M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. C’est le contraire !

M. Éric Kerrouche. … que nous avons au contraire intérêt à nous précipiter.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui !

M. Éric Kerrouche. En effet, étant donné l’amour immodéré et le profond respect du Président de la République pour le Parlement, votons pendant que nous le pouvons encore ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Mandelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la révision constitutionnelle de 2008 a introduit une nouvelle procédure législative à l’article 39 de la Constitution. Cette procédure, définie à l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009, prévoit que les projets de loi soient accompagnés d’études d’impact. Ces études doivent être jointes aux projets de loi dès la transmission de ceux-ci au Conseil d’État ; elles sont déposées sur le bureau de la première assemblée saisie, en même temps que les projets de loi auxquels elles se rapportent.

Les études d’impact doivent servir à la fois deux objectifs : relever les effets de la législation en vigueur que l’on envisage de modifier, et anticiper les effets des modifications apportées par le projet de loi à cette législation. Pour être valables, elles doivent satisfaire à neuf obligations définies par la loi organique. Elles ont pour objets essentiels de répondre au problème de l’inflation législative, en faisant état des lois existantes, et d’anticiper les difficultés auxquelles sera confronté le législateur, notamment via l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus de la mise en œuvre des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques ou morales intéressées.

La proposition de loi de notre collègue Franck Montaugé vise à améliorer la qualité de ces études d’impact. Son article 1er tendait à prendre en compte de nouveaux indicateurs de richesse. L’article 2 prévoit que ces études soient réalisées par « des organismes publics, indépendants et pluralistes ».

Si cette proposition de loi répond à des objectifs louables, sa discussion intervient alors même que l’application de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 reste tout à fait partielle et insatisfaisante pour le Parlement.

En effet, les études d’impact n’ont que peu d’influence, ou pas d’influence du tout, sur le sort des projets de loi ; souvent réalisées rapidement, elles ne jouent pas pleinement leur rôle. La conférence des présidents n’a qu’un court délai de dix jours pour examiner l’étude d’impact et, quand bien même elle apparaîtrait incomplète, le Parlement n’a aucun pouvoir, à ce stade, pour demander le retrait du projet de loi auquel elle se rattache.

Cette situation a été clairement mise en évidence lors de l’examen du projet de loi NOTRe, en 2014. À l’unisson, plusieurs groupes politiques du Sénat avaient déploré les lacunes de l’étude d’impact accompagnant ce projet de loi. La conférence des présidents avait entériné ce constat et décidé de retirer le texte de l’ordre du jour. Malgré cette décision, le Conseil constitutionnel, saisi par le Premier ministre, avait jugé que le texte avait été présenté dans des conditions conformes à la loi organique, et s’était déclaré impuissant à juger la qualité de l’étude d’impact.

Il est évident qu’une modification de la loi organique s’impose, afin de rendre indispensable la réalisation d’une étude d’impact reposant sur des indicateurs précis, dont la qualité pourra être appréciée par le Conseil constitutionnel.

Au regard de ces critiques, la commission des lois a modifié en profondeur la proposition de loi, afin d’en faire un texte de simplification des normes.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui !

M. Didier Mandelli. En 2016, le Conseil national d’évaluation des normes a examiné 544 projets de texte, contre 398 en 2015, soit une progression supérieure à 36 %. En juillet dernier, le Premier ministre annonçait vouloir supprimer deux normes pour toute nouvelle norme créée ; il est temps de se saisir de ces questions, depuis longtemps évoquées mais jamais traitées.

Cette proposition de loi nous permet également d’échanger sur l’application de l’article 39 de la Constitution et de pointer du doigt les défaillances de la législation actuelle concernant la réalisation et l’examen de ces études d’impact. Il est de notre intérêt de revoir en profondeur la manière dont celles-ci sont réalisées et examinées. Elles doivent, à mon sens, permettre au Parlement de statuer sur une loi sur le fondement d’une connaissance approfondie des dispositions de celle-ci. Les neuf obligations inscrites dans la loi organique n’ont pas de valeur si elles ne sont pas correctement respectées et si le Conseil constitutionnel n’a aucun pouvoir pour contester la qualité des études d’impact.

C’est pourquoi il est nécessaire de revoir les modalités de réalisation de ces études afin de pouvoir réellement apprécier l’impact environnemental, sociétal, financier et économique des projets de loi. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, nous avons un formidable outil à notre disposition ; il nous incombe de le rendre plus efficace pour qu’il puisse nous accompagner au mieux dans notre approche des projets de loi, en vue d’améliorer le travail du Parlement. Je souligne à mon tour le rôle essentiel, pour l’équilibre de nos institutions, d’un Parlement fort. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !

M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, qui trop embrasse mal étreint, a-t-on coutume de dire. Il est vrai que, au fil des mandatures successives, le législateur a ajouté des contraintes réglementaires, multiplié les dispositifs, complexifié les normes et exigé une étude d’impact pour tout nouveau projet de loi.

Nous voici réunis aujourd’hui pour examiner une proposition de loi organique visant à améliorer la qualité des études d’impact des projets de loi, la réalité de ces études étant, on le sait, très éloignée de l’outil d’aide à la décision publique qui avait été imaginé en 2009. Nous sommes d’ailleurs un certain nombre à avoir cosigné, sur l’initiative de nos collègues Élisabeth Lamure et Olivier Cadic, une autre proposition de loi organique portant sur ce thème, tant les améliorations à apporter sont nombreuses.

En effet, nous sommes bien loin de combattre l’inflation législative, comme le souhaiteraient pourtant vivement nos concitoyens, puisque, outre qu’elles n’apportent rien sur le fond au débat parlementaire, les délais étant trop contraints, les études d’impact sont muettes sur la pertinence du texte et n’abordent pas ses conséquences financières. C’est pourquoi je m’interroge sur l’opportunité d’en étendre le champ et d’en élargir le contenu, comme le propose notre collègue.

Est-il nécessaire de préciser, mes chers collègues, que, au bout du compte, qu’il s’agisse des collectivités territoriales ou des entreprises, ce sont bien les Français qui supportent les coûts de l’inflation normative ? Dans ces conditions, quel bénéfice y aurait-il à prendre en compte des indicateurs de richesse si cela ne permet pas d’améliorer le contenu des projets de loi ? Le surcoût financier affecte directement les impôts locaux et pèse sur la compétitivité des entreprises. Il est toujours utile de rappeler combien nous nous distinguons de bon nombre de nos voisins européens en termes d’obligations réglementaires et de charge administrative, et que cela a un impact très significatif sur l’emploi.

En tant que membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, je veux d’ailleurs faire référence à l’excellent rapport d’information de nos collègues Élisabeth Lamure et Olivier Cadic intitulé « Simplifier efficacement pour libérer les entreprises ». On le sait, le fardeau administratif pèse lourd dans la balance commerciale de la France… À ce jour, l’étude d’impact doit satisfaire à pas moins de neuf obligations, sans que le volet économique et financier soit ciblé, sans que la faisabilité soit simplement évoquée.

C’est pourquoi, si nous devons revoir ce dispositif, je souhaite, pour ma part, que cette révision le rende plus efficient, afin que ces études d’impact soient utiles au travail législatif, mais aussi moins pénalisantes pour le secteur économique.

Si vouloir améliorer la qualité des études d’impact est certes louable, il faut aussi introduire, si nous voulons tendre réellement vers l’objectif ambitieux d’une simplification réglementaire et administrative, une obligation d’évaluation a posteriori. Je souhaite que le présent texte soit amendé dans ce sens. L’étude d’impact doit aller au-delà du simple contrôle formel et de l’incidence juridique du projet de loi, pour investir un champ plus pragmatique, conformément à ce qu’attendent les Français.

Dans un monde qui évolue très rapidement, dans une économie mondialisée, il faut évaluer en toute objectivité les politiques mises en œuvre, sans esprit partisan, à l’aide d’éléments factuels. Il ne faut pas craindre une évaluation approfondie des résultats obtenus au regard des objectifs fixés aux lois, bien au contraire. Pour renforcer le rôle du Parlement, il est utile d’évaluer a posteriori les lois qui ont été votées. Je suis donc réservée sur la pertinence de ce texte, qui ne nous permettra pas d’améliorer les règles.

À l’heure où les Français demandent une véritable simplification et davantage de lisibilité, il est grand temps d’améliorer l’efficience des études d’impact. Mes chers collègues, j’espère que l’examen de ce texte permettra d’aller plus loin à cet égard et d’intégrer un certain nombre de préconisations. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi organique visant à améliorer la qualité des études d’impact des projets de loi

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à améliorer la qualité des études d'impact des projets de loi
Article 1er A (nouveau)

Article additionnel avant l’article 1er A

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mme Lamure, M. Adnot, Mme Berthet, MM. Bouchet, Cadic et Canevet, Mme Deromedi, MM. Forissier, Kennel, Labbé et D. Laurent, Mme Loisier, M. Meurant, Mme Morhet-Richaud et MM. Nougein, Paul, Pierre et Vaspart, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « et les critères d’évaluation de son efficacité au regard de ceux-ci ».

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises, Olivier Cadic et moi-même avons produit un rapport intitulé Simplifier efficacement pour libérer les entreprises. Sur ce fondement, nous avons déposé, en septembre dernier, une proposition de loi organique relative aux études d’impact, tendant notamment à prévoir d’emblée quelles données doivent être collectées pour apprécier les effets de la loi et pouvoir valablement comparer la situation initiale à celle qui résulte de la mise en œuvre de la loi.

Cet amendement vise à préciser que l’étude d’impact ex ante d’un projet de loi doit définir non seulement les objectifs du texte, mais aussi les critères de l’évaluation de son efficacité au regard de ces objectifs, afin de rendre possible une évaluation rigoureuse de l’application de la loi ex post.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Il s’agit de la reprise d’un amendement que Mme Lamure avait présenté en commission et que celle-ci n’avait pas retenu, puisqu’il porte sur l’évaluation de la loi, dont nous allons parler lors de l’examen de la proposition de loi suivante. La question de l’évaluation est distincte de celle du contenu de l’étude d’impact.

La commission vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement sollicite lui aussi le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable. J’ajoute qu’il nous paraîtrait quelque peu compliqué de fixer les critères d’évaluation d’un texte qui, par nature, peut connaître des évolutions au cours de la navette parlementaire.

M. le président. Madame Lamure, l’amendement n° 9 est-il maintenu ?

Mme Élisabeth Lamure. Si l’on part du principe qu’il ne faut rien faire parce que c’est compliqué, on ne pourra jamais avancer… (M. Jean-Claude Tissot applaudit.) Sans évaluation chiffrée des effets de la loi, la qualité des études d’impact ne pourra pas s’améliorer.

Je veux bien retirer cet amendement, dans la mesure où il n’a guère de chances de prospérer, mais je regrette tout de même que l’on ne prenne pas pleinement conscience de l’intérêt de disposer d’une évaluation chiffrée de l’impact d’un projet de loi.

Je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 9 est retiré.

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 9
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à améliorer la qualité des études d'impact des projets de loi
Article 1er (Supprimé)

Article 1er A (nouveau)

Au huitième alinéa de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, après le mot : « intéressées, », sont insérés les mots : « en particulier pour les collectivités territoriales et les entreprises, ».

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.

(L'article 1er A est adopté.)

Article 1er A (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à améliorer la qualité des études d'impact des projets de loi
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Montaugé, Durain, Kerrouche, Kanner et Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Espagnac, M. Jeansannetas, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mmes Lepage et Lienemann, MM. Lozach, Manable et Marie, Mmes Monier et Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roux, Mme Tocqueville, MM. Tourenne et Vaugrenard, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron, Conconne, M. Filleul et Guillemot, MM. Houllegatte, Iacovelli, Jacquin et Madrelle, Mme Préville, MM. Tissot et Todeschini, Mmes Ghali et Meunier, MM. P. Joly, Mazuir, Daudigny et Devinaz, Mme Lubin, MM. Antiste, Jomier, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le huitième alinéa de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - l’évaluation qualitative de l’impact des dispositions envisagées au regard des nouveaux indicateurs de richesse créés par la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques ; ».

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Il est dommage que, en supprimant l’article 1er de ce texte, la commission n’ait pas voulu prendre en compte la question importante de la pertinence des indicateurs utilisés dans les études d’impact.

Cela a été rappelé, la commission Stiglitz a relancé le débat sur les indicateurs de richesse et sur l’intégration d’objectifs de développement durable dans les politiques publiques, pour aller au-delà de la seule prise en compte du produit intérieur brut. Des initiatives en ce sens se sont multipliées dans de nombreux pays et à l’échelon international. Ainsi, l’Union européenne a mené sa propre démarche, intitulée « au-delà du PIB », de même que l’OCDE et l’ONU, avec les dix-sept objectifs de développement durable. Quant à la France, elle s’est dotée de nouveaux indicateurs de richesse et adhère au système de l’ONU.

Dès lors, la question, pour nous parlementaires, est de savoir comment articuler, de façon cohérente et lisible, les objectifs de développement durable auxquels notre pays a souscrit et les indicateurs dont nous disposons pour la réalisation des études d’impact et, plus largement, l’évaluation des politiques publiques.

Réintroduire l’article 1er du texte initial, qui prévoit l’utilisation des dix indicateurs de richesse de la loi Sas, permettra d’engager cette démarche d’articulation des nouveaux indicateurs de richesse avec les objectifs de développement durable de l’ONU, dont notre travail de législation et d’évaluation des politiques publiques ne doit pas être complètement déconnecté. Tel est mon credo.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. M. Montaugé le sait très bien, l’amendement n° 1 rectifié est contraire à la position de la commission. Celle-ci, je tiens à le dire, n’est pas du tout hostile aux critères qualitatifs dont M. Montaugé souligne l’intérêt. Simplement, les critères permettant de mesurer la richesse du point de vue humain – qualité de la vie, de l’environnement, développement durable,…

M. Pierre-Yves Collombat. L’égalité !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … égalité – peuvent être nombreux. Il a semblé à la commission qu’il était préférable de les inscrire dans des textes d’application plutôt que dans le corpus législatif lui-même.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement souscrit à l’argumentation de la commission des lois et émet, pour les mêmes raisons, un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Le groupe socialiste et républicain soutient cet amendement. Comme Franck Montaugé l’a indiqué, il n’est pas possible d’avoir pour seul prisme de lecture le PIB, indicateur daté qui ne permet que des comparaisons quantitatives et laisse de côté un ensemble de dimensions essentielles, qu’il s’agisse de l’environnement ou des inégalités sociales.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Malgré la sympathie que j’ai pour l’auteur de l’amendement et ses intentions, je suis obligé de dire que nous ne pourrions pas voter ce texte si cet amendement devait être adopté.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président de la commission, cela a au moins le mérite d’être clair…

Il ne s’agit pas que d’un problème de procédure ou métaphysique ; il s’agit d’un problème très concret. J’ai évoqué tout à l’heure la loi NOTRe, je pourrais évoquer toutes les lois de réforme territoriale : on n’a jamais parlé de leurs effets en termes d’égalité – ou d’inégalité – entre collectivités territoriales. Or il est clairement apparu que les résultats ne sont pas exactement ceux que l’on attendait. Je pense qu’un certain nombre d’inconvénients, que l’on découvre progressivement, de cette réforme territoriale auraient au moins pu être atténués si l’on avait disposé de quelques informations sur ses conséquences possibles. On n’en serait pas à déplorer que des territoires soient laissés à l’abandon.

Je veux bien entendre vos raisons, je veux bien admettre que l’on s’oppose à la multiplication des critères, mais je souhaiterais que les critères dont on dispose pour juger soient pertinents. Nous sommes noyés sous les informations, mais, comme je l’ai dit tout à l’heure, il manque celles dont nous aurions besoin…

Je trouve tout de même un peu difficile à avaler que l’on rejette un tel amendement, qui mérite d’être soutenu.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 1er demeure supprimé.

Article 1er (Supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à améliorer la qualité des études d'impact des projets de loi
Article 1er ter (nouveau)

Article 1er bis (nouveau)

Après le huitième alinéa de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – l’évaluation des moyens nécessaires à la mise en œuvre par l’État et les administrations publiques des dispositions envisagées, en termes de crédits et d’emplois, en indiquant la méthode de calcul retenue, ainsi que de mise à niveau des systèmes d’information, et des délais nécessaires à cette mise en œuvre ; ». – (Adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à améliorer la qualité des études d'impact des projets de loi
Article 2

Article 1er ter (nouveau)

Après le neuvième alinéa de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – l’apport des dispositions envisagées en matière de simplification et, en cas de création d’une nouvelle norme, les normes dont l’abrogation est proposée ; ».

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l’article.

Mme Élisabeth Lamure. Cet article prévoit que l’étude d’impact mentionne l’apport des dispositions envisagées en matière de simplification et qu’elle précise, en cas de création d’une nouvelle norme, les normes dont l’abrogation est proposée.

Au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises, je me félicite de cette avancée. En effet, depuis sa création à la fin de l’année 2014, la délégation ne cesse d’aller à la rencontre des entrepreneurs dans les territoires, et il n’est jamais arrivé que nous ne les entendions pas déplorer tant le poids des normes que l’instabilité normative. Or le temps que les entreprises doivent consacrer à la gestion de cette complexité normative est perdu pour la conquête de nouveaux marchés et l’innovation ! En 2010, l’OCDE en a estimé le coût à 60 milliards d’euros. Selon le critère du poids de la réglementation, la France est classée au 115e rang sur 138 pays par le Forum économique mondial.

De nombreux pays européens ont bien compris l’enjeu en termes de compétitivité économique. Nous nous sommes rendus dans plusieurs d’entre eux avant d’adopter le rapport d’information intitulé « Simplifier efficacement pour libérer les entreprises ». Les préconisations de ce rapport nous ont conduits à déposer, en septembre dernier, plusieurs textes cosignés par de nombreux membres de la délégation, dont deux propositions de loi : une proposition de loi organique prévoyant que l’étude d’impact mentionne les conséquences du projet de loi en termes de simplification du droit, afin d’inciter le Gouvernement à mieux prendre en compte cet impératif – je me réjouis que la commission des lois ait intégré cette disposition dans son texte – et une proposition de loi constitutionnelle visant à introduire une obligation de compenser la création de toute nouvelle charge pour les entreprises par la suppression d’une charge équivalente.

Dans le même esprit, l’article 1er du présent texte pose le principe de l’abrogation de normes pour toute création de nouvelle norme. Je salue ce progrès.

Toutefois, avec mes collègues de la délégation, je défendrai un amendement tendant à assurer l’efficacité du dispositif, en garantissant que la charge financière que représente la norme abrogée l’emporte sur celle de la norme créée. Nos voisins Allemands, en procédant ainsi, sont parvenus à économiser 14 milliards d’euros en cinq ans. La France doit pouvoir réussir elle aussi à alléger enfin le boulet qui freine ses entreprises dans la course mondiale : à nous de les soutenir !

M. le président. L’amendement n° 10, présenté par Mme Lamure, M. Adnot, Mme Berthet, MM. Bouchet, Cadic et Canevet, Mme Deromedi, MM. Forissier, Kennel, Labbé et D. Laurent, Mme Loisier, M. Meurant, Mme Morhet-Richaud et MM. Nougein, Paul, Pierre et Vaspart, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, ainsi que les économies de charges en résultant, en particulier pour les collectivités territoriales et les entreprises

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. La commission des lois propose d’enrichir l’étude d’impact préalable en prévoyant que celle-ci expose l’apport du projet de loi en matière de simplification et, en cas de création d’une nouvelle norme, les normes dont l’abrogation est proposée.

Pour garantir que cette avancée sera substantielle, il convient d’assurer que la simplification normative apporte un allégement effectif, ce qui implique que la charge financière engendrée par les normes nouvellement créées soit inférieure à la charge financière représentée par les normes supprimées en contrepartie.

En janvier 2016, le Sénat a adopté une proposition de loi constitutionnelle qui prévoyait déjà d’assortir toute mesure législative ou réglementaire ayant pour effet de créer ou d’aggraver une charge pour les collectivités territoriales de la suppression de mesures représentant une charge équivalente ou d’une compensation financière.

Cet amendement vise à orienter la simplification de façon à permettre de dégager de réelles économies financières pour les entreprises et pour les collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La commission s’est interrogée sur cet amendement. La notion de « charges » peut être critiquée. Elle est peut-être redondante avec ce que la loi organique prévoit déjà, à savoir la mention des coûts et bénéfices attendus. C’est pourquoi la commission a décidé de solliciter le retrait de cet amendement.

Toutefois, eu égard aux insuffisances d’un certain nombre d’études d’impact, je m’en remettrai, à titre personnel, à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement sollicite lui aussi le retrait de l’amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

En effet, si le dispositif de cet amendement devait être interprété comme non contraignant, l’article ne revêtirait qu’une portée résiduelle, dans la mesure où l’impact sur l’ordre juridique interne mais également l’incidence économique d’une mesure législative doivent déjà être précisés dans les études d’impact, sur le fondement de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009.

À l’inverse, si le dispositif de l’amendement devait être interprété de manière beaucoup plus contraignante, sa constitutionnalité poserait question, puisqu’il toucherait au pouvoir d’initiative en matière de projets de loi, lequel appartient au seul Premier ministre.