M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement se félicite que votre Haute Assemblée ait pris l’initiative d’inscrire ce débat à son ordre du jour et juge particulièrement bienvenue cette proposition de loi relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique.
Je ne reviendrai pas sur la genèse des différentes dispositions législatives adoptées par le Parlement depuis 2016, qui ont progressivement étendu le cadre légal autorisant les membres des différentes forces de sécurité à utiliser une caméra mobile, qu’il s’agisse des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, des membres des forces de sécurité intérieure, puis, enfin, des agents de police municipale. Tout cela a parfaitement été exposé par M. le rapporteur et par l’auteur de la proposition de loi.
Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, à quel point le Gouvernement est attaché à l’utilisation, par les forces de sécurité intérieure, de cet équipement qui présente de réels atouts opérationnels et qui constitue un facteur d’apaisement des possibles tensions entre les forces de l’ordre et la population.
À ce titre, dans le cadre de la police de sécurité du quotidien lancée en février dernier, nous avons décidé de multiplier par quatre le nombre de caméras-piétons au sein de la police et de la gendarmerie nationale afin d’atteindre le nombre de 10 000 caméras d’ici à 2019.
Nous considérons qu’à terme, quand ces équipements seront largement diffusés, déclencher sa caméra, en cas d’incident ou de situation qui s’envenime, doit devenir un réflexe pour chaque policier ou gendarme affecté sur le terrain.
Je n’insisterai du reste pas plus sur le fait que l’usage de cet équipement me paraît plus efficient, en termes d’apaisement des relations entre forces de l’ordre et population, que l’instauration d’une obligation de délivrance d’un récépissé en cas de contrôle d’identité.
M. Henri Leroy. Tout à fait !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le législateur l’avait d’ailleurs admis dans le cadre de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté en instaurant une expérimentation afin que tout contrôle d’identité fasse l’objet d’un enregistrement au moyen d’une caméra mobile. Le périmètre retenu pour cette expérimentation par le décret du 25 avril 2017 a été celui de zones de sécurité prioritaire réparties dans 21 départements. Le bilan de cette expérimentation, qui s’est achevé le 1er mars dernier, est en train d’être tiré, notamment afin d’évaluer l’impact de cette obligation sur le déroulement des interventions.
Dans le droit fil des orientations retenues sous la précédente législature, le Gouvernement entend donc maintenir le recours le plus large possible, dans un cadre de sécurité publique, à ces équipements et s’emploie à les déployer.
À l’origine, le but principal de la proposition de loi était – vous l’avez rappelé – de créer, à l’instar de ce qui a été prévu en 2016 pour les policiers municipaux, une expérimentation relative à l’usage des caméras mobiles pour les sapeurs-pompiers. Le Gouvernement comprend l’intention et l’origine d’une telle proposition. C’est avec la plus grande fermeté que le ministère de l’intérieur a condamné les récentes agressions, que vous avez rappelées, monsieur le rapporteur, dont ont été victimes des sapeurs-pompiers dans l’exercice de leurs missions de secours. C’est avec fermeté que de tels actes doivent être réprimés ! Et c’est avec la même fermeté que nous nous employons à faire en sorte que leurs interventions puissent s’effectuer dans des conditions optimales de sécurité, en particulier en prévoyant qu’ils soient accompagnés par les forces de l’ordre si cela apparaît nécessaire.
À ce titre, la possibilité offerte aux sapeurs-pompiers de filmer leurs interventions constitue-t-elle pour eux un moyen de sécuriser ces dernières ? Le Gouvernement n’en était pas persuadé. En effet, les situations opérationnelles dans lesquelles ils sont amenés à se trouver engagés peuvent poser des questions en termes de respect de la vie privée – dans la mesure où ils sont amenés à pénétrer dans des domiciles sans mandat judiciaire – et du secret médical.
Pour autant, le Gouvernement note que le travail de qualité effectué par votre commission des lois, sous la houlette de son rapporteur, aura permis d’apporter une réponse à ces questions en prévoyant que l’enregistrement ne saurait être déclenché « dans les cas où il est susceptible de porter atteinte au secret médical ». S’agissant d’un dispositif à caractère expérimental pour une durée de trois ans, le Gouvernement s’en remettra donc sur ce point à la sagesse des parlementaires, en soulignant qu’un tel dispositif ne pourra pas constituer l’alpha et l’oméga pour la sécurité des sapeurs-pompiers, et qu’il conviendra de rester particulièrement attentifs à la bonne mise en œuvre des instructions données par ailleurs pour leur garantir un niveau de sécurité optimal.
Le deuxième aspect du texte initial visait à créer un régime permanent d’utilisation des caméras mobiles, similaire à celui dont bénéficient actuellement policiers et gendarmes, par les agents de l’administration pénitentiaire chargés des missions d’extractions judiciaires ou de transfèrements administratifs.
Le Gouvernement est, bien entendu, favorable à un tel dispositif. Il y souscrit d’autant plus volontiers que votre commission des lois a fort opportunément élargi le champ de cette faculté aux personnels de surveillance chargés de « missions présentant, à raison de leur nature ou du niveau de dangerosité des personnes détenues concernées, un risque particulier d’incident ou d’évasion ». Suivant la logique retenue lors de chaque extension du cadre légal d’usage des caméras mobiles, votre commission a préféré un dispositif expérimental à un dispositif pérenne, ce qui apparaît cohérent aux yeux du Gouvernement.
J’en termine, enfin, par l’article additionnel introduit par votre commission dans le texte de la proposition de loi et qui vise à pérenniser l’expérimentation prévoyant l’usage de caméras mobiles par les agents de police municipale. Lors d’un débat sur la sécurité routière qui s’est déroulé dans cette enceinte, j’ai déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet et de répondre au sénateur Leroy qu’un texte serait prochainement examiné par l’Assemblée nationale.
Votre proposition de loi a été inscrite à l’ordre du jour du Sénat et nous avons trouvé opportun d’aller encore plus vite en y introduisant cette disposition.
M. Henri Leroy. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cela a déjà été indiqué, cette expérimentation est arrivée à son terme le 3 juin dernier.
Je voudrais affirmer ici haut et fort qu’il ne faut accorder aucun crédit à la petite musique que j’ai pu entendre en certains lieux – pas ici, je le précise ! –, laissant accroire que le Gouvernement n’aurait pas fait preuve de sérieux sur ce dossier, traité avec une certaine forme de légèreté et d’impréparation.
En effet, c’est la conception initiale du cadre législatif de cette expérimentation qui nous a conduits à nous trouver dans la situation actuelle. La loi du 3 juin 2016 faisait courir le délai d’expérimentation de deux ans à compter de la date de publication de la loi, tout en conditionnant son démarrage à la prise d’un décret qui nécessitait la consultation de la CNIL, pour des raisons évidentes et que chacun comprend.
Ce décret étant sorti à la fin du mois de décembre 2016, il en est résulté que la délivrance des autorisations et l’acquisition du matériel par les communes n’ont permis de faire démarrer réellement l’expérimentation que dans le courant de l’année 2017. Il était alors difficile, au vu des textes débattus depuis le début de la nouvelle législature, de se prononcer sur l’opportunité de pérenniser ou d’abandonner une expérimentation qui venait à peine de commencer.
Je laisse évidemment de côté cette polémique pour vous dire que le ministère de l’intérieur vous a adressé, un peu tardivement peut-être,…
Mme Éliane Assassi. Hier soir !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … mais récemment, le bilan que l’on peut tirer de cette expérimentation.
Voici les éléments que je veux donner en synthèse. Premièrement, des autorisations donnant lieu à l’utilisation de 2 325 caméras mobiles ont été accordées à 391 communes. Chaque commune titulaire d’une telle autorisation possède, en moyenne, 6 caméras mobiles.
Deuxièmement, l’acquisition de caméras mobiles par les communes a fait l’objet d’un soutien financier de l’État, via le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, à hauteur de 171 000 euros en 2017 – 116 communes en ont bénéficié pour l’achat de 893 caméras.
Troisièmement, les rapports reçus des communes ayant participé à l’expérimentation insistent sur le caractère dissuasif du port des caméras par les agents. Le constat d’une responsabilisation des personnes filmées et d’un plus grand respect envers les agents de police municipale est unanimement partagé.
Les rapports précisent que le port de caméras individuelles présente un caractère rassurant pour les agents et a permis de réduire l’agressivité des particuliers, ainsi que les infractions d’outrage à agent. Des communes soulignent que, grâce au port de caméras, il a été possible d’apaiser des situations qui auraient pu dégénérer en un outrage envers les agents de police municipale. De nombreuses communes précisent, enfin, que leurs agents de police municipale n’ont pas eu l’occasion de procéder à un enregistrement.
Quatrièmement, les caméras mobiles ont permis de recueillir des éléments de preuve lors de certaines interventions des agents de police municipale. À plusieurs reprises, des extractions ont été utilisées dans le cadre de procédures judiciaires et certaines ont permis d’identifier des contrevenants.
Cinquièmement, plusieurs communes ont souligné l’utilité pédagogique du dispositif. Les policiers municipaux peuvent ainsi se former aux gestes et techniques d’intervention et améliorer leurs pratiques en visionnant les enregistrements réalisés lors d’interventions.
Je crois donc qu’un bilan particulièrement positif peut être tiré de l’usage des caméras mobiles par les agents de police municipale, ce qui explique les nombreuses demandes de pérennisation du dispositif que nous avons reçues.
Dans ces conditions, le Gouvernement soutient pleinement cette initiative, ainsi que la proposition de loi dans son ensemble. Il s’emploiera, dans le cadre d’un agenda parlementaire très chargé, à faire en sorte que ce texte, si vous décidez de l’adopter, puisse être examiné au plus vite par l’Assemblée nationale.
Enfin, pour répondre à la question posée par l’auteur de cette proposition de loi, il est clair que, l’expérimentation sur les polices municipales étant terminée, les agents ne sont plus autorisés à enregistrer leurs interventions tant que le texte que nous examinons n’aura pas totalement abouti, et c’est bien naturel. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en octobre 2015, le Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté affirmait dans un rapport que l’expérimentation du port des caméras-piétons « est un succès reconnu par tous ». Il ajoutait : « Dans un contexte de violences croissantes commises à l’encontre des agents publics, le recours à l’enregistrement vidéo et sonore objective les faits en cas de recours à la coercition proportionnée. Il joue un rôle dissuasif dans la montée des tensions et aide dans de nombreux cas à prévenir le passage à l’acte violent. » Ce constat est d’ailleurs le même que celui qui figure dans le rapport du ministère de l’intérieur, établi sur la base de l’expérimentation effectuée dans le cadre de l’article 114 de la loi de 2016, que nous avons reçu hier soir.
M. Cazeneuve, ancien ministre de l’intérieur, voyait dans ces caméras individuelles un outil « déontologique » permettant d’apaiser la relation entre la police et la population, car leur utilisation permet d’établir, image et son à l’appui, quel a été le comportement des uns et des autres. Il est vrai – et je rejoins sur ce point ce que disait Patrick Kanner en commission – qu’il ne faut pas trop « mécaniser » les relations sociales dans notre pays. Néanmoins, le rôle du législateur est aussi d’amener un peu d’harmonie – en l’occurrence de permettre à nos forces de sécurité et de police, ainsi qu’à ceux qui concourent à la sûreté et à la sécurité des personnes, d’exercer leurs missions dans des conditions tout à fait sereines dans la sécurité.
Alors que le débat sur les rapports entre la police et la population, notamment dans les quartiers sensibles, a été relancé par la violente interpellation dont a fait l’objet un jeune homme à Aulnay-sous-Bois en février 2017, il semble important de rappeler que les attentes envers ce dispositif divergent, selon que l’on est un représentant des forces de l’ordre ou un citoyen. Nos concitoyens perçoivent généralement ces caméras comme un moyen d’éviter les bavures policières et les contrôles au faciès – si et seulement si – elles filment en continu.
Or ce cas de figure n’est, pour l’instant, pas envisagé. Les syndicats de policiers, quant à eux, se félicitent que la vidéo ne soit déclenchée que sur l’initiative des policiers, au nom de l’autonomie sur le terrain des forces de l’ordre.
C’est notamment pour répondre à ces préoccupations que plusieurs décrets ont été adoptés à la fin de décembre 2016 afin d’étendre l’expérimentation, pendant deux ans, de ces caméras individuelles par les agents de police municipale et les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP dans le cadre de leurs interventions. Rappelons que ces décrets viennent apporter des précisions complémentaires quant aux conditions d’utilisation de ces caméras.
La prévention des incidents au cours des interventions, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves et la formation des agents de police municipale sont les principaux enjeux des décrets de décembre 2016.
Par ailleurs, il convient de rappeler que les caméras mobiles sont déjà utilisées par les policiers et gendarmes. Cet usage, autorisé à partir de 2013 à titre expérimental, fut généralisé à partir de 2016 par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Le caractère dissuasif de ce dispositif a été unanimement reconnu par la direction générale de la police nationale, qui a salué « leur effet modérateur » dans les zones-test.
L’article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure fixe les conditions d’utilisation des caméras mobiles par les agents de sécurité. Il précise, en effet, que « dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens ainsi que de leurs missions de police judiciaire », les gendarmes et les policiers nationaux peuvent déclencher l’équipement « en tous lieux », « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident », après avoir prévenu les personnes filmées. Tout enregistrement permanent est donc clairement exclu. L’obligation d’information est aussi respectée avant le déclenchement de la caméra.
De plus, il convient de le souligner, une fois filmées, les images ne peuvent être consultées qu’à l’issue de l’intervention et « après leur transfert sur un support informatique sécurisé ». Sauf utilité pour une quelconque procédure, elles seront effacées « automatiquement » au bout de six mois.
L’utilisation de ce dispositif par les policiers municipaux a donc été réalisée à titre expérimental dans les mêmes conditions. Ainsi définies par le code des transports, les règles encadrant le dispositif pour les agents de la SNCF et de la RATP sont les mêmes.
L’objectif principal de ces caméras est finalement de protéger les personnels de sécurité tout en garantissant un cadre plus apaisé et plus coopératif lors des contrôles ou interpellations.
L’expérimentation prévue par l’article 114 de la loi du 3 juin 2016, votée sur l’initiative du Parlement, est arrivée à son terme le 4 juin 2018. Les premiers éléments recueillis par le ministère de l’intérieur laissent apparaître, à ce stade, que plus de 301 communes ont obtenu l’autorisation d’utiliser environ 2 325 caméras mobiles pour une durée moyenne d’autorisation préfectorale de dix mois.
Forts de ce bilan positif et malgré quelques critiques relatives particulièrement au droit d’accès des images filmées par les personnes concernées ou encore aux risques d’atteinte à la vie privée, nous estimons qu’il est opportun d’étendre l’expérimentation de ces caméras-piétons à d’autres agents de sécurité publique, dont font partie les agents pénitentiaires ou des sapeurs-pompiers volontaires ou professionnels.
Par conséquent, l’harmonisation des règles d’utilisation et le déploiement de caméras mobiles au bénéfice des agents de sécurité publique permettront notamment de s’assurer de la proportionnalité des conditions de mise en œuvre du dispositif avec le droit au respect de la vie privée.
Mes chers collègues, l’utilité et l’efficacité de ces caméras ne sont plus à démontrer dans un contexte où nos agents de sécurité publique sont confrontés à une agressivité croissante dans l’exercice de leurs missions.
Nous nous devons de leur apporter un cadre juridique harmonisé afin qu’ils puissent se prémunir contre des accusations parfois excessives. Nous devons leur garantir un cadre légal qui leur permettra de se défendre correctement lors d’une procédure judiciaire.
Mais n’oublions pas, afin de rassurer nos concitoyens, que les règles d’utilisation de ce dispositif doivent aussi respecter le droit à la vie privée. D’où la nécessité d’encadrer « justement » et « strictement » l’usage de ces caméras mobiles.
C’est à la suite de toutes ces observations qu’il nous a semblé nécessaire d’étendre et de préciser le cadre d’utilisation des caméras mobiles individuelles par les personnels de sécurité.
Enfin, si le cadre juridique est clair en matière d’utilisation des caméras mobiles, pour les gendarmes, les agents de police nationale et municipale, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, il reste quelques ajustements à faire pour les professions non réglementées, telles que les pompiers et les personnels pénitentiaires.
J’ai donc décidé de cosigner la proposition de loi portée par mon collègue Jean-Pierre Decool afin que l’on puisse « harmoniser et aligner le régime juridique applicable à l’utilisation des caméras mobiles individuelles tout en étendant son champ d’application sous forme expérimentale ou non ».
Quant au groupe du RDSE, il soutient sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tout récemment, alors que l’expérimentation des deux années de port de caméras-piétons par les polices municipales a pris fin, les maires des 300 communes expérimentales et des syndicats de police viennent de s’exprimer de façon unanime sur leur efficacité contre la délinquance et les incivilités. Et parmi celles-ci, on trouve deux villes de mon département, Guise et Marle.
Depuis ce 3 juin, le vide juridique en ce qui concerne la pérennité du port de caméras par les polices municipales est un mauvais signe donné aux policiers municipaux et un excellent signe, si je puis dire, pour les délinquants !
Le rapport d’expérimentation évoqué par le ministre de l’intérieur ne nous est parvenu, par mail, qu’hier en début de soirée. Il confirme bien l’unanime satisfaction des utilisateurs.
Cette proposition de loi, que j’ai cosignée, s’inscrit donc dans une suite logique de prévention des conflits, mais aussi de protection des agents en charge de notre sécurité, qu’ils soient policiers municipaux, sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires, ou personnels pénitentiaires.
M. Henri Leroy. Ce texte est très utile !
M. Antoine Lefèvre. Je rappelle que les agents chargés de la sécurité de la RATP et de la SNCF sont aussi équipés de ce dispositif, et ce depuis 2015. Il est donc temps d’en proposer un élargissement.
En cet instant, je souhaite évoquer la situation des personnels pénitentiaires, déjà en sous-effectif – je les rencontre régulièrement dans le cadre de la mission budgétaire « Justice » –, et visés par l’article 2.
Je veux ensuite rappeler un chiffre : on recense en effet chaque année – et selon un chiffre communiqué par la direction de l’administration pénitentiaire un peu plus de 4 000 agressions déclarées de surveillants, soit plus de dix par jour –, avec une interruption temporaire de travail, pour plus de 300 d’entre elles. Parmi ces agressions, on recense 51 prises d’otages de personnels depuis 2011.
Il s’agit, dans ces conditions, d’équiper ces personnels de caméras mobiles, en particulier lors des opérations d’escorte de prisonniers.
Je me permets, à ce moment de mon propos, d’évoquer quelques faits récents, et en prise directe avec notre article 2. En effet, le 16 mai dernier, un détenu de la maison d’arrêt de Brest, « fiché S » en raison d’une « tendance à la radicalisation », s’est évadé lors d’un transfert médical. L’homme de 21 ans a réussi à s’échapper, avec l’aide d’un complice extérieur, au moment de son arrivée au CHU de Brest, l’escorte n’étant pas – ou peu – armée. Il semblerait que les escortes pour extraction médicale sont – et cela semble être su des prisonniers, en tout cas de celui-ci – sous un niveau moindre de sécurité. Il semblerait même qu’il ait été averti de son extraction la journée précédente, alors que la doctrine veut que le détenu ne le soit que le jour même, justement pour éviter ces tentatives d’évasion.
Je citerai un autre exemple, auquel ont été récemment confrontés – et par trois fois – les personnels du pôle de rattachement des extractions judiciaires de Lille : ils ont été pris à partie par des véhicules sur l’autoroute, dans l’agglomération de Lille. Un outil de ce type aurait pu permettre une identification des auteurs. Ces personnels ne sont pas à l’abri d’une tentative d’évasion par aide extérieure. Pouvoir filmer lors d’une situation de danger immédiat constitue donc une source de preuves, vous l’avez rappelé, madame la ministre.
De même, lorsqu’ils présentent des détenus devant les différents tribunaux, lesquels n’ont pas tous un niveau de sécurité adapté à leurs missions – je veux parler de l’accès des escortes, des geôles, des couloirs de circulation à l’intérieur empêchant toute personne étrangère de venir au contact –, il leur arrive souvent d’être pris à partie par les familles ou amis des détenus. Or, si ces derniers se savent filmés, on peut penser que leurs attitudes et paroles n’auront pas la même intensité. C’est un autre exemple de l’aspect dissuasif qu’un tel système peut comporter.
À titre indicatif, le pôle de rattachement des extractions judiciaires de Laon, doté de neuf personnes, assure en moyenne environ 640 missions annuelles, pour un total de plus de 100 000 kilomètres parcourus.
La Chancellerie avait reconnu, dans un communiqué publié en réponse aux inquiétudes des personnels, que cet événement montrait « la nécessité de poursuivre et d’achever rapidement les travaux engagés pour harmoniser les règles, les procédures et les moyens mis en œuvre pour l’ensemble des missions extérieures assurées par l’administration pénitentiaire, que ce soit des extractions judiciaires ou médicales ou des permissions de sortie sous escorte ».
Qu’en est-il, madame la ministre, de ce nouveau dispositif qui devait être présenté aux organisations représentatives ? Vous pourrez peut-être nous donner des précisions utiles à ce sujet.
Cette proposition de loi répond à une demande légitime : ces missions d’une sensibilité particulière doivent pouvoir être menées en toute sécurité.
Je salue à ce propos l’amendement adopté par la commission sur l’initiative de notre rapporteur, visant à élargir le champ d’utilisation des caméras mobiles à d’autres missions que celles qui sont extérieures à la prison, à savoir à celles qui, au sein de l’établissement, exposent le personnel à un contact avec des individus signalés comme dangereux.
En ce qui concerne l’expérimentation de trois ans de l’utilisation des caméras par le personnel de l’administration pénitentiaire, si j’y adhère, je ne voudrais pas toutefois que, à la fin de ces trois années, il lui soit réservé le même sort qu’à celle concernant les policiers municipaux. Il est sage d’avoir spécifié que le rapport devra être remis dans un délai de six mois avant la fin des trois années d’expérimentation et de s’assurer ainsi d’une éventuelle continuité.
La discussion de cette proposition de loi et, notamment, de son article 2 est donc dans le vif de l’actualité et son adoption permettrait de finaliser l’équipement de notre personnel pénitentiaire.
Plus largement, je salue l’article additionnel inséré dans le texte sur l’initiative de notre excellent rapporteur et avec le soutien de tous. Cet article a pour objet ce que j’évoquais au début de mon intervention : il assure la continuité du port de caméras par la police municipale, dans une sorte de parallélisme des formes, et dans la suite logique du rapport d’évaluation publié hier soir.
Enfin, je souhaite à nouveau signaler brièvement la prolifération des téléphones portables saisis en prison : en six mois, nous en sommes à plus de 20 000 ! Je sais que Mme la garde des sceaux est bien consciente de ce problème, mais il est urgent d’agir.
En conclusion, je voterai bien évidemment cette proposition de loi, que j’avais cosignée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est décidément une belle journée pour notre collègue Jean-Pierre Decool, que je veux avant tout saluer pour cette proposition de loi, qui a été cosignée de manière très large et ouverte, ce qui témoigne d’une grande adhésion à cette initiative dans l’ensemble des groupes de notre assemblée.
L’usage des caméras mobiles a été pérennisé et étendu à l’ensemble des agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale par la loi du 3 juin 2016. Son article 114 autorisait également, à titre expérimental jusqu’au 3 juin 2018, l’usage de ces caméras par les agents de la police municipale.
La loi du 22 mars 2016 a, quant à elle, permis de conduire une expérimentation similaire d’une durée de trois ans, qui prendra fin le 1er janvier 2020, au bénéfice des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.
La proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Decool vise à étendre l’usage de ces caméras mobiles dans le temps et à deux nouvelles catégories d’agents publics : les sapeurs-pompiers et les surveillants de l’administration pénitentiaire, qui demandent, légitimement, un renforcement de leur protection et une meilleure sécurisation de leurs interventions.
Le déploiement des caméras mobiles au bénéfice des agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des polices municipales a clairement démontré son utilité et son efficacité. Les caméras-piétons constituent un outil de pacification des relations entre les citoyens et les forces de l’ordre, ainsi qu’un outil de prévention des incidents.
La proposition de loi soumise à notre examen fait l’objet d’un large consensus. Toutefois, la commission des lois a souhaité mieux sécuriser les dispositifs proposés ; nous partageons son initiative.
Je ne reviendrai pas sur les diverses nouvelles rédactions qui ont déjà été évoquées par les précédents orateurs et, en particulier, par notre rapporteur Dany Wattebled, de manière très précise et exhaustive.
Saluons seulement le renforcement du respect de la vie privée et du secret médical, ainsi que le fait que certaines dispositions requièrent à la fois un décret en Conseil d’État et un avis motivé de la CNIL pour l’utilisation des données personnelles.
Saluons aussi la vigilance dont témoigne l’intégration au dispositif des sapeurs-pompiers de Paris et Marseille : du fait de leur statut, ils méritaient une approche singulière.
Par ailleurs, eu égard à la sensibilité des données susceptibles d’être collectées dans le cadre de ces enregistrements, un rôle particulier a été dévolu à la CNIL.
Enfin, le texte issu des travaux de la commission pérennise l’usage de caméras individuelles par les agents de la police municipale, dont l’expérimentation s’est achevée le 3 juin dernier ; c’est même son premier objet.
Au vu du rapport d’évaluation transmis au Parlement par le ministère de l’intérieur, le bilan de l’utilisation des caméras mobiles se montre largement positif : 391 communes ont participé à cette expérimentation, soit un chiffre assez significatif, qui correspond à l’utilisation de 2 325 caméras mobiles.
Les rapports sur l’utilisation des caméras transmis par ces communes au ministère de l’intérieur insistent essentiellement sur le caractère dissuasif du port de ces caméras par les agents des polices municipales. Elles permettent notamment de réduire l’agressivité de certains de nos concitoyens envers les policiers et revêtent, de fait, un caractère rassurant pour les agents de police.
Face à la fin de l’expérimentation, le 3 juin dernier, les communes éprouvaient une inquiétude légitime. Nous nous réjouissons donc que ce dispositif puisse être pérennisé par cette proposition de loi.
Le groupe La République En Marche soutient cette évolution, qui s’inscrit pleinement et efficacement dans la démarche de la police de sécurité au quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)