Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. L’amendement n° 391 rectifié quater reprend la notion d’étiquetage obligatoire du mode d’élevage, mais l’étend au mode d’abattage et à tous les produits bruts ou transformés comportant des produits issus de l’élevage, et ce dès 2020.
Pour les raisons déjà exposées, la commission y est défavorable, comme elle est défavorable à l’amendement n° 448 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, l’amélioration de l’information du consommateur est une priorité forte de ce gouvernement.
Parce que nous sommes sensibles à une plus grande transparence en matière d’étiquetage, nous avons saisi le Conseil national de l’alimentation pour travailler sur ces sujets, notamment en expérimentant un étiquetage relatif aux modes de production en élevage. Pour autant, veillons à encadrer et contrôler la manière dont nous faisons les choses.
Permettez-moi de prendre un exemple, celui de l’élevage de bovins à l’herbe. Cela peut concerner les bovins qui broutent de l’herbe dans les champs, mais aussi ceux qui ne voient jamais la lumière du jour ! Je pense aux feedlots installés dans certains États d’Amérique du Sud ou aux États-Unis, où les bovins mangent de l’herbe, mais sont installés sur du sable ! C’est très différent de ce que nous entendons par « élevage à l’herbe », à savoir des bovins broutant dans les prairies.
Nous avons donc besoin de mieux contrôler et encadrer. Pour ce faire, le Conseil national de l’alimentation mettra en place une expérimentation.
Par ailleurs, notre législation doit rester conforme à la réglementation européenne sur ces sujets. Je suis donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Ces amendements relatifs aux mentions obligatoires à porter sur l’étiquetage témoignent d’une volonté de plus grande transparence que je partage.
Sans doute parce que je vieillis et porte des lunettes (Protestations amusées.), j’estime illisible toutes ces informations minuscules figurant sur les produits.
Comme M. le ministre, je pense que la technologie nous aidera. Un jour ou l’autre, nous devrons passer à un étiquetage sous forme de QR code. Cela nous permettra de lire toutes les informations, qui ne seront pas forcément obligatoires, qu’il s’agisse des conditions d’élevage ou de la présence ou non d’OGM, et ce sur notre téléphone ou, si l’on est un peu vieillissant comme moi, sur notre tablette.
Si vos intentions sont louables, mes chers collègues, veillons à ce que les étiquettes, qui ne sont pas extensibles, restent lisibles !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre. La filière viticole peut déjà expérimenter l’étiquetage dématérialisé pour un certain nombre de points. Par ailleurs, France filière pêche est exemplaire en la matière. Dans votre poissonnerie France filière pêche, vous scannez le QR code : vous obtenez ainsi la photo du bateau, la vidéo, le nom du capitaine, et le lieu de pêche du poisson ! Ce dispositif permet d’avoir des garanties concernant l’origine des produits pêchés par la filière.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 391 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote sur l’amendement n° 448 rectifié.
M. Joël Labbé. Vous mettez en avant, monsieur le ministre, les expérimentations qui seront menées par le Conseil national de l’alimentation. Très bien ! Toutefois, je le souligne, cet amendement renvoie à un décret en Conseil d’État qui déterminera les modalités d’étiquetage.
À un moment donné, il est important de poser des actes, et l’adoption de cet amendement en constituerait un.
Je le répète, s’agissant des élevages de montagne, les broutards élevés uniquement à l’herbe et au fourrage ne sont pas suffisamment valorisés. Leurs producteurs doivent être mieux payés.
Or la grande distribution sait vendre ses produits et tromper le consommateur avec de belles images vertes sur fond fleuri.
Par ailleurs, vous revenez sans cesse à la réglementation européenne pour justifier vos refus. Or, pour favoriser les produits vertueux, il est possible d’agir !
M. le président. Malgré le débat sur le débat, nous examinons 16 amendements par heure, ce qui est correct pour finir lundi soir.
Que M. Duplomb n’y voie pas une invitation à lancer tous les débats… (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
L’amendement n° 37 rectifié sexies, présenté par M. Delahaye, Mme Guidez, MM. Canevet et Mizzon, Mme Dindar, M. Laugier, Mmes Goy-Chavent et Joissains, M. Kern, Mme de la Provôté, MM. Moga, Janssens, Lafon et Poadja, Mme Billon et MM. Longeot et Delcros, est ainsi libellé :
Après l’article 11 septies A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 412-4 du code de la consommation, il est inséré un article L. 412-… ainsi rédigé :
« Art. L. 412-… – Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d’indication de l’origine des denrées alimentaires, l’indication organisme génétiquement modifié des vitamines, enzymes et acides aminés utilisés durant le processus de fabrication d’un produit alimentaire, est obligatoire sur son étiquetage. »
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Dans la lignée de la discussion précédente, il s’agit, à travers cet amendement, d’indiquer sur les étiquettes que les produits sont élaborés à partir d’éléments OGM.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Cet amendement revient sur l’étiquetage OGM, mais pour ce qui concerne le processus de fabrication d’un produit alimentaire.
Pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées préalablement, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Canevet. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié sexies est retiré.
L’amendement n° 394 rectifié ter, présenté par Mmes Rossignol et Conway-Mouret, M. Vallini, Mmes Jasmin et Lienemann, MM. Féraud et Devinaz, Mme Lepage, M. Kerrouche, Mmes Préville et G. Jourda et M. Manable, est ainsi libellé :
Après l’article 11 septies A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre Ier du code de la consommation est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Affichage environnemental des produits alimentaires
« Art. L.115-1. – Afin d’éclairer le choix du consommateur sur l’incidence sur l’environnement des produits alimentaires bruts qu’il achète, au plus tard le 1er janvier 2022, le distributeur appose en rayon, à côté de l’étiquette mentionnant le prix, une information relative à la distance parcourue par le produit alimentaire brut depuis son lieu de production jusqu’à son lieu de distribution.
« Sur le même support, il indique par un logo le mode de transport principal qui a été employé pour acheminer le produit.
« Pour une meilleure visibilité pour le consommateur, cet affichage se fait sur un fond d’une couleur verte pour les aliments ayant parcouru moins de 200 kilomètres entre leur lieu de production et le lieu de distribution, jaune pour les aliments produits en France, orange pour les aliments produits dans l’Union européenne et rouge pour les aliments produits dans le reste du monde.
« Un arrêté ministériel fixe le modèle type à utiliser pour cet affichage.
« Avant la publication de cet arrêté, les modalités d’affichage sont librement choisies par les distributeurs, dans le respect des alinéas précédents. À partir de la publication par arrêté du modèle type d’affichage, les distributeurs se conforment à ce modèle type dans un délai de six mois.
« Art. L.115-2. – Au plus tard le 1er janvier 2022, pour toute vente de fruits ou légumes frais, le distributeur appose en rayon une mention indiquant si le fruit ou légume est « de saison » ou « hors saison ».
« Pour l’appréciation du caractère de saison ou hors saison du produit, le distributeur s’appuie sur un calendrier régional de saisonnalité.
« Art. L.115-3. – Au plus tard le 1er janvier 2022, le producteur affiche sur tout produit alimentaire brut destiné à la vente une indication simplifiée de son incidence environnementale.
« Cette information est présentée au moyen de symboles représentant l’incidence environnementale sur des facteurs de type climat, eau, biodiversité à préciser par décret en Conseil d’État. Chaque symbole, représentant un facteur, est assorti d’une échelle de A, représenté en vert à E, représenté en rouge, sur laquelle est indiquée la note obtenue par le produit pour ce facteur. La note globale issue de la moyenne de ces différentes notes est également indiquée.
« La méthode par laquelle sont obtenues les notes environnementales mentionnées à l’alinéa précédent est fixée par décret en Conseil d’État. Elle repose sur une analyse cycle de vie et multicritères.
« Un arrêté ministériel fixe le modèle type à utiliser pour cet affichage.
« Avant la publication de cet arrêté, les modalités d’affichage sont librement choisies par les producteurs, dans le respect des alinéas précédents. À partir de la publication par arrêté du modèle type d’affichage, les producteurs se conforment à ce modèle type dans un délai d’un an.
« Art. L.115-4. – Au plus tard le 1er janvier 2022, le producteur affiche sur tout produit alimentaire destiné à la vente un QR-code renvoyant vers un site permettant au consommateur d’avoir accès aux informations détaillées relatives à l’incidence environnementale du produit.
« Ces informations sont présentées de manière à permettre la lecture la plus facile possible pour le consommateur non averti.
« Les modalités d’application de cette obligation sont précisées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. L’information environnementale obligatoire sur les produits alimentaires répond à une forte demande citoyenne, à un impératif de transparence des relations entre producteurs, distributeurs et consommateurs, à l’objectif d’une plus grande prise de conscience environnementale des citoyens en vue de l’indispensable changement des pratiques.
Permettez-moi de formuler une remarque concernant l’information des citoyens. Les jeunes adultes – peut-être avez-vous des enfants relevant de cette catégorie – iront chercher eux-mêmes les informations, quoi que vous fassiez !
Pour répondre à la fois au besoin d’une information simple et courte et d’un affichage environnemental multicritères donnant une information juste et fiable, il est proposé d’articuler deux démarches : une information visible immédiatement en magasin et compréhensible par tous et une information plus exhaustive disponible en ligne.
En ce qui concerne l’information relative à l’impact du dioxyde de carbone du produit, il est proposé de mettre la priorité sur la distance parcourue et le mode de transport. C’est la solution qui semble la plus pédagogique. À l’inverse, l’indication du nombre de grammes d’équivalent CO2 émis sur l’ensemble du cycle de vie du produit est certes transparente, mais elle n’est pas pédagogique, puisqu’elle n’évoque rien pour la plupart des Français. Un format d’affichage très clair a été imaginé, qui pourra être transmis aux services de l’État en vue d’élaborer le futur modèle type d’affichage.
Enfin, le QR code permettra au consommateur d’avoir accès aux informations détaillées relatives à l’incidence environnementale du produit. Il pourra renvoyer soit vers le site du producteur, soit vers un site étatique rassemblant toutes ces informations.
Dans le cas de produits animaux, ces informations pourraient intégrer des éléments détaillés relatifs au mode d’élevage et d’abattage de l’animal. Les producteurs pourraient même être incités à fournir des photographies du lieu d’élevage des animaux, pour permettre au consommateur de constater par lui-même dans quel type de milieu les animaux sont élevés : sont-ils élevés en plein air ? De quel espace dispose-t-il ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position arrêtée par la commission, puisqu’il va très au-delà de ce qui est prévu sur un certain nombre de sujets.
Il s’agit notamment de prescriptions excessivement contraignantes, par exemple l’indication de la distance parcourue du lieu de production jusqu’au lieu de distribution, qui serait du reste impossible à mettre en œuvre puisqu’il faudrait autant d’étiquettes qu’il y a de lieux de distribution, ou l’affichage du mode de transport principal – là aussi, il y aurait autant d’étiquettes que de circuits d’approvisionnement. Je pense également à la mention, pour les fruits et légumes frais, de leur saisonnalité. Une telle précision est inopérante puisqu’un fruit est toujours de saison à une époque de l’année sur la planète.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Le Gouvernement rejoint la préoccupation des consommateurs, qui doivent pouvoir disposer d’une information environnementale sincère, objective et complète sur les caractéristiques globales des produits et de leur transport.
Une expérimentation a été menée en 2011, dont le bilan a été dressé en 2013. Un certain nombre d’obstacles doivent être levés en termes de méthodes d’évaluation, de contrôle et de coût associé. La Commission européenne travaille également sur ce sujet dans le cadre de groupes de travail auxquels la France participe. Il importe donc de se coordonner avec le niveau européen pour envisager la mise en place de tels dispositifs, afin d’avoir une cohérence européenne sur ces sujets. En effet, c’est par la cohérence que nous réussirons à porter la qualité et l’information auprès de nos consommateurs et à répondre à la concurrence des pays d’Amérique du Sud ou d’autres continents.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. J’évoquerai trois points.
Premièrement, les producteurs et les filières n’ont pas attendu nos amendements pour mettre en place un étiquetage apportant un certain nombre d’informations. Parfois, dans des entreprises où l’on peut acheter des produits ou dans des magasins, on peut voir les photos des exploitations.
Ne remettons pas en cause une certaine liberté d’organisation ! La montée en gamme, c’est la capacité individuelle de répondre à des conditions très spécifiques de production dans un bassin donné.
Deuxièmement, nous avons voté ici à la quasi-unanimité l’amendement déposé par Mme la Lamure sur la non-surtransposition. Or que sommes-nous en train de faire ? Nous sommes en contradiction avec ce que nous avons voté précédemment, à savoir qu’il ne faut pas fragiliser les productions agricoles de notre pays.
Troisièmement, nous avons voté, presque à l’unanimité, une résolution européenne relative aux conditions d’importation, qui rappelle que les mêmes obligations doivent peser sur nos produits agricoles et sur les produits importés.
Nous disposons donc d’un arsenal complet en la matière ! Je partage totalement l’avis de Mme la rapporteur, et voterai contre cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 394 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 178 rectifié ter, présenté par MM. Decool, Guerriau, Chasseing, A. Marc, Wattebled, L. Hervé, Paul, Vogel et Henno, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 129 rectifié sexies, présenté par MM. Decool, Bignon, Chasseing, Fouché, Guerriau et Lagourgue, Mme Mélot, MM. Wattebled, Vogel et Paul, Mme Goy-Chavent et MM. Daubresse, L. Hervé et Moga, est ainsi libellé :
Après l’article 11 septies A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2019, l’étiquetage des produits préparés contenant du minerai de viande en mentionne explicitement la présence dans la liste des ingrédients des produits.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement vise à renforcer l’information du consommateur et la transparence de la composition des plats préparés à base de minerai de viande.
Le minerai de viande bovine est un produit intermédiaire constitué de muscles et de la graisse qui lui est attachée, issu de la découpe des carcasses et du désossage. Il est destiné à une transformation ultérieure, pour la fabrication de steaks hachés et de plats cuisinés.
Le minerai étant un produit intermédiaire utilisé uniquement entre opérateurs de l’agroalimentaire, il n’est actuellement pas étiqueté sur le produit final remis au consommateur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. L’appellation « minerai » peut susciter quelques interrogations. Néanmoins, officiellement, le minerai de viande ne contient que du muscle et de la graisse. Rien ne justifie donc un étiquetage spécifique.
Par ailleurs, j’attire votre attention sur le fait que les steaks hachés ou les saucisses ne sont pas constitués d’autre chose que de minerai de viande.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Apposer la mention « minerai » sur les produits reviendrait à les dévaloriser. Or leur utilisation dans l’industrie agroalimentaire permet de ne pas gaspiller ces parties de l’animal, qui sont aussi valorisables.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. La première fois que l’on a entendu parler de minerai, c’est au moment de l’affaire abominable de la viande de cheval. On s’est alors rendu compte qu’on utilisait du minerai dans divers mélanges très improbables. Faisons bien la différence ! Le steak haché ou la saucisse, ce n’est pas du tout la même chose, puisqu’on connaît les ingrédients d’origine.
De mon point de vue, il est important d’indiquer la présence de minerai. Il s’agit non pas de condamner l’industrie agroalimentaire qui l’utilise, mais simplement d’informer les consommateurs qu’ils mangent du minerai et pas vraiment de la viande.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Oh !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 129 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 651 rectifié bis, présenté par M. Tissot, Mmes Préville et Taillé-Polian, M. M. Bourquin, Mme Guillemot, M. Iacovelli, Mme Lienemann, MM. Lurel, Vaugrenard et Antiste, Mme Conconne, MM. Dagbert et Duran, Mmes Espagnac et Ghali, M. Jomier et Mme Rossignol, est ainsi libellé :
Après l’article 11 septies A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La commercialisation de produits alimentaires bénéficiant d’une allégation portant sur le mode de production et résultant d’un tri des produits agricoles est autorisée par la loi dans le cas où des modalités de répartition de la valeur créée par ladite allégation sont définies, notamment par accord interprofessionnel étendu par les pouvoirs publics.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à encadrer certaines pratiques commerciales consistant à afficher des mentions valorisantes sur l’étiquette des produits, sans que le producteur en soit informé.
Ce type de mentions crée une valeur, puisqu’elle donne le sentiment d’un produit de meilleure qualité, qu’il s’agisse d’un signe officiel de la qualité ou de l’origine ou d’une allégation portant sur le mode de production. Une note de 2017 du ministère de l’environnement fait ainsi apparaître que les consommateurs sont prêts à payer entre 5 % et 45 % plus cher pour un même produit ayant un moindre impact environnemental.
Ainsi, 57 % des fruits et légumes produits en France pourraient porter la mention « zéro résidu de pesticides », puisqu’ils sont sous les seuils autorisés en cette matière. Dans le cas de produits résultant d’un tri des fruits et légumes, le recours à cette allégation environnementale peut aujourd’hui se faire sans que le producteur en soit informé.
C’est également le cas pour l’utilisation des races bovines dans la valorisation des viandes et steaks hachés : un industriel peut trier parmi ses carcasses et utiliser la mention valorisante « viande charolaise », sans en informer le producteur.
L’amendement vise donc à assurer un meilleur partage de la valeur : dès lors qu’une allégation valorise le produit, le producteur doit non seulement en être informé, mais aussi se voir restituer une partie de la valeur générée.
L’encadrement de la valeur créée par ces allégations est un enjeu majeur de la transition agricole : tant que des allégations concernant le mode de production pourront porter sur des pratiques ne rémunérant pas les producteurs, la transition agricole vers des pratiques vertueuses restera bloquée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Les auteurs de cet amendement se réfèrent à des pratiques de distributeurs, lesquelles, si je comprends bien, consisteraient à trier parmi les produits agricoles pour y apposer une allégation, sans pour autant que le producteur soit rémunéré à hauteur de la valeur créée par ladite allégation.
Je ne suis pas sûre de saisir parfaitement l’objet de cet amendement. Vous avez pris l’exemple de la viande, mon cher collègue. Comment, dans ce cas, le producteur lui-même pourrait-il ne pas être informé de la mention valorisante de son produit ?
Sous réserve d’explications complémentaires, l’avis de la commission est plutôt défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. La répartition de la valeur au sein de la chaîne de production est un enjeu fort, de même que l’évolution des filières vers des modes de production responsables.
Mais cela ne doit pas être encadré par des dispositions dont l’application serait excessivement coûteuse pour de nombreuses filières, ce qui pourrait freiner leur montée en gamme et s’opposer à ce que nous voulons faire.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 651 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 519 rectifié ter, présenté par MM. Montaugé et Cabanel, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot, Kanner, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11 septies A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an suivant la promulgation de la loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur l’opportunité de la mise en place d’un système de blockchain permettant de retracer la création de valeur d’un produit ou d’une denrée alimentaire sur toute la chaîne de production, ainsi que la composition précise des aliments transformés. Ce système irait du producteur au consommateur et permettrait de s’assurer d’une transparence totale, répondant ainsi à une attente sociétale forte. Il pourrait être mis en place et utilisé par l’Observatoire des prix et des marges dans des conditions qu’il conviendra de déterminer.
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. À partir du constat largement partagé d’un besoin de la société d’information concernant la qualité voire la composition des produits alimentaires, cet amendement prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’opportunité de la mise en place d’un système de blockchain permettant de retracer la création de valeur d’un produit ou d’une denrée alimentaire sur l’ensemble de la chaîne de production, et de délivrer une information complète sur la composition des aliments transformés.
La blockchain est une technologie de stockage et de transmission de l’information sans organe de contrôle. En fait, c’est une base de données distribuée entre les différents acteurs de la chaîne alimentaire, du champ de production à l’assiette du consommateur. L’ensemble est sécurisé par cryptographie, et donc à l’abri de falsifications ou d’usages détournés malveillants.
L’intérêt de la blockchain dans le domaine agroalimentaire, c’est de rendre complètement transparentes les données relatives aux produits commercialisés, de la ferme à la table du consommateur.
Les données peuvent concerner la qualité nutritive des aliments et les modes de production. Elles peuvent aussi renseigner sur la répartition de la valeur économique tout au long de la chaîne, de la production à la commercialisation.
À terme, les techniques de QR code sur smartphone permettront un accès généralisé à ce type d’information, pour un achat plus éclairé du consommateur final.
En définitive, la blockchain est un tiers de confiance qui sert aussi bien la stratégie du producteur et des acteurs de la filière que l’intérêt du consommateur.
La France ne doit pas être en retard dans ce domaine et nous estimons important que l’État impulse et accompagne cette démarche, qui s’inscrit dans le champ de la numérisation de notre économie. En la matière, l’agriculture et l’agroalimentaire ne doivent pas prendre de retard. Ils doivent au contraire en retirer tous les profits possibles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. La création de valeur est déjà suivie et évaluée par l’Observatoire de la formation des prix et des marges. C’est précisément l’objet des contrats et accords-cadres que de la retracer au travers des indicateurs qui sont prévus.
Je suis par ailleurs assez sceptique quant à l’intérêt d’appliquer la théorie du blockchain à la création de valeur, qui ne renvoie ni à un problème de sécurisation des données ni à un enjeu de puissance de calcul disponible.
Néanmoins, je vous propose de renvoyer ce sujet à l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui pourrait l’approfondir, ce qui nous permettrait ensuite d’en débattre.
La commission est donc plutôt défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Je ne suis pas favorable à ce que l’Observatoire de la formation des prix et des marges soit désigné pour la mise en place d’un hypothétique système de blockchain.
Cet observatoire est aujourd’hui chargé d’une mission capitale, la transparence sur la formation des prix et des marges. Demain, sa mission sera renforcée, puisqu’il devra fournir aux filières des indicateurs, ce qui leur sera très utile.
Je suis donc défavorable à cet amendement, qui devrait pouvoir être satisfait sans passer par la loi et sans mobiliser forcément l’Observatoire de formation des prix et des marges.