M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Je comprends l’intention de nos collègues, qui souhaitent prévenir une éventuelle mauvaise volonté dans la mise en œuvre des vidéo-audiences. Néanmoins, il me semble préférable de laisser une certaine souplesse aux cours et tribunaux concernés, sous le contrôle de leur chef de juridiction, et de ne pas leur imposer le procédé pour l’instant.
M. Alain Richard. L’expression « pour l’instant » n’est pas indispensable…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis défavorable. Rendre obligatoire ce dispositif ne permettrait pas de prendre en compte des situations particulières que seul le juge est en mesure d’apprécier.
M. le président. Monsieur Meurant, l’amendement n° 143 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Sébastien Meurant. Non, monsieur le président, mais il serait souhaitable d’avoir un retour d’expérience sur le dispositif de vidéo-audience. Il arrive parfois que les pouvoirs publics investissent dans des équipements, qui ne sont pas ou peu utilisés, voire enlevés par la suite – je pense aux parois vitrées qui ont été installées dans certains tribunaux.
Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 143 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 146, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
3° Le IV est ainsi rédigé :
« IV. – En cas de détention de l’étranger, celui-ci est informé dans une langue qu’il comprend, dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français, qu’il peut, avant même l’introduction de sa requête, demander au président du tribunal administratif l’assistance d’un interprète ainsi que d’un conseil.
« Lorsqu’il apparaît, en cours d’instance, que l’étranger détenu est susceptible d’être libéré avant que le juge statue, l’autorité administrative en informe le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné qui statue sur le recours dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français selon la procédure prévue au III et dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de l’information du tribunal par l’administration. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’article 12 la loi du 7 mars 2016 a prévu que l’étranger placé en détention et ayant fait l’objet d’une OQTF dispose de 48 heures, à compter de la notification de la mesure, pour former un recours, le président du tribunal administratif devant pour sa part statuer dans les 72 heures après sa saisine.
L’objectif du législateur était de permettre à l’autorité administrative de régler la situation d’une personne étrangère détenue avant sa sortie de détention, afin d’éviter le placement en rétention à l’issue de sa libération, ce qui correspondait à la pratique suivie avant l’entrée en vigueur de la loi de 2016.
Cette disposition de la loi du 7 mars 2016 a cependant été récemment déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans une décision du 1er juin 2018 rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil a jugé qu’elle n’opérait pas une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l’objectif poursuivi par le législateur.
Le Conseil a notamment retenu que l’étranger disposait d’un délai trop bref, 5 jours au maximum, quelle que soit la durée de la détention, pour exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci.
Le Conseil a également pris en considération le fait que l’administration devrait, lorsque la durée de la détention le lui permet, procéder à la notification de l’OQTF suffisamment tôt au cours de l’incarcération, afin de laisser plus de temps à la procédure contentieuse.
En conséquence, le Conseil a censuré cette disposition en ce qu’elle fixait les délais impartis à l’étranger détenu pour former un recours et au juge pour statuer sur celui-ci.
Le présent amendement tire les conséquences de cette décision afin de prendre en compte les observations du Conseil constitutionnel. Je vous rappelle qu’il s’agit d’une disposition inscrite dans la loi du 7 mars 2016.
En premier lieu, il ne sera plus recouru systématiquement à la procédure contentieuse accélérée, mais uniquement en tant que de besoin. En effet, l’objectif de la loi de 2016 était de régler la situation d’une personne détenue, je le rappelle, avant sa sortie de détention.
En conséquence, c’est seulement lorsqu’il apparaîtra que l’étranger détenu va être libéré avant que le juge statue sur l’OQTF que le basculement vers la procédure accélérée sera possible.
Quand le président du tribunal administratif sera informé que la levée d’écrou va intervenir avant l’expiration du délai de jugement prévisible, il disposera alors de 144 heures, soit 6 jours pour statuer. Ainsi, l’étranger disposera désormais a minima de 8 jours, correspondant aux 48 heures du délai de recours en cas de refus du délai de départ volontaire et aux 144 heures allouées au juge pour se prononcer, pour exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci contre 5 jours auparavant.
Il convient au demeurant de souligner que cette hypothèse de 8 jours constitue un cas extrême, lorsque l’OQTF est notifiée dans les derniers jours de la détention. Dans les autres cas, le délai ouvert à l’étranger sera nécessairement plus long.
M. le président. L’amendement n° 353 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés
…° Le IV est ainsi modifié :
a) Après le mot : « procédure », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « et dans les délais prévus au I bis. » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Cette notification donne lieu à la remise d’un document à l’étranger, sur lequel sont mentionnés la date de la notification de l’obligation de quitter le territoire français, les voies et délais de recours permettant de la contester, et la mention qu’il a été informé de ses droits à demander l’assistance d’un interprète ainsi que d’un conseil. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Contrairement à l’amendement que vient de présenter le Gouvernement, celui que j’ai déposé vise à tirer réellement les conséquences de la décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018 du Conseil constitutionnel.
Le Conseil a censuré les délais de procédure expéditifs de seulement 48 heures pour former un recours contre les OQTF notifiées en détention et de 72 heures accordées au juge pour statuer sur ce recours. Il a donc, sans ambiguïté, déclaré contraire à la Constitution un système qui méconnaissait le droit à un recours effectif.
Si je partage, bien entendu, l’objectif du législateur d’éviter de faire se succéder une période de rétention à une période de détention, ce qui implique que l’administration procède aux diligences nécessaires en notifiant les OQTF suffisamment tôt en amont de la levée d’écrou, je ne peux que contester la rédaction proposée par le Gouvernement dans son amendement n° 146.
En effet, cet amendement, s’il était adopté, ne réglerait rien et ferait toujours encourir un risque d’inconstitutionnalité des dispositions qu’il contient.
Le Gouvernement s’attache à donner davantage de temps au juge pour statuer – 144 heures, soit 6 jours –, mais semble peu regardant quant au délai de recours accordé au détenu pour contester l’OQTF notifiée en détention.
Avec l’amendement n° 353, nous proposons une solution simple, respectueuse du droit à un recours effectif et qui a le mérite d’unifier les procédures, en s’alignant sur les délais prévus au I bis de l’article L.512-1 du CESEDA, à savoir un délai de recours de 15 jours pour contester les OQTF et un délai de 6 semaines laissé au juge pour statuer.
Si toutefois l’administration n’a pas notifié suffisamment tôt l’OQTF et que la date de la levée d’écrou doit intervenir avant la fin du délai de recours, le détenu pourra bénéficier du reliquat du délai restant à la levée d’écrou pour former son recours, sans qu’il soit pour autant « perdu dans la nature ». Bien entendu, il sera alors placé sous le régime du III de l’article L. 512-1 précité et soumis aux délais et procédures applicables aux personnes retenues ou assignées à résidence.
Concrètement, le juge devra alors statuer dans les 72 heures afin d’éviter que ne se prolonge la période de rétention, si elle n’a pu être évitée en raison d’une notification trop tardive de l’OQTF.
En pratique, une majorité des OQTF notifiées en détention le sont du simple fait que leur destinataire se trouve en prison, pour des motifs d’ordre public, et sont soumises au délai de recours de 48 heures pourtant censuré par le Conseil constitutionnel.
Il s’agit donc d’éviter un nouveau risque de censure, mais aussi de permettre un délai raisonnable et respectueux du droit à un recours juridictionnel effectif.
Enfin, il est aussi prévu que l’étranger détenu se verra remettre un document sur lequel figurent la date de la notification de l’OQTF, les voies et délais de recours permettant de la contester et ses droits à demander l’assistance d’un interprète et d’un avocat. C’est essentiel, puisque les détenus ne peuvent pas conserver en cellule de document où figure le motif d’écrou, ce qui est pourtant le cas de la quasi-totalité des OQTF. Il importe donc que la loi prévoie la remise explicite d’un document à cette fin.
La rédaction proposée par le Gouvernement ne résout pas cette difficulté, puisqu’elle ne modifiera pas la pratique actuelle, qui consiste, dans la majorité des cas, à ne communiquer ces informations au détenu qu’oralement.
M. le président. Mon cher collègue, vous avez dépassé votre temps de parole de plus de 45 secondes. Cela ne va pas !
M. Jean-Yves Leconte. C’est un sujet important (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), qui concerne l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel. Cela mérite une argumentation complète !
M. Philippe Pemezec. Incroyable !
M. Alain Richard. Résumer, cela s’apprend !
M. le président. C’est un dépassement extravagant, mon cher collègue ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Une personne étrangère condamnée qui exécute sa peine doit, à la fin de sa peine, être renvoyée dans son pays d’origine. L’administration doit lui notifier une obligation de quitter le territoire français.
Il faut que cette obligation soit délivrée le plus tôt possible pendant la détention, pour que, à l’issue effective de la peine, la personne soit renvoyée directement dans son pays et ne passe pas par la « case rétention » – si vous me permettez l’expression.
Lorsque l’OQTF est notifiée tardivement, la décision qui peut être contestée et la procédure interviennent au moment où la personne doit être libérée. Par conséquent, le détenu en fin de peine doit obligatoirement être placé en rétention dans l’attente de la décision.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cela a deux conséquences. D’une part, ce n’est pas très efficace. D’autre part, de façon pratique, nous savons tous que la présence de détenus ayant purgé leur peine dans un centre de rétention entraîne un certain nombre de difficultés ; je n’entre pas dans le détail.
Deux amendements sont proposés pour résoudre ce problème. Si nous voulons être pratiques, concrets et efficaces, il faut soutenir l’amendement du Gouvernement.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 146 et un avis défavorable sur l’amendement n° 353 rectifié bis, non que ce dernier amendement ne soit pas satisfaisant, mais celui du Gouvernement est meilleur !
Madame la ministre, j’appelle votre attention sur le fait que l’administration pénitentiaire et l’exécutif – évidemment, ce n’est pas vous in persona – doivent absolument faire des efforts pour notifier le plus vite possible les OQTF aux personnes qui exécutent une peine, de manière à ce qu’on ne soit pas confronté à ce type de difficultés.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Le groupe La République En Marche soutiendra l’amendement du Gouvernement, tout en préconisant quelques précautions.
Il est toujours fâcheux pour un gouvernement et une majorité, dont je faisais partie, de voir un dispositif qui se voulait respectueux du droit être déclaré, deux ans après, non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
À la lecture de la nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement et même si je ne nie pas l’extrême capacité juridique des services qui préparent ces propositions, je trouve que la réponse retenue est à la bordure, à l’extrême bordure même, des conditions posées par le Conseil constitutionnel. C’est donc une prise de risque.
J’espère qu’une majorité approuvera cet amendement. Toutefois, puisse le petit temps de réflexion qui nous est accordé d’ici à la fin de la navette parlementaire être utile au Gouvernement pour qu’il réduise un peu la part de risque dont il a fait le choix.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Nous nous fixons le même objectif et, comme vient de le souligner notre collègue Alain Richard, il s’agit d’un sujet compliqué.
Nous avons tous la même préoccupation, parce que nous avons vu ce qui se passait dans les centres de rétention. En revanche, notre analyse diffère sur la manière dont il faut faire respecter un droit au recours effectif.
La proposition du Gouvernement me semble susceptible de subir le même sort que le dispositif précédent, pour des raisons très proches de celles qui avaient motivé la décision du Conseil constitutionnel. C’est la raison pour laquelle nous avons envisagé cette solution, sur laquelle j’invite le Gouvernement à travailler d’ici à la conclusion de la commission mixte paritaire pour que le texte n’encoure pas une nouvelle censure.
Encore une fois, il n’y a pas de différence politique, ce sont deux manières d’envisager la situation pour faire respecter un recours effectif.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 353 rectifié bis n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 12, modifié.
(L’article 12 est adopté.)
Article additionnel après l’article 12
M. le président. L’amendement n° 272 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase de l’article L. 512-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et droit d’asile, les mots : « ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 272 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 13
Après la première phrase de l’article L. 512-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette aide au retour ne peut lui être attribuée qu’une seule fois. » – (Adopté.)
Article 14
(Non modifié)
Après le premier alinéa de l’article L. 513-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cet étranger peut également être contraint à résider dans le lieu qu’une décision motivée de l’autorité administrative désigne. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l’expiration du délai de départ volontaire. Le premier alinéa du présent article est applicable. L’autorité administrative peut prescrire à l’étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l’article L. 611-2. »
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 14 est des plus contradictoires. Il prévoit en effet la possibilité d’assigner à résidence les étrangers qui font l’objet d’une OQTF avec délai de départ volontaire.
Mes chers collègues, j’ai beau chercher la cohérence de cet article, je ne la trouve pas ! D’un côté, il est prévu de faire confiance à l’étranger s’étant vu signifier une OQTF, en lui laissant un délai de départ volontaire ; de l’autre, nous lui demandons de rester dans un périmètre qui aura été choisi par l’administration compétente.
Ainsi, deux points me frappent à la lecture de cet article.
En premier lieu, la décision d’assigner à résidence est prise sans considération individuelle, sans tenir compte des situations personnelles et médicales des exilés concernés. En second lieu, une logique insidieuse se glisse une fois de plus au sein de ce projet de loi, en vertu de laquelle les exilés sont des criminels prêts à prendre la fuite.
Jusqu’à présent, ces mesures n’étaient appliquées qu’aux personnes suspectées de terrorisme, dans le cadre de l’état d’urgence. Avec cet article, elles seraient généralisées à tous les exilés.
Quoi que fasse le Gouvernement, pour l’heure et en l’état du droit, être sans papiers n’est pas une infraction à la loi.
Cessons de traiter les exilés comme des tenants du grand banditisme et laissons à ceux qui se sont vu signifier une obligation de quitter le territoire français la possibilité de rendre cette demande de l’administration effective dans le délai qui leur est imparti.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 12 est présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.
L’amendement n° 273 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 12.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 273 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Il s’agit de supprimer la possibilité d’assigner à résidence un étranger qui fait l’objet d’une OQTF avec délai de départ volontaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Tout à l’heure, il a été rappelé que, sur les 85 000 mesures prononcées en 2017, seules 15 000 avaient été exécutées, ce qui reste bien évidemment insuffisant, quand bien même ce chiffre est en augmentation de 15 % grâce à l’action déterminée que nous menons.
En la matière, l’une des causes de l’échec de la mise en œuvre des OQTF est la fuite. C’est pourquoi le texte prévoit de désigner aux personnes concernées un lieu de résidence, ce qui permettra d’assurer un meilleur suivi et de les localiser, si elles ne répondent pas aux convocations de l’administration. Ce n’est pas une assignation à résidence. Il s’agit de leur désigner un domicile, absolument pas un périmètre duquel il leur serait interdit de sortir.
Dès lors, la suppression de l’article 14 nuirait à l’effectivité des mesures d’éloignement, ce à quoi le Gouvernement ne peut qu’être défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Il y a tout de même un paradoxe ! Si l’on propose qu’une OQTF soit applicable avec un délai de départ volontaire, cela signifie que l’on considère que la personne doit partir, mais a un profil qui lui permet d’obtenir ce statut. Toutefois, ce départ n’est pas vraiment volontaire, car la personne se trouve assignée à résidence et voit sa liberté encadrée.
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Alain Richard. La confiance n’exclut pas le contrôle !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 273 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 14.
(L’article 14 est adopté.)
Article 15
(Non modifié)
L’article L. 531-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – L’autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision de remise prise en application du premier alinéa du I à l’encontre d’un étranger titulaire d’un titre de séjour dans un autre État membre de l’Union européenne d’une interdiction de circulation sur le territoire français d’une durée maximale de trois ans.
« Toutefois, cette interdiction de circulation sur le territoire français n’est applicable à l’étranger détenteur d’une carte de résident portant la mention “résident de longue durée-UE” en cours de validité accordée par un autre État membre ou d’une carte de séjour portant la mention “carte bleue européenne” en cours de validité accordée par un autre État membre de l’Union européenne ou à l’étranger et aux membres de sa famille, admis à séjourner sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne et bénéficiant d’un transfert temporaire intragroupe conformément à la directive 2014/66/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d’un transfert temporaire intragroupe que lorsque leur séjour en France constitue un abus de droit ou si leur comportement personnel constitue, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société.
« Le prononcé et la durée de l’interdiction de circulation sont décidés par l’autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français.
« L’autorité administrative peut à tout moment abroger l’interdiction de circulation. Lorsque l’étranger sollicite l’abrogation de l’interdiction de circulation, sa demande n’est recevable que s’il justifie résider hors de France depuis au moins un an.
« Cette condition ne s’applique pas :
« 1° Pendant le temps où l’étranger purge en France une peine d’emprisonnement ferme ;
« 2° Lorsque l’étranger fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2. »
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Il s’agit de supprimer l’article 15, qui comprend des dispositions strictes visant à réduire la circulation sur le territoire français pour sanctionner le cas des étrangers non européens bénéficiant d’un titre de séjour valide en France, puisqu’il a été délivré par un autre État membre de l’Union européenne.
Nous notons une contradiction fondamentale du point de vue du droit au sein du traité de Schengen lui-même, puisque ce texte prévoit explicitement l’élargissement de cette interdiction. En effet, l’espace Schengen est censé organiser la libre circulation des travailleurs disposant de titres de séjour tout en prévoyant des dérogations à ce principe.
Ce qui nous pose le plus de problèmes, c’est la discrimination établie sur notre territoire entre deux étrangers disposant chacun d’un titre de séjour, selon que celui-ci est accordé en France ou ailleurs dans l’Union européenne.
L’interdiction de circuler est une mesure très lourde et les sanctions prévues pour son non-respect – assignation à résidence ou placement en rétention administrative – ne sont pas sans conséquence pour la personne concernée et, éventuellement, pour sa famille.
Nous estimons qu’il s’agit là d’une remise en cause trop forte du droit des étrangers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement tend à supprimer l’article 15, lequel, je le rappelle, institue une interdiction de circulation sur le territoire français pour les ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une remise à un autre État membre.
Il s’agit ainsi de garantir l’effet utile des « remises Schengen » et d’éviter qu’une personne éloignée vers un autre pays de l’espace Schengen ne revienne rapidement sur le territoire français, en bénéficiant de la libre circulation. Cette disposition permet d’assurer l’efficacité des mesures d’éloignement.
Pour ces motifs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.