M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. L’article 19 ter est né de l’audition que nous avons menée avec l’Assemblée des départements de France, les centres de gestion et deux représentants de syndicats de communes.
Notre ambition n’est pas forcément de tout prévoir en lieu et place des communes. Nous entendons simplement leur offrir un panel de solutions ; certaines communes ont d’ailleurs commencé à les utiliser, même si elles sont très peu nombreuses à le faire en France. Certaines communes sont proches de syndicats mixtes déjà existants, d’autres de communautés d’agglomération, d’autres encore de communautés de communes, d’autres du département ou du centre de gestion…
De fait, cet article va dans le sens de la libre administration des collectivités territoriales : celles-ci doivent pouvoir choisir la manière dont elles souhaitent se mutualiser. La France n’est pas encore l’Union soviétique, Dieu merci !
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Je mets aux voix l’article 19 ter.
(L’article 19 ter est adopté.)
Articles additionnels après l’article 19 ter
M. le président. L’amendement n° 81, présenté par M. L. Hervé, est ainsi libellé :
Après l’article 19 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le mot : « peuvent » est remplacé par le mot : « doivent » ;
2° La dernière phrase est supprimée.
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Cet amendement vise à envoyer un signal aux collectivités locales, pour qu’elles s’emparent de la question du numérique sur les territoires.
Nous avons évoqué ce sujet à de nombreuses reprises, mais nos collègues élus locaux ont pu quelque peu négliger cette question, et cela depuis de très nombreuses années. La question des réseaux, certes, est tellement liée à la vie quotidienne que la mobilisation est sur ce point plus importante. En revanche, elle l’est moins sur la question des usages.
Dès lors, compte tenu de l’importance croissante du numérique dans notre société, de son impact et des enjeux qui s’y rapportent – dématérialisation des services, inclusion numérique, ouverture, sécurisation et protection des données –, il est assez surprenant que les collectivités locales ne soient pas tenues d’élaborer une stratégie de développement des usages et des services numériques sur leur territoire à l’échelon le plus adapté.
Dans la loi Montagne, cette stratégie avait été mise en œuvre, mais pour les seules zones de montagne. Nous vous proposons à présent de la déployer sur le territoire national tout entier. Encore une fois, ce n’est pas une obligation nouvelle ; c’est une incitation forte du législateur à ce que les élus locaux s’emparent eux-mêmes de cette question de la stratégie du numérique dans les territoires.
De mon point de vue, nous ne serions pas le Sénat si nous n’adressions pas ce message à nos collègues élus. On sent bien que c’est important, eu égard à la question des données personnelles dans le débat qui nous intéresse aujourd’hui. Ce n’est pas une contrainte nouvelle, c’est une incitation forte du législateur.
La stratégie elle-même n’est pas définie – il ne s’agit pas d’un schéma de cohérence territoriale ; il s’agit bien plutôt d’une invitation assez directive à nos collègues, pour qu’ils déploient une telle stratégie sur leur territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Cet amendement vise à rendre obligatoire l’établissement par les collectivités d’une stratégie de développement des usages et services numériques.
L’intention est louable, et ce sera un jour nécessaire, bien entendu, mais, aujourd’hui, les collectivités ont d’abord besoin de s’adapter, de passer la première étape avant d’aborder la seconde. La commission ne souhaite donc pas multiplier les documents de planification obligatoires à leur charge, du moins aujourd’hui.
C’est pourquoi, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je partage l’avis de Mme la rapporteur. Je considère en outre que le lien de cet amendement avec le texte qui nous occupe, et qui a pour objet les données personnelles, est quelque peu ténu. Vous cherchez, monsieur le sénateur, à inciter les communes à développer une telle stratégie, mais vous instaurez plus qu’une incitation : il s’agit bien d’une obligation !
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Hervé, l’amendement n° 81 est-il maintenu ?
M. Loïc Hervé. Je vais maintenir cet amendement, quel que soit son destin, parce que je suis persuadé que cette question doit être traitée au niveau le plus bas de la subsidiarité, c’est-à-dire à l’échelle des collectivités territoriales.
À l’occasion d’un tel texte, après le débat financier que nous avons eu, nous devons être capables de fixer le cap, en tant que législateur, et d’inviter les élus locaux à prendre en main ces sujets, qu’il s’agisse des réseaux ou des usages. Le Sénat a fusionné l’ensemble des groupes d’études qui touchaient au numérique pour créer un nouveau groupe, sous la tutelle du président du Sénat et de l’ensemble des présidents de commission. Nous nous inscrivons précisément dans cette démarche.
Dès lors, si nous voulons favoriser les synergies et les rencontres entre les communes, entre les intercommunalités, à l’échelon le plus bas de l’administration territoriale du pays, rejeter cet amendement serait une erreur. C’est pourquoi je vais le maintenir, au moins pour le principe : j’estime qu’il s’agit d’un sujet d’importance.
Nous n’avons eu de cesse de regretter que, depuis quarante ans, les obligations faites aux collectivités locales, y compris dans le domaine du traitement des données, n’aient pas été suffisamment prises en compte. Cela crée, madame la garde des sceaux, un lien avec le texte en discussion qui est beaucoup moins ténu qu’on ne peut le penser.
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié ter, présenté par M. Chaize, Mme Eustache-Brinio, M. Sol, Mme Giudicelli, M. Hugonet, Mmes Lavarde et Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Estrosi Sassone, MM. Savary, Bazin et Vaspart, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Kennel et Mouiller, Mmes Boulay-Espéronnier, Deromedi, Lamure et Deseyne, MM. Paccaud, Poniatowski, Buffet, de Nicolaÿ, Bonhomme, Milon, Bascher et Vogel, Mmes Deroche et Imbert, M. Bouchet, Mme de Cidrac et MM. Bonne, Revet, Laménie et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 19 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
1° Le second alinéa de l’article L. 233-1 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « ou par le responsable ou les responsables conjoints de traitements de données à caractère personnel à finalité statistique pour l’exercice de leurs missions de régulation du trafic routier ou d’organisation de la mobilité » ;
2° L’article L. 330-1 du code de la route est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les traitements automatisés de données à caractère personnel ont une finalité statistique, ils restent soumis aux dispositions de l’article 36 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Cet amendement a pour objet la lecture automatisée des plaques d’immatriculation. Nous proposons d’insérer dans le projet de loi un article additionnel aux termes duquel les traitements automatisés de données à caractère personnel, lorsqu’ils ont une finalité statistique, restent soumis aux dispositions de l’article 36 de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Cet amendement tend à autoriser l’utilisation de la technologie de lecture automatisée des plaques d’immatriculation pour produire des informations statistiques à des fins de régulation du trafic routier ou d’organisation de la mobilité.
Pour l’heure, cette technologie est réservée aux forces de police et de gendarmerie, à des fins de prévention ou de répression d’infractions pénales particulièrement graves, comme le terrorisme, la criminalité organisée, la contrebande en bande organisée, le vol et le recel de véhicules, ou encore d’infractions douanières. La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a prévu d’étendre son utilisation à la constatation des infractions au code de la route, mais on attend toujours le décret d’application.
Il ne paraît pas opportun d’étendre aujourd’hui l’utilisation d’une technique aussi intrusive à des fins de gestion de la mobilité, d’autant que l’amendement ne tend pas même à réserver expressément son utilisation à des personnes publiques.
En conséquence, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. C’est le même avis : le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Savary, l’amendement n° 28 rectifié ter est-il maintenu ?
M. René-Paul Savary. La question mérite d’être posée. En effet, aujourd’hui, les sociétés privées de contrôle du stationnement payant, par exemple, disposent également d’un système leur permettant de relever au passage, depuis une voiture dotée de caméras, les numéros d’immatriculation des véhicules en stationnement. Il faut donc que des dispositions clarifient la protection de ces données.
Je prends note de la demande de retrait de cet amendement, mais, à terme il faudra trouver des solutions dans ce domaine.
Cela dit, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié ter est retiré.
TITRE IV
HABILITATION À AMÉLIORER L’INTELLIGIBILITÉ DE LA LÉGISLATION APPLICABLE À LA PROTECTION DES DONNÉES
(Division et intitulé supprimés)
Article 20
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 111, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires :
1° À la réécriture de l’ensemble de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés afin d’apporter les corrections formelles et les adaptations nécessaires à la simplification et à la cohérence ainsi qu’à la simplicité de la mise en œuvre par les personnes concernées des dispositions qui mettent le droit national en conformité avec le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE et transposent la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil, telles que résultant de la présente loi ;
2° Pour mettre en cohérence avec ces changements l’ensemble de la législation applicable à la protection des données à caractère personnel, apporter les modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et omissions résultant de la présente loi et abroger les dispositions devenues sans objet ;
3° À l’adaptation et à l’extension à l’outre-mer des dispositions prévues aux 1° et 2° ainsi qu’à l’application à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises de l’ensemble des dispositions de la même loi du 6 janvier 1978 relevant de la compétence de l’État.
II. – Cette ordonnance est prise, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
III. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. La commission des lois a supprimé l’article d’habilitation proposé par le Gouvernement et adopté par l’Assemblée nationale. Le présent amendement a pour objet de rétablir cet article.
Dans le respect absolu des prérogatives du Parlement, le Gouvernement a décidé de déposer un projet de loi permettant de mettre en œuvre le règlement européen et de transposer la directive, sans solliciter d’ordonnance pour ce faire. Les assemblées sont donc saisies des dispositions législatives nécessaires pour assurer la conformité de notre droit national à cette nouvelle réglementation européenne ; aucun des choix politiques ou juridiques pour ce faire n’est ainsi soustrait à l’appréciation du Parlement.
Le Gouvernement souhaite naturellement que soit respectée l’échéance du 25 mai 2018, date à laquelle le règlement européen sera applicable. C’est pourquoi il a fait le choix d’un texte très resserré, et non d’une réécriture de l’ensemble de la loi de 1978, qui eût été beaucoup plus complexe, pour ne procéder qu’aux seuls ajustements rendus nécessaires par la mise en conformité.
Le présent projet de loi procède par ailleurs d’une problématique légistique nouvelle et complexe : il s’agit de tirer les conséquences tant d’un règlement d’application directe que d’une directive, dont les dispositions doivent être transposées dans la loi, alors même que ces deux instruments européens portent sur des questions souvent similaires et, dans tous les cas, étroitement liées.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement sollicite du Parlement une habilitation pour codifier les modifications apportées à notre droit par ce projet de loi dans la loi fondatrice de 1978.
Ainsi, nous offrirons un cadre juridique lisible, sécurisé et stable à chaque citoyen et acteur économique de notre pays. Je le répète, il ne s’agira aucunement de revenir sur les choix politiques que le Parlement sera amené à faire lors du vote du texte. Non seulement le Gouvernement s’y engage, mais cet engagement résulte des termes mêmes de l’habilitation qui vous est soumise. Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, a validé cette démarche, tout en réduisant le délai d’habilitation à six mois. Vous proposez quant à vous, madame la rapporteur, de ramener ce délai à quatre mois.
L’habilitation sollicitée permettra d’adopter, pour la loi de 1978, un plan clair : un titre Ier rappellera les principes fondamentaux et les pouvoirs étendus de la CNIL, un titre II sera consacré au champ du règlement, un titre III à celui de la directive, et un titre IV aux dispositifs hors du champ de l’Union.
L’ordonnance permettra également de mettre en cohérence l’ensemble de la législation applicable à la protection des données à caractère personnel, afin d’apporter les modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et omissions résultant de la présente loi et abroger les dispositions devenues sans objet.
La démarche adoptée par le Gouvernement consiste donc à soumettre au Parlement les questions posées par la transcription dans notre droit des nouvelles règles européennes sans avoir à employer son temps, que l’on sait précieux, à opérer une codification qui ne pourra qu’intervenir à droit constant, compte tenu des termes mêmes de l’habilitation et de la nécessité d’offrir aux citoyens un cadre juridique clair et lisible.
M. le président. Le sous-amendement n° 156, présenté par Mme Joissains, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 111
I. – Alinéa 2
Après le mot :
Constitution
insérer les mots :
et dans le respect des dispositions prévues aux titres Ier à III bis de la présente loi
II. – Alinéa 6
Remplacer le mot :
six
par le mot :
quatre
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Il me semble possible – j’espère que vous partagerez mon opinion, mes chers collègues –, au vu des explications apportées par le Gouvernement, d’accepter le rétablissement de l’habilitation sollicité par le Gouvernement, mais à condition que soit adopté le présent sous-amendement.
Comme je l’ai déjà dit hier en introduction à nos débats, le caractère inintelligible des nouvelles normes relatives à la protection des données est un enjeu démocratique d’accessibilité du droit pour les citoyens et de sécurité juridique pour les acteurs économiques.
À ce titre, le Gouvernement vient de s’engager devant le Sénat à offrir un cadre juridique lisible consistant en une simple codification, sans rien changer aux décisions du Parlement. Je pense évidemment à nos collectivités territoriales et à nos TPE et PME. Il s’est également engagé à informer régulièrement le Parlement de l’avancement du projet d’ordonnance.
Le présent sous-amendement vise à prendre acte de ces engagements donnés au Sénat et à encadrer à double titre l’habilitation sollicitée. Sur le fond, il a pour objet de préciser expressément que l’ordonnance ne pourra modifier les équilibres auxquels sera parvenu le Parlement.
Dans le temps, il tend à réduire à quatre mois le délai offert au Gouvernement pour prendre cette ordonnance, le ministère nous ayant rassurés lors des auditions sur le fait qu’elle était presque prête ; en même temps, il faut qu’elle soit complète et véritablement lisible. Un délai plus court devrait tout de même permettre de limiter au minimum la période transitoire séparant l’entrée en vigueur du RGPD, le 25 mai 2018, et celle de l’ordonnance de clarification.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 156 ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je vous remercie, madame la rapporteur, d’avoir entendu les arguments du Gouvernement et de me faire des contre-propositions.
Sur le premier point, je ne m’attarderai pas, puisque j’accepte tout à fait la modification que vous proposez.
Vous me permettrez d’être un peu plus réservée sur le second point de votre sous-amendement, c’est-à-dire quant à la durée dans laquelle vous souhaitez que soit inscrite la démarche de rédaction de l’ordonnance. En effet, vous entendez ramener de six mois à quatre mois le laps de temps que vous laissez au Gouvernement.
Avant tout, je tiens à rappeler que le délai que nous avions envisagé initialement, dix-huit mois, a déjà été ramené à six mois par le Conseil d’État.
J’entends bien évidemment la nécessité dont vous faites état de procéder le plus rapidement possible à la clarification, donc à la réécriture du texte. Je précise toutefois que cet exercice doit bien entendu se faire de manière sereine, et non pas dans la précipitation. Vous n’ignorez évidemment pas que nous devons aussi procéder à un certain nombre d’auditions, notamment celle de représentants de la CNIL.
Il convient donc, tout d’abord, que le texte soit définitivement voté pour que nous puissions disposer d’une vision d’ensemble pour procéder à la remise en forme cohérente de la loi de 1978, sans remettre en cause – je le répète et, dorénavant, ce sera écrit grâce à vos propositions – les choix fondamentaux réalisés dans le projet de loi, de façon à garantir une meilleure accessibilité de l’ensemble du droit.
Il nous faut également procéder à diverses consultations, en particulier avec les collectivités de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, afin d’étendre les dispositions de la loi à ces collectivités et de les adapter à leur situation.
Pour ces raisons, je suis plus réservée sur la seconde partie de votre sous-amendement, et il me faut donc émettre à son encontre un avis défavorable. Soyez assurée, madame la rapporteur, que, en tout état de cause, entre l’adoption de la loi et la sortie de l’ordonnance tous les outils pédagogiques et de communication seront mis en place, en collaboration avec la CNIL, au service des citoyens, des entreprises et des collectivités locales.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame la garde des sceaux, vous mesurez certainement l’ampleur de l’effort que la commission se propose de faire.
Nous avions rejeté, en commission, le principe même de cette ordonnance. Le texte de la commission des lois n’en porte plus la trace.
Vous avez présenté un amendement, à la suite d’échanges que les collaborateurs du ministère de la justice ont eus avec Mme la rapporteur : ils se sont montrés aussi convaincants que possible et ont fait valoir que l’objet de cette ordonnance s’apparente à un exercice de codification, même s’il ne s’agit pas d’un code : il s’agit d’intégrer à la loi de 1978 Informatique et les libertés des dispositions éparses, en veillant à leur cohérence, et cela sans ajouter à ce qui sera le droit positif après la promulgation de la loi.
Nous comprenons bien l’intérêt de cette démarche et la nécessité d’une plus grande lisibilité pour ceux qui ont à appliquer la loi. Quand nous avons défendu les collectivités territoriales qui se voient assigner de nouvelles responsabilités, nous avons naturellement pris en compte la nécessité pour elles de disposer de textes lisibles. C’est pourquoi nous sommes prêts à faire mouvement – mais pas à n’importe quelles conditions !
Or, madame la garde des sceaux, lorsque nous avons appris, de la bouche même de vos collaborateurs du ministère de la justice, que cette ordonnance était pratiquement prête, nous avons véritablement jugé nécessaire de prévoir un délai court, en contrepartie du sacrifice que nous acceptons de ne pas légiférer nous-mêmes de la manière la plus complète.
C’est la raison pour laquelle nous ne proposerons pas au Sénat l’adoption de l’amendement du Gouvernement si le sous-amendement de la commission des lois n’est pas préalablement adopté, et cela sans modification.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le président de la commission, j’ai remercié la commission et Mme la rapporteur de leur proposition ; je mesure pleinement le travail que vous avez accompli en ce sens.
Je répète encore une fois que, même si les services de la Chancellerie ont entamé la rédaction de la future ordonnance, ce travail ne pourra véritablement commencer qu’à partir du moment où ce projet de loi sera adopté. Or nous ne connaissons pas encore précisément les choix du Parlement ; nous faisons, nous aussi, mouvement vers le Parlement. C’est ainsi que se construisent les bonnes et belles lois.
C’est la raison pour laquelle je crains que, une fois ce texte adopté, quand nous devrons engager des consultations, notamment avec la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, et travailler avec la CNIL, qui est très attachée à la rédaction de la loi de 1978, nous n’ayons à faire face aux difficultés que j’ai mentionnées.
Il n’en reste pas moins que j’ai conscience du travail que la Haute Assemblée a accompli.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la garde des sceaux, il y a le texte et il y a le contexte.
Certains, que je connais bien, sont tellement furieux de la façon dont on utilise aujourd’hui l’argument de l’ordonnance…
M. Jean-Pierre Sueur. … qu’ils seraient prêts à vous proposer, dans le cadre de la réforme de la Constitution, qu’il n’y en ait plus. Jadis existaient les décrets-lois ; aujourd’hui, ce sont des ordonnances. (M. Loïc Hervé s’exclame.)
Pour ma part, je ne suis pas aussi radical : je pense que les ordonnances peuvent être utiles, par exemple pour la codification à droit constant ou, dans un certain nombre de cas, pour la transposition de directives européennes.
Soyons réalistes, mais n’ignorons pas que nous entrons dans la journée du 22 mars 2018…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. … et que certains de vos collègues – mais pas vous-même, madame la garde des sceaux – ont en quelque sorte brandi l’ordonnance comme une menace : « il y aura des ordonnances, mais, si cela se passe bien, il y en aura peut-être moins »…
Je vous l’assure : c’est nul, cela ne sert à rien et provoque plutôt l’effet contraire de celui qui est visé. Ce procédé est tout à fait inefficace et, je le dis franchement, n’est pas respectueux.
En outre, madame la garde des sceaux, depuis la réforme de 2008, une loi de ratification doit succéder à une loi d’habilitation. Jusqu’à présent, tous les amendements sont possibles, et nous espérons que cela va durer, avec votre aide et votre concours.
M. Jean-Pierre Sueur. En effet, vous tenez aux droits du Parlement et savez que les amendements sont comme l’air que nous respirons. Nous ne pouvons que tenir au droit d’amendement.
Le temps que vous croyez gagner en limitant le nombre d’amendements, vous le perdrez, parce qu’il faudrait examiner deux projets de loi…
C’est pourquoi, dans ce contexte du 22 mars, car il se passe tout de même quelque chose ce jour-là dans le pays, madame la garde des sceaux (Sourires)…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. J’arrive justement à la conclusion de mon propos, monsieur le président, et je vous remercie de me rappeler à l’ordre.
Madame la garde des sceaux, si nous acceptons le sous-amendement de Mme Joissains, pour pouvoir voter ce que vous proposez, c’est que nous avons un grand sens des responsabilités…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ah oui !
M. Jean-Pierre Sueur. … et que nous pensons qu’il ne faut pas y voir un consentement à des ordonnances menaces que nous récusons de toutes nos forces. (Mme le rapporteur et M. Jérôme Bascher applaudissent.)