M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet, pour le groupe Les Républicains.
Mme Viviane Malet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, durement frappés par les pluies diluviennes de ce début d’année, les agriculteurs réunionnais méritent qu’un texte législatif soit adopté pour leur assurer des conditions d’existence meilleures.
Qu’ils soient éleveurs, planteurs de canne, producteurs maraîchers, ces femmes et ces hommes travaillent sans relâche sur leurs terres. L’insularité et un climat tropical rendent leurs conditions de travail plus difficiles et entravent la diversification agricole. Leurs terres sont en effet plus exiguës qu’en métropole et les périodes de sécheresse ou de pluies intenses peuvent avoir des conséquences dramatiques.
Aussi, lorsque cette vie de labeur vient à s’arrêter, au moment de partir à la retraite, se pose la question du montant des pensions.
Comme l’a évoqué la députée réunionnaise, Huguette Bello, lors des débats qui ont eu lieu sur ce texte à l’Assemblée nationale l’an dernier, les agriculteurs réunionnais retraités perçoivent un montant moyen de pension de 375 euros, et un quart d’entre eux perçoivent moins de 100 euros… C’est indigne !
Les difficultés sont notamment dues à la mise en place différée du régime de retraite agricole outre-mer, ce qui a retardé l’acquisition de points, donc la constitution de droits pour les non-salariés agricoles. Si les périodes d’activités antérieures à 1964 ont été validées gratuitement au titre de la retraite forfaitaire, comme en métropole, aucune validation n’est intervenue pour la retraite proportionnelle.
Enfin, les cotisations RCO outre-mer sont calculées en fonction de la surface réelle pondérée de l’exploitation et non sur les revenus professionnels. Cette assiette dérogatoire implique le versement de cotisations plus faibles, s’accompagne de droits réduits et explique la faiblesse des pensions versées.
La situation est tout aussi critique pour les salariés agricoles réunionnais, privés d’un accès au régime complémentaire d’assurance vieillesse.
Il n’est plus acceptable aujourd’hui de laisser perdurer un tel système. En effet, s’attacher à revaloriser le montant de ces pensions, ce serait favoriser l’activité agricole réunionnaise dans son ensemble. Des départs à la retraite différés, ce sont des jeunes qui ne peuvent pas s’installer. Au 1er février 2018, la Réunion compte 1 077 actifs de plus de soixante-deux ans, dont 124 ont plus de quarante-deux ans d’activité non salariée agricole.
Aussi, même si le financement de ce texte peut être discutable, il m’apparaît impérieux de permettre aux chefs d’exploitation ultramarins de bénéficier de l’accès à la garantie de 75 % du SMIC dès lors qu’ils peuvent justifier d’une pension à taux plein, et aux salariés agricoles de bénéficier d’un accès à la retraite complémentaire.
Ne laissons pas nos agriculteurs vivre avec des retraites inférieures au seuil de pauvreté, les plongeant dans une détresse d’autant plus choquante que leurs carrières ont été longues et dures !
Telle est la raison pour laquelle je déplore la décision du Gouvernement de recourir au vote bloqué. Nous devons aller vite sur ce sujet. Nous le devons à nos agriculteurs et nous devons reconnaître la valeur du travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les agriculteurs, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je souhaite souligner la brutalité du Gouvernement, qui vient de bafouer un travail parlementaire en déposant un amendement dont l’unique objet est de reporter l’application immédiate de ce texte.
Une telle façon de faire est indigne du travail fourni par nos deux assemblées. Celles-ci ont pris leurs responsabilités et jugé que la dignité de nos agriculteurs a un coût. Nos comptes publics peuvent le supporter, et il y va d’une démocratie qui se respecte !
À quelques jours de la fin du salon de l’agriculture, je souhaite à mon tour saluer le travail des auteurs de ce texte, notamment celui de ma collègue députée ultramarine, Huguette Bello, ainsi que celui du rapporteur, notre collègue Dominique Watrin, sur ce sujet si prégnant pour les retraités de nos territoires, qui sont en très grande souffrance.
Aussi, on peut regretter le contexte inédit dans lequel se déroulent nos débats, qui ne participe pas à grandir notre démocratie et nos institutions !
Aussi, les petits calculs politiciens de votre gouvernement au cours des dernières heures pour repousser aux calendes grecques une revendication légitime et raisonnable de nos agriculteurs, revendication pour laquelle l’Assemblée nationale et le Sénat ont œuvré ensemble et à l’unanimité, sont révélateurs d’un mépris pour nos territoires, pour nos agriculteurs et, enfin, pour notre démocratie. C’est triste !
Abus de droit, mais, surtout, aveu d’indifférence envers les plus pauvres, l’usage du 44.3 pour cette proposition de loi qui se voulait une réponse immédiate aux attentes des professionnels de l’agriculture devant la paupérisation grandissante des retraités de ce secteur, tant en France continentale qu’en outre-mer, est indigne de votre gouvernement, à la fois par sa brutalité et par son incohérence.
En effet, il s’agit ici de non-assistance à un secteur en danger. Il y a urgence à agir ! L’urgence est de leur manifester notre engagement, notre soutien et notre volonté d’améliorer de façon immédiate et effective les conditions de vie déjà si difficiles de presque 1,5 million d’exploitants agricoles actuellement à la retraite dans notre pays.
En effet, c’est une profession estimable et digne qui mérite, après une vie de dur labeur, une retraite décente. Les nombreuses avancées en la matière lors du précédent quinquennat ont témoigné d’une politique volontariste avec laquelle vous rompez aujourd’hui. Et c’est encore plus triste !
Le constat est édifiant : la retraite moyenne d’un non-salarié agricole, tous bénéficiaires confondus, s’élève aujourd’hui à environ 766 euros par mois, soit un niveau inférieur à la fois au seuil de pauvreté et à l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA. Un non-salarié agricole sur trois perçoit une retraite inférieure à 350 euros par mois. Oui, 350 euros par mois !
Vous le comprendrez donc aisément, car c’est de cela qu’il s’agit, s’il est vrai que le groupe socialiste et républicain soutient toute démarche visant à rétablir la confiance de nos agriculteurs et, singulièrement, des plus jeunes d’entre eux, sur la pérennisation de leurs retraites, il ne peut décemment prendre part à un vote qui est un simulacre de démocratie et qui entrave l’applicabilité directe et immédiate de cette proposition de loi.
Comme il est regrettable, madame la ministre, qu’après un long marathon médiatique dans les travées du salon international de l’agriculture, ce gouvernement s’apprête à bafouer le fruit d’un travail parlementaire de qualité, qu’il convenait de respecter et de valoriser. Cela ne laisse rien présager de bon pour la révision constitutionnelle.
Aussi, s’il devait y avoir encore un argument pour tenter de vous convaincre de voter en l’état ce texte, sans y adjoindre l’amendement du Gouvernement, il me semble que l’urgence de la situation des retraités agricoles en outre-mer devrait être celui-là. Bien sûr, il ne nous appartient pas, ici, de hiérarchiser les douleurs, mais comment rester indifférent quand la misère fait concurrence à l’iniquité ?
On compte, dans les départements d’outre-mer, près de 43 000 exploitations pour plus de 130 000 hectares. L’agriculture, qui est un secteur économique traditionnel dans ces départements, pèse 1,7 % du PIB, soit 47 000 emplois annuels à plein-temps, dont 32 000 actifs familiaux et 8 000 salariés permanents.
Or depuis 1988, le nombre d’exploitations a été divisé par deux, avec une surface agricole utile, la SAU, diminuant également de 20 % sur l’ensemble des outre-mer. Comme dans l’Hexagone, les raisons de la désaffection pour une profession largement exposée aux risques climatiques et sanitaires sont multiples. Pour autant, le très faible niveau des retraites et les spécificités outre-mer en la matière n’y sont pas étrangères. En effet, la pension moyenne mensuelle de droit direct des 27 600 retraités des territoires ultramarins s’élève à 293 euros, contre 445 euros dans l’Hexagone.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Victoire Jasmin. Sur la base de ces éléments, en dépit du soutien qu’il apporte au monde agricole, le groupe socialiste et républicain ne prendra pas part à la mascarade orchestrée par ce gouvernement, qui veut que les agriculteurs continuent à se suicider. C’est bien dommage et bien triste ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, mon collègue Jean-Pierre Decool a évoqué avec émotion la situation des agriculteurs. Ils sont en effet 1,5 million à cultiver la terre, à élever des troupeaux dans l’Hexagone et outre-mer. Nous devons leur permettre d’avoir des revenus décents.
De même, nous devons exprimer notre reconnaissance aux 4 millions de retraités agricoles de notre pays, qui perçoivent aujourd’hui des sommes infimes, cela a été dit – 860 euros pour les hommes, 570 euros pour les femmes –, ce qui est pour eux source de précarité. Porter à 85 % du SMIC, soit 987 euros, le montant des retraites agricoles constitue donc un enjeu national : il s’agit de respecter le dur travail que ces générations ont produit pour leurs compatriotes.
Revaloriser les retraites agricoles, c’est aussi nous engager résolument dans la modernisation de l’agriculture. En effet, la situation des retraites agricoles bloque la disponibilité foncière. En accordant des retraites plus généreuses, nous encouragerons le renouvellement des exploitants agricoles et nous permettrons aux retraités de vivre, certes modestement, sans exploiter.
La solidarité nationale doit bien cela à celles et ceux qui, depuis leur très jeune âge, n’ont cessé d’œuvrer pour nourrir les Français, mais aussi pour contribuer à l’expansion de notre commerce extérieur, dont l’agroalimentaire fut longtemps le fleuron.
De surcroît, les agriculteurs contribuent à l’entretien des paysages et au maintien de la vie dans les territoires. Ils constituent le lien essentiel dans notre culture entre notre patrimoine traditionnel et le monde contemporain, ce que tant d’écrivains de la terre ont souligné, à l’instar de mon concitoyen Claude Michelet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires croit à l’intérêt de la proposition de loi de nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Ce texte vise à accompagner davantage les retraités agricoles, à leur témoigner la solidarité et le respect de la Nation et à offrir des possibilités aux jeunes agriculteurs en favorisant la libération du foncier.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera cette proposition de loi très attendue dans les territoires. Madame la ministre, les agriculteurs méritent au plus vite une mise en œuvre concrète de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Vivette Lopez. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à mon tour, j’enfoncerai le clou.
La proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer avait été adoptée à une large majorité. Déposée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée nationale, elle a été inscrite par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste à l’ordre du jour de la Haute Assemblée.
En comparaison avec les autres régimes de retraite, le niveau des pensions agricoles est très faible, malgré les dispositifs de solidarité créés pour soutenir les non-salariés agricoles et un large recours à la solidarité nationale. En effet, pour une carrière complète dans le régime, les non-salariés agricoles perçoivent une pension moyenne – de base et complémentaire – de 730 euros par mois, ce qui est bien inférieur au seuil de pauvreté, fixé à 846 euros mensuels.
Enfin, au sein même du régime des non-salariés agricoles, d’importants écarts sont constatés selon les statuts, révélant de fortes inégalités entre les femmes et les hommes. Et je n’évoquerai pas la situation des agriculteurs outre-mer, ni les pensions de réversion.
Ce déséquilibre démographique résulte directement du vieillissement de la population, comme le montre la pyramide des âges du régime. Nombre de retraités agricoles demandent à bénéficier de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, mais avec mesure, car un recours sur succession est possible. Cette crainte est d’ailleurs plus vive en outre-mer.
Ce texte vise notamment à porter la pension des chefs d’exploitation à carrière complète à 85 % du SMIC. Pourtant, on peut être très inquiet s’agissant du financement de la taxe additionnelle, dont le taux, fixé à 0,1 %, sera affecté à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole.
L’impact de la revalorisation est très important, puisqu’il représentera 10 % de retraite en plus, soit 116,18 euros par mois. Aussi devrons-nous veiller à ce que cette revalorisation soit compensée intégralement, tant l’équilibre est fragile. Il y va de la survie du système tout entier.
Nous devrons aussi veiller à la pérennité de son financement et être vigilants face à d’éventuelles tentations d’augmenter les cotisations agricoles. Bien entendu, ce serait alors les faibles revenus de nos exploitants agricoles qui seraient affectés. N’oublions pas que ce sont les faibles revenus ayant entraîné de faibles cotisations qui génèrent aujourd’hui de si faibles pensions et la souffrance de nos agriculteurs.
Nous devrons enfin nous interroger sur la nécessité de faire porter demain ce type de dispositif non pas par le régime complémentaire, mais par les retraites de base, afin de réduire les risques financiers. Après la hausse de la CSG, qui a affecté nombre de nos retraités, nos retraités agricoles sont effondrés.
La décision prise par le Gouvernement d’imposer un vote bloqué remet totalement en cause cette proposition de loi, qui devait revaloriser les pensions de retraite agricoles en France et outre-mer. Quelle image déplorable au lendemain de la fermeture du salon international de l’agriculture ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jackie Pierre. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme nombre de mes collègues issus des territoires ruraux, je rencontre régulièrement les agriculteurs de mon département. Force est de constater leur désarroi, la profonde détresse dans laquelle ils se trouvent, en raison des difficultés quotidiennes qu’ils rencontrent pour faire vivre leur exploitation et essayer d’en tirer un revenu substantiel, lequel n’est souvent pas à la hauteur de l’investissement humain.
Face à ce quotidien difficile et qui ne cesse de se dégrader, la question de la retraite est souvent abordée et demeure une source d’inquiétude. En effet, après une vie de labeur, de nombreux agriculteurs ne bénéficient pas d’une retraite décente.
Le régime de retraite des non-salariés agricoles, instauré par la loi du 10 juillet 1952, a été amélioré par des réformes successives : reconnaissance d’un statut de collaborateur en 1999 ; création d’un régime de retraite complémentaire obligatoire en 2002, étendu à tous les salariés agricoles en 2011 ; mise en place de l’attribution d’un complément de points de retraite permettant d’atteindre le montant minimum de 75 % en 2017, soit 891 euros en 2018, avec la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
Malgré ces réformes, les niveaux des pensions sont encore souvent inférieurs au seuil de pauvreté et aux minima sociaux. Ils se situent à 570 euros en moyenne pour les femmes et à 800 euros pour les hommes.
Il faudrait donc permettre aux salariés agricoles de gagner décemment leur vie lorsqu’ils sont en activité, afin qu’ils puissent cotiser plus et ainsi s’assurer une retraite décente. Il faut pour cela replacer la production au cœur des politiques agricoles, afin de soutenir la productivité et la compétitivité de l’agriculture française, comme le préconisait notre ancien collègue Jean-Claude Lenoir au travers de sa proposition de loi, adoptée en mars 2016 par le Sénat et que j’avais cosignée, à l’instar des autres membres du groupe Les Républicains.
Il faut également soutenir l’investissement pour encourager l’innovation et continuer à mettre en place des politiques de régulation visant à réduire la volatilité des prix agricoles.
Malheureusement, le budget de la PAC, encore revu à la baisse et approuvé la semaine dernière par le Président de la République pour répondre aux exigences de la Commission de l’Union européenne,…
M. François Patriat. C’est faux !
M. Jackie Pierre. … est une désillusion supplémentaire pour les agriculteurs, dont il va accentuer la fragilité.
In fine, la baisse des aides de la PAC et la crise que connaît le monde agricole depuis plusieurs années conduisent à une détérioration des conditions de vie des agriculteurs, qui se sentent trahis, non soutenus et qui assistent, impuissants, à une baisse de leurs revenus et, de facto, de leurs retraites. C’est pourquoi j’ai envisagé de voter cette proposition de loi, même si la question du financement se pose.
Toutefois, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, votre demande de vote bloqué est vécue par les sénateurs comme une marque de grand mépris, un acte antidémocratique, l’annonce d’une future dictature. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Gilbert Roger et François Patriat protestent.)
J’ignore quel sort sera réservé à cette proposition de loi. Elle n’est certes pas la panacée, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mais elle constitue un appel, qui, je l’espère, sera entendu par le Gouvernement et par votre majorité, notamment lors de la réforme globale des retraites que vous envisagez. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mon intervention sera brève, mais il est important que toutes les vérités puissent être dites en ce lieu.
Mme Cukierman a déclaré que j’avais voté ce texte dans le passé. (Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas ce que j’ai dit, monsieur le secrétaire d’État ! Vous m’avez mal écoutée !
Mme Esther Benbassa. Quel cynisme !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Le compte rendu intégral des débats nous permettra de trancher cette question. Pour ma part, je vous indique que je n’ai pas voté ce texte.
N’ayant pas toujours une excellente mémoire, je me suis plongé dans les textes. J’ai ainsi relu la réponse de Stéphane Le Foll, alors ministre de l’agriculture, sur les interrogations que suscite ce texte. Nous devons tous en effet être cohérents. Il déclarait : « Vous souhaitez que l’on fasse plus, monsieur le rapporteur, et vous proposez certains financements spécifiques ou d’affectation. Dans ce cas, le débat porte sur l’opportunité de créer des taxes nouvelles. »
Il faut en effet avoir à l’esprit, mesdames, messieurs les sénateurs, que, s’il était adopté, ce texte entraînerait la création de 400 millions d’euros de taxes nouvelles. (Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Laurent. Sur les transactions financières !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Assumons-le ! Appelons un chat un chat. Sur ce sujet essentiel,…
M. René-Paul Savary. Vraiment ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. … qui mérite mieux que des coups politiques ou des cris d’orfraie et qui devrait nous inciter à la mobilisation plutôt qu’au jeu politique, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à assumer la création de 400 millions d’euros de taxes. (Huées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Ne vous inquiétez pas, je ne manquerai pas de vous rappeler dans quelques instants les propos tenus par un sénateur du groupe Les Républicains il y a quelques semaines sur ce même sujet…
Stéphane Le Foll poursuivait : « Vous avez fait le choix d’une ressource extérieure au monde agricole au travers de la taxe sur les transactions financières. Cette taxe en vigueur sur la place de Paris n’a pas pu être instaurée au niveau européen et le Brexit constitue de ce point de vue un obstacle supplémentaire. Le débat est ouvert, mais, en l’état, elle ne peut constituer une solution de financement pour votre proposition. »
C’est bien ce dont nous parlons. Nul doute que personne, ici, mesdames, messieurs les sénateurs, ne pense que le niveau des retraites agricoles en France est satisfaisant. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Cohen. Faites donc quelque chose !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Personne ne le pense ! Nombreux sont ceux qui, sur ces travées, ont contribué ces dernières années aux politiques de rattrapage. La volonté du Gouvernement aujourd’hui est de poursuivre ces politiques.
M. Pierre Ouzoulias. Faux ! C’est nous qui avons cette volonté !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je l’ai dit, il est important d’être cohérent. Permettez-moi donc de vous citer les propos tenus par un sénateur du groupe Les Républicains il y a quelques semaines. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) N’ayez pas peur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas grave, c’est plutôt intéressant. La cohérence a toujours du bon !
Lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce sénateur du groupe Les Républicains, s’exprimant au nom de la commission des affaires sociales, sur la même proposition, formulée à l’identique, avait tenu les propos suivants : « Le coût de ce dispositif supplémentaire est estimé à 266 millions d’euros – je précise qu’il est plutôt de 400 millions d’euros –, ce qui, à l’évidence, ne pourrait pas être couvert par le gage sur les tabacs. Ce sujet mérite une réflexion plus approfondie. Elle pourra se mener dans le champ d’un travail plus large sur le taux de remplacement, qui constitue un critère dans le dispositif des retraites, quel que soit le régime. »
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement ne dit pas autre chose que ce sénateur du groupe Les Républicains il y a quelques semaines !
Par ailleurs, j’ai entendu des mots d’une violence n’ayant pas lieu d’être dans cet hémicycle. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Esther Benbassa. Et la violence du vote bloqué ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Il a en effet été question de « dictature ». Mesdames, messieurs les sénateurs, la Constitution française, quand elle s’applique, n’est pas une dictature. Si le vote bloqué était une anomalie démocratique,…
Mme Esther Benbassa. Mais c’est une anomalie !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. … et je n’utilise pas cette expression totalement par hasard dans cette enceinte, je ne doute pas que le groupe de travail du Sénat sur la réforme constitutionnelle aurait traité du vote bloqué et que le président Larcher aurait formulé des propositions à cet égard au Gouvernement. Or ce n’est pas le cas.
Permettez-moi donc de vous communiquer les chiffres exacts sur le recours au vote bloqué ici, dans cet hémicycle, et à l’Assemblée nationale depuis qu’il existe, car ceux qui ont été cités ne correspondent pas à la réalité.
Le vote bloqué a été utilisé non pas six fois, comme je l’ai entendu dire ce soir, mais 226 fois au Sénat et 386 fois à l’Assemblée nationale ! (Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.)
Mme Cécile Cukierman. C’est faux ! Nous parlions des propositions de loi !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, si le Gouvernement a déposé un amendement et demandé un vote bloqué ce soir, c’est non pas pour vous demander de renoncer à ce texte ou pour vous faire hurler, mais pour reporter son entrée en vigueur au 1er janvier 2020, tout simplement parce que nous n’allons pas trouver 400 millions d’euros, comme cela, en plein mois de mars ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Protestations prolongées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Non, 250 millions d’euros !
M. Jean-François Husson. C’est scandaleux !
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, la parole est à M. le secrétaire d’État.