M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Cher collègue Rémy Pointereau, je m’en remettrai également à la sagesse du Sénat. Ce n’est pas une manière de m’en laver les mains ! Je comprends que nos collègues cherchent à trouver des moyens pour financer ces plans.
Cela étant, la commission des finances a beaucoup travaillé sur la fiscalité du commerce électronique. Mettons de côté l’assujettissement à l’IS des GAFA. Nous nous sommes également beaucoup intéressés à la récupération de la TVA. Quand quelqu’un achète en ligne, on lui facture de la TVA. La question qui se pose est la suivante : l’État français récupère-t-il ensuite la TVA que le client a payée ? Quand le site est à l’étranger, vous imaginez la difficulté. On en est venu à imaginer un split payment. Au moment où la carte bleue est débitée, la partie hors taxe va au vendeur, tandis que la TVA va sur un compte de l’État français. Une telle solution nécessite un accord au niveau européen, mais l’idée fait petit à petit son chemin, puisque cela fait quatre ou cinq ans que nous en parlons à la commission des finances.
Avec ce dispositif, l’idée est un peu similaire, à savoir le prélèvement d’une taxe au moment de la vente. Il faut toutefois bien voir les difficultés de l’exercice. Si le site est à l’étranger, je vous souhaite bon courage pour récupérer les sommes en question. Par ailleurs, vous avez choisi une logique, celle de la dernière localisation en France avant la livraison au client. À quoi correspond une telle logique ? Très honnêtement, de mon point de vue, par rapport au problème qui vous préoccupe, à rien !
En effet, de nombreux vendeurs sur internet utilisent le fret postal. Comment ferez-vous ? C’est La Poste qui est derrière ! Vous pénaliserez davantage une société qui aurait un entrepôt qu’une société qui passerait par le fret postal, si tant est que vous soyez capable de calculer exactement les kilomètres, même si cela est possible à partir d’un entrepôt. En outre, la localisation du dernier point avant livraison est-elle juste ? La complexité du dispositif est telle qu’il n’est pas possible de le mettre en œuvre facilement.
La commission des finances ayant travaillé sur ces sujets depuis de nombreuses années, je me suis permis de donner mon point de vue sur cette proposition. Nous nous sommes déjà posé toutes ces questions, qui sont difficiles à résoudre. Très franchement, mon cher collègue, je ne peux pas voter cet amendement ! Si je comprends votre intention, la mise en œuvre me semble problématique.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Ces questions, on le comprend, soulèvent de grandes difficultés. En les traitant, un sentiment nous a animés : la volonté. Nous estimons en effet que la situation des GAFA ne peut plus durer. Vous avez suivi l’épisode européen, mes chers collègues, la taxation du chiffre d’affaires ne sera pas acceptée par plusieurs pays. Le nouveau ministre allemand du budget a dit que cela conduirait inévitablement à une fiscalisation des Mercedes et des BMW vendues aux États-Unis. Aujourd’hui, l’Europe est quasiment à genoux devant les GAFA ; Trump est en train de faire la loi.
Sachant que certains pays vivent essentiellement de la spéculation financière et des défiscalisations, si on attend que l’Europe agisse, rien ne se passera.
Nous avons travaillé avec des cabinets fiscalistes, notamment un, sur la taxation des livraisons. Dans plusieurs pays, en particulier les pays scandinaves, qui font beaucoup plus attention à leur environnement que nous, les livraisons sont fiscalisées. Il s’agit d’une taxe écologique.
Que faire ? Si on ne fait rien, tout ce que nous avons voté hier et aujourd’hui constituera une pétition de principe, ce qui est, certes, très intéressant. Je ne doute pas que nombre de nos dispositions puissent être reprises dans le projet de loi ÉLAN.
Au travers de cette proposition de loi, nous vous soumettons non seulement une orientation, mais aussi les moyens de cette orientation. Si nous ne disposons pas de ressources suffisantes, nous ne pourrons pas alimenter une nouvelle régie des centres-villes, le FISAC. Tous les travaux que nous évoquions il y a quelques instants resteront un catalogue de bonnes intentions !
La taxation de l’artificialisation existe d’ores et déjà.
M. le président. Merci de conclure !
M. Martial Bourquin. Elle concerne la région parisienne, avec la taxe sur les bureaux. On peut donc faire la même chose ! C’est déjà une première taxe. J’en vois une deuxième : va-t-on oser essayer de taxer les GAFA ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Mon collègue Martial Bourquin vient d’employer un mot très fort, le mot « volonté ». Quand on a de la volonté, on se surpasse, on se dépasse.
Vous voulez me faire croire que l’instauration d’une taxation à la livraison est plus compliquée que la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu qui sera effectif dans quelques mois ? (Sourires. – Applaudissements sur plusieurs travées.)
M. Rémy Pointereau. Très bien !
Mme Catherine Conconne. Serait-ce plus compliqué, alors que le petit commerçant oscille déjà entre TVA déductible, TVA non payable, TVA payable, parce qu’il doit déclarer chaque mois, en déduisant, en ajoutant, en calculant ses factures avec des taux différents ? Mais non !
Mais il y a peut-être des gens ou des grandes enseignes à préserver ! Lorsqu’il a fallu voter au Parlement la loi sur la parité, on a entendu le même discours : cela sera compliqué. Figurez-vous qu’on taxe aujourd’hui les partis politiques qui ne respectent pas la parité, notamment pour les élections sénatoriales ou législatives.
Et nous rechignerions à taxer ceux qui aujourd’hui deviennent de plus en plus riches grâce au commerce électronique, créant, par effet domino, des conséquences désastreuses dans nos villes, lesquelles sont avant tout des lieux de vie et de cohésion sociale ? Et nous rechignerions à taxer ces grandes enseignes qui, souvent, sont très loin de pratiquer le commerce équitable, qui achètent à des prix défiant toute concurrence, causant l’exploitation extraordinaire de certains pays, et qui font dix mille fois la culbute, décuplant leurs marges en nous faisant croire que c’est nous qui avons fait la bonne affaire ?
Encore une fois, un peu de volonté, un peu de bon sens ! Et on verra que lorsqu’on veut, on peut !
M. Rémy Pointereau. Eh oui !
Mme Catherine Conconne. Il n’est de vent favorable qu’à celui qui sait où il va ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Laure Darcos et M. Rémy Pointereau applaudissent également.)
M. Pierre Cuypers. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. La volonté est une voie ambitieuse, certes, mais la crédibilité l’est aussi. Si vous croyez qu’un produit étranger, un téléphone, un appareil électronique, sera vendu à un prix différent à Roubaix, à Ajaccio ou à Metz, pour faire plaisir à la Lorraine, vous vous trompez !
M. Antoine Lefèvre. En passant par la Lorraine, c’est plus cher !
M. Philippe Dominati. Le fabricant vendra toujours au même prix, ou plutôt conservera toujours la même marge. C’est le consommateur qui paiera, le citoyen de votre commune
Mme Catherine Conconne. Qu’il choisisse les magasins de proximité !
M. Philippe Dominati. Ce sera la taxe du maire ! Vous allez taxer vos concitoyens.
En outre, je suis surpris. Revitaliser le centre-ville, d’accord, mais au détriment de la ruralité ? J’entends tous les jours dans cette assemblée dire qu’il faut aider la ruralité par rapport aux grandes villes.
M. Rémy Pointereau. Les centres-bourgs !
M. Philippe Dominati. Mais si j’habite à 25 kilomètres d’Ajaccio, je paierai davantage que le consommateur ajaccien ! C’est quand même assez étonnant ! La livraison est parfois une facilité ; et cette facilité, c’est la nature même du commerce moderne.
Ce qui me gêne dans la démonstration de mon collègue Martial Bourquin, c’est de l’entendre dire qu’il veut que nous avancions plus vite que les autres, que les Européens, que les Allemands. Mais le problème posé concerne tous les pays européens ; à force de se différencier, on affaiblit nos entreprises et on pénalise les consommateurs par des taxes nouvelles. C’est cela qui me choque.
Cette proposition de loi, sur laquelle vous avez travaillé avec un très grand sérieux, mes chers collègues, a une très grande crédibilité, sauf pour ce qui concerne le financement.
À mots couverts, le rapporteur de la commission des finances émet un avis de sagesse. Je considère que ce n’est pas normal ! Après toutes les critiques qui ont été formulées, après ce qui s’est passé lors de la première séance de la commission des finances, où nous avions déposé un amendement de suppression, nous pensions avoir laissé le temps aux auteurs de ce texte d’élaborer une mécanique constructive. Tel n’a pas été le cas ; tant pis ! Mais dire « sagesse », au regard du flot de critiques qui ressort de l’expertise de la commission des finances, cela me surprend.
Encore une fois, c’est le consommateur qui va payer ; c’est l’électeur municipal qui va payer. Il faut l’expliquer dans vos communes !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je voudrais d’abord saluer la grandiloquence de notre collègue Conconne. On lui connaît beaucoup de talent oratoire ; elle en a fait preuve ce soir encore. Mais cela ne suffit pas pour régler de vrais problèmes. Cela ne suffit pas ! En effet, les problèmes soulevés par le rapporteur de notre commission des finances, qui viennent d’être rappelés par M. Dominati, sont bien réels.
Et je ne voudrais pas que l’on en arrive à taxer des entreprises françaises qui font de la livraison internet sans pouvoir taxer les entreprises installées de l’autre côté de la frontière, en Belgique, au Luxembourg et dans tous les pays environnants. Il serait quand même un petit peu embêtant que nous placions nos propres entreprises dans une situation concurrentielle difficile.
Je comprends parfaitement votre volonté, ma chère collègue ; je comprends celle de Rémy Pointereau, celle de Martial Bourquin. Il faut qu’on trouve de l’argent pour financer cette proposition de loi. Je pense que le dispositif qui nous est proposé mérite encore d’être amélioré, affiné, parce que je ne voudrais pas qu’il mette en difficulté des entreprises françaises.
Je me pose également la question des entreprises, de plus en plus nombreuses, qui font les deux, de la vente en magasin et de la livraison internet, qui ont des entrepôts où on loge des produits vendus à la fois en magasin et par internet. Il y en a de plus en plus, parce qu’il n’y a plus de limite, plus de barrière, dans le commerce actuel. Chacun fait un peu de tout pour améliorer la façon dont il sert le client.
Il faut donc faire très attention aux effets pervers induits par de très bonnes idées qui se heurtent à la réalité de l’évolution très rapide et très innovante, aujourd’hui, de notre commerce.
Je salue l’effort pour trouver cet argent : il faut trouver cet argent ! Je pense néanmoins que le système que nous avons trouvé est encore perfectible. Je suivrai donc la « sagesse » de la commission des finances.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je suis content que mon collègue du 93, M. Dallier, soit revenu dans l’hémicycle, parce que je vais dire quelque chose d’extraordinaire : je suis d’accord avec lui !
M. Philippe Dallier. Cela fait deux fois dans la même journée !...
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. C’est fini pour l’année !
M. Fabien Gay. Deux fois dans la même journée, cela commence à faire beaucoup, M. Dallier a raison ! (Sourires.) Mais je vais voter cet amendement, et j’explique pourquoi.
Il s’agit d’un amendement politique – je le prends ainsi.
M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr !
M. Fabien Gay. Son vote permet d’ouvrir un débat. Et il faut que nous ayons ce débat – ce n’est plus possible !
La question se pose de savoir comment on finance cette proposition de loi ; sinon, c’est une coquille vide – Martial Bourquin l’a dit avec ses propres mots : ce texte deviendrait une pétition de principe.
Au fond, l’objet de notre débat, le cœur de notre discussion, ce sont les GAFAM ! (M. Philippe Dominati le conteste.) C’est complexe, certes – je ne vais pas revenir sur ce qui a été dit. Évidemment, on le sait, il est aujourd’hui impossible de mettre en œuvre, en l’état, une telle disposition. En même temps, il faut qu’on ouvre le débat !
J’ai visité, dans le 93, au Blanc-Mesnil, le site de transport du dernier kilomètre d’Amazon. J’y ai rencontré le patron. Nous avons eu un débat politique. Savez-vous ce qu’il m’a dit ? Quelque chose d’extraordinaire : « Monsieur Gay, vous nous interrogez sur la taxation, mais quand même, nous créons de l’emploi ! C’est suffisant ! ».
Que lui ai-je répondu ? Que je payais mes impôts et que je traversais au passage piéton ! Je respecte la loi jusqu’au bout, comme l’ensemble des entreprises en France ! Il y a une responsabilité sociale, économique, environnementale, des entreprises.
Cet amendement, sur le dernier kilomètre, est complexe – je pense à tout ce qui a été dit. Nous devrions par exemple, selon moi, ouvrir le débat autour de la taxation sur le chiffre d’affaires.
M. Rémy Pointereau. Cela revient au même !
M. Fabien Gay. Pas tout à fait, me semble-t-il. Et je pense que nous devons porter ce débat au niveau européen.
Mais vient un moment où, pour faire naître une volonté politique, il faut que nous posions des actes ! Et si ce soir nous manifestons notre volonté de taxer financièrement les géants du commerce électronique – peut-être n’est-ce pas le meilleur moyen, mais posons-le comme un acte politique ! –, cela vous aidera, madame la secrétaire d’État, dans les débats européens. Vous pourrez dire que le Sénat a fait cette proposition, et lancer la réflexion au niveau européen.
Nous voterons donc en faveur de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je salue les explications de vote qui ont été données, et la volonté que les uns et les autres expriment de combattre les injustices sociales et fiscales. Personne n’est d’accord, dans cet hémicycle, pour supporter de telles injustices. Nous avons beaucoup travaillé sur les questions de fraude fiscale et sur nombre d’autres sujets. Marie-Noëlle Lienemann a déposé un amendement, que nous avons tous voté, au moment de l’examen du dernier PLF, sur la taxation des GAFA, destiné à lancer un signal fort émanant de notre Haute Assemblée. Nous sommes tous d’accord sur ce point.
Cela dit, il y a un problème technique : le diable se loge dans les détails. Une fois ce texte voté, il faudra l’appliquer.
Je voudrais proposer aux auteurs de cette proposition de loi et à la présidente de la commission des affaires économiques, ainsi qu’à la présidente de la commission de la culture, que nous lancions une expérimentation sur ce sujet, avec un certain nombre d’entreprises qui font de la vente sur internet.
Nous pourrions ainsi essayer de matérialiser, de concrétiser, une proposition qui reste, pour le moment, complètement abstraite, en menant une expérimentation,…
Mme Sophie Primas et M. Jean-Pierre Moga, présidente de la commission des affaires économiques et rapporteur. Une simulation !
Mme Nathalie Goulet. … une simulation, exactement. Il s’agirait, de manière très pratique, de proposer à La Redoute ou à Amazon d’expérimenter une telle disposition,…
M. Philippe Dominati. Pour des bouteilles de gaz.
Mme Nathalie Goulet. … par exemple, afin de voir ce que cela donne, à quel endroit de la chaîne on peut taxer, à quel endroit et comment on peut récupérer le produit de cette taxe.
M. Philippe Dominati. Absolument !
Mme Nathalie Goulet. Peut-être faudrait-il procéder de la manière qu’a esquissée Philippe Dallier, c’est-à-dire en séparant le paiement de la TVA ? Il a tout à fait raison : il y a bien un problème avec la TVA.
La volonté a été largement affirmée, de part et d’autre de l’hémicycle. Il faut désormais passer à la phase concrète de votre opération, mes chers collègues. L’affirmation ne suffit pas : si nous affirmons des choses totalement inapplicables, nous aurons seulement l’air idiot en sortant de cet hémicycle. Mieux vaut que nous réservions le dispositif et que nous attendions d’avoir fait la simulation avec les acteurs qui sont vraiment impliqués.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Je vais voter cet amendement. Pour l’instant, on parle de ceux qui seront taxés, et on se dit que c’est le client qui paiera. Peut-être ! Mais se pose-t-on la question du surcoût qu’implique le fait d’avoir un magasin, un pas de porte, de payer un loyer et de payer des taxes, parce qu’on possède une entreprise ? (Mme Catherine Conconne, ainsi que MM. Martial Bourquin, Fabien Gay et Xavier Iacovelli applaudissent.)
Il me semble que cette taxe permet justement un rééquilibrage : on aura intérêt à aller dans son commerce de centre-ville plutôt que de rester derrière son ordinateur.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Ce choix relève de la liberté individuelle de chacun !
Mme Dominique Vérien. Mettons qu’une librairie s’installe en bas de chez moi, que je n’aie qu’à y descendre pour acheter un livre ; s’il est moins cher de l’acheter sur Amazon, ce n’est pas normal ! La personne qui tient le commerce, anime le centre du village, paie son pas-de-porte, paie ses taxes, participe à la vie de la commune, ne doit pas être pénalisée.
Je trouve normal, donc, de rééquilibrer les prix. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. le rapporteur et Mme Sonia de la Provôté applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
M. Arnaud Bazin, rapporteur pour avis de la commission des finances. Avant de revenir sur le débat, je voudrais apporter une précision qui n’a pas été donnée : dans la liste des exonérations, on trouve les entreprises commerciales ou artisanales dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros. Il s’agit quand même d’un détail important, qui, je pense, a contribué à conduire la commission à émettre un avis de sagesse : les entreprises que l’on envisage de taxer sont de grosses entreprises !
Concernant le débat, nos collègues nous disent, en définitive, que, là où il y a une volonté, il y a un chemin. (Sourires.) C’est un adage contre lequel on ne peut pas aller, à ceci près qu’il en est un autre – Mme Goulet l’a rappelé : le diable est dans les détails. Et, dans cette affaire, il y a partout des détails !
Le premier et le plus perturbant, c’est celui que notre rapporteur général de la commission des finances nous rappelle régulièrement : au moment où la commande est passée, le règlement se fait en même temps, et le commerçant ne sait pas d’où le colis va partir. C’est quand même, derechef, un détail important !
En outre, l’activité de place de marché, donc d’intermédiaire, qui est de plus en plus importante, ne peut pas du tout, dans les conditions fixées, être prise en compte.
Plein de détails terribles, donc !
Quoi qu’il en soit, nous sommes tous d’accord pour dire que l’égalité de traitement du commerce électronique et du commerce physique est un sujet énorme – Philippe Dallier l’a rappelé. Sous prétexte de taxer le commerce électronique, il ne faut pas que nous mettions en difficulté notre propre commerce physique, le commerce physique français !
Une étude a été commandée à l’Inspection générale des finances ; notre commission des finances devrait s’en saisir. Nous demandons, madame la secrétaire d’État, que cette étude nous soit communiquée le plus rapidement possible, pour que nous puissions avancer sur ce sujet. Il est indispensable que nous fassions des propositions solides. Tout ce qui a été envisagé jusqu’à présent contient des points faibles.
Chacun reconnaîtra que cet article, s’il est rétabli dans la rédaction proposée par les auteurs du présent amendement, exprime une attente politique davantage qu’il ne renferme un dispositif opérationnel, malheureusement.
M. Philippe Dominati. Tout à fait.
M. Martial Bourquin. Nous sommes d’accord.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. C’est l’habitante des villes qui va prendre la parole, avec d’autant plus de liberté qu’elle a cosigné cette proposition de loi. Il m’arrive en effet de quitter la zone dense de la région parisienne et de me rendre en province. Et je suis consciente, mes chers collègues, de ce qui touche vos centres-villes et vos centres-bourgs, à savoir, notamment, la fermeture des pas de porte.
Mais il me semble que la taxe telle qu’elle est prévue pénaliserait, par effet de bord, les habitants des centres-villes, des zones denses urbaines, qui n’ont pas de voiture et qui, lorsqu’ils achètent des biens volumineux, le font sur internet et se font livrer. Ils ne sont pas responsables de la localisation du dernier lieu de stockage. Ils n’ont pas de voiture, et cette solution est pratique.
Pour le coup, les entreprises concernées réalisent des chiffres d’affaires qui excèdent 50 millions d’euros, et ne seront donc pas exonérées.
Voilà donc un autre argument, au chapitre de la faiblesse technique. Nous sommes tous d’accord : il faut faire quelque chose pour les centres-villes et les centres-bourgs. Mais il faut se laisser le temps, peut-être, de trouver des outils plus efficaces, et qui, notamment, n’auront pas de conséquences négatives sur d’autres acteurs, lesquels ne peuvent pas nécessairement toujours choisir, même si, effectivement, ils peuvent descendre en bas de la rue acheter leurs livres dans une librairie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. M. le rapporteur pour avis de la commission des finances nous a invités à la sagesse. En l’occurrence, qu’est-ce que la sagesse ?
M. Philippe Dallier. Bonne question !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. C’est d’abord d’être optimiste, donc de se dire que cette proposition de loi n’en est qu’au stade de la première lecture, et que la navette s’annonce. (Sourires.) C’est l’optimisme que je vous suggère d’adopter, mes chers collègues.
MM. Xavier Iacovelli et Patrice Joly. Oui !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Tout le monde s’accorde à dire que cet article est perfectible – il l’est, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais, pour que nous puissions y revenir et y travailler, il faut qu’il soit maintenu !
M. Rémy Pointereau. Voilà !
M. Xavier Iacovelli. Il faut le voter !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Je vous invite donc à expliciter cet avis de sagesse du rapporteur pour avis de la commission des finances en votant cet article, avec en tête l’idée que nous l’améliorerons plus tard. (MM. Rémy Pointereau, Guillaume Arnell, Martial Bourquin, Xavier Iacovelli, Pierre Ouzoulias et Fabien Gay, ainsi que Mmes Dominique Vérien et Catherine Conconne applaudissent.)
M. le président. En conséquence, l’article 27 est ainsi rédigé, et l’amendement n° 51 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 51, présenté par M. Moga, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après le mot :
intercommunale
insérer les mots :
à fiscalité propre
Article additionnel après l’article 27
M. le président. L’amendement n° 45, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2020, un rapport sur la réforme de la taxe sur les surfaces commerciales, afin que les plateformes de vente en ligne soient soumises à cet impôt.
Il s’agit d’un amendement de coordination avec un amendement précédent qui n’a pas été adopté.
M. Alain Fouché. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 45 est retiré.
Article 28
Exonération et modulation de la taxe sur les surfaces commerciales dans les territoires signataires d’une convention « OSER »
L’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Après le cinquième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre signataires d’une convention relative à une opération de sauvegarde économique et de redynamisation mentionnée à l’article 1er de la loi n° … du … portant pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou, à défaut, le conseil municipal de la commune affectataire de la taxe, peuvent décider que les établissements situés dans le périmètre de l’opération bénéficient, soit de la réduction de la taxe à hauteur du montant des travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien du local assujetti, soit de l’exonération de la taxe pour la durée de l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation. L’exonération peut être conditionnée à la remise en état du local.
« Dans les mêmes conditions, le montant de la taxe des établissements situés en dehors du périmètre de l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation et dont la surface de vente excède 2 000 mètres carrés peut faire l’objet d’une majoration de 30 %. »
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Pointereau, M. Bourquin, Courtial et Joyandet, Mme Harribey, MM. Cuypers, Houpert, Todeschini et Danesi, Mmes Delmont-Koropoulis et Chain-Larché, M. Magras, Mme Thomas, MM. Pemezec, Pierre et Fouché, Mmes Deromedi, L. Darcos et Bruguière, MM. Paccaud, Brisson et H. Leroy, Mme Berthet, M. Henno, Mme Di Folco, MM. Morisset, Guerriau, Lalande, de Nicolaÿ, Charon et Vogel, Mmes Raimond-Pavero et Imbert, M. Courteau, Mmes Joissains, Bonfanti-Dossat, Espagnac et Lamure, M. Dufaut, Mme Vullien, MM. Allizard, Chatillon, Daudigny et Kennel, Mme Kauffmann, MM. P. Joly, Savary et Pillet, Mmes Gruny, Duranton et Dumas, MM. Antiste et Lefèvre, Mme Guillemot, MM. Cabanel et Chasseing, Mme Perol-Dumont, MM. Saury, Milon, Ginesta et Revet, Mme Lassarade, M. Hugonet, Mmes Deseyne et de Cidrac, MM. B. Fournier, Laménie, Bouchet, Poniatowski, Bonhomme, Priou et Mandelli, Mme Deroche, M. Vaugrenard, Mme Artigalas, MM. J.M. Boyer, Guené et Wattebled, Mmes Canayer et Chauvin, MM. Mayet et Manable, Mme Herzog, M. Daubresse, Mmes Meunier, Bories, Garriaud-Maylam et Lanfranchi Dorgal et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et, s’agissant des points permanents de retrait par la clientèle d’achats au détail commandés par voie télématique, organisés pour l’accès en automobile, sur les surfaces de stockage des marchandises à retirer et les surfaces ouvertes à la clientèle. » ;
La parole est à M. Rémy Pointereau.