M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Le travail mené par les agences doit se poursuivre pour améliorer la connaissance sur les effets cocktail potentiels.
La prise en compte de l’effet cocktail fait partie de la feuille de route mise en place avec mes collègues et présentée le 25 avril dernier. Ainsi quatre ministères sont-ils rassemblés pour travailler sur ces sujets.
Dans la mesure où il convient de laisser travailler la mission interministérielle, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Pour moi, ces travaux sont absolument nécessaires. Ils doivent être poursuivis et amplifiés. Pour ce faire, des moyens sont indispensables. C’est pourquoi je m’inquiète du plafonnement de l’emploi à l’ANSES, compte tenu de ce qui est demandé à l’agence, notamment pour ce qui concerne les PNPP, les préparations naturelles peu préoccupantes. Il faut décupler ses moyens pour qu’elle puisse avoir le temps et la possibilité de mettre en œuvre ses investigations.
Je ne peux donc accepter qu’on me réponde que les travaux sont en cours et qu’on ne peut pas aller plus vite que la musique. La santé n’attend pas !
M. le président. L’amendement n° 557 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Cabanel, Montaugé, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, M. Kanner, Mme Artigalas, M. Roux, Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 14 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les efforts de la recherche dans la prise en compte des effets cocktail sur la santé de l’homme. Ce rapport se base sur les travaux menés notamment par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et étudie les modalités d’une meilleure prise en compte, dans l’évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques, des effets combinés potentiels des substances sur la santé.
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Je crains que cet amendement n’ait pas une issue favorable, puisqu’il prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les efforts de la recherche dans la prise en compte des effets cocktail des produits phytopharmaceutiques sur la santé de l’homme.
Les études de l’INSERM et de l’ANSES montrent, dans un certain nombre de situations, des risques potentiels pour la santé humaine liés à ces effets cocktail ou « effets mélange ».
Comme le précisait le rapport d’information de 2012 Pesticides : vers le risque zéro, le danger de cet effet cocktail est le suivant : « Différentes substances peuvent avoir un effet additionnel, antagoniste, voire synergique, à savoir ne pas produire d’effet notable individuellement, mais produire un effet important lorsqu’elles sont administrées, de manière combinée, à des doses sans effet. » Or « les procédés d’évaluation des risques en place actuellement ne permettent aucunement de mesurer ces effets cocktail potentiels ».
Nous estimons que cette situation ne peut perdurer. La prise en compte des effets cocktail, notamment dans le cadre de l’évaluation des PPP, doit devenir demain une priorité. C’est pourquoi, afin qu’un travail clair soit engagé dans ce domaine, nous souhaitons que le Gouvernement nous remette un rapport dressant un bilan de la recherche dans ce domaine, qui nous servira de base à une modification de notre législation ou de notre réglementation pour une véritable prise en compte de ces effets cocktail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. L’ANSES travaille sur ce sujet, et nous n’avons pas besoin d’un nouveau rapport. La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Outre le travail de l’ANSES, il y a la feuille de route du Gouvernement.
Aujourd’hui, force est de le constater, nous n’en sommes qu’au début de la connaissance des impacts des effets cocktail. Il faut donc continuer à travailler.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 557 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 14 ter
La dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigée : « Les substances naturelles à usage biostimulant sont autorisées selon une procédure et une évaluation simplifiées, dont les modalités sont fixées par voie réglementaire. »
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.
M. Joël Labbé. Je tiens à prendre la parole sur cet article, car je suis très déçu de la rédaction proposée par le Sénat. Elle s’oppose à celle de l’Assemblée nationale,…
Mme Catherine Procaccia. On le saura !
M. Joël Labbé. … qui représentait une forte avancée concernant les alternatives aux pesticides, en légalisant, sans passage par l’ANSES comme c’est prévu aujourd’hui, l’usage biostimulant de toutes les plantes ou parties de plantes qui sont consommées dans l’alimentation humaine.
La nouvelle rédaction modifie complètement l’esprit de l’article, en réintroduisant une obligation d’évaluation de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail pour l’autorisation des préparations naturelles peu préoccupantes, les PNPP.
Permettez-moi de rappeler rapidement ce que sont les PNPP. Il s’agit de substances naturelles, biodégradables et utilisées à faible dose. Parce qu’elles sont à base de molécules naturelles, elles se dégradent facilement.
Actuellement, 148 PNPP sont autorisées. Les autres, soumises à évaluation, sont autorisées par une procédure nationale en dehors du cadre de la réglementation des pesticides. Or cette évaluation est inutile pour cette catégorie de plantes, à savoir les plantes autorisées pour l’alimentation humaine. Vous entendez bien, mes chers collègues, elles sont autorisées pour l’alimentation humaine !
Ces plantes ont déjà été évaluées en 2001, à la demande du ministère de l’agriculture, par la commission d’étude de la toxicité. Certes, cette commission n’est pas l’ANSES, mais elle remplissait la mission aujourd’hui dévolue à l’ANSES. Elle avait conclu que les parties consommables de plantes pouvaient entrer dans la composition des PNPP sans exigences particulières. L’article 14 ter adopté par l’Assemblée nationale mettait donc en application l’avis donné au Gouvernement par ses propres experts de la Comtox, chargée de l’évaluation, qui a été transférée à l’AFSSA, puis à l’ANSES.
Pourquoi prévoir une évaluation de l’ANSES pour des substances déjà évaluées ? Je tiens à votre disposition cette évaluation, pour quiconque souhaiterait la consulter !
La procédure simplifiée existant à l’heure actuelle n’est absolument pas opérante. Ces PNPP sont du domaine public.
Aujourd’hui, l’ANSES demande, pour des produits pour lesquels aucune entreprise ne peut capter de la valeur, de faire des dossiers quasi identiques à ceux qui sont présentés par des producteurs de produits phytosanitaires. Aucun acteur n’a les moyens de le faire, et la situation reste bloquée.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 198 est présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 344 rectifié est présenté par MM. Karam, Mohamed Soilihi, Théophile et Yung, Mme Schillinger et MM. Bargeton, Marchand, Gattolin et Lévrier.
L’amendement n° 345 rectifié ter est présenté par M. Antiste, Mme Conconne, M. Tissot, Mme Conway-Mouret, M. Dagbert, Mmes Ghali, Grelet-Certenais, Jasmin et Guillemot, M. Iacovelli, Mme G. Jourda et MM. Kerrouche, Tourenne et Lurel.
L’amendement n° 437 rectifié bis est présenté par MM. Bérit-Débat, Courteau, Joël Bigot, Daudigny, Roux et Lalande, Mme Monier et MM. Duran, Vaugrenard, Lozach et Manable.
L’amendement n° 456 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guillaume, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Requier et Vall.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Le deuxième alinéa de l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, toutes les parties consommables de plantes utilisées en alimentation animale ou humaine sont considérées comme substance naturelle à usage biostimulant autorisée. »
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 198.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement s’inscrit dans la logique défendue à l’instant par notre collègue Joël Labbé : il vise à rétablir cet article dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. En effet, la version adoptée par notre commission ne change rien au droit actuel. Les termes « évaluation simplifiée » n’impliquent aucun changement, puisque les modalités sont toujours fixées par voie réglementaire. Or ce cadre réglementaire n’a jusqu’à présent autorisé que des plantes médicinales.
Je rappelle que les produits phytopharmaceutiques ont des conséquences graves pour les sols, l’air et l’eau. À l’heure où la valeur nutritionnelle de nos aliments diminue à force d’utiliser ces produits, il est essentiel d’en limiter l’usage pour la viabilité future de nos sols.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 344 rectifié.
M. Dominique Théophile. Le présent amendement vise à rétablir l’article 14 ter, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale.
La modification apportée par le Sénat n’est pas de nature à garantir la clarification et la simplification nécessaires pour l’utilisation des préparations naturelles peu préoccupantes.
Alors que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014 les avait enfin reconnues, ces alternatives aux produits phytopharmaceutiques restent insuffisamment développées du fait d’une lourdeur et d’une complexité administratives.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 345 rectifié ter.
M. Jean-Claude Tissot. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 437 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 456 rectifié.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 14 ter, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale. Il tend à autoriser l’usage de toutes les plantes ou parties de plantes consommables dans l’alimentation humaine comme biostimulants.
Il s’agit de promouvoir des alternatives naturelles aux pesticides, moins coûteuses et moins dangereuses pour les producteurs. Je l’ai rappelé, ces solutions ont déjà été évaluées en 2001. Nous parlons ici de parties de plantes consommables dans l’alimentation humaine ou animale, qui ont déjà été évaluées. Conservons notre bon sens ! On parle beaucoup du bon sens paysan, alors adoptons-le pour autoriser ces plantes, sans prévoir l’établissement de procédures spécifiques et de visas par l’ANSES, qui est par ailleurs débordée, je l’ai dit. Si ces plantes peuvent être consommées dans l’alimentation humaine, c’est bien qu’elles ne présentent pas de risques particuliers.
De telles solutions sont par ailleurs largement autorisées sur le terrain, jusque dans les jardins du Luxembourg, propriété du Sénat. J’ai ici une facture montrant que nos jardiniers utilisent des préparations à base d’ail et de purin de plantes, donc des PNPP. Comment justifier l’interdiction de ce qui est utilisé sous nos fenêtres ? Pourquoi maintenir dans l’illégalité des agriculteurs et des jardiniers, mais aussi de petites entreprises artisanales dont les pratiques sont vertueuses, alors que, au même moment, on retire régulièrement des pesticides du marché, car jugés trop dangereux ? L’utilisation sur le terrain que je viens d’évoquer n’a apparemment engendré aucune remontée négative.
Par ailleurs, j’ai été alerté sur l’importance de cette problématique dans nos outre-mer. Nos départements et régions d’outre-mer font face à une situation critique, 70 % des productions locales n’étant pas couvertes par la législation actuelle. Ce sont des productions vivrières, pour lesquelles on utilise des PNPP, en l’absence de solutions phytosanitaires. En Guyane, de nombreux produits alimentaires traités avec des produits interdits sont importés pour faire face à ces difficultés. Il est donc absolument nécessaire de faciliter l’usage des PNPP.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Il n’est absolument pas question, mon cher collègue Labbé, d’interdire quoi que ce soit. Je le rappelle, la commission a maintenu la liste des 148 plantes déjà autorisées automatiquement comme substances à usage biostimulant.
La commission déplore, comme vous, que cette liste ne soit pas plus importante, compte tenu notamment de nombreux blocages rencontrés dans le cadre de la procédure avant autorisation par arrêté. Elle propose donc d’inscrire dans la loi le fait que, pour tout ajout supplémentaire, la procédure et l’évaluation, y compris celle de l’ANSES, seront simplifiées. Il est essentiel de conserver cette évaluation : ce n’est pas parce qu’une plante est comestible qu’elle ne pose pas problème à forte dose.
Une évaluation simplifiée par l’ANSES permettra d’émettre des recommandations concernant l’utilisation plus rapidement et plus facilement, qui préciseront les doses à utiliser. Tous ces paramètres sont nécessaires avant une commercialisation.
Cette évaluation sera donc plus courte et simplifiée. Il s’agit bien d’une disposition simplificatrice, qui doit permettre un recours beaucoup plus important et beaucoup plus fréquent à ces plantes.
La commission est donc défavorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Il n’y aura jamais de phobie administrative lorsque la santé de nos concitoyens est en jeu. Ce n’est pas possible !
Concernant les PNPP, un groupe de travail a été mis en place dans le cadre du plan Écophyto. Il y a également un appel à projets Écophyto.
Un certain nombre de dossiers ont été refusés par l’Union européenne, les plantes ayant été considérées comme trop toxiques. Vous le savez comme moi, certaines parties de plantes sont toxiques. Ainsi, une ingestion trop importante de courge peut entraîner une perte de cheveux. Une partie de la rhubarbe est consommable, mais ses feuilles sont toxiques. Il est même impossible de les mettre dans un composteur, cela tue même la vie du composteur !
Il y a donc nécessité de conserver l’article 14 ter dans la version du Sénat, qui me semble plus pertinente. Nous pourrons éventuellement la retravailler, pour la simplifier encore. On pourrait ainsi arrêter les évaluations sur les parties des plantes qui sont consommées, mais évaluer les parties non consommées, qui peuvent avoir un caractère toxique.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. La rédaction de l’article peut prêter à confusion, notamment après avoir entendu les propos de mon collègue Labbé.
Si j’ai bien compris, il s’agit des nouveaux produits biostimulants et non pas des anciens. L’article vise à instaurer une procédure et une évaluation simplifiées pour autoriser une substance naturelle à usage biostimulant. Il ne s’agit pas des produits dits de « biocontrôle », qui sont déjà reconnus.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Il ne s’agit pas des 148 produits déjà autorisés !
M. René-Paul Savary. C’est un point important. À la lecture de l’article, on est en droit de se poser la question. Sans doute faudrait-il préciser qu’il s’agit bien des nouvelles substances naturelles.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. On parle de substances naturelles peu préoccupantes.
J’ai accompagné des entreprises artisanales auprès de l’ANSES, pour demander l’autorisation d’un certain nombre de plantes. Si 148 PNPP sont autorisées, il en reste environ 700 en attente. Monsieur le ministre, il faudrait vraiment prendre les mesures qui conviennent pour déplafonner l’emploi à l’ANSES !
Ces sociétés, qui sont installées dans l’ensemble du monde rural, produisent ces préparations peu préoccupantes. Mais elles se trouvent aujourd’hui coincées, alors qu’il s’agit de véritables alternatives aux pesticides chimiques.
Les grosses sociétés, celles qu’on appelle les firmes, que j’accuse régulièrement, s’efforcent d’acheter ces petites entreprises pour prendre leur savoir-faire. Elles savent que leurs produits poison ne dureront pas éternellement, et elles veulent garder la mainmise sur l’ensemble des traitements. Je tiens à le dire, c’est comme ça que ça se passe ! L’influence évidente des grosses firmes sur la Commission européenne est scandaleuse et inacceptable pour les politiques que nous sommes.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 198, 344 rectifié, 345 rectifié ter et 456 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 88, présenté par M. Médevielle, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
La procédure et l’évaluation sont adaptées lorsque la demande d’autorisation porte sur la partie consommable d’une plante utilisée en alimentation animale ou humaine.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à rétablir une mention expresse des plantes utilisées dans l’alimentation animale ou humaine dans le dispositif d’autorisation et d’évaluation simplifiées des substances naturelles à usage biostimulant.
L’objectif de cet ajout est de prévoir par voie réglementaire une procédure adaptée à ces substances en vue de faciliter leur utilisation comme alternative aux produits conventionnels, sans pour autant les soustraire à toute évaluation préalable.
Une telle modification est cohérente avec les recommandations faites par l’ANSES dans son avis technique de mars 2018 sur les critères d’évaluation des substances naturelles à usage biostimulant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, raporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Je le reconnais volontiers, les parties consommables des plantes présentent a priori moins de risques, notamment pour la santé humaine. Comme l’ANSES l’indique dans son avis publié en mars dernier sur le sujet, des évaluations complémentaires sont en revanche nécessaires pour garantir leur innocuité environnementale.
Je suis donc favorable au fait d’adapter davantage les procédures d’autorisation et d’évaluation pour ces types de produits.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l’article 14 ter, modifié.
(L’article 14 ter est adopté.)
Article 14 quater AA (nouveau)
Après le III de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. – Par exception aux II et III, l’utilisation des produits mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-1 est autorisée lorsque les produits mentionnés au IV du présent article ne permettent pas de lutter contre les dangers sanitaires mentionnés à l’article L. 201-1. »
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.
M. Joël Labbé. Nous voici arrivés au cœur du débat sur les pesticides. C’est un sujet essentiel sur lequel, à notre sens, le projet de loi ne va pas assez loin, d’autant que des reculs ont été adoptés par le Sénat : retour sur la loi Labbé, pourtant équilibrée, appliquée sans difficulté sur le terrain, votée très largement au Sénat en 2014 et adoptée par l’Assemblée nationale ; recul sur l’épandage aérien des pesticides, qui n’est plus limité aux produits bio. Pourtant, l’interdiction des épandages aériens avait été l’une des avancées de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Sur ces deux points, on revient en arrière par rapport au droit existant. C’est inadmissible et incompréhensible !
De plus, le texte issu de la commission constitue un recul par rapport à la version adoptée par l’Assemblée nationale, s’agissant de l’extension de l’interdiction des néonicotinoïdes. Pourtant, vous le savez, la situation des abeilles et, donc, des apiculteurs est gravissime. Ce sont tous les pollinisateurs – les abeilles, les oiseaux et la faune – qui sont menacés.
Le texte est également en recul concernant la séparation de la vente et du conseil. Pourtant, les agriculteurs ont tout intérêt à avoir un conseil indépendant. Ils sont même 70 % à le réclamer. Un rapport de l’ANSES souligne un risque de conflit d’intérêts en cas de non-séparation de la vente et du conseil.
Ces mesures vont à contre-courant du sens de l’histoire. Il nous faut préparer l’ère de l’après-pesticide. On doit pouvoir se passer de ces produits dangereux pour la santé, en tout premier lieu la santé des agriculteurs.
Or les systèmes d’évaluation des molécules laissent à désirer. Peu transparents, ils se basent sur des dossiers fournis par les firmes de l’agrochimie. L’affaire des « Monsanto papers » l’a montré : ces études sont volontairement biaisées !
De plus, l’étude des effets chroniques se base uniquement sur la substance active, et non sur le produit avec ses coformulants, alors que ceux-ci se révèlent parfois plus toxiques que la substance active seule.
Dans les dossiers d’autorisation de mise sur le marché, il est considéré que tous les agriculteurs portent des équipements de protection. Nous savons que c’est faux. Et le chiffre selon lequel les équipements de protection réduisent de 90 % les risques d’utilisation des produits n’est absolument pas démontré ; il semble même invalidé par un rapport de l’ANSES, qui a montré que les équipements de protection peuvent même parfois accentuer les risques. Par exemple, si elle est réutilisée, une combinaison de protection peut concentrer les molécules.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 89 est présenté par M. Médevielle, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
L’amendement n° 463 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Castelli et Corbisez, Mmes N. Delattre et Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Requier et Vall.
L’amendement n° 558 rectifié est présenté par Mme Bonnefoy, M. Bérit-Débat, Mme Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. Roux, Mme Taillé-Polian, MM. Tissot et Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 748 est présenté par le Gouvernement.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 89.
M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis. L’article 14 quater AA a été inséré en commission des affaires économiques contre l’avis de Mme la rapporteur. Il permet de déroger à l’interdiction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques par les personnes publiques dans les espaces verts – c’est le dispositif « zéro phyto » – ou par des non professionnels dès lors qu’il s’agit de lutter contre tout danger sanitaire.
Je rappelle que le droit en vigueur n’applique pas ces interdictions aux produits de biocontrôle, aux produits à faible risque et aux produits utilisés en agriculture biologique. Surtout, le code rural et de la pêche maritime prévoit déjà des dérogations à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques conventionnels lorsque seuls ces produits permettent de lutter contre les organismes nuisibles définis par voie réglementaire comme « danger sanitaire majeur ». Si cela est nécessaire, le droit en vigueur permet au ministre de l’agriculture de modifier la classification des dangers sanitaires pour autoriser l’utilisation de produits conventionnels contre de nouvelles menaces.
A contrario, en visant l’ensemble des dangers sanitaires mentionnés à l’article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime, notamment ceux d’importance mineure, de troisième catégorie, l’article 14 quater AA constitue une remise en cause excessivement large de dispositions importantes pour limiter l’exposition de la population aux produits phytopharmaceutiques.
Pour toutes ces raisons, la commission du développement durable propose la suppression du présent article.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 463 rectifié.
M. Joël Labbé. L’article 14 quater AA permet l’utilisation des produits phytopharmaceutiques conventionnels autorisés lorsque l’application de produits de biocontrôle ou de préparations naturelles peu préoccupantes ne permet pas de lutter contre une maladie végétale connue.
Cet article revient sur la loi adoptée en 2014, qui était pourtant véritablement consensuelle. Elle prévoyait l’interdiction d’usage de produits phytopharmaceutiques pour les personnes publiques pour l’entretien des jardins, forêts et voiries accessibles au public et pour les utilisateurs privés non professionnels. Il s’agissait de mesures équilibrées. Des exceptions existent déjà pour les cas extrêmes. Généraliser la possibilité de recours à la chimie en dehors des cas déjà prévus viderait la loi de tout sens.
L’article 14 quater AA constitue donc un retour en arrière injustifié, d’autant qu’il existe des alternatives. J’ai déjà évoqué les PNPP, utilisées jusque dans le jardin du Luxembourg. Même pour la santé du buis, de petites entreprises proposent des solutions très efficaces et alternatives à la chimie. Certaines sont appliquées dans les jardins prestigieux et patrimoniaux.
Cet article est également injustifié du point de vue économique.
La loi de 2014 a permis à de nombreuses TPE et PME françaises avec lesquelles je suis régulièrement en contact de développer des produits alternatifs aux pesticides. Elle est bénéfique pour l’emploi, puisqu’elle permet de créer des emplois locaux nouveaux et des innovations très intéressantes pour notre économie locale. Elle est évidemment bénéfique pour la santé des travailleurs : comment justifier de continuer à exposer les travailleurs d’espaces verts à des risques professionnels alors que des produits alternatifs existent ?
En outre, l’article est injustifié du point de vue de la biodiversité.
Au regard de la situation actuelle, nous avançons trop lentement. Si nous nous permettons en plus de voter des reculs sur les protections existantes appliquées sans difficulté sur le terrain, c’est que nous sommes dans le déni des réalités. Au lieu de revenir en arrière, allons vers l’innovation, en encourageant les alternatives. Et il y a encore beaucoup de travail de recherche à faire sur les alternatives ! Derrière cela, il y a de l’économie !
La loi intéresse d’autres pays. Je l’ai présentée au mois de juin dernier au Comité économique et social européen.