Mme Élisabeth Borne, ministre. Ces deux amendements visent à préciser les informations qui doivent être transmises en amont de la préparation des appels d’offres.

Il s’agit bel et bien d’un sujet sensible : il faut trouver un bon équilibre entre l’information de l’autorité organisatrice, l’équité de la concurrence et la protection des savoir-faire des entreprises ferroviaires, en particulier de la SNCF.

Sur ces sujets, les concertations sont en cours. Dans l’attente de leurs résultats, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Nous reviendrons sur cette problématique en présentant notre amendement de suppression à l’article 7. Mais je tiens à insister sur cette question, à l’heure où le Parlement est en train de renforcer le secret des affaires pour les entreprises privées.

Pour notre part, nous sommes favorables à ce que les informations mises à disposition d’un nouvel opérateur par l’entreprise historique soient encadrées de manière précise.

Bien entendu, certaines de ces informations relèvent de la confidentialité : il s’agit de protéger les intérêts de cette entreprise dans la compétition, non seulement nationale, mais aussi mondiale. Voilà pourquoi il faut être attentif à cet enjeu, qui est tout à fait essentiel.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 46.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 43 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Guerriau, Lagourgue et Malhuret, Mme Mélot et MM. A. Marc et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les informations utiles à caractère public, l’opérateur fournit ces données dans un standard ouvert et aisément réutilisable. »

La parole est à M. Jérôme Bignon.

M. Jérôme Bignon. Cet amendement tend à préciser que, lorsque les informations utiles fournies par l’autorité organisatrice de transport dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence sont jugées à caractère public, l’opérateur est tenu de les fournir selon un standard ouvert et aisément réutilisable.

Cette ouverture des données publiques semble être un gage de bonne foi à l’égard des utilisateurs : chacun doit disposer de l’ensemble des informations publiques dans de bonnes conditions pour pouvoir se faire son opinion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Longeot, rapporteur. Monsieur Bignon, je ne comprends pas bien le sens de cet amendement. Vous faites référence à la transmission des données de la part de l’opérateur, alors que l’article 2 évoque la transmission des données des autorités organisatrices vers les candidats.

Je serai favorable à l’amendement que vous proposez en ce sens à l’article 7. Mais, ici, cette disposition n’apparaît pas pertinente. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Bignon, l’amendement n° 27 rectifié est-il maintenu ?

M. Jérôme Bignon. Tenant compte des explications apportées par M. le rapporteur comme de l’avis émis par Mme la ministre, je retire cet amendement. Nous reparlerons de cette question à l’article 7.

M. le président. L’amendement n° 27 rectifié est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Chers collègues, le présent texte s’appuie certes sur l’obligation de transposition du quatrième paquet ferroviaire, mais je rappelle que nous n’avons pas voté en faveur de ces mesures : on peut comprendre l’argument, même si l’on n’y adhère pas.

Cela étant, les dispositions que nous souhaitons supprimer via le présent amendement nous semblent particulièrement dogmatiques. En effet, alors que le règlement OSP, qui prévoit les conditions d’ouverture à la concurrence des services conventionnés, ouvre des possibilités de dérogation, cet article en interdit l’utilisation. Cette interdiction est d’autant plus surprenante qu’il n’en est fait nullement mention dans l’exposé des motifs.

L’enjeu, c’est l’application du paragraphe 4 bis de l’article 5 de ce règlement : « Sauf interdiction en vertu du droit national, l’autorité compétente peut décider d’attribuer directement des contrats de service public relatifs à des services publics de transport de voyageurs par chemins de fer :

« Lorsqu’elle considère que l’attribution directe est justifiée par les caractéristiques structurelles et géographiques pertinentes du marché et du réseau concernés, et notamment leur taille, les caractéristiques de la demande, la complexité du réseau, son isolement technique et géographique et les services couverts par le contrat ; et

« Lorsqu’un tel contrat aurait pour effet d’améliorer la qualité des services ou le rapport coût-efficacité, ou les deux, par rapport au précédent contrat ».

Dans son document intitulé Ensemble pour le fer, qui ouvre d’autres possibilités et d’autres voies pour la réforme ferroviaire, le syndicat CGT considère qu’en s’appuyant sur ce texte et en exigeant des normes sociales qualitatives et environnementales de haut niveau, comme prévu à l’article 4, paragraphe 6, la Nation peut garder le service public ferroviaire. Nous faisons nôtre cette analyse. D’ailleurs, en raison des spécificités de l’Île-de-France, le rapport Spinetta considère à ce titre qu’il convient de reporter l’ouverture à la concurrence en 2033 et 2039 pour les lignes RER.

Les dispositions du présent article excluant toute possibilité de préservation du service public et écartant ainsi l’application du règlement OSP nous semblent particulièrement dangereuses et dogmatiques. Nous en proposons donc la suppression, et nous appelons le Gouvernement à se saisir des finesses du règlement OSP pour protéger les services conventionnés.

M. le président. L’amendement n° 47, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

1° Supprimer le mot :

ne

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans ce cadre, elles peuvent attribuer directement à SNCF Mobilités un contrat de service public.

La parole est à M. Olivier Jacquin.

M. Olivier Jacquin. Nous sommes pour une ouverture raisonnée et progressive à la concurrence. Nous souhaitons aussi laisser de la liberté et de la souplesse aux régions. Or les auteurs de la proposition de loi sont plus stricts que la Commission européenne : ils ne permettent pas l’utilisation de l’ensemble des dérogations prévues dans le quatrième paquet ferroviaire.

Par son article 5, paragraphe 6, le règlement OSP prévoit que, « sauf interdiction en vertu du droit national, les autorités compétences peuvent décider d’attribuer directement des contrats de service public relatifs » aux transports par chemins de fer, à l’exception d’autres modes ferroviaires, comme le métro ou le tramway. La durée de ces contrats ne pourra généralement pas dépasser dix ans.

Ces dispositions peuvent s’appliquer du 3 décembre 2019 au 24 décembre 2023, soit pendant quatre ans. Elles permettent aux autorités compétentes, en l’occurrence les régions, de choisir la procédure d’attribution directe de contrats de service public ou la procédure de mise en concurrence.

Ce choix possible d’une ouverture progressive à la concurrence, étalée entre 2019 et 2023, doit être préservé. Tel est le sens de notre amendement.

Par ailleurs, le même article 5 du règlement OSP prévoit d’autres dérogations, plus spécifiques, à la procédure de mise en concurrence. Les paragraphes 3 bis, 4, 4 bis et 4 ter, par exemple, traitent des situations structurelles et géographiques particulières des réseaux et du cas des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque l’attribution directe a pour effet d’améliorer la qualité des services, le rapport coût-efficacité ou les deux.

Là aussi, pourquoi ne pas préserver ces dérogations, qui permettent de procéder par attribution directe à SNCF Mobilités sous certaines conditions, après 2023 ? Dans certains cas, cette solution pourrait être utile.

Quoi qu’il en soit, ne privons pas les régions de cette possibilité de repousser, au-delà de 2023, l’ouverture à la concurrence et de s’adapter parfaitement. C’est justement le sens de la décentralisation.

A fortiori, il nous semble utile de laisser le choix aux autorités organisatrices qui le souhaitent de continuer à attribuer directement à SNCF Mobilités un contrat de service public sans recourir à la procédure de mise en concurrence, et ce au-delà de 2023. Ainsi, en Île-de-France, vu l’état du réseau, le rapport Spinetta préconise de repousser très loin l’ouverture à la concurrence de certaines lignes RER, qui, selon lui, constituent des sujets particulièrement complexes. C’est là un exemple de ces dérogations.

En supprimant la possibilité de recourir aux procédures d’attribution directe, cet article constitue, en quelque sorte, une surtransposition. Une telle attitude nous étonne, chers collègues, car, en général, vous n’y êtes pas favorables.

M. le président. L’amendement n° 68, présenté par M. Longeot, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les références :

bis, 4 ter et 6

par les références :

bis et 4 ter

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les deux autres amendements en discussion commune.

M. Jean-François Longeot, rapporteur. L’amendement n° 68 vise à autoriser la dérogation prévue au paragraphe 6 de l’article 5 du règlement n° 1370/2007, permettant aux autorités organisatrices qui le décident d’attribuer directement des contrats de service public entre 2019 et 2023. La durée de ces contrats ne pourra en aucun cas dépasser dix ans.

Nous acceptons finalement cette dérogation, qui a été expressément demandée par les régions. Le but est de laisser à ces dernières davantage de souplesse face à cette échéance.

En revanche, les régions qui le souhaiteront pourront ouvrir tous leurs services à la concurrence en 2019, et celles qui souhaitent le faire de façon plus progressive auront cette possibilité.

À travers cet amendement de la commission, c’est vraiment une souplesse qui est offerte.

Les amendements nos 14 rectifié et 47 visent à permettre aux autorités organisatrices de mettre en œuvre l’ensemble des dérogations à l’obligation de mise en concurrence prévues par le règlement n° 1370/2007 et que les États membres sont libres de reprendre dans leur droit national ou non.

Cette mesure est à l’opposé de la démarche volontariste qui est celle de cette proposition de loi. Il ne s’agit pas de verser dans la « surtransposition », mais de faire des choix clairs, en faveur de l’ouverture à la concurrence ou non.

Je citerai, là encore, l’étude de l’ARAFER publiée mardi dernier ; elle indique que certaines des dérogations prévues par le règlement européen ont des conditions d’application très peu définies et pourraient ainsi être utilisées pour retarder, de fait, la mise en œuvre de l’ouverture à la concurrence.

Nous estimons que l’ouverture à la concurrence va améliorer la qualité du service rendu aux voyageurs et réduire les coûts. Nous souhaitons, en conséquence, qu’elle devienne la règle.

J’ai néanmoins entendu les acteurs concernés et compris que certaines régions souhaitent profiter de la possibilité offerte par le règlement européen d’attendre 2023 pour ouvrir l’ensemble de leurs services à la concurrence. Je propose donc aux membres du groupe socialiste de rectifier leur amendement pour retenir cette seule dérogation. Si l’amendement est modifié en ce sens, l’avis de la commission pourra être favorable. Dans le cas contraire, j’inviterai le Sénat à se rallier à l’amendement de la commission, tendant à autoriser cette dérogation pour les années 2019 à 2023.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Il me semble que des modalités d’ouverture à la concurrence qui ne permettraient pas une attribution directe au-delà de décembre 2019 conduiraient à une ouverture brutale du marché. Cela ne correspondrait pas, au demeurant, aux attentes des régions.

Ces sujets font l’objet d’une concertation, mais l’objectif du Gouvernement est de proposer la mise en place d’une ouverture progressive à la concurrence en tenant compte des demandes des régions.

Dans l’attente des résultats de cette concertation, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur les trois amendements.

M. le président. Monsieur Jacquin, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 47 dans le sens indiqué par M. le rapporteur ?

M. Olivier Jacquin. J’apprécie l’ouverture de la commission sur le sujet de la dérogation calendaire, qu’elle propose également de retenir.

Le règlement OSP de 2016 prévoit toutefois la possibilité d’un certain nombre d’autres dérogations, pour de très petits contrats, du fait de circonstances exceptionnelles, par exemple en cas d’imbrication de contrats en cours, la mise en concurrence entraînant alors une trop grande complexité et pouvant présenter un rapport coût-efficacité défavorable, ou encore en raison du caractère structurel et géographique particulier du réseau.

Je maintiens le terme de surtransposition. Pour une fois que l’Europe nous permet un peu plus de souplesse, faisons confiance aux autorités organisatrices de transport pour utiliser cette souplesse selon leur situation spécifique !

Je tiens à signaler que notre amendement vise non pas à supprimer l’alinéa 7, mais simplement à l’adapter, pour aller dans le sens de plus de liberté pour les autorités organisatrices de transport. Faisons-leur confiance !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Hervé Maurey, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Contrairement à ce qui a pu être dit, cette proposition de loi ne constitue pas une transposition du règlement européen.

M. Olivier Jacquin. Une surtransposition !

M. Hervé Maurey, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. La France, comme tout État membre en a le droit, peut ne pas reprendre la totalité des dérogations proposées, dont l’ARAFER a souligné que, prises dans leur ensemble, elles risquaient véritablement de ralentir une fois de plus l’ouverture à la concurrence. Nous avons fait ce choix de manière délibérée et assumée, madame Assassi, et non sans le dire comme vous l’avez prétendu tout à l’heure. Nous l’avons d’ailleurs indiqué en toutes lettres dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, à la page 5 : « Le présent texte ne reprend donc aucune des dérogations autorisées par le quatrième paquet ferroviaire et permettant à une autorité organisatrice de transport de s’exonérer d’une procédure de mise en concurrence. » Le principe est, pour nous, l’ouverture à la concurrence.

En revanche, nous avons bien entendu que, pour les régions, l’échéance de 2019 pour l’ouverture à la concurrence pourrait être difficile à tenir. C’est pourquoi le rapporteur, au travers de l’amendement n° 68, propose de leur permettre de la repousser jusqu’en 2023.

Mme la ministre a indiqué tout à l’heure que l’ouverture à la concurrence devrait être progressive. Par nature, elle le sera, quelle que soit la date retenue, puisque la mise en concurrence interviendra à la date d’échéance des contrats en cours. Si un contrat est renouvelé pour cinq ans en 2018, il n’y aura pas, par définition, d’ouverture à la concurrence avant 2023.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. À nos yeux, il s’agit tout de même d’une surtransposition puisque, comme l’a dit Olivier Jacquin, l’Europe permet tout un ensemble de dérogations en matière d’ouverture à la concurrence. Pourquoi n’en retenir qu’une seule alors que toutes sont intéressantes ?

Mme Éliane Assassi. Exactement !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour explication de vote.

M. Frédéric Marchand. Le groupe La République En Marche s’abstiendra sur ces trois amendements. Le présent débat témoigne de la nécessité de poursuivre la concertation, sur cette question de la progressivité de l’ouverture à la concurrence comme sur d’autres. Il convient de ne pas se précipiter sur ces sujets essentiels, le texte qui nous est soumis constituant, pour reprendre la formule d’un collègue du groupe socialiste et républicain, un simple hors-d’œuvre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 68.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

I. – L’article L. 2121-1 du code des transports est ainsi rédigé :

« Art. L. 2121-1. – L’État est l’autorité organisatrice des services de transport ferroviaire de personnes d’intérêt national, sans préjudice de l’article L. 2121-12. »

II et III. – (Supprimés) – (Adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

I. – L’article L. 2121-2 du code des transports est ainsi rédigé :

« Art. L. 2121-2. – Pour répondre aux besoins d’aménagement du territoire, l’État conclut des contrats de service public pour l’exploitation de services de transport ferroviaire de personnes incluant des services à grande vitesse, dans les conditions prévues par le règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) n° 1191/69 et (CEE) n° 1107/70 du Conseil. »

II. – (Supprimé)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, sur l’article.

M. Jean Bizet. Cet article revêt pour moi et pour l’ensemble de mes collègues un intérêt particulier, puisqu’il concerne l’aménagement du territoire.

La proposition initiale de la Commission européenne, publiée le 30 janvier 2013, passait ce thème totalement sous silence. En revanche, le rapport d’information qui avait été examiné par la commission des affaires européennes le 17 juillet 2013 comportait la proposition suivante : « Laisser à chaque État membre la faculté d’ouvrir un marché de délégation de service public incluant tout à la fois des liaisons ferroviaires rentables et des liaisons déficitaires. »

La proposition de résolution adoptée le même jour par la commission des affaires européennes, puis trois mois plus tard par le Sénat, spécifiait de façon parfaitement explicite que « les périmètres des marchés de délégation de service public doivent pouvoir inclure, dans une perspective d’aménagement du territoire, des liaisons déficitaires et des liaisons rentables de telle sorte que leur exploitation globale soit équilibrée au moment de la passation du marché ».

Cette insistance argumentée fut couronnée de succès, puisque le règlement définitif adopté le 14 décembre 2016 par les instances communautaires autorise l’autorité compétente à spécifier des obligations de service public en regroupant des services couvrant leurs coûts et des services ne les couvrant pas. Nous n’avons donc pas travaillé pour rien !

L’article 4 de la présente proposition de loi vise le même objectif ; j’en remercie les auteurs de celle-ci ainsi que les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Il me semble toutefois utile d’apporter une clarification rédactionnelle afin de parfaire l’intelligibilité de la loi que nous sommes en train d’écrire. En effet, un lecteur quelque peu distrait pourrait croire que le champ des contrats de service public spécialement destinés à satisfaire les besoins d’aménagement du territoire devrait nécessairement inclure une liaison à grande vitesse.

Je ne conteste nullement l’intérêt de contrats de service public associant au moins une ligne à grande vitesse et des liaisons ferroviaires locales à l’équilibre économique précaire, mais l’aménagement du territoire peut aussi conduire les autorités compétentes à conclure des contrats de service public associant des liaisons locales déficitaires à des lignes de transport ferroviaire équilibrant leurs comptes sans relever pour autant de la grande vitesse.

Cette possibilité résulte du règlement adopté le 14 décembre 2016. Celui-ci étant d’application directe, l’amendement n° 44 rectifié bis que j’ai déposé à cet article vise non pas à modifier le droit positif, mais à rendre sa rédaction plus explicite, donc plus intelligible. Il tend de plus à introduire une phrase cruciale du règlement. Ainsi, l’adaptation de notre droit interne au texte européen sera particulièrement nette.

Je vous prie de m’excuser d’avoir été un peu long – je ne reprendrai pas la parole pour présenter l’amendement n° 44 rectifié bis –, mais je tenais à souligner le rôle pertinent joué, très en amont, par la commission des affaires européennes du Sénat dans l’élaboration du règlement de 2016 afin que celui-ci fasse référence à l’aménagement du territoire. Il aurait été quelque peu dramatique que tel ne soit pas le cas !

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.

M. Olivier Jacquin. Avec les articles 4 et 5, nous entrons dans la partie opérationnelle de la présente proposition de loi, relative aux modalités de l’ouverture à la concurrence.

Il existe un vaste débat entre ceux qui souhaitent libéraliser très fortement, voire faire exploser l’opérateur public principal, et ceux, dont nous faisons partie, qui entendent dynamiser ce dernier.

Je tiens à souligner que, depuis l’annonce de l’ouverture à la concurrence à venir, l’opérateur public a significativement évolué. Par exemple, un « mammouth » comme la SNCF a réussi à mettre en œuvre la nouvelle offre Ouigo dans un délai relativement bref. Cela lui permettra d’occuper une place significative sur le marché du low cost.

Nous serons nuancés et prudents à l’égard du principe des franchises, qu’il nous est proposé de retenir. Pour les régulateurs que nous sommes, ce principe est intellectuellement séduisant, puisqu’il prescrit de constituer des lots équilibrés regroupant des lignes rentables et des lignes non rentables, mais, du point de vue opérationnel, il sera extrêmement complexe à mettre en œuvre : quelle sera la taille des lots ? Comment sera assurée la continuité du service entre les lots ? Dans la situation de monopole actuelle, le site OUI.sncf permet d’obtenir une information complète et il existe une relative complémentarité et des correspondances. La mise en place de franchises peut remettre cela en cause, comme le montrent des exemples à l’étranger.

Par ailleurs, l’open access, ou libre accès, apparaît relever d’une logique ultralibérale, comme son nom l’indique. Il comporte un risque d’écrémage : les opérateurs privés seront tentés de privilégier les sections de lignes les plus rentables. M. Spinetta lui-même estime qu’un tel dispositif doit être accompagné de formes de régulation, par exemple de l’instauration d’une taxe de péréquation qui permettrait de maintenir les extrémités de lignes et les lignes moins rentables.

Madame la ministre, nous pensons qu’il est nécessaire d’approfondir les discussions et de faire preuve d’une grande prudence, tout en ayant le souci de donner une certaine liberté aux différentes autorités organisatrices de transport.

M. le président. L’amendement n° 15, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Le présent article prévoit la conclusion, par l’État, de contrats de service public pour l’exploitation de services de transport ferroviaire de personnes incluant des services à grande vitesse, pour répondre aux besoins d’aménagement du territoire.

Cet article constitue le point dur des discussions entre le Gouvernement et le Sénat. En effet, le Gouvernement prône, en conformité avec le rapport Spinetta, la mise en place d’un open access total, alors que la présente proposition de loi prévoit un système hybride, combinant concurrence et contrats de service public.

En effet, au travers de ces contrats de service public, il s’agit d’obliger les opérateurs à mixer services à grande vitesse rentables et services non rentables, pour permettre la continuité de la desserte, l’aménagement du territoire, mais aussi la péréquation entre les différentes offres. Ce sont là autant de missions qui étaient dévolues à SNCF Mobilités à une échelle plus pertinente, permettant une réelle péréquation.

Pour notre part, même si nous comprenons les intentions des auteurs de la proposition de loi, nous estimons que ces garde-fous ne sont que des emplâtres sur une jambe de bois, d’autant que cette volonté de promouvoir l’aménagement du territoire ne concerne aucunement les transports régionaux, les petites lignes largement menacées par le rapport Spinetta, mais simplement les lignes à grande vitesse.

Par ailleurs, le Conseil d’État est extrêmement critique sur cette disposition, ce qui a conduit le rapporteur à préciser qu’il n’était absolument pas nécessaire que les franchises couvrent toutes les lignes.

Ce sont autant d’éléments qui nous confortent dans notre analyse que l’ouverture à la concurrence sera instrumentalisée afin d’abandonner un certain nombre de lignes jugées trop peu rentables.

Il ne s’agit pas, comme vous l’avez dit, madame la ministre, de multiplier les offres : cette multiplication n’interviendra que sur les axes rentables ; ailleurs, ce sont des déserts ferroviaires que vous préparez. Il s’agit, une nouvelle fois, d’affaiblir la SNCF, selon un schéma où l’on privatise les profits et où l’on socialise les pertes.

Nous nous inscrivons en faux contre cette conception. Le service public ferroviaire est un service en réseau qui doit permettre le maillage de l’ensemble du territoire, assuré par une offre cohérente et financé grâce à un soutien public et une péréquation tarifaire.

Le présent article et le projet de loi à venir conduiront à la mise en œuvre d’un système compliqué, peu lisible et aléatoire selon les territoires. Nous y sommes opposés.