M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Au centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne, dix-sept médecins urgentistes ont annoncé leur démission pour le 3 juillet prochain. Un ras-le-bol qui couvait depuis longtemps au CHAR, secoué de crises multiples, comme j’ai pu le constater en avril dernier, lors de la visite de la mission des affaires sociales à laquelle je participais : bâtiment vétuste, nombre insuffisant de lits, manque de généralistes et de spécialistes, difficultés à fidéliser les professionnels de santé, médecine libérale défaillante…
En Guyane comme partout, les problèmes rencontrés aux urgences sont la résultante du dysfonctionnement du système de santé, ce que j’avais souligné, en juillet 2017, dans le rapport d’information de la commission des affaires sociales rédigé avec mes collègues Catherine Génisson et René-Paul Savary.
Madame la ministre, pourriez-vous nous dire quelles mesures d’urgence vous comptez prendre pour combler le manque de praticiens à Cayenne, comme dans toute la Guyane et dans les autres départements ultramarins, qui vivent de manière plus aigüe la crise de notre système de santé ?
Et pourquoi, avant d’agir, attendre des actions si lourdes de conséquences : ici, la démission de praticiens, à Sotteville-lès-Rouen la grève de la faim à l’hôpital psychiatrique du Rouvray ou encore, dans la Nièvre, la démission de trente-cinq maires ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame Cohen, merci de cette question, qui concerne le projet de modernisation du centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne, mais également les difficultés que rencontre cet établissement pour son service d’urgence. Elle rejoint la question précédente sur la difficulté à trouver des urgentistes partout en France.
La modernisation de cet établissement est programmée. Le comité de performance et de modernisation de l’offre de soins hospitaliers, le COPERMO, a émis le 19 juin dernier un avis favorable à la modernisation du centre hospitalier.
Eu égard à la dégradation financière de l’établissement, une délégation de 40 millions d’euros, conformément aux accords de Guyane du 21 avril 2017, va être délivrée. Les aides nationales seront allouées à 100 % en capital et versées sur quatre ans, sous réserve que les recommandations du COPERMO soient respectées.
Pour ce qui concerne les urgences, un certain nombre de démarches ont été entreprises. Sur l’initiative de l’agence régionale de santé, chaque médecin est reçu chaque fois qu’il le demande, et nous faisons en sorte que l’ARS rencontre les médecins de ville pour leur suggérer de participer à la régulation des soins d’urgence.
Nous mobilisons le service de santé des armées et la réserve sanitaire, envoyée sur place. Nous facilitons l’entrée sur le territoire de médecins étrangers formés aux urgences. Nous mobilisons l’assurance maladie pour expérimenter de nouvelles modalités de fonctionnement de la maison médicale de garde. Nous avons créé cent postes d’assistants spécialistes pour les DOM, mesure dont bénéficiera la Guyane dès cette année.
Enfin, une nouvelle séquence de négociation est programmée aujourd’hui. Nous mettons tout en œuvre pour qu’elle se termine par un projet d’accord final.
Je terminerai en soulignant qu’une mission d’audit a été confiée au professeur Pierre Carli, président du Conseil national de l’urgence hospitalière, que tout le monde connaît. Elle aura lieu du 7 au 9 juillet prochain, pour évaluer la situation particulière des urgences de Cayenne. Des décisions seront prises !
Vous constatez notre mobilisation pleine et entière pour redresser cette situation dégradée. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. En réalité, c’est de tous les territoires que monte un appel d’urgence pour l’hôpital public, qui reste, contre vents et marées, un pôle d’excellence grâce à l’engagement des professionnels de santé.
Madame la ministre, vous dites entendre les professionnels, mais ce n’est pas ce qu’ils nous disent quand nous effectuons notre tour de France des hôpitaux : aides-soignants, infirmières ou chefs de service, tous appellent au secours !
M. Michel Savin. Eh oui !
Mme Laurence Cohen. Il faut des mesures d’urgence qui ne répondent pas obligatoirement à la crise immédiate, mais à la situation générale. Il faut créer 100 000 postes, et c’est possible – supprimer la taxe sur les salaires représente 4 milliards d’euros.
Il faut en finir, madame la ministre, avec un ONDAM contraint. Vous évoquez les politiques de santé de vos prédécesseurs, mais vous menez les mêmes politiques d’austérité, qui mettent à genoux les hôpitaux.
Vous qui voulez être à l’écoute des professionnels, quand les médecins hospitaliers vous demandent, par courrier, une entrevue, il faut la leur accorder. Or ce n’est pas ce que vous avez fait, nous ont-ils dit. Le 5 juillet, nous les rencontrerons à l’Assemblée nationale, pour construire ensemble un plan d’urgence des hôpitaux. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
présidence de la république et laïcité
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Alain Duran. Aujourd’hui, le Président de la République a accepté le titre de « premier et unique chanoine d’honneur » et pris possession de la stalle en la basilique Saint-Jean-de-Latran. Ce faisant, il s’inscrit dans les pas d’Henri IV, qui avait inauguré cette pratique en 1604, avant que la Révolution ne la fasse tomber en désuétude jusqu’en 1957.
Il ne s’agit aucunement d’une obligation institutionnelle, puisque l’article 1er de notre Constitution se borne à rappeler que la France est une République laïque, qu’elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de religion et qu’elle respecte toutes les croyances, tandis que l’article 2 de la loi de 1905 énonce que la République ne reconnaît aucun culte.
Il ne s’agit pas non plus d’une coutume, puisque, dans la féconde histoire de notre république, seuls cinq présidents ont pris possession de ce titre – Georges Pompidou, François Mitterrand et François Hollande s’en sont tous les trois abstenus, ce qui ne les a pas empêchés d’avoir des relations diplomatiques constructives avec le Vatican.
Il s’agit plutôt d’un énième dévoiement de la laïcité (Exclamations sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.), au profit d’un œcuménisme communautariste qui affaiblit notre république. Le Président, alors candidat, l’avait déjà dévoilé en février 2017, en déclarant regretter que la loi ouvrant le mariage aux couples du même sexe ait humilié une partie des catholiques ou, en avril dernier, en affirmant encore vouloir « réparer le lien qui s’est abîmé entre l’Église et l’État ».
Alors que votre majorité à l’Assemblée nationale se fissure une nouvelle fois à cause de l’opposition de certains de vos députés au souhait du Gouvernement d’exempter les « associations à but cultuel » de l’obligation de déclarer leurs actions de lobbying auprès des décideurs publics, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous expliquer le sens de cette visite, au moment où les fondements de notre république laïque sont affaiblis par les revendications identitaires et communautaristes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur Duran, sur la laïcité, le Président de la République et les membres du Gouvernement n’ont jamais changé de ligne, celle d’un attachement profond à la loi de 1905, qu’Aristide Briand avait conçue comme fondatrice d’une laïcité de liberté. Certes, l’État ne reconnaît aucune religion, mais chaque citoyen doit pouvoir exercer son culte dans de bonnes conditions, ou alors ne pas croire, ce qui est une autre liberté.
La visite d’État de ce jour permettra d’abord au Président de la République et au pape, qui est aussi un chef d’État, de se rencontrer pour la première fois et d’entamer un dialogue sur plusieurs thèmes, notamment l’émigration, dont nous avons beaucoup parlé, ici même, ces jours derniers, la lutte contre le dérèglement climatique, l’aide au développement, la situation des chrétiens d’Orient, mais aussi la protection des minorités.
Je tiens également à préciser que le titre de chanoine du Latran, dont le président prendra officiellement possession, est un titre laïque, qui n’a aucune dimension spirituelle, mais possède uniquement une signification honorifique et historique.
C’est une distinction, vous l’avez souligné, qui revient automatiquement au chef de l’État français depuis Henri IV. Pour être très précis historiquement, tous les Présidents de la République l’ont été, même si tous n’ont pas fait le voyage… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain – Mme Michèle Vullien applaudit.)
Comme je l’ai dit, le Président de la République et le Gouvernement poursuivent le dialogue avec toutes les religions.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il n’y a pas lieu de polémiquer. L’État dialogue avec toutes les forces vives. Qui peut nier que l’Histoire est l’Histoire et que les religions en font partie ? D’ailleurs, si vous tournez la tête, monsieur le sénateur, vous verrez que la statue de Saint Louis est derrière vous dans cet hémicycle et qu’elle vous protège. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains.)
zone euro
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Emmanuel Capus. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Madame la secrétaire d’État, la semaine dernière, a eu lieu une réunion cruciale de l’Eurogroupe, qui pourrait bien déterminer l’avenir de la zone euro.
Tout d’abord, elle a permis d’acter un accord sur la dette grecque et de rendre aux Grecs leur autonomie financière. Après presque une décennie de sacrifices, c’est un grand moment pour la Grèce, c’est un grand moment pour la France, qui s’est toujours tenue à ses côtés, et c’est un grand moment pour la zone euro, qui montre qu’elle est enfin capable de sortir de la crise.
Ensuite, cette réunion a permis de présenter le programme de réforme de la zone euro, défini par Emmanuel Macron et Angela Merkel à Meseberg, la semaine dernière. Ce projet est équilibré : il associe l’idée française d’un budget commun de la zone euro et la volonté allemande de créer un véritable Fonds monétaire européen. Il associe donc à égalité rigueur budgétaire et nécessité d’investir dans l’avenir.
Toutefois, nombre de questions restent en suspens sur le financement, l’utilisation et surtout le volume de ce budget de la zone euro. Le président Macron s’est heurté au refus de la Chancelière d’annoncer un montant précis. Espérons que la montagne française n’accouchera pas d’une souris allemande ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
M. Roger Karoutchi. L’image n’est pas extraordinaire…
M. Emmanuel Capus. Madame la secrétaire d’État, les questions que nous nous posons ne sont pas seulement techniques ; elles sont aussi politiques. La zone euro apparaît plus divisée que jamais. Votre homologue néerlandais a pris la tête d’une fronde de douze pays opposés au projet franco-allemand. Au sein même de la majorité d’Angela Merkel, plusieurs poids lourds s’opposent à ce que les Allemands payent pour les autres. La Chancelière est affaiblie, l’unité de l’Eurogroupe est rompue. La France apparaît bien seule pour porter une ambition européenne forte et crédible.
Dans ce contexte, madame la secrétaire d’État, comment comptez-vous convaincre nos partenaires d’avancer avec nous pour réformer la zone euro et construire une union économique et monétaire plus forte et plus protectrice ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur Capus, vous avez salué l’accord crucial sur la Grèce. Il s’agit en effet d’un pas extrêmement important, qui nous permet de sortir de dix années au cours desquelles nous sommes allés de programme en programme pour soutenir la Grèce. C’est un accord majeur !
Les difficultés de la Grèce ont servi de révélateur des faiblesses de la zone euro. Il nous faut la réformer, notamment grâce au mécanisme européen de stabilité. Le statu quo n’est pas une option : nous ne pouvons nous satisfaire d’une union monétaire qui ne soit pas davantage une union économique. C’est tout l’esprit de la feuille de route dont nous avons discuté avec l’Allemagne.
Nous avons prévu de parachever l’union bancaire, de faire en sorte que son filet de sécurité ultime soit pleinement opérationnel, de renforcer encore le mécanisme européen de stabilité et de créer un véritable budget de la zone euro. Il s’agit là de réponses indispensables pour faire émerger une union prospère et plus stable.
Bien évidemment, ces propositions doivent être portées au sein de l’Eurogroupe, ce que nous avons commencé à faire.
Les autres États membres sont convenus qu’il s’agissait d’une base de travail solide. Il est toutefois normal, et même sain, que des discussions aient lieu. Je puis vous assurer que Bruno Lemaire et Olaf Scholz sont absolument déterminés à convaincre nos partenaires de la zone euro d’avancer.
Nous sommes ouverts aux discussions, mais il faut maintenant avancer, et très vite. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
dépense publique
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Madame la secrétaire d’État, la France est championne – pas encore de football, mais de la dépense publique, au dernier rang des pays de l’OCDE.
Le problème n’est pas nouveau : cela fait cinquante ans que les gouvernements successifs se sont essayés à rendre plus efficaces les dépenses de l’État.
« Si comme moi, vous aimez l’action publique, si vous aimez gagner du temps, vous simplifier la vie et que vous êtes un peu geek, le sujet va vous passionner. » Ces mots, prononcés par le Premier ministre le 13 octobre 2017, confortaient mon enthousiasme de participer au Comité Action publique 2022.
Ce comité, chargé par le Gouvernement de pointer les principaux dysfonctionnements des services publics et de dresser la liste des solutions possibles, devait être celui d’un nouveau monde. Je cite toujours le Premier ministre : « Nous aurions pu faire comme avant : présenter un plan d’économies. Nous avons voulu faire quelque chose de radicalement différent, à la fois de plus intelligent, de plus respectueux et de plus durable : transformer en profondeur l’action publique. »
Au terme des travaux du Comité, mon enthousiasme s’est éteint et l’espoir d’un nouveau monde n’est plus qu’un mirage. Alors que l’implication des membres du Comité a été forte pour essayer de proposer des idées disruptives, pour rendre l’action publique plus efficace par de la simplification, de la rationalisation, de la mutualisation, très rapidement les seules propositions retenues furent celles qui se chiffraient en millions d’euros d’économies.
Mes questions sont donc les suivantes, madame la secrétaire d’État. Le rapport du Comité Action publique 2022, et plus largement le programme Action Publique 2022, sera-t-il porté à la connaissance des parlementaires, des élus locaux, voire des citoyens ? Les expériences antérieures ont montré l’inefficacité d’une vision purement technocratique.
Quel est le calendrier du chantier Action Publique 2022 ? Quel est le montant réel du plan d’économies ? À quelle échéance ? Les économies porteront-elles sur le budget de l’État ou sur celui des collectivités locales, qui ont déjà largement contribué ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame Lavarde, vous abordez un sujet important, ce dont je vous remercie.
Je tiens à rappeler que nous venons de vivre un moment particulier de notre histoire budgétaire : en 2017, pour la première fois depuis 2009, l’engagement de ramener notre déficit public sous la barre des 3 % du PIB a été respecté, ce qui nous ouvre la possibilité de sortir de la procédure européenne de déficit excessif.
Ce résultat est dû à l’amélioration de la conjoncture, mais aussi aux efforts du Gouvernement (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.),…
M. Jean-Pierre Sueur. Et à François Hollande !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. … qui a fortement travaillé pour contenir la croissance des dépenses publiques à 1,8 % du PIB, en deçà des 2,2 % prévus. Nous allons poursuivre cet effort.
Madame Lavarde, vous avez travaillé dans le cadre du groupe de travail Action publique 2022, au cœur des réflexions du Gouvernement pour transformer l’action publique. Cette transformation en profondeur, qui doit être portée par chacun des ministres, est en cours de réflexion et d’évaluation.
M. Martial Bourquin. Voilà qui ne veut rien dire !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Mon ministère, par exemple, a engagé de façon très détaillée la revue des aides publiques aux entreprises. Il s’agit bien d’une transformation de l’action publique et d’une transformation en profondeur de l’organisation de nos moyens, pour répondre aux missions prioritaires.
M. Claude Raynal. Ce n’est pas sérieux !
M. Michel Savin. Répondez à la question posée !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Les ministres ont tous pris en compte les propositions du groupe de travail et sont en train de mettre en place leurs plans de transformation, qui seront présentés au Premier ministre au cours des prochaines semaines.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. C’est au fil de ces propositions que nous pourrons avancer sur le chemin d’une meilleure efficacité de notre action. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. J’ai du mal à être convaincue, madame la secrétaire d’État : en tant que membre du Comité, je n’ai pas eu connaissance de son rapport.
Vous nous dites que le Gouvernement agit, mais sur quelles bases et sur quelles propositions ? Nous attendons de voir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
agence européenne des réfugiés
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe La République En Marche.
M. André Gattolin. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Depuis une semaine, les réunions européennes sur les questions des migrations et du droit d’asile se succèdent. Le sujet figurera également au sommet de l’agenda du Conseil européen qui se tiendra en fin de semaine à Bruxelles. Il y a urgence à définir des règles et des moyens d’action communs.
Toutefois, au regard des positions très divergentes en présence, il y a peu de chances qu’un accord unanime soit trouvé. L’Europe doit pourtant impérativement avancer, notamment sur la question de l’accueil des réfugiés, en trouvant une solution au refus des pays de Visegrad d’honorer leurs quotas d’« asilés », fixés à la suite de la crise migratoire de 2015.
Pour ce faire, plusieurs solutions sont évoquées. Très récemment, le Président Macron a suggéré de conditionner l’attribution de certains fonds structurels européens à l’accueil effectif de réfugiés. Si un tel instrument peut se révéler efficace, il nous faudra d’abord inscrire cette conditionnalité de principe dans le prochain cadre financier pluriannuel, ce qui n’est pas encore acquis.
Pour autant, ce type de mesure contraignante à l’encontre des États réfractaires devrait utilement s’accompagner de mesures d’ordre plus incitatif. La Commission envisage la création d’une agence européenne pour l’asile, dont les contours demeurent encore peu définis.
Certains suggèrent qu’une telle agence devrait prioritairement soutenir les municipalités ou les territoires acceptant d’accueillir des migrants, en leur octroyant des fonds pour l’accueil, ainsi qu’un « bonus » pour leur budget général. Cette contractualisation directe entre collectivités volontaires et Union européenne permettrait ainsi de contourner le refus de certains États.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous éclairer sur la position du Gouvernement à l’égard de ces différentes pistes concernant l’accueil des réfugiés ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur Gattolin, l’Europe, on ne peut pas se le cacher, est à la croisée des chemins. Tout ce qui a été patiemment et laborieusement bâti depuis des décennies peut se retrouver défait en quelques mois ou quelques années. Le Brexit montre que le délitement peut être parfois très rapide.
L’Union européenne est soumise en ce moment à des tests de solidité et de souveraineté, pour ce qui concerne sa politique, tant commerciale que migratoire. C’est donc en commun que nous devons apporter des réponses fondées sur des principes simples, à savoir la responsabilité et la solidarité.
Un ensemble de mesures doivent être prises. Il convient tout d’abord d’améliorer la coopération avec les pays d’origine et de transit. De ce point de vue, la France a pris des engagements forts sous la houlette du Président de la République, puisqu’il s’agit d’augmenter notre aide publique au développement, qui devra atteindre 0,55 % de notre revenu national brut. Le Premier ministre évoquait d’ailleurs le sujet de l’Alliance pour le Sahel ce matin même avec son homologue malien.
Il faut ensuite éviter que certains demandeurs d’asile, légitimement éligibles à ce droit, n’aient à faire cette traversée de la mort. C’est tout l’objet des missions de l’OFPRA déployées dans un certain nombre de pays, notamment la Libye, le Tchad et le Niger. Elles identifient les personnes dont les droits en la matière sont imprescriptibles.
En outre, il est nécessaire de renforcer les moyens de l’Union européenne pour la protection des frontières extérieures. Ainsi FRONTEX doit-il passer d’un effectif de 1 200 personnes à un effectif de 10 000 personnes.
Il existe donc une large palette de solutions. La mise en place d’une agence européenne pour l’asile, que vous venez d’évoquer, est une idée fortement soutenue par la France et l’Allemagne. Elle fera l’objet des débats qui se tiendront ces prochains jours. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
trafiquants de drogue
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hugues Saury. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la garde des sceaux, voilà une semaine, douze individus, dont neuf détenus, soupçonnés de trafic international de drogue portant sur des quantités importantes de cannabis, d’héroïne, de cocaïne, d’ecstasy ou encore de Kétamine, devaient comparaître devant le tribunal correctionnel de Pontoise. Parmi ces individus, huit prévenus incarcérés ont dû être remis en liberté faute de magistrats disponibles, à la suite de l’arrêt maladie de la juge chargée du dossier, le délai légal de six mois de détention provisoire obligeant à les libérer.
Sans remettre en cause le travail considérable des juges, je considère comme inacceptable, dans un système juridique aussi abouti que le nôtre, de voir une audience annulée pour manque de moyen humain. Pis, il est inconcevable d’imaginer qu’un individu soupçonné ne soit pas jugé dans les conditions prévues par la loi et soit remis en liberté, y compris dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
Par ce jeu des actes manqués, notre système s’épuise et se ridiculise. Comment une institution aussi importante que l’autorité judiciaire ne peut-elle être en capacité d’assurer son rôle ? Cette affaire n’a malheureusement rien d’exceptionnel et ne doit pas être banalisée sous prétexte de la crise que subit l’institution.
Madame la garde des sceaux, comptez-vous attendre mars 2019 – c’est la date qui a été avancée – pour que ces trafiquants passent en jugement ?
Plus largement, je souhaiterais savoir comment vous comptez régler au plus vite ces situations, afin qu’elles ne puissent se reproduire. En effet, elles créent un sentiment d’impunité pour les délinquants et de désespérance pour les magistrats, les policiers et les victimes. Prévoyez-vous des mesures explicites afin d’endiguer le phénomène de surcharge de travail des magistrats ? Il y va, me semble-t-il, de la crédibilité du système judiciaire et légal français.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai bien entendu été informée de la décision du tribunal de Pontoise. Je dois le dire très sincèrement, elle m’a choquée.
M. Gérard Longuet. Vous n’êtes pas la seule !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cette décision est grave, puisqu’elle entraîne la remise en liberté des prévenus, même s’ils sont effectivement placés sous contrôle judiciaire. Par ailleurs, elle concerne l’organisation et le fonctionnement du service public de la justice. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je m’autorise à porter un jugement sur cette affaire.
Il faut le savoir, cette décision ne relève pas exclusivement du manque d’effectifs, comme cela a pu être dit. Je le rappelle, le tribunal de grande instance de Pontoise regroupe soixante-dix magistrats. À l’heure actuelle, soixante-huit postes sont pourvus. Les deux postes vacants concernent un juge de l’application des peines et un juge du tribunal d’instance, donc en aucun cas un juge correctionnel.
J’ajoute par ailleurs que le recrutement de nouveaux magistrats nous permettra, dès le mois de septembre prochain, de combler l’une de ces deux vacances. En outre, le budget de la justice pour l’année 2018 et les années suivantes nous permettra de recruter un nombre important de magistrats.
Concernant l’affaire qui vient d’être évoquée, j’ai saisi les chefs de cour de la Cour d’appel de Versailles pour leur demander des explications précises sur quatre points. J’ai sollicité des précisions sur l’organisation générale du service correctionnel, notamment sur l’audiencement, ainsi que sur l’existence d’un dispositif de remplacement des magistrats en cas d’empêchement.
J’ai demandé un rapport circonstancié sur le déroulement de l’audience qui a été évoquée et sur l’impossibilité d’examiner cette affaire avant plus d’un an. J’ai en outre souhaité avoir des éléments d’explication sur les conditions dans lesquelles le renvoi a été prononcé, et s’il a été précédé, comme cela doit être le cas, d’une information à la présidente de la juridiction. J’ai enfin demandé à être éclairée sur les difficultés particulières qui auraient justifié un tel report et une telle situation.
En fonction des éléments qui me seront remis, j’envisagerai ou non la saisine de l’Inspection générale de la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Catherine Troendlé et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)