la loi organique de 1999. Il s’agit de traduire juridiquement le compromis politique sur le corps électoral qui a été trouvé, sous l’autorité du Premier ministre, lors du comité des signataires du mois de novembre dernier.
On ne peut que se réjouir, bien sûr, qu’un accord ait été trouvé sur la question délicate de la composition de la liste référendaire. Cela devrait contribuer à rendre ce scrutin incontestable.
Je me félicite par ailleurs, madame la ministre, que le Gouvernement présente un amendement visant à mieux encadrer l’usage des procurations. Je vous remercie de nous avoir entendus, ce qui n’était pas évident au départ, car le caractère de cette consultation exige que chacune et chacun d’entre nous s’expriment personnellement. Le vote par procuration doit rester l’exception. Il y va de la sincérité de ce scrutin d’autodétermination.
Je voterai donc en faveur de ce texte.
Voilà pour ce qui est de la préparation technique de cette consultation, mais l’essentiel n’est pas là.
Lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre, que vous accompagniez au congrès, madame la ministre, a affirmé devant la représentation territoriale – vous l’avez entendu comme moi – que le peuple calédonien serait amené à s’exprimer souverainement – j’insiste bien, car les mots ont un sens –, lors de la consultation d’autodétermination.
Que le Premier ministre de la France fasse référence dans son discours à un peuple distinct du peuple français qui, de surcroît, serait souverain, et ce à quelques mois du scrutin d’autodétermination, ne peut pas être une maladresse.
Une telle expression marque une orientation : inscrire d’ores et déjà la Nouvelle-Calédonie en marge de l’ensemble français ; donner des gages aux indépendantistes, que l’on sait pourtant minoritaires parmi les citoyens calédoniens.
C’est la poursuite de l’ambiguïté à laquelle nous ont déjà habitués les gouvernements de François Hollande pendant cinq ans. Signe des temps, d’ailleurs, comme sous la majorité précédente, c’est toujours l’ancien directeur de cabinet de François Hollande, haut fonctionnaire d’une grande respectabilité par ailleurs, qui représente l’État en Nouvelle-Calédonie et qui préside à nos échanges, dans une continuité tranquille, par-delà les alternances.
Cette ambiguïté, elle est partout dans la manière dont l’État aborde cette consultation.
Ne nous y trompons pas, dans cette affaire, les positions respectives des partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France et des indépendantistes sont parfaitement connues. Le seul acteur dont l’avis n’est pas connu, le seul qui refuse de s’engager dans ce débat, le seul qui ne veut pas dire ce qu’il veut, c’est l’État ! Comme s’il avait peur de dire que le fait que des centaines de milliers de Français pourraient quitter l’ensemble national ne lui est pas indifférent. Est-ce si difficile pour l’État de dire son attachement à une Nouvelle-Calédonie dans la France ?
Au lieu de prononcer ces mots simples, madame la ministre, vous nous demandez de nous réunir à Nouméa – j’ai bien entendu vos propos lors des vœux que vous avez prononcés en votre ministère – pour poursuivre le dialogue politique.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Pour ne contrarier personne, vous nous demandez de nous réunir en groupes de travail, afin de préparer, du moins est-ce ainsi que je l’interprète, l’hypothèse d’une Nouvelle-Calédonie dans la France, mais aussi celle d’une Nouvelle-Calédonie indépendante. Mais je ne tomberai pas dans ce piège !
Je n’ai certainement pas reçu mandat de préparer, même sous forme d’hypothèse de travail, le scénario d’une Nouvelle-Calédonie indépendante ou associée à la France. Toute l’histoire du parti politique que je préside, toute mon histoire personnelle tendent à permettre à la Nouvelle-Calédonie de rester française.
Et l’État, à quelques mois d’un référendum politiquement mal préparé – je le dis et le répète depuis tant d’années –, voudrait que je donne ma caution à cette démarche …
Mes chers collègues, je vous le dis très clairement : l’État n’a, par définition, aucune légitimité pour préparer l’indépendance, tout simplement parce que l’indépendance serait la fin du lien politique et juridique avec la France.
Dans ces conditions, madame la ministre, je vous demande solennellement, devant la représentation nationale, de préciser le cadre politique des groupes de travail animés par le représentant de l’État en Nouvelle-Calédonie. Préparons-nous aussi l’indépendance, ou une solution qui s’y apparenterait ?
J’attends de votre part une réponse claire, pour permettre à chacun de se positionner en conscience : oui, l’État vous demande d’évoquer aussi l’hypothèse de l’indépendance ; ou non, l’État prépare la seule situation qui relève de sa compétence, le maintien dans la France. Il ne devrait pas être difficile pour un responsable national de répondre à cette question aussi clairement que je la formule.
S’il s’agit de préparer notre avenir dans la France, comme c’est la responsabilité première de l’État, dites-le, et je m’y engagerai de toutes mes forces. Mais s’il s’agit aussi de préparer l’hypothèse d’une indépendance, ou d’une indépendance-association, je vous combattrai résolument.
Madame la ministre, la première qualité d’un responsable politique est la lucidité. Or la lucidité, c’est de constater, comme je l’ai fait, que le temps de la recherche d’un nouvel accord politique est derrière nous.
Signataire des accords de Matignon, signataire de l’accord de Nouméa, j’ai tenté pendant près de dix ans – oui, dix ans – d’emprunter tous les chemins possibles, sans exception, pour empêcher qu’un référendum brutal et mal préparé ne vienne anéantir tout ce que nous avions patiemment construit.
Depuis six ans, au lieu de m’accompagner sur ce chemin et malgré les gestes que j’ai faits pour l’y encourager, l’État a choisi de gagner du temps, parfois même de me combattre. C’est sa responsabilité, mais qu’il assume désormais ses ambiguïtés successives.
Ce que je demande à l’État, tout simplement, car il le doit à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, c’est de la clarté à la veille de ce référendum.
Cela m’amène à ma seconde question. Il existe une grande crainte parmi nous, déjà évoquée par nombre d’orateurs : celle que l’État ne propose aux suffrages des Calédoniens une question alambiquée, une question ambiguë.
Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que votre intention est bien de demander aux Calédoniens s’ils souhaitent, ou non, le maintien dans la France, sans aller à la recherche de formulations susceptibles de biaiser l’expression de leur volonté ?
Je vous remercie des réponses que vous pourrez nous apporter, car, si le temps de la recherche d’un nouvel accord est passé, la période qui nous sépare de la consultation ne peut pas être celle de l’ambiguïté ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jérôme Bignon. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Jean-Louis Lagourgue l’a rappelé avec des mots pleins de sens : la Nouvelle-Calédonie s’apprête à tourner une page décisive de son histoire.
En novembre prochain, trente ans après les accords de Matignon, vingt ans après celui de Nouméa, le référendum devra bien ouvrir une nouvelle étape pour construire l’avenir de ce territoire. La page, aujourd’hui encore blanche, devra alors s’écrire avec l’aide et la participation de tous.
Quelle sera-t-elle ? Nul à cet instant ne le sait, mais, en raison des accords intervenus, le référendum est inéluctable.
On peut comprendre – je l’avais écrit avant de l’entendre – que Pierre Frogier et d’autres auraient préféré l’éviter, en raison de son caractère binaire.
Trouver une solution consensuelle, sans gagnant ni perdant, avant le référendum, en profitant des traditions encore vivaces, de la palabre, de la coutume pour y parvenir, était une option raisonnable, certainement très sage. Mais cela ne s’est pas fait. L’esprit qui avait inspiré Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou n’était pas au rendez-vous. On peut le regretter, mais il faut le constater. Dès lors, il fallait commencer par réussir cette consultation pour passer à l’étape suivante.
Je connais et salue l’esprit de responsabilité des deux sénateurs calédoniens, Pierre Frogier et Gérard Poadja ; nous avons besoin d’eux pour avancer dans la direction dans laquelle nous voulons tous aller ensemble.
Pour coconstruire et préserver l’équilibre fragile de ce référendum, un comité dit des signataires de l’accord de Nouméa s’est réuni régulièrement pendant deux décennies. Il a assuré, parfois difficilement, un dialogue continu entre l’ensemble des parties prenantes.
Il faudra, demain, avoir soin de consolider, sous une forme ou sous une autre, cette instance de dialogue, pour que les résultats de la consultation sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, quelle qu’en soit l’issue, ne lèsent, ni ne blessent, ni n’écartent aucune des parties. Elle devra offrir à chacune une place autour de la table de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, pour construire la suite.
Pour ma part, j’aime l’idée, à laquelle Mme la ministre aussi a fait référence, de la grande palabre à l’océanienne, souvent évoquée par mon collègue Pierre Frogier, acteur essentiel et historique, au côté de Jacques Lafleur, de la vie calédonienne de ces dernières années.
Pour que cette consultation ne soit sujette à aucune remise en cause ni contestation, le projet de loi organique assure la mise en place de règles nouvelles ; je n’y reviens pas, tous les orateurs en ayant déjà parlé abondamment et méticuleusement.
Je salue le travail efficace du Premier ministre, Édouard Philippe, qui joue dans ce processus un rôle essentiel, loué par Philippe Gomès, député de la Nouvelle-Calédonie, en ces termes : « C’était important d’avoir la bonne personne à ce moment de notre histoire, et je crois qu’Édouard Philippe est la bonne personne. » Cela suffit à résumer la responsabilité entière que le Premier ministre assume. Je ne doute pas, monsieur Frogier, que vous trouviez dans l’esprit de responsabilité qui l’anime sur ce sujet les réponses que vous attendez.
Ce qu’il faut désormais, c’est prévoir la suite. En effet, le référendum, quel que doive en être le résultat, ne permet pas de faire l’impasse sur les grands sujets d’avenir.
C’est la raison pour laquelle le comité des signataires de novembre 2017 – je l’ai constaté en lisant le compte rendu – a dressé une feuille de route préparant l’étape d’après. Des thématiques essentielles y sont abordées, comme l’économie liée au nickel ou la jeunesse calédonienne et les enjeux qu’elle représente.
Le Sénat est très sensible à cette approche. Le président Larcher avait mis en place, dès novembre 2015, un groupe de contact, qui existe toujours, chargé de réfléchir de façon large à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Mme la présidente. Mon cher collègue, votre temps de parole est nettement dépassé…
M. Jérôme Bignon. Alors, je termine, madame la présidente, en disant que le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera le projet de loi organique sans en toucher une ligne, comme nous y a invités notre rapporteur, avec la rigueur juridique qui le caractérise ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Robert Laufoaulu. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour discuter d’un projet de loi sur la Nouvelle-Calédonie. C’est dire la place spéciale, unique et primordiale qu’occupe ce territoire.
Nous tous, responsables politiques, sommes tendus vers l’objectif fixé : organiser dans l’harmonie et la concorde le référendum inscrit dans la loi organique de 1999.
Les dirigeants calédoniens ont assumé avec conscience leur devoir, et la consultation se fera dans la transparence et la confiance.
Je veux m’associer aux salutations adressées à cette haute conscience des responsabilités dont font preuve les Calédoniens aux moments cruciaux de leur histoire : ils font le pari de l’intelligence, avec leur grande capacité à se rassembler lorsque les circonstances l’exigent et à se projeter ensemble dans l’avenir.
Je tiens à saluer aussi l’engagement de l’État, qui s’est mobilisé pour dégager, conjointement avec les responsables calédoniens, la route quelque peu chaotique du référendum.
Le Premier ministre, en présidant le dernier comité des signataires et lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie l’an passé, s’est inscrit dans la lignée politique des visionnaires éclairés et vigilants du dossier calédonien.
Notre rôle, en tant que parlementaires, est d’accompagner la volonté des Calédoniens de tenir le référendum dans les termes du consensus qu’ils ont encadré. Avec le souci d’améliorer, peut-être, mais toujours, en tout cas, dans le respect fidèle de leurs décisions.
Les résultats de la consultation sont, de l’avis d’un grand nombre d’observateurs, connus d’avance et très certainement en défaveur de l’indépendance. Dès lors, était-il nécessaire d’en passer par cette étape, qui risque de raviver de mauvais souvenirs, de créer un sentiment d’humiliation chez certains, d’en tenter d’autres de retourner à la violence ?
Le questionnement sur un autre accord ou sur la déclaration commune pour le patrimoine commun était tout à fait légitime. Ce sont des questions qui me viennent à l’esprit, à moi qui ai connu, vécu les moments difficiles traversés par la Nouvelle-Calédonie durant la décennie quatre-vingt. Mais le choix des Calédoniens est d’aller aux urnes, et, encore une fois, nous avons grande confiance.
L’essentiel, désormais, sera la nécessaire poursuite de la route commune, après le référendum. Les trente années qu’on a voulu être celles du rééquilibrage et de la construction d’un destin commun n’ont pas donné satisfaction à tous. Les jugements reflètent les clivages traditionnels : les uns en font trop, les autres, pas assez.
Trente années suffisent-elles pour atteindre de telles ambitions, de telles aspirations ? Ce sont des modes de vie, des cultures qui se sont engagés à dialoguer et à partager afin de se construire un destin commun. C’est un pari difficile, pour lequel il faut des acteurs humbles, respectueux de l’autre, honnêtes dans le constat et dans la poursuite des nouveaux objectifs à fixer.
Je salue mes concitoyens originaires de Wallis-et-Futuna qui habitent en Nouvelle-Calédonie, où ils sont nombreux – près de 10 % de la population vivant sur ce territoire. Je les encourage à participer toujours avec ardeur, et dans le respect des autres, à la construction de leur terre d’accueil.
À travers Pierre Frogier et Gérard Poadja, je souhaite à tous les responsables politiques, coutumiers, religieux, administratifs et associatifs de cette belle contrée du Pacifique, à laquelle je suis si attaché, courage et succès dans la préparation du référendum.
À tous les habitants de la Nouvelle-Calédonie, quelle que soit leur origine, je veux redire la fidélité d’un homme qui a vécu sur cette terre qu’ils aiment pendant plus de trente années. J’ai toujours en tête l’appel du vieux Kanak qui vantait ses îles en affirmant : « Le paradis n’est pas loin, ne passez pas à côté ! » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. Avant que nous n’entrions dans la partie technique du débat, je veux réaffirmer que le Gouvernement a conscience de son obligation d’être à la hauteur de ce scrutin historique. Nous le serons techniquement. Nous le serons aussi politiquement.
Je dois vous dire, monsieur Frogier, sans esprit de polémique, que j’ai du mal à accepter vos remarques sur le Haut-commissaire. Elles sont injustes, vis-à-vis d’un homme qui a voué une grande partie de sa vie à la Nouvelle-Calédonie, qu’il aime – vous le savez – et qui est à vos côtés tous les jours pour construire la Calédonie d’aujourd’hui et celle de demain. Il effectue le travail qu’on lui demande d’accomplir.
Pour répondre à votre question sur le dialogue politique, le climat doit être apaisé dès aujourd’hui. Les débats qui se déroulent sur le terrain, animés par le Haut-commissaire et à notre demande, ont pour objet de partager tout ce qui rassemble les Calédoniens, tout ce qui fait la force du dispositif qui se développe depuis trente ans. Ni plus, ni moins.
Il en va de même pour la notion de peuple. Je puis, moi aussi, l’utiliser, parce que, en fin de compte, elle est le corollaire de la citoyenneté calédonienne évoquée dans l’accord de Nouméa. Je dis donc aussi : « le peuple calédonien ».
Nous avons quelquefois, monsieur le sénateur, de grands débats sur ces sujets, et vous savez le plaisir que j’ai toujours à échanger avec vous. Au-delà de ce projet de loi organique, nous aurons de nombreuses occasions de le faire, et vous savez également que vous pouvez venir débattre avec moi de toutes ces questions – nous avons un différend ou deux sur la manière de présenter les choses…
Ne doutez pas que je suis totalement impliquée dans ma mission, sur un sujet qui est la priorité de mon ministère, comme l’a souhaité le Premier ministre, et qui le restera jusqu’au mois de novembre – peut-être un peu plus tôt… –, pour accompagner ce territoire dans l’organisation d’un moment qui, je le répète, sera historique.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la nouvelle-calédonie
Article 1er
Après le II bis de l’article 219 de loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, il est inséré un II ter ainsi rédigé :
« II ter. – L’année du scrutin, sans préjudice du droit pour les intéressés de demander volontairement leur inscription et sous réserve des vérifications nécessaires, la commission administrative mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 17 du code électoral et chargée, pour chaque bureau de vote de la Nouvelle-Calédonie, de dresser la liste électorale mentionnée au même alinéa inscrit d’office sur cette liste tout électeur qui, n’étant pas déjà inscrit sur une telle liste électorale, a son domicile réel dans la commune ou y habite depuis six mois au moins. La condition de résidence ou de domicile s’apprécie à la date de clôture définitive de ladite liste électorale.
« Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne portent aucune atteinte aux règles ci-dessus édictées pour l’inscription sur les listes électorales.
« Les conditions d’application du présent II ter sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis du gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie. »
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ayant, voilà quelques années, mené, longtemps, une délégation en Nouvelle-Calédonie, je puis témoigner, à la suite de M. le rapporteur, Philippe Bas, et partageant pleinement ce qu’a dit, tout particulièrement, Jacques Bigot, que s’est opérée pendant ces trente années toute une maturation, à la faveur de nombreux dialogues et efforts de compréhension.
Vous me permettrez de citer, après Jacques Bigot, mon ami Michel Rocard. Mes chers collègues, il y avait tellement de violence, tellement d’incompréhensions, tellement de refus de se parler qu’il a fallu que quelqu’un adoptât dans la sphère politique une démarche inédite – beaucoup pensaient qu’elle ne réussirait jamais… –, de manière que, peu à peu, les esprits se rapprochent. Ainsi Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur ont-ils pu accomplir ce qui, de part et d’autre, paraissait absolument impossible.
Cher Pierre Frogier, vous savez le grand respect que je vous porte, mais je crois que les choses doivent être claires : les accords de Matignon, en 1988, puis l’accord de Nouméa, en 1998, ont prévu qu’il y aurait un vrai choix. La République, l’État, se doit de proposer ce vrai choix. Ensuite, que votre oui soit oui et votre non soit non…
En tout état de cause, madame la ministre, il est absolument nécessaire – M. Frogier a tout à fait raison – que la question soit infiniment claire. Par respect pour tous ceux qui, ensemble, ont créé, déjà, quelle que soit l’issue de la consultation, une Calédonie nouvelle.
Ce qui est très émouvant, lorsqu’on va en Nouvelle-Calédonie, c’est d’aller à l’île des Pins et de penser aux Communards qui y sont enterrés, eux qu’on avait envoyés à 18 000 kilomètres de Paris pour qu’ils fussent le plus loin possible. Pendant ce temps, madame la présidente, Victor Hugo à cette tribune parlait pour l’amnistie, et Le Figaro écrivait : « M. Victor Hugo a enterré l’amnistie sous des flots d’éloquence extraordinaire »…Victor Hugo a obtenu sept voix, sept malheureuses voix, mais il a montré le chemin de la paix.
Ce que Michel Rocard et de nombreux autres, des Calédoniens de part et d’autre, construisent depuis trente ans – on a, oui, donné du temps au temps, comme disait un Président de la République auquel Michel Rocard s’est parfois opposé… –, nous devons le considérer, de même que le référendum ainsi aménagé grâce à l’accord de tous, comme une œuvre de paix ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Après l’article 218-2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée, il est inséré un article 218-3 ainsi rédigé :
« Art. 218-3. – À titre exceptionnel, l’année de la consultation qui sera organisée au cours du quatrième mandat du congrès et sans préjudice du droit, pour les intéressés, de demander volontairement leur inscription, la commission administrative spéciale procède à l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale à la consultation des électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux mentionnés au d de l’article 218, dès lors qu’ils y ont été domiciliés de manière continue durant trois ans, appréciés à la date de la clôture définitive de la liste électorale spéciale et dans les conditions définies au dernier alinéa du même article 218.
« Cette durée de domiciliation, associée au fait d’être né en Nouvelle-Calédonie, constitue une présomption simple du fait qu’un électeur y détient le centre de ses intérêts matériels et moraux.
« L’inscription d’office n’a pas de caractère automatique et fait l’objet d’un examen par la commission administrative sur le fondement des éléments fournis par l’État.
« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis du gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie. »
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
administrative
insérer le mot :
spéciale
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
I. – Par dérogation aux 2° et 4° du II de l’article 219 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale à la consultation des communes de Bélep, de l’île des Pins, de Lifou, de Maré et d’Ouvéa peuvent, à leur demande, participer à la consultation prévue par le titre IX de la même loi organique dans les bureaux de vote ouverts à cet effet à Nouméa sous la responsabilité du maire de chaque commune concernée.
II. – Les modalités d’application du I du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État, pris après avis du gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Ce décret précise notamment les modalités d’exercice du droit d’option octroyé aux électeurs des communes mentionnées au même I, le délai durant lequel ce dernier est ouvert, la manière dont est vérifiée l’absence de double inscription, les modalités d’établissement des listes d’émargement, la composition des bureaux de vote institués en vertu du présent article et les modalités de transmission des résultats.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Requier et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les électeurs sont informés des modalités d’exercice du droit d’option au plus tard un mois avant la tenue de la consultation prévue par le titre IX de la même loi organique.
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Pour les personnes inscrites sur les listes électorales des communes de Bélep, Lifou, Maré et Ouvéa, situées sur des îles environnantes, et de l’île des Pins, mais résidant en réalité à Nouméa, le projet de loi organique prévoit un droit d’option leur permettant d’exercer exceptionnellement leur droit de vote dans cette dernière commune.
Nous saluons ce dispositif, qui devrait permettre d’éviter des difficultés liées à l’exercice du droit de vote par procuration. Il devrait améliorer l’accès réel aux urnes des Néo-Calédoniens appelés à se prononcer sur un sujet aussi important.
Toutefois, il importe de prendre en compte très en amont les complications qui pourraient surgir lors de l’application d’un dispositif à ce point dérogatoire, au risque d’altérer la légitimité de la consultation. Pour cela, les électeurs concernés doivent être très largement informés des modalités d’exercice de ce droit d’option et de son articulation avec la procuration, et cela le plus tôt possible, afin de dissiper toute ambiguïté.
Compte tenu des délais particulièrement resserrés que le Conseil d’État a relevés, nous avons jugé utile de prévoir un délai incompressible d’information des électeurs d’un mois avant la tenue de la consultation, afin que cette nécessité concrète soit bien prise en compte par le Gouvernement lorsqu’il prendra les mesures réglementaires nécessaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement et l’amendement n° 2 rectifié, qui vise l’article suivant, sont tout à fait voisins : ils ont trait à l’exigence d’information des électeurs de Nouvelle-Calédonie. L’amendement n° 1 rectifié porte sur le droit d’option pour voter dans les bureaux décentralisés dont nous avons parlé. L’amendement n° 2 rectifié concerne les règles du vote par procuration.
En réalité, ni l’un ni l’autre ne relève de la loi. Je comprends néanmoins tout l’intérêt de ces amendements : il est d’amener le Gouvernement à révéler toutes les dispositions qu’il entend prendre pour assurer la bonne information des électeurs de Nouvelle-Calédonie sur le vote par procuration et l’inscription dans les bureaux de vote décentralisés. Je pose donc la question de manière très précise à Mme la ministre.
Je pense, monsieur Artano, que si le Gouvernement a bien pris par avance toutes les dispositions d’information nécessaires, vous pourrez retirer vos amendements, parce que vous aurez toutes les garanties que vous en attendez.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, ministre. Le Gouvernement est du même avis que la commission sur ces deux amendements, mais il est vrai que la question de l’information des électeurs est essentielle.
Il est important que je puisse m’expliquer ici sur l’implication du Gouvernement dans la mise en place de la campagne d’information, que celle-ci porte sur les bureaux de vote décentralisés ou le vote par procuration. Puisqu’il en est question, je souhaite que tous les commissariats de l’Hexagone puissent fournir des informations sur les modalités du vote par procuration : voter ainsi depuis la métropole n’est en effet pas si évident.
Le Gouvernement souhaite assurer les meilleures conditions d’information possibles pour les électeurs, qu’il s’agisse de l’information classique en pareil cas, ou d’une information plus spécifique. Mon ministère travaille actuellement avec le service d’information du Gouvernement sur une maquette de campagne d’information, qui sera prête dans les jours à venir. Cette maquette sera ensuite soumise au comité des signataires, parce qu’il importe là encore de continuer à travailler ensemble et à coconstruire ces outils d’information. Chacun appréciera ensuite quelle information il souhaite diffuser.
Cela étant, il est vrai que la détermination des différents aspects de cette campagne d’information ne relève pas du domaine de la loi. Si j’insiste sur le sujet, c’est que, lors de mon dernier déplacement en Nouvelle-Calédonie, j’ai rencontré des jeunes qui m’ont parlé de leur île, de leur vie, de leurs projets d’avenir et que j’ai pu constater à cette occasion leur manque de connaissances à propos de ce rendez-vous référendaire.
C’est pourquoi nous avons lancé une opération avec des sportifs comme Teddy Riner, qui a justement appelé les jeunes Néo-Calédoniens à voter et rappelé l’importance qu’il y a à donner son avis, ou encore Jean-Marc Mormeck qui se rendra au début du mois de mars en Nouvelle-Calédonie dans le cadre des Assises des outre-mer pour travailler au côté des jeunes et les inciter à faire preuve de volontarisme en vue du référendum.
Cette consultation nécessite un accompagnement très spécifique au-delà des modalités d’information plus conventionnelles propres à ce type de scrutin. Monsieur le sénateur, j’espère que ma réponse vous satisfait et que vous accepterez de retirer vos deux amendements.
Mme la présidente. Monsieur Artano, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Artano. Je voudrais remercier M. le président-rapporteur de la commission des lois de son soutien. Tout le monde l’aura compris : nous souhaitons avant tout une prise de conscience au sujet des modalités d’information des électeurs.
Je remercie également Mme la ministre des outre-mer pour la réponse très précise qu’elle vient d’apporter. Compte tenu de ces éléments, je retire l’amendement n° 1 rectifié, de même que l’amendement n° 2 rectifié sur l’article 3 bis, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 3 bis (nouveau)
I. – Par dérogation au 4° du II de l’article 219 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée, pour la consultation prévue par le titre IX de la même loi organique, ne peuvent exercer, sur leur demande, leur droit de vote par procuration que :
1° Les personnes placées en détention provisoire et les détenus purgeant une peine n’entraînant pas une incapacité électorale ;
2° Les électeurs qui établissent que des obligations professionnelles, une formation, un handicap, des raisons de santé, une absence de Nouvelle-Calédonie, l’assistance apportée à une personne malade ou infirme les placent dans l’impossibilité d’être présents dans leur commune d’inscription le jour de la consultation prévue au titre IX de la même loi organique ou de participer au scrutin en dépit de leur présence dans la commune.
II. – Les personnes mentionnées au I doivent justifier de leur identité et fournir à l’appui de leur demande des justificatifs dûment établis.
III. – La liste des justificatifs à produire et les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Requier et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les électeurs sont informés des conditions nécessaires pour exercer leur droit de vote par procuration au plus tard un mois avant la tenue de la consultation prévue par le titre IX de la même loi organique.
Cet amendement a été précédemment retiré.
Je mets aux voix l’article 3 bis.
(L’article 3 bis est adopté.)
Article 4
Au deuxième alinéa du II bis de l’article 219 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée, après les mots : « de la liste électorale en vigueur », sont insérés les mots : « , de la liste électorale spéciale à l’élection du congrès et des assemblées de province ». – (Adopté.)
Article 5
I. – Le II de l’article 219 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Sont applicables à la consultation le II de l’article 189 et, dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi organique n° … du … relative à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, l’article L. 385 du code électoral ainsi que les dispositions suivantes du titre Ier du livre Ier du même code : » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application du titre Ier du livre Ier du même code, il y a lieu de lire : “ parti ou groupement habilité à participer à la campagne ” au lieu de : “ candidat ”, “ binôme de candidats ” ou “ liste de candidats ”. »
II. – L’article 221 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée est ainsi modifié :
1° À la fin, la référence : « et au II bis de l’article 219 » est remplacée par les références : « , au dernier alinéa de l’article 218-3 et aux II bis et II ter de l’article 219 » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application des dispositions du présent titre relatives aux inscriptions d’office sur la liste électorale générale et sur la liste électorale spéciale à la consultation des électeurs, les autorités gestionnaires de la liste électorale générale de Nouvelle-Calédonie, des listes électorales générales de Wallis-et-Futuna et de Polynésie française, du fichier national des électeurs de l’Institut national de la statistique et des études économiques, des fichiers sociaux, et des fichiers d’état civil de droit commun et de droit coutumier transmettent aux commissions administratives d’une part, et aux commissions administratives spéciales prévues au II de l’article 189 d’autre part, les informations nominatives portant exclusivement sur les nom, prénoms, nationalité, date et lieu de naissance, et adresse des personnes remplissant les conditions requises pour leur inscription d’office ainsi que les dates d’affiliation et durées de présence dans les fichiers sociaux. Les informations contenues dans les fichiers sont transmises aux commissions administratives ou aux commissions administratives spéciales par l’intermédiaire de l’institut de la statistique et des études économiques. »
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 9, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
de la Nouvelle-Calédonie
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article 5 bis (nouveau)
À la première phrase du premier alinéa du II de l’article 216 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée, après le mot : « gouvernement », sont insérés les mots : « et du congrès ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 5 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du premier alinéa du II de l’article 216 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les mots : « et les modalités d’organisation du scrutin » sont remplacés par les mots : « , les modalités d’organisation du scrutin et notamment les modalités de remboursement par l’État des dépenses faites pour la campagne par les partis ou groupements politiques habilités dans les conditions posées au 2° du III de l’article 219 ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. Comme je l’ai fait lors de mon intervention liminaire, je souhaite aborder la question du financement de la campagne électorale, car celle-ci mérite d’être soulevée ici.
Cet amendement tend à remédier au fait que la loi organique est silencieuse en la matière. Bien sûr, beaucoup de dispositions de droit commun existent déjà et s’appliqueront lors de la consultation. Je veux parler des dispositions relatives au financement des partis et groupements politiques, notamment la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, récemment enrichie par la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, ou encore des dispositions pénales du code électoral qui prévoient des sanctions lourdes pour quiconque tenterait d’influencer le vote en s’appuyant sur ses moyens financiers.
Cet amendement complète le cadre existant : il vise à renforcer la garantie d’une participation équitable à ce scrutin et à faire en sorte, comme je l’ai dit tout à l’heure, que chacun puisse obtenir le soutien qu’il mérite, sans qu’aucune différence soit faite entre les partis selon qu’ils sont plus ou moins bien soutenus financièrement.
C’est toujours dans un esprit de concertation locale que le Gouvernement présentera au groupe de travail du comité des signataires un projet de décret permettant de redéfinir précisément les modalités de remboursement des dépenses de campagne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l’article 5 bis.
L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les troisième à cinquième alinéas du IV de l’article 219 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Ces temps d’antenne sont répartis, entre les partis ou groupements habilités à participer à la campagne, par accord entre les présidents des groupes au congrès, sans que cette répartition puisse conduire à octroyer à l’un de ces partis ou groupements un temps d’antenne hors de proportion avec leur représentation au congrès. À défaut d’accord constaté par la commission de contrôle, cette dernière fixe la répartition des temps d’antenne entre les partis ou groupements habilités en fonction du nombre de membres du congrès qui ont déclaré s’y rattacher, apprécié à la date à laquelle la décision de la commission de contrôle dressant la liste des partis ou groupements admis à participer à la campagne est publiée au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie.
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel fixe les règles concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives à la campagne officielle ouverte en vue de la consultation.
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel adresse à l’ensemble des services de radio et de télévision à vocation nationale et locale, quel que soit leur mode de diffusion par tout procédé de communication électronique en Nouvelle-Calédonie, des recommandations pour l’application des principes définis à l’article 1er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication à compter du début de la campagne et jusqu’à la veille du scrutin à zéro heure. Durant cette période, les mêmes services de radio et de télévision veillent, sous le contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel, à ce que les partis et groupements politiques bénéficient d’une présentation et d’un accès à l’antenne équitables en ce qui concerne la reproduction des déclarations et écrits émanant des représentants de chaque parti ou groupement politique.
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel délègue l’un de ses membres en Nouvelle-Calédonie à l’occasion de la campagne. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. Cet amendement vise à modifier les dispositions relatives à la répartition des temps de parole. Il s’agit d’une attente forte des partis politiques locaux, qui nous ont alertés par courrier à ce sujet, comme l’indiquait Pierre Frogier tout à l’heure. Les différents groupes politiques du congrès de la Nouvelle-Calédonie nous ont écrit pour que les dispositions figurant dans cet amendement soient précisées dans le texte.
Le Gouvernement laisse ainsi aux acteurs locaux une marge de manœuvre pour répartir le temps d’antenne dans le cadre de la campagne officielle. Il existe aujourd’hui un consensus local sur cette question, ce qui est une bonne chose. Offrir la possibilité au congrès de la Nouvelle-Calédonie de déterminer les temps de parole est en effet de bon augure dans la perspective de l’organisation du futur scrutin. Le dispositif que le Gouvernement vous propose aujourd’hui est en tout cas clair et sécurisé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Poadja, pour explication de vote.
M. Gérard Poadja. Les présidents des différents groupes politiques du congrès de la Nouvelle-Calédonie ont émis un avis unanimement favorable sur cet amendement. Cet avis doit être pris en compte, afin de garantir la légitimité et la sincérité des résultats. C’est pourquoi je voterai cet amendement et encourage mes collègues à faire de même.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l’article 5 bis.
Article 6
La présente loi organique entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française.
M. Charles Revet. Quelle unanimité ! (Sourires.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen du texte de la commission sur le projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les explications de vote sur l’ensemble se dérouleront le mardi 20 février, à quinze heures. Le vote, par scrutin public solennel, aura lieu le même jour, de seize heures à seize heures trente, en salle des conférences.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite prendre la parole, tout d’abord pour remercier les sénateurs qui siègent sur toutes les travées de notre assemblée d’avoir compris la responsabilité qui est la nôtre de contribuer à la création des conditions d’un scrutin incontestable en Nouvelle-Calédonie. Je crois que nous avons fait cette démonstration dans les meilleures conditions.
Madame la ministre, après votre échange avec notre collègue Pierre Frogier sur le sujet, je voudrais également revenir un instant sur les notions de « souveraineté » et de « peuple », non pas pour débattre de l’appréciation politique de la question, mais pour évoquer sa dimension purement juridique.
Nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie sont des citoyens français, du moins jusqu’à ce qu’ils décident éventuellement du contraire au cours de la future consultation. En France, il n’existe pas deux nationalités différentes pour les citoyens français : nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie sont citoyens de Nouvelle-Calédonie, citoyens français et citoyens européens ! De la même manière que nous pouvons tous être à la fois citoyens européens et citoyens français, sans pour autant qu’il existe un peuple européen – personne ne conteste d’ailleurs le fait qu’il n’existe pas de peuple européen –, on ne peut pas aujourd’hui appartenir à un peuple calédonien quand on est citoyen de Nouvelle-Calédonie.
Il est très important de le rappeler ! Si je le fais, ce n’est pas pour prendre une position politique, mais pour expliquer ce qu’est la réalité du droit constitutionnel. Considérer que le scrutin des mois d’octobre ou de novembre prochains exprimera la volonté du peuple calédonien dans l’exercice de sa souveraineté est tout simplement une erreur juridique, même si cela peut correspondre à un point de vue politique ! D’un point de vue juridique, il ne pourrait exister de peuple calédonien que si les citoyens de la Nouvelle-Calédonie votaient « oui » au scrutin d’autodétermination.
M. Charles Revet. Tout à fait, il fallait le rappeler !
M. Philippe Bas, rapporteur. Dans ce cas, un État calédonien se constituerait et serait reconnu par un certain nombre de pays membres des Nations unies, voire par tous les pays progressivement, et la France la première, sans aucun doute. Toutefois, jusqu’à cette échéance éventuelle, nous ne pouvons en aucun cas parler de « peuple calédonien » du point de vue constitutionnel ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. Je prends rapidement la parole pour remercier tous les sénateurs présents pour ce débat. J’aurai l’occasion de m’exprimer de nouveau lors des explications de vote et d’aller un peu plus loin, notamment pour rappeler combien la question posée lors de cette consultation devra être d’une indispensable clarté.
Monsieur le rapporteur, oui, en effet, employer le terme de « peuple », c’est prendre une position politique ! D’ailleurs, le président Gérard Larcher a lui-même utilisé ce mot ici. (Marques de dénégation sur des travées du groupe Les Républicains.) Peut-être partageons-nous cette vision ? En tout cas, nous aurons l’occasion d’en rediscuter.
Il est primordial de pouvoir débattre de ce rendez-vous important, qui est pourtant très ou trop insuffisamment connu aujourd’hui des médias nationaux. On parlait tout à l’heure de la nécessaire information des citoyens dans les territoires ; honnêtement, je crois que le Gouvernement, comme l’ensemble des parlementaires, a le devoir de faire de la pédagogie au niveau national, et ce suffisamment en amont d’un scrutin qui sera ensuite commenté par l’ensemble des médias nationaux au cours de la semaine pendant laquelle il aura lieu. Il est extrêmement important de parler davantage de ce rendez-vous sur la scène nationale.
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée au mardi 20 février 2018, à quinze heures.
4
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 14 février 2018, à quatorze heures trente et le soir :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 119 rectifié, 2017-2018) ;
Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 264, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 265, 2017-2018).
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité (n° 105, 2017-2018) ;
Rapport de M. Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 274, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 275, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures vingt-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD