Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Cet amendement porte sur le droit à pension ouvert aux victimes civiles de la guerre d’Algérie, à la suite d’une décision QPC, dite Kherbouche, du Conseil constitutionnel.
En 1963, le législateur avait prévu que, pour bénéficier d’une pension, les victimes civiles de la guerre d’Algérie ou leurs ayants droit devaient avoir la nationalité française. Par cette décision QPC du 8 février 2018, le Conseil constitutionnel a censuré cette condition en la déclarant contraire au principe d’égalité.
Le Gouvernement entend donc tirer toutes les conséquences de cette censure, tout en recherchant le juste point d’équilibre entre exigences constitutionnelles, soutenabilité du dispositif et nécessité de regarder résolument vers l’avenir, pour donner un nouvel élan à la relation franco-algérienne.
Tout d’abord, le respect des exigences constitutionnelles impose la suppression de la condition de nationalité française, jusqu’alors nécessaire pour pouvoir bénéficier d’une pension en tant que victime civile de la guerre d’Algérie. Dont acte !
Ensuite, l’équilibre du dispositif suppose que les mêmes dommages ne soient pas indemnisés plusieurs fois. Le présent amendement vise à rendre impossible le cumul de la pension concernée avec toute autre indemnisation à raison des mêmes dommages.
Enfin, la nécessité de tourner la page de la guerre d’Algérie et de regarder résolument vers l’avenir suppose de borner le dispositif dans le temps. Les faits étant désormais anciens, il s’avère en effet difficile d’instruire aujourd’hui les dossiers. Le présent amendement a ainsi pour objet de prévoir qu’il ne sera plus possible de présenter de demandes tendant au bénéfice de la pension à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Cette disposition garantit pleinement les droits acquis, notamment pour l’ensemble des étrangers ayant déposé une demande de pension depuis la décision du Conseil constitutionnel. Ceux-ci pourront bien sûr prétendre au bénéfice de la pension, sous réserve de démontrer que les dommages physiques subis sont imputables à la guerre d’Algérie et qu’eux-mêmes n’ont pas participé, directement ou indirectement, à l’organisation ou à la perpétration de ces violences.
Le Gouvernement entend ainsi donner son plein effet à la décision du Conseil constitutionnel et affranchir la relation franco-algérienne des épisodes douloureux du passé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. J’émets, au nom de la commission des affaires étrangères, un avis favorable sur cet amendement. Je n’ai pas grand mérite, dans la mesure où il s’agit d’entériner une décision QPC du Conseil constitutionnel. Il n’y a pas d’autres commentaires à ajouter à ce que vient de dire Mme la secrétaire d’État.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Madame la secrétaire d’État, vous nous indiquez le souhait du Gouvernement de se mettre en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel. Dans le même temps, vous essayez de limiter le coût financier d’une telle mesure. Étant entendu que, lorsque l’on est aux responsabilités, on finit toujours par être victime de ses promesses, le groupe socialiste soutiendra cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je me rallierai naturellement à l’avis favorable de la commission. Il faut aussi savoir, par les décisions que nous prenons, être solidaires d’une certaine mémoire, par rapport aux conflits passés, en n’occultant pas le nécessaire souci de solidarité financière. C’est ce que l’on a déjà constaté pour d’autres revendications formulées dans le cadre de précédentes lois de finances, au sein de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Cet amendement a véritablement toute son importante au regard de l’histoire et des conflits passés. C’est pourquoi je le soutiendrai.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Bockel. Pour avoir eu à m’occuper, au même titre que Mme la secrétaire d’État et M. Todeschini, du ministère des anciens combattants et à exercer une telle responsabilité, je sais combien il s’agit d’une question complexe, sensible, parmi tous les dossiers relatifs à cette période et encore en suspens. Sans développer plus avant mon propos, je veux simplement indiquer que je me joins évidemment aux marques de soutien qui s’expriment sur la démarche qui est celle aujourd’hui du Gouvernement. Je pense que telle est aussi l’opinion du groupe UC.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Qu’il est difficile de parler après quatre ministres, dont deux en exercice ! Nous avions prévu de déposer un amendement, mais le Gouvernement nous a précédés. Nous soutiendrons donc cet amendement, qui vise à mettre en œuvre une mesure d’équité et de justice à l’égard des membres supplétifs de statut civil de droit commun. La loi doit s’appliquer, c’est bien de le redire ici.
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l’article 30, modifié.
(L’article 30 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 30
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié quinquies est présenté par MM. Grand, Allizard et Gilles, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Sol et Babary, Mmes Eustache-Brinio, Puissat et Primas, MM. H. Leroy et Pierre, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam, A-M. Bertrand, Lopez, Imbert, Lassarade et Deroche et MM. Pillet, Piednoir, Charon, Bonne, Saury, Danesi, Savary, B. Fournier, Huré, Chatillon, Mayet, Dufaut, Cuypers, Revet, Leleux, Gremillet et Laménie.
L’amendement n° 119 rectifié est présenté par MM. Requier, Guérini, Vall, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Gold, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt et Menonville.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 est applicable aux supplétifs de statut civil de droit commun ayant déposé une première demande ou un renouvellement de demande d’allocation de reconnaissance entre le 5 février 2011 et le 20 décembre 2013, ayant obtenu une décision de refus entre le 5 février 2011 et le 20 février 2016 et remplissant les conditions autres que celles du statut.
Pour l’application du même article 47, ils ne peuvent bénéficier du versement de l’allocation de reconnaissance que sous forme de rente annuelle mentionnée au deuxième alinéa du I de l’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
La parole est à M. Pascal Allizard, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié quinquies.
M. Pascal Allizard. La précédente loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 a modifié les conditions d’indemnisation des supplétifs. Cela a été rappelé, plus de cinquante ans après la guerre d’Algérie, il existe aujourd’hui deux catégories de supplétifs : ceux de statut civil de droit local et ceux de statut civil de droit commun. Ces derniers sont actuellement privés de l’allocation de reconnaissance, d’un montant de 3 663 euros. Or 74 d’entre eux, parfaitement identifiés, avaient déposé leur demande entre février 2011 et décembre 2013, période durant laquelle ils étaient éligibles en raison d’une censure constitutionnelle consécutive à une précédente décision QPC. La quasi-totalité d’entre eux, bien souvent âgés et dans des situations précaires, ont été déboutés, voire découragés d’engager des recours contentieux contre les refus de l’administration. Ceux qui l’ont fait ont d’ailleurs eu gain de cause.
Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, le Sénat avait adopté un amendement de notre collègue Bruno Gilles afin de réparer cette injustice, mais l’Assemblée nationale était revenue dessus. Il ne s’agit pas, madame la secrétaire d’État, de rouvrir le dossier des supplétifs en modifiant la loi de 1989. Il convient cependant, très simplement et très humainement, de rendre justice à ces 74 supplétifs recensés par l’ONAC, en leur accordant cette allocation annuelle et en les excluant d’ailleurs de la possibilité de toucher un capital afin de préserver les finances publiques. Un avis favorable de votre part serait un geste fort.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 119 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Comme vient de le rappeler notre collègue, si les membres de nos forces supplétives en Algérie avaient deux statuts différents, selon qu’ils étaient arabo-berbères ou de souche européenne, le Conseil constitutionnel, dans une décision QPC du 4 février 2011, a considéré que la condition de nationalité était contraire au principe d’égalité. Le Conseil d’État s’est prononcé dans le même sens en 2013, en annulant les dispositions qui réservaient le bénéfice de l’allocation de reconnaissance aux seules personnes de statut civil de droit local. Cependant, la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, votée en 2013, a réintroduit ces dernières dispositions, en les assortissant d’une clause de rétroactivité. Le Conseil constitutionnel, dans une décision QPC ultérieure, a censuré cette clause en 2016, ouvrant ainsi la voie à l’indemnisation de ceux qui ont déposé une demande d’allocation entre le début de l’année 2011 et la fin de 2013. Mais l’administration est restée sourde à ces demandes.
Notre amendement vise donc à permettre aux membres supplétifs de recouvrer leurs droits de façon effective. Cela concerne peu de dossiers : 74. Un geste envers ces supplétifs, aujourd’hui âgés, serait une bonne mesure, d’équité et de justice. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié quinquies, présenté par MM. Grand, Allizard et Gilles, Mme Micouleau, MM. Sol et Babary, Mmes Eustache-Brinio, Puissat et Primas, MM. H. Leroy et Pierre, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam, A-M. Bertrand, Lopez, Imbert, Lassarade et Deroche et MM. Pillet, Piednoir, Charon, Bonne, Saury, Danesi, Savary, B. Fournier, Huré, Chatillon, Mayet, Dufaut, Cuypers, Revet, Leleux, Gremillet et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’intérêt qu’il y aurait à rendre l’article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 applicable aux supplétifs de statut civil de droit commun ayant déposé une première demande ou un renouvellement de demande d’allocation de reconnaissance entre le 5 février 2011 et le 20 décembre 2013.
La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Il s’agit d’un amendement de repli, pour demander au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement en vue de continuer à faire prospérer cette cause. Mais il serait préférable que les amendements identiques précédemment présentés soient adoptés.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié quater, présenté par Mme Morhet-Richaud, M. Revet, Mme Eustache-Brinio, MM. Gilles, Houpert, Pierre, D. Laurent et Raison, Mme Di Folco, M. Kern, Mme Puissat, MM. Danesi et Lefèvre, Mme Micouleau, M. Brisson, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Husson, B. Fournier et Poniatowski, Mme Deromedi, MM. Pillet, Bonhomme et Kennel, Mme Imbert, M. Babary, Mme Bruguière, M. Meurant, Mme Gruny, M. Pointereau, Mmes Bonfanti-Dossat et Deseyne, M. Gremillet et Mme Lherbier, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin d’évaluer la situation des supplétifs de statut civil de droit commun ayant déposé une première demande ou un renouvellement de demande d’allocation de reconnaissance entre le 4 février 2011 et le 19 décembre 2013, un rapport gouvernemental est remis au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la date de promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Cet amendement est similaire à celui qui vient d’être présenté.
Mme la présidente. L’amendement n° 115, présenté par Mme Berthet, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la situation des supplétifs de statut civil de droit commun ayant déposé une demande d’allocation de reconnaissance entre le 4 février 2011 et le 19 décembre 2013.
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Il s’agit du même amendement. Donc, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 115 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Les explications qui ont été données à la fois par nos collègues Pascal Allizard, au nom de Jean-Pierre Grand, et Jean-Claude Requier ont bien éclairé la Haute Assemblée. Nous avons à prendre une décision dont la dimension humaine n’échappe à personne, qui nous permettrait de refermer une page douloureuse de notre histoire en nous appuyant juridiquement sur deux décisions du Conseil constitutionnel.
Les amendements identiques nos 1 rectifié quinquies et 119 rectifié sont bien fondés. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable, sachant, comme Pascal Allizard vient de l’évoquer, que leur adoption ferait tomber tous les autres.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. C’est un sujet difficile, j’en conviens. À mon tour, je rappellerai brièvement les faits.
Le législateur a mis en place un régime particulier d’indemnisation pour les anciens membres des formations supplétives de l’armée française soumis antérieurement au statut civil de droit local. Il a en revanche exclu les membres de formations supplétives de droit commun, c’est-à-dire les personnes d’origine européenne.
Le législateur a ainsi voulu constater, à tous égards, la situation très particulière des supplétifs de droit local à leur arrivée en métropole. Ceux-ci ont en effet rencontré des difficultés d’intégration spécifique, que le législateur a entendu reconnaître et indemniser. Les auteurs des amendements évoquent le cas particulier des personnes ayant formé une demande d’allocation de reconnaissance avant le 19 décembre 2013, date d’entrée en vigueur de la LPM 2014-2019, qui a introduit cette distinction selon le statut civil des supplétifs.
Dans sa décision QPC du 19 février 2016, le Conseil constitutionnel a réglé le cas de ces personnes, en jugeant que le critère de statut civil ne pouvait justifier le refus d’une demande présentée avant le 19 décembre 2013. Cette décision se suffit donc à elle-même et n’appelle aucune modification de la loi. Les demandes de ces supplétifs de droit commun qui ont pu rentrer et déposer des dossiers durant cette période sont en cours d’instruction. Point n’est donc besoin de disposition législative supplémentaire. Le critère de statut civil s’applique aux demandes déposées depuis le 19 décembre 2013 et il est justifié par les difficultés d’intégration spécifiques que j’ai rappelées.
Par conséquent, une telle distinction a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision QPC du 4 décembre 2015. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements, sachant que la décision QPC du 19 février 2016 se suffit à elle-même et n’appelle aucune modification de la loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour explication de vote.
Mme Brigitte Micouleau. Madame la secrétaire d’État, nous défendons ici, une fois de plus, l’égalité de traitement et de reconnaissance de la République envers ceux qui se sont battus pour elle. Nous vous proposons, une fois de plus, d’inscrire dans la loi une disposition cohérente, pour faire en sorte de supprimer cette distinction instaurée entre les supplétifs de statut de droit local et ceux de statut de droit commun.
Honorons-nous d’apporter aujourd’hui une réponse favorable à cette requête. La Nation a un devoir de justice envers les membres des forces supplétives en Algérie, qu’ils soient de statut civil de droit local ou de statut civil de droit commun.
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ce sujet est effectivement ancien, puisque nous en avions déjà débattu lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019. À cette occasion, je voudrais lui rendre hommage, notre collègue Bruno Gilles avait déposé un amendement sur ce même sujet, cosigné par trente-trois autres sénateurs UMP et que j’avais eu l’honneur de défendre en séance.
Je dois le dire, ce débat devient quelque peu exaspérant. Nous parlons de 74 personnes, 74 harkis supplétifs qui se sont battus pour la France, qui lui ont fait honneur par ce devoir de fidélité, par amour pour notre pays. Et encore aujourd’hui, en 2018, le Gouvernement hésite et refuse un tel amendement. Madame la secrétaire d’État, c’est véritablement une question d’honneur pour notre pays, pour le Parlement, que d’enfin reconnaître les droits de ces personnes.
En 2013, lorsque j’étais intervenue, nous parlions de 500 supplétifs. Ils ne sont plus que 74. Alors, qu’attendons-nous ? Qu’ils soient tous morts ? Ce serait vraiment une tache sur l’honneur de notre pays, et je compte vraiment sur mes collègues pour se battre pour eux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.
M. Pascal Allizard. Madame la secrétaire d’État, votre réponse est triste, sèche, très technocratique. Nous parlons de personnes qui ont souffert, porté les armes et défendu l’honneur de la France. Vous vous abritez derrière la loi ; je vous rappelle que lorsque ces personnes ont déposé leur dossier, elles étaient éligibles, comme l’a confirmé la décision du Conseil constitutionnel.
J’utiliserai également l’argument budgétaire. Comme ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam vient de le rappeler, une centaine de ces personnes disparaissent chaque année. Sachant que nous parlons de 74 personnes, l’impact budgétaire est presque nul… Je considère que votre refus révèle un manque de cœur, et j’appelle mes collègues à voter en faveur de l’adoption de ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Lors de l’examen dans cet hémicycle, début décembre, des crédits de la mission budgétaire « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation », je me trouvais pris, en tant que rapporteur spécial, entre le marteau et l’enclume. Je me sens plus à l’aise aujourd’hui pour soutenir franchement ces amendements, qui ont le mérite d’apporter une réponse aux 74 personnes concernées. Si nous ne les adoptons pas, madame la secrétaire d’État, quand sera-t-il enfin fait droit aux doléances tout à fait légitimes des représentants des associations patriotiques et de mémoire ? Lors de l’élaboration de la loi de finances, on nous disait que ce n’était pas possible, car tout était ficelé. Les sommes en jeu sont infimes au regard du budget de 2,4 milliards d’euros alloué aux anciens combattants. À un moment donné, il faut cesser d’attendre pour agir !
Par respect et par reconnaissance envers le monde combattant, je soutiendrai ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Le groupe Union Centriste soutient évidemment ces amendements de bon sens.
Puisqu’une centaine de ces personnes décèdent chaque année et qu’il n’en reste que 74, il suffirait donc d’attendre encore un peu… Un tel raisonnement est franchement inhumain !
Nous aurions souhaité une réponse un peu plus claire de votre part, madame la secrétaire d’État. Vous nous avez dit que ces dossiers sont à l’étude ; j’aurais aimé vous entendre dire qu’ils étaient en bonne voie d’aboutir. J’espère que vous nous entendrez, madame la secrétaire d’État.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. J’entends bien que la représentation nationale est très attachée à la reconnaissance et à la réparation dues aux anciens combattants, quelles que soient leurs origines.
Toutefois, je le redis, nous ne souhaitons pas inscrire ce principe dans la loi. Je comprends très bien que la succession de mesures législatives et de corrections constitutionnelles ait pu égarer les demandeurs, notamment les supplétifs de droit commun qui ont formulé une demande, dont j’ignore quelle proportion ils représentent de l’ensemble de ceux qui auraient pu engager cette démarche.
En tout état de cause, je rappelle que l’allocation de reconnaissance dont il s’agit ici a été instituée par le législateur au regard des difficultés rencontrées par les harkis de droit local quand ils sont arrivés dans notre pays. Ils ont connu des conditions de vie particulièrement difficiles, indignes : pensons aux hameaux de forestage, aux camps divers et variés… Nous connaissons tous cette histoire douloureuse.
Les harkis de droit commun, quant à eux, ont connu des conditions d’accueil tout à fait différentes et ils ont pu prétendre à l’équivalent de la reconnaissance accordée aux rapatriés.
Le ministère souhaite maintenir cette approche différenciée qui a été voulue par le législateur, même si, au fil des ans, des modifications législatives et des corrections constitutionnelles sont venues complexifier ces dossiers.
Je tenais à vous apporter ces précisions de façon moins technique, plus politique. Cette approche différenciée n’enlève rien à la reconnaissance que nous devons à tous les harkis, qu’ils soient de droit commun ou de droit local.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié quinquies et 119 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 30, et les amendements nos 2 rectifié quinquies et 4 rectifié quater n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par Mme Bonfanti-Dossat, MM. Courtial, Brisson et Dallier, Mmes Bruguière et Troendlé, M. Reichardt, Mmes Garriaud-Maylam, Puissat et Lassarade, M. Gilles, Mme Micouleau, MM. Bouchet, Husson, D. Laurent, Huré, Joyandet, Revet, Magras et Bansard, Mme Delmont-Koropoulis, M. Babary, Mmes Gruny et Raimond-Pavero, M. Paccaud, Mme Deroche, M. Piednoir, Mmes Lanfranchi Dorgal et Keller, MM. Schmitz, B. Fournier et Hugonet, Mmes de Cidrac et Lamure, MM. Lefèvre et Laménie et Mmes L. Darcos et Lherbier, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé une « médaille d’honneur du monde combattant » destinée à manifester l’hommage de la Nation aux bénévoles.
La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Les élus des territoires que nous sommes connaissent bien l’importance de l’engagement des associations combattantes non seulement pour faire vivre le devoir de mémoire, mais aussi pour transmettre les valeurs citoyennes reflétées par notre histoire nationale et par les destinées individuelles.
Malheureusement, nous savons aussi que le temps ne suspend pas son vol. Les combattants de la guerre de 14-18 sont tous décédés, ceux de la guerre de 39-45 vieillissent, tout comme les anciens d’Afrique du Nord, d’Indochine et d’Algérie.
C’est ainsi que de plus en plus de bénévoles s’impliquent aujourd’hui pour remplir ces missions essentielles. Or ces bénévoles, dont nous connaissons le courage, la fierté et la force, ne peuvent aujourd’hui être récompensés. La création d’une médaille d’honneur du monde combattant est une demande ancienne de leur part. Elle est légitime à nos yeux, d’autant que les conditions d’admission à la Légion d’honneur ou à l’Ordre national du Mérite sont aujourd’hui très restrictives.
Même si je sais que la création de cette décoration ne relève pas à proprement parler de la loi, je tenais, avec mes collègues cosignataires de cet amendement, à demander de nouveau la création d’une médaille d’honneur du monde combattant.
Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par M. Courtial, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Brisson, D. Laurent et Joyandet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Revet, Charon et Gilles, Mme Deromedi, MM. Reichardt et Magras, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Piednoir, Lefèvre, Sido, Allizard, Panunzi, Schmitz et Carle, Mme Keller, MM. Danesi, Daubresse, J.M. Boyer et Duplomb, Mmes de Cidrac, L. Darcos et Lherbier et M. H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans les deux mois qui suivent la promulgation de la présente loi, un rapport sur la création d’une « médaille d’honneur du monde combattant », destinée à manifester la reconnaissance de la Nation aux bénévoles des associations d’anciens combattants.
La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Cet amendement a pour objet de demander au Gouvernement un rapport sur l’opportunité de créer une médaille d’honneur du monde combattant.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La commission ne méconnaît pas l’intérêt de rendre un hommage particulier aux bénévoles qui participent au devoir de mémoire. Les élus savent combien ils agissent pour conserver le souvenir d’épisodes tragiques de l’histoire de notre pays. Ces bénévoles sont du reste nombreux à mériter la reconnaissance de la Nation, mais, comme vous l’avez dit, ma chère collègue, nous sommes ici à la frontière du domaine législatif et du domaine réglementaire. Il n’est sans doute pas souhaitable d’inscrire dans la loi la création d’une médaille d’honneur du monde combattant, d’autant qu’un certain nombre de décorations existent déjà : la médaille de reconnaissance de la Nation, la croix du combattant et, bien sûr, l’Ordre national du mérite, la Légion d’honneur, la médaille militaire, ainsi que plusieurs ordres ministériels.
Je plaide auprès des deux ministres de tutelle pour que l’on soit un peu plus généreux dans l’octroi de ces décorations. En effet, du fait des contingentements et des instructions qui ont dû être donnés en haut lieu pour réduire le nombre de bénéficiaires, il est désormais extrêmement difficile d’obtenir une décoration pour un ancien combattant ou un bénévole du monde combattant qui s’est illustré par son engagement personnel. Nous pouvons tous ici en témoigner.
Voilà ainsi un élément de réponse que le Gouvernement pourrait apporter à nos collègues signataires de ces amendements, dont nous approuvons l’esprit tout en en demandant le retrait, pour la raison précédemment invoquée tenant à la distinction entre le domaine de la loi et celui du règlement.