M. Pierre Cuypers. La réforme que l’article 34 habilite le Gouvernement à mettre en œuvre est complexe et doit reposer sur une analyse juridique robuste, tout en étant structurante pour l’ensemble de la filière française des énergies marines renouvelables, qui est déterminée à être au rendez-vous des objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Il est donc fondamental de donner au Gouvernement le temps suffisant pour élaborer une ordonnance qui réponde aux principes fixés par l’article 34, sur la base d’une concertation approfondie avec l’ensemble des services, en particulier la DDTM et la DREAL des quatre départements concernés, qui ont instruit les demandes d’autorisation des projets sélectionnés dans le cadre des premiers appels d’offres en matière d’éolien en mer, l’objectif étant de faire évoluer les procédures tout en tenant compte du retour d’expérience acquis.
Cet amendement s’inscrit dans la suite logique de l’amendement n° 16 rectifié bis, que nous avons présenté voilà quelques instants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Ces amendements ont pour objet de rétablir à dix-huit mois le délai d’habilitation accordé au Gouvernement pour réformer les règles applicables aux énergies marines renouvelables, au motif qu’un tel délai serait nécessaire pour mener une concertation approfondie tant avec l’ensemble des services instructeurs qu’avec les acteurs de la filière.
Je rappellerai que cette concertation avec la filière et ses représentants est déjà bien engagée et, surtout, qu’elle a déjà abouti à une réécriture complète du champ de l’habilitation via l’adoption d’un amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale.
Quant aux services instructeurs, je n’imagine pas que le Gouvernement ait envisagé cette réforme sans les avoir préalablement consultés.
J’ajoute que la France a déjà pris beaucoup de retard en la matière.
M. Roland Courteau. Ça, c’est sûr !
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. En effet, les premiers parcs éoliens dont les marchés ont été attribués en 2012 et en 2014 n’entreront pas en service avant 2021 au plus tôt.
M. Roland Courteau. Oui.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cette réforme a précisément pour objet de remédier à ce retard. La contrainte du délai de douze mois, qui ne commencera à courir qu’à compter de la promulgation de la loi, incitera à une mise en œuvre rapide, indispensable à l’atteinte de nos objectifs de développement des énergies marines renouvelables.
Je suis toujours assez surpris que des parlementaires soient disposés à se dessaisir de leur compétence législative pendant une aussi longue période, a fortiori sur de tels sujets, structurants pour l’avenir de notre pays et très consommateurs de ressources publiques.
Pour ces raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’ai sollicité en vain, à deux ou trois reprises, la mansuétude de la commission spéciale en vue d’obtenir quelque délai afin de pouvoir organiser une concertation satisfaisante avec les différents acteurs sur d’autres ordonnances.
Le Gouvernement ne peut donc qu’être favorable à ces amendements, qui visent à lui accorder un peu plus de temps pour rédiger des ordonnances portant sur un sujet complexe.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Sur ces questions d’habilitation et de délais d’adoption d’ordonnances, les expériences sont variées. Je voudrais m’y référer, plutôt que d’exprimer une suspicion ou de porter des jugements de principe.
Au cours des précédentes législatures, le Parlement a adopté de nombreuses lois habilitant les gouvernements successifs à légiférer par ordonnance, et le débat sur la brièveté de la durée d’élaboration de celle-ci resurgit à chaque fois…
Mes chers collègues, il est arrivé fréquemment que les délais prévus par l’habilitation expirent alors que l’ordonnance n’a pas encore été adoptée. Une partie importante du travail accompli est dès lors perdue. C’est la raison pour laquelle, tout aussi fréquemment, le Gouvernement se trouve amené à demander au Parlement, qui y consent généralement, une prolongation de la durée de l’habilitation.
Je rappelle que nous parlons ici d’un délai maximum, au terme duquel tout le travail est à recommencer si l’ordonnance n’a pas été publiée. Je ne vois pas d’inconvénient à le prolonger.
Je voudrais enfin souligner que les services de production juridique des ministères, auxquels on demande de préparer ces textes en menant une concertation approfondie et en prenant beaucoup de précautions pour éviter les malfaçons, ne sont pas extensibles. Leurs effectifs sont même plutôt en baisse et certains ministères – je vous livre là un petit secret – ne disposent même pas de tels services.
Il me semble donc qu’il n’y a pas d’inconvénient sérieux à adopter ces amendements. On ne vote pas une résolution ou un vœu lorsque l’on définit la durée d’une habilitation ; il s’agit simplement d’accorder un délai maximum qui tienne compte des aléas de production de l’ordonnance. Cela n’empêche pas d’insister auprès du Gouvernement pour aller un peu plus vite…
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 101, 117 et 119 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Lavarde, M. Bascher, Mmes Eustache-Brinio et Garriaud-Maylam, MM. de Nicolaÿ et Mouiller, Mme Puissat, MM. Pemezec, Le Gleut, Babary, Paccaud, Vogel et Bazin, Mmes Micouleau et Lamure, MM. Bonhomme, Lefèvre, H. Leroy et Piednoir, Mmes Bories et Canayer, MM. B. Fournier, Revet, Savin, Longuet et D. Laurent et Mmes Thomas et Deroche, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Remplacer les mots :
quatre ans à compter de la publication
par les mots :
douze mois après la mise en service du premier parc réalisé dans le cadre réglementaire
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Le présent projet de loi prévoit la remise d’un rapport dans les quatre ans suivant la promulgation de l’ordonnance mettant en application le nouveau cadre réglementaire prévu par les premiers paragraphes de l’article 34.
Or, au regard de l’expérience actuelle, il semble peu probable qu’un nouveau parc éolien en mer soit mis en service d’ici à cinq ans – un an pour préparer l’ordonnance et quatre ans pour produire ce rapport visant à évaluer les effets induits par le nouveau cadre réglementaire sur les délais et les coûts de réalisation des projets.
Il me semblerait donc plus judicieux de prévoir que ce rapport soit remis douze mois après l’entrée en service d’un parc éolien en mer construit selon le nouveau cadre réglementaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Notre collègue Christine Lavarde est largement intervenue sur cette question en commission spéciale.
Je proposerai d’en rester à la rédaction actuelle du texte, pour plusieurs raisons.
Premièrement, la réforme envisagée a pour principal objectif de permettre de réduire les délais à quatre ans en l’absence de recours, et à six ans en cas de recours.
Deuxièmement, quatre ans après la publication de l’ordonnance, nous devrions disposer d’au moins un projet pour lequel le débat public en amont de l’appel d’offres aura eu lieu. L’État aura réalisé les études techniques préalables et le lauréat aura déposé une demande de « permis enveloppe ». Même si le parc ne sera pas encore construit, les aspects essentiels de la réforme, dont je rappelle qu’elle ne porte pas sur la construction elle-même, pourront être analysés.
Troisièmement, repousser davantage l’échéance éloignerait d’autant la possibilité d’adapter les règles si cela s’avérait nécessaire au regard de ce premier bilan.
Enfin, il est déjà assez ambitieux d’espérer du Gouvernement qu’il n’oublie pas de nous remettre un rapport dans quatre ans…
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, ma chère collègue ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement fait confiance à la nouvelle procédure pour permettre la mise en œuvre d’un parc éolien offshore aussi rapidement que possible.
Cependant, la proposition de Mme Lavarde nous paraît de bon aloi et opportune. Bien évidemment, dès lors qu’un parc aura été créé, nous procéderons à une évaluation pour en tirer les leçons. Pouvoir disposer d’une telle évaluation dans un délai d’un an après la création du premier parc nous paraît tout à fait opportun.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je soutiens cet amendement, même si j’entends les arguments de notre rapporteur.
Quand on travaille sur ces sujets, on sait qu’il est impossible de réaliser un parc dans un délai de quatre ans. Nous ne disposerons donc pas de toutes les données utiles pour évaluer les procédures et surtout les coûts, sachant que l’environnement est extrêmement mouvant : la réglementation européenne en matière d’énergie évolue sans cesse.
Il faudrait faire en sorte que les parcs se créent le plus rapidement possible. Cela arrangerait tout le monde, mais, à défaut, si l’on veut réellement pouvoir disposer de données exploitables pour l’avenir, il me semblerait pertinent d’adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Les arguments développés par nos collègues sont assez convaincants. Nous voterons cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 53 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par quatre paragraphes ainsi rédigés :
II. – Au début de l’article L. 311-13-4 du code de l’énergie, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le ministre chargé de l’énergie peut, préalablement à la conclusion des contrats en application des articles L. 311-12 à L. 311-13-3 et avec l’accord du candidat retenu à l’issue de la procédure de mise en concurrence, améliorer l’offre de ce dernier et notamment diminuer le montant du tarif d’achat ou du complément de rémunération, dans des conditions et selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. Le contenu de cette offre s’impose au contrat que le candidat retenu conclut avec Électricité de France et, si les installations de production sont raccordées aux réseaux de distribution dans leur zone de desserte, les entreprises locales de distribution chargées de la fourniture. »
III. – Les dispositions introduites à l’article L. 311-13-4 du code de l’énergie par le II du présent article s’appliquent aussi aux procédures de mise en concurrence déjà lancées conduites en application de l’article L. 311-10 du même code et pour lesquelles les contrats prévus à l’article L. 311-12 dudit code n’ont pas encore été conclus le jour de l’entrée en vigueur de la présente loi.
IV. – La décision de l’autorité administrative désignant un candidat retenu d’une procédure de mise en concurrence mentionnée à l’article L. 311-10 du code de l’énergie peut être retiré, par décret, préalablement à la conclusion des contrats en application des articles L. 311-12 à L. 311-13-3 du même code.
Le candidat retenu précité est indemnisé de l’ensemble de ses dépenses engagées, dûment justifiées, entre la décision le désignant comme candidat retenu et le décret mentionné au premier alinéa du présent IV.
La publication du décret mentionné au premier alinéa du présent IV entraîne l’abrogation, sans indemnité complémentaire, de l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité prévue par l’article L. 311-1 du code de l’énergie et des concessions d’utilisation du domaine public maritime accordées en application de l’article L. 2124-3 du code général de la propriété des personnes publiques qui sont liées au projet.
V. – Le IV du présent article s’applique aux procédures de mises en concurrence mentionnées à l’article L. 311-10 du code de l’énergie relatives à des installations de production d’énergie renouvelable en mer et dont le ou les candidats retenus ont été désignés avant le 1er janvier 2015.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le présent amendement a pour objet de donner une base légale à deux options.
Il s’agit, en premier lieu, d’une éventuelle future renégociation des appels d’offres en matière de développement des capacités de production d’énergies renouvelables. L’objectif est de parvenir à une réduction du tarif d’achat, avec l’accord des lauréats, afin d’améliorer l’offre sous-jacente, tandis que le cadre juridique actuel impose de signer le contrat d’achat au tarif initialement proposé.
Il s’agit, en second lieu, de permettre le retrait des autorisations administratives données aux candidats retenus lors d’une procédure de mise en concurrence. Le cadre juridique actuel ne prévoit aucune possibilité, pour l’autorité administrative, de revenir sur les résultats de l’appel d’offres. Bien évidemment, le cas échéant, une telle décision emporterait indemnisation du lauréat.
Dans le cas des énergies renouvelables, les caractéristiques techniques et tarifaires d’un appel d’offres sont prévues dans un cahier des charges qui ne peut être révisé après l’attribution de celui-ci.
Nous en sommes arrivés au constat que ce dispositif est trop rigide, notamment pour les appels d’offres en matière d’éolien en mer. On ne peut, par exemple, améliorer la compétitivité d’un projet attribué, même si des technologies plus efficaces et de meilleures conditions de financement permettraient d’en diminuer le coût pour la collectivité publique. Sachant que dix ans peuvent s’écouler entre la sélection d’un lauréat et la mise en œuvre du programme, des évolutions peuvent intervenir au cours de cette période.
Il convient de rappeler, par exemple, que les seuls appels d’offres attribués en 2012 et en 2014 représentent pour les finances publiques un coût de 41 milliards d’euros sur vingt ans, pour une puissance installée de 3 gigawatts seulement.
Dans certains cas, notamment lorsque le progrès technique permet d’envisager des baisses de coûts substantielles, l’État pourrait ainsi renégocier les conditions de l’offre retenue à l’issue de la procédure de mise en concurrence afin de l’améliorer et, en particulier, de diminuer le montant du tarif retenu.
Cet amendement vise à donner une base légale au résultat de cette négociation, qui serait réalisée avec l’accord du lauréat de l’appel d’offres.
Aujourd’hui, certains projets mettent très longtemps à aboutir : entre dix et quinze ans pour les projets d’éolien en mer. Entretemps, les paramètres évoluent, les coûts diminuent, les éoliennes deviennent plus puissantes, les techniques s’améliorent, les savoir-faire progressent et la filière se structure.
Le Gouvernement propose donc au Parlement de se doter d’une possibilité de tenir compte, dans les tarifs, de l’amélioration des projets et de renégocier les contrats.
Cet amendement ouvre également la voie à un retrait des décisions d’attribution des six projets éoliens offshore prises en 2012 et en 2014. Aucun contrat d’obligation d’achat n’a été signé à la suite de ces appels d’offres et aucune des installations prévues n’est construite. Le tarif qui a été accordé est très élevé et ne correspond absolument plus aux prix actuels de l’éolien en mer, ce qui entraîne des rémunérations excessives pour les candidats retenus. Pour mémoire, le tarif unitaire d’achat du kilowattheure prévu dans ces appels d’offres est plus de cinq fois supérieur au prix actuel du marché.
L’économie très significative pour les finances publiques qui résulterait, à moyen terme, d’un abandon complet des six champs et d’une compensation intégrale des capacités perdues justifie que le Gouvernement propose au Parlement de valider la base légale permettant sa mise en œuvre.
M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que je suspendrai la séance à vingt heures ; elle reprendra à vingt et une heures trente. Peut-être l’examen du texte pourra-t-il être achevé dans la soirée…
Quel est l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 53 rectifié ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Par cet amendement, le Gouvernement entend traiter deux difficultés : d’une part, en permettant, pour toutes les énergies renouvelables, d’améliorer avec l’accord du lauréat une offre après l’attribution du marché afin que cette nouvelle offre s’impose à l’acheteur obligé ; d’autre part, en permettant, uniquement pour les deux premiers appels d’offres pour la réalisation de champs d’éoliennes en mer, de revenir unilatéralement sur la décision d’attribution, et donc sur le droit à subvention que le ou les lauréats concernés avaient obtenu, si d’aventure ils n’acceptaient pas d’améliorer leur offre.
Cette seconde série de dispositions appelle l’examen le plus attentif.
Sur le plan juridique, revenir sur des droits acquis suppose une indemnisation à hauteur du préjudice subi et l’existence d’un motif d’intérêt général.
Une indemnisation est certes prévue, mais elle se limiterait, en l’état, aux seules dépenses engagées, et non à la perte du droit acquis.
Le motif d’intérêt général, quant à lui, ne fait guère de doute, eu égard à l’importance des sommes en jeu pour la collectivité.
Sur le plan pratique, on comprend qu’il s’agit, pour le Gouvernement, de disposer d’un levier pour inciter les lauréats à renégocier.
Il est certain que l’évolution des conditions de financement, l’amélioration de la connaissance des risques et de la maîtrise des technologies intervenues depuis 2011 permettraient de réaliser des gains significatifs, même si l’on ne saurait comparer les coûts des parcs ayant fait l’objet d’une décision d’attribution en 2012 ou en 2014 avec ceux d’aujourd’hui.
Pour prévenir toute confusion, je tiens à préciser qu’il ne s’agirait pas nécessairement de modifier les technologies utilisées – sauf à devoir relancer toute la procédure d’attribution –, mais de rogner sur certaines marges, par exemple en matière de financement ou de provisions pour risques.
Monsieur le secrétaire d’État, la méthode retenue par le Gouvernement paraît assez brutale, sur la forme comme sur le fond. Elle pourrait même se révéler contre-productive pour les futurs appels d’offres. Les investisseurs potentiels pourraient en effet craindre qu’un sort identique ne leur soit réservé et douter de la parole de l’État, ce qui serait assez paradoxal s’agissant d’un texte visant à restaurer la confiance… (M. le président de la commission spéciale et Mme Françoise Gatel approuvent.)
Enfin, l’adoption d’une telle disposition pourrait remettre en cause l’émergence d’une filière industrielle française – je pense tout particulièrement aux usines de Saint-Nazaire, de Cherbourg et du Havre.
Mme Françoise Gatel. Ce serait dommage !
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Les risques encourus ont conduit la commission spéciale à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
À titre personnel, j’estime que s’il est parfaitement légitime de réexaminer l’équilibre économique de ces projets, cela ne peut se faire qu’au travers d’une négociation avec les lauréats des appels d’offres, dont j’espère qu’elle aboutira dans les meilleurs délais afin de pouvoir purger ce dossier avant le lancement du troisième appel d’offres. Laissons faire l’intelligence des porteurs de projet, plutôt que de remettre à plat l’ensemble des projets déjà existants.
M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour explication de vote.
M. Christophe Priou. Les régions Bretagne, Normandie et Pays de la Loire ont écrit hier au Gouvernement pour lui faire part de leur étonnement devant l’absence de concertation, tant avec les acteurs de la filière qu’avec les collectivités territoriales concernées, sur cet amendement dont le caractère rétroactif est de nature non seulement à amoindrir la confiance des investisseurs et des industriels de la filière, mais aussi à fragiliser la parole de l’État.
Nous tenons également à exprimer nos plus vives craintes quant aux conséquences de l’adoption d’une disposition qui pourrait conduire l’État à reporter de plusieurs années le lancement de ces parcs éoliens offshore, alors que notre pays accuse déjà un retard significatif.
Encouragées par le Gouvernement, nos régions ont investi dans les infrastructures portuaires afin de maximiser les retombées économiques des projets en France. Plus de 600 millions d’euros ont ainsi été mobilisés, notamment au titre des appels d’offres de 2012 et de 2014.
Voilà quelques années, nous avons connu à peu près la même situation avec la filière photovoltaïque. L’engouement des investisseurs, grands ou petits, tenait davantage à un effet d’aubaine qu’à une conversion intellectuelle ou philosophique aux énergies renouvelables et à la lutte contre le réchauffement climatique, ce que l’on peut regretter. Toujours est-il que le changement de politique en matière de tarif de rachat n’avait pas été rétroactif, contrairement à ce qui est proposé ici.
Je rappellerai également que le Grand Ouest, notamment les Pays de la Loire, a été pénalisé économiquement par l’annonce de l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. L’État s’est engagé à produire un contrat d’avenir, mais ce dernier me semble plutôt sombre dans la mesure où pas une ligne de ce contrat n’a encore été écrite…
Nous nourrissons également des inquiétudes pour l’avenir de la centrale électrique de Cordemais, de la raffinerie de Donges, du grand port de Nantes-Saint-Nazaire, tandis que les TGV et les TER connaissent des dysfonctionnements réguliers et qu’une réduction des effectifs est annoncée chez Airbus…
Je tenais à rappeler le Gouvernement à ses engagements !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Cet amendement est pour le moins surprenant, et surtout inquiétant. Son adoption permettrait à l’État de mettre fin unilatéralement et de manière rétroactive à tout projet lauréat d’un appel d’offres n’ayant pas encore sécurisé son contrat d’achat. Cela créerait une instabilité sans précédent et ruinerait instantanément la confiance des investisseurs et des industriels.
Si, dans les faits, cet amendement cible essentiellement la filière de l’éolien offshore, il constitue un précédent désastreux en permettant de remettre en cause tout projet de production d’énergie renouvelable sélectionné par appel d’offres.
Cet amendement est inquiétant au regard des enjeux et des impératifs de la transition énergétique. Il est également préoccupant pour l’image de la France, à l’initiative de l’accord de Paris, et pour son attractivité sur la scène internationale.
Les objectifs ambitieux de la France, ainsi que son engagement dans la lutte contre le dérèglement climatique, imposent une diversification de son mix énergétique, notamment grâce au développement des filières de production d’énergie renouvelable innovantes, dont celle de l’éolien en mer.
Les territoires de notre pays ont considérablement investi dans cette filière d’avenir, dont ils attendent beaucoup en termes d’emploi et de retombées locales.
Je rappelle que l’État s’est donné pour objectif d’installer 3 000 mégawatts de capacité de production d’électricité d’origine éolienne en mer à l’horizon 2023.
Une remise en cause de certains de ces projets conduirait l’État à renoncer à cet objectif, puisqu’il ne sera pas possible, eu égard aux délais de développement des projets d’éolien en mer – de huit à dix ans en France, contre de trois à quatre ans chez nos voisins européens –, de construire et de mettre en exploitation de nouveaux champs d’éoliennes d’ici à cette date.
L’adoption de cet amendement aboutirait à repousser les échéances, ce qui nous empêcherait d’atteindre nos objectifs, et ruinerait la confiance que l’on peut avoir en l’État français.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Je suis moi aussi opposée à cet amendement.
Je ne reviendrai pas sur la forme. Le rapporteur a parlé à juste titre de brutalité. C’est décidément là un drôle de texte…
L’adoption de cet amendement porterait un mauvais coup à la filière de l’éolien offshore, qui représente une option importante en matière de production d’énergies décarbonées et dénucléarisées.
On ne peut que regretter le coup d’arrêt porté aux six projets déjà engagés. Pour ce qui concerne plus spécifiquement mon département, la Loire-Atlantique, c’est un mauvais signal. Ce n’est vraiment pas de cette manière que l’on redonnera confiance aux territoires et aux collectivités – métropoles, villes, départements et régions. Je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.
Mme Agnès Canayer. La création d’une filière de l’éolien maritime offshore polarise, depuis de nombreuses années, l’énergie tant de ses défenseurs, dont je fais partie, que de ses opposants.
En Seine-Maritime, les deux champs prévus – Fécamp et Dieppe-Le Tréport – subissent depuis près de dix ans les aléas d’une procédure complexe, mal ficelée, et donc tous les sauts et soubresauts des autorisations, des recours successifs qui repoussent encore et encore leur réalisation.
Il s’ensuit, bien évidemment, que les conditions de celle-ci ont évolué, du point de vue tant des solutions techniques que de l’équilibre économique. Leur renégociation se justifie donc, pour incorporer les avancées technologiques, notamment en matière de turbines, et limiter le coût de la construction de ces champs pour l’État.
Toutefois, ces renégociations ne peuvent se faire sous la contrainte, avec effet rétroactif, comme le propose le Gouvernement à travers cet amendement qui fait courir un véritable risque à la filière de l’éolien maritime.
Au Havre, dont je suis élue, l’enjeu est fort : plus de 60 millions d’euros ont déjà été investis par les collectivités territoriales sur les terrains du grand port maritime pour permettre la création des 750 emplois prévus par Siemens.
Je voterai contre cet amendement, pour des raisons de forme plus que de fond. En effet, la méthode retenue n’est pas la bonne : les acteurs économiques et les élus locaux ne sont pas associés au processus, et la nécessaire révision des conditions financières négociées conjointement est imposée de manière unilatérale.