Sommaire
Présidence de M. Jean-Marc Gabouty
Secrétaires :
MM. Joël Guerriau, Dominique de Legge.
2. Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
4. Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article additionnel avant l’article 1er
Amendement n° 610 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 127 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 126 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 1083 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 541 de M. Marc Daunis. – Rejet.
Amendement n° 540 de M. Marc Daunis. – Rejet.
Amendement n° 779 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 961 rectifié de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 1114 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 311 de M. Jacques Genest. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 299 rectifié de M. Jean-Marie Morisset. – Rejet.
Amendement n° 66 rectifié bis de Mme Patricia Morhet-Richaud. – Rejet.
Amendement n° 469 de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Amendement n° 846 rectifié ter de M. Jérôme Bignon. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 129 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 46 rectifié de Mme Françoise Férat. – Adoption.
Amendement n° 449 rectifié bis de Mme Victoire Jasmin. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 1107 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 542 de M. Marc Daunis. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1110 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 611 de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 131 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 4 bis
Amendement n° 1040 rectifié bis de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 1039 rectifié de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 312 rectifié bis de Mme Dominique Vérien. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1043 rectifié de M. Franck Menonville. – Retrait.
Amendement n° 1084 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 5
Amendement n° 1115 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Articles 5 bis AA (nouveau), 5 bis A, 5 bis B, 5 bis et 5 ter – Adoption.
Amendement n° 34 rectifié bis de Mme Laure Darcos. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article 5 quinquies – Adoption.
Amendement n° 1085 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 5 septies
Article 5 octies (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 5 octies
Amendement n° 74 rectifié ter de M. Antoine Lefèvre. – Retrait.
Amendement n° 75 rectifié ter de M. Antoine Lefèvre. – Retrait.
Articles additionnels avant l’article 6 A
Amendement n° 307 rectifié bis de M. Jacques Genest. – Retrait.
Amendement n° 280 rectifié de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° 281 rectifié de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° 1000 rectifié bis de M. Joël Labbé. – Rejet.
Amendement n° 994 rectifié ter de M. Bernard Jomier. – Rejet.
Amendement n° 695 rectifié bis de M. Maurice Antiste. – Rectification.
Amendement n° 695 rectifié ter de M. Maurice Antiste. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 133 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 777 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. David Assouline
Amendement n° 134 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 135 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 738 rectifié ter de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 8
Amendement n° 136 rectifié de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 1086 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 8 bis
Amendement n° 493 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° 494 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° 495 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° 137 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 9
Amendement n° 138 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Article 9 bis A (nouveau) et article additionnel après l’article 9 bis A (réservés)
Amendement n° 141 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 1087 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 833 de M. Alain Marc. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 9 bis
Amendement n° 1102 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 10 bis
Amendement n° 1056 rectifié bis de M. Jean-Pierre Corbisez. – Rejet.
Amendement n° 548 de M. Marc Daunis. – Retrait.
Amendement n° 915 rectifié de M. Joël Labbé. – Rejet.
Amendement n° 1088 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 143 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 730 rectifié ter de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1089 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1090 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 92 rectifié bis de Mme Patricia Morhet-Richaud. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1091 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 457 rectifié de M. Jean-François Husson. – Adoption.
Amendement n° 1103 de la commission. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1104 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 12 bis B
Amendement n° 96 rectifié quater de M. Charles Revet. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 12 bis
Amendement n° 648 rectifié ter de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
Secrétaires :
M. Joël Guerriau,
M. Dominique de Legge.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun. (Surprenant ! Étonnant ! sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
3
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour un rappel au règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l’article 42 de notre règlement. Elle concerne l’organisation de nos débats et la considération que le Gouvernement porte à nos travaux.
Texte après texte, projet de loi après projet de loi, nous ne pouvons que constater l’absence d’intérêt manifesté par le Gouvernement pour les propositions et les apports du Sénat, que ce soit en commission ou en séance publique. Le groupe Union Centriste s’indigne de cette situation et souhaite que le Gouvernement revienne à la raison.
En matière de logement, le Sénat, grâce à son président, Gérard Larcher, a organisé la conférence de consensus dès la fin de l’année dernière. Après les annonces brutales du Gouvernement sur le financement du logement social, nous avons tous décidé d’aborder le texte portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit projet de loi ÉLAN, dans un esprit constructif et en étant force de proposition.
Non seulement ce signal n’a pas été perçu puisque le Gouvernement a choisi de saisir, comme à chaque fois, l’Assemblée nationale en première lecture, mais désormais le traitement dont fait l’objet le Sénat n’est pas amélioré.
Chaque groupe politique a travaillé. La commission des affaires économiques et sa rapporteur ont établi il y a deux semaines un texte de loi dont nous examinons le contenu dès aujourd’hui.
Cette nuit, le Gouvernement a déposé de nouveaux amendements, venant s’ajouter à de nombreux autres et visant notamment à revenir à la rédaction initiale de son texte et à balayer le travail du Sénat, avant même d’en avoir débattu. Outre le message politique négatif à l’encontre du Sénat que cela constitue, le délai d’examen auquel doit s’astreindre notre commission est, selon nous, inacceptable. Cette attitude fermée et trop rigide ne laisse rien augurer sinon la volonté de voir échouer la prochaine commission mixte paritaire.
Monsieur le ministre, à quoi vont servir nos débats ? Quel sera le sort de nos avancées ? Comment travailler sérieusement et utilement si le Gouvernement ne respecte ni nos calendriers ni nos propositions ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire dans quelle direction nous devons aller avec vous ? Car c’est bien ce que nous voulons : aller avec vous, mais en direction de l’intérêt de nos concitoyens, et d’une politique territoriale équilibrée et juste. (Mêmes mouvements.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.
Mme Cécile Cukierman. Mon rappel au règlement se fonde également sur l’article 42 et se situe dans la même ligne que celui de Valérie Létard.
Monsieur le ministre, nous voulons vous interpeller solennellement : les méthodes employées par le Gouvernement sont indignes de la démocratie.
Nous vivons une session dite « extraordinaire », qui se transforme finalement en un déferlement soudain de textes législatifs tous plus importants les uns que les autres, qui visent à transformer en profondeur la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens et l’organisation même de nos territoires.
Monsieur le ministre, répondez-nous ! Il faut que le Gouvernement s’exprime enfin sur ce qu’il entend par l’organisation d’une session extraordinaire.
Cela revient-il à construire un tel empilement de textes que les parlementaires n’ont plus le temps de les appréhender et de les travailler ?
Cela revient-il à concentrer, comme dans une seringue, le travail en commission, que tout le monde voudrait fructueux, mais durant lequel nous n’avons plus in fine, faute de temps, la capacité de débattre entre commissaires ?
Organiser une session extraordinaire signifie-t-il pour vous, à la veille d’une réforme constitutionnelle, faire la démonstration que, finalement, le travail en commission et le travail des parlementaires sont anecdotiques et ne méritent pas que l’on y consacre du temps ?
Monsieur le ministre, nous vous demandons solennellement de nous répondre.
Nous prendrons, quant à nous, le temps de débattre sur ce texte central et fondamental. Hier, déjà, lors de la discussion générale, l’ensemble des intervenants ont identifié et posé les débats démocratiques qui se dérouleront au cours de cette semaine dans l’hémicycle.
Ces conditions de travail ne sont pas dignes. Aucune sénatrice, aucun sénateur ne brandira ici la menace du burn-out ; nous prendrons nos responsabilités démocratiques. Mais sachez, monsieur le ministre, que le Gouvernement fait preuve de mépris envers le Parlement et envers le Sénat.
Si le Gouvernement l’avait voulu, il aurait confié au Sénat la première lecture d’un certain nombre de textes, et nous aurions ainsi pu éviter cet engorgement.
À ce mépris nous répondrons par notre travail et par l’intelligence de nos débats, et nous ferons la démonstration que le Sénat a une utilité dans ce pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le ministre, je ne saurai vous faire grief de mépriser le Parlement, et certainement pas la Haute Assemblée.
Ces échanges faisant l’objet d’un compte rendu, ils seront portés à la connaissance du secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, du Premier ministre et – pourquoi pas ? – du Président de la République. Je tiens donc à insister sur ce qui a été dit par Valérie Létard et Cécile Cukierman : les conditions dans lesquelles nous travaillons sont difficiles.
Nous avons l’habitude de travailler beaucoup, notamment dans cet hémicycle, et ce n’est pas la quantité de travail qui nous fait peur. Mais l’envoi pendant la nuit d’amendements du Gouvernement, qu’il nous faut examiner tôt le matin avec nos services,…
M. André Reichardt. Ce n’est pas acceptable !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. … relève de pratiques que nous ne goûtons pas plus que vous, monsieur le ministre.
J’espère que nos débats seront de qualité et, surtout, que notre perspective sera bien de réussir l’examen de ce texte et d’en garder quelque chose.
C’est dans cet esprit, monsieur le Premier ministre (Rires.)… – c’est un cri du cœur ! –, pardon, monsieur le ministre,…
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. … que le président du Sénat a pris la peine d’écrire au Premier ministre, ce matin, pour lui demander que l’examen de ce texte se fasse dans de bonnes conditions, afin que la voix du Sénat puisse porter et qu’il soit possible d’envisager une commission mixte paritaire positive.
C’est le souhait du président Larcher, c’est notre souhait à tous. J’espère, monsieur le ministre, que c’est aussi le vôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai bien compris ces interpellations, pour en avoir formulé de similaires dans un passé qui n’est pas si lointain.
M. Philippe Dallier. On s’en souvient !
M. Jacques Mézard, ministre. Je les ai entendues, je les transmettrai. Nous savons tous quelle charge de travail pèse sur le Parlement ; j’en suis, pour ma part, parfaitement conscient.
Je vous remercie de vos propos, madame la présidente de la commission, car, au cours de ma vie parlementaire, et même avant, j’ai toujours eu une considération particulière pour la représentation nationale et pour le bicamérisme.
Les conditions dans lesquelles nous travaillons ne facilitent pas l’examen des textes. Cela étant dit, je ne voudrais pas que le Sénat pense que le Gouvernement, et en particulier le ministre que je suis, ne tient pas compte de son travail et de ses observations.
Nous avons en effet intégré en amont, dans le projet de loi initial, un certain nombre de dispositions issues des discussions qui ont eu lieu lors de la conférence de consensus. Je continuerai, pour ma part, à travailler dans cet esprit et dans le respect de cette Haute Assemblée pour laquelle j’ai tant d’estime. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
4
Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (projet n° 567, texte de la commission n° 631, rapport n° 630, tomes I et II, avis nos 604, 606 et 608).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique
TITRE Ier
CONSTRUIRE PLUS, MIEUX ET MOINS CHER
Chapitre Ier
Dynamiser les opérations d’aménagement pour produire plus de foncier constructible
Article additionnel avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 610 rectifié, présenté par Mme S. Robert, MM. Assouline et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, MM. Daunis et Iacovelli, Mme Guillemot, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey et Lienemann, MM. P. Joly, Jomier et Kerrouche, Mme Lubin, MM. Lurel, Roger et Sueur, Mme Taillé-Polian, M. Temal, Mme Tocqueville, MM. Tourenne et Vaugrenard, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre préliminaire du livre Ier du code de l’urbanisme est complété par un article L. 101-… ainsi rédigé :
« Art. L. 101-… – Les opérations d’aménagement, de construction neuve et de réhabilitation de bâtiments existants participent à la qualité du cadre de vie de tous les citoyens au sens de l’article 1er de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture.
« À cette fin, elles sont conduites de manière à garantir la qualité des constructions, l’innovation technique et architecturale, la maîtrise des coûts et la pérennité des ouvrages. »
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. À l’occasion de l’examen de ce projet de loi, et en particulier de son titre Ier, nous allons parler de patrimoine et d’architecture. Aussi voudrais-je dire, en premier lieu, que l’architecture n’est pas un supplément.
Non, l’architecture n’est pas une vanité stylistique qui viendrait, à un moment, esthétiser un acte de construire, même si cette fonction esthétique, on le sait, est l’une de ses facettes évidentes. Loin d’être superflue, elle est tout simplement essentielle à la collectivité, au mieux vivre ensemble, et donc à nos concitoyens.
Je souhaitais commencer par ces mots car, on le sait, nos débats sur ce projet de loi dépasseront, je l’espère, le cas des seuls architectes et professionnels de la ville, des territoires et du paysage. En effet, l’architecture n’est plus un enjeu purement technique laissé aux spécialistes et aux artistes du bien construire.
Elle est devenue un enjeu collectif, un enjeu civique, que chacun peut s’approprier en tant que citoyen. Car il y a une appétence croissante de la population par rapport à l’architecture, et l’on sait que beaucoup de nos concitoyens souhaitent un positionnement moderne.
Cette discipline a, quant à elle, ce positionnement moderne, car elle est à la confluence de nombreux défis : l’aménagement du territoire, la qualité de la construction, la question écologique, la réduction de la dépense énergétique, mais aussi la question civique de la mixité sociale et celle du bien être ensemble.
En d’autres termes, et nous le savons, mes chers collègues, l’architecture est porteuse de représentations, tout comme le sera le patrimoine. Elle conditionne ce que nous pouvons faire, elle impacte notre manière de vivre, mais atteint aussi ce que nous sommes. Alors oui, par-delà la conception esthétique, elle est vraiment l’expression d’une vision de la cité dans un espace donné.
La transformation que connaissent nos villes, nos territoires, particulièrement sous l’influence du numérique, rend encore plus impérieux le travail effectué par ces penseurs d’espace, par ces modélisateurs du monde.
Quels bâtiments voulons-nous demain ? Comment construire ? Comment développer une ville et un territoire intelligents ? Comment améliorer le cadre de vie quotidien de nos concitoyens ? Telles sont les problématiques qui fondent toute réflexion sur l’architecture. En tant que représentants des collectivités territoriales, nous ne pouvons y être que sensibles. Nous en avons d’ailleurs déjà parlé à l’occasion de l’examen de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.
Il ne s’agit pas de défendre un pré carré, d’avoir une posture idéologique, voire corporatiste – le sujet est bien trop important ! –, mais bien de soutenir que la qualité et l’innovation architecturales participent du cadre de vie de nos concitoyens.
J’ai souhaité, au travers de cet amendement, rééquilibrer en quelque sorte le projet de loi en introduisant une référence à la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture. N’est-il pas demandé en effet, au titre Ier du présent projet de loi, non seulement de construire plus vite et moins cher, mais aussi de mieux construire ?
Notre responsabilité est grande car, ne l’oublions pas, nous pensons aussi le patrimoine de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Ma chère collègue, je partage pleinement les objectifs que vous exposez à l’appui de votre amendement, mais rien dans le projet de loi ne remet ceux-ci fondamentalement en cause.
L’objectif du présent texte est, notamment, de construire plus, mieux et moins cher, et non pas de construire plus mal. Nous aurons d’autres occasions de débattre de la question de la qualité architecturale.
Notre but n’étant pas de faire une loi bavarde, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. L’amendement est satisfait par les dispositions existantes du code de l’urbanisme.
Je partage les objectifs qui viennent d’être rappelés. Il me semble d’ailleurs que le contenu de l’amendement est plus restrictif que les dispositions en vigueur du code de l’urbanisme et du code du patrimoine.
Je demande donc le retrait de l’amendement.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. J’ai bien entendu Mme la rapporteur. J’espère que nous garderons à l’esprit, lors du débat, ce qu’elle a dit au sujet de la qualité architecturale. Je ne suis pas certaine que les dispositions que nous adopterons –ou non - permettront d’aller dans ce sens.
Notre objectif n’était pas de faire une loi bavarde, mais de rappeler que la loi de 1977, comme la loi Malraux et d’autres encore, a été conçue pour accompagner les élus.
M. Philippe Dallier. Est-ce bien normatif ?…
Mme Sylvie Robert. Tel était simplement l’objet de cet amendement, que je maintiens, monsieur le président. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 610 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
I. – Le chapitre II du titre Ier du livre III du code de l’urbanisme est ainsi rétabli :
« CHAPITRE II
« Projet partenarial d’aménagement et grande opération d’urbanisme
« Section 1
« Projet partenarial d’aménagement
« Art. L. 312-1. – Afin de favoriser la réalisation d’opérations d’aménagement, un contrat de projet partenarial d’aménagement peut être conclu entre l’État et un ou plusieurs établissements publics ou collectivités territoriales suivants :
« 1° Un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ;
« 2° Un établissement public territorial au sens de l’article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales ;
« 3° La collectivité « la Ville de Paris » créée à compter du 1er janvier 2019 par l’article L. 2512-1 du code général des collectivités territoriales ou, avant cette date, la commune de Paris ;
« 4° La métropole de Lyon ;
« 5° Une ou plusieurs communes membres de l’établissement public ou de la collectivité signataire du contrat de projet partenarial d’aménagement. Leur signature est de droit si elles en font la demande.
« Art. L. 312-2. – Les communes concernées sont associées à l’élaboration du contrat de projet partenarial d’aménagement.
« Les autres collectivités territoriales peuvent, à leur demande, être signataires de ce contrat, de même que les établissements publics intéressés.
« Sur proposition d’un ou plusieurs signataires, le contrat peut également être signé par toute société publique locale, par toute société d’économie mixte ainsi que par toute autre personne publique ou tout acteur privé implantés dans son périmètre territorial et susceptibles de prendre part à la réalisation des opérations qu’il favorise dans des conditions ne pouvant les mettre en situation de conflit d’intérêts.
« Lorsqu’un contrat de projet partenarial d’aménagement prévoit une opération d’aménagement susceptible d’être qualifiée de grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3, il en précise les dimensions et les caractéristiques.
« Section 2
« Grande opération d’urbanisme
« Art. L. 312-3. – Une opération d’aménagement peut être qualifiée de grande opération d’urbanisme lorsqu’elle est prévue par un contrat de projet partenarial d’aménagement et que, en raison de ses dimensions ou de ses caractéristiques, sa réalisation requiert un engagement conjoint spécifique de l’État et d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public cocontractant mentionné à l’article L. 312-1.
« Art. L. 312-4. – La qualification de grande opération d’urbanisme est décidée par délibération de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public cocontractant mentionné à l’article L. 312-3, après avis conforme des communes dont le territoire est inclus en tout ou partie dans le périmètre de l’opération et avec l’accord des représentants de l’État dans les départements concernés.
« L’avis des communes intervient dans un délai de trois mois à compter de la saisine ; cet avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu avant l’expiration de ce délai. Il peut être assorti de prescriptions relatives au projet de qualification, que l’établissement public cocontractant susmentionné peut prendre en compte afin de modifier son projet de délibération. Les communes peuvent conditionner leur avis favorable au respect de ces prescriptions.
« L’acte décidant de la qualification de grande opération d’urbanisme fixe la durée ainsi que le périmètre de la grande opération d’urbanisme. L’acte peut être modifié selon les modalités prévues aux deux premiers alinéas du présent article.
« Art. L. 312-5. – À l’intérieur du périmètre d’une grande opération d’urbanisme :
« 1° L’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable est le maire de Paris, le président de la métropole de Lyon ou le président d’un établissement public mentionné aux 1° ou 2° de l’article L. 312-1 à l’initiative de la grande opération d’urbanisme, conformément à l’article L. 422-3-1, lorsque cette autorité a recueilli l’avis conforme des communes concernées sur ce transfert de compétence ;
« Lorsqu’une commune du périmètre de la grande opération d’urbanisme s’oppose au transfert de cette compétence, alors, sur le périmètre de cette commune, l’autorité compétente pour se prononcer sur les projets mentionnés à l’alinéa précédent est l’autorité mentionnée à l’article L. 422-1.
« L’avis d’une commune sur la qualification de grande opération d’urbanisme peut préciser l’avis de la commune sur le transfert de cette compétence ;
« 2° Il peut être dérogé aux règles applicables aux projets dans les conditions prévues au II de l’article 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine ;
« 3° La création et la réalisation des opérations d’aménagement est réputée d’intérêt communautaire, au sens des articles L. 5214-16, L. 5215-20 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales, ou d’intérêt métropolitain, au sens de l’article L. 5217-2 du même code.
« Art. L. 312-6. – L’acte décidant la qualification de grande opération d’urbanisme peut délimiter sur tout ou partie du périmètre de celle-ci une zone d’aménagement différé au sens du chapitre II du titre Ier du livre II. Dans ce cas, cet acte désigne le titulaire du droit de préemption afférent.
« Art. L. 312-7. – L’acte décidant la qualification de la grande opération d’urbanisme identifie les besoins en équipements publics et leur spatialisation. Une commune peut confier la construction ou l’adaptation d’équipements publics relevant de sa compétence à l’établissement public de coopération intercommunale ou à la collectivité territoriale à l’initiative d’une grande opération d’urbanisme. Cet établissement public ou cette collectivité territoriale assure alors la maîtrise d’ouvrage de ces équipements.
« Art. L. 312-8. – Une commune peut confier la gestion d’équipements publics relevant de sa compétence à l’établissement public de coopération intercommunale ou à la collectivité territoriale à l’initiative d’une grande opération d’urbanisme, pendant toute la durée de celle-ci.
« Art. L. 312-9. – L’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public cocontractant mentionné à l’article L. 312-1 peut dresser la liste des grands équipements d’infrastructure ou de superstructure dont la réalisation répond aux besoins de l’ensemble des futurs habitants ou usagers des constructions ou opérations d’aménagement incluses dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme. La même délibération en arrête le coût prévisionnel dont le tout ou une fraction peut être mis à la charge de ces constructions ou opérations d’aménagement, au prorata des surfaces de plancher projetées, pondérées, le cas échéant, selon leur nature ou leur destination. Elle peut décider d’en exonérer certaines catégories de constructions, ainsi que celles dont la surface de plancher est inférieure à un seuil qu’elle détermine. Dans le périmètre de la grande opération d’urbanisme, l’autorisation délivrée par l’autorité mentionnée au 1° de l’article L. 312-5 tient compte des modalités de participation financière prévues par la délibération.
« L’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public peut, une fois par an, procéder à une actualisation du coût prévisionnel de ces grands équipements. Cette actualisation n’a pas d’effet rétroactif sur les participations précédemment prescrites au titre de l’article L. 332-9. »
II. – (Non modifié) Le chapitre II du titre III du livre III du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° À la première phrase du 2° de l’article L. 332-6, après la référence : « c », sont insérés les mots : « et au d, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, » ;
2° Le d du 2° de l’article L. 332-6-1 est ainsi rétabli :
« d) La participation spécifique aux grands équipements nécessaires à la réalisation d’une grande opération d’urbanisme prévue à l’article L. 332-9 ; »
3° Après l’article L. 332-8, il est inséré un article L. 332-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 332-9 – Lorsqu’il a été fait usage des dispositions prévues à l’article L. 312-9, une participation spécifique peut être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire délivrées à l’intérieur du périmètre d’une grande opération d’urbanisme. Cette participation ne s’applique pas aux constructions situées à l’intérieur d’un périmètre d’un projet urbain partenarial et à celles situées à l’intérieur d’une zone d’aménagement concerté lorsqu’elles sont édifiées sur un terrain ayant fait l’objet d’une cession, location ou concession d’usage consentie par l’aménageur de la zone.
« L’autorisation fixe les délais de versement de cette participation. » ;
4° Après le e de l’article L. 332-12, il est inséré un f ainsi rédigé :
« f) La participation spécifique aux grands équipements nécessaires à la réalisation d’une grande opération d’urbanisme, dans les conditions prévues à l’article L. 332-9. »
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tel qu’il était présenté initialement, le premier article de ce projet de loi était inacceptable.
En effet, par la création de ces nouveaux outils que sont les projets partenariaux d’aménagement, les PPA, et la grande opération d’urbanisme, la GOU, il s’agissait - rien de moins ! - que de retirer aux communes la maîtrise de leur aménagement, puisque de telles opérations auraient pu voir le jour en dépit de la volonté des communes. En outre, ces mêmes communes n’auraient plus disposé de compétence en matière de délivrance des autorisations d’urbanisme, du fait d’un mécanisme de transfert automatique.
Cet article, sous couvert de partenariat collectivité-État, renforçait ainsi dangereusement le processus de transfert des compétences des communes vers les intercommunalités, notamment en matière d’urbanisme, et confirmait ainsi la volonté de faire des communes des coquilles vides.
Que l’État dispose de prérogatives particulières dans le cadre des opérations d’intérêt national, cela relève de la légitimité de la puissance publique ; mais que les intercommunalités puissent imposer des projets aux communes, nous ne le souhaitons pas.
La commission des affaires économiques, sous l’impulsion de Mme la rapporteur, et à la suite des amendements que nous avons déposés, a significativement modifié cet article en renforçant la place des communes.
Ainsi, la commune est dorénavant signataire de droit d’un PPA et elle pourra s’opposer au transfert de compétence concernant les autorisations d’urbanisme. C’est une bonne chose, même si nous proposons d’aller encore plus loin, notamment en rendant non seulement de droit mais également incontournable la signature de la commune, en tant que signe de son accord avec ce projet.
Nous estimons, en effet, que rien ne doit pouvoir se faire sans l’accord de la collectivité de base, cet échelon démocratique qu’est la commune.
Il n’en reste pas moins qu’à nos yeux ce processus partenarial s’insère dans une vision très centralisatrice de l’aménagement, une vision qui ne fait pas confiance aux territoires et aux élus pour mener les politiques utiles aux habitants et répondant aux enjeux de transports, de logement, de développement économique.
Que l’État soutienne les collectivités territoriales, c’est une chose, mais qu’il impose sa vision de l’aménagement, c’en est une autre, monsieur le ministre.
Pour notre part, nous restons fondamentalement attachés à l’échelon communal, surtout dans le cadre d’intercommunalités forcées, que nous avions contestées lors du débat sur la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe. Nous pensons que les élus doivent porter les projets qui respectent le droit, notamment les prescriptions en matière d’utilisation économe des sols, mais qu’en dehors de cela les élus doivent conserver la maîtrise de leur territoire afin de mener les projets pour lesquels ils ont été élus.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en préambule, de livrer quelques données chiffrées et informations concernant l’habitat en Martinique.
Notre île se caractérise par une faible mobilité résidentielle : les deux tiers des ménages habitent dans le même logement depuis plus de huit ans, contre 62 % en Guadeloupe et 57 % en France hexagonale.
Les prix élevés de l’immobilier limitent l’accession à la propriété, malgré le fort désir de devenir propriétaire chez les ménages martiniquais.
Les ménages les plus jeunes et les plus modestes sont toujours en situation de surpeuplement.
Le loyer moyen au mètre carré dans le parc privé est plus onéreux en Martinique qu’en Guadeloupe et dans l’Hexagone.
Enfin, la croissance du parc de logements martiniquais est réelle, mais insuffisante.
C’est pourquoi ce projet de loi aurait pu présenter un intérêt certain pour nos territoires. Or nous ne sommes que peu concernés, en l’état actuel des choses, par ce texte.
En effet, comment un texte prétendant vouloir « construire plus, mieux et moins cher » peut-il ne contenir aucune disposition relative au concept de résilience quant aux politiques publiques de l’habitat ?
De la même manière, je suis de ceux qui promeuvent une approche plus territorialisée des politiques du logement, qui tendrait vers « une nouvelle gouvernance publique et une meilleure adéquation avec les réalités locales », dans la mesure où il existe une forte différenciation entre ces dernières. Les approches horizontales favorisant les coopérations et les mutualisations locales ont autant de pertinence que les approches verticales et budgétaires. Ainsi, l’évolution des organismes de logement social doit leur permettre, à terme, de conduire leurs actions en cohérence avec les politiques menées par les collectivités locales, les métropoles ou les départements de leurs lieux d’intervention.
Tout cela me conduit à dire que ce texte est loin d’être parfait. C’est pourquoi j’ai proposé un certain nombre d’amendements allant dans le sens de l’intérêt de nos territoires.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces dernières années, nous avons constaté une volonté centralisatrice dans les politiques d’aménagement, volonté qui rompt avec l’esprit des lois de décentralisation de 1983.
En effet, depuis cette date, les communes disposent de la compétence de principe en matière d’aménagement, et du pouvoir d’autorisation en matière de droit des sols. C’est une bonne chose et ce principe ne doit pas être remis en question.
L’État dispose déjà du droit, s’il existe des projets spécifiques répondant à des enjeux particuliers d’intérêt général, d’arrêter une opération d’intérêt national, une OIN. Nous considérons que cette faculté doit être utilisée sans avoir recours à d’autres procédés.
Car au fond, avec cet article, derrière l’affichage de partenariat, c’est bien cette volonté centralisatrice qui s’exprime, tout comme celle visant à faire de l’intercommunalité l’interlocuteur unique sur un territoire.
Nous sommes donc particulièrement satisfaits d’avoir été entendus en commission sur le rôle central du maire et de la commune comme cellule de base de la démocratie. Mme la rapporteur a porté avec nous des amendements en ce sens, et nous estimons que l’évolution de ce texte est largement favorable.
Nous considérons en effet que les élus locaux, je dirai même communaux, ne peuvent être sortis de la boucle des projets d’aménagement, qui ne peuvent se concevoir sans l’accord des territoires concernés au plus près des réalités de terrain.
Un bon projet, c’est un projet accepté, dialogué, travaillé en intelligence entre tous les échelons, avec tous les partenaires, de l’État à la commune, sans oublier la population. C’est cette conception de la démocratie locale que nous portons et que nous avons voulu traduire au travers de nos amendements.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 127, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 11, seconde phrase
Remplacer les mots :
de droit si elles en font la demande
par les mots :
obligatoire si leur territoire est concerné
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Avec cet amendement, nous souhaitons aller dans le sens des travaux menés en commission, lesquels ont rendu obligatoire l’accord de la commune pour les grandes opérations d’urbanisme. Nous voulons même aller plus loin : nous proposons que soient respectées les communes dans le cadre des nouveaux projets partenariaux d’aménagement.
Ainsi, nous souhaitons que la signature des communes dont le territoire est concerné par un tel projet soit non seulement de droit, mais qu’elle soit un élément non négociable, indispensable et incontournable pour permettre l’existence même du projet partenarial, support des grandes opérations d’aménagement.
Nous demandons donc, comme une formalisation de l’accord de la commune, que sa signature soit obligatoire et non de droit.
C’est une question de fond, et non pas seulement de forme.
Les communes sont le poumon démocratique de notre République. Nous n’entendons pas participer, au travers de réformes successives, à leur dévitalisation par absorption de leurs compétences par des intercommunalités géantes, la plupart du temps imposées davantage que voulues. Je ne rouvrirai pas les débats passionnés, mais nécessaires que nous avons eus ici, mais nous connaissons les dégâts sur nos territoires de la loi NOTRe…
Le maire doit pouvoir justifier auprès de ses concitoyens des projets d’aménagement sur son territoire. Il est donc normal qu’il soit signataire de tout contrat ou projet dont l’assise est le territoire communal. C’est la base même de notre démocratie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Le projet partenarial d’aménagement n’intervient pas au stade opérationnel des projets. Il permet simplement aux parties de s’accorder sur les grandes lignes de l’aménagement.
Je vous rappelle également que les communes qui le désirent sont signataires de droit d’un PPA, en vertu du texte qui a été adopté par la commission.
Il serait dommage d’empêcher la signature d’un PPA simplement parce qu’une commune, qui ne serait pas intéressée, n’aurait pas exprimé le souhait d’en être signataire.
Vous l’avez rappelé, la commission a bien instauré l’avis conforme des communes, ce qui garantit qu’aucune commune ne pourra se voir imposer un projet.
Un équilibre a donc été atteint avec le texte de la commission. Celui-ci permet néanmoins, au stade des PPA, de faire naître les projets sans les imposer forcément aux collectivités, sachant que l’accord des communes a bien évidemment été entériné lors de l’examen des amendements de commission.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Il convient de rappeler que ces projets partenariaux sont issus de la décision des collectivités : il ne s’agit pas d’un partenariat imposé par l’État.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. L’amendement n° 126, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer les mots :
ou tout acteur privé
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement vise à exclure les personnes privées des projets partenariaux d’aménagement.
Nous considérons en effet que ces projets doivent être uniquement signés par des personnes publiques, puisqu’ils traduisent l’ambition de la puissance publique, laquelle dispose seule de la légitimité démocratique pour l’aménagement d’un territoire. Que des personnes privées soient intéressées, par exemple, par de grandes opérations d’urbanisme, c’est une chose ; c’en est une autre de leur permettre d’être signataires de ce contrat.
Nous estimons donc qu’il convient de recentrer la signature de ce projet sur les personnes publiques, qui représentent l’intérêt général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je pense, au contraire, qu’inclure dans le projet ces personnes privées – aménageurs, promoteurs de grandes opérations, exploitants de transports, de réseaux, ou encore propriétaires fonciers de la zone –, c’est avoir l’assurance, dès l’amont, dès la conception du projet, que toutes les parties prenantes sont bien réunies autour de la table.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1083, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 14
Après les mots :
des opérations
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
prévues par ce même contrat. Ces opérateurs ne peuvent être mis en situation de conflit d’intérêts.
II. – Alinéa 20, deuxième phrase
Remplacer le mot :
susmentionné
par les mots :
mentionné au même article L. 312-3
III. – Alinéa 29, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
L’acte décidant de la qualification de grande opération d’urbanisme identifie les besoins en équipements publics de son périmètre et leur localisation.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel et de précision juridique.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 781 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 962 rectifié est présenté par MM. Menonville, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gold, Guérini et Guillaume, Mme Guillotin et MM. Léonhardt, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 19
Remplacer les mots :
avis conforme
par les mots :
la consultation
II. – Alinéa 20, deuxième et dernière phrases
Rédiger ainsi ces phrases :
En cas d’avis défavorable d’une commune, la qualification de grande opération d’urbanisme ne peut être décidée que par arrêté motivé du représentant de l’État dans le département justifiant la nécessité de cette qualification pour la mise en œuvre des dispositions du contrat de projet partenarial d’aménagement prévu à l’article L. 312-1. Si le périmètre de l’opération est situé sur le territoire de plusieurs départements, un arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements concernés est nécessaire.
III. – Alinéa 23
Supprimer les mots :
, lorsque cette autorité a recueilli l’avis conforme des communes concernées sur ce transfert de compétence
IV. – Alinéa 24 et 25
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 781.
M. Jacques Mézard, ministre. Cet amendement a pour objet de supprimer la condition d’avis conforme des communes pour la qualification de grande opération d’urbanisme. Il s’agit de préciser que, en cas d’avis défavorable d’une commune, cette qualification peut être décidée par arrêté préfectoral motivé. La condition de l’avis conforme des communes serait ainsi supprimée, dans le cas du transfert, à l’établissement public de coopération intercommunale, l’EPCI, de la compétence en matière d’application du droit des sols.
Le Gouvernement propose en fait de revenir au texte issu de l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 962 rectifié.
M. Franck Menonville. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 518, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 19
Supprimer le mot :
conforme
II. – Alinéa 20, deux dernières phrases
Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :
En cas d’avis défavorable d’une ou plusieurs communes, la qualification de grande opération d’urbanisme peut être décidée seulement si les deux tiers au moins des conseils municipaux des communes membres de l’établissement public ou, pour la métropole de Lyon, situées sur le territoire de la collectivité signataire du contrat de projet partenarial d’aménagement, représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou la moitié au moins des conseils municipaux des mêmes communes représentant les deux tiers de la population ont donné un avis favorable.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Nous sommes, les uns et les autres, d’accord pour affirmer que l’on ne peut imposer des opérations contre l’avis des communes,…
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. … que l’on ne peut évidemment reprendre au maire la compétence en matière de délivrance de permis de construire et qu’il n’appartient pas à l’intercommunalité de se substituer à lui.
Nous sommes donc en phase avec la commission des affaires économiques sur ce sujet, et en désaccord avec vous, monsieur le ministre. Nous considérons en effet que réintroduire le rôle d’arbitre du préfet lorsqu’une commune s’oppose à la qualification de grande opération d’urbanisme constituerait une ingérence injustifiable dans un contexte où l’on ne cesse de reprendre des compétences aux collectivités et de leur imposer de nouvelles charges.
En revanche, nous avons voulu étudier pragmatiquement ce que l’on pouvait faire en cas de blocage d’une grande opération d’urbanisme en raison de l’opposition d’une commune, en tâchant de trouver une autre solution que l’avis conforme.
La position de ma collègue rapporteur de la commission des affaires économiques est parfaitement claire et elle a le mérite de la lisibilité, mais l’amendement de la commission des lois tend à replacer les communes au centre du dispositif tout en se prémunissant contre d’éventuels risques de blocage. Pour avoir quelque expérience en la matière, je crains que, si une commune s’oppose à une opération de ce type par le biais d’un avis conforme, l’État, sorti par la porte, ne rentre par la fenêtre, en proposant d’engager une opération d’intérêt national : la commune ne pourrait alors plus rien faire.
C’est la raison pour laquelle nous proposons qu’une majorité qualifiée des communes membres de l’établissement public soit requise pour passer outre l’opposition de l’une d’entre elles à une grande opération d’urbanisme. Ce dispositif est classique en matière de relations entre communes et intercommunalités.
Pour être clair avec Mme Estrosi Sassone, cet amendement a vocation à contribuer au débat dans la perspective d’une hypothétique commission mixte paritaire. Je suis prêt à le retirer si l’intérêt général le commande.
M. le président. L’amendement n° 541, présenté par M. Daunis, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 23
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° La commune dont le territoire est inclus en tout ou partie dans le périmètre de l’opération peut déléguer sa compétence pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable au maire de Paris, au président de la métropole de Lyon ou au président d’un établissement public mentionné aux 1° ou 2° de l’article L. 312-1 à l’initiative de la grande opération d’urbanisme conformément à l’article L. 422-3-1.
II. – Alinéa 24
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. Il s’agit là d’un volet important de ce cet article.
Permettez-moi de vous faire remarquer, monsieur le ministre, que, lors de la discussion générale, vous avez pris quelques libertés avec les faits en indiquant que j’avais été favorable à la création des plans locaux d’urbanisme intercommunal, les PLUI. Ce n’est absolument pas le cas : je vous renvoie au compte rendu des débats de l’époque. Au contraire, je m’étais en la circonstance opposé à un gouvernement auquel j’apportais pourtant un soutien résolu et affectueux… (Sourires.)
En effet, le transfert automatique de la compétence en matière d’application du droit des sols de la commune à l’intercommunalité, cette vieille lune des technostructures d’État, est à mon sens une erreur fondamentale.
M. Philippe Pemezec. Absolument !
M. Marc Daunis. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement, qui va d’ailleurs au-delà des avancées de la commission, tant pour des raisons de fond – créer cette exception est dangereux pour l’avenir et il ne revient certainement pas au Sénat de le faire – que pour des raisons extrêmement pratiques, pragmatiques : un projet se construit à l’échelon du territoire, dans la concertation ; il ne peut pas être imposé.
Enfin, le bouquet, c’est la possibilité donnée à l’État de passer outre, par l’intermédiaire des préfets, l’avis de la commune ayant exprimé son désaccord avec le projet.
Cet amendement s’inscrit dans le droit fil des travaux de la commission. Nous sommes fermement et résolument opposés à celui du Gouvernement. Nous voulons avant tout préserver le rôle des maires et de leurs conseils municipaux, afin que l’intelligence du territoire prime les rapports de force. On le sait, les victoires à la Pyrrhus ne débouchent sur rien de bon. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme la présidente de la commission des affaires économiques et M. Philippe Pemezec applaudissent également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission des affaires économiques émet bien évidemment un avis défavorable sur l’amendement n° 781 du Gouvernement et sur l’amendement identique n° 962 rectifié. Elle est opposée au rétablissement de cette mesure qui figurait dans le projet de loi initial, car elle organise une véritable dépossession des maires de leurs prérogatives les plus fondamentales. Marc Daunis vient de le rappeler, prévoir qu’un arrêté du préfet du département puisse permettre de passer outre l’avis défavorable d’une commune et de forcer la qualification de grande opération d’urbanisme revient à conférer au préfet le pouvoir de décider qui, de la commune ou de l’EPCI, se prononcera sur le permis de construire ou sur le permis d’aménager. Par ailleurs, tout transfert de compétence vers l’échelon intercommunal doit nécessairement se faire avec l’accord exprès des maires.
Pour ce qui concerne l’amendement de la commission des lois, la commission des affaires économiques n’a pas souhaité modifier davantage son texte, qui garantit qu’aucun maire ne pourra se voir imposer un projet d’aménagement qu’il ne souhaite pas. L’avis est défavorable.
Enfin, l’amendement n° 541 n’apporte rien au texte, la commission ayant d’ores et déjà prévu que tout transfert de compétence à l’EPCI devra impérativement recueillir l’avis conforme des maires. Lorsqu’un maire sera consulté sur la création d’une GOU, il devra préciser s’il accepte ou non ce transfert à l’EPCI. La rédaction de la commission incite peut-être davantage à une réflexion sur ce transfert temporaire de compétence et, en tout cas, à un dialogue entre le maire et l’EPCI. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. J’émets un avis défavorable sur les amendements, à l’exception bien sûr de l’amendement n° 962 rectifié, identique à celui du Gouvernement.
L’amendement de la commission des lois a toutefois le mérite de proposer une solution en cas de volonté de blocage d’une commune, en prévoyant qu’une majorité qualifiée des communes membres de l’intercommunalité, plutôt qu’une décision du préfet, sera requise pour passer outre cette opposition et pouvoir qualifier une opération de GOU.
Cette idée est intéressante, mais elle paraît en contradiction avec une jurisprudence assez univoque du Conseil d’État. Je vais encore approfondir ce point, mais, en l’état, j’émets un avis défavorable sur cet amendement. M. Daubresse a soulevé une véritable difficulté, que nous allons essayer de résoudre.
Disons les choses très clairement, il ne s’agit pas de porter atteinte aux droits et aux pouvoirs des maires, mais si une grande opération d’urbanisme voulue par des collectivités territoriales est bloquée par une commune, qui exerce alors une forme de droit de veto, il faut bien pouvoir trouver une solution. Il s’agit là de répondre à une demande des collectivités locales.
Dans le dispositif actuel des opérations d’intérêt national – il doit y en avoir, de mémoire, vingt-huit, la dernière ayant été lancée en 2015 à Clichy-sous-Bois –, l’avis du maire n’est pas du tout pris en compte au même niveau. C’est une différence fondamentale avec ce que nous proposons. Les GOU ont pour seule vocation de faciliter la démarche et les opérations voulues par des collectivités locales. Si les collectivités locales ne veulent pas signer de projet partenarial d’aménagement, il n’y aura jamais création d’une grande opération d’urbanisme. Telle est la réalité.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je soutiens la position de la commission.
Contrairement à ce que vous nous dites, monsieur le ministre, il s’agit bel et bien de déposséder les maires de leurs prérogatives ! Je ne crois pas que l’on veuille conserver les pouvoirs du maire, voyant bien quel est le sens de l’histoire, tel que dessiné par certains : petit à petit, mesure après mesure, les communes sont dépossédées d’une partie de leurs prérogatives au bénéfice des intercommunalités. On voit bien que les propositions dont nous discutons vont dans ce sens et, pour le coup, les choses sont claires, monsieur le ministre : si nous adoptons ce que propose le Gouvernement, les communes se trouveront dépossédées de leurs prérogatives !
Mme Cécile Cukierman. Bien sûr !
M. Philippe Dallier. Je ne suivrai pas non plus la position de Marc-Philippe Daubresse parce que, si l’on peut effectivement considérer que la majorité qualifiée représenterait une sorte de mi-chemin entre l’avis conforme des maires et la proposition du Gouvernement, il faut voir comment les choses se passent sur le terrain. Maintenant que je pratique un peu l’intercommunalité dans mon établissement public territorial au sein de la métropole du Grand Paris, je peux vous assurer que les choses sont très compliquées, particulièrement sur le sujet de l’urbanisme ! Introduire la majorité qualifiée reviendrait à déposséder les maires de leurs prérogatives. Si les intercommunalités veulent fonctionner, elles doivent rechercher le consensus !
Mme Éliane Assassi. Absolument !
M. Philippe Dallier. Je ne dis pas qu’il ne peut arriver qu’un maire s’oppose mordicus à tout projet, monsieur le ministre, mais doit-on, pour quelques cas de cet ordre, mettre le doigt dans l’engrenage en instaurant la majorité qualifiée ? Personnellement, je ne le veux pas ; voilà pourquoi la position de la commission me semble être la bonne. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Je souhaiterais avoir quelques précisions sur le dispositif de votre amendement, monsieur Daubresse.
L’unanimité ou la majorité qualifiée requise pour pouvoir mener une grande opération d’urbanisme en dépit de l’opposition d’une commune concernera-t-elle uniquement les communes sur le territoire desquelles sera réalisée la GOU ou bien l’ensemble des communes membres de l’intercommunalité ? En effet, une grande opération d’urbanisme peut toucher deux ou trois communes d’une intercommunalité qui en compte trente, quarante ou cinquante.
Toutes les communes ne porteront pas le même regard sur l’opération projetée, selon qu’elles sont ou non directement concernées. On peut imaginer que de grandes opérations d’urbanisme ne concernant qu’une petite partie du territoire d’une intercommunalité ne verront que très rarement le jour : il sera dans ce cas difficile de recueillir une majorité qualifiée.
Dans le dispositif tel qu’on l’a défini, une grande opération d’urbanisme se réalisera sur la base du volontariat des collectivités, sans pouvoir de tutelle du préfet : n’est-ce pas préférable à la démarche des opérations d’intérêt national, carrément pilotées par l’État, les collectivités n’ayant absolument rien à dire ? Je n’ai pas la réponse à cette question, je souhaiterais simplement obtenir des précisions.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Pourquoi créer un nouveau dispositif dans un domaine, celui de l’urbanisme, où l’on a tout intérêt à faire preuve de prudence chaque fois que l’on modifie les choses ? On nous annonce que l’on va de simplification en simplification, mais, sur le terrain, on ressent de plus en plus de complexité et d’insécurité juridique.
Dès lors, si l’on nous propose d’instaurer ces nouveaux outils que sont les PPA et les grandes opérations d’urbanisme, c’est, en bonne logique, qu’ils doivent répondre à un manque et non être homothétiques d’un dispositif existant. Au sein de la commission des affaires économiques, nous y avons vu la possibilité de mettre en place au bénéfice des collectivités et des intercommunalités, en partant des besoins du terrain, un dispositif moins lourd et plus adapté que celui de l’opération d’intérêt national, avec ce qu’il implique en termes de dessaisissement. Fort bien, mais, en ce cas, pourquoi créer un tel régime d’exception avec un double cliquet, le préfet se voyant octroyer le pouvoir de passer outre l’éventuel désaccord d’une ou de plusieurs communes concernées ? Ces éléments défigurent, si j’ose dire, l’intention qui a présidé à la conception de ces outils.
Enfin, il importe que la répartition soit négociée, d’où une spatialisation. J’avais présenté un amendement en commission à ce sujet ; celui de Mme la rapporteur intégrant notre préoccupation, nous le voterons.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous nous sentons dans un état de sidération après la présentation de ces amendements…
Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué qu’il ne fallait pas s’inquiéter, que les maires allaient conserver leurs pouvoirs. Or, avec votre amendement, qui vise, comme vous l’avez dit vous-même, à rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, vous faites exactement le contraire. S’il devait être adopté, il y aurait de quoi s’inquiéter. Cela signifierait en effet que votre nouveau monde s’inscrirait dans la stricte continuité de l’ancien, avec la dévitalisation des communes, projet de loi après projet de loi, pour aboutir finalement à la disparition de ces cellules de base de la démocratie.
L’amendement de la commission des lois nous plonge lui aussi dans un état de sidération. Je ne vois pas à quoi pourrait mener son adoption. Évidemment, il représente une sorte de moyen terme, et certains diront que c’est un moindre mal, mais rappelons-nous nos débats sur la loi NOTRe au sein de la commission des lois. La majorité sénatoriale a accepté des compromis, dans l’espoir d’obtenir des concessions sur d’autres points et de pouvoir préserver les apports du Sénat lors de la commission mixte paritaire. Finalement, deux ou trois ans plus tard, la même majorité nous soumet proposition de loi sur proposition de loi en expliquant que la loi NOTRe est une catastrophe dans les territoires, qu’il faut redonner le pouvoir aux communes et arrêter d’imposer les regroupements obligatoires et les remontées de compétences…
Nous ne voterons donc pas cet amendement de la commission des lois. Nous voterons celui de la commission des affaires économiques et celui du groupe socialiste et républicain, s’il est maintenu.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. La compétence en matière d’application du droit des sols doit rester au maire, dans tous les cas de figure. Sinon, les communes ne sont plus réellement des communes.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Absolument !
M. Martial Bourquin. Toutes les dérogations en la matière mènent, progressivement, à une mise en cause de l’exercice de cette compétence par les maires et leur conseil municipal. Voilà la première raison pour laquelle il faut voter l’amendement de la commission et celui de Marc Daunis.
La seconde raison est que, aujourd’hui, on assiste à une recentralisation impressionnante.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Martial Bourquin. L’adoption du dispositif proposé par le Gouvernement constituerait un pas supplémentaire dans cette direction et infligerait un nouveau coup à cette décentralisation que beaucoup, dans cet hémicycle, ont voulue.
On le sait très bien, d’aucuns considèrent que la France compte trop de communes, que mieux vaudrait avoir 6 000 intercommunalités plutôt que 36 000 communes. L’intercommunalité est certes nécessaire, mais, pour ma part, j’estime qu’il faut aussi, pour la cohésion nationale, pour la cohésion de nos territoires, maintenir des communes avec des pouvoirs.
Dans mon intercommunalité, nous avons évité un très gros problème en ayant pu refuser un très grand projet de zone d’aménagement concerté. On nous dit aujourd’hui que le pouvoir d’opposition du maire pourrait remettre en cause certains grands projets, mais il peut aussi sauver certains territoires – je pense par exemple à l’aménagement de grandes surfaces commerciales. Il est important que toutes les communes puissent continuer à donner leur avis. Je plaide donc pour que l’on conserve aux maires la compétence en matière d’application du droit des sols, et ce sans exception. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je voudrais rappeler à Mme Cukierman qu’elle n’est pas habilitée à parler au nom de la commission des lois.
Mme Cécile Cukierman. J’ai le droit de donner mon avis, quand même !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Bien sûr.
La commission des lois a voté à une large majorité l’amendement en question.
Mme Éliane Assassi. On a le droit de ne pas être d’accord !
Mme Cécile Cukierman. Quand je ne suis pas d’accord, je le dis !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Et moi, j’ai le droit de dire que je ne suis pas d’accord avec votre manière de vous exprimer ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. J’ai présenté mon amendement de manière très constructive, en précisant que j’étais prêt à le retirer et que je voulais juste éviter que, en cas de volonté de blocage d’une commune, l’État n’impose une opération d’intérêt national.
Au sein d’une intercommunalité, la définition de l’intérêt communautaire, qui suppose un certain nombre de transferts de compétences, se décide toujours à la majorité qualifiée.
Enfin, aux termes de la loi ALUR, un plan local d’urbanisme doit être adopté en première lecture à l’unanimité, à défaut à la majorité qualifiée en deuxième lecture.
Il faut donc bien se rendre compte que, dans la vraie vie, l’unanimité n’est pas toujours facile à trouver. Je veux simplement éviter que, faute d’unanimité, on se retrouve avec une opération imposée par l’État.
Telle était ma contribution au débat. Dans un esprit constructif, je retire mon amendement au profit de celui de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 518 est retiré.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Évidemment, le Sénat ne saurait retirer aux maires leurs prérogatives. Il s’agit non pas de protéger une espèce en voie de disparition ou notre corps électoral –d’aucuns pourraient nous en accuser –, mais de protéger la démocratie. En effet, à l’échelon local, qui d’autre que le maire est élu au suffrage universel direct par ses concitoyens ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Ce n’est pas le cas des exécutifs des EPCI, qui prendront la décision de lancer les GOU.
En votant l’amendement de Mme le rapporteur, nous protégerons la démocratie directe la plus élémentaire, celle qui se pratique dans nos communes. N’y voyez aucune attaque contre le Gouvernement, monsieur le ministre, mais nous ne pouvons accepter, au Sénat, que les préfets prennent la main aux dépens des maires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Ce n’est pas moi qui ai dit que les élus étaient trop nombreux et trop coûteux.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas nous non plus !
M. Jacques Mézard, ministre. Ce n’est pas moi qui ai voté la fusion obligatoire des intercommunalités.
Mme Cécile Cukierman. Moi non plus !
Mme Cécile Cukierman. Moi non plus !
M. Jacques Mézard, ministre. Ce n’est pas moi qui ai voté la loi NOTRe ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mmes Éliane Assassi et Cécile Cukierman. Nous non plus !
M. Jacques Mézard, ministre. Je veux bien recevoir des leçons, mais uniquement de ceux qui sont restés cohérents !
Je l’ai dit, une grande opération d’urbanisme, avec ce système, ne pourra être lancée que si elle est voulue par les collectivités locales. Effectivement, il peut y avoir des oppositions ; c’est pour cela que le droit des collectivités locales prévoit le recours à la majorité qualifiée dans les intercommunalités, comme l’a exposé fort justement le rapporteur pour avis de la commission des lois.
Si le Gouvernement a proposé la création des PPA, ce n’est pas pour le plaisir de le faire, c’est parce qu’un certain nombre d’élus de toutes sensibilités nous ont saisis de leurs difficultés. J’ai ainsi sous les yeux un courrier du président de Saint-Étienne Métropole. (Mme Cécile Cukierman s’esclaffe.)
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas sympa, ça !
M. Jacques Mézard, ministre. Eh oui !
J’ai également sous les yeux des courriers des présidents des intercommunalités de Mulhouse et de Strasbourg, de l’excellent président de la métropole de Bordeaux… (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. N’en jetez plus !
M. Jacques Mézard, ministre. La réalisation d’un certain nombre de projets nécessite que la vision territoriale soit facilitée. C’est le seul objectif de l’État ! Il ne s’agit pas de faire le procès des maires, que j’ai toujours défendus et que je continuerai de défendre ; il s’agit de faciliter la réalisation de projets importants voulus par les collectivités locales. S’il y a une possibilité de veto, il n’y aura jamais de PPA ni de grandes opérations d’urbanisme, il faut dire les choses telles qu’elles sont !
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 781 et 962 rectifié n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 541.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 540, présenté par M. Daunis, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Supprimer les mots :
et avec l’accord des représentants de l’État dans les départements concernés
La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. Cet amendement a été défendu précédemment.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’accord du préfet est la contrepartie de celui des maires. C’est, pour nous, un garde-fou qu’il est impératif de maintenir. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Du fait de son ampleur et de ses caractéristiques, la grande opération urbaine, la GOU, nécessite un engagement conjoint renforcé de l’État et de l’EPCI. Elle est nécessairement précédée de la conclusion d’un contrat de PPA. Ce contrat, signé avec l’État, aura déjà qualifié l’opération d’aménagement de grande opération urbaine et en aura précisé le périmètre et les caractéristiques.
Dès lors, pourquoi le projet de loi prévoirait-il que l’État donne son accord préalablement au lancement de la GOU ? Je rappelle que la GOU est un outil dont l’emploi est à l’initiative des collectivités. Solliciter de nouveau l’accord du représentant de l’État à ce stade paraît soit dangereux, pour les raisons que nous avons exposées précédemment, soit superfétatoire, et en ce cas je m’étonne que l’on veuille une loi bavarde !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 359 rectifié bis est présenté par M. Théophile, Mme Schillinger et MM. Dennemont et Karam.
L’amendement n° 693 rectifié bis est présenté par M. Antiste, Mmes Jasmin, Conconne, Conway-Mouret, Monier et Grelet-Certenais et MM. Lurel, Duran, Tourenne, Lalande et Kerrouche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 19
Après les mots :
l’opération
insérer les mots :
et avec avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels agricoles et forestiers si le périmètre de l’opération impacte des espaces agricoles et/ou naturels
La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 359 rectifié bis.
M. Dominique Théophile. Selon l’Observatoire national de la biodiversité, près de 67 000 hectares par an en moyenne ont été perdus du fait de l’artificialisation des sols au cours de la dernière décennie.
Au regard de ce constat, la création, ces dernières années, des commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, les CDPENAF, a permis la mise en place de projets urbains plus économes en espaces agricoles et naturels, via un dialogue renforcé entre les différents acteurs de l’aménagement.
À l’heure où il est vital de rendre nos territoires résilients, l’application, en amont des projets, d’une logique d’aménagement fondée sur le principe d’évitement et de réduction est seule garante de la pérennisation du capital représenté par les espaces agricoles et naturels.
La CDPENAF est l’outil privilégié d’une artificialisation des sols compatible avec les enjeux socio-environnementaux et économiques d’aujourd’hui et de demain. Nous proposons que son avis conforme soit requis pour décider la qualification de grande opération d’urbanisme.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 693 rectifié bis.
M. Maurice Antiste. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Au stade de la qualification de grande opération d’urbanisme, seul le périmètre de la GOU est délimité. Il ne s’agit pas du tout de modalités concrètes de réalisation d’un projet ni d’une autorisation d’urbanisme. Dans ce cadre, je ne vois pas pourquoi la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers disposerait d’éléments plus précis pour se prononcer. Il ne paraît pas justifié de requérir son avis au moment de la délimitation du périmètre de la GOU.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 359 rectifié bis et 693 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 779, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 312-8. – Lorsqu’une grande opération d’urbanisme requiert la construction ou l’adaptation d’un équipement public relevant de la compétence d’une commune, l’établissement public de coopération intercommunale ou la collectivité à l’initiative de l’opération peut construire et gérer cet équipement pendant la durée de la grande opération d’urbanisme en lieu et place de la commune dès lors que celle-ci s’y refuse, après accord du représentant de l’État dans le département.
« L’équipement est remis à la commune sous réserve de son accord. La remise intervient dans ce cas soit à la livraison soit au terme de la grande opération d’urbanisme.
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Cet amendement a pour objet de rétablir le dispositif du projet de loi initial, qui prévoyait la possibilité que l’intercommunalité à l’initiative de la grande opération d’urbanisme réalise et gère des équipements relevant de la compétence d’une commune.
Ce mécanisme privilégiait le consensus, la commune concernée étant signataire du contrat de PPA avec l’intercommunalité et la disposition prévoyant comme scénario central un accord entre la commune et l’intercommunalité sur la réalisation de l’équipement par cette dernière. Que l’intercommunalité puisse assurer la réalisation des équipements publics en cas de refus de la commune n’était prévu qu’en dernier recours.
La commission des affaires économiques a supprimé ce mécanisme. J’en propose le rétablissement, mais, ayant entendu exprimer la crainte, justifiée, que la commune doive gérer un équipement qu’elle n’aurait pas construit, j’ai rédigé le dispositif de l’amendement de façon à prévoir un accord de la commune à la remise de l’ouvrage.
M. le président. L’amendement n° 961 rectifié, présenté par MM. Menonville, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gold, Guérini et Guillaume, Mme Guillotin et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 312-8. - Lorsqu’une grande opération d’urbanisme requiert la construction ou l’adaptation d’un équipement public relevant de la compétence d’une commune, l’établissement public de coopération intercommunale ou la collectivité territoriale à l’initiative de l’opération peut construire et gérer cet équipement pendant la durée de la grande opération d’urbanisme en lieu et place de la commune dès lors que celle-ci s’y refuse, après accord du représentant de l’État dans le département.
« L’équipement est remis à la commune lorsqu’il est livré ou, au plus tard, au terme de la grande opération d’urbanisme.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement vise à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en ce qui concerne la possibilité, pour le préfet, de passer outre l’avis défavorable d’une commune, afin de permettre à la collectivité territoriale à l’initiative de l’opération de construire ou d’adapter les équipements publics nécessaires. Il s’agit de prévenir d’éventuelles situations de blocage.
J’insiste sur le fait qu’il doit s’agir d’une simple possibilité pour le préfet et d’équipements publics nécessaires.
M. le président. L’amendement n° 1114, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Après le mot :
commune
insérer les mots :
du périmètre de la grande opération d’urbanisme
et remplacer les mots :
d’une
par les mots :
de la
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 779 et 961 rectifié ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. On l’aura compris, nous sommes fermement opposés à tout transfert de compétence à l’échelon intercommunal sans accord des maires. Nous sommes opposés à toute mesure tendant à remettre en cause les prérogatives les plus fondamentales des maires. En l’espèce, l’EPCI pourrait construire une école, un équipement ou une infrastructure d’assainissement sur le territoire d’une commune contre le gré de celle-ci.
Monsieur le ministre, vous avez modifié votre dispositif afin de prévoir que la remise de l’équipement requerra l’accord du maire, mais cette formule ne nous satisfait absolument pas, parce qu’elle n’empêchera pas l’EPCI de construire des équipements publics sur le territoire d’une commune qui ne le souhaiterait pas.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 1114.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je veux faire une remarque sur l’amendement présenté par le Gouvernement.
Quand un EPCI ou une collectivité construit pour le compte de tiers, la commune doit garder l’équipement pendant au moins cinq ans après sa remise, sous peine de devoir assumer les dotations aux amortissements, ce qui représente pour elle une charge supplémentaire. Je ne suis pas sûr que cela soit comptablement possible.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Il est regrettable que le Gouvernement ait déposé un tel amendement.
Nous avons tout intérêt à ce que le PPA et la GOU prévoient la spatialisation des équipements, avec une répartition par consensus. Si d’aventure il pouvait être passé outre l’avis des maires concernés, il ne faudrait pas que les équipements les moins valorisants ou les plus pénalisants, en termes de nuisances, soient concentrés sur le territoire d’une seule commune, en vertu d’une conception particulière de l’intérêt général…
Sur le fond, monsieur le ministre, donnez acte au Sénat de sa volonté de travailler de manière constructive sur ce titre Ier du texte pour trouver un consensus large ! Il suffit de voir comment les amendements de Mme la rapporteur ont jusqu’à présent été adoptés. La commission s’est employée à rechercher un consensus sur des fondamentaux, de manière à replacer les rôles et fonctions de chacun à leur juste niveau au sein des territoires, à définir des moyens équilibrés pour parvenir à des décisions concertées, fondées sur l’intérêt général, et non pas imposées brutalement.
Or les quelques amendements que vous avez déjà présentés donnent l’impression d’une volonté de « détricotage », de rupture de ce consensus. Votre objectif est-il de trouver un équilibre, afin que les débats en commission mixte paritaire puissent se dérouler dans un climat de sérénité, ou de passer outre l’avis unanime du Sénat ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je voudrais soulever un problème de cohérence.
Dès lors que nous avons adopté l’amendement de la commission visant à rétablir l’avis conforme du maire, quel est le sens de celui du Gouvernement ? Si la commune a donné son accord à l’opération, on peut imaginer que cet accord vaut pour la réalisation des équipements publics de toute nature qui vont avec. Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi ne retirez-vous pas cet amendement ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Si votre objectif est que l’Assemblée nationale rétablisse le texte du Gouvernement, votre amendement revêt un caractère un peu particulier : on pourra imposer à une commune, dans le cadre d’une grande opération d’urbanisme, la réalisation d’un équipement public sur son territoire, mais elle pourra finalement décider de ne pas intégrer cet équipement à son domaine communal. Cela risque de déboucher sur des situations assez étonnantes. Peut-on imaginer, par exemple, qu’un EPCI en arrive à gérer une école maternelle ou primaire ?
Le Sénat ayant introduit l’avis conforme des maires, il me semble que l’amendement du Gouvernement n’a plus de logique ni de sens.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je soutiens l’amendement du Gouvernement. J’ai cru comprendre que nous ne sommes pas forcément très nombreux dans ce cas…
Certains propos m’ont quelque peu surpris, y compris de la part de mes camarades socialistes, avec lesquels je suis souvent d’accord. Nous nous sommes tout de même battus pour le renforcement de l’intercommunalité !
Les grands projets dont nous parlons s’inscrivent à l’échelle de l’intercommunalité. Ils sont légitimes démocratiquement, puisqu’ils relèvent d’une décision non pas de l’État, mais de la majorité intercommunale issue du vote des citoyens.
M. Philippe Dallier. Sauf qu’il n’y a pas de projet politique !
M. Ronan Dantec. Je crois que nous sommes aujourd’hui arrivés à un tournant politique. Il faut bien comprendre que, pour garantir la cohérence du travail mené à l’échelle intercommunale, les communes ne doivent pas pouvoir bloquer les grands projets. L’amendement du Gouvernement résout à mon avis intelligemment la difficulté : si une commune est opposée à la réalisation d’un équipement sur son territoire, on ne lui demandera pas d’en assumer la charge. Ce compromis me paraît intéressant.
Mes chers collègues, permettez-moi une petite provocation, car l’occasion est trop belle : si vous estimez que la légitimité intercommunale est encore un peu faible, je vous suggère d’aller au bout de la logique et de prévoir l’élection directe du président de l’intercommunalité à l’échelle de l’EPCI ! (Exclamations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains. – M. Julien Bargeton applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 311, présenté par MM. Genest et Darnaud, Mmes Bruguière et Di Folco, MM. B. Fournier et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, MM. Grosdidier, Perrin, Raison et Revet, Mmes Troendlé, Delmont-Koropoulis, Deromedi et Deroche, MM. Charon et Savary, Mme Garriaud-Maylam et MM. Danesi et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéas 34 à 36
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
1° Le 2° de l’article L. 332-6 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « et celle résultant de la loi n° … du … portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique » ;
b) À la seconde phrase, après les mots : « à la même loi », sont ajoutés les mots : « ainsi que celles rétablies par la loi n° … du … portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique » ;
2° Le d du 2° de l’article L. 332-6-1 est ainsi rétabli :
« d) La participation pour voirie et réseaux prévue à l’article L. 332-11-1 ; »
3° La première phrase de l’article L. 332-28 est ainsi modifiée :
a) Après les mots : « pour 2014 », sont insérés les mots : « et celles résultant de la loi n° … du … portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique » ;
b) Après les mots: « pour 2010 », sont insérés les mots : « , et au 3° de l’article L. 332-6 » ;
La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. Cet amendement vise à rétablir l’obligation de faire figurer le montant de la participation due au titre des équipements propres dans l’autorisation ou la déclaration d’urbanisme. Il procède du même esprit que la proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural dont j’étais l’auteur et qui a été votée par le Sénat le 1er juin 2016.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Monsieur le sénateur, sans préjuger du fond de la mesure que vous proposez, qui traite du financement d’opérations d’aménagement, je veux exposer la position de la commission sur les amendements tendant à établir des dispositifs financiers ou fiscaux.
La commission a décidé que de tels dispositifs ne relevaient pas du champ de ce texte. Cette position restera intangible.
Par conséquent, je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Genest, l’amendement n° 311 est-il maintenu ?
M. Jacques Genest. Madame la rapporteur, le dispositif de cet amendement n’est pas de nature fiscale : il vise seulement à la compensation de charges supportées par la commune.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. C’est un dispositif financier !
M. Jacques Genest. Cela dit, j’accepte tout de même de retirer l’amendement. (Mme la présidente de la commission des affaires économiques et M. Bruno Retailleau applaudissent.)
M. le président. L’amendement n° 311 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 299 rectifié, présenté par MM. Morisset et Mouiller et Mme Puissat, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À l’article L. 441-4 du code de l’urbanisme, les mots : « dont, pour les lotissements de surface de terrain à aménager supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d’État, celles d’un architecte au sens de l’article 9 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Marie Morisset.
M. Jean-Marie Morisset. Cet amendement vise à reconnaître la pluridisciplinarité réelle des intervenants dans le champ de l’urbanisme et de l’aménagement, au bénéfice des maîtres d’ouvrage.
Chacun le sait, les opérations d’aménagement et de lotissement nécessitent de recourir à des compétences pluridisciplinaires. Selon les sites et la nature des projets, certaines compétences peuvent être prépondérantes, telles que la capacité à assumer la composition et l’ordonnancement général de l’opération ou à prendre en compte la biodiversité, l’aspect environnemental, paysager ou architectural et, dans certains cas, la complexité technique de l’opération.
De nombreuses disciplines préparent aux métiers concernés, qu’il s’agisse des urbanistes, des architectes, des paysagistes, des ingénieurs, des techniciens ou encore des géomètres. Certains de ces métiers sont protégés, mais de manière diverse. Ces professionnels disposent tous, sur le plan de la maîtrise d’œuvre, des assurances nécessaires en cas de faute avérée. Il n’y a donc ni problème de compétence ni difficulté administrative particulière pour qu’ils puissent intervenir en toute sécurité pour un ordonnateur public ou privé.
Le maître d’ouvrage doit pouvoir, en fonction de la nature de l’opération, définir les compétences qui doivent être privilégiées. Il paraît donc nécessaire de lui laisser le choix de l’organisation de sa commande, dans le respect d’une juste mise en concurrence.
S’il appartient au législateur de définir une démarche cohérente et son contenu, il ne lui revient pas de fixer un cadre si étroit de réalisation ni surtout de réserver des opérations à certains corps de métier en en excluant d’autres, dès lors que tous disposent des compétences et des capacités administratives suffisantes.
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié bis, présenté par Mme Morhet-Richaud, MM. Danesi et Pellevat, Mme Duranton, M. Brisson, Mmes Deromedi, Delmont-Koropoulis et Garriaud-Maylam et MM. de Nicolaÿ, Morisset, Poniatowski, Schmitz, Revet, B. Fournier, Mayet, Dufaut et Panunzi, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À l’article L. 441-4 du code de l’urbanisme, le mot : « dont, » et les mots : « , celles d’un architecte au sens de l’article 9 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture » sont supprimés.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. L’article L. 441-4 du code de l’urbanisme précise que la demande de permis d’aménager concernant un lotissement ne peut être instruite que si la personne qui désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation a fait appel aux compétences nécessaires en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage.
C’est pourquoi tous les professionnels compétents pour établir un projet architectural, paysager et environnemental, un PAPE, tels que les architectes, au sens de l’article 9 de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, les paysagistes concepteurs, au sens de l’article 174 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, et les géomètres-experts, au sens de l’article 1 de la loi du 7 mai 1946 instituant l’Ordre des géomètres-experts, doivent pouvoir accompagner le porteur d’une demande de permis d’aménager pour les lotissements de surface de terrain à aménager supérieure à un seuil fixé par décret.
Ainsi, cet amendement a pour objet de laisser au maire ou à tout autre maître d’ouvrage la liberté de choisir le professionnel apte à réaliser un PAPE.
M. le président. L’amendement n° 469, présenté par MM. Mouiller et Morisset, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 441-4 du code de l’urbanisme est complété par les mots : « ou celles d’un paysagiste concepteur au sens de l’article 174 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, ou celles d’un géomètre-expert au sens de l’article 1er de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 ou celles d’un urbaniste titulaire d’un diplôme délivré par un établissement universitaire ou ayant suivi une formation agréée dans des conditions fixées par décret, sanctionnant une formation spécifique de caractère culturel, scientifique et technique à la conception urbaine ».
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. L’amendement est défendu.
M. le président. Les sept amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 278 rectifié bis est présenté par MM. Canevet et Longeot.
L’amendement n° 287 rectifié ter est présenté par Mme Espagnac et MM. Montaugé et Tissot.
L’amendement n° 301 rectifié ter est présenté par MM. Houpert, Bascher et Guerriau, Mmes Garriaud-Maylam, Bonfanti-Dossat, Vullien, Deromedi et de Cidrac, MM. Capus, Sol, H. Leroy et Rapin, Mmes Lassarade et Deseyne et MM. Dufaut et Chasseing.
L’amendement n° 409 rectifié quinquies est présenté par M. Malhuret, Mme Mélot et MM. Lagourgue, A. Marc et Fouché.
L’amendement n° 453 rectifié ter est présenté par Mme Berthet, MM. de Nicolaÿ, Piednoir, Paccaud et Milon et Mme Imbert.
L’amendement n° 490 rectifié quater est présenté par Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Schmitz, Priou, Bonhomme, Mandelli, Genest et Revet et Mme Lanfranchi Dorgal.
L’amendement n° 848 est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat et les membres du groupe La République En Marche.
Ces sept amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 441-4 du code de l’urbanisme est complété par les mots : « ou celles d’un paysagiste concepteur au sens de l’article 174 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, ou celles d’un géomètre-expert au sens de l’article 1er de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l’Ordre des géomètres-experts ».
La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 278 rectifié bis.
M. Jean-François Longeot. Il s’agit de permettre, conformément à l’objet du présent projet de loi, l’amélioration et la simplification de la production de logements tout en garantissant une meilleure qualité des cadres de vie.
Cet amendement a pour objet de réintroduire en le complétant l’article 1er bis, afin de tirer toutes les conséquences de la reconnaissance de l’exigence de pluridisciplinarité dans l’élaboration du projet architectural, paysager et environnemental et de consacrer celle-ci en permettant au demandeur d’un permis d’aménager de faire appel aux compétences d’un architecte, à celles d’un paysagiste concepteur ou encore à celles d’un géomètre-expert.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 287 rectifié ter.
M. Franck Montaugé. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour présenter l’amendement n° 301 rectifié ter.
M. Jérôme Bascher. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour présenter l’amendement n° 409 rectifié quinquies.
M. Alain Fouché. Cet amendement vise à offrir la possibilité aux demandeurs d’un permis d’aménager de s’adjoindre les compétences les plus appropriées et de faire appel, selon les cas, aux compétences d’un architecte, à celles d’un paysagiste concepteur ou encore à celles d’un géomètre-expert.
L’élaboration du projet architectural, paysager et environnemental nécessaire à l’obtention d’un permis d’aménager préalable aux projets de lotissement exige un travail d’équipe pluridisciplinaire, mettant en œuvre des compétences complémentaires.
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour présenter l’amendement n° 453 rectifié ter.
Mme Martine Berthet. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour présenter l’amendement n° 490 rectifié quater.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Claude Haut, pour présenter l’amendement n° 848.
M. Claude Haut. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 846 rectifié ter, présenté par MM. Bignon et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Guerriau, Wattebled, Chasseing et Labbé, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 441-4 du code de l’urbanisme est complété par les mots : « ou celles d’un paysagiste concepteur au sens de l’article 174 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ».
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à rétablir l’article 1er bis dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, afin de permettre aux paysagistes concepteurs d’être mandatés au même titre que les architectes en vue de l’établissement du projet architectural, paysager et environnemental accompagnant la demande de permis d’aménager.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Ces amendements appellent tous un avis défavorable de la commission.
Je rappelle que le droit actuel prévoit l’association de compétences pluridisciplinaires au libre choix de l’aménageur. Seul le recours à l’architecte est obligatoire. Il permet en effet de garantir la bonne intégration paysagère des grands projets de lotissement, qui peuvent, de fait, avoir un fort impact environnemental et paysager.
Il me semble que cette obligation a minima représente un garde-fou important, lisible pour les porteurs de projet. Il ne me paraît pas nécessaire de dresser un inventaire à la Prévert, en ajoutant les paysagistes concepteurs, les géomètres-experts… Restons-en à la mention des architectes. Bien évidemment, cela n’empêchera pas le porteur du projet de faire appel à des compétences pluridisciplinaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je suis également défavorable à l’ensemble de ces amendements, à l’exception de l’amendement n° 846 rectifié ter, analogue à celui que j’avais soutenu devant l’Assemblée nationale. Il paraît logique de faire référence au paysagiste concepteur s’agissant de l’établissement du PAPE.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Je soutiens l’amendement n° 846 rectifié ter.
Dans l’acte de construire, l’architecte s’occupe du plan global et de l’esthétique, quand l’ingénieur se charge des questions techniques et de la viabilité du bâtiment.
En matière d’aménagement, on a besoin d’ingénieurs, de géomètres et de paysagistes, mais pas forcément d’architectes. En effet, dans les écoles d’architecture, on apprend à réaliser des bâtiments, mais pas forcément à planifier des aménagements urbains : c’est le métier des urbanistes et des paysagistes.
Le dispositif de l’amendement n° 846 rectifié ter permet une ouverture vers les concepteurs, qu’ils soient paysagistes ou architectes, mais pas forcément vers les techniciens, dont l’intervention est indispensable, mais vient en appui de celle du paysagiste ou de l’architecte.
En réalité, quand on fait de l’aménagement urbain, on prend un architecte dans l’équipe, puisque c’est obligatoire. Il perçoit des honoraires, mais c’est le paysagiste qui travaille !
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Madame la rapporteur, la profession d’architecte n’est pas celle de paysagiste. Réciproquement, les paysagistes ne sont pas architectes.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, et Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Pas plus que géomètres !
M. Alain Fouché. Par conséquent, sur certains projets, il est indispensable qu’un architecte se charge de la réalisation du bâtiment et que des paysagistes s’occupent de l’environnement, des plantations, etc. Au demeurant, la profession de paysagiste paraît, aujourd’hui, en pleine expansion. Je sais que vous ne m’en voudrez pas de ne pas être d’accord avec vous, madame la rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Aux termes de l’article 1er bis, tel qu’il avait été introduit à l’Assemblée nationale, le maître d’ouvrage pouvait faire appel à un architecte ou à un paysagiste concepteur.
La commission de la culture a débattu du sujet et a estimé qu’il fallait laisser l’architecte au cœur du projet d’aménagement. Nous avons donc adopté un amendement en vertu duquel l’architecte pouvait, en cas d’enjeux paysagers, s’adjoindre les services d’un paysagiste concepteur.
M. Jean-Pierre Grand. C’est ainsi que les choses se passent !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement a été soumis à la commission des affaires économiques. Nous nous sommes ralliés à la position de cette dernière, dès lors que le maître d’ouvrage est libre de demander la constitution d’une équipe pluridisciplinaire autour de l’architecte, qui reste la clé de voûte.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Le PAPE est un projet d’ensemble qui prévoit l’organisation spatiale d’un lotissement en en établissant la division foncière. Il identifie en particulier les espaces collectifs et les voiries, à l’aide de plans de masse, de photographies, d’éléments de topographie.
En tant que professionnels concourant à l’aménagement du cadre de vie, tant les architectes que les paysagistes concepteurs possèdent les compétences requises pour élaborer un PAPE.
Il est dès lors souhaitable, afin de promouvoir la qualité urbaine des lotissements, de permettre aux porteurs de projet de recourir, au choix, à l’un de ces deux professionnels pour conduire l’établissement du PAPE.
Dans les communes rurales, dont les habitants disposent souvent de revenus peu élevés, il importe que les prix au mètre carré soient le plus faibles possible. Pour de petits lotissements, l’intervention d’un paysagiste concepteur suffit, me semble-t-il.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je suivrai volontiers l’avis de la commission, mais je voudrais tout de même appeler l’attention sur le manque de reconnaissance dont souffrent les urbanistes dans notre pays. Ils ne relèvent pas du ministère de la culture. Nos voisins européens sont beaucoup plus attentifs à tout ce qui a trait au paysage et à l’urbanisme. Je crois que nous gagnerions à suivre leur exemple.
Laissons les architectes au cœur des projets, mais ils doivent être conscients qu’ils ne sont pas forcément aussi polyvalents qu’ils se l’imaginent. Le savoir-faire des urbanistes et des paysagistes est incontournable.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Nous soutenons la position de la commission.
Ce débat fait écho à ceux qui nous ont très longuement occupés lors de la discussion de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, et ont très souvent opposé les architectes aux géomètres, voire à d’autres professionnels.
Madame Lienemann, au-delà de la question du manque de reconnaissance des urbanistes, nous devons éviter de dresser une liste à la Prévert. Le droit en vigueur place l’architecte au cœur du projet, mais il lui permet, comme l’a souligné M. Leleux, de s’entourer d’une équipe pluridisciplinaire en tant que de besoin.
Si nous nous engageons dans cette voie, d’autres professionnels pourraient demander à être mentionnés dans la loi. Restons-en là, l’architecte ayant la liberté de s’entourer de toutes les compétences nécessaires.
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Je suis tout à fait d’accord avec M. Chasseing. Lorsque j’étais maire d’une petite commune rurale de 800 habitants, j’ai réalisé une dizaine de lotissements. Ma priorité était de faire en sorte que le prix au mètre carré soit le plus bas possible, tout en respectant l’environnement.
Pourquoi un architecte devrait-il intervenir pour un lotissement de commune rurale ? Il faut permettre au maître d’ouvrage de faire appel, à son choix, à un architecte, à un géomètre-expert ou à un paysagiste. Pour ma part, j’ai beaucoup travaillé avec des géomètres-experts et je n’ai jamais eu le moindre problème. Je ne céderai pas aux lobbies.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. La loi pose l’obligation de recourir à un architecte. Aujourd’hui, les cabinets d’architecture sont pluridisciplinaires. Ils s’adjoignent les services d’urbanistes, par exemple, pour assurer une mise en valeur optimale de la construction. Il revient aux élus de faire appel à des cabinets pluridisciplinaires. Si l’on modifie la loi sur ce point, ce sera le début d’une dérive, et l’on en viendra inéluctablement à se passer des architectes, pour aboutir à des situations que l’on n’aura pas voulues !
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. L’architecture, comme notre démocratie, serait née près de Delphes, le nombril du monde. « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre », fit graver Platon au fronton de son Académie.
Un maire a besoin de se faire aider dans sa réflexion par ce que l’on appelle un maître d’œuvre, qu’il soit architecte ou géomètre. M. Bourquin a évoqué des équipes pluridisciplinaires : il est en effet important de conjuguer les avis pour faire en sorte que le monde soit beau. Maires ou anciens maires, nous avons besoin de donner de la couleur à la vie, à nos paysages.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Comme l’a rappelé M. Bourquin, la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, que nous l’ayons votée ou non, a imposé l’intervention des architectes pour la réalisation des lotissements, notamment.
Si nous mentionnons les paysagistes ou les géomètres-experts dans la loi, pourquoi ne pas citer aussi les hydrogéologues, les designers, les sourciers, que sais-je encore ?… (Sourires.) Nous ne ferons alors qu’alourdir la note pour nos concitoyens en matière de construction et d’urbanisme.
Laissons aux élus locaux la maîtrise d’ouvrage, laissons-les faire appel aux experts dont ils ont besoin en fonction de leur projet. Les élus locaux n’ont pas forcément mauvais goût, ils ont un peu de discernement et de bon sens. Bien évidemment, je soutiens la position de la commission. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Sylvie Robert applaudit également.)
M. Philippe Mouiller. Je retire l’amendement n° 469, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 469 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 278 rectifié bis, 287 rectifié ter, 301 rectifié ter, 409 rectifié quinquies, 453 rectifié ter, 490 rectifié quater et 848.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 846 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 1er bis demeure supprimé.
Article 2
I. – La section 3 du chapitre II du titre préliminaire du livre Ier du code de l’urbanisme est ainsi rédigée :
« Section 3
« Opérations d’intérêt national
« Art. L. 102-12. – Une opération d’aménagement qui répond à des enjeux d’une importance telle qu’elle nécessite une mobilisation de la collectivité nationale et à laquelle l’État décide par conséquent de consacrer des moyens particuliers peut être qualifiée d’opération d’intérêt national par un décret en Conseil d’État qui l’inscrit sur la liste des opérations auxquelles cette qualité est reconnue.
« L’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d’opérations d’aménagement ou la métropole de Lyon ainsi que les communes dont le territoire est inclus en tout ou partie dans le périmètre de l’opération sont consultés sur le projet d’opération d’intérêt national. L’avis intervient dans un délai de trois mois à compter de la saisine ; cet avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu avant l’expiration de ce délai.
« Art. L. 102-13. – À l’intérieur du périmètre d’une opération d’intérêt national :
« 1° Par dérogation à l’article L. 111-3, les constructions et installations nécessaires à la réalisation de l’opération peuvent être autorisées en dehors des parties urbanisées de la commune. Si ces constructions et installations nouvelles ont pour conséquence une réduction des surfaces sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole ou si ces constructions ont pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces naturels et forestiers, l’autorisation est délivrée après consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ;
« 2° Les droits de préemption et de priorité respectivement prévus aux articles L. 213-1 et L. 240-1 ne peuvent être exercés ;
« 3° Le représentant de l’État dans le département est compétent pour la création des zones d’aménagement concerté situées en tout ou partie à l’intérieur d’un périmètre d’opération d’intérêt national, dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 311-1 ;
« 4° Les associations foncières urbaines sont créées dans les conditions prévues à l’article L. 322-3-2.
« Les périmètres de projet au sein desquels les propriétaires fonciers sont incités à se regrouper en association foncière urbaine de projet et à mener leurs opérations de façon concertée sont délimités dans les conditions prévues à l’article L. 322-13 ;
« 5° L’autorité administrative de l’État est compétente pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable, s’il y lieu dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 422-2 et sous réserve de l’article L. 102-14 ;
« 6° Lorsque des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse la réalisation d’une opération d’aménagement, le sursis à statuer peut être prononcé dans les conditions définies à l’article L. 424-1 dès lors que la mise à l’étude du projet d’aménagement a été prise en considération par le représentant de l’État dans le département et que les terrains affectés par ce projet ont été délimités.
« La décision de prise en considération cesse de produire effet si, dans un délai de dix ans à compter de son entrée en vigueur, la réalisation de l’opération d’aménagement n’a pas été engagée ;
« 7° Il peut être dérogé aux règles applicables aux projets dans les conditions prévues au II de l’article 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine ;
« 8° (nouveau) Le représentant de l’État peut conclure avec les propriétaires des terrains, le ou les aménageurs et le ou les constructeurs des opérations d’aménagement ou de construction réalisées dans le périmètre d’une opération d’intérêt national et qui nécessitent la réalisation d’équipements autres que les équipements propres mentionnés à l’article L. 332-15 une convention de projet urbain partenarial prévoyant la prise en charge financière de tout ou partie de ces équipements, selon les modalités prévues à l’article L. 332-11-3 ;
« 9° (nouveau) Lorsque le coût des équipements a été mis à la charge des constructeurs ou des aménageurs, les constructions et aménagements réalisés dans le périmètre d’une opération d’intérêt national sont exonérés de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement, en application de l’article L. 331-7.
« Art. L. 102-14. – Par dérogation au 5° de l’article L. 102-13, la compétence pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable peut s’exercer dans les conditions prévues à l’article L. 422-1 dans des secteurs particuliers et pour une période déterminée lorsque le stade de réalisation de l’aménagement ou la zone concernée ne justifient pas l’intervention de l’État.
« Cette possibilité est ouverte par le décret en Conseil d’État conférant la qualité d’opération d’intérêt national prévu à l’article L. 102-12 ou, pour les opérations d’intérêt national existant à la date de publication de la loi n° … du … portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, par un décret en Conseil d’État.
« Les secteurs sont délimités, pendant la durée de l’opération d’intérêt national, par un arrêté du ministre chargé de l’urbanisme qui fixe la période pendant laquelle cette dérogation est applicable.
« Art. L. 102-15. – Le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 102-12 peut délimiter une zone d’aménagement différé, au sens du chapitre II du titre Ier du livre II, sur tout ou partie du périmètre de l’opération d’intérêt national. Dans ce cas, il désigne le titulaire du droit de préemption afférent. »
II. – (Non modifié) À la seconde phrase du quatrième alinéa de l’article L. 230-3 du code de l’urbanisme, les références : « aux articles L. 102-13 et L. 424-1 » sont remplacées par les références : « au 6° de l’article L. 102-13 et à l’article L. 424-1 ».
III. – (Non modifié) Au deuxième alinéa de l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme, les références : « aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 » sont remplacées par les références : « au 6° de l’article L. 102-13 et aux articles L. 153-11 et L. 311-2 ».
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, sur l’article.
M. Arnaud de Belenet. La commission des affaires économiques a affirmé avec force, voilà quelques instants, son opposition à l’introduction dans le texte de toute mesure de nature fiscale ou financière. Cette position m’étonne, car la commission a introduit, à l’alinéa 17 de l’article 2, une disposition qui prive les communes de leur part de la taxe d’aménagement, au profit des constructeurs et des aménageurs, disposition figure déjà dans le code de l’urbanisme. En outre, la commission a fait déclarer irrecevable un amendement qui visait à corriger la perte, pour les collectivités, du bénéfice de la taxe d’aménagement, et surtout à permettre à certaines d’entre elles de récupérer le produit de cette taxe lorsqu’il leur est dû.
Nous défendons tous ici les collectivités locales,…
M. Didier Guillaume. Non, pas tous !
M. Arnaud de Belenet. … mais, alors qu’elle nous dit refuser l’introduction de toute disposition fiscale, la commission en a ajouté une aux dépens des collectivités et a rejeté l’amendement de bon sens visant à défendre les territoires engagés dans une opération d’intérêt national. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. L’amendement n° 129, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
d’une importance telle qu’elle nécessite
par les mots :
particuliers d’utilité publique qui nécessitent
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. La compétence en matière d’aménagement est forcément partagée entre les différentes collectivités publiques. Si l’échelon de base est bien la commune, il est légitime et justifié que, dans le cadre d’une opération d’intérêt national, une OIN, l’État puisse reprendre la main au regard d’enjeux spécifiques, définis par le présent article comme « des enjeux d’une importance telle qu’elle nécessite une mobilisation de la collectivité nationale ».
Pour autant, nous estimons que cette reprise en main au titre des OIN doit être l’exception, et non la règle, eu égard à ses conséquences, notamment le transfert de la compétence en matière de délivrance des autorisations d’urbanisme.
Nous souhaitons donc, au travers de cet amendement, encadrer très fortement le recours aux opérations d’intérêt national, en précisant qu’elles doivent présenter un caractère d’utilité publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Le critère d’utilité publique relève d’ordinaire de l’appréciation de l’État.
Le régime des OIN prévoit déjà qu’elles soient créées par décret en Conseil d’État. Instaurer un critère d’utilité publique me paraît superflu. Je pense que ce serait même source de confusion.
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je ne pense pas que l’adoption de ce dispositif faciliterait les opérations d’intérêt national.
Les deux dernières OIN créées l’ont été en 2011 et en 2015. Ces opérations ne se sont pas multipliées. L’expérience a montré qu’elles résultent certes d’un engagement fort de l’État, mais aussi de la volonté des collectivités territoriales. La dernière d’entre elles, à Clichy-sous-Bois, a montré que l’intervention de l’État, en l’occurrence pour améliorer des copropriétés dégradées, était la seule solution. Il arrive donc que l’intervention de l’État soit utile…
M. Philippe Dallier. Personne n’en doute !
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par Mme Férat, MM. Laugier, Janssens et Henno, Mme Vullien, MM. Kern et Canevet, Mmes Doineau, Billon et Guidez et M. D. Dubois, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Après les mots :
périmètre de l’opération
insérer les mots :
, le département et la région
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Les communes et les EPCI concernés par une OIN sont bien évidemment consultés. Compte tenu des compétences exercées par les départements et les régions, en matière de gestion des espaces naturels sensibles, de protection des espaces agricoles et naturels périurbains, de politiques de solidarité, pour les premiers, de programmation, de planification et d’encadrement de l’action des collectivités, de définition des orientations en matière de développement économique, pour les secondes, il me semblerait important que ces deux niveaux de collectivités participent au tour de table pour accompagner communes et intercommunalités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’article prévoit déjà une consultation des communes et des EPCI sur le périmètre de l’opération. Ajouter de nouvelles collectivités locales compétentes en matière d’aménagement ne semble pas forcément judicieux, car cela engendrerait des coûts, des délais et des contraintes procédurales supplémentaires.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Permettez-moi tout d’abord de rectifier une erreur : la dernière opération d’intérêt national remonte au 14 avril 2017 ; elle concernait l’intercommunalité d’Évry… (Sourires.) Ne voyez là aucun message subliminal !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Une opération de type Barcelone : une rambla ? (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mézard, ministre. Je pourrais dresser la liste de toutes les OIN : elle montre bien que ce sont les collectivités territoriales qui demandent la mise en œuvre de ces opérations ; l’État ne leur impose rien. Il faut remettre les choses dans leur contexte.
Madame Férat, le droit en vigueur prévoit la consultation des seules collectivités concernées directement par l’exercice des compétences d’urbanisme opérationnel, ce qui n’est le cas ni de la région ni du département. Je veux bien que l’on multiplie les consultations, mais cela ne va pas dans le sens de la simplification.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.
Mme Françoise Férat. Je voudrais vous parler de ce que je connais le mieux, à savoir le département, sous le contrôle de mon président de conseil départemental… (M. René-Paul Savary sourit.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Ex-président ! (Sourires.)
Mme Françoise Férat. C’est vrai, mais il le reste toujours un peu… (Nouveaux sourires.)
Dès qu’un projet d’envergure voit le jour, les communes et les intercommunalités concernées se tournent immanquablement vers le département. Dès lors, pourquoi ne pas associer le conseil départemental en amont, pour gagner du temps et de l’argent ? Les arguments de Mme la rapporteur et de M. le ministre ne me convainquent guère.
Je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous voterons cet amendement.
J’entends les arguments de Mme la rapporteur et de M. le ministre sur l’inconvénient d’ajouter des consultations supplémentaires, mais nous avons mis en place une organisation territoriale qui confère à la région et au département des compétences importantes en termes d’aménagement du territoire, comme l’a souligné Mme Férat. Dans la vraie vie, dans la réalité des territoires, quand une telle opération est lancée, les maires, les intercommunalités se tournent vers le département et la région, qui seront de toute façon inévitablement sollicités, à un moment ou à un autre, pour intervenir.
Nous soutiendrons d’autant plus cet amendement que nous ne sommes pas de ces élus qui pensent qu’il faut simplifier pour le plaisir de simplifier. Parfois, il faut savoir prendre le temps nécessaire pour assurer un aménagement du territoire cohérent. Je suis membre d’un conseil régional où l’on oublie parfois les délais : c’est un peu rocambolesque, mais on y arrive tout de même !
Je pense que nous gagnerions en efficacité en associant dès le début l’ensemble des collectivités qui, à un moment ou à un autre, seront impliquées dans de telles opérations.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je soutiens également cet amendement.
Comme vient de le souligner Mme Cukierman, nous avons travaillé assez dur, avec le précédent gouvernement, pour trouver une articulation idoine entre les régions et les intercommunalités, notamment à travers les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, les SRADDET. Il s’agit d’un instrument important et prescriptif. Quand une opération lourde comme l’est une OIN est lancée, il est évident qu’il faut s’assurer de sa compatibilité avec le SRADDET. Plus les régions, les départements et l’ensemble des acteurs seront impliqués en amont, moins on rencontrera ensuite de difficultés. Il ne s’agit pas d’alourdir les procédures, mais d’éviter des incohérences, notamment avec les SRADDET. Le Gouvernement ayant déclaré qu’il ne toucherait pas au Meccano institutionnel, il faut tenir compte de ces schémas et consulter les régions en amont. Cela relève du bon sens.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 46 rectifié.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 128 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 360 rectifié bis est présenté par MM. Théophile, Dennemont et Karam.
L’amendement n° 694 rectifié bis est présenté par M. Antiste, Mmes Jasmin et Conconne, M. Lurel, Mmes Conway-Mouret, Grelet-Certenais et Monier et MM. Duran, Tourenne, Lalande et Kerrouche.
L’amendement n° 1017 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini et Mme Laborde.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7, seconde phrase
Remplacer le mot :
consultation
par les mots :
avis conforme
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 128.
Mme Cécile Cukierman. Selon l’Observatoire national de la biodiversité, en métropole, près de 67 000 hectares en moyenne ont été perdus chaque année en raison de l’artificialisation des sols au cours de la dernière décennie. L’équivalent d’un département disparaît tous les sept ans du fait de l’urbanisation. Une telle situation ne peut perdurer. Il convient de créer les garde-fous nécessaires pour s’assurer que cette urbanisation répond bien à un motif d’intérêt général et vérifier que des alternatives moins consommatrices de terres agricoles ne sont pas envisageables.
Au regard de ce constat, nous estimons pertinent de soumettre à un avis conforme, et non à un avis simple, de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, la CDPENAF, l’autorisation de construire en dehors des parties déjà urbanisées de la commune dans le cadre des OIN visées par le présent article.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 360 rectifié bis.
M. Dominique Théophile. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 694 rectifié bis.
M. Maurice Antiste. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 1017 rectifié.
M. Ronan Dantec. Il est important de rappeler que les constructions et installations nécessaires à la réalisation d’une opération d’intérêt national ne peuvent être autorisées en dehors des parties urbanisées de la commune que par dérogation à l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme. Nous sommes donc déjà dans une situation dérogatoire.
Cet amendement vise à n’autoriser une telle dérogation que s’il y a consensus entre tous les acteurs, notamment les acteurs agricoles.
En effet, la nécessité de recueillir l’avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers permettra au monde agricole de s’opposer à cette dérogation si l’activité agricole est par trop menacée ou si la consommation d’espaces agricoles est trop importante.
Jean-François Longeot, Daniel Grémillet et moi-même avions beaucoup travaillé sur ces questions dans le cadre de la commission d’enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité.
Il me semble extrêmement important d’accorder une forme de droit de veto au monde agricole par le biais de cet avis conforme. Cela conduira les aménageurs à faire très attention à ne pas trop consommer d’espace foncier agricole.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La législation en vigueur ne prévoit qu’un avis simple de la CDPENAF pour les réductions de surfaces agricoles, naturelles ou forestières liées à la création de secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées – les STECAL – ou à l’élaboration ou à la révision du plan local d’urbanisme, ou si elles concernent des communes couvertes par le règlement national d’urbanisme, le RNU. Il ne semble pas nécessaire de prévoir un avis conforme pour les OIN dans des cas identiques.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces quatre amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. J’entends dire qu’il est nécessaire de préserver le pouvoir de nos communes et de nos maires, mais si on accumule les avis conformes, ce sera un peu difficile…
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je voterai contre ces amendements.
Actuellement, en milieu rural, la CDPENAF ne tient aucun compte de l’avis des maires. Elle les méprise : même quand il s’agit de dents creuses dans des hameaux, ils se heurtent à des refus d’autorisation.
Je suis pour la réduction de l’artificialisation des terres, mais sûrement pas en accordant davantage de pouvoir à la CDPENAF.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Émorine. Je suis très étonné de ces amendements, qui ne doivent pas s’inspirer des travaux du Grenelle de l’environnement… Nous avions en effet mis en place des schémas de cohérence territoriale, devant aboutir en décembre 2017. Or, à partir du moment où les schémas de cohérence territoriale seront déclinés dans les plans locaux d’urbanisme intercommunaux, les CDPENAF n’auront même plus lieu d’exister : l’ensemble des espaces à urbaniser, que ce soit pour l’habitat ou pour les zones d’activité, des espaces agricoles et forestiers et des espaces à protéger auront été définis.
L’objectif du Grenelle de l’environnement était de diminuer la pression de l’urbanisation et des infrastructures, qui amenait la disparition de l’équivalent de la superficie d’un département de terres agricoles tous les huit à dix ans. Nous avons eu une discussion sur ce sujet avec mon collègue Jérôme Bignon. Les maires auront tous les outils nécessaires à leur disposition, puisque des PLU intercommunaux sont en train d’être mis en place.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Dans l’intérêt de nos territoires et des élus, je crois vraiment que nous ne pouvons pas adopter ces amendements. Lorsque nous avons créé, avec Stéphane Le Foll, les CDPENAF dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, nous avons pris en compte la situation des territoires. Si les CDPENAF doivent émettre un avis, ce dernier ne peut en aucun cas prévaloir sur celui des élus locaux. Laissons s’exprimer l’intelligence des territoires. Que les CDPENAF émettent leur avis, comme le prévoit la loi : aux élus ensuite de prendre leurs responsabilités.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Dans les outre-mer, la CDPENAF émet un avis conforme : on ne peut pas passer outre. Par ailleurs, les schémas d’aménagement régionaux définissent des zones agricoles protégées : pour ce qui concerne ma région, 50 000 hectares sur 160 000 sont gelés. À cela s’ajoutent la loi SRU et la mise en jeu du principe dit de compensation quand on veut construire sur d’autres terrains : c’est ingérable !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 128, 360 rectifié bis, 694 rectifié bis et 1017 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 449 rectifié bis, présenté par Mme Jasmin, M. Lurel, Mme Grelet-Certenais, M. Lalande, Mme Monier, M. Marie, Mme Féret, M. Mazuir, Mme Espagnac et MM. Jacquin et Bérit-Débat, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Par dérogation à l’article L. 111-3, les constructions et installations nécessaires à la réalisation de l’opération peuvent être autorisées en dehors des parties urbanisées d’une commune d’une collectivité régies par l’article 73 de la Constitution. Si ces constructions et installations nouvelles ont pour conséquence une réduction des surfaces sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole ou si ces constructions ont pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces naturels et forestiers, l’autorisation est délivrée après accord de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement concerne le rôle de la CDPENAF dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.
La commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers a pour mission de gérer le patrimoine foncier agricole en lui redonnant sa valeur d’outil de travail, de permettre le développement et les mutations de l’agriculture, ainsi que l’installation de nouveaux agriculteurs, d’éviter le mitage des espaces agricoles, naturels et forestiers, de préserver les paysages et la biodiversité, de lutter contre l’érosion des sols et de protéger la ressource en eau et les milieux aquatiques.
Ces missions sont fondamentales pour la préservation des richesses naturelles des territoires d’outre-mer. Aussi, pour les grands projets d’envergure, il est plus prudent de renforcer, dans les régions d’outre-mer, le caractère obligatoire de l’accord de la CDPENAF, afin de préserver des écosystèmes ultramarins déjà fortement fragilisés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 449 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 3
I. – (Non modifié) Au premier alinéa de l’article L. 132-7 du code de l’urbanisme, après le mot : « habitat », sont insérés les mots : «, les opérateurs des grandes opérations d’urbanisme et des opérations d’intérêt national ainsi que » et la première occurrence du mot : « et » est supprimée ;
II. – L’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – La mise en compatibilité du schéma directeur de la région d’Île-de-France, du plan d’aménagement et de développement durable de Corse, d’un schéma d’aménagement régional, d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme ou d’un document en tenant lieu peut être réalisée dans le cadre de la procédure intégrée définie au présent article lorsqu’elle est rendue nécessaire par :
« 1° La réalisation dans une unité urbaine d’une opération d’aménagement ou d’une construction comportant principalement des logements et présentant un caractère d’intérêt général ;
« 2° La réalisation d’un projet immobilier de création ou d’extension de locaux d’activités économiques, présentant un caractère d’intérêt général en raison de son intérêt majeur pour l’activité économique locale ou nationale et au regard de l’objectif de développement durable ;
« 3° La réalisation d’une grande opération d’urbanisme, au sens de l’article L. 312-3 du présent code, présentant un caractère d’intérêt général ;
« 4° La réalisation d’une opération de revitalisation de territoire mentionnée à l’article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation. » ;
2° Le I bis est abrogé ;
3° Au II, au troisième alinéa du III, au dernier alinéa du IV et au premier alinéa du VI, les mots : « pour le logement ou de la procédure intégrée pour l’immobilier d’entreprise » sont supprimés ;
4° Au quatrième alinéa du III, les mots : « ou au I bis » sont supprimés ;
4° bis Au dernier alinéa du même III, les mots : « pour le logement ou une procédure intégrée pour l’immobilier d’entreprise » sont supprimés ;
5° Au premier alinéa du IV, les mots : « et au I bis » sont supprimés ;
6° Au dix-huitième alinéa du même IV, les mots : « pour le logement ou la procédure intégrée pour l’immobilier d’entreprise » sont supprimés.
III. – Le chapitre Ier du titre II du livre III du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Les articles L. 321-18 à L. 321-20 sont abrogés ;
2° L’article L. 321-23 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Sont ajoutés des II et III ainsi rédigés :
« II. – Dans le cadre d’une opération d’intérêt national, au sens de l’article L. 102-12, ou d’une grande opération d’urbanisme, au sens de l’article L. 312-3, les établissements publics d’aménagement peuvent, en dehors du périmètre de compétence défini par leurs statuts :
« 1° Réaliser et faire réaliser, pour le compte de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements ou d’un autre établissement public, des opérations d’aménagement et les acquisitions foncières et immobilières nécessaires à ces opérations lorsqu’ils sont titulaires d’une concession d’aménagement passée sur le fondement de la section 4 du chapitre II du titre Ier de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession ou de la section 4 du chapitre II du titre Ier de la première partie de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;
« 2° Créer des sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national définies à l’article L. 327-1 ou des sociétés d’économie mixte d’aménagement à opération unique définies à l’article L. 32-10-1 et acquérir ou céder des participations dans ces sociétés.
« Lorsqu’elle se réalise dans le cadre d’une opération d’intérêt national, l’intervention d’un établissement public d’aménagement hors de son périmètre est autorisée par arrêté des ministres chargés de l’urbanisme et du budget, après avis conforme des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre compétents en matière de plan local d’urbanisme ou de schéma de cohérence territoriale et des conseils municipaux des communes situées dans le périmètre de l’opération d’intérêt national.
« Lorsqu’elle se réalise dans le cadre d’une grande opération d’urbanisme, l’intervention d’un établissement public d’aménagement hors de son périmètre est autorisée par arrêté des ministres chargés de l’urbanisme et du budget, après avis conforme de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de la collectivité à l’initiative de la qualification de grande opération d’urbanisme ainsi que des conseils municipaux des communes situées dans le périmètre de la grande opération d’urbanisme.
« L’avis des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et des communes est réputé favorable à l’expiration d’un délai de deux mois. Il peut être assorti de prescriptions relatives aux modalités d’intervention de l’établissement public d’aménagement. Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, collectivités et communes susmentionnés peuvent conditionner leur avis favorable au respect de ces prescriptions.
« III. – Les établissements publics d’aménagement peuvent, en dehors du périmètre de compétence défini dans leurs statuts, conduire les études préalables à la formation des contrats prévus à l’article L. 312-1 et réaliser des missions de conseil et d’expertise entrant dans le cadre de leurs compétences. » ;
3° L’article L. 321-29 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Sont ajoutés des II et III ainsi rédigés :
« II. – Dans le cadre d’une opération d’intérêt national, au sens de l’article L. 102-12, ou d’une grande opération d’urbanisme, au sens de l’article L. 312-3, Grand Paris Aménagement peut, en dehors du territoire de la région d’Île-de-France :
« 1° Réaliser et faire réaliser, pour le compte de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements ou d’un autre établissement public, des opérations d’aménagement et les acquisitions foncières et immobilières nécessaires à ces opérations lorsqu’il est titulaire d’une concession d’aménagement passée sur le fondement de la section 4 du chapitre II du titre Ier de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession ou de la section 4 du chapitre II du titre Ier de la première partie de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;
« 2° Créer des sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national définies à l’article L. 327-1 ou des sociétés d’économie mixte d’aménagement à opération unique définies à l’article L. 32-10-1 et acquérir ou céder des participations dans ces sociétés.
« Lorsqu’elle se réalise dans le cadre d’une opération d’intérêt national, l’intervention de Grand Paris Aménagement hors de son périmètre est autorisée par arrêté des ministres chargés de l’urbanisme et du budget, après avis conforme des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre compétents en matière de plan local d’urbanisme ou de schéma de cohérence territoriale et des conseils municipaux des communes situées dans le périmètre de l’opération d’intérêt national.
« Lorsqu’elle se réalise dans le cadre d’une grande opération d’urbanisme, l’intervention de Grand Paris Aménagement hors de son périmètre est autorisée par arrêté des ministres chargés de l’urbanisme et du budget, après avis conforme de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de la collectivité à l’initiative de la qualification de grande opération d’urbanisme ainsi que des conseils municipaux des communes situées dans le périmètre de la grande opération d’urbanisme.
« L’avis des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et des communes est réputé favorable à l’expiration d’un délai de deux mois. Il peut être assorti de prescriptions relatives aux modalités d’intervention de Grand Paris Aménagement. Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les communes susmentionnés peuvent conditionner leur avis favorable au respect de ces prescriptions.
« III. – Grand Paris Aménagement peut, en dehors de son périmètre de compétence défini par ses statuts, conduire les études préalables à la formation des contrats prévus à l’article L. 312-1. »
III bis. – (Non modifié) Au dernier alinéa de l’article L. 123-23 du code de l’urbanisme, les mots : « pour le logement ou de la procédure intégrée pour l’immobilier d’entreprise » sont remplacés par les mots : « prévue à l’article L. 300-6-1 ».
III ter. – L’article L. 321-36-3 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « un projet stratégique et opérationnel, dans les conditions prévues aux articles L. 321-18 à L. 321-20, ainsi qu’ » sont supprimés ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Le conseil d’administration approuve le programme pluriannuel d’intervention et chacune de ses tranches annuelles, et il procède à sa révision. »
III quater. – L’article L. 324-10 du code de l’urbanisme est ainsi rétabli :
« Art. L. 324-10. – Les établissements publics fonciers locaux sont habilités à créer des filiales et à acquérir ou à céder des participations dans des sociétés, groupements ou organismes dont l’objet concourt à la réalisation de leurs missions, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.
« Les délibérations du conseil d’administration et du bureau de ces établissements publics relatives à la création de filiales et aux acquisitions ou cessions de participations sont soumises à la seule approbation du représentant de l’État dans la région. »
IV. – Le chapitre II du titre II du livre IV du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le c de l’article L. 422-2 est complété par les mots : « , sauf dans des secteurs délimités en application de l’article L. 102-14 » ;
2° Après l’article L. 422-3, il est inséré un article L. 422-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 422-3-1. – Dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3, par exception à l’article L. 422-1, l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable est le maire de Paris, le président de la métropole de Lyon ou le président d’un établissement public mentionné aux 1° ou 2° de l’article L. 312-1 à l’initiative de la grande opération d’urbanisme, lorsque cette autorité a recueilli l’avis conforme des communes concernées selon les modalités fixées à l’article L. 312-5. »
V. – (Non modifié) Après le huitième alinéa de l’article 1er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – aux ouvrages d’infrastructure situés dans le périmètre d’une opération d’intérêt national, au sens de l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme, ou d’une grande opération d’urbanisme, au sens de l’article L. 312-3 du même code ; ».
M. le président. L’amendement n° 1107, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 25, dernière phrase
Remplacer le mot :
susmentionnés
par les mots :
mentionnés aux quatrième et cinquième alinéas du présent II
II. - Alinéa 35, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, collectivités et communes mentionnés aux quatrième et cinquième alinéas du présent II peuvent conditionner leur avis favorable au respect de ces prescriptions.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision juridique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 542, présenté par M. Daunis, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 48
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 422-3-1 – Dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3, la commune dont le territoire est inclus en tout ou partie dans le périmètre de l’opération peut déléguer la compétence prévue au a de l’article L. 422-1 au maire de Paris, au président de la métropole de Lyon ou au président d’un établissement public mentionné aux 1° ou 2° de l’article L. 312-1 à l’initiative de la grande opération d’urbanisme. »
La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. Il s’agit d’un amendement de coordination et de cohérence par rapport aux positions que nous avons défendues précédemment.
Aux termes de la rédaction actuelle du texte, dans le cadre d’une GOU, la compétence en matière d’application du droit des sols est transférée de fait à l’intercommunalité ou à l’établissement public pilote de l’opération sauf si le maire s’y oppose. Par cet amendement, il s’agit simplement de conserver cette compétence de droit à la commune, celle-ci pouvant bien sûr la déléguer si elle le souhaite.
M. Dantec est favorable à la constitution de mastodontes, de mégalopoles éloignées du terrain. C’est son choix ! Pour notre part, nous ne souhaitons pas que les intercommunalités se construisent en opposition aux communes. Là où les regroupements de communes ont été imposés de force, l’intercommunalité ne fonctionne pas bien, les plaies béantes sont longues à se refermer.
Au contraire, lorsque l’intercommunalité a été construite autour d’un projet et d’une ambition collective, elle fonctionne souvent parfaitement. Les intercommunalités de projet, capables de placer le principe de subsidiarité au bon niveau de gestion, par le biais de délégations de compétences, satisfont l’intérêt général. Les relations y sont équilibrées, l’esprit positif, ce qui permet aux communes de ne jamais se sentir dépossédées. L’intelligence territoriale s’en trouve consolidée.
M. le président. Les amendements nos 780 et 963 rectifié sont identiques.
L’amendement n° 780 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 963 rectifié est présenté par MM. Menonville, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 48
Supprimer les mots :
, lorsque cette autorité a recueilli l’avis conforme des communes concernées selon les modalités fixées à l’article L. 312-5
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 780.
M. Jacques Mézard, ministre. Il s’agit de supprimer l’avis conforme des communes préalablement au transfert à l’EPCI de la compétence en matière d’application du droit des sols dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme, pour les raisons que j’ai déjà exposées précédemment.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 963 rectifié.
M. Franck Menonville. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 542. Sur le fond, il n’apporte rien au texte du projet de loi. Je le rappelle, la commission a prévu que tout transfert de compétence à l’EPCI ne peut se faire sans l’avis conforme des maires.
Sur les amendements identiques nos 780 et 963 rectifié, la commission émet également un avis défavorable, car elle est opposée au dispositif du projet de loi initial, qui représente une dépossession des maires de leurs prérogatives les plus fondamentales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 542 ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, ce qui ne vous surprendra pas, monsieur Daunis. Il s’agit en effet d’aller encore plus loin que la modification adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat, qui soumet le transfert de la compétence à un avis conforme de toutes les communes. Pour notre part, nous souhaitons revenir au dispositif initial de transfert automatique de la compétence.
Je veux bien que l’on fasse constamment le procès des intercommunalités, monsieur Daunis, mais leurs exécutifs sont composés d’élus locaux et de maires. Il s’agit d’une avancée découlant de dispositions législatives adoptées à la fin des années quatre-vingt-dix, dont la loi Chevènement, qui est aujourd’hui globalement considérée comme un progrès, puisqu’elle était fondée sur un système de transfert de compétences. L’intercommunalité n’est pas un nouveau type de collectivité, puisque, à ce jour, la Constitution ne reconnaît que trois strates : les communes, les départements et les régions.
Vous plaidez, monsieur Daunis, dans un sens qui a toujours été le vôtre à titre personnel, mais qui n’était pas celui des gouvernements en place au cours des années précédentes. En effet, l’existence d’intercommunalités que vous qualifiez de « XXL » découle très directement de la mise en œuvre de la loi NOTRe.
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. Jacques Mézard, ministre. C’est la réalité ! Quant aux EPT, les établissements publics territoriaux,…
M. Philippe Dallier. N’en parlons pas ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard, ministre. Il faudra pourtant bien en parler un jour !
Chacun a apporté sa pierre à l’édifice de la complexification de la vie des collectivités locales. Je resterai toujours convaincu de la nécessité de conserver les communes. Je me suis personnellement engagé, avec l’ensemble du Gouvernement, sur le fait que l’on ne reviendrait pas sur les réformes territoriales pour en créer de nouvelles, sauf…
M. Philippe Dallier. J’attends la suite avec impatience ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard, ministre. Attendons ! (Nouveaux sourires.) Ce qui rend les choses difficiles, c’est l’accumulation des dispositifs mis en place précédemment, y compris les EPT, même si ceux qui y siègent aujourd’hui – ou plutôt ceux qui les dirigent ! – considèrent que cette création assez originale constitue un progrès considérable. (M. Philippe Dallier rit.)
Vous dites, monsieur Daunis, qu’il faut revenir à un système antérieur. Pour ma part, j’aurais préféré que l’on s’abstienne de prendre les dispositions qui ont été prises au cours des années précédentes ! (MM. Julien Bargeton et Ronan Dantec applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. La réplique est habile, mais elle n’en est pas moins erronée ! Vous faites référence au passé et me donnez acte d’une certaine cohérence. J’aurais souhaité d’ailleurs qu’elle soit partagée par certains, mais je ferme là la parenthèse.
En l’occurrence, vous allez plus loin que les dérives que vous avez vous-même déplorées. Errare humanum est, perseverare diabolicum ! Le transfert de compétence en matière de droit des sols n’est pas obligatoire pour les EPCI – les communautés d’agglomération et les communautés de communes, je ne parle pas des métropoles. Le droit existant prévoit-il un transfert de compétence en matière de délivrance du permis de construire ? Non ! Les dérives antérieures que vous avez évoquées avec beaucoup de force ne sont pas allées jusque-là ! Mais aujourd’hui, vous nous dites qu’il faut déléguer cette compétence dès lors qu’il s’agit d’une GOU…
Je ne suis pas d’accord. Le Sénat doit être cohérent en la matière et demeurer sur ses positions. Avec le subtil accord de la commission, on nous propose de préserver l’essentiel, tout en faisant une concession fondamentale. Le transfert de la compétence de la commune en matière de droit des sols ne doit pas être automatique : nous devons tenir cette ligne de crête.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. J’ai écouté attentivement M. Daunis, mais il ne faut tout de même pas tomber dans la caricature ! Parler de grandes opérations d’urbanisme suppose qu’il existe déjà un consensus fort à l’échelle du territoire. Dans le cas contraire, aucune opération de ce type ne peut être menée. Il ne s’agit pas d’autoriser une technostructure intercommunale non mandatée par un pouvoir politique élu à décider seule ; il s’agit de faire en sorte qu’une commune ne puisse pas empêcher une opération faisant l’objet d’un consensus, le consensus n’étant pas l’unanimité. C’est en distinguant consensus et unanimité que l’on est parvenu à des accords sur la lutte contre le changement climatique.
Le Gouvernement nous propose un dispositif opérationnel pour éviter qu’une seule commune ne puisse bloquer un projet bénéfique pour l’ensemble du territoire de l’intercommunalité.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 780 et 963 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 130 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 492 rectifié est présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, MM. Antiste, Leconte et Tourenne, Mme Ghali et MM. Todeschini et Duran.
L’amendement n° 912 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 49 et 50
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 130.
M. Fabien Gay. Les enjeux liés aux opérations d’intérêt national ou aux grandes opérations d’urbanisme sont d’importance nationale. Ces opérations ont vocation à modifier fortement le paysage urbain de certains territoires.
Elles doivent donc être exemplaires de tout point de vue, qu’il s’agisse du respect des procédures de participation du public, des procédures d’urbanisme ou des règles d’attribution des marchés publics, afin d’en garantir la qualité architecturale, urbaine et environnementale.
La réalisation de tout type d’équipement public, bâtiment ou infrastructure dans leur périmètre doit donc relever des principes imposés par la loi MOP de 1985, qui fixe le cadre relatif à la maîtrise d’ouvrage publique et de ses rapports avec la maîtrise d’ouvrage privée.
Cette loi permet principalement la reconnaissance du principe de séparation juridique et fonctionnelle entre le maître d’ouvrage public, qui définit et commande, le maître d’œuvre, qui conçoit et dirige, et l’entreprise qui exécute.
Ces règles ont permis de maintenir la qualité architecturale du bâti, sa durabilité et son caractère innovant. Elles ont également servi à éviter de nombreuses malfaçons liées à la volonté du moindre coût de réalisation et, par conséquent, des surcoûts supplémentaires.
Cet équilibre doit être respecté au sein des opérations d’intérêt national et des grandes opérations d’urbanisme, sauf à vouloir des équipements publics de faible qualité, non durables et qui représenteront à terme un coût plus important pour la collectivité.
Nous proposons donc de supprimer la dérogation prévue dans cet article à la loi MOP, qui va dans le sens d’une technocratisation à outrance de l’aménagement et de la construction.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour présenter l’amendement n° 492 rectifié.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 49 et 50 du présent article, qui créent un nouveau cas de dérogation à la loi MOP.
Le projet de loi prévoit plusieurs mesures de dérogation à la loi MOP, qui aboutissent progressivement à la vider de son contenu. Ce n’est pas la bonne méthode !
La loi MOP pose les principes généraux de la maîtrise d’ouvrage publique et de ses rapports avec la maîtrise d’œuvre. La qualité et la maîtrise financière d’une opération tiennent pour une part importante à la rigueur de sa conception et du suivi du chantier par l’architecte jusqu’à la livraison.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 912 rectifié.
M. Ronan Dantec. Je partage l’inquiétude qui vient d’être exprimée par mes collègues.
La dérogation susvisée porte sur des ouvrages d’infrastructures situés dans le périmètre d’une opération d’intérêt national ou d’une grande opération d’urbanisme – autant dire que l’on ne parle pas de petites infrastructures !
Il semble donc assez logique de distinguer la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre pour ces équipements lourds, qui justifient totalement les règles prévues par la loi MOP. Je ne comprends pas bien – peut-être aurons-nous des éclaircissements sur ce point –, pourquoi le Gouvernement prend le risque d’y déroger pour des infrastructures aussi importantes et qui comportent de tels enjeux de maîtrise des coûts, d’insertion architecturale et de durabilité. Cela nous semble extrêmement dangereux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il me semble au contraire que la suppression de la dérogation à la loi MOP risque de susciter des coûts et des délais supplémentaires, et ainsi de freiner la réalisation de ces projets à forts enjeux nationaux et locaux.
Je rappelle également que, en l’état actuel du droit, des dérogations sont déjà prévues, notamment pour les ZAC et les lotissements.
La dérogation prévue à l’article 3 pour les ouvrages d’infrastructures, qui est limitée aux seules GOU, ou grandes opérations d’urbanisme et OIN, ou opérations d’intérêt national, me paraît donc nécessaire.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le projet de loi étend au périmètre des grandes opérations d’urbanisme des dispositions qui s’appliquent déjà, et depuis longtemps, aux infrastructures réalisées dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté. Il s’agit donc non pas tant d’octroyer une dérogation, que de ne pas ajouter une contrainte nouvelle par rapport au droit actuel.
En réalité, étendre aux GOU et aux OIN les dispositions visant les ZAC facilitera la réalisation d’infrastructures. C’est pour nous une mesure de simplification.
J’ajoute que cette disposition n’altérera strictement en rien la qualité urbaine, paysagère ou architecturale des projets, qui seront soumis à des exigences de préservation de l’environnement et du cadre de vie et de qualité architecturale et urbaine dans le cadre contractuel du projet partenarial d’aménagement et, le cas échéant, des traités de concession d’aménagement conclus avec les aménageurs.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Nous avions déposé un amendement similaire en commission, mais nous ne l’avons pas déposé de nouveau en séance, d’une part, par cohérence par rapport aux ZAC, et, d’autre part, parce que nous n’avons pas eu confirmation qu’il n’y avait là aucun problème juridique, source de contentieux.
Il arrive en effet que le périmètre d’un PPA, un projet partenarial d’aménagement, puis d’un GOU coïncide en partie avec celui d’une ZAC existante, sur laquelle une dérogation est possible. La mesure envisagée serait donc susceptible de créer un tel enchevêtrement qu’il nous a paru plus simple d’accorder la dérogation sur l’ensemble du périmètre.
Naturellement, ce serait sous réserve que, premièrement, comme l’a rappelé M. le ministre, le projet soit clairement arrêté dans le cadre de la contractualisation en amont, et que, deuxièmement, cela ne crée pas de difficultés dans la mise en œuvre d’opérations qui sont souvent complexes et qui, comme cela a été rappelé, nécessitent des accords de partenariat et d’implantation des différents équipements.
Au-delà des sensibilités de chacun et des préoccupations exprimées, que l’on peut du reste partager, il paraît donc plus sage de ne pas voter ces amendements identiques.
M. Victorin Lurel. Je retire l’amendement n° 492 rectifié, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 492 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 130 et 912 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 3 bis
Le II de l’article 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine est ainsi rédigé :
« II. – À titre expérimental et pour une durée de sept ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, les maîtres d’ouvrage des constructions ou des aménagements situés dans le périmètre d’une opération d’intérêt national au sens de l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme, dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3 du même code ou dans le périmètre du ou des secteurs d’intervention prévus au quatrième alinéa du I de l’article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation, et ne faisant pas l’objet d’une expérimentation au titre du I du présent article, peuvent demander à déroger aux règles opposables à leur projet à condition de démontrer que sont atteints des résultats satisfaisant aux objectifs poursuivis par les règles auxquelles il est dérogé.
« La demande de dérogation prend la forme d’une étude permettant de vérifier l’atteinte de ces résultats. Cette étude fait l’objet d’un avis, émis par un établissement public appartenant aux catégories définies par les sections 2 à 4 du chapitre Ier du titre II du livre III du code de l’urbanisme, géographiquement compétent, par l’établissement public national dénommé “Société de livraison des ouvrages olympiques” ou, à défaut, par le représentant de l’État territorialement compétent.
« L’étude et l’avis conforme de l’établissement public ou du représentant de l’État territorialement compétent sont joints à la demande de permis ou à la déclaration préalable prévue à l’article L. 423-1 du code de l’urbanisme.
« Le permis ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable tient lieu d’approbation des dérogations.
« Au terme de la période d’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant la mise en œuvre du présent II. »
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Le présent projet de loi affaiblit, remet en cause et parfois supprime des dispositions qui ont été votées à la quasi-unanimité lors de l’examen de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite « LCAP », il y a moins de deux ans.
Ce n’est pas le cas de la mesure prévue à l’article 3 bis, qui élargit la possibilité pour les permis d’innover, prévue dans la loi LCAP, de déroger à des normes à la condition que la construction aboutisse aux mêmes résultats que ce que la norme avait prévu.
Si la commission de la culture approuve cette mesure, elle sera néanmoins attentive au décret qui sera pris pour encadrer son application. Elle souhaiterait en particulier, monsieur le ministre, qu’aucune dérogation aux normes patrimoniales ne soit accordée. Il convient en effet que cette expérimentation se limite aux normes en matière de construction, notamment d’accessibilité et de sécurité.
À ce titre, je dois avouer que l’extension de l’expérimentation à des normes énergétiques et environnementales pourrait soulever des inquiétudes, compte tenu des risques que fait peser sur le patrimoine une isolation thermique extérieure, par exemple.
Il nous serait donc agréable, monsieur le ministre, que vous nous précisiez d’ores et déjà le type de normes qui seront concernées, dans le cadre du décret à venir, par la mesure que nous allons voter.
M. le président. L’amendement n° 1110, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
au quatrième alinéa du I
par les mots :
au cinquième alinéa du I bis
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 611, présenté par M. Lurel, Mme S. Robert, MM. Daunis et Iacovelli, Mme Guillemot, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey et Lienemann, MM. P. Joly, Jomier et Kerrouche, Mmes Lubin et Monier, MM. Roger et Sueur, Mme Taillé-Polian, M. Temal, Mme Tocqueville, MM. Tourenne, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État fixe les règles qui peuvent faire l’objet de cette expérimentation ainsi que les résultats à atteindre qui s’y substituent. Il détermine également les conditions dans lesquelles l’atteinte de ces résultats est contrôlée tout au long de l’élaboration du projet de construction et de sa réalisation.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Le présent amendement a pour objet de garantir une égalité de traitement entre les OIN et les GOU.
Il vise à renvoyer à un décret pris en Conseil d’État la détermination des règles pouvant faire l’objet de l’expérimentation et des conditions dans lesquelles l’atteinte des résultats est contrôlée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Le dispositif du permis d’innover est déjà très encadré, puisque le permis délivré par le maire ou le préfet identifie précisément les règles auxquelles il est dérogé. Le projet de loi prévoit que ces dérogations font l’objet d’une étude de faisabilité et de résultats validée par l’établissement public d’aménagement ou par le préfet.
La loi et l’autorité administrative encadrent déjà fortement ce dispositif, tout en permettant aux maîtres d’ouvrage de proposer et de justifier eux-mêmes les dérogations demandées. Il n’est pas judicieux de les encadrer davantage par décret.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis, modifié.
(L’article 3 bis est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
I. – Au deuxième alinéa du 1° du I de l’article L. 123-2 du code de l’environnement, les mots : « création d’une » sont supprimés.
II. – Après le 28° de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un 29° ainsi rédigé :
« 29° D’ouvrir et d’organiser la participation du public par voie électronique prévue au I de l’article L. 123-19 du code de l’environnement. »
M. le président. L’amendement n° 131, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Nous sommes toujours extrêmement méfiants lorsqu’il s’agit, sous couvert d’efficacité et de simplification, d’alléger les procédures d’urbanisme et de participation du public.
Nous sommes donc hostiles à ce que s’applique aux opérations d’aménagement faisant l’objet d’une zone d’aménagement concerté une procédure de participation du public dérogatoire au droit commun, qui fasse l’impasse sur une enquête publique en bonne et due forme.
Nous sommes également opposés à ce que l’ouverture et l’organisation de la participation du public par voie de participation électronique fassent partie des compétences que le maire peut exercer par délégation du conseil municipal.
Cela n’a l’air de rien, mais, de loi en loi, on rabote la participation du public au nom de l’efficacité et de la rapidité. Nous considérons, bien au contraire, qu’il s’agit d’un temps utile et nécessaire, celui de la démocratie, pour améliorer les projets et construire leur acceptabilité, et donc leur efficacité.
C’est pourquoi nous demandons la suppression du présent article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Le présent article ne crée pas de nouvelle dispense au profit des ZAC. Il précise simplement que la participation du public par voie électronique s’applique aussi bien au stade de la création que de la réalisation. Les garanties quant à l’information et à la participation du public nous semblent être pleinement maintenues.
Par ailleurs, le présent article opère une simplification judicieuse de l’organisation de ladite participation en permettant au maire de l’organiser directement, plutôt que de solliciter une délibération du conseil municipal qui rallonge les délais.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le présent article permet de simplifier les choses et de lever certaines ambiguïtés du droit actuel. Il n’y a, à mon avis, aucune inquiétude à avoir.
Le Gouvernement émet donc, lui aussi, un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. L’argument de la simplification est donné chaque fois que l’on parle de passage à la voie électronique.
Permettez-moi de vous interpeller, monsieur le ministre, sur le cas de toutes les communes qui n’ont toujours pas accès à internet, ou qui, du fait de l’organisation des opérateurs, sont parfois privées de tout accès à internet pendant quinze jours ou trois semaines.
Je me permets de faire cette digression, car le problème va bien au-delà de la question du mode de consultation du public. Je pense que, comme moi, vous connaissez certaines de ces communes qui, soudain, se trouvent isolées pendant quinze jours, laissant les maires dans l’incapacité d’assurer les démarches dématérialisées, et la population, notamment les artisans locaux, dans l’impossibilité de répondre aux demandes qui leur sont adressées.
Au travers de cet amendement, nous attirons votre attention sur le fait qu’il n’est pas possible, au nom de la simplification, de dématérialiser toutes les démarches.
Bien sûr, je ne suggère pas d’en revenir au nuage de fumée pour communiquer (Sourires.) – j’anticipe les caricatures que l’on pourrait me renvoyer ! –, mais je crois qu’il faut faire attention : avoir l’ambition du développement du numérique et de l’accès à tous peut effectivement contribuer à simplifier les démarches, mais s’enfermer dans ce mode de communication peut au contraire créer de véritables casse-tête au quotidien, y compris pour faire fonctionner nos collectivités et notre pays.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Dallier. Il va émettre un nuage de fumée ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Mézard, ministre. En matière d’écran de fumée, il existe des spécialistes !
Comme vous le savez, madame Cukierman, ces sujets sont très présents dans l’action que je mène.
Étant issu d’un territoire où la desserte internet est particulièrement difficile, je suis préoccupé par ces problèmes, à tel point d’ailleurs que, lorsque j’étais sur ces travées, nous avons fait voter un amendement visant à permettre que la version papier du Journal officiel continue à être diffusée partout où il n’aurait pu l’être sous une autre forme. Je suis donc attentif à ce problème.
Il est toutefois indispensable d’engager le processus de dématérialisation, car celui-ci sera extrêmement utile en matière de droit de l’urbanisme et du droit des sols. Je rappelle que nous l’avons d’ailleurs déjà engagé et que, dans les territoires ruraux, la quasi-totalité des difficultés relatives à la télédéclaration pour la politique agricole commune ont été résolues. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je suis d’accord pour simplifier et trouver les moyens de confier certaines tâches à d’autres que l’administration, mais à la condition que cela aboutisse in fine à une réduction de la masse salariale de l’État.
Je ne vois pas l’intérêt de la réforme de la retenue à la source, par laquelle on va prendre 1,3 milliard d’euros dans la poche des entreprises, si elle ne permet pas de réduire la voilure en diminuant le nombre de personnes qui sont embauchées dans les services fiscaux ou les services de l’État.
Il me semble que nous avons beaucoup de leçons à prendre en termes de gestion du personnel de l’État.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Les précédents gouvernements ont supprimé beaucoup de personnels dans les services fiscaux de notre pays. Or il y a énormément de fraudes en France, en particulier à Paris, où quantité d’immeubles appartenant à des Français ou à des étrangers sont loués au noir.
Les agents des services fiscaux que je rencontre dans toute la France depuis des années m’expliquent qu’ils ne sont pas assez nombreux et qu’ils ne peuvent donc contrôler efficacement. Si l’on embauchait un peu plus dans les services fiscaux, on récupérerait de l’argent qui permettrait de financer ces personnels. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous savez comme moi qu’il y a une fraude incroyable, dans l’immobilier comme dans les autres secteurs. Embauchons et contrôlons ! Ainsi nous récupérerons les fonds permettant de payer les fonctionnaires.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article 4 bis
Le septième alinéa de l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° (nouveau) Après les mots : « du code de l’urbanisme », sont insérés les mots : « , les projets ayant fait l’objet d’une concertation au titre de l’article L. 300-2 du même code, organisée dans le respect des droits mentionnés aux 1°, 3° et 4° du II de l’article L. 120-1 du présent code, ainsi que » ;
2° (nouveau) La seconde occurrence du mot : « et » est supprimée. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 4 bis
M. le président. L’amendement n° 1040 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Guillaume, Mme Guillotin et MM. Léonhardt, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 4 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« 1° Les procédures d’élaboration ou d’évolution des documents d’urbanisme suivantes :
« a) L’élaboration et la révision du schéma de cohérence territoriale et du plan local d’urbanisme ;
« b) La mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale et du plan local d’urbanisme soumise à évaluation environnementale ;
« c) L’élaboration et la révision de la carte communale soumise à évaluation environnementale ; ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Aux termes de l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme, les procédures d’élaboration et de révision du schéma de cohérence territoriale et du plan local d’urbanisme sont soumises à une concertation obligatoire.
Selon l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement, ces procédures ne relèvent pas du dispositif de concertation préalable du code de l’urbanisme, reposant notamment sur l’exercice du droit d’initiative.
En revanche, les procédures de mise en compatibilité du SCOT et du PLU, ainsi que l’élaboration et la révision des cartes communales entrent bien dans le champ de la concertation préalable du code de l’environnement, dès lors qu’elles sont soumises à une évaluation environnementale.
Ce double régime est source de complexité et d’insécurité juridique pour les collectivités territoriales. Le présent amendement vise donc à soumettre ces deux dernières procédures à la concertation obligatoire prévue par l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme.
Ses auteurs visent ainsi un double objectif : la simplification du régime de participation du public applicable aux documents d’urbanisme et l’organisation d’une concertation préalable de façon systématique en cas d’incidences environnementales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Si cette mesure est présentée comme une démarche de rationalisation et de simplification, elle soustrait de facto ces procédures à la concertation au titre du code de l’environnement auxquelles elles sont soumises aujourd’hui.
Or la concertation au titre du code de l’environnement offre notamment des possibilités plus larges d’initiative du public. La commission des affaires économiques n’est pas favorable à de nouveaux allègements des modalités de concertation.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. Didier Guillaume. C’est dommage !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Sido. Ce n’est pas étonnant, compte tenu des auteurs de cet amendement !
M. Jacques Mézard, ministre. Ce n’est pourtant pas toujours le cas, monsieur le sénateur, contrairement à certaines situations que l’on a pu vivre dans cet hémicycle.
Actuellement, le code de l’urbanisme soumet à une concertation obligatoire les élaborations et révisions des SCOT et PLU, alors que les autres procédures d’évolution des SCOT et des PLU relèvent de la concertation du code de l’environnement. Certains jugent peut-être que cette distinction est simple et de bon goût, mais il me semble qu’il serait opportun que toutes les procédures relatives aux mêmes documents relèvent du même code.
M. Didier Guillaume. C’est logique !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1040 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas passé loin ! (Sourires.)
Article 4 ter
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de prise en compte des conclusions de cette étude de faisabilité dans l’étude d’impact prévue à l’article L. 122-3 du code de l’environnement. » – (Adopté.)
Article 5
I A. – Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° La section 3 du chapitre Ier du titre V du livre Ier est complétée par des articles L. 151-7-1 et L. 151-7-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 151-7-1. – Outre les dispositions prévues à l’article L. 151-7, dans les zones d’aménagement concerté, les orientations d’aménagement et de programmation peuvent :
« 1° Définir la localisation et les caractéristiques des espaces publics à conserver, à modifier ou à créer ;
« 2° Définir la localisation prévue pour les principaux ouvrages publics, les installations d’intérêt général et les espaces verts.
« Art. L. 151-7-2. – Lorsque l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou la commune est compétent en matière de plan local d’urbanisme et pour approuver le dossier de création de la zone d’aménagement concerté, la délibération d’approbation du plan local d’urbanisme contenant des orientations d’aménagement et de programmation peut valoir acte de création de la zone d’aménagement concerté, selon des conditions définies par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article L. 153-31 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Soit de créer des orientations d’aménagement et de programmation de secteur d’aménagement valant création d’une zone d’aménagement concerté. » ;
3° L’article L. 153-34 est ainsi rédigé :
« Art. L. 153-34. – Dans le cadre de la révision du plan local d’urbanisme, le projet de révision arrêté fait l’objet d’un examen conjoint de l’État, de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune, et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 lorsque, sans qu’il soit porté atteinte aux orientations définies par le plan d’aménagement et de développement durables :
« 1° La révision a uniquement pour objet de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière ;
« 2° La révision a uniquement pour objet de réduire une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels ;
« 3° La révision a uniquement pour objet de créer des orientations d’aménagement et de programmation valant création d’une zone d’aménagement concerté ;
« 4° La révision est de nature à induire de graves risques de nuisance.
« Le maire de la ou des communes intéressées par la révision est invité à participer à cet examen conjoint. » ;
4° Le deuxième alinéa de l’article L. 311-1 est complété par les mots : « ou dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, en application de l’article L. 151-7-2 ».
I B. – (Non modifié) L’article L. 311-2 du code l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-2. – À compter de la publication de l’acte créant une zone d’aménagement concerté :
« 1° Les propriétaires des terrains compris dans cette zone peuvent mettre en demeure la collectivité publique ou l’établissement public qui a pris l’initiative de la création de la zone de procéder à l’acquisition de leur terrain, dans les conditions et délais prévus à l’article L. 230-1 ;
« 2° Lorsque des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreux l’aménagement et l’équipement de la zone, le sursis à statuer peut être prononcé dans les conditions définies à l’article L. 424-1. »
I C. – (Non modifié) Le 3° de l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme est complété par les mots : « , sauf pour les zones d’aménagement concerté pour lesquelles l’article L. 311-2 prévoit qu’il peut être sursis à statuer à compter de la publication de l’acte créant la zone d’aménagement concerté ».
I. – L’article L. 311-4 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° À la première phrase du dernier alinéa, après le mot : « constructeur », sont insérés les mots : « , signée par l’aménageur, » ;
1° bis (nouveau) À la même première phrase, après le mot : « intercommunale », sont insérés les mots : « compétent pour créer la zone d’aménagement concerté » ;
1° ter (nouveau) À la même première phrase, le mot : « celui-ci » est remplacé par les mots : « le constructeur » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La participation aux coûts d’équipement de la zone peut être versée directement à l’aménageur ou à la personne publique qui a pris l’initiative de la création de la zone si la convention conclue avec le constructeur le prévoit. »
II. – (Supprimé)
III. – (Non modifié) Après le huitième alinéa de l’article 1er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – aux ouvrages de bâtiment dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le concessionnaire d’une opération d’aménagement mentionnée à l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme ; ».
IV. – (Non modifié) Le II de l’article L. 122-1 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’autorité environnementale décide de soumettre un projet à évaluation environnementale après examen au cas par cas, la décision précise les objectifs spécifiques poursuivis par la réalisation de l’évaluation environnementale du projet. »
V. – (Non modifié) Le II de l’article L. 122-4 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’autorité environnementale décide de soumettre un plan ou programme à évaluation environnementale après examen au cas par cas, la décision précise les objectifs spécifiques poursuivis par la réalisation de l’évaluation environnementale du plan ou programme. »
VI. – (Non modifié) Le deuxième alinéa de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est complété par les mots : « ou, lorsque le bien est situé à l’intérieur du périmètre d’une zone d’aménagement concerté mentionnée à l’article L. 311-1 du code de l’urbanisme, à la date de publication de l’acte créant la zone, si elle est antérieure d’au moins un an à la date d’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique ».
VII (nouveau). – Le deuxième alinéa de l’article L. 311-6 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Lorsque le cahier des charges a été approuvé par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale, dans le cas où la création de la zone relève de la compétence du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale, ou par le préfet dans les autres cas, et après qu’il ait fait l’objet de mesures de publicité définies par décret, celles de ses dispositions qui indiquent le nombre de mètres carrés de surface de plancher dont la construction est autorisée sur la parcelle cédée, ou qui le cas échéant fixent des prescriptions techniques, urbanistiques et architecturales, sont opposables aux demandes d’autorisation d’urbanisme. »
VIII (nouveau). – Au second alinéa de l’article L. 311-5 du code de l’urbanisme, les mots : « le dernier » sont remplacés par les mots : « l’avant-dernier ».
IX (nouveau). – Au vingtième alinéa de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, les mots : « le quatrième » sont remplacés par les mots : « l’avant-dernier ».
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Le présent article ambitionne de simplifier un certain nombre de dispositions relatives aux zones d’aménagement concerté et aux concessions d’aménagement.
Si certaines de ces mesures ne présentent pas de difficulté particulière, ce premier coup de canif porté à la loi MOP nous inquiète grandement.
Ainsi, c’est un autre outil à la disposition des communes, à savoir les concessions d’aménagement, qui pourrait ne plus relever demain du code des marchés publics et du champ d’application de la maîtrise d’ouvrage publique.
Les exceptions à la loi MOP sont très rares et doivent le rester. Si elle mérite sans doute quelques aménagements, notamment pour une meilleure prise en compte de la performance énergétique des bâtiments, cette loi satisfait l’ensemble des acteurs du secteur et doit demeurer la colonne vertébrale de la commande publique et de la construction dans notre pays.
En effet, les garanties qu’apporte la loi MOP concernant le séquençage exigeant de la maîtrise d’œuvre sont un gage de qualité et de sécurité. La répartition par lots sous la supervision d’une équipe de maîtrise d’œuvre est également essentielle pour la vitalité de nos territoires. Elle permet à tous nos artisans locaux – peintres, électriciens, plombiers, maçons… –, de bénéficier de la commande publique et de pouvoir compter sur une activité pérenne.
Chaque fois que l’on contourne la loi MOP par des dispositifs de type conception-réalisation, l’on privilégie les grands groupes au détriment des TPE de nos territoires. La loi MOP doit être protégée, car elle offre un double gage de qualité et de vitalité.
En cohérence avec la volonté partagée au sein de cette assemblée de défendre nos territoires, je ne doute pas que nous trouverons un large consensus pour refuser ce contournement de la loi MOP.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, sur l’article.
Mme Dominique Vérien. Le présent article, comme bien d’autres de ce projet de loi, tend à revenir sur la loi MOP – on se demande bien pourquoi…
Après en avoir discuté avec des architectes et avoir quelque peu expérimenté le sujet, si l’exception me semble justifiée pour les infrastructures, il ne me semble pas possible de se passer d’un concepteur pour les bâtiments.
J’ai donc déposé un amendement visant à rétablir sur ce point la loi MOP, c’est-à-dire à ne pas autoriser de dérogations, mais j’ai également déposé un amendement de repli, que je voudrais présenter, car j’ai peur qu’il devienne sans objet avant même d’être défendu. Ce dernier vise donc à proposer une mission allégée de l’architecte qui préserve toutes ses compétences dans la phase de conception.
Le présent article vise tout de même des concessions d’aménagement et de grands ensembles, des quartiers que nous allons construire – espérons-le ! – pour quelques centaines d’années, et non de simples bâtiments pour lesquels il peut être envisageable de gagner du temps.
L’idée est donc d’introduire dans la loi MOP une mission allégée de concepteur, de manière à préserver la phase de conception tout en permettant aux concessionnaires de gagner du temps et de l’argent sur les phases de suivi et de direction d’exécution des travaux. Les concessionnaires peuvent disposer de personnes compétentes pour le faire, et il me semble que les architectes pourront l’entendre, mais ce serait une grave erreur de se passer de concepteurs.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. C’est à mon tour d’évoquer les dérogations à loi MOP – je ne l’ai pas fait sur l’article 3, à cause des ZAC qui existent en la matière, mais je le fais sur le présent article et je le ferai sans doute sur l’article 28, car cette question peut nous amener à prendre des décisions irrémédiables.
Nous savons aujourd’hui combien la loi MOP dessine un cadre très précis et permet de clarifier les missions des intervenants.
La construction et la commande publiques ont évolué ces dernières décennies, sous l’influence de la législation européenne. Certes, cette loi aurait sans doute nécessité d’être actualisée pour fluidifier les liens entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre, simplifier des procédures ou s’adapter aux enjeux modernes que constituent la protection de l’environnement et la maîtrise énergétique.
Ce que nous trouvons dommage, c’est que le Gouvernement ait préféré suivre une autre voie en la « détricotant » méthodiquement. Au lieu de la réformer en profondeur, ce qui aurait évidemment impliqué de conduire une réflexion, voire une concertation avec l’ensemble des acteurs du secteur – cela n’a pas été le cas –, il a fait le choix de la précipitation, en multipliant les dérogations.
Une telle méthode porte atteinte à la clarté et à l’intelligibilité de la loi, qui sont des objectifs à valeur constitutionnelle, et elle ne va pas dans le sens d’une plus grande sécurité juridique, finalité partagée par les maîtres d’œuvre et les maîtres d’ouvrage, eu égard aux lourdes problématiques que soulèvent les contentieux.
La preuve que la loi MOP constitue un frein au bien construire n’a, me semble-t-il, pas été pleinement apportée. En revanche, cette loi présente des garanties procédurales très importantes.
Surtout, l’ampleur de ces exclusions du champ de la loi MOP apparaît excessive. Un grand nombre de bâtiments publics, qu’il s’agisse d’écoles, de gymnases ou de logements, peuvent être concernés, alors que la loi apporte de précieux garde-fous et garanties. En plus, comme cela a été souligné, les exemptions fragiliseront l’écosystème sur lequel repose la loi de 1985 ; les TPE, les PME et les artisans seront singulièrement touchés.
M. Martial Bourquin. Très juste !
Mme Sylvie Robert. J’ignore si le présent projet de loi permettra de construire plus vite et moins cher. Mais je ne pense pas que l’on puisse construire mieux avec de telles dispositions !
M. Roland Courteau. Excellent !
M. Martial Bourquin. Très bonne intervention !
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, sur l’article.
Mme Marta de Cidrac. Je rejoins totalement mes collègues Guillaume Gontard, Dominique Vérien et Sylvie Robert. En l’occurrence, le sujet est bien celui de l’aménagement de nos territoires.
Ce serait vraiment une erreur de détricoter la loi MOP, qui a déjà fait ses preuves dans nos territoires. Les différents élus s’en sont emparés ; ils la maîtrisent parfaitement, y compris dans des collectivités élargies. Ayons conscience de l’intérêt de cette loi.
J’insiste également sur les conséquences d’une telle mesure sur l’emploi dans nos territoires ; les TPE du bâtiment vont être particulièrement touchées. Je suis architecte. C’est grâce à la loi MOP que j’ai obtenu mes premiers marchés publics. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Il y a conflit d’intérêts !
Mme Marta de Cidrac. Je vous le confirme, cette loi est une chance pour ces petites structures que sont les cabinets d’architecture.
Il faut donc éviter les dérogations prévues à l’article 5 du projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, sur l’article.
Mme Sonia de la Provôté. Je partage ce qui a été dit s’agissant des conséquences potentielles d’une suppression de la loi MOP sur l’économie locale. Les entreprises concernées ont besoin d’être accompagnées.
Puisque la loi MOP suscite des interrogations, analysons finement si elle est source de lenteurs, lourdeurs ou surcoûts avec finesse, au lieu de multiplier les dérogations, comme si on voulait la vider de sa substance avant même d’en avoir démontré l’inutilité ! Posons-nous plutôt la question de son bilan et essayons d’apporter des éléments de simplification ou d’agilité. Mais ne la détricotons de manière systématique ; c’est totalement pervers au regard de l’objectif de qualité que nous souhaitons préserver dans nos collectivités !
M. le président. L’amendement n° 1039 rectifié, présenté par MM. Menonville, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gold, Guérini et Guillaume, Mme Guillotin et MM. Léonhardt, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 103-5 du code l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’en application du 2° de l’article L. 103-2, la concertation a porté sur les constructions et sur les équipements publics à édifier dans la zone et entrant dans le champ d’application des dispositions prévues au 2° de l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement, celles-ci ne leur sont pas applicables. »
La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. La création d’une zone d’aménagement concerté, ou ZAC, fait l’objet d’une concertation préalable du public au titre de l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme.
Or les projets réalisés dans le cadre d’une ZAC sont corrélativement exemptés de la concertation préalable prévue à l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement.
Pour autant, d’après le droit en vigueur, les projets qui constituent des composantes de la ZAC pourraient sembler soumis individuellement à une concertation préalable au titre de l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement s’ils en remplissent les conditions. Or une telle concertation partielle ne se justifie pas si ces projets étaient prévus et suffisamment détaillés lors de la concertation de la création de la zone.
Afin de conforter la notion de projet d’ensemble et de rendre les dispositifs de participation du public plus efficients pour les citoyens et les collectivités porteuses de ces projets, le présent amendement vise à prévoir les projets composant d’une ZAC en amont, en rassemblant les concertations préalables de ces projets composantes sous le « chapeau » de la participation du public prévue pour le projet d’ensemble mené sous forme de ZAC.
Cependant, il convient de préciser que les projets composant la ZAC, non intégrés lors de la concertation de la ZAC, demeurent soumis à la concertation prévue à l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je suis réservée sur cet amendement : dispenser de concertation au titre du code de l’environnement un projet n’ayant fait l’objet que d’une concertation au titre du code de l’urbanisme à un stade encore embryonnaire ne me paraît pas satisfaisant, même si vous ne mettez en avant que des mesures de simplification.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Il est proposé d’articuler les régimes de concertation préalable d’un projet mené en ZAC et les éléments qui le composent.
Quelle est la situation actuelle ? La procédure de création d’une ZAC dans le cadre d’un projet d’aménagement est soumise à une concertation préalable obligatoire au titre du code de l’urbanisme. Elle est exemptée de concertation préalable au titre du code de l’environnement.
Dans la mesure où nous voulons simplifier le système, il me paraît peu cohérent d’adopter des dispositions relevant de deux codes différents, alors que la logique est de regrouper !
Une telle absence de coordination entre les deux codes pour un même projet d’aménagement d’ensemble me paraît peu optimale. Elle nuit à la compréhension du projet, tant par le public que par les élus locaux.
Le dispositif proposé par les auteurs de cet amendement permet qu’un projet d’ensemble soit soumis à une seule concertation préalable obligatoire en amont au moment de la concertation sur création de la ZAC. Je ne vois pas l’intérêt d’avoir deux concertations relevant de deux codes différents pour un même objectif de création d’une même ZAC !
M. Didier Guillaume. C’est le bon sens !
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet excellent amendement, présenté par votre excellent collègue Franck Menonville. (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 64 rectifié bis est présenté par MM. Houpert et Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. Cuypers, de Nicolaÿ, Guerriau, Longeot, Morisset, B. Fournier et Laménie.
L’amendement n° 987 est présenté par M. Courteau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 23 et 24
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Alain Houpert, pour présenter l’amendement n° 64 rectifié bis.
M. Alain Houpert. Cet amendement vise à garantir la qualité des bâtiments publics dans les opérations d’aménagement concédées. Ce sont des opérations d’envergure, dont les enjeux sont importants.
Les bâtiments publics à réaliser doivent relever des principes de la loi MOP, qui impose une démarche qualitative tant aux maîtres d’ouvrage publics qu’aux prestataires privés.
La suppression de cette dérogation permet de garantir que le concessionnaire d’une opération d’aménagement reste soumis aux mêmes règles de la commande publique que le mandataire MOP. Cela évite tout contournement du principe de gestion maîtrisée de l’argent public.
Je rejoins notre collègue architecte : l’architecte est un traducteur, qui est à l’écoute du conseil municipal ou de la collectivité. Faire une exception pour les opérations concédées, c’est ouvrir la porte aux grosses sociétés, qui ne sont pas dans l’écoute et qui sont, souvent, à l’origine de contentieux.
La majorité gouvernementale souhaite supprimer l’intervention des architectes dans les opérations des projets d’envergure. Nos grands architectes iront embellir d’autres pays que la France ! Sans architecte, nous n’aurions eu ni Beaubourg, ni la Grande-Motte, ni la pyramide du Louvre ! (Exclamations.)
M. Bruno Sido. On aurait pu s’en passer… (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Houpert. Sans nouveaux rêves, la France sera le pays d’un patrimoine sans avenir !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 987.
M. Roland Courteau. La réalisation de tout type d’équipements, bâtiment ou infrastructure, dans leur périmètre doit relever des principes de la loi MOP, qui impose une démarche qualitative tant aux maîtres d’ouvrage publics qu’aux prestataires privés, les objectifs étant l’intérêt général et la protection des usagers finaux.
Les alinéas 23 et 24 de l’article 5 créent un nouveau cas de dérogation à la loi MOP. Ils permettent à l’aménageur de réaliser des bâtiments publics, comme des écoles ou des gymnases, avec des fonds publics, sans être soumis aux règles posées par la loi MOP.
Avec ces nouvelles dispositions, les bâtiments publics situés dans le périmètre d’une opération d’aménagement ne seront plus tenus de respecter les règles de passation des marchés publics. La qualité architecturale des constructions sera laissée au bon vouloir de l’aménageur, ce dernier n’étant tenu qu’à une obligation de surface de construction à produire.
La contrainte administrative liée à l’organisation des procédures MOP pourrait être bientôt jugée insurmontable par les communes moyennes, au regard de la simplicité d’une convention d’aménagement.
Pourtant, la qualité de nos villes, leur lisibilité, le sentiment de bien-être qui y règne sont conditionnés par la différentiation des fonctions et la variété des espaces. La construction pertinente de la ville ne peut pas se limiter à la réalisation des voiries et des réseaux. Or, je le rappelle, la qualité des constructions publiques est le premier vecteur de réussite d’un nouveau quartier ou d’une rénovation urbaine.
La suppression de cette dérogation permet de garantir que le concessionnaire d’une opération d’aménagement reste soumis aux mêmes règles de la commande publique que le mandataire MOP, évitant ainsi tout contournement du principe de gestion maîtrisée de l’argent public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Les auteurs de ces amendements identiques visaient très certainement les alinéas 29 et 30, qui instaurent une dérogation à la loi MOP. Or, dans les deux amendements, il est fait référence aux alinéas 23 et 24, qui concernent les conventions de participation financière de zone d’aménagement concerté.
J’aurai l’occasion de m’exprimer sur le fond lors de la discussion des prochains amendements. En attendant, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques, pour des raisons de forme.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement partage les observations de Mme la rapporteur. Alors que l’exposé des motifs de ces amendements fait référence à la loi MOP, il est proposé de supprimer les dispositions du projet de loi rendant plus opérationnelle la convention de participation des constructeurs au financement des équipements publics en ZAC. Les deux amendements ne se réfèrent donc pas au bon texte.
M. Roland Courteau. C’est une erreur !
M. Jacques Mézard, ministre. Je répondrai sur le fond en donnant l’avis du Gouvernement sur les différents amendements portant sur la loi MOP.
Je ne suis pas architecte, mais j’ai beaucoup fait appel aux architectes dans mes fonctions de président d’exécutif local. Je rappelle très clairement au Sénat qu’il ne s’agit aucunement de supprimer le recours aux architectes. Dans ma vie précédente, j’ai pu constater que les avocats étaient beaucoup moins forts pour se défendre que les architectes… (Sourires.)
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Il y a effectivement une erreur dans mon amendement. J’en avais été avisé ce matin ; je pensais que le nécessaire avait été fait. Apparemment, cela n’a pas été le cas.
Je souhaite donc rectifier mon amendement, afin de proposer la suppression des alinéas 29 et 30 de l’article.
M. le président. Monsieur Houpert, souhaitez-vous rectifier votre amendement dans le même sens ?
M. Alain Houpert. Oui, monsieur le président.
M. le président. Il s’agit donc des amendements nos 64 rectifié ter et 987 rectifié.
L’amendement n° 64 rectifié ter est présenté par MM. Houpert et Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. Cuypers, de Nicolaÿ, Guerriau, Longeot, Morisset, B. Fournier et Laménie.
L’amendement n° 987 rectifié est présenté par M. Courteau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 29 et 30
Supprimer ces alinéas.
Ainsi rédigés, ces deux amendements deviennent identiques aux neuf premiers des dix amendements en discussion commune que nous allons examiner.
L’amendement n° 132 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 314 est présenté par Mme Vérien.
L’amendement n° 390 est présenté par M. Leleux, au nom de la commission de la culture.
L’amendement n° 470 rectifié bis est présenté par Mmes Férat, Morin-Desailly, Gatel et de la Provôté, MM. Détraigne et Longeot, Mme Vullien, MM. Lafon, Janssens et Bonnecarrère, Mmes Billon et Létard et M. Delcros.
L’amendement n° 543 rectifié est présenté par Mme S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, MM. Sueur, Lurel et Daunis, Mme Guillemot, M. Iacovelli, Mmes M. Filleul, Bonnefoy, Lubin et Jasmin, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 705 rectifié ter est présenté par Mme de Cidrac, M. B. Fournier, Mmes Micouleau et L. Darcos, MM. Milon, de Nicolaÿ, Houpert, Schmitz et Laugier, Mmes Boulay-Espéronnier, Bories, Lassarade, Lanfranchi Dorgal et F. Gerbaud et M. Gilles.
L’amendement n° 754 rectifié ter est présenté par MM. Fouché et Guerriau, Mme Procaccia, M. Reichardt, Mme Lopez et MM. Perrin et Chasseing.
L’amendement n° 873 rectifié bis est présenté par M. Gremillet, Mmes Deromedi et Eustache-Brinio, M. Pillet, Mmes Thomas, Chain-Larché et Imbert, MM. Longuet, Rapin, Cuypers, D. Laurent et Lefèvre, Mme Garriaud-Maylam, MM. Revet et Charon et Mme Deroche.
L’amendement n° 913 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini.
Ces neuf amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 29 et 30
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 132.
Mme Cécile Cukierman. Sous couvert d’ambiguïté juridique dans le régime actuel, le présent article crée un nouveau cas de dérogation à la loi MOP, permettant à l’aménageur qui passe par la voie d’une concession d’aménagement de réaliser des bâtiments publics avec des fonds publics sans être soumis aux règles posées par la loi MOP. Tout est bon pour déroger à la loi de 1985, loi pourtant fondatrice en matière de règles de commande publique !
Une telle situation nous semble particulièrement problématique. Il s’agit bien de deniers publics : des règles particulières pour en garantir le bon usage se justifient donc.
Nous estimons que les concessions d’aménagement doivent continuer de relever de la loi MOP. L’argent public est denrée suffisamment rare aujourd’hui. Il faut l’utiliser avec précaution et à bon escient ; on ne cesse de nous le répéter…
Le respect de la loi MOP impose une démarche de qualité tant aux maîtres d’ouvrage publics qu’aux prestataires privés, l’objectif étant bien l’intérêt général. Dédouaner les collectivités du respect de cette loi MOP ouvre la voie à un changement drastique des règles de construction, de l’exigence de qualité du bâti, de la durabilité des matériaux… Cela rend aussi l’accès plus difficile aux petites et moyennes entreprises de nos territoires ; les grands groupes sont privilégiés de fait.
En période de disette budgétaire et de difficultés très importantes pour les collectivités territoriales, soustraire une telle obligation, c’est ouvrir la boîte de Pandore du low cost en matière de construction.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 314.
Mme Dominique Vérien. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 390.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement vise à supprimer la disposition du projet de loi qui exclut du champ de la loi MOP tous les ouvrages ou bâtiments réalisés par des aménageurs intervenant dans le cadre d’une concession d’aménagement.
Il y a vraiment une ambiguïté juridique dans ces alinéas ! Comme vous le savez, monsieur le ministre, un maître d’ouvrage public peut procéder soit en régie directe pour faire son opération d’aménagement, soit par mandat, soit par concession. Mais il est prévu que le concessionnaire puisse être privé ou public. Cette disposition s’applique à tous les concessionnaires, qu’ils soient publics ou privés. Rien ne justifie qu’un aménageur public logiquement soumis aux dispositions de la loi en tant que maître d’ouvrage public n’y soit plus soumis.
Les aménageurs privés ne sont déjà pas soumis aux dispositions de la loi MOP lorsqu’ils interviennent dans le cadre d’une concession d’aménagement ; le recours à ce type de contrat se traduit par un transfert de la maîtrise d’ouvrage de la collectivité territoriale vers l’aménageur.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, la commission de la culture vous propose de supprimer les alinéas 29 et 30 de l’article 5.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 470 rectifié bis.
Mme Françoise Férat. Pourquoi une telle dérogation ? Il est prévu qu’elle s’applique sur l’ensemble du territoire en l’absence de circonstances ou de zones déterminées à la réalisation de tous les ouvrages de bâtiments réalisés dans le cadre d’un contrat de concession d’aménagement. Un grand nombre de bâtiments publics pourraient ainsi être concernés. Les garanties sur la qualité des constructions seraient alors moindres. Je vous laisse imaginer les conséquences.
Mes chers collègues, soyons prudents ! Les aménageurs publics ou privés doivent avoir les mêmes responsabilités. Je n’ai pas encore compris l’intérêt de telles dérogations. Pouvez-vous m’éclairer à cet égard, monsieur le ministre ?
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 543 rectifié.
Mme Sylvie Robert. J’ai déjà exposé plusieurs des raisons qui nous poussent à nous opposer à de telles dérogations.
On part du principe que la loi MOP augmente substantiellement les coûts de l’opération et elle freine la construction, d’où les dérogations envisagées. Or ce n’est pas démontré aujourd’hui !
Surtout, comme je l’ai indiqué, il aurait été plus intéressant de réfléchir à l’évolution de la loi MOP, ainsi qu’à ses éventuelles adaptations, par exemple en réunissant l’ensemble des acteurs de la filière pour voir comment alléger les procédures.
Un tel détricotage sera source de contentieux : on supprime des règles qui s’appliquent, mais on ne propose rien pour les remplacer !
Pourquoi avez-vous prévu de telles dérogations, monsieur le ministre ? Comme le soulignait ma collègue Françoise Férat, un grand nombre de bâtiments publics seront concernés, et pas seulement ceux auxquels on pense : outre les logements, il y aura aussi des crèches, des écoles, entre autres. C’est véritablement ouvrir la boîte de Pandore !
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour présenter l’amendement n° 705 rectifié ter.
Mme Marta de Cidrac. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour présenter l’amendement n° 754 rectifié ter.
M. Alain Fouché. La loi MOP contribue à la qualité de l’exécution des travaux. D’une part, elle détermine le rôle et les missions du maître d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre par rapport à la construction envisagée. D’autre part, elle permet aux entreprises de disposer de plans, de quantitatifs et d’études d’exécution pour réaliser leur offre technique et de prix.
Cette loi rationalise également les documents préparés en amont de la consultation, en vue d’une réponse précise des entreprises. L’étude fine des besoins et de qualité en amont contribue à bien prévoir les travaux nécessaires et à limiter les avenants en cours d’exécution des travaux. Toutes les entreprises répondent alors selon les pièces précitées. Cela permet au maître d’ouvrage de comparer plus facilement les offres des entreprises. Cela évite à chaque entreprise de consulter un bureau d’études en amont, donc d’engager des frais sans avoir la certitude à ce stade de remporter le marché.
C’est un réel levier pour l’accès direct des TPE aux marchés publics. Cela permet à la concurrence de s’exercer dans des conditions saines et aux entreprises de disposer en amont de plans estimatifs, quantitatifs et études d’exécution. Les entreprises pourraient ainsi remettre leur offre technique de qualité à des prix maîtrisés, de nature à respecter les cadrages budgétaires.
La dérogation envisagée dans le présent article semble disproportionnée. Elle s’appliquerait à l’ensemble des concessionnaires d’une opération d’aménagement, quelle que soit leur nature, privée ou publique.
En outre, la dérogation s’appliquerait sur l’ensemble du territoire pour tous les ouvrages de bâtiments réalisés dans le cadre d’un contrat de concession d’aménagement. Nombre de bâtiments publics, cela a été souligné, pourraient être concernés : écoles, gymnases, crèches, etc. Or les TPE du bâtiment interviennent directement sur ce type d’opérations ; elles s’en trouveraient pénalisées.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 873 rectifié bis.
M. Daniel Gremillet. L’enjeu est effectivement que les TPE et PME puissent accéder à des marchés. C’est le débat entre concession et allotissement. Tous les savoir-faire, toutes les entreprises de nos territoires seront concernés par le choix que nous allons effectuer.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 913 rectifié.
M. Ronan Dantec. Je souhaite vous faire part d’une réflexion plus générale.
Si autant d’amendements allant dans le même sens ont été déposés sur toutes les travées, c’est bien que les élus locaux n’éprouvent pas de difficulté avec la loi MOP. Si celle-ci était source d’une inflation des coûts ou de retards systématiques, il n’y aurait pas une telle unanimité. Et cette dernière traduit l’expérience des élus locaux !
Le système est fondé sur le dialogue compétitif : si nombre d’acteurs interviennent sur le terrain et trouvent le bon équilibre, cela donne satisfaction ! Peut-être y a-t-il des points à revoir à la marge, mais il ne faut pas supprimer le dispositif d’ensemble.
Le consensus que nous constatons prouve, me semble-t-il, que la loi MOP fonctionne et qu’il ne faut pas trop y toucher.
Mme Françoise Férat. Absolument !
M. le président. L’amendement n° 312 rectifié bis, présenté par Mme Vérien, M. Janssens, Mme Vullien, MM. Henno et Longeot, Mme Guidez, MM. Cigolotti, L. Hervé et Prince, Mme Billon, MM. Mizzon et Moga, Mme Loisier, MM. Lafon et Genest, Mmes Sollogoub et Létard et M. Delcros, est ainsi libellé :
Alinéas 29 et 30
Rédiger ainsi ces alinéas :
III. - L’article 10 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Pour les ouvrages de bâtiment dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le concessionnaire d’une opération d’aménagement mentionnée à l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme, le contenu de la mission confiée à une équipe de maîtrise d’œuvre comprenant au moins la conception de l’ouvrage et le suivi de la réalisation des travaux, y compris des réserves pendant la garantie de parfait achèvement. Le contenu de cette mission adaptée est également applicable aux maîtres d’ouvrage mentionnés au 4° de l’article 1er de la présente loi. »
La parole est à Mme Dominique Vérien.
Mme Dominique Vérien. Comme je l’indiquais, on peut envisager d’assouplir le dispositif issu de la loi MOP. La mission de conception serait maintenue, mais le volet « direction d’exécution des travaux » serait allégé. L’architecte continuerait d’être responsable de ce qu’il a conçu, et le concessionnaire pourrait suivre techniquement les travaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. J’entends bien les inquiétudes, ô combien légitimes, qui s’expriment. Elles sont partagées sur l’ensemble de nos travées.
Le projet de loi initial exprime une volonté de clarification juridique au profit d’une meilleure délimitation de la concession et du mandat. Il semble toutefois que cette disposition crée une très large dérogation à la loi MOP, dans les cas où le concessionnaire est, lui aussi, maître d’ouvrage public.
À mon sens, le Sénat doit, plus que jamais, être juge de l’équilibre qu’il convient de trouver entre simplification et encadrement de la maîtrise d’ouvrage publique.
J’émets donc un avis de sagesse sur l’ensemble des amendements identiques.
En revanche, mon avis est défavorable sur l’amendement n° 312 rectifié bis : il ne me semble pas opportun de modifier le contenu de la loi MOP. (Mme Dominique Vérien acquiesce.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. En matière législative, il y a les tabous positifs et les tabous négatifs.
Sur la loi MOP, j’ai bien compris qu’il y avait ici un tabou de préservation. Sur la loi SRU, je pense qu’il y aura un autre type de tabou ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Pas de procès d’intention, monsieur le ministre !
M. Jacques Mézard, ministre. C’est une réalité !
Reprenons les choses à la base. D’abord, contrairement à ce que l’on peut lire ici ou là, il ne s’agit aucunement de supprimer le recours aux architectes. Les architectes sont convaincus, ce qui est parfaitement légitime, de leur utilité pour la société, pour la qualité des bâtiments et en matière d’urbanisme, mais ce n’est pas non plus en multipliant les procédures et en les complexifiant que l’on fera avancer la qualité architecturale.
Il s’agit seulement de simplifier les procédures. Certes, ce serait parfait si nous n’avions pas à toucher les dispositions législatives existantes. Toutefois, nous sommes confrontés à un certain nombre de difficultés de terrain.
Mme Françoise Férat. Lesquelles ?
M. Jacques Mézard, ministre. J’y reviendrai.
Bien sûr, le débat est utile, notamment lorsque nous aborderons les questions de construction de logements sociaux, pour lesquels le pourcentage de bâtiments en vente en l’état futur d’achèvement, ou VEFA, est passé de 1 % à 46 %, justement pour contourner les complexités de la loi MOP.
J’entends que cela remettrait en cause l’activité de nos artisans. Pour bien connaître les difficultés de ces derniers, en particulier dans le monde rural, je ne pense pas que ce soit la loi MOP qui les fasse vivre aujourd’hui ! Nous y reviendrons, notamment quand nous aborderons les concours.
En l’état, pratiquement tous les amendements tendent à supprimer la disposition visant à préciser que les bâtiments réalisés par un aménageur, s’ils entrent dans le cadre d’une concession d’aménagement, ne sont pas soumis à la loi MOP.
Aujourd’hui, une collectivité locale qui souhaite mettre en œuvre une opération d’aménagement via une concession d’aménagement au titre de l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme rencontre un problème et s’interroge sur le régime juridique dans lequel elle doit se placer pour les bâtiments qu’elle veut faire réaliser : soit c’est celui de la concession, au même titre que les autres travaux et équipements concourants à l’opération, soit c’est celui de la loi MOP.
La disposition introduite dans le projet de loi, au contraire, vise à sécuriser l’action de la collectivité en soumettant clairement tous les éléments de l’opération d’aménagement – travaux, équipements, bâtiments – au seul cadre juridique de la concession d’aménagement lorsque c’est l’outil que la collectivité choisit. La mesure n’a pas d’effet sur la qualité urbaine, paysagère ou architecturale de l’opération.
Je perçois – c’est logique, c’est la vie démocratique et citoyenne – le poids des professionnels de l’immobilier qui utilisent la loi MOP. Mais j’ai constaté aussi, s’agissant de certaines dispositions législatives, que leur opinion était quelque peu différente lorsqu’il s’agissait du développement de l’activité d’autres professions… Je pense en particulier aux géomètres experts, mais c’est un autre débat.
Nous ne souhaitons pas du tout supprimer le recours à l’architecte. D’ailleurs, un pan de la loi MOP n’est applicable que depuis quelques mois, alors que les logements construits jusque-là ne sont pas de mauvaise qualité architecturale. On me dit qu’il y a des difficultés, qu’il faudrait tenir compte des évolutions et alléger les procédures. Pourtant, la concertation a eu lieu pendant des mois, y compris avec les représentants de la profession. J’entends qu’ils ne veulent pas céder un pouce de terrain, c’est normal, nous serions nombreux à faire la même chose à leur place ; une professionnelle s’est d’ailleurs exprimée tout à l’heure.
Pour autant, notre rôle est de simplifier. Il a été question d’écoles maternelles et de crèches. Or, à l’heure actuelle, de telles structures sont construites sans recourir à la loi MOP, et ce n’est pas pour ça qu’elles sont de mauvaise qualité architecturale.
M. Laurent Duplomb. Tout à fait !
M. Jacques Mézard, ministre. C’est cela, la réalité ! Je ne dirai pas autre chose, tout à l’heure, lorsqu’il sera question d’avis conformes.
La loi MOP n’est pas la panacée. Elle est peut-être parfaite pour les professionnels, mais elle ne l’est pas forcément pour les collectivités et pour nos concitoyens. Cela ne signifie pas qu’il faut la supprimer, mais cela veut dire qu’il est préférable d’avoir recours à d’autres méthodes. Ici, nous laissons les collectivités publiques libres de leur choix.
La loi MOP impose aujourd’hui tout un séquencement d’actions : la relation du maître d’ouvrage avec le maître d’œuvre, puis avec les entreprises et les industriels. Nous disposons pourtant de nouveaux outils de construction, je pense au Building Information Modeling, le BIM, qui permet de fusionner les étapes et d’intégrer de plus en plus en amont les différents acteurs.
La loi MOP impose également aux maîtres d’ouvrage de faire appel à une équipe de maîtrise d’œuvre, architectes et bureaux d’études, en un seul bloc, alors qu’il est effectivement possible de réaliser un certain nombre d’économies. C’est ce que nous disent, sur le terrain, non seulement les constructeurs et les organismes de bailleurs sociaux, mais aussi un certain nombre de collectivités.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Il s’agit d’une question assez importante. Je ne reviendrai pas sur toutes les interventions défendant la loi MOP et favorables à ces aménagements.
Les alinéas 29 et 30 visent à donner la possibilité de sortir de la commande publique. Or j’ai rédigé il y a deux ans avec Philippe Bonnecarrère un rapport sur l’avancée considérable des trois dernières directives européennes sur les règles de l’allotissement. Auparavant, nous avions des difficultés sur ce point. L’Europe est venue confirmer que, dans le cadre des marchés publics, l’allotissement doit être une règle. Et nous avons ici la possibilité de passer à côté des règles de l’allotissement…
Que va-t-il se passer ? Comme l’ont souligné plusieurs collègues sur toutes les travées, les PME et les TPE feront les frais de cette situation. Souvent, ce sont des entreprises générales, avec des appels d’offres parfois européens. Chez moi, un hôpital a été construit en faisant appel à de la main-d’œuvre issue de douze nationalités différentes, alors que, dans le même temps, les PME et TPE locales tiraient la langue parce qu’elles n’avaient pas de travail ! Il me semble que nous avons tout intérêt à faire en sorte que l’allotissement reste la règle.
M. André Reichardt. Tout à fait !
M. Martial Bourquin. Voilà pourquoi il faut supprimer les alinéas 29 et 30. À défaut, nos territoires ne profiteront pas des travaux réalisés par les collectivités territoriales et par les villes.
Or nous devons soutenir les PME et les TPE, qui créent de l’emploi en France. C’est la raison pour laquelle je vous appelle à voter ces amendements. Mme la rapporteur s’en est remise à la sagesse de notre assemblée. Or la sagesse du Sénat serait d’aider les PME et les TPE du bâtiment, qui ne sont pas encore sorties des difficultés, à profiter des travaux qui seront réalisés dans nos collectivités et nos territoires. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Marta de Cidrac, M. Alain Houpert et M. Sébastien Meurant applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. En qualité d’ancien rapporteur, il y a à peine un an, d’un texte portant réforme de la commande publique, je veux souligner à quel point nous avions le sentiment d’avoir atteint un équilibre entre les demandes des uns et des autres. Et Dieu sait si ces demandes étaient variées ! Nous avons notamment atteint un équilibre entre les attentes des entreprises générales et celles des petites et moyennes entreprises, en particulier de l’artisanat du bâtiment, mais pas uniquement.
Pour avoir assuré à différents endroits le service après-vente de cette loi en qualité de rapporteur, je puis vous assurer que, malgré quelques frustrations de départ, ce texte est devenu consensuel. L’équilibre auquel j’ai le sentiment que nous sommes parvenus s’est véritablement concrétisé dans les faits.
Qu’un texte apporte aujourd’hui une dérogation supplémentaire à cette loi MOP me paraît véritablement une erreur. Ce n’est pas constructif : je le répète, cet équilibre qui avait été trouvé dans les textes s’est transformé sur le terrain.
Il ne me semble pas souhaitable que, une fois de plus, en si peu de temps, un an après s’être prononcé, le Parlement se déjuge et casse un édifice que nous avions construit péniblement. D’autant que, comme l’a rappelé M. Bourquin, ce texte avait pour objectif de transformer des directives européennes qui visaient – c’était une demande expresse de l’Union européenne – à retrouver la règle de l’allotissement dans des conditions optimales. Cet équilibre ayant été atteint, il ne faut pas le démolir.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Monsieur le ministre, je ne suis pas d’accord avec vous. Vous avez parlé d’économies. Or un architecte n’est pas forcément cher ! Ma grand-mère disait : « On est trop pauvres pour acheter bon marché ». (Sourires.) De fait, le bon marché coûte trop cher.
Nos modes de vie doivent être conditionnés par l’esthétique. Vous avez également parlé des crèches. Nos enfants ont le droit d’être accueillis dans de beaux endroits. Le beau crée du lien, le beau est respecté, le beau n’est jamais tagué ! Comme le suggère « Le Mauvais Vitrier », poème en prose de Baudelaire, donnons des couleurs à la vie ! (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, rassurez-vous, il n’y a pas de tabou entre nous. En revanche, il y a du débat politique ! C’est le cas ici, au sujet de cet article sur l’adaptation de la loi MOP dans nos territoires. Nous aurons également, lors de l’examen d’autres articles, un débat sur la loi SRU, mais de façon sereine et très démocratique.
J’entends vos arguments. Cependant, comme l’a rappelé mon collègue Martial Bourquin et comme je l’ai souligné en défendant mon amendement, il faut faire attention : on veut simplifier par principe, mais à trop simplifier, parfois, on fragilise et on met en difficulté ceux que l’on veut aider.
Un certain nombre de collègues maires et présidents d’intercommunalité…
M. Bruno Sido. Le cumul est interdit !
Mme Cécile Cukierman. … sont confrontés à la difficile tâche d’éviter que les TPE et les PME du territoire ne voient pas les marchés publics leur passer sous le nez et puissent continuer de travailler.
C’est une difficulté pour les élus, mais le débat est le même lorsque nous rencontrons des chefs d’entreprise, qui nous interpellent parce qu’ils ont de plus en plus de mal à candidater pour ces marchés.
J’entends qu’il est difficile d’appliquer la loi. Mais demandons-nous si c’est la loi qui est mauvaise ou seulement les outils de sa mise en œuvre. Il faut également s’interroger sur l’accompagnement des élus locaux. Je rappelle qu’il s’agit ici d’argent public !
Aujourd’hui, dans notre pays, nous avons besoin de plus de transparence et de sécuriser au maximum les procédures. Il s’agit d’éviter non pas les scandales, mais les suspicions populistes qui n’ont pas lieu d’être. Bien évidemment, je maintiens mon amendement, monsieur le président, non pour défendre tel ou tel, mais parce que c’est un enjeu de territoire et de qualité des infrastructures qui seront réalisées.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je remercie Mme la rapporteur, qui a émis un avis de sagesse. C’est d’ailleurs la sagesse qui semble ces dernières minutes monter des travées de notre assemblée. Nous sommes la voix des territoires, monsieur le ministre. Nous ne sommes pas la voix des architectes, car nous sommes le plus souvent encore des élus locaux.
C’est à ce titre que nous appréhendons ce projet de loi et c’est à ce titre que je défendrai l’idée de la suppression des alinéas 29 et 30 portée par un certain nombre de collègues, dont le rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
L’ensemble des orateurs a rappelé l’enjeu d’équilibre pour les territoires ; notre collègue André Reichardt s’est très bien exprimé sur ces sujets.
Il existe aussi un enjeu pour l’activité économique. J’ai été très sensible aux propos de Martial Bourquin sur le tissu économique des TPE et des PME, sans compter toutes les difficultés juridiques évoquées par l’ensemble des orateurs. Je suis par ailleurs extrêmement sensible au fait que cette dérogation s’appliquerait à l’ensemble du territoire et que, en l’absence de circonstances, comme l’ont expliqué la rapporteur et Mme Férat, et de zones déterminées, un grand nombre de bâtiments publics seront concernés.
C’est la qualité esthétique qui est en jeu, mais pas seulement. L’architecture permet aussi la recherche d’une qualité en ce qui concerne notamment l’équipement sonore, l’acoustique et les mesures énergétiques. Bref, un ensemble de paramètres qu’il est important de prendre en compte, en ayant recours à cette profession.
Monsieur le ministre, ce n’est pas la loi des architectes, c’est la loi des territoires, que nous sommes censés représenter aujourd’hui dans leur diversité !
M. Jean-François Longeot. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que, conformément à notre règlement, les amendements nos 64 rectifié ter et 987 rectifié, qui ont été être rendus identiques aux amendements en discussion commune, sont considérés comme retirés, leurs auteurs étant déjà cosignataires d’autres amendements identiques. (M. Roland Courteau s’exclame.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 132, 314, 390, 470 rectifié bis, 543 rectifié, 705 rectifié ter, 754 rectifié ter, 873 rectifié bis et 913 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.) – (Applaudissements sur diverses travées.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 312 rectifié bis n’a plus d’objet.
L’amendement n° 1043 rectifié, présenté par MM. Menonville, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gold, Guérini et Guillaume, Mme Guillotin et MM. Léonhardt, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 31 à 34
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. L’Assemblée nationale a inséré au sein de cet article des dispositions prévoyant que l’autorité environnementale qui décide de soumettre un projet, plan ou programme à évaluation environnementale, dans le cadre de l’examen au cas par cas, précise les objectifs spécifiques de cette dernière.
Il ne nous semble ni réaliste ni efficace de systématiser à ce stade de la décision une telle évaluation. Cela pourrait être source de complexité et alourdir la décision d’examen au cas par cas, les délais de l’ensemble des dossiers risquant d’être affectés et les cadrages insuffisamment contextualisés, donc peu pertinents.
Il convient, à notre sens, de valoriser le dialogue, sur l’initiative du porteur de projet, plan ou programme. Tel est l’objet du présent amendement, qui vise à supprimer les dispositions ajoutées par l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission n’est pas favorable à la suppression de l’obligation de motivation de la décision de l’autorité environnementale de soumettre à étude environnementale au cas par cas.
Il doit pouvoir être exigé de l’autorité environnementale, lorsqu’elle soumet un projet à étude au cas par cas, qu’elle motive les raisons de son choix et le but visé par cette étude. Cela confortera sa légitimité, me semble-t-il, et participera d’une démarche constructive et transparente.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je suis désolé pour mon ancien collègue Franck Menonville, mais, conformément à la position que j’ai soutenue à l’Assemblée nationale, j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement.
M. Franck Menonville. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 1043 rectifié est retiré.
L’amendement n° 1084, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale, dans les cas où la création de la zone relève de la compétence du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale, ou le représentant de l’État dans le département dans les autres cas, peut approuver le cahier des charges. S’il a été approuvé, et après qu’il a fait l’objet de mesures de publicité définies par décret, celles de ses dispositions qui sont mentionnées au premier alinéa sont opposables aux demandes d’autorisations d’urbanisme. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article additionnel après l’article 5
M. le président. L’amendement n° 1115, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 13 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, il est inséré un article 13 bis ainsi rédigé :
« Art. 13 bis. – I. – Pour assurer, dans les délais, la réalisation du village olympique et paralympique, du pôle des médias et des ouvrages nécessaires à l’organisation et au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, le représentant de l’État dans le département peut, à titre exceptionnel et à défaut d’accord amiable, procéder à la réquisition temporaire de terrains et de bâtiments.
« Ces réquisitions, qui ne peuvent excéder douze mois, prennent fin au plus tard dans un délai de trois mois après la cérémonie de clôture des jeux Paralympiques.
« La réquisition ne peut être ordonnée qu’au bénéfice des personnes publiques ou privées chargées de l’organisation ou du déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques.
« II. – L’arrêté de réquisition, qui doit être publié au plus tard le 1er janvier 2022, fixe les dates de début et de fin de la réquisition.
« Il en mentionne le bénéficiaire et précise l’usage pour lequel elle est ordonnée.
« Il opère le transfert de droit d’usage et autorise le bénéficiaire à prendre possession.
« III. – Les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par la réquisition.
« À défaut d’accord amiable, les indemnités sont fixées par le juge de l’expropriation, qui peut statuer par provision. Le bénéficiaire ne peut prendre possession qu’après paiement ou, en cas d’obstacle au paiement, consignation d’une somme dont le montant est au moins égal à l’indemnité, le cas échéant provisionnelle, fixée par le juge de première instance. L’appel n’est pas suspensif.
« Si à défaut d’accord amiable, le juge n’a pas été saisi par le bénéficiaire dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêté de réquisition à celui-ci, la réquisition est réputée levée à l’expiration de ce délai.
« IV. – Il est procédé, contradictoirement, aux frais du bénéficiaire à un constat de l’état des lieux au moment de la prise de possession et en fin de réquisition.
« Le bénéficiaire de la réquisition peut réaliser toutes installations et tous équipements, dont il reste propriétaire.
« Le bénéficiaire est tenu de remettre les terrains et les bâtiments dans leur état d’origine au plus tard à l’expiration de la réquisition. Les litiges résultant de l’application du présent alinéa sont portés devant le juge de l’expropriation. À peine de forclusion, le juge doit être saisi dans un délai de deux ans à compter de l’expiration ou de la levée de la réquisition.
« Toutefois, les parties intéressées peuvent convenir, par stipulation expresse, du maintien de certains équipements ou installations et des conditions financières de ce maintien.
» V. – Le cas échéant, le locataire, sous-locataire ou occupant de bonne foi du bien requis ou titulaire d’un droit d’usage sur ce bien reste tenu au paiement du loyer, du fermage ou de la redevance.
« VI. – En cas de besoin, le représentant de l’État dans le département peut recourir à la force publique pour libérer les terrains ou les bâtiments de ses occupants tant au moment de la prise de possession qu’au moment de la restitution en fin de réquisition.
« VII. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Par cet amendement, nous voulons ouvrir la possibilité de recourir à la procédure de réquisition temporaire pour l’organisation et le déroulement des jeux de Paris de 2024.
Il s’agit d’introduire dans la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 la possibilité de recourir à la procédure de réquisition temporaire sur les sites, terrain ou bâtiments concernés par les Jeux de 2024. La loi autorise déjà le recours à la procédure d’expropriation en extrême urgence pour cause d’utilité publique prévue par le code de l’expropriation. Quand il s’agit des jeux Olympiques, les dérogations sont beaucoup plus faciles.
Le présent amendement vise à reprendre les préconisations du rapport de l’Inspection générale des finances du 30 mars dernier, qui recommandait la mise en place de ce dispositif pour pallier, le cas échéant, les difficultés éventuelles, en permettant une action plus proportionnée aux nécessités des jeux Olympiques et plus respectueuse des droits des citoyens.
Une disposition similaire de réquisition temporaire avait été prévue à l’occasion des jeux Olympiques d’Albertville et de Savoie par la loi du 31 décembre 1987. Notre amendement vise à la reprendre et à l’élargir, compte tenu de la topologie des lieux concernés. Il a également pour objet de reprendre les dispositions protectrices essentielles, à savoir l’indemnité fixée par le juge de l’expropriation et la remise en état avant restitution aux bénéficiaires de la réquisition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement nous est parvenu dans la nuit, ce qui est pour le moins cavalier.
M. Marc Daunis. Un cavalier, qui surgit hors de la nuit ! (Sourires.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Nous n’avons pas eu le temps de l’expertiser.
Sur le principe, il semble préférable, quand cela est possible, de privilégier la réquisition temporaire à l’expropriation. Ce n’est pas une manière de faire ! Mon collègue rapporteur pour avis de la commission des lois, Marc-Philippe Daubresse, a une question à vous poser et entrera davantage dans le détail. J’espère que vous aurez à cœur de lui répondre, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Quoi qu’il en soit, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Monsieur le ministre, loin de nous l’idée de retarder les jeux Olympiques ou de nous opposer à tout ce qui pourrait permettre de faire une belle fête, comme celle que nous venons de connaître.
La commission des lois a examiné cet amendement, que nous avons reçu très tôt ce matin, et nous sommes quelque peu inquiets.
L’expropriation, telle qu’elle a été présentée par le Gouvernement, ne nous donne pas de sujet d’inquiétude, mais il s’agit ici d’une procédure de réquisition provisoire de biens dans le cadre de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Or elle est présentée comme une solution alternative à la procédure d’expropriation, qui serait moins attentatoire au droit de propriété. Nous pensons, à l’opposé, que la réquisition temporaire est plus attentatoire au droit de propriété.
M. Bruno Sido. Oh !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Contrairement à ce que vous affirmez, lors des jeux Olympiques d’Albertville et dans la loi de 1987 – Pierre Méhaignerie était alors ministre de l’équipement, du logement, de l’aménagement du territoire et des transports et Raymond Bouvier rapporteur du Sénat sur cette question –,…
M. Bruno Sido. C’est l’ancien monde ! (Sourires.)
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. … la mesure concernait des parcelles sans bâtiments. Or cet amendement vise des parcelles avec bâtiments et peut donc concerner des entreprises, des commerces, voire des immeubles à usage d’habitation. J’entends bien que cette disposition n’a vocation à être utilisée qu’en cas de blocages et que si la difficulté ne peut se résoudre à l’amiable. Néanmoins, l’atteinte au droit de propriété est bien plus profonde que dans le cas d’une expropriation.
Prenons un exemple concret. Une personne ou une entreprise est expropriée. Elle recevra une juste et préalable indemnité correspondant a minima à la valeur vénale de son bien et elle pourra se réinstaller ailleurs. Une personne est réquisitionnée temporairement. Elle recevra une indemnité qui couvrira seulement sa privation de jouissance.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Or elle devra déménager une première fois, louer un autre bien, le cas échéant reconstituer une clientèle, s’il s’agit par exemple d’une profession libérale, déménager une seconde fois deux ans plus tard, pour reprendre possession du fonds dont elle a été privée. C’est une atteinte au droit de propriété.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais non !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Nous vous mettons en garde sur les risques de contentieux, voire constitutionnels.
Je vous rappelle que, en 1998, le Conseil constitutionnel avait délibéré longuement sur la question du droit de propriété et du droit à un logement décent, soulignant la primauté du droit de propriété. Or il ne s’agit plus ici de droit à un logement décent, mais de jeux Olympiques. C’est donc le rôle de la commission des lois que de vous alerter, monsieur le ministre, même si je ne remets pas en cause l’avis de Mme la rapporteur.
Mme Valérie Létard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Je remercie les deux rapporteurs de leur compréhension : cet amendement est en effet arrivé très tardivement au ministère… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Il venait d’où ?
M. Laurent Duplomb. On ne respecte pas les ministres !
M. Jacques Mézard, ministre. Il n’y a pas d’épreuve de patinage aux jeux Olympiques d’été… En revanche, il est possible de ramer ! (Sourires.)
Plus sérieusement, il est nécessaire, cela a été rappelé à propos de précédents jeux Olympiques, de disposer un cadre juridique réglant en amont les différentes difficultés auxquelles nous pourrions être confrontées.
Ce ne sont pas des sujets légers. D’ailleurs, le texte voté et adopté le 26 mars 2018 l’a prouvé, il n’est jamais simple d’exproprier, car c’est toujours une atteinte au droit de propriété. La réquisition temporaire en est aussi très clairement une. J’entends donc parfaitement les observations de la commission des lois ; j’y souscris même. C’est pourquoi nous veillerons à ce que le dispositif complet protège les intérêts des citoyens.
En tout état de cause, il s’agit surtout ici de pouvoir utiliser un certain nombre de bâtiments vacants, semble-t-il. Même si le dépôt de cet amendement est tardif, il est de l’intérêt général que nous puissions garantir une bonne préparation des jeux.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Cet amendement a été déposé tardivement. Or cela fait pratiquement trois semaines que le délégué interministériel a tiré la sonnette d’alarme. L’amendement aurait donc pu être déposé beaucoup plus tôt…
Je comprends la démarche du délégué interministériel et de la société de livraison des ouvrages olympiques, la SOLIDEO. Les bâtiments, aujourd’hui, sont connus et, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, ils sont vides. Il s’agit juste d’aller un peu plus vite dans l’organisation des jeux Olympiques.
Personnellement, je voterai cet amendement, même si la démarche aurait pu être plus rapide.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. J’ai un avis exactement contraire, mon cher collègue !
Premièrement, la méthode n’est pas la bonne. Si l’on estimait que cette disposition était importante, il fallait la proposer avant et prendre le temps d’en discuter.
Deuxièmement, je pense que c’est un moyen détourné de réduire les indemnisations et de ne pas respecter le droit de propriété. Nous sommes dans un pays où les gens travaillent et transpirent pour s’acheter un bien et pouvoir en bénéficier. Je me refuse de les spolier aussi facilement pour des jeux Olympiques, qui plus est dans des conditions si particulières. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je voterai donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, nous pouvons comprendre les raisons d’un tel amendement. Vous venez toutefois d’avouer, cher Jacques Mézard, que l’amendement était arrivé très tard cette nuit, non seulement au Sénat, mais aussi au ministère…
En début de séance, deux sénatrices ont à juste titre effectué un rappel au règlement pour dénoncer des méthodes légistiques qui n’en sont pas. Pourtant, lors de la révision constitutionnelle, on ne manquera sans doute pas de nous faire la leçon sur la meilleure façon de fabriquer la loi… Vous ne devez pas vous sentir personnellement visé, monsieur le ministre, mais, en très exactement huit jours, nous avons dû procéder à plusieurs rappels à l’ordre.
Lundi dernier, dans le texte défendu par votre collègue Mme Pénicaud, ministre du travail, nous avons vu débarquer un amendement annoncé la veille par le Président de la République au Congrès de Versailles… Visiblement, Mme la ministre n’avait aucune idée de la rédaction de l’amendement, et nos interventions l’ont mise en difficulté. Tel n’était pas le but, et je lui ai d’ailleurs indiqué qu’elle était tout aussi victime de ces procédés que le Parlement.
Je comprends la nécessité de cet amendement, mais, de grâce, ne donnez pas de leçons à l’Assemblée nationale ou au Sénat sur la façon de bien faire la loi. Je sais que ce n’est pas votre cas, monsieur le ministre, mais je pense que le Parlement, dans son ensemble, a atteint la limite de l’exercice.
Une conférence des présidents se tiendra le 25 juillet prochain, et je vous saurais gré d’indiquer au secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement que plusieurs groupes émettront à cette occasion de vives protestations. Pour la prochaine rentrée, nous ne pourrons pas tolérer de tels manquements répétés du Gouvernement. Merci de l’entendre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Je partage en partie les propos de Bruno Retailleau. Pendant deux mois, nous n’avons quasiment pas légiféré et, subitement, les textes s’accumulent.
M. Charles Revet. C’est un mépris du Parlement !
M. Didier Guillaume. Il faut vraiment que l’agenda soit mieux organisé. Cet amendement aurait sans doute pu être présenté préalablement, mais ceux qui suivent la préparation des jeux Olympiques savent qu’il est vraiment nécessaire.
Il me semble en outre que les réponses aux interrogations soulevées par certains collègues figurent déjà dans l’amendement du Gouvernement. Ce dernier tend en effet à préciser que ces réquisitions ne peuvent excéder douze mois et que l’arrêté de réquisition doit mentionner son bénéficiaire, préciser l’usage pour lequel celle-ci est ordonnée, opérer le transfert du droit d’usage et autoriser le bénéficiaire à prendre possession. Le Gouvernement prévoit enfin que « les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par la réquisition ».
Sur la forme, nous ne pouvons qu’être d’accord avec Mme la rapporteur, mais, sur le fond, il me semble que le Gouvernement a prévu des garanties. Après ce que nous venons de vivre lors de la coupe du monde de football en Russie, nous nous devons d’avoir pour les jeux Olympiques de 2024 une belle organisation, et l’adoption de cet amendement peut répondre à des difficultés éventuelles, dans quelques cas très particuliers.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je remercie tout d’abord Mme la rapporteur, qui a émis un avis favorable sur cet amendement. J’imagine qu’il n’était pas simple de travailler aussi vite sur un tel sujet.
À la suite de l’intervention de Didier Guillaume, j’insiste sur le fait que les territoires d’accueil de ces futurs équipements olympiques ont en tête les engagements pris devant le CIO. Nous avons encore reçu, il y a quelques semaines, une délégation du CIO, ce dernier venant régulièrement constater l’avancement des projets.
Vous le savez, mes chers collègues, la complexité administrative française est perçue de l’étranger comme un problème majeur quant à la réalisation des équipements dans les enveloppes et les délais impartis.
Il se trouve qu’une mission conjointe de l’Inspection générale des finances, de la jeunesse et des sports et du développement durable a commis un rapport qui a suscité quelques vagues, notamment parce qu’il a conduit à redimensionner certains projets d’équipements.
En revanche, l’une des recommandations de ce rapport, à l’origine de cet amendement, vise précisément à nous donner une garantie supplémentaire sur la question des délais.
J’entends très bien les propos de Marc-Philippe Daubresse en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, mais il me paraît utile que cette disposition soit votée en première lecture au Sénat, faute de quoi il n’y aurait pas d’accroche juridique pour faire prospérer le débat. Il me semble donc que nous pourrions adopter cet amendement aujourd’hui, sans manquer d’alerter le Gouvernement sur certains points et en essayant, par la suite, d’en améliorer la rédaction.
Une fois encore, je veux témoigner de la volonté des collectivités d’accueillir les jeux Olympiques dans les meilleures conditions. De ce point de vue, cette disposition me paraît importante. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Didier Guillaume applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour explication de vote.
Mme Muriel Jourda. Je dirai quelques mots en ma qualité de rapporteur pour la commission des lois du projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques.
Je comprends tout à fait les propos de notre collègue Laurent Duplomb, je ne m’associe pas totalement à l’enthousiasme juridique de Didier Guillaume et, évidemment, je partage le courroux de l’ensemble du Sénat sur la façon de procéder.
Pour autant, je rappelle que nous avions, tous groupes politiques confondus, adopté une vision plutôt positive de ce projet de loi, pour faire en sorte que les jeux Olympiques se passent le mieux possible, et nous avions donné au Gouvernement les moyens juridiques d’organiser les jeux Olympiques dans les meilleures conditions.
Il me semble que c’est encore ce que nous demande le Gouvernement aujourd’hui, selon un procédé dont nous admettons tous qu’il n’est pas très correct. Néanmoins, il faut conserver l’état d’esprit qui nous avait animés à l’époque et émettre un vote favorable sur cette proposition d’amendement.
M. Claude Kern. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.
Article 5 bis AA (nouveau)
L’article L. 541-32-1 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa ne s’applique pas aux personnes publiques ou aux personnes chargées de missions de service public ou de la gestion d’un service public, dès lors que les projets d’aménagement auxquels sont destinés ces déchets sont soumis à autorisation environnementale au titre de l’article L. 181-1 ou à un permis d’aménager au titre du code de l’urbanisme, et que la contrepartie financière reçue pour l’utilisation de ces déchets est exclusivement utilisée en vue de la conduite et de la réalisation dudit projet d’aménagement. » – (Adopté.)
Article 5 bis A
Le chapitre V du titre V du livre II du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° L’article L. 255-3 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « chacun des acquéreurs de droits réels immobiliers doit être agréé par l’organisme de foncier solidaire » sont remplacés par les mots : « celle-ci se déroule » et la référence : « L. 255-10 à » est remplacée par les références : « L. 255-10-1, L. 255-11-1, L. 255-13 et » ;
b) La première phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : « concomitamment à la signature de l’acte authentique » ;
2° Après l’article L. 255-10, il est inséré un article L. 255-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 255-10-1. – Pour tout projet de vente des droits réels afférents au bien objet du bail réel solidaire au titre de l’article L. 255-3, l’avant-contrat mentionne expressément le caractère indissociable du contrat avec le bail réel solidaire signé avec l’organisme de foncier solidaire ainsi que le caractère temporaire du droit réel, la nouvelle durée du bail réel solidaire si l’organisme foncier solidaire agrée la transmission des droits réels, les conditions de délivrance de cet agrément par l’organisme de foncier solidaire, les modalités de calcul du prix de vente ou de la valeur donnée, telles que prévues au bail.
« L’opérateur informe l’organisme de foncier solidaire de tout avant-contrat conclu dans les trente jours qui suivent sa signature. Il joint à sa demande l’avant-contrat et les pièces permettant d’établir l’éligibilité de l’acquéreur. » ;
3° Après l’article L. 255-11, il est inséré un article L. 255-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 255-11-1. – Pour tout projet de vente des droits réels afférents au bien objet du bail réel solidaire au titre de l’article L. 255-3, l’organisme de foncier solidaire dispose d’un délai de deux mois à compter de la date de transmission de l’avant-contrat pour délivrer son agrément. Celui-ci est fondé sur la vérification du respect des conditions d’éligibilité de l’acquéreur à la conclusion d’un bail réel solidaire définies aux articles L. 255-2, L. 255-3 ou L. 255-4, de la conformité de l’avant-contrat avec le bail initial conclu entre l’opérateur et l’organisme de foncier solidaire, notamment du respect des stipulations concernant les modalités de calcul du prix de vente ou de l’évaluation des droits réels appartenant à l’opérateur et, le cas échéant, de la validité du plan de financement de l’acquisition.
« Les règles fixées au premier alinéa du présent article sont prescrites à peine de nullité de la vente. La preuve du contenu et de la notification de l’offre préalable de vente pèse sur l’opérateur. » ;
4° L’article L. 255-13 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « cédant », la fin de la dernière phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « ou en cas de refus d’agrément lors d’une donation des droits réels immobiliers, le bail réel solidaire peut être résilié conventionnellement et le preneur est indemnisé de la valeur de ses droits réels immobiliers, dans les conditions prévues par le bail. » ;
b) Le second alinéa est supprimé. – (Adopté.)
Article 5 bis B
(Non modifié)
À l’article L. 122-7 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les mots : « précise celle qui » sont remplacés par les mots : « peut prévoir qu’une seule de ces personnes ». – (Adopté.)
Article 5 bis
L’article L. 212-2 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le renouvellement de la période mentionnée au premier alinéa du présent article se fait selon les modalités prévues à l’article L. 212-1, sans que l’acte renouvelant le droit de préemption soit nécessairement pris selon la modalité ayant présidé à la prise de l’acte de création de la zone. » – (Adopté.)
Article 5 ter
Le I de l’article L. 300-3 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « à une ou plusieurs des missions suivantes » ;
2° Au début des 1°, 2° et 3°, les mots : « Soit à » sont supprimés ;
3° (nouveau) Au troisième alinéa, les mots : « et à la construction » sont remplacés par les mots : « et la construction » ;
4° (nouveau) Au quatrième alinéa, les mots : « et à la revente » sont remplacés par les mots : « et la revente ». – (Adopté.)
Article 5 quater
L’article L. 321-39 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 321-39. – Il est institué, auprès du conseil d’administration, un comité consultatif dont la composition est fixée par décret en Conseil d’État et qui comprend notamment des personnalités qualifiées dans les domaines de l’environnement, des activités agricoles, de l’urbanisme et de la culture, ainsi qu’un député et un sénateur. Le comité consultatif est saisi par le conseil d’administration, en tant que de besoin, des projets de l’établissement public et des orientations envisagées pour agir en faveur du développement économique, de la culture, de la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers et des transports. Il peut être saisi de tout autre sujet par le conseil d’administration et peut également émettre des propositions. »
M. le président. L’amendement n° 34 rectifié bis, présenté par Mme L. Darcos, MM. Milon et Cambon, Mme Lavarde, M. Bascher, Mmes Deromedi, Delmont-Koropoulis, Garriaud-Maylam et Bruguière, M. de Nicolaÿ, Mmes Deroche et Dumas, MM. Revet et Rapin, Mme Lherbier, M. Mandelli et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Première phrase :
Compléter cette phrase par les mots :
élus du territoire concerné par l’opération d’intérêt national Paris-Saclay
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Le présent amendement tend à préciser la disposition, déjà adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale par la voie d’un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques, qui concerne les nominations au comité consultatif de l’établissement Paris-Saclay.
Comme vous le savez, mes chers collègues, entre la brutale interruption de l’exposition universelle et le non moins brutal report de la ligne 18, notre plateau de Saclay est en émoi, et il ne se passe pas une semaine sans que mes collègues Jean-Raymond Hugonet, Vincent Delahaye, Olivier Léonhardt, Jocelyne Guidez et moi-même nous retrouvions, autour du préfet, pour discuter des aménagements et des mobilités.
L’amendement voté à l’Assemblée nationale avait pour objet que les parlementaires membres du comité consultatif, un député et un sénateur, soient désignés par le président de chacune des assemblées. Nous souhaitions qu’il s’agisse, si possible, d’élus de l’Essonne ou des Yvelines.
La commission des affaires économiques du Sénat a retiré le terme de « président de leur assemblée respective », et j’ai compris que sa présidente souhaitait conserver la prérogative de nommer, au sein de sa commission, une personne ad hoc. Or je regrette qu’aucun élu de l’Essonne n’en fasse partie.
Bien entendu, cet amendement d’appel n’est pas dirigé contre ma collègue Françoise Férat, et je vais le retirer. Vous reconnaîtrez toutefois, mes chers collègues, qu’il est assez absurde que les parlementaires du territoire ne puissent pas faire partie de ce comité consultatif, alors qu’ils sont toutes les semaines sur la brèche pour aménager ce plateau.
Je retire donc cet amendement d’appel, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 34 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 5 quater.
(L’article 5 quater est adopté.)
Article 5 quinquies
(Non modifié)
Le III de l’article L. 332-11-3 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La convention peut prévoir que la contribution financière prévue à l’avant-dernier alinéa du présent III est versée directement à la personne publique assurant la maîtrise d’ouvrage des équipements publics mentionnés au troisième alinéa du présent III. » – (Adopté.)
Article 5 sexies
Le second alinéa du 3 du II de l’article 53 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain est remplacé par dix alinéas ainsi rédigés :
« La société peut se substituer au maître d’ouvrage, en cas de défaillance de celui-ci caractérisée par au moins l’une des modalités suivantes :
« 1° La méconnaissance du calendrier de livraison ou de réalisation des ouvrages ;
« 2° Le dépassement des budgets prévisionnels ;
« 3° Le non-respect du programme ;
« 4° Tout autre élément conduisant à un retard ou à l’interruption de la conception, de la réalisation ou de la construction de tout ou partie des ouvrages ou des aménagements nécessaires aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
« La défaillance est prononcée par le conseil d’administration de la société sur proposition de son directeur général. La convention prévue au 2 du présent II fixe les délais et les conditions propres à chaque maîtrise d’ouvrage dont le non-respect peut justifier la substitution pour défaillance.
« Le projet de convention est arrêté par le conseil d’administration de la société et envoyé au maître d’ouvrage. Si, dans un délai de deux mois à compter de la notification par la société du projet de convention précité, celle-ci n’a pas reçu la convention signée du maître d’ouvrage ou du maître d’ouvrage délégué, elle se substitue de plein droit au maître d’ouvrage. Le directeur général en informe le conseil d’administration lors de sa plus prochaine réunion.
« En cas de substitution, la société bénéficie, à sa demande, du transfert en pleine propriété et à titre gratuit des biens immeubles appartenant au maître d’ouvrage défaillant et nécessaires à la réalisation des ouvrages et aménagements des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Ce transfert ne donne lieu au versement d’aucun droit ou d’aucuns honoraires ni d’aucune indemnité, taxe ou contribution. La société se trouve également substituée au maître d’ouvrage défaillant dans l’ensemble des droits, notamment financiers, et obligations nécessaires à la réalisation de ces ouvrages ou liés aux biens transférés.
« Dans un délai d’un mois à compter du prononcé ou de la réalisation de la substitution intervenue dans les conditions définies aux deuxième et troisième alinéas du présent 3, le maître d’ouvrage substitué transmet à la société les pièces nécessaires à l’exercice de la maîtrise d’ouvrage et l’ensemble des contrats et des études réalisées. À défaut de transmission dans ce délai, le maître d’ouvrage substitué est réputé faire son affaire de la résiliation à ses frais et risques de ces contrats.
« Au plus tard dix-huit mois après la date de la cérémonie de clôture des jeux Paralympiques de 2024, le maître d’ouvrage substitué devient propriétaire de l’ouvrage et des biens nécessaires à son exploitation. La société lui transfère l’ensemble des droits et des obligations relatifs à cet ouvrage et à ces biens et lui adresse un procès-verbal de remise. »
M. le président. L’amendement n° 1085, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
l’une des modalités suivantes
par les mots :
l’un des manquements suivants
II. - Alinéa 10, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Dans un délai d’un mois à compter du prononcé de la défaillance intervenu dans les conditions définies au septième alinéa du présent 3 ou à compter de la réalisation de la substitution intervenue dans les conditions définies au huitième alinéa du présent 3, le maître d’ouvrage substitué transmet à la société les pièces nécessaires à l’exercice de la maîtrise d’ouvrage et l’ensemble des contrats et des études réalisées.
La parole est à Mme le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 sexies, modifié.
(L’article 5 sexies est adopté.)
Article 5 septies
(Non modifié)
Après l’article 17 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, il est inséré un article 17-1 ainsi rédigé :
« Art. 17-1. – Les conditions mentionnées au second alinéa du I de l’article 33 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ne sont pas applicables aux marchés publics de conception-réalisation conclus par les acheteurs soumis à la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée et qui sont relatifs aux opérations de construction ou de réhabilitation portant sur les ouvrages nécessaires à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 5 septies
M. le président. L’amendement n° 1032 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Guillaume, Mme Guillotin et MM. Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 5 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 12 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article s’applique aux constructions et opérations d’aménagement dont la liste est fixée par décret, situées à proximité immédiate d’un site nécessaire à la préparation, à l’organisation ou au déroulement des jeux Olympiques ou Paralympiques, lorsqu’elles sont de nature à affecter les conditions de desserte, d’accès, de sécurité ou d’exploitation dudit site pendant les épreuves olympiques ou paralympiques. »
La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. L’article 12 de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 a prévu la mise en compatibilité accélérée et simplifiée des documents d’urbanisme, pour permettre la réalisation dans les temps des constructions et opérations d’aménagement nécessaires à l’organisation des jeux Olympiques.
Cet article est également applicable aux constructions et opérations qui ne contiennent que pour partie un ouvrage ou un équipement olympique ou paralympique.
Or certaines constructions ou opérations contigües à des sites nécessaires à la préparation, à l’organisation et au déroulement des jeux, déjà engagées ou programmées à ce jour, pourraient affecter les conditions de desserte, d’accès, de sécurité ou d’exploitation de ces sites si elles ne sont pas achevées d’ici à 2024.
Le présent amendement vise donc à étendre le bénéfice des dispositions de l’article 12 à ces constructions et opérations d’aménagement contigües, dont il est précisé que la liste sera fixée par décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Au vu des circonstances exceptionnelles que constitue l’organisation des jeux Olympiques en 2024, il est judicieux de faire bénéficier ces opérations périphériques de procédures simplifiées, en adaptant les procédures d’urbanisme et en recueillant les participations du public. Par ailleurs, les modalités simplifiées sont déjà prévues et bordées par le code de l’environnement.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Il est préférable de délibérer de cette question aujourd’hui, en 2018, plutôt que deux mois avant les jeux Olympiques, en 2024…
M. Antoine Lefèvre. En effet !
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. De mémoire, nous avions déjà eu ce débat lors de l’examen de la loi relative à l’organisation des jeux Olympiques. Il me semble que nous n’avions pas adopté ces mesures à cause des risques d’insécurité juridique et de ralentissement des opérations qu’elles comportaient.
Si, depuis lors, ces points ont été vérifiés, c’est parfait. Si, en revanche, ce qui nous a été dit à l’époque demeure vrai, l’adoption de cet amendement risque de poser problème.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5 septies.
Article 5 octies (nouveau)
Au troisième alinéa de l’article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales, les mots : « création et réalisation de zones d’aménagement concerté d’intérêt communautaire » sont remplacés par les mots : « définition, création et réalisation d’opérations d’aménagement d’intérêt communautaire, au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 5 octies
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié ter, présenté par MM. Lefèvre, Brisson, Vogel, Paccaud et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, M. Longuet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Poniatowski, Meurant et B. Fournier, Mme Bories, MM. Milon et Pemezec, Mme Malet, M. Gremillet et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 5 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2334-33 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les sociétés publiques locales, sociétés d’économie mixte ou sociétés d’économie mixte à opération unique concessionnaires d’une opération d’aménagement concédée par les collectivités mentionnées aux 1° et 2° du présent article. »
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Il s’agit d’un amendement de précision. En effet, la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, créée par l’article 179 de la loi de finances pour 2011, a pour vocation de soutenir les projets d’investissement structurants en milieu rural, portés par les collectivités locales.
L’interprétation de l’article L. 2334-33 du code général des collectivités territoriales, le CGCT, par la circulaire du 17 décembre 2012 exclut de l’éligibilité à la DETR les projets inclus dans le programme d’équipements publics d’une opération d’aménagement.
Or, dans de nombreux cas, la faiblesse du budget de la collectivité ne lui permet pas d’inscrire l’investissement dans son budget. L’inscription dans le programme des équipements publics permet d’assurer la réalisation et le financement d’un équipement public dans le cadre d’une opération d’ensemble.
De plus, en retour, l’équipement deviendra propriété de la collectivité au terme de la concession. L’accès des projets réalisés dans le cadre d’opérations d’aménagement aux subventions de la DETR permettra d’en accélérer la réalisation sur l’ensemble des territoires ruraux.
Le présent amendement vise à expliciter la rédaction actuelle de l’article L. 2334-33 du CGCT pour permettre le financement d’équipements publics d’intérêt général par la DETR dans le cas où la collectivité a opté pour une réalisation dans le cadre d’une concession d’aménagement confiée à une société publique locale, une société d’économie mixte locale ou une société d’économie mixte à opération unique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement vise des dispositifs de financement et, conformément à la ligne de conduite que s’est fixée la commission, nous ne voulons pas étendre le champ du texte de loi à des dispositifs de financement et de fiscalité.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Aujourd’hui, en l’état du droit, les concessionnaires d’aménagements ne figurent pas dans la liste limitative des bénéficiaires de la DETR, c’est exact.
Toutefois, les entreprises publiques locales auxquelles vous faites référence – je me souviens avoir été, dans cette assemblée, le rapporteur de la loi pour le développement des sociétés publiques locales – sont des sociétés commerciales de droit privé. Elles n’ont pas vocation à être éligibles aux dotations budgétaires qui sont réservées aux collectivités locales et aux EPCI.
L’attribution directe d’une part de DETR à une entreprise pourrait d’ailleurs être qualifiée d’aide d’État au sens du droit européen, ce qui supposerait une analyse spécifique, tout nouveau régime d’aide devant être notifié à la Commission européenne. De surcroît, ces dispositions relèvent plutôt de la loi de finances.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Lefèvre, l’amendement n° 74 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Antoine Lefèvre. Je remercie Mme la rapporteur et M. le ministre de leurs explications et je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 75 rectifié ter, présenté par MM. Lefèvre, Brisson, Vogel, Paccaud et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, M. Longuet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Rapin et Meurant, Mmes Lavarde, Lherbier et Bories, MM. Milon et Pemezec et Mmes Malet et Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 5 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, le mot : « livre » est remplacé par le mot : « code ».
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Il s’agit d’un amendement de coordination.
La rédaction du second alinéa de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme introduit une incertitude sur le champ de définition des opérations d’aménagement.
D’une part, l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme définit tant la notion d’aménagement que celle d’opération d’aménagement. Or ces définitions dépassent par leurs implications et leurs applications le seul livre III du code de l’urbanisme dédié à l’aménagement foncier, ou « aménagement en procédures » selon les praticiens de l’aménagement.
D’autre part, la référence à ce seul livre à l’article L. 300-1 n’apparaît pas totalement compatible avec le premier alinéa de l’article L. 300-4 du même code, qui fait clairement référence aux « opérations d’aménagement prévues par le présent code ».
La notion d’aménagement excède donc manifestement la notion de procédure de ZAC. Cette référence n’est pas sans impact sur le champ d’activité des sociétés publiques locales, outil de coopération publique-privée né d’une proposition de loi d’initiative sénatoriale adoptée à l’unanimité des deux assemblées parlementaires en 2010.
Cette rédaction est plus limitative que celle qui est prévue pour les sociétés publiques d’aménagement, les SPLA. En effet, les opérations d’aménagement accessibles aux SPL sont les opérations visées à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors que les SPLA « sont compétentes pour réaliser toute opération d’aménagement au sens du présent code », en application de l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme.
Par suite, et afin de ne pas entraver les actions des collectivités locales en matière d’aménagement, il apparaît nécessaire de lever toute ambiguïté entre ces deux dispositions, en harmonisant la rédaction des dispositions conférant tant aux SPL qu’aux SPLA la faculté de réaliser des opérations d’aménagement.
Cette modification équivaudra ainsi à restaurer, dans sa rédaction applicable jusqu’au 1er octobre 2007, le second alinéa de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cette mesure pourrait effectivement avoir un impact juridique très important, la notion d’opérations d’aménagement figurant à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme servant de référence dans de très nombreux textes. Il convient d’être vigilant sur cette mesure qui entend revenir sur une disposition de l’ordonnance du 8 décembre 2005.
En ce qui concerne cet amendement de précision juridique, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Les sociétés publiques locales sont différentes des SPLA, comme vous l’avez d’ailleurs relevé dans votre intervention, monsieur Lefèvre. La mesure que vous proposez a des incidences juridiques qui dépassent largement la question de la définition des compétences des SPL, et qui n’ont manifestement pas été évaluées.
Si l’objectif premier de cet amendement est d’élargir les compétences des SPL, sur le modèle de ce qui est prévu pour les SPLA, il serait alors préférable de cibler la mesure sur ce point précis. Mais je ne suis pas certain que telle soit précisément votre intention.
En l’état, et même si je n’exclus pas d’approfondir le sujet à l’occasion d’un autre texte, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Si nous trouvons un véhicule législatif adapté, monsieur le ministre, nous verrons ultérieurement s’il est possible de reprendre la réflexion.
Quoi qu’il en soit, la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Lefèvre, l’amendement n° 75 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Antoine Lefèvre. Compte tenu des interventions de Mme la rapporteur et de M. le ministre, qui a lui-même reconnu l’intérêt de soulever ce point, je souhaite que l’on puisse trouver le véhicule législatif pertinent et précise ces dispositions.
Tout en prenant date, je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 75 rectifié ter est retiré.
Chapitre II
Favoriser la libération du foncier
Articles additionnels avant l’article 6 A
M. le président. L’amendement n° 307 rectifié bis, présenté par MM. Genest, Darnaud, Mandelli, Gremillet et Savary, Mmes Bruguière et Di Folco, MM. B. Fournier, D. Laurent et Grosdidier, Mme Morhet-Richaud, MM. Perrin, Raison et Revet, Mmes Troendlé, Deromedi, Delmont-Koropoulis et Deroche, MM. Savin et Charon, Mme Garriaud-Maylam et M. Danesi, est ainsi libellé :
Avant l’article 6 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au b du 1° de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme, après les mots : « développement urbain », sont insérés les mots : « et rural ».
La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. On pourrait penser que c’est par parallélisme des formes que nous voulons insérer les termes « développement rural », après les mots « développement urbain ». Oui, nous considérons que les territoires ruraux ont aussi le droit de se développer !
Au-delà de l’affichage, il est extrêmement important que les acteurs et les élus locaux puissent démontrer à l’administration, souvent encline à freiner les projets dans les départements ruraux, que le développement rural est inscrit dans la loi et qu’il n’y a pas de raison de s’y opposer systématiquement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. J’entends la remarque tout à fait légitime de notre collègue Jacques Genest, mais je considère que les objectifs d’urbanisme déjà énumérés prennent largement en compte les enjeux ruraux, en citant notamment l’équilibre entre populations résidant dans les zones rurales et urbaines, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, ou encore la diversité des fonctions rurales et urbaines.
Je ne suis pas sûre non plus du caractère normatif d’une telle mesure…
En conséquence, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je ne reprendrai pas l’excellent argumentaire de Mme la rapporteur – je trouve dans le mien des mots à peu près similaires…
Certes, il est toujours bon d’attirer l’attention sur les problèmes des territoires ruraux ! (Sourires.) Je vous demande toutefois de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur Genest, car il me semble d’ores et déjà satisfait.
M. le président. Monsieur Genest, l’amendement n° 307 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jacques Genest. On voit que vous avez été avocat, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.) J’espère que vous ferez passer le message aux administrations : dans le milieu rural, on a aussi le droit de se développer !
Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 307 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 280 rectifié, présenté par M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 6 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° La fin de l’artificialisation nette du territoire d’ici 2025. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Par cet amendement, nous souhaitons aider le Gouvernement à atteindre ses objectifs en matière écologique. Ainsi, le plan Biodiversité, présenté au début du mois par le ministre de la transition écologique et solidaire, affiche un objectif de « zéro artificialisation nette des sols ».
Malheureusement, il ne précise ni l’échéance ni le véhicule législatif. Celui-ci est pourtant tout trouvé, puisque le projet de loi que nous examinons en ce moment prévoit un certain nombre de mesures pour lutter contre l’étalement urbain. Il serait fort dommage de laisser passer cette occasion.
Aussi, nous proposons de mettre en cohérence les objectifs du Gouvernement en inscrivant dans cette loi cette volonté d’arrêter l’artificialisation des sols, avec une échéance fixée à 2025. En effet, nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre. L’artificialisation du territoire est responsable de la perte de 236 hectares d’espaces naturels par jour, soit un département tous les sept ans !
Votre collègue Nicolas Hulot l’a parfaitement démontré, monsieur le ministre : l’urbanisation continue menace notre biodiversité. Toutes les espèces sauvages voient leurs habitats, quadrillés par nos routes et nos constructions, se réduire comme peau de chagrin.
Au-delà des conséquences pour notre environnement, dont j’ai peur qu’elles ne suffisent pas, à elles seules, à vous convaincre, monsieur le ministre, arrêtons-nous un instant sur les conséquences sociales.
L’étalement urbain entraîne une dégradation de la qualité de vie et de la santé des Français – allongement des temps de transport, pollution, etc. Ces phénomènes touchent, en premier lieu, nos concitoyens les plus démunis et entraînent un accroissement des coûts pour les collectivités territoriales. En effet, la diminution de la densité entraîne un renchérissement du coût des services publics – collecte des ordures, distribution d’eau potable, etc.
Par ailleurs, l’urbanisation massive entraîne une aggravation des catastrophes naturelles, particulièrement les inondations. Le bétonnage massif réduit d’autant la capacité d’absorption de nos sols, aggrave les ruissellements et les conséquences des intempéries, qui seront d’ailleurs amenées à se multiplier du fait du réchauffement climatique.
Nous ne pouvons plus nous permettre de dégrader petit à petit notre environnement. Nous en sommes les principales victimes.
Mes chers collègues, nous avons ici la possibilité d’agir et de respecter les engagements du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 281 rectifié, présenté par M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 6 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° La fin de l’artificialisation des surfaces agricoles utiles d’ici 2025. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à mettre fin à l’artificialisation des surfaces agricoles utiles d’ici à 2025.
Au sortir du débat sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, nous pouvons nous mettre d’accord sur cet objectif demandé par tous les syndicats agricoles. En effet, pour conserver la capacité de nourrir, demain, dix milliards d’êtres humains et pour préserver notre autonomie alimentaire, nous ne pouvons plus nous permettre de voir disparaître nos terres agricoles.
Ce sont ainsi deux millions d’hectares qui ont disparu depuis trente ans, soit l’équivalent de la Gironde et des Landes cumulées, les deux plus grands départements français.
Cette préservation des terres arables est d’autant plus indispensable que la détérioration de nos sols oblige à faire évoluer nos pratiques agricoles – alternance des cultures, développement du bio, etc. –, ce qui nécessitera davantage de surfaces agricoles utiles que notre actuel modèle intensif. Il est donc plus que temps de protéger les surfaces agricoles.
M. le président. L’amendement n° 1000 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini, est ainsi libellé :
Avant l’article 6 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° La lutte contre l’artificialisation des sols, avec un objectif de zéro artificialisation nette du territoire d’ici 2025. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. À chaque nouveau texte sur le sujet – loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, etc. –, nous avons conscience de la situation d’urgence, puis nous passons à d’autres préoccupations, et nous avons parfois tendance à oublier.
En complément des propos de notre collègue Guillaume Gontard, je précise que 58 % des constructions se font encore par artificialisation, laquelle est plus rapide que l’augmentation de la population. L’étalement urbain se poursuit, avec des conséquences non seulement sur les sols agricoles et la biodiversité, mais aussi sur les émissions de gaz à effet de serre, ce phénomène s’accompagnant d’une augmentation du temps de trajet pour les ménages.
Le Gouvernement a mis en place une feuille de route conséquente en la matière, avec le volet consacré à l’artificialisation des sols du plan Biodiversité, qui fixe un objectif de zéro artificialisation nette du territoire. Cet objectif est à la fois ambitieux et nécessaire. Pour le respecter, il faudra fortement améliorer la mise en œuvre de la séquence « éviter, réduire, compenser », qu’il ne faut jamais oublier dans le cadre du développement des territoires.
Toutefois, le plan Biodiversité ne prévoit pas d’échéance, et je crois que 2025 est un horizon temporel nécessaire au regard de l’urgence de la situation. Le plan ne prévoit pas d’inscrire cet objectif dans la loi, mais il me semble essentiel de le faire. En effet, la loi se doit de donner des signaux forts, afin de garantir l’efficacité du plan.
Cet amendement vise donc à préciser, dans les règles générales d’urbanisme, que les actions des collectivités territoriales doivent contribuer à atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette des sols d’ici à 2025.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Ces trois amendements, quasi identiques, n’ont pas de portée opérationnelle réelle.
Les principes du code de l’urbanisme sont des orientations fondamentales et durables de l’action des collectivités territoriales et de l’État. Ils n’ont pas vocation à refléter des objectifs chiffrés relevant de politiques particulières.
De deux choses l’une : si les auteurs des amendements souhaitent que cette mesure soit normative, elle est alors problématique, car on ne peut pas légitimement interdire toute artificialisation, sous peine de porter un coup d’arrêt à la construction en zone rurale, et on voit mal comment la non-atteinte de l’objectif en 2025 serait sanctionnée. Et si cette mesure doit être considérée comme non normative, il n’y a pas lieu de l’inscrire dans la loi…
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Ces trois amendements visent à insérer l’objectif de zéro artificialisation nette dans les principes généraux de l’urbanisme. Si le projet de loi qui est soumis à la Haute Assemblée n’a pas intégré cet objectif, c’est parce que tel n’est son objet.
Certes, le renforcement de la maîtrise de l’étalement urbain et de la densification avait été introduit dans le texte, à l’Assemblée nationale, à la suite de l’adoption d’un amendement déposé par le député Jean-Marc Zulesi, mais cette mesure, inscrite à l’article 12 bis, a été supprimée en commission, au Sénat, à l’initiative de M. Grand et du rapporteur pour avis de la commission des lois.
Je le répète, fixer un objectif de zéro artificialisation net d’ici à 2025 n’est pas l’objet de la loi ÉLAN ; cela relève du plan national de biodiversité, dans lequel le ministre d’État, Nicolas Hulot, a souhaité qu’un groupe de travail soit mis en place, pour définir, en concertation avec les parties prenantes, l’horizon temporel à retenir pour atteindre cet objectif.
J’en ai débattu avec Nicolas Hulot, et nous souhaitons avancer dans ce sens, sans mettre en place une date butoir qui poserait un certain nombre de problèmes. Nous avons ainsi trouvé un accord qui me paraît tout à fait judicieux. On ne peut pas fixer un objectif temporel sur ce sujet, qui reste fondamentalement de la responsabilité des élus locaux.
Nous ne souhaitons pas que le présent véhicule législatif revienne sur le travail de concertation, que nous avons mis en place et qui vient d’être lancé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le groupe socialiste et républicain votera ces amendements, en particulier celui de M. Labbé. Depuis des années, tout le monde dit qu’il faut lutter contre l’artificialisation des sols et plusieurs textes ont abordé le sujet, du Grenelle à la loi ALUR, mais, finalement, le rythme de réduction de l’artificialisation est infime, ce qui ne répond pas aux exigences actuelles.
L’amendement de M. Labbé tend à fixer, non pas une date butoir impérative, mais un objectif de relatif court terme, soit 2025, qui permet de modifier les pratiques. Il me semble vraiment souhaitable de poser, dans ce texte, un cadre indicatif, une ligne de mire, afin que les élus locaux et l’État puissent agir, dans l’ensemble des politiques publiques qu’ils mènent.
Quand on évoque ce type de sujets, on nous rétorque souvent que telle ou telle mesure n’a pas de portée normative et qu’il n’est donc pas nécessaire de l’inscrire dans la loi. Et quelques années après, quand les choses n’ont toujours pas progressé, on nous dit qu’il faut se donner des délais et prendre le temps…
Je me félicite que le ministre d’État Nicolas Hulot ait fixé cet objectif, et il nous revient, aujourd’hui, d’accomplir un acte politique fort, en allant dans ce sens.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Vous nous dites, monsieur le ministre, qu’il ne revient pas à ce projet de loi de fixer l’objectif de zéro artificialisation nette. Or, chacun doit bien le comprendre, cet objectif doit être présent dans tous les textes que nous votons désormais !
Le ministre de la transition écologique et solidaire a annoncé, avec une grande lucidité, un plan doté de très fortes ambitions. Voter ces amendements revient à soutenir le ministre et le Gouvernement dans la mise en œuvre de ce plan.
Il s’agit, madame la rapporteur, non pas de stopper le développement, mais d’appliquer effectivement le principe sur lequel nous nous sommes tous engagés : éviter, réduire, compenser. Limiter le plus possible l’artificialisation et fixer une échéance permet de se donner un cap et d’émettre un signal en direction de tous les acteurs concernés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Boyer. J’aimerais avoir des précisions sur des chiffres qui nous sont parfois donnés. Selon certains, l’équivalent d’un département disparaîtrait tous les cinq ans. Selon d’autres, ce serait tous les huit ou douze ans… Quelles sont les sources et sur quels éléments s’appuie-t-on pour établir un tel constat ?
Par ailleurs, ces sujets méritent tout de même un certain nombre de précautions. Dans mon département, le SCOT, ou schéma de cohérence territoriale, prévoit que la population de la grande agglomération doit progresser de 50 000 habitants d’ici à 2030. Dans le même temps, des quotas de permis de construire sont fixés aux communes environnantes, qui doivent parfois – c’est le cas de petites communes rurales – réduire leur surface constructible de 50 %, voire de 60 % ou de 70 %, lorsqu’elles révisent leur plan d’occupation des sols. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.)
Nous sommes devant un choix de société fondamental : voulons-nous vraiment continuer à attirer de la population dans les grandes métropoles, quitte à ce que certaines villes atteignent 2 500 habitants au kilomètre carré, tout en limitant la croissance des villages alentour, en les empêchant d’avoir plus de vingt-cinq ou trente habitants au kilomètre carré ? Que voulons-nous exactement ?
Si nous continuons de bloquer le développement des zones qui sont pourtant constructibles, nous ne nous dirigerons pas vers l’avenir que vous prédisez, mon cher collègue, mais vers son opposé ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je voudrais apporter deux précisions.
Tout d’abord, la première raison de la perte de terres agricoles n’est pas l’artificialisation. Chacun sait que nous perdons en terres agricoles l’équivalent d’un département tous les sept ans.
M. Charles Revet. C’est invérifiable !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. C’est l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers qui le dit !
En réalité, ce phénomène provient davantage de l’accroissement des forêts que du développement urbain. On oublie trop souvent de le dire.
M. Michel Savin. Oui, et il y a les friches !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Par ailleurs, il faut rappeler que tous les documents d’urbanisme, que ce soit les SCOT, les PLU ou les PLUI, demandent aux élus locaux de lutter contre l’artificialisation des terres et l’étalement urbain. On ne peut donc pas dire que rien n’existe ! (Marques d’approbation sur des travées du groupe Union Centriste.)
J’ajouterai un point, peut-être un peu provocant… J’imagine que les collègues – je pense par exemple à M. Iacovelli – qui sont tant opposés à l’artificialisation des terres ne manqueront pas d’aller dans notre sens, quand nous proposerons de remonter le seuil de la loi SRU de 1 500 à 3 500 habitants dans la région parisienne… (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Xavier Iacovelli. Sûrement pas !
Mme Cécile Cukierman. Très drôle !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. En effet, en grande couronne, nous sommes obligés d’urbaniser dans des communes de petite taille, et je ne vous parle pas de Marnes-la-Coquette, qui se trouve en zone urbaine…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et les centres-bourgs resteront vides !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Il est vrai que certaines choses peuvent paraître contradictoires, mais seulement si elles sont sorties de leur contexte.
J’ai entendu ce qui vient d’être dit sur les SCOT, mais nous devons être conscients qu’ils sont très différents entre eux, notamment en termes d’obligations ou de mise en œuvre, et y compris au sein d’un même département…
Monsieur le ministre, j’en profite pour vous faire part d’une interrogation : il semble que les fonctionnaires de l’État appliquent les règles d’élaboration et de validation des SCOT de manière très diverse, ce qui pose tout de même quelques soucis.
Sur le fond, certains SCOT visent, comme cela a été dit, à concentrer fortement la population dans les zones métropolitaines, voire dans les villes-centres de la métropole, au détriment des autres communes. D’autres SCOT prévoient une répartition beaucoup plus intelligente, selon la taille des communes. Il est important d’apporter cette nuance.
Je suis convaincue que le SCOT doit rester, comme son nom l’indique, un schéma de cohérence, ce qui nous ramène à la question du pouvoir des maires et à celle de la place des PLU et des PLUI. De fait, ce n’est pas le SCOT qui, aujourd’hui, rend compliquées l’installation et la construction en milieu rural, parce qu’il est toujours possible de requalifier le bâti existant.
Ces amendements visent à arrêter l’étalement urbain, qui a été assez anarchique dans les années 1980, il faut bien le dire, et qui a entraîné des coûts importants en termes d’infrastructures. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un enjeu collectif : sécuriser les terres agricoles et les constructions, afin de ne pas nous apercevoir, dans quelques décennies, qu’il est trop tard pour agir.
C’est pour ces raisons que je voterai ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Les contraintes qui pèsent sur la ruralité sont extrêmement fortes. Je suis d’accord avec Mme Cukierman pour dire qu’il faut prendre garde à l’artificialisation des terres dans les grandes villes, mais, en l’état du droit, les conditions de révision des PLU en milieu rural sont très restrictives et limitent sensiblement la surface qui peut être affectée aux constructions.
Or, dans certains hameaux, les familles souhaiteraient que leurs enfants puissent construire, mais ils ne peuvent pas le faire en raison des règles d’urbanisme.
M. Charles Revet. Exactement !
M. Daniel Chasseing. C’est une contrainte très importante. Voilà pourquoi je ne voterai pas ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Cécile Cukierman. C’est le pouvoir des maires !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. J’ai bien entendu les propos qui viennent d’être tenus par les différents orateurs. Il me semble que ces amendements sont, avant tout, des amendements d’appel.
Je vous le répète, le ministre de la transition écologique et solidaire et moi-même avons eu des discussions dans le cadre du plan national sur la biodiversité, à l’issue desquelles nous n’avons pas souhaité fixer une date. Il est vrai qu’une telle mesure aurait pu être incitative, mais elle n’aurait pas été en adéquation avec la réalité du terrain. Pourquoi fixer l’objectif de zéro artificialisation des sols à 2025, et pas à 2020, par exemple ?
Dans le même temps, les collectivités locales et l’État prennent déjà des mesures en la matière.
La présidente de la commission des affaires économiques vient aussi de rappeler très justement que c’est souvent le taillis qui a pris le pas sur les surfaces agricoles. Il suffit de comparer les photos de certaines vallées prises il y a trente ans à celles qui sont prises aujourd’hui pour se rendre compte de cette réalité !
Quand on parle de construction, nous assistons à des changements de paradigmes, pour reprendre une expression actuelle…
Cher Joël Labbé, il y a encore quelques années, j’entendais les responsables de votre sensibilité politique s’opposer aux constructions en hauteur, notamment lorsqu’il s’agissait de tours. Les mêmes, souvent, prônent aujourd’hui la densification et sont favorables à des constructions en hauteur.
M. Joël Labbé. C’est vrai.
M. Charles Revet. Ils n’y vivent pas !
M. Jacques Mézard, ministre. Il n’y a d’ailleurs pas trente-six solutions : pour éviter l’étalement urbain, il faut construire en hauteur.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Place des Vosges ?… (Sourires.)
M. Jacques Mézard, ministre. Par ailleurs, il faut lutter contre la vacance des logements. Il me semble que c’est un objectif que nous partageons.
Je voudrais rappeler, en conclusion, que l’artificialisation peut avoir des conséquences dramatiques et provoquer des morts, notamment en cas d’inondation. Nous avons malheureusement connu de tels événements.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1000 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 994 rectifié ter, présenté par MM. Jomier, Cabanel et Montaugé, Mme Monier, MM. Devinaz et Jacquin, Mme Blondin, M. Mazuir, Mmes Meunier et Préville, MM. Duran et Tissot, Mme Conway-Mouret, M. Lurel, Mme Grelet-Certenais, M. Manable, Mme Féret et MM. Kerrouche et Assouline, est ainsi libellé :
Avant l’article 6 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° La promotion de la santé, au sens d’un état de complet bien-être physique, mental et social, par la prise en compte systématique, en amont des projets de planification, de l’ensemble des facteurs susceptibles d’influencer de manière positive ou négative les déterminants de la santé. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement vise à inscrire dans les dispositions générales du code de l’urbanisme communes aux schémas de cohérence territoriale, aux plans locaux d’urbanisme et aux cartes communales l’enjeu de la prise en compte de la santé, comme le recommande le rapport du Haut Conseil de santé publique, le HCSP, rendu public le 4 juillet dernier et intitulé Pour une meilleure intégration de la santé dans les documents de planification territoriale.
Saisi en 2016 par le ministère de la transition écologique et solidaire et celui des solidarités et de la santé, le HCSP a travaillé à l’identification des outils nécessaires à l’évaluation des impacts sur la santé dans les documents de planification territoriale relatifs aux déplacements, à l’urbanisme et au logement.
Particulièrement attendu par les acteurs de terrain, le rapport comprend des recommandations structurantes, comme celle d’adapter le code de l’urbanisme de manière à prendre systématiquement en compte la santé au même titre que l’environnement, et des recommandations très opérationnelles pour favoriser l’utilisation d’outils d’intégration de la santé dans les trois documents de planification territoriale que chacun connaît.
Je précise que c’est Bernard Jomier, très attaché à une prise en compte transversale des questions de santé, qui est à l’initiative de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Si je partage pleinement les objectifs qui nous sont proposés, rien dans le présent projet de loi ne les remet en cause ou y porte atteinte. En outre, le caractère normatif de cet amendement n’est pas établi, et il n’est pas aisé de voir comment il se traduirait concrètement.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 994 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 6 A
(Non modifié)
L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° La promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie dans les zones urbaines et rurales. »
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Harvey, Irma, José, Maria, Matthews… Pour nous autres, Ultramarins, l’évocation de ces noms rappelle les ouragans récents, qui ont frappé nos territoires et causé des dégâts très importants, en plus des drames humains.
Leur nombre et leur force ne cessent d’augmenter au fil du temps ; dix ouragans se sont ainsi succédé dans l’Atlantique entre août et octobre 2017. Ils sont la traduction du dérèglement climatique, qui affecte nos territoires au quotidien, comme le soulignait le rapport sénatorial d’information n° 131 de novembre 2015.
Ce dérèglement a également des incidences sur des secteurs clés, tels que l’agriculture, l’élevage, l’exploitation forestière, la pêche et l’aquaculture, ainsi que le tourisme.
C’est pourquoi, s’il est reconnu en matière environnementale, le concept de résilience doit absolument être introduit dans notre politique de l’habitat. En effet, la résilience est la capacité de tout système urbain et de ses habitants à affronter les crises et leurs conséquences, tout en s’adaptant positivement et en se transformant pour devenir pérenne.
Ainsi, une ville résiliente évaluera, planifiera et prendra des mesures pour se préparer et réagir à tous les aléas, qu’ils soient soudains ou à évolution lente, prévus ou non. Les villes résilientes seront donc mieux à même de protéger et d’améliorer la vie des citoyens.
Pourquoi intégrer la résilience urbaine dans notre droit ? Tout simplement parce que, depuis 1992, le nombre de personnes touchées par une catastrophe est de 4,4 milliards, soit 64 % de la population mondiale, et les dommages économiques s’élèvent à environ 2 000 milliards de dollars. En 2015, quelque 117 pays et régions ont été frappés par une catastrophe.
En conclusion, les gouvernements, les villes et les acteurs locaux doivent s’investir dans une démarche globale de résilience du logement social face à un risque majeur, penser de nouvelles modalités d’articulation entre développement urbain et prévention des risques et permettre, à terme, le développement d’une véritable culture sur le sujet dans les pratiques professionnelles du logement social.
Le développement d’une telle démarche au sein du logement social des Antilles, démarche récompensée par le trophée de la résilience sociétale 2015, en est une bonne illustration.
Bien sûr, les deux amendements que j’ai déposés sur ce sujet n’ont pas vocation à se substituer à un véritable plan gouvernemental, qui pourrait se traduire par une loi spécifique.
M. le président. L’amendement n° 695 rectifié bis, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, MM. Lurel, Duran, Tourenne et Lalande et Mmes Conway-Mouret, Monier et Grelet-Certenais, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Au 7°, après les mots : « à ce changement », sont insérés les mots : « notamment par la résilience des constructions et de l’environnement à ses incidences » ;
2° Il est ajouté un 8° ainsi rédigé :
« 8° La promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie dans les zones urbaines et rurales. »
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme dresse un catalogue d’objectifs que doit viser l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme : équilibre entre populations résidant dans les zones urbaines et rurales, qualité urbaine, sécurité et salubrité publiques, prévention des risques naturels prévisibles, protection des milieux naturels…
Cet amendement vise à enrichir ce catalogue par une mention de la résilience, en particulier celle des constructions au changement climatique.
En inscrivant la résilience à l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme, non seulement nous la consacrerions dans son principe en matière d’urbanisme, mais nous assurerions sa prise en compte, par ricochet, par un ensemble de documents de planification qui doivent s’attacher à respecter les objectifs de cet article. Il en irait ainsi des SCOT, des PLU, des cartes communales et des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires.
La résilience serait aussi prise en compte par l’État dans le cadre de ses attributions au titre de l’urbanisme – je pense à l’article L. 132-1 du code de l’urbanisme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’article 6 A du présent projet de loi, inséré par la commission saisie au fond à l’Assemblée nationale, prévoit déjà, en application d’engagements internationaux de la France, l’inscription de la conception universelle. Cette partie de votre amendement est donc satisfaite.
Sur le sujet que vous avez plus particulièrement évoqué, les objectifs du code de l’urbanisme mentionnent déjà l’adaptation au changement climatique. Vous voulez ajouter la résilience, mais la rédaction proposée n’a pas véritablement de caractère normatif.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je ferai les mêmes observations. La seconde partie de l’amendement est pleinement satisfaite par l’alinéa 2 de l’article, qui évoque « la promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie dans les zones urbaines et rurales ».
En ce qui concerne la première partie de votre amendement, je souscris aux observations formulées à l’instant par Mme la rapporteur.
Le Gouvernement émet donc, lui aussi, un avis défavorable sur cet amendement.
M. Maurice Antiste. J’espère que ce n’est pas le mot « résilience » qui vous effraie, monsieur le ministre, madame la rapporteur !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Pas du tout !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je comprends l’argument relatif à la seconde partie de l’amendement, mais, en ce qui concerne le premier paragraphe, je trouve dommage de rater l’occasion d’inscrire le terme de résilience dans le projet de loi.
Il se trouve que Nicolas Hulot a présenté le premier bilan du Plan national de lutte contre le changement climatique et a lancé le PNAC, le Programme national d’adaptation au changement climatique, qui contient un important volet relatif aux questions de résilience, notamment dans les territoires ultramarins ; je suis président de la commission du Conseil national de la transition écologique, qui suit le PNAC.
Ajouter la résilience des constructions à l’adaptation au changement climatique permettrait d’éclairer les aménageurs et les bâtisseurs. Il serait vraiment dommage de ne pas le faire. Il ne s’agit pas d’alourdir le texte ou de le rendre bavard, mais d’émettre un signe. Le terme de résilience est un terme clé aujourd’hui. Ne ratons pas cette occasion !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je ne me suis pas concerté avec mon collègue Ronan Dantec, mais il me semble important d’intervenir.
Notre collègue ultramarin a parlé de résilience ; il n’est pas anodin que la première proposition d’intégrer cette notion dans la loi vienne de l’outre-mer, parce que les habitants de ces territoires sont aux premières loges. Pour autant, nous sommes tous concernés et, comme pour l’artificialisation des sols dont je parlais, nous avons tendance à regarder ailleurs et à ne pas nous rendre compte de l’extrême gravité de la situation.
C’est pourquoi je soutiens pleinement l’intégration de la notion de résilience dans le code de l’urbanisme, comme le propose cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, si chacune et chacun d’entre vous prend le soin de lire l’ensemble du code de l’urbanisme, vous verrez qu’il contient, en de nombreux endroits, plus d’incitations culturelles, disons des bonnes pratiques, que d’éléments normatifs stricto sensu. On peut donc s’interroger : ne faut-il dans ce code que des éléments normatifs, ou doit-on considérer qu’il contribue aussi à modifier culturellement nos pratiques ?
Je le répète, en l’état actuel du droit, le code est plus dans l’incitation à prendre en compte, dans nos réflexions, dans nos documents, un certain nombre de nouveautés. Dans ces nouveaux éléments contemporains, outre l’artificialisation des sols, dont j’ai parlé tout à l’heure, on trouve la résilience des bâtiments, qui est essentielle. On va assister à l’avenir à catastrophes naturelles entraînant des mutations du bâti, qui méritent d’être pensées avec beaucoup plus d’anticipation que jusqu’à présent !
Je puis comprendre les arguments sur le caractère normatif ou non, mais, dans ce cas, je suis à peu près sûre qu’un tiers du code de l’urbanisme peut disparaître. En tout cas, il faut soutenir l’évolution culturelle liée à la résilience, en votant cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. La semaine prochaine sera présenté un rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer, qui est présidée par M. Michel Magras. Je suis rapporteur de ce travail, en compagnie de M. Mathieu Darnaud, le rapporteur coordonnateur étant M. Guillaume Arnell.
Ce rapport comporte deux volets : le volet « prévention », que nous allons présenter le 24 juillet prochain ; le second volet concernera justement la résilience, prise de façon très large. En effet, à chaque étape de travail que nous avons fait s’est posé le problème de la résilience.
Je ne veux pas anticiper le travail qui sera fait par les personnes désignées sur cet aspect du problème, mais je veux saisir l’occasion qui nous est donnée aujourd’hui de prendre en compte ces situations. Aujourd’hui, des assureurs, des maires, des collectivités, et, évidemment, des populations sont en difficulté. Prendre en compte la résilience maintenant, c’est une forme d’anticipation. Il ne faut pas attendre ! Peut-être faudrait-il simplement rappeler la définition de ce terme, pour ceux qui ne savent pas de quoi il s’agit exactement.
En tout cas, j’y insiste, il importe de prendre en compte cette notion en faisant preuve de bon sens, comme M. Antiste nous y encourage avec son amendement. Malheureusement, les autres corapporteurs et le président Magras ne sont pas là aujourd’hui pour m’appuyer, mais je vous invite à le voter.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.
M. Maurice Antiste. Comme la résilience semble partie pour réunir une belle unanimité, je suis prêt à rectifier mon amendement en retirant sa seconde partie, pour ne garder que la première, qui tend à enrichir le catalogue de la mention relative à la résilience.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 695 rectifié ter, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, MM. Lurel, Duran, Tourenne et Lalande et Mmes Conway-Mouret, Monier et Grelet-Certenais, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au 7° de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme , après les mots : « à ce changement », sont insérés les mots : « notamment par la résilience des constructions et de l’environnement à ses incidences ».
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je reste sur ma position : avis défavorable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 695 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 6 A.
(L’article 6 A est adopté.)
Article 6
(Non modifié)
I. – L’article L. 3211-6 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les immeubles bâtis et non bâtis qui font partie du domaine privé de l’État peuvent être cédés pour contribuer à la mise en œuvre des opérations d’aménagement définies à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme dont la réalisation est prévue par un contrat de projet partenarial d’aménagement mentionné à l’article L. 312-1 du même code. Ces terrains sont cédés à l’amiable à la collectivité territoriale ou à l’établissement public cocontractant à l’initiative de l’opération mentionné au même article L. 312-1 ou à l’opérateur désigné dans ce contrat. »
II. – L’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « essentiellement » est remplacé par le mot : « majoritairement » ;
b) À la dernière phrase, après les mots : « locatifs sociaux », sont insérés les mots : « , pour les logements faisant l’objet d’un contrat de bail réel solidaire » ;
2° À l’avant-dernier alinéa du V, les mots : « qui porte sur un périmètre de plus de cinq hectares, » sont supprimés et, après les mots : « cinq ans », sont insérés les mots : « , dont la première doit être réalisée dans un délai maximal de cinq ans, » ;
3° Le VIII est complété par un c ainsi rédigé :
« c) Les logements faisant l’objet d’un contrat de bail réel solidaire en application du chapitre V du titre V du livre II du même code. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 544 est présenté par M. Iacovelli, Mme Guillemot, MM. Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 914 rectifié est présenté par MM. Labbé et Dantec et Mme Laborde.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 544.
M. Xavier Iacovelli. Le dispositif de cession du foncier de l’État a été pensé pour favoriser particulièrement la production de logement social.
Il a vocation à répondre à l’urgence de la situation de tous les ménages qui attendent un logement social, faute de pouvoir se loger dans le parc privé. C’est une mesure emblématique du précédent quinquennat. L’enjeu est bien de construire des logements qui répondent aux besoins et aux revenus des Français. Il faut donc construire davantage de logements sociaux, en particulier dans les zones tendues.
La construction de logements sociaux doit rester une priorité nationale. La cession des terrains publics contribuant à accélérer des opérations et à augmenter la capacité de financement du logement social. Elle est donc plus que jamais une nécessité.
L’article 6 du projet de loi tend à abaisser le seuil de réalisation de logements dans les opérations réalisées sur du foncier public à 50 %.
La cession des terrains de l’État représente un effort important de la Nation, qui doit continuer de favoriser essentiellement le logement. Le manque de foncier disponible et sa cherté sont suffisamment importants pour que la mobilisation des terrains de l’État soit orientée essentiellement vers le logement, ce qui n’exclut pas d’ailleurs de consacrer une partie de l’opération à des commerces ou des activités autres, pour assurer une certaine mixité fonctionnelle.
Le dispositif n’est peut-être pas parfait et pourrait encore être amélioré pour mieux atteindre ses objectifs, mais l’effet d’entraînement est indéniable : des opérations parfois bloquées depuis dix ans ont été engagées grâce à cette volonté politique affichée de produire plus de logements, notamment sociaux.
Comment accepter que les terrains de l’État puissent servir des projets qui ne répondent pas à l’intérêt supérieur du pays ?
Nous sommes donc très opposés au détournement de la vocation originelle du dispositif de cession du foncier public. Nous proposons de conserver l’objectif initial du dispositif de mobilisation du foncier public, avec une obligation de construire essentiellement, et non pas majoritairement, du logement, comme l’indique l’alinéa 5 de l’article.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 914 rectifié.
M. Joël Labbé. Si nous sommes dans l’impérieuse nécessité de mettre fin à l’étalement urbain, comme nous l’avons dit tout à l’heure, nous sommes aussi dans l’impérieuse nécessité de produire des logements, notamment sociaux. C’est l’objet de nos débats.
Le dispositif de décote Duflot permet à l’État de céder des terrains de son domaine privé à un prix inférieur à leur valeur vénale, en vue de la réalisation de programmes comportant « essentiellement » des logements, avec une partie au moins de logements sociaux. Le projet de foi vient modifier le seuil des logements que doivent comporter ces programmes en l’abaissant à seulement 50 %, alors que le foncier public est rare et qu’il convient de ne surtout pas le brader. Aussi, la décote doit, à notre sens, être réservée uniquement à la relance de la construction de logements.
Le présent amendement vise donc à préserver le taux de logements actuel au sein des programmes bénéficiant de la décote pour permettre de répondre aux besoins de nos concitoyens.
M. le président. L’amendement n° 133, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) À la première phrase, les mots : « une partie » sont remplacés par le taux : « 25 % » ;
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 133 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements identiques ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’article du projet de loi ne remet pas en cause le ciblage du dispositif de décote, laquelle sera toujours calculée en fonction du pourcentage de surface dédiée au logement dans le programme, et en fonction du type de logement construit.
Ce dispositif a été mis en place pour favoriser le logement en général, et pas spécifiquement le logement social, même s’il est très incitatif en faveur de ce dernier, compte tenu des pourcentages du taux de décote qui sont permis.
À mon sens, l’ouverture de la décote à des programmes contenant « majoritairement » du logement, alors que vous souhaitez écrire dans la loi « essentiellement », permettra de concevoir des programmes mixtes, offrant, de fait, une meilleure qualité de vie, avec notamment des commerces de proximité.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je comprends très bien l’objectif des auteurs de ces amendements. Non seulement nous le partageons, mais nous faisons tout pour l’atteindre.
La difficulté avec la cession du foncier public – je pense à un certain nombre d’établissements de santé ou de casernes – tient à la superficie. En l’occurrence, on n’est pas dans la doctrine, mais dans la réalité de terrain : lorsque l’on est en présence, par exemple, d’une caserne de grande taille, réaliser « essentiellement », c’est-à-dire 75 % de logements, c’est non seulement impossible pour les aménageurs, mais cela empêche de réaliser tous les équipements privés et publics absolument nécessaires dans ces cas-là.
Je le répète, nous avons le même objectif, mais, concrètement, il faut pouvoir mettre ces terrains en valeur lorsqu’ils sont acquis par les aménageurs. De surcroît, comme Mme la rapporteur l’a dit, cela ne change rien au principe de décote, qui est calculé par rapport aux logements.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je défends âprement le retour à l’adverbe « essentiellement » pour la construction de logement.
L’administration et les juges, s’ils sont sollicités, placent la barre de la mixité autour de 75 % de logements, les 25 % restants pouvant servir, en particulier, à du commerce de proximité. Pour moi, une opération où plus de 50 % ne portent pas sur du logement ne répond pas aux critères de la mixité ! On arrive là à des contingents de commerces très significatifs, ou alors à des zones de bureaux, mais on ne voit jamais cela, sauf dans les zones très denses. Or c’est dans celles-ci que l’on manque justement de foncier pour faire du logement.
Je me souviens du débat sur le budget de la défense nationale. Certains de nos collègues, se fondant sur des exemples parisiens, trouvaient inadmissible l’application de la décote sur des ventes de terrains publics, qui n’avaient pas été utilisés pour du logement, au bénéfice, en particulier, des militaires, lesquels avaient du mal à se loger à Paris.
Soit on est dans des zones où il y a effectivement une pression pour des commerces et des bureaux, et il faut impérativement que le foncier disponible de l’État aille au logement, avec une décote calculée par rapport aux logements sociaux, comme l’a dit Mme la rapporteur. Soit tel n’est pas le cas, et, de toute façon, les choses se passent autrement, sans qu’il soit besoin de recourir à ce mécanisme.
Dans ces zones, s’il y a une occasion de faire une usine ou des commerces, on n’entre pas dans le cadre des PPA, les projets partenariaux d’aménagement, fixés par l’État, et on donne aux aménageurs des opportunités financières plus favorables à leurs activités qu’à la réalisation d’opérations d’intérêt public.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Depuis le temps que l’on parle de la nécessité de libérer du foncier public, le problème devrait être réglé ! Voilà je ne sais combien d’années que les gouvernements successifs nous disent que l’on va provoquer un choc de l’offre, l’État et ses différents organismes s’apprêtant à libérer du foncier. Manifestement, on a des difficultés à le faire. Si l’on en discute encore, c’est qu’il y a des cas particuliers et des problèmes qu’il faut essayer de régler.
Je comprends que Marie-Noëlle Lienemann et d’autres posent la question. L’idée originelle était bien de faire majoritairement du logement, mais que fait-on si ces opérations ne sortent pas ? On ne fait rien du tout ? Je rappelle tout de même que la vente de ce foncier public fait aussi entrer de l’argent dans les caisses de l’État et contribue à réduire la dette publique. Cela fait aussi partie de la discussion.
Je constate, comme beaucoup d’entre nous, j’imagine, que l’on a du mal à aller au bout de la logique enclenchée voilà déjà un certain nombre d’années. Il est vrai que tout dépend des situations.
M. Michel Savin. Oui !
M. Philippe Dallier. Je puis comprendre les réticences à accepter une baisse à 50 %, au lieu de 75 % de manière uniforme. Cela dit, si l’on veut vraiment la libération du foncier, il faut bien accepter de changer les règles du jeu quand les opérations sont bloquées.
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Je saisis la balle au bond pour donner un exemple allant à l’inverse de ce que je viens d’entendre. Lorsqu’une collectivité sollicite l’État pour reprendre un terrain, afin de faire une opération comportant 100 % de logements sociaux, c’est souvent le même État qui demande à la collectivité de réaliser du privé sur une partie de ce terrain, pour que la vente soit plus rentable. Il faut donc clarifier la situation.
Je comprends qu’il ne puisse pas y avoir que du logement sur les grandes opérations. Autrement, rien ne sortira, et les terrains resteront en friche. Un équilibre est à trouver entrer les cas où l’on n’en fait pas assez, les cas où les collectivités, pour répondre à l’obligation de 25 % de la loi SRU, font le choix du logement social, avec une grosse décote pour compenser les coûts importants d’achat, de démolition et de dépollution, et les cas où l’État – en l’occurrence, c’est plutôt le service des domaines – réclame une partie de privé pour faire entrer de l’argent dans les caisses.
Simplifions les choses, car on ne comprend plus rien dans cette cacophonie, et les collectivités qui ont encore envie de faire du logement social sont aujourd’hui véritablement découragées. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 544 et 914 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
I. – L’article L. 3211-7-1 du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « d’actifs immobiliers d’une superficie» sont remplacés par les mots : « de terrains bâtis ou non bâtis d’une superficie cadastrale » ;
1° bis (nouveau) Au second alinéa, les mots : « actifs immobiliers » sont remplacés par les mots : « terrains bâtis ou non bâtis » ;
2° Après le mot : « réalisation », sont insérés les mots : « de programmes ».
II. – (Non modifié) L’article L. 342-2 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Aux a et d du 1° et au c du 2° du I, la référence : « au 4°» est remplacée par les références : « aux 4° et 8°» ;
2° Le II est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° La société mentionnée au deuxième alinéa du I de l’article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006. »
III. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. À l’inverse de ce projet de loi, qui porte comme seul avenir pour le patrimoine social sa vente à la découpe, nous militons pour la création d’un domaine public inaliénable. Notre proposition est simple. Il s’agit de renforcer les outils permettant d’agir de manière pérenne sur le levier foncier pour permettre la construction effective de logements publics accessibles.
Nous voulons donc nous appuyer sur la Foncière publique solidaire en recentrant ses missions sur la production sociale, comme le propose d’ailleurs le Gouvernement au travers de son amendement. Ainsi, nous préconisons une société foncière répondant à plusieurs finalités.
Il s’agit d’abord de réaffirmer le rôle de l’État en matière de logement, donc de politique foncière.
Il s’agit ensuite de sortir de la logique de fiscalisation de l’aide publique au logement et de renforcer l’aide directe de l’État à la construction, laquelle ne doit pas passer seulement par le subventionnement de la construction, mais aussi par les acquisitions foncières et immobilières directes nécessaires aux opérations publiques de construction de logements.
Aujourd’hui, la Foncière est sous-dotée. Il faudrait revoir ses modes de financement. Nous souhaitons d’ailleurs, à l’instar de ce que propose le Gouvernement, que cette structure reste sous la responsabilité de l’État et non pas de la Caisse des dépôts et consignations.
Il s’agit enfin de sortir les collectivités et opérateurs publics des difficultés qu’ils connaissent aujourd’hui lorsqu’ils souhaitent participer à l’effort de construction, en reportant l’effort financier d’acquisition de terrains, qu’ils soient publics ou privés, sur cette agence.
Ainsi, sur des terrains appartenant à cette agence nationale foncière, les droits à construire ou à réhabiliter seraient confiés aux organismes HLM, pour produire des logements sociaux par un recours aux baux emphytéotiques à construction ou à réhabilitation.
Les recettes liées à ces baux permettraient, à terme, à cette agence de s’autofinancer et, ainsi, d’engager le pays dans le cercle vertueux non pas de la diminution du parc social, mais bien de son essor.
Concrètement, nous voulons faire évoluer le rôle de cette foncière vers l’acquisition de terrains ou d’immobilier afin de constituer un domaine public de l’État sanctuarisé, support de la production de logements sociaux et répondant donc à l’intérêt général.
Voilà des pistes que nous estimons pertinentes et sur lesquelles nous souhaiterions que le Gouvernement travaille, pour faire de cette structure un acteur incontournable du logement public.
M. le président. L’amendement n° 777, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 8° du II de l’article 150 U est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « ou à la société mentionnée au deuxième alinéa du I de l’article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 » sont supprimés ;
b) À la troisième phrase, les mots : « ou par la société mentionnée au deuxième alinéa du I de l’article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 précitée » sont supprimés ;
2° Au premier alinéa du I de l’article 1042, les mots : « , la société mentionnée au deuxième alinéa du I de l’article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 » sont supprimés ;
3° Au 1° du 1 du D du II de l’article 1396, les mots : « ou à la société mentionnée au deuxième alinéa du I de l’article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 » sont supprimés.
II. – Le code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :
1° L’article L. 3211-7 est ainsi modifié :
a) Le V bis est abrogé ;
b) À la première phrase du premier alinéa du VI, les références : « aux V ou V bis » sont remplacées par la référence : « au V » ;
2° L’article L. 3211-7-1 est abrogé ;
3° L’article L. 3211-13-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, les mots « les articles L. 3211-7 et L. 3211-7-1 sont applicables » sont remplacés par les mots « l’article L. 3211-7 est applicable » ;
b) Au dernier alinéa du même I, les mots : « des articles L. 3211-7 et L. 3211-7-1 du présent code » sont remplacés par les mots « de l’article L. 3211-7 du présent code » ;
c) À la première phrase du II, les mots « aux articles L. 3211-7 et L. 3211-7-1 » sont remplacés par les mots « à l’article L. 3211-7 » ;
d) À la seconde phrase du même II, les mots : « des mêmes articles L. 3211-7 et L. 3211-7-1 » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 3211-7 ».
III. – À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme, les mots : « à la société mentionnée au deuxième alinéa du I de l’article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, » sont supprimés.
IV. – L’article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificatives pour 2006 est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa du I est supprimé ;
2° Le troisième alinéa du I est ainsi modifié :
a) Les mots : « aux premier et deuxième alinéas » sont supprimés ;
b) Les mots : « aux mêmes premier et deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « à l’alinéa précédent ».
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Monsieur le président, cette conjonction de chiffres 7 ne peut que porter bonheur à cet excellent amendement. (Sourires.)
L’objet de cet amendement est de supprimer la mention d’une société codétenue par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que les prérogatives dérogatoires dont bénéficiait la Foncière publique solidaire pour permettre la réorientation de ses activités.
Comme l’a justement rappelé le sénateur Dallier, en matière de cession du foncier public de l’État, force est de constater que la réussite n’a pas vraiment été au rendez-vous ces dernières années. Là encore, loin de moi la volonté de faire le procès de ce qui s’est passé avant, mais je constate qu’il y a eu un certain nombre de problèmes et que les grandes réussites de la SOVAFIM, la Société de valorisation foncière et immobilière, sont restées en mémoire de ceux qui ont eu affaire à cette société anonyme intégralement détenue par l’État.
Aujourd’hui, nos propositions me semblent aller dans le sens de ce que je viens d’entendre. Je rappelle que la Foncière publique solidaire a été créée par l’article 50 de la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain.
Cette société, codétenue par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, bénéficie de plusieurs prérogatives dérogatoires pour mener à bien sa mission de mobilisation du foncier public pour construire du logement, principalement social : un droit de préemption sur les cessions de foncier public ; un dispositif spécifique d’acquisition de gré à gré des terrains du domaine privé de l’État ; une application simplifiée de la décote, dont nous venons de parler ; des exemptions fiscales, telles que l’exonération des plus-values pour les tiers cédant des biens à la FPS, l’exemption de majoration de l’assiette de la taxe foncière ou l’exonération des droits d’enregistrement ou de la taxe de publicité foncière.
Depuis sa création effective, en mai 2017, cette foncière n’a pas pu développer ses activités, en raison des difficultés à monter rapidement des opérations importantes sur le domaine privé de l’État. Par ailleurs, il s’est révélé difficile de définir un modèle économiquement compatible avec l’exigence de construire une majorité de logements sociaux sur les fonciers acquis.
Au travers de cet amendement, le Gouvernement souhaite réorienter le modèle de la FPS. La Caisse des dépôts et consignations va acquérir la totalité de ses parts, faire évoluer les missions de la société au service des bailleurs sociaux, avec un nouveau dispositif doté de 700 millions d’euros qui doit leur permettre d’économiser une partie des fonds propres nécessaires à la construction de logements sociaux par un démembrement de propriété en amont de l’opération.
Pour acter cette réorientation, cet amendement tend à supprimer la mention de cette société détenue conjointement par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, puisque cette dernière sera amenée à acquérir l’intégralité du capital de la société. De plus, il s’agit de supprimer les prérogatives dérogatoires qui sont liées à la mission d’intérêt général de construction d’une majorité de logements sociaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Monsieur le ministre, avec cet amendement, vous souhaitez opérer une refonte complète du modèle et des missions de la Foncière publique solidaire.
Vous avez refait l’historique de sa création ; pour ma part, je voudrais rappeler ce qui s’est passé au Sénat à son sujet. La création de la FPS avait fait l’objet d’une tentative de passage en force du précédent gouvernement, par le biais de la loi Égalité et citoyenneté. Le Sénat avait rejeté cette proposition.
Le Sénat ne s’est pas non plus prononcé pour la création de la FPS au moment de la loi relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, le texte ayant été repoussé par le vote d’une motion tendant à opposer la question préalable.
Aujourd’hui, vous revenez sur la FPS à travers cet amendement qui tend à opérer une profonde refonte de son modèle et de ses missions. Or je pense véritablement, monsieur le ministre, que cette question mérite un véritable débat et une étude approfondie, en lien avec les bailleurs sociaux et les établissements publics fonciers locaux.
J’irai même plus loin : finalement, si la FPS, à ce jour, est un échec, pourquoi ne pas la supprimer carrément et utiliser des solutions déjà existantes, telles que celles, en particulier, qui sont proposées par les EPF ?
La commission émet donc un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Très bien !
M. Jean-François Husson. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. La FPS a vocation à alléger le coût du foncier et à apporter un soutien aux collectivités locales. L’État peut céder des terrains relevant de son domaine privé à la Foncière solidaire s’ils sont destinés à la réalisation de programmes dont la majorité est constituée de logements sociaux.
L’amendement du Gouvernement tend à supprimer cette obligation. C’est revenir complètement sur l’esprit initial ayant présidé à la création de cette structure. Comme Mme la rapporteur, mais pas pour les mêmes raisons, nous voterons donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mme la rapporteur a raison de dire que le Sénat n’a jamais été vraiment favorable à cette foncière. À titre personnel, cependant, je l’étais. Pourquoi ? L’État a besoin d’argent, pour ses armées, par exemple, et on lui parle de décote : du coup, il freine des quatre fers et on est bloqué.
L’idée originelle, que le président Hollande avait développée lors de l’anniversaire de la Caisse des dépôts et consignations, me paraissait bonne : on achète, éventuellement par lots globaux auprès de l’armée, après négociation, à un prix proche de celui du marché ; ensuite, soit on applique un système d’aides publiques pour faire du logement social – ceux qui pensent que l’on peut en réaliser en se passant complètement d’aides publiques se trompent –, soit on recourt à un système de péréquation pour financer la partie la plus déficitaire.
Monsieur le ministre, la FPS n’a été créée qu’en février 2017. Il n’est donc pas étonnant qu’elle n’ait pas encore donné toute sa mesure, d’autant plus qu’entre-temps ont eu lieu pas mal de changements gouvernementaux et d’orientation.
En ce qui me concerne, je reste convaincue que cet outil est utile, surtout s’il reste ciblé majoritairement sur la production de logements, mais, pour le coup, cela oblige à être dans un mécanisme d’achat global.
Vous ne voulez plus de la direction conjointe de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations, mais je ne serai pas traumatisée si c’est cette dernière seule qui gère le dispositif. C’est un acteur public qui peut être sensible à l’intérêt général. En revanche, vous avez parlé de crédits qui pouvaient être disponibles pour de l’usufruit. Je voudrais être sûre que l’on n’entre pas dans des mécanismes qui ne seraient pas conformes à la tradition du logement social français. Qu’entendez-vous par usufruit ?
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Effectivement, mes chers collègues, il faut se souvenir des débats que nous avons déjà eus voilà plusieurs mois sur ce même sujet, qui nous avait été amené de façon très particulière.
Aujourd’hui, c’est vrai, vous nous proposez quelque chose de très différent pour la Foncière, en supprimant un certain nombre des avantages liés à sa mission. Surtout, vous en faites très clairement un outil estampillé « Caisse des dépôts et consignations ».
Des inquiétudes s’expriment chaque fois qu’une telle disposition arrive sans que l’on ait eu la possibilité de comprendre comment elle va s’articuler avec les autres politiques existant en matière de foncier. J’ai surtout du mal à comprendre comment et à quel niveau va se décider la mobilisation de cet outil.
Je m’explique. Comme le rappelait Mme la rapporteur, des établissements publics fonciers, régionaux comme locaux, ont adopté des stratégies foncières à une échelle régionale ou intercommunale, avec l’ensemble des collectivités qui se sont mobilisées avec leur EPF pour dégager des terrains destinés au logement. Vous le savez, ces structures ont des délais contraints de trois ans, voire cinq ans maximum, pour réaliser les opérations, faute de quoi la disponibilité du foncier est remise en cause.
Or, quand une société foncière se manifeste, non par l’opération du Saint-Esprit, mais du fait d’une décision nationale, la cohérence avec l’intercommunalité qui aura pris ces engagements n’est en rien garantie.
Une intercommunalité reçoit l’aide d’un EPF pour trouver des terrains là où ce n’est pas forcément le plus avantageux. Comment cet EPF pourra-t-il agir si, demain, la Foncière vient s’emparer des terrains rentables ?
Cela mettra aussi en difficulté tant les opérateurs de logement, qui ne pourront plus accompagner l’EPF pour réaliser les objectifs conclus avec l’intercommunalité, que les communes qui peinent déjà à voir leurs projets sortir de terre. En effet, comme la Foncière s’impliquera dans les projets les plus intéressants, elle mobilisera tous les opérateurs et les porteurs de projets au même endroit.
Il en résultera à coup sûr des conflits d’intérêts et d’usage, ce qui mettra en grande difficulté les établissements publics fonciers, ainsi que les intercommunalités qui ont travaillé avec toutes leurs communes pour faire en sorte que, même pour les territoires les plus fragiles, il existe des outils et des moyens pour construire des logements ou réaliser des opérations mixtes.
Encore une fois, ces logements se retrouveront sans preneur, du fait de l’arrivée d’un opérateur à la logique de territoire inconnue, qui ne pourra pas mettre en œuvre ce dispositif. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Michel Vaspart applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Je souscris aux propos de ma collègue Valérie Létard. Tout à l’heure, je parlais de cacophonie… Il faut de la cohérence !
Ne multiplions pas les outils sur le territoire ! Il en existe déjà, notamment les établissements publics fonciers locaux. Les EPFL fonctionnent bien ; ils travaillent en amont avec les collectivités. Des programmations se réalisent de manière mixte. La durée du portage qui se fait grâce à l’EPFL peut être négociée ; il n’y a donc aucune obligation de réaliser rapidement des opérations parfois susceptibles de mettre en difficulté les collectivités quant aux services qu’elles doivent offrir à la population.
Ne mettons donc pas en concurrence des outils qui, aujourd’hui, répondent aux attentes des collectivités. Il faut de la cohérence, je le répète, et une telle mise en concurrence pourrait pénaliser l’organisation de l’aménagement du territoire.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. David Assouline.)
PRÉSIDENCE DE M. David Assouline
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
Article 8
I. – (Supprimé)
II. – (Non modifié) À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme, après le mot : « mixte », sont insérés les mots : « agréée mentionnée à l’article L. 481-1 du code de la construction et de l’habitation », les mots : « code de la construction et de l’habitation » sont remplacés par les mots : « même code » et, à la fin, les mots : « du même code » sont remplacés par les mots : « dudit code ».
III. – (Non modifié) L’article L. 211-1 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les parties actuellement urbanisées des communes couvertes par un plan d’occupation des sols devenu caduc en application de l’article L. 174-1, le droit de préemption prévu au deuxième alinéa de l’article L. 210-1 est maintenu. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 210-1, le droit de préemption institué dans les conditions prévues au présent article peut être exercé en vue de la relocalisation d’activités industrielles, commerciales, artisanales ou de services ainsi que pour le relogement d’occupants définitivement évincés d’un bien à usage d’habitation ou mixte en raison de la réalisation de travaux nécessaires à l’une des opérations d’aménagement définies au livre III du présent code. »
III bis. – (Non modifié) À la fin de la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme, les mots : « lorsque l’aliénation porte sur un des biens ou des droits affectés au logement » sont supprimés.
IV. – L’article L. 212-1 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° A (nouveau) À la première phrase du premier alinéa et au troisième alinéa, le mot : « second » est remplacé par le mot : « deuxième » ;
1° Le dernier alinéa est complété par les mots : « ou, si la zone est située sur le territoire de plusieurs départements, par arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements concernés » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Des zones d’aménagement différé peuvent également être créées par délibération motivée de l’organe délibérant d’un établissement public territorial créé en application de l’article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales, en dehors des périmètres fixés par le conseil de la métropole du Grand Paris pour la mise en œuvre des opérations d’aménagement d’intérêt métropolitain mentionnées à l’article L. 5219-1 du même code, après avis des communes incluses dans le périmètre de ces zones.
« En cas d’avis défavorable d’une commune, la zone d’aménagement différé ne peut être créée que par arrêté du représentant de l’État dans le département ou, si la zone est située sur le territoire de plusieurs départements, par arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements concernés. »
V. – (Non modifié) Le troisième alinéa de l’article L. 240-1 du code de l’urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée : « Leur organe délibérant peut déléguer l’exercice de ce droit, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. »
VI. – (Non modifié) L’article L. 321-4 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils peuvent agir dans le cadre des emplacements réservés prévus à l’article L. 151-41 du présent code. Ils gèrent les procédures afférentes aux droits de délaissement prévues aux articles L. 230-1 à L. 230-6, à la demande des collectivités territoriales avec lesquelles ils ont conclu une convention en application du dernier alinéa de l’article L. 321-1. »
VII (nouveau). – Après la deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article L. 324-1 du code de l’urbanisme, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Ils sont également compétents pour réaliser ou faire réaliser toutes les actions de nature à faciliter l’utilisation et l’aménagement ultérieur, au sens de l’article L. 300-1, des biens fonciers ou immobiliers acquis. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 134, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rétablir le I dans la rédaction suivante :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 210–1 du code de l’urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils peuvent également être exercés pour lutter contre la spéculation immobilière et foncière. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet article a trait au droit de préemption, dans le cadre d’un chapitre sur le foncier. Nous proposons un dispositif visant à lutter contre la spéculation foncière.
Les motifs qui peuvent être invoqués pour le recours au droit de préemption sont aujourd’hui limitativement énumérés par le code de l’urbanisme, qui renvoie aux dispositions générales sur les objectifs des politiques d’aménagement.
Parmi ces motifs, on compte la mise en œuvre d’un projet urbain ou d’une politique locale de l’habitat, l’organisation, le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, le développement des loisirs et du tourisme, la réalisation d’équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, la lutte contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, le renouvellement urbain, enfin, la sauvegarde ou la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti et des espaces naturels.
Rien dans cette liste ne permet aux élus d’agir à titre préventif pour la maîtrise de leur territoire en luttant contre la flambée des prix et, notamment, la spéculation immobilière. Plusieurs délibérations municipales ont d’ailleurs été censurées parce qu’elles évoquaient la lutte contre la spéculation foncière pour justifier du droit de préemption, alors que d’autres délibérations ont pu être acceptées, parce qu’elles contournaient les différents méandres du contrôle de légalité.
Nous estimons pour notre part qu’il convient de faire évoluer le code de l’urbanisme de manière à permettre l’invocation de ce motif pour justifier le recours au droit de préemption. Cela offrirait aux collectivités un outil, parmi d’autres, pour mener leur politique d’aménagement et participer ainsi à une meilleure maîtrise du foncier sur le territoire communal.
M. le président. L’amendement n° 135, présenté par M. Savoldelli, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rétablir le I dans la rédaction suivante :
I. – La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme est complétée par les mots : « , ou à tout établissement public y ayant vocation ».
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Je défends cet amendement à la place de M. Savoldelli, qui ne peut être présent ce soir.
Le syndicat mixte d’action foncière du Val-de-Marne, ou SAF 94, constitué du département, de 32 communes et d’un établissement public territorial, est un établissement public. Sa vocation est d’accompagner ses adhérents dans le portage foncier, afin de développer la construction du logement social et l’activité économique.
Depuis sa création, en 1996, le syndicat a porté un total de 285 millions d’euros de foncier, permettant l’aboutissement de dizaines de projets d’aménagement urbain sur l’ensemble du Val-de-Marne. Ces projets sont le fruit d’un partenariat constant et de proximité entre le syndicat, les communes, le département, les offices publics d’habitat social, les sociétés d’économie mixte, les établissements publics d’aménagement et l’EPF d’Île-de-France.
Le SAF 94 intervient aujourd’hui aux côtés de plusieurs communes carencées – Le Plessis-Trévise, Marolles-en-Brie, Noiseau, Périgny-sur-Yerres –, les accompagnant dans la constitution de réserves foncières en vue de réaliser des opérations de logements sociaux.
La délégation du droit de préemption urbain par les services de l’État est donc nécessaire pour que se poursuivent ces interventions foncières. C’est ainsi que l’on garantira la bonne réalisation de ces projets de construction et que l’on poursuivra le développement de nouveaux programmes de logements sociaux dans le cadre de la loi SRU.
Pour ce faire, nous proposons, par cet amendement, d’indiquer dans l’article L. 210–1 du code de l’urbanisme que le représentant de l’État peut déléguer le droit de préemption à tout établissement public y ayant vocation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 134, les collectivités disposent déjà d’outils – la zone d’aménagement différé, par exemple – leur permettant de figer l’évolution des prix du foncier en vue d’opérations d’aménagement ou d’acquisitions foncières. Il n’est pas souhaitable de généraliser cette compétence sans viser des projets définis, sous peine de porter une atteinte trop importante au droit de propriété.
De plus, l’objectif visé par les acquisitions ainsi réalisées et l’usage réservé aux terrains acquis ne sont pas précisés dans l’amendement. On ne saurait accepter qu’une commune préempte un terrain destiné à une opération de logement, si c’est pour en faire un terrain vague ! Un tel mécanisme pourrait même contribuer à renchérir le prix du foncier sur la commune, en réduisant l’offre de terrains disponibles.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 134.
J’en viens à l’amendement n° 135. Le code de l’urbanisme prévoit déjà que le titulaire du droit de préemption puisse le déléguer à tout établissement public y ayant vocation. Toutefois, l’article visé par cet amendement, qui concerne les communes « carencées », ne le précise pas expressément.
Sur ce point juridique, la commission demande l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. En ce qui concerne l’amendement n° 134, le Gouvernement partage les arguments développés par Mme la rapporteur.
De fait, il existe déjà d’autres moyens de faire ces préemptions ; en particulier, les maires peuvent constituer des réserves foncières. En outre, dès lors qu’aucun projet d’aménagement n’est attaché à ce projet de préemption, on pourrait y voir une atteinte au droit de propriété ; le risque constitutionnel est donc fort.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 134.
Nous avons une position similaire sur l’amendement n° 135, non pas à cause du point juridique évoqué par Mme la rapporteur, mais tout simplement parce que le droit permet déjà la délégation de la préemption.
Le préfet a cette possibilité dès lors que la préemption a pour but la réalisation de logements sociaux. Nous discutons en effet bien de zones dites « carencées ». Cela signifie que les EPCI délégataires d’aides à la pierre peuvent recevoir cette délégation, tout comme les EPF ou les organismes sociaux. Il faut simplement qu’il y ait un lien entre la finalité du logement social et l’entité à qui cette délégation peut être remise.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 135.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. L’amendement n° 134 est particulièrement intéressant. À en croire la commission et le Gouvernement, ce serait une remise en cause, en gros, du droit de propriété. Non ! Ou alors, si l’on suivait ce raisonnement, tout acte de préemption serait une remise en cause du droit de propriété.
Or il est simplement question ici de limiter les spéculations foncières et immobilières, en particulier dans les zones tendues. Il ne s’agit donc pas d’une atteinte au droit de propriété, puisque le juge fixera de toute façon le montant de l’indemnité. Je trouve étrange cette confusion en la matière.
Par ailleurs, il est tout de même assez rare qu’une collectivité exerce son droit de préemption pour laisser un terrain vague ! D’autres instruments existent si l’on veut conserver le caractère naturel d’un espace.
En revanche, le droit de préemption permet à des communes de constituer des réserves foncières. Ainsi, l’acte public que constitue le changement de statut d’une parcelle au PLU ne peut être capté par un acteur privé unique, à savoir le propriétaire. Au contraire, l’acte public de la préemption, associé au changement de statut, effectue une redistribution préalable aux opérations d’aménagement. Cela permet que celles-ci soient équilibrées.
Le droit de préemption est donc particulièrement important comme outil de réserve foncière, d’autant que, comme plusieurs de mes collègues l’ont rappelé, les établissements publics fonciers ne s’engagent généralement que sur des délais et des temps de portage restreints – trois à cinq ans –, ce qui est compréhensible, et non pas, certainement, sur un portage à long terme.
Certes, quand il s’agit de terrains naturels, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, ou SAFER, interviennent sur la base d’un projet cadré, mais il y a tout de même des difficultés dans les zones à urbaniser.
C’est pourquoi j’estime qu’une telle disposition peut être utile pour consolider ces actes de constitution de réserve foncière. Par ailleurs – je conclurai mon propos sur ce point, sans intervenir sur le second amendement en discussion pour poursuivre mon explication –, cela permettrait que des opérations d’aménagements réalisées à partir d’un patrimoine constitué bénéficient, en retour, à la collectivité, par un investissement qui est parfois porté sur plusieurs générations.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. L’amendement n° 134 est véritablement intéressant. Comme viennent de l’expliquer plusieurs de mes collègues, sans maîtrise foncière, il n’y a pas de projet urbain. Dès lors, la maîtrise du foncier est quelque chose d’essentiel.
Il nous est proposé, au travers de cet amendement, d’offrir aux maires la possibilité de préempter des espaces à la fois pour éviter la spéculation et, à l’évidence, pour développer d’autres projets.
Le droit de préemption renforcé existe seulement sur certains espaces. En revanche, il est difficile de l’exercer en dehors de ces zones et, en particulier, des centres-villes. On peut inscrire au PLU des zones réservées, dans lesquelles, si des terrains sont mis en vente, la commune peut acheter dans les meilleures conditions.
Il serait tout de même intéressant de donner des pouvoirs plus étendus au maire, qui a des comptes à rendre devant son conseil municipal, sous condition bien sûr qu’il décline ses projets et que ce ne soit pas simplement une volonté de remettre en cause la propriété. Tel n’est de toute façon pas le but : il s’agit d’essayer de constituer une réserve foncière pour bâtir les projets urbains du futur.
De ce point de vue, chaque fois que l’on fait préemption – je l’ai fait plusieurs fois, tout comme certains d’entre vous –, il y a un risque énorme. C’est pour l’éviter, et pour disposer de réserves foncières, que l’on pourrait donner un droit plus étendu aux maires, dans le respect, bien entendu, de la légalité.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous débattions tout à l’heure du choc de l’offre. Accroître les capacités de construction est une nécessité pour loger nos concitoyens, mais aussi pour répondre au fait que nous dépensons une part toujours croissante de notre pouvoir d’achat pour nous loger. En effet, la France compte parmi les pays où les dépenses de logement sont les plus élevées.
Il faut examiner les raisons de ce surcoût lié au logement, aux charges et à la consommation énergétique. Quant au prix du logement lui-même, nous allons débattre des mesures à prendre ; il faut construire moins cher, pour essayer de mieux répondre à cette exigence.
Il n’en reste pas moins que l’essentiel des évolutions de coût, depuis une trentaine d’années, correspondent à l’évolution du coût du foncier. Dans notre pays, les prix du foncier ne sont pas régulés, ce qui conduit à des spéculations. C’est pourquoi il est impossible, dans certains secteurs, de réaliser des logements à des prix abordables. Même dans des endroits moins recherchés, on rencontre des difficultés ; le décalage entre le foncier et le prix de sortie des logements est déterminant.
Les outils de régulation du foncier manquent depuis que l’on ne dispose plus des grandes réserves foncières que l’État avait constituées, notamment lors de la construction des villes nouvelles. On ne dispose d’ailleurs plus de fonds dédiés à la réserve foncière. Certes, les établissements publics fonciers existent, mais on voit bien que leur capacité à intervenir dépend de la capacité à libérer du foncier.
Le mécanisme proposé au travers de l’amendement n° 134 donnerait aux collectivités locales la possibilité, en cas de spéculation, de constituer des réserves foncières, ce qui est indispensable pour répondre au choc de l’offre.
Je rappelle que cela ne spolie personne. En effet, quand il y a préemption pour la réserve foncière, à l’évidence le juge s’assure que le prix de la préemption correspond au marché – c’est d’ailleurs l’un des autres débats que l’on pourrait avoir sur l’administration des domaines –, ce qui, pour l’heure, protège correctement le propriétaire.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je comprends bien le problème que vous évoquez, mes chers collègues. Cela dit, avec un amendement rédigé comme celui-ci, je me demande vraiment où nous allons. En effet, si quelqu’un est capable de m’expliquer de manière précise ce que veut dire « lutter contre la spéculation » et quels cas de figure cela recouvre, je suis preneur de vos conseils !
À mes yeux, cet amendement tend à ouvrir une porte bien trop large au maire, pour faire jouer le droit de préemption. On ne peut pas adopter un amendement comme celui-ci ! En outre, des outils existent déjà pour constituer des réserves foncières ; on ne peut pas considérer que nous sommes démunis.
Je veux vous donner quelques exemples de pratiques qui ont eu cours dans mon département, dans des communes que nos collègues du groupe CRCE connaissent assez bien. Comme cela a été exposé sur la place publique, je vais brièvement rappeler ce qui se passait.
Les maires convoquaient les promoteurs, pour lutter contre la spéculation, et leur disaient : « Écoutez, monsieur, si vous voulez un permis de construire, on vous interdit de vendre à plus de tant du mètre carré. – Ah bon, répondait le promoteur, et comment me l’interdirez-vous ? – Eh bien, nous ferons tout ce qu’il faut pour vous décourager. »
Que se passait-il alors ? Si le promoteur voulait le permis, il se mettait au niveau de prix souhaité par le maire, mais sur quel facteur jouait-il ? Cette manœuvre affectait le vendeur et l’acheteur, puisque, bien évidemment, on ne pouvait pas diminuer le coût de construction ; on en réduisait donc la qualité. Ces pratiques ont eu cours en Seine-Saint-Denis, avec les meilleures intentions du monde ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Fabien Gay. Vous ne parlez pas de la situation actuelle ! C’est bien pratique !
M. Philippe Dallier. En outre, cela créait un bel effet d’aubaine ! Le premier à acheter était très content : cinq ans plus tard, il revendait le bien et faisait une belle plus-value. Il est donc totalement inexact de considérer qu’une telle mesure est neutre.
Quant à votre amendement, mes chers collègues, franchement, il est rédigé de telle sorte qu’il est impossible de discerner les bonnes intentions des moins bonnes. Je ne vois donc pas pourquoi nous l’adopterions en l’état.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous allons pour notre part éviter la polémique.
M. Philippe Dallier. C’était dans les journaux ! Ce sont des faits !
Mme Cécile Cukierman. Des faits, je peux vous en donner d’autres, pour d’autres communes !
M. Fabien Gay. Et des cas actuels !
M. Philippe Dallier. Volontiers !
Mme Cécile Cukierman. Je vous suggère, cher collègue, d’éviter la polémique. Pour ma part, je resterai dans les limites du respect républicain.
Ce n’est pas le coût de la construction qui détermine s’il y a, ou non, spéculation, dans l’exemple que vous nous donnez comme dans d’autres. Nous avons effectivement été un certain nombre de maires à mettre la pression sur des promoteurs, afin de rendre le logement accessible à celles et ceux qui en avaient besoin. Si le logement reste trop cher, il n’est pas vrai d’en attribuer la cause aux seuls coûts de construction !
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Cécile Cukierman. Ce sont d’autres facteurs qui importent. Il me semble vraiment que l’on assiste ce soir, pour ainsi dire, à un dérapage…
M. Philippe Dallier. Pas du tout !
Mme Cécile Cukierman. Monsieur Dallier, voulez-vous vraiment que l’on sorte dans cet hémicycle, ce soir, les dossiers de tous ceux qui, dans l’ensemble des communes, ont exercé de telles pressions ?
M. Philippe Dallier. Mais faites ce que vous voulez, madame Cukierman !
Mme Cécile Cukierman. Je crois pour ma part que, à vouloir laver plus blanc que blanc, généralement, on se salit énormément !
M. Philippe Dallier. Mais c’était public ! Les maires le revendiquaient !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues : on ne s’interpelle pas ainsi dans l’hémicycle. Mme Cukierman a seule la parole.
Mme Cécile Cukierman. Par ailleurs, j’entends l’argument selon lequel cet amendement est mal rédigé. En même temps, vous n’ignorez pas, mes chers collègues, que dans les articles du code de l’urbanisme relatifs, notamment, à la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti, il y a pléthore de dispositions mal rédigées, qui peuvent donner lieu à interprétations rivales et contentieux.
Certes, il n’y aura pas de navette parlementaire, puisque la procédure accélérée a été engagée sur ce texte, mais si l’on est réellement animé de la volonté de donner aux maires un outil pour lutter contre la spéculation immobilière et foncière dans leurs communes, et que l’on estime que, sur le fond, la logique est la bonne, alors j’ai toute confiance dans la capacité des députés ou de la commission mixte paritaire à habiller notre objectif de manière beaucoup plus constitutionnelle. Permettez-moi en conséquence de balayer l’argument de la forme d’un revers de manche.
Enfin, j’entends bien qu’il existe déjà des dispositifs, mais ils ne sont ni suffisants ni assez maîtrisés et appréhendés directement par les maires. Les dispositifs existants ne sont pas directement en possession du maire et renvoient à d’autres acteurs.
Pour toutes ces raisons, nous maintenons notre amendement.
M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à respecter scrupuleusement votre temps de parole, qui est de deux minutes trente.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. J’avoue avoir du mal à comprendre les arguments juridiques exposés par M. le secrétaire d’État, notamment sur l’amendement n° 135. En quoi serait-il inconstitutionnel qu’un représentant de l’État délègue un droit de préemption qui est, par ailleurs, fort encadré dans son exercice ?
En quoi cela atteint-il le droit de propriété ? Je le comprends d’autant moins que, on le sait bien, pour effectuer une préemption, il faut avoir des projets, les exposer et convaincre. En outre, s’il y a un problème, le juge fixe les indemnités et les prix. En quoi est-ce inconstitutionnel ?
Autant je puis entendre l’argument selon lequel il peut être compliqué de juger de l’intention de spéculer – il est vrai qu’il faudrait sur ce point trouver une rédaction plus appropriée que celle de l’amendement n° 134 –, autant les dispositions de l’amendement n° 135 me paraissent tout à fait appropriées et indiquées.
M. le président. L’amendement n° 738 rectifié ter, présenté par Mme Lienemann, MM. Tourenne et Duran, Mme Meunier, M. Tissot, Mme Tocqueville, MM. Jacquin, Féraud et Kerrouche et Mme de la Gontrie, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le I de l’article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas d’absence d’acceptation par un des locataires ou occupants de bonne foi des offres de vente mentionnées aux premier et troisième alinéas, le bailleur communique sans délai au maire de la commune sur le territoire de laquelle est situé l’immeuble le prix et les conditions de la vente de l’ensemble des locaux pour lesquels il n’y a pas eu acceptation de ces offres de vente. À défaut, toute vente à un autre acquéreur est réputée nulle.
« La commune dispose alors d’un délai de deux mois à compter de cette notification pour décider d’acquérir le ou les logements au prix déclaré ou proposer de les acquérir à un prix inférieur, dans l’objectif de garantir le maintien dans les lieux des locataires, et, à cette fin, de céder ou confier en gestion les logements concernés à un organisme d’habitations à loyer modéré, ou à une société d’économie mixte gérant des logements sociaux. À défaut d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, notamment de l’indemnité de réemploi. Le prix est fixé, payé ou, le cas échéant, consigné selon les règles applicables en matière d’expropriation. En cas d’acquisition, la commune règle le prix au plus tard six mois après sa décision d’acquérir le bien au prix demandé, la décision définitive de la juridiction ou la date de l’acte ou du jugement d’adjudication. En l’absence de paiement ou, s’il y a obstacle au paiement, de consignation de la somme due à l’expiration du délai de six mois prévu au présent alinéa, le propriétaire reprend la libre disposition de son bien. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement a pour objet un dispositif de préemption que l’on pourrait presque appeler « postemption ». Un tel dispositif avait été adopté au sein de la loi ALUR, afin de combattre les congés pour vente ou, du moins, d’éviter que ces congés et les ventes à la découpe forcent certains de nos concitoyens aux faibles ressources à quitter leur logement dans des conditions délicates.
Le premier principe de ce dispositif est de permettre aux communes d’être informées quand il y a vente à la découpe ou congé pour vente et que les locataires ne peuvent pas accepter la vente du logement qui est ainsi mis sur le marché. Ensuite, dans le cas où il serait nécessaire d’assurer le maintien de ces familles dans leur logement, la commune pourrait préempter les lieux avant même que ne s’ouvre le mécanisme de la vente ouverte.
Ce dispositif avait été adopté par l’Assemblée nationale, mais le Conseil constitutionnel l’a retoqué, non pas sur son principe général, mais parce que le motif de cette « postemption » n’était pas explicitement défini.
C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous reprenons ce mécanisme tout en le réécrivant très clairement pour préciser que seul le maintien dans ce logement d’un locataire, notamment si ses ressources sont faibles, peut justifier la « postemption ». Cela ne tue pas le congé pour vente, cela ne spolie personne, cela permet simplement de garantir le maintien des locataires dans ces cas de vente à la découpe qui ont parfois fait bien des ravages.
J’estime donc que la formulation du présent amendement répond aux injonctions du Conseil constitutionnel, tout en reprenant une idée qui est importante, puisque l’on sait que, dans certains cas, ces congés pour vente déstabilisent considérablement des locataires fragiles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Ma chère collègue, vous avez fait référence à la décision du Conseil constitutionnel du 9 janvier 2018.
Force est de constater que votre amendement tend à restaurer des dispositions très similaires à celles qui ont été déclarées inconstitutionnelles. Votre rédaction modifie simplement la formulation relative à l’objectif de garantie du maintien dans les lieux des locataires et à la cession ou gestion des logements par les organismes HLM. Cette rédaction reste insatisfaisante, car elle ne corrige pas les griefs d’inconstitutionnalité.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. À la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité sur laquelle il a rendu une décision en 2018, le Conseil constitutionnel a pointé deux difficultés.
D’une part, l’article incriminé ne restreignait pas l’usage que la commune était susceptible de faire du bien, car il n’imposait aucune obligation de maintenir le propriétaire dans les lieux. Il est vrai, madame la sénatrice, que l’amendement que vous proposez vise à corriger cette disposition.
D’autre part, comme l’a souligné Mme la rapporteur, l’exercice de ce droit imposait aux propriétaires des sujétions fortes. Le Conseil constitutionnel a considéré que le délai de reprise de la libre disposition du bien fixé à six mois constituait une atteinte trop forte au droit de propriété. Or l’objet de cet amendement n’apporte pas de réponse à ce problème.
C’est pourquoi, du fait du risque d’inconstitutionnalité, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne crois pas que la seconde difficulté que vous mentionnez ne soit pas corrigée : en fait, le délai de six mois correspond au délai accordé à la commune pour payer le prix du bien.
Toutefois, je pourrais rectifier cet amendement pour le rendre encore plus crédible et prévoir un délai plus long – un an, et non plus six mois…
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Même dans un tel cas de figure, la commission émettrait toujours un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, je suis très gêné : le Conseil constitutionnel a jugé ce délai de six mois déjà trop long ! Par conséquent, le porter à un an n’est pas envisageable. Faut-il prévoir deux mois, trois mois ?
Il paraît très compliqué d’émettre un avis favorable sur cet amendement. Il faut retravailler ce point au cours de la navette parlementaire. On ne peut pas répondre à une question prioritaire de constitutionnalité par un amendement rectifié en séance.
M. le président. Madame Lienemann, rectifiez-vous finalement l’amendement n° 738 rectifié ter ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je comprends bien les réserves qui sont formulées. C’est bien la preuve que ce sujet est très important.
Lorsque des congés pour vente sont donnés, de nombreux locataires ne peuvent pas rester dans les lieux ; or les collectivités sont prêtes à les y maintenir sans « tuer » pour autant le congé pour vente.
C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement dans sa rédaction initiale, qui tend à fixer un délai de six mois. J’appelle à son adoption, pour que, en commission mixte paritaire, on puisse ajuster le délai si ce point apparaît véritablement majeur pour le Conseil constitutionnel. Je reste néanmoins convaincue, après une lecture attentive de sa décision, que là n’est pas l’essentiel.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 738 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 8
M. le président. L’amendement n° 136 rectifié, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 300-1 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une collectivité publique définit une opération d’aménagement répondant aux objectifs définis au premier alinéa du présent article et qu’elle acquiert des biens fonciers ou immobiliers pour rendre possible cette opération, il ne peut y avoir, pour les propriétaires de ces biens, d’enrichissement lié à l’existence même de ce projet d’aménagement. Un décret pris en Conseil d’État détermine les conditions de l’encadrement de l’évolution des prix dans de telles circonstances. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Par cet amendement, nous nous attachons particulièrement aux conséquences de la hausse exponentielle des prix du foncier pour les collectivités.
Concrètement, aujourd’hui, les collectivités ou organismes qui veulent intervenir en matière de construction de logements publics doivent au préalable acquérir des terrains, acquisition qui pèse entre 14 % et 25 % du coût global du programme de construction. Pour ce faire, les collectivités disposent de deux outils : le droit d’expropriation, dispositif largement encadré, et le droit de préemption.
Pour autant, la mise en œuvre de ces instruments est soumise à l’évaluation du service des domaines, qui détermine le prix d’acquisition en se fondant sur les prix de marché. Or, comme nous l’avons déjà souligné, ceux-ci connaissent une hausse exponentielle en zone dense ou touristique.
Pour éviter les surcoûts fonciers dans le cadre d’opérations d’aménagement d’utilité publique, il convient donc de mettre en œuvre un mécanisme permettant de fixer le coût du foncier au jour de la définition d’un périmètre d’opération révisé suivant l’inflation à l’indice de la construction.
Il s’agit de poser en quelque sorte un principe d’absence d’enrichissement sans cause. En effet, aujourd’hui, lorsque la collectivité définit un périmètre de projet d’aménagement, la valeur du foncier situé sur ce périmètre augmente fortement, du fait même de l’existence de ce projet. Quand on sait le temps que peut mettre une opération à sortir de terre, nous devinons aisément que les surcoûts fonciers peuvent être exorbitants !
Cette situation pernicieuse conduit à faire payer par les collectivités la plus-value foncière résultant de leur volonté d’aménagement.
Il ne s’agit aucunement ici de mettre en place des mécanismes spoliateurs. Il convient seulement de redonner de la cohérence et de la lisibilité au marché de l’immobilier, permettant la définition de stratégies foncières publiques efficaces, qui passent notamment par la capacité des collectivités à définir une programmation d’acquisition des terrains à bâtir, nécessaire à la construction de logements accessibles à tous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’examen d’autres amendements m’a déjà donné l’occasion de préciser que les collectivités disposaient d’outils leur permettant de figer l’évolution des prix du foncier en vue d’opérations d’aménagement ou d’acquisitions foncières ; je pense en particulier aux ZAD.
Il n’est pas souhaitable d’encadrer le prix du foncier déterminé par la valeur du marché. Là encore, cela porterait une atteinte trop importante au droit de propriété. Qui plus est, madame la sénatrice, vous évoquez la condition d’enrichissement lié à l’existence même de ce projet d’aménagement : une telle expression me semble très peu précise juridiquement.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Je partage les raisons avancées par Mme la rapporteur, mais je souhaite également rebondir sur un argument développé par le sénateur Philippe Dallier tout à l’heure, qui me semble extrêmement important.
Dès lors que vous figez le prix du foncier, la fois d’après, la spéculation est encore plus importante !
M. Philippe Dallier. Oui !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. C’est un mécanisme sans fin.
Si l’on fige le prix du foncier à un moment donné, c’est celui qui récupère le bien avec ce montant figé qui dégagera une superbe plus-value au coup suivant.
Certes, des instruments existent, Mme la rapporteur les a mentionnés, mais il ne faut pas non plus oublier les organismes financiers solidaires, les OFS, qui ont à mes yeux la vertu essentielle de dissocier l’achat du foncier du bâti. Ainsi, les collectivités ont la possibilité d’acheter et de garder le foncier et, par là même, de répondre au problème évoqué par Philippe Dallier.
En effet, il n’est plus alors possible pour le propriétaire de faire de la spéculation à rebours sur le foncier. Il s’agit là d’un élément très important, auquel sont très attachées et la commission et Mme la rapporteur : je le sais, puisqu’elles ont cherché à favoriser ces dispositifs en incluant les logements construits à ce titre dans la loi SRU – nous aurons l’occasion d’en discuter demain.
La notion de démembrement entre terrain et bâti est donc essentielle. C’est ce vers quoi il faut aller, car cela porte une réponse durable au problème que vous soulevez à juste titre, madame la sénatrice.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Sur ces différents amendements, nous avons un véritable débat politique. Vous nous dites systématiquement : droit de propriété. Moi, je vous réponds : droit de se loger et droit d’avoir un toit !
Nous l’avons souligné dans la discussion générale et lorsque nous avons défendu la motion : l’objectif de ce projet de loi est-il simplement de renforcer le droit de propriété ?
Je rassure tout le monde : je ne le remets pas en cause. Il ne s’agit pas de tout collectiviser et de tout nationaliser demain ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Philippe Dallier. Nous voilà rassurés !
M. Marc-Philippe Daubresse. Oui, nous sommes rassurés !
Mme Cécile Cukierman. L’inquiétude peut donc retomber, chers collègues.
L’objectif est de trouver un équilibre. Certes, il y a le droit de propriété, qui est légitime et qu’il n’est pas question de supprimer d’un trait, mais, sans le remettre totalement en cause, il faut aussi une politique publique renforcée à tous les niveaux et destinée à toutes celles et à tous ceux qui n’ont pas accès au logement, quelle que soit sa forme, que ce soit le logement public ou le logement privé, et qui vivent dans un logement dégradé, qui n’est pas digne. Cela concerne 12 millions de personnes aujourd’hui, nous l’avons dit et redit.
J’en viens à la question de la régulation. Nous avons aujourd’hui ce débat sur le logement, mais nous l’avons eu voilà peu sur les prix agricoles et nous l’aurons demain sur d’autres textes. Là encore, il s’agit d’un débat politique. De la régulation, oui, mais jusqu’où ? Où s’arrête l’intervention publique ? Elle n’est pas seulement en marche. (Brouhaha.)
Sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, je vous donne raison, comme à M. Dallier : si la régulation ne porte que sur un seul échelon, alors que la structure en compte trente, l’impact ne sera pas suffisant !
M. Rémy Pointereau. Ce n’est pas la peine de crier !
Mme Cécile Cukierman. Je parle comme je veux ! Si cela ne vous plaît pas, vous pouvez sortir ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, je constate qu’un grand nombre de discussions personnelles créent un brouhaha, ce qui oblige Mme Cukierman à hausser la voix. Je vous demande un peu de calme.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Cécile Cukierman. En matière de régulation, il convient d’apporter des réponses à tous les niveaux, afin que l’effet que l’on cherche en amont n’ait pas de répercussions négatives en aval pour ceux dont on veut faciliter le droit à l’hébergement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Mme Cukierman nous a rassurés en disant qu’elle n’était plus favorable à la collectivisation des terres et des propriétés… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Je vais à mon tour la rassurer : tout à l’heure, je n’ai mis en cause personne ! Les pratiques dont j’ai parlé étaient revendiquées politiquement et ouvertement par les maires en question.
Il s’agit de comportements politiques, même si je considère qu’ils relèvent de l’abus de droit. En effet, quand un promoteur dépose un permis de construire et que l’on refuse de le lui délivrer, alors même qu’il est conforme au PLU, sauf à ce qu’il satisfasse telle ou telle condition, il s’agit bien d’un abus de droit.
Vous avez raison, toutes ces questions, par exemple le prix du foncier, sont essentielles, mais nous avons des divergences, qui portent notamment sur le droit propriété. Pour notre part, nous considérons qu’il s’agit d’un droit important et que l’on ne peut pas y porter atteinte dans n’importes quelles conditions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 817 rectifié bis, présenté par MM. Pemezec et Henno, Mme Deromedi, M. Guerriau, Mme Eustache-Brinio, MM. H. Leroy, Charon, Lefèvre et Rapin et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme, après les mots : « dans des ensembles d’habitations », sont insérés les mots : « et des zones d’activités ou commerciales ».
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Les voies situées dans des zones d’activités ou commerciales sont, pour le moment, exclues du dispositif permettant de transférer la propriété des voies privées dans le domaine public sans indemnité, à la suite d’une enquête publique. Or il est assez difficile aujourd’hui de faire aboutir un certain nombre de projets dans des zones d’activité plus ou moins obsolètes et de proposer une mixité par la construction de logements.
Cet amendement a pour objet de libérer des capacités de construction et de ne pas pénaliser les collectivités œuvrant pour la mixité fonctionnelle. Il serait donc opportun d’étendre l’application de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme aux zones d’activités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La loi prévoit de longue date que les communes puissent, après enquête publique, faire passer dans le domaine public des voies privées ouvertes à la circulation publique. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel a validé cette disposition. Cette possibilité est toutefois restreinte aux voies situées dans les ensembles d’habitations.
Par conséquent, il serait judicieux de l’étendre aux voies situées dans les zones d’activité ou commerciales, afin de ne pas faire obstacle à la densification de ces zones et de garantir l’entretien de ses voies à usage public. Bien entendu, il est prévu que le maire doit donner son accord.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Il est question dans le texte de cet amendement de « zones d’activités ou commerciales ». Or, dans les différents codes, il est usuellement fait mention de « zones d’activités » ou de « zones d’activités industrielles ou commerciales ». Je recommande par conséquent qu’une modification rédactionnelle soit apportée au cours de la navette parlementaire.
Sous cette réserve, et pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement émet lui aussi un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
Article 8 bis (nouveau)
Le chapitre II du titre II du livre III du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° La première phrase de l’article L. 322-3-2 est ainsi rédigée :
« L’autorité administrative recueille, préalablement à la création de l’association, l’accord de l’assemblée délibérante de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme lorsqu’un plan local d’urbanisme a été approuvé sur le territoire de la commune. » ;
2° La première phrase de l’article L. 322-6-1 est ainsi rédigée :
« L’autorité administrative recueille, préalablement à l’approbation du plan de remembrement, l’accord de l’assemblée délibérante de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme lorsqu’un plan local d’urbanisme a été approuvé sur le territoire de la commune. »
M. le président. L’amendement n° 1086, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
lorsqu’un plan local d’urbanisme a été approuvé sur le territoire de la commune
par les mots :
lorsque la commune concernée est couverte par un plan local d’urbanisme communal ou intercommunal
II. - Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’autorité administrative recueille, préalablement à l’approbation du plan de remembrement, l’accord de l’assemblée délibérante de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme lorsque la commune concernée est couverte par un plan local d’urbanisme communal ou intercommunal. Cet accord porte sur le plan de remembrement et sur les prescriptions d’urbanisme propres à l’opération. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel et de précision juridique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 8 bis, modifié.
(L’article 8 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 8 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 493 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, MM. Antiste, Leconte et Tourenne, Mmes Conway-Mouret et Ghali, MM. Todeschini et Duran et Mme Grelet-Certenais, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 14° ter de la section IX du chapitre IV du titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la fin de l’intitulé, les mots : « à Mayotte » sont remplacés par les mots : « dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution » ;
2° À l’article 1135 ter, les mots : « à Mayotte » sont remplacés par les mots : « dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution » et l’année : « 2025 » est remplacée par l’année : « 2028 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Il s’agit d’un problème que nous avons examiné récemment, lors de la discussion de la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer cosignée par notre collègue député Serge Letchimy, qui a été votée par le Sénat à l’unanimité, me semble-t-il. Il faut désormais attendre son examen en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
Nous avons souhaité compléter ce dispositif pour « favoriser la libération du foncier » ; celui-ci a donc toute sa place dans ce chapitre, dont c’est l’intitulé même ! Les outre-mer connaissent depuis toujours un fléau lancinant, récurrent et bloquant, à savoir que l’État ne perçoit pratiquement rien sur les actifs successoraux et sur les dévolutions successorales qui ne se font pas, car l’on n’arrive pas à faire la répartition, les co-indivisaires étant parfois difficiles à trouver.
On a inventé un dispositif à Mayotte jusqu’en 2028, qui consiste à assainir le cadastre et à régler, si j’ose dire, le désordre des propriétés. Il est vrai que, à Mayotte, il y a urgence, mais la question est la même partout dans les outre-mer !
Certes, cela demande un effort financier, mais, en l’occurrence, j’ai l’impression que l’État ne perd pas grand-chose, puisqu’il ne recouvre pratiquement rien dans les cinq DROM.
Il s’agit donc ici de demander une exonération sur une période de dix ans du droit de mutation à titre onéreux.
M. le président. L’amendement n° 494 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, MM. Antiste, Leconte et Tourenne, Mmes Conway-Mouret et Ghali, MM. Todeschini et Duran et Mme Grelet-Certenais, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le 14° ter de la section IX du chapitre IV du titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est inséré un 14° … ainsi rédigé :
« 14° … Droits de mutation à titre gratuit. Exonération des immeubles et droits immobiliers situés en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et en Martinique.
« Art. 1135 … – Sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit, les immeubles et droits immobiliers situés en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et en Martinique, lors de la première transmission postérieure à la reconstitution des titres de propriété y afférents, sous réserve que ces titres de propriété aient été constatés par un acte régulièrement transcrit ou publié entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2028. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement est très proche du précédent. Seul le périmètre visé change.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Sans préjuger du fond de cette mesure, qui touche à des dispositifs fiscaux applicables en outre-mer et à Mayotte, la commission reste fidèle à sa ligne de conduite, à savoir ne pas ouvrir le champ du texte à des dispositifs de financement et à des dispositifs fiscaux. L’examen du projet de loi de finances pour 2019, à l’automne prochain, sera l’occasion de discuter de ces dispositifs.
Par conséquent, la commission demande le retrait de ces deux amendements ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Moi non plus, je ne me situerai pas sur le fond. Ces dispositifs ont des conséquences financières. Le cas de Mayotte a été discuté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2017. Il me semble donc plus opportun de débattre des mesures proposées ici lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de ces deux amendements, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Lurel, les amendements nos 493 rectifié et 494 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Victorin Lurel. Monsieur le président, j’aimerais pouvoir les retirer, mais il me faudrait pour cela l’engagement formel du Gouvernement que nous en rediscuterons lors du prochain projet de loi de finances initiale. Ce n’est manifestement pas le cas.
À mon sens, le cloisonnement selon lequel l’on ne peut discuter de dispositifs ayant une quelconque répercussion fiscale dans un texte comme celui-là n’est pas tout à fait fondé. Nous avons récemment examiné une proposition de loi dont les enjeux étaient eux aussi un peu fiscaux, et l’on n’a pas opposé cet argument d’irrecevabilité, au prétexte de je ne sais quelle tradition.
Par conséquent, je maintiens ces amendements, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 495 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Antiste, Mme Ghali, MM. Leconte et Tourenne, Mme Conway-Mouret, MM. Todeschini et Duran et Mme Grelet-Certenais, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 14° bis de la section IX du chapitre IV du titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est inséré un 14° … ainsi rédigé :
« 14° … Droits de succession. Exonération des immeubles et droits immobiliers situés en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et en Martinique.
« Art. 1135… – I. – Pour toute succession ouverte depuis plus de dix ans, les immeubles et droits immobiliers situés en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et en Martinique sont exonérés de droits de mutation par décès.
« Pour les successions ouvertes à compter du 31 décembre 2028, les immeubles et droits immobiliers situés en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et en Martinique sont soumis aux droits de mutation par décès dans les conditions de droit commun.
« II. – Ces exonérations ne sont applicables aux immeubles et droits immobiliers pour lesquels le droit de propriété du défunt n’a pas été constaté antérieurement à son décès par un acte régulièrement transcrit ou publié qu’à la condition que les attestations notariées mentionnées au 3° de l’article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière relatives à ces biens soient publiées dans les vingt-quatre mois suivant le décès. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Il s’agit cette fois des droits de succession.
Certes, on peut dire que, par imitation et par répétition, on veut voir appliquer dans les outre-mer ce qui se pratique depuis quelque temps en Corse, avec une limitation dans le temps jusqu’en 2028. Il est vrai qu’il était compliqué d’en sortir, mais cela participe de la même logique : si l’on adopte une proposition de loi pour accélérer les successions et les répartitions d’actifs successoraux, mais que l’on ne l’accompagne pas d’un dispositif fiscal, cela ne marchera pas.
Au-delà de l’unanimité émise sur un texte de bon aloi et équilibré, sans cet accompagnement fiscal sur les droits de mutation et sur les droits de succession, y compris ce que l’on appelle le cantonnement, on ne sortira pas du désordre des propriétés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit de dispositifs fiscaux, qui n’ont pas leur place dans ce texte.
Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Lurel, l’amendement n° 495 rectifié est-il maintenu ?
M. Victorin Lurel. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 495 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre III
Favoriser la transformation de bureaux en logements
Article 9
(Non modifié)
I. – L’article L. 152-6 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « dans un objectif de mixité sociale » sont supprimés ;
2° Au début du 1°, de la première phrase du 2° et du 5°, sont ajoutés les mots : « Dans le respect d’un objectif de mixité sociale, » ;
3° Au 3°, après le mot : « stationnement », sont insérés les mots : « et, dès lors que la commune ne fait pas l’objet d’un arrêté au titre de l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation, aux règles adoptées en application de l’article L. 151-15 du présent code, » et, après le mot : « limite », sont insérés les mots : « d’une majoration de 30 % ».
II. – Au troisième alinéa de l’article L. 145-4 du code de commerce, après le mot : « usage », sont insérés les mots : « , de transformer à usage principal d’habitation un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 545 est présenté par M. Iacovelli, Mme Guillemot, MM. Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 957 rectifié est présenté par MM. Labbé et Dantec, Mme N. Delattre, M. Guérini et Mme Laborde.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
après le mot : « stationnement », sont insérés les mots : « et, dès lors que la commune ne fait pas l’objet d’un arrêté au titre de l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation, aux règles adoptées en application de l’article L. 151-15 du présent code, » et,
La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 545.
M. Xavier Iacovelli. Le projet de loi veut encourager la transformation des bureaux vacants en logements. Nous sommes favorables au « bonus de constructibilité » de 30 %, c’est-à-dire à des droits à construire supplémentaires.
En revanche, l’article 9 bis permettra également de passer outre les obligations de mixité sociale prévues par les plans locaux d’urbanisme, sauf dans les communes carencées en logements sociaux. Les servitudes de mixité sociale intégrées dans les PLU traduisent une volonté politique des élus de favoriser la production de logements sociaux sur leur territoire.
Permettre cette dérogation n’a donc aucun sens. Par ailleurs, c’est considérer que la réalisation de logements sociaux est un frein à la production de logements. Ce type de raisonnement n’est plus acceptable dans un pays qui manque de logements à des prix abordables pour la plupart des Français.
Les mesures incitatrices pour transformer les locaux de bureaux en logements ne doivent pas se faire au détriment du logement social et de la mixité. Il s’agit donc de supprimer cette dérogation.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 957 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Le projet de loi prévoit de faciliter la transformation de bureaux en logements, objectif essentiel que je ne peux que partager.
Rappelons que le stock de bureaux non utilisés était évalué à près de 3,5 millions de mètres carrés en Île-de-France, en 2017.
Toutefois, pour atteindre cet objectif, est accordée la possibilité de déroger aux servitudes de mixité sociale prévues par les PLU, sauf dans le cas des communes faisant l’objet d’un arrêté préfectoral de carence. Cette disposition nous semble contraire aux objectifs de mixité sociale et à l’esprit de la loi SRU.
En effet, les communes carencées ne représentent qu’une partie des communes qui sont en dessous des 25 % de logements sociaux. Elles invoquent souvent, comme justification de cette situation, le manque de foncier pour construire des logements sociaux. Or la transformation de bureaux permettrait bien de dégager des espaces pour construire des logements sociaux dans ces zones tendues.
Cet amendement vise donc à réintroduire la servitude de mixité sociale dans le cadre des opérations de conversion de bureaux en logements.
M. le président. L’amendement n° 137, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement va dans le même sens que ceux qui viennent d’être présentés. La transformation de bureaux en logements est un objectif que nous partageons, tant nous ne pouvons que déplorer le nombre de bureaux vacants dans notre pays. Ces locaux sont bien plus utiles en étant transformés en logements, plutôt qu’en restant à l’abandon.
Pour autant, nous contestons le fait que, pour faciliter cette conversion, il soit permis de déroger aux règles de mixité sociale définies dans le cadre du plan local d’urbanisme. L’objectif de mixité sociale constitue une valeur primordiale de cohabitation sociale dans nos sociétés démocratiques, induisant un impératif de « vivre ensemble ». S’il semble raisonnable de déroger à des règles de hauteur ou de gabarit tenant à la structure même du local, renoncer aux ambitions en matière de mixité sociale ne semble pas acceptable.
Cet amendement vise donc à réintroduire l’obligation du respect de l’exigence de mixité sociale pour les dérogations au PLU, permise par le présent article, pour les communes ayant un fort enjeu de densification, et de réponse aux besoins de logement.
Dès lors, l’adoption de cet amendement permettrait de faire de cet « objectif de mixité sociale » une condition non négociable, en la prévoyant pour l’ensemble des cas de figure indiqués à l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme, qui énonce les possibilités de dérogations au PLU.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je rappelle que la dérogation accordée dans le projet de loi ne remet absolument pas en cause la volonté des élus de promouvoir la mixité sociale dans leurs plans locaux d’urbanisme.
De plus, la dérogation vise non les constructions nouvelles, mais la transformation de bureaux en logements. Les prescriptions du PLU continuent à s’imposer aux autres projets, y compris à l’échelle des programmes, et la décision d’accorder ou non cette dérogation est bien prise par le maire.
Par conséquent, les servitudes de mixité sont toujours applicables à l’échelle de la commune. Cette dérogation encadrée reste un outil à la disposition des maires dans les zones tendues, pour encourager la construction en logements, ce qui me semble indispensable.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Les servitudes à l’échelon de la commune ne sont aucunement remises en cause !
Monsieur Iacovelli, vous affirmez que, avec ce projet de loi, lorsque l’on construira, l’on n’aura plus besoin d’avoir, au titre de l’opération, de la servitude. Ce n’est pas du tout ce que prévoit le texte.
C’est uniquement en cas de transformation de bureaux vacants en logements, dans le cadre de cette opération, qu’il sera possible de déroger aux servitudes. Pourquoi ? Il faut appeler un chat un chat : aujourd’hui, nous constatons tous que des dizaines de milliers de mètres carrés de bureaux vacants ne sont jamais transformés en logements. Il y en a bien un tout petit peu, mais guère plus que l’épaisseur du trait. Il faut donc partir de l’existant pour comprendre ce que nous essayons de faire.
Nous avons beaucoup travaillé pour savoir comment faire pour rendre enfin des opérations possibles. Il est en effet bien plus compliqué de transformer des bureaux en logements que de lancer une opération de logements neufs.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Bien sûr !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Je prendrai un exemple très concret. Un bâtiment de bureaux est beaucoup plus large qu’un bâtiment destiné au logement. Aussi tout le centre de ce bâtiment se trouve-t-il inoccupé.
Voilà quelques semaines à peine, j’étais avec des promoteurs qui avaient réalisé des opérations de ce type : ils avaient transformé cet espace central en caves ; une solution a donc été trouvée par cette idée innovante. D’autres créent des puits de lumière. Reste que tout cela représente un coût supplémentaire au mètre carré.
Pour permettre ces transformations, nous avons essayé, de manière pragmatique, de donner les moyens nécessaires. En aucun cas, comme l’a très justement précisé Mme la rapporteur, cela ne remet en cause les servitudes à l’échelon de la commune. D’ailleurs, nous avons suffisamment exprimé notre attachement à la loi SRU pour que vous croyiez à la sincérité de mes propos.
M. François Patriat. Excellent !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 545 et 957 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 9
M. le président. L’amendement n° 138, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du IV de l’article 232 du code général des impôts, les taux : « 12,5 % » et « 25 % » sont respectivement remplacés par les taux : « 50 % » et « 100 % ».
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Pour prolonger nos débats sur la question des bureaux vacants, nous voulons aborder la question des logements vacants, par le renforcement de la taxe qui affecte ses logements en zones tendues, marquées par un fort déséquilibre entre l’offre et la demande. Nous reprenons en réalité une proposition formulée par la Ville de Paris, le 17 juin 2017, dans un vœu du conseil municipal.
Il y a environ 100 000 logements vacants dans la capitale, 3 millions à l’échelle du pays, et ce alors que la demande est forte et la pénurie de logements évidente. Je rappelle que 2 millions de personnes sont dans l’attente d’un logement social.
Le 15 décembre 2016, une taxe sur les logements vacants, la TLV, a été créée. Je rappelle qu’elle ne concerne que les villes de plus de 50 000 habitants où existent des difficultés d’accès au logement. Le montant actuel de cette taxe à Paris, par exemple, est en moyenne de 1 000 euros la première année et de 2 000 euros la deuxième année, ce qui représente 12,5 % de la valeur locative du bien la première année et 25 % la deuxième année.
Quadrupler le montant de cette taxe serait un moyen de remettre un certain nombre de ces logements vacants sur le marché locatif afin de répondre à la demande sociale.
Nous rappelons évidemment que de nombreuses dérogations sont possibles, notamment si la vacance ne résulte pas de la volonté délibérée du propriétaire ou si les travaux devant être réalisés pour rendre le logement décent sont trop importants. Il s’agit donc bien de lutter uniquement – uniquement ! – contre la vacance spéculative.
Il n’est pas concevable qu’il soit aujourd’hui plus rentable pour certains propriétaires de conserver des logements vacants plutôt que de les mettre sur le marché. Il est donc nécessaire, comme nous le proposons, d’augmenter la taxe sur ces logements vacants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Là encore, je ne porterai pas de jugement sur le fond,…
M. Philippe Dallier. Encore que… Vous le pourriez ! (Sourires.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. … puisque cet amendement concerne la fiscalité sur les logements vacants. Je vous inviterai simplement, cette disposition étant d’ordre fiscal, à en discuter lors de l’examen du projet de loi de finances.
La commission demande aux auteurs de cet amendement de le retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable. (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. J’émettrai également un avis défavorable, car je pense foncièrement que cet amendement n’est pas opérationnel.
Il existe aujourd’hui deux types de taxes.
La première, la taxe que vous évoquez, s’applique aux logements vacants. Il faut la maintenir. Malheureusement, elle ne fonctionne pas très bien, voire pas du tout. En tout cas, si elle fonctionnait bien, cela se saurait ! Aussi, je comprends votre souhait de l’augmenter.
La seconde taxe est la taxe d’habitation, applicable aux logements habités. Or il est très facile de déclarer un logement vacant en logement habité. Il suffit pour cela de déclarer que son conjoint y vit.
Si le montant de la taxe sur les logements vacants venait à dépasser celui de la taxe d’habitation, ce qui serait le cas si on quadruplait le montant de la taxe sur les logements vacants, celle-ci deviendrait totalement inopérante. Aujourd’hui, le montant de cette taxe est quasiment aligné sur celui de la taxe d’habitation. (M. Michel Savin s’exclame.)
Je le répète, si on augmente la taxe sur les logements vacants, le risque est que les propriétaires déclarent que leur bien est occupé par leur épouse ou leur enfant, car il sera plus intéressant pour eux d’être assujetti à la taxe d’habitation.
Nous avons réfléchi à votre amendement, dont nous comprenons l’esprit, mais il est inapplicable.
M. Michel Savin. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 679 rectifié ter est présenté par MM. Dallier et Bascher, Mmes Chain-Larché, Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Dumas et Eustache-Brinio, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam et Lamure, MM. Lefèvre, H. Leroy et Mandelli, Mme Micouleau, MM. Milon, Rapin, Savin et Sido et Mme Thomas.
L’amendement n° 901 rectifié bis est présenté par M. D. Dubois et Mme Létard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 151-15 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « urbaniser, » sont insérés les mots : « sauf dans les communes comptant déjà plus de 35 % de logements locatifs sociaux, au sens de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le maître d’ouvrage d’un programme de logements peut proposer à l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme des solutions alternatives permettant de respecter le pourcentage défini en application du premier alinéa par d’autres moyens que la cession de logements du programme concerné à des organismes d’habitation à loyer modéré dans les conditions prévues à L. 433-2 du code de la construction et de l’habitation. » ;
2° La seconde phrase du 2° de l’article L. 151-28 est complété par les mots : « ; cette majoration est de droit dans les secteurs visés par l’article L. 151-15 du présent code ».
La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l’amendement n° 679 rectifié ter.
M. Philippe Dallier. Cet amendement traite des servitudes de mixité sociale, les SMS, qu’il ne s’agit pas de remettre en cause, car elles sont un outil intéressant, utilisé dans les plans locaux d’urbanisme et dans les plans locaux d’urbanisme intercommunaux, pour imposer dans certains secteurs la construction d’un nombre minimal de logements sociaux, exprimé soit en mètres carrés, soit en nombre de logements.
Cela étant dit, il va falloir se demander si, dans certains secteurs, ces servitudes ne vont pas poser des problèmes à la suite de la réforme du logement social, ou plutôt de la raréfaction des moyens de celui-ci. Il est à craindre que les bailleurs sociaux ne finissent par arbitrer entre plusieurs opérations, qu’ils choisissent de faire les unes et non les autres. Certaines opérations pourraient ne pas se faire, faute de bailleur, tout simplement. Je pense que cette question va se poser.
Monsieur le secrétaire d’État, j’entends déjà votre argumentaire : Tout ira bien, grâce aux mesures prises en contrepartie, on construira plus, etc. Honnêtement, moi, je n’y crois pas. Je pense que nous connaîtrons des difficultés dans certains secteurs.
Maintenir les servitudes de mixité sociale reviendrait à geler certaines opérations. Aussi, je propose, mais peut-être pourrons-nous en discuter au cours de la navette, de supprimer ces servitudes dans les villes comptant déjà plus de 35 % de logements sociaux, ce qui est un taux relativement élevé, vous en conviendrez.
Mon amendement vise ensuite, dans sa deuxième partie, à prévoir un dispositif pour les petites opérations, comme je l’ai fait dans ma commune, où j’ai fixé dans le plan local d’urbanisme un taux minimal de 30 % de logements sociaux dès lors que l’opération compte au moins 20 logements. Il va peut-être finir par être difficile de trouver un bailleur pour six ou sept logements.
Mme Michèle Vullien. On trouve !
M. Philippe Dallier. On trouve, mais pas forcément partout, ma chère collègue, et peut-être pas dans les conditions que nous allons peut-être connaître.
La troisième partie de l’amendement vise, en cas d’application de la servitude de mixité sociale, à rendre automatique le bonus de constructibilité, car il semble que ce ne soit pas toujours le cas dans la pratique.
M. Philippe Mouiller. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 901 rectifié bis n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 679 rectifié ter ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. M. Dallier l’a rappelé, les SMS sont un outil important mis à la disposition des maires pour mener à bien leur politique de l’habitat. Cela étant dit, ils ne servent pas uniquement à leur permettre d’atteindre les objectifs fixés dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
M. Philippe Dallier. Je n’ai pas dit cela !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Dès lors, je ne vois pas pourquoi on priverait les communes méritantes, vertueuses, celles qui comptent déjà plus de 35 % de logements sociaux, de l’outil que sont les SMS.
En plus, monsieur Dallier, vous ne dites pas quelles alternatives à la vente en l’état futur d’achèvement pourraient être trouvées.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je ne parle pas des communes carencées.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je n’ai pas parlé des communes carencées !
M. Philippe Dallier. Ce n’était pas si clair.
Je suis un peu étonné, madame la rapporteur, que nous ne soyons pas tout à fait d’accord sur ce sujet. Si on pense la mixité sociale de manière globale et dans les deux sens, il faut reconnaître qu’un taux de 35 % de logements sociaux est élevé. Car il y a le logement social officiel, mais aussi le logement social de fait, dont on pourra reparler.
Je n’ai pas détaillé la deuxième partie de mon amendement, et je vous prie de m’en excuser. Elle vise à traiter le cas des petites opérations, dans lesquelles il faut trouver un bailleur pour six ou sept logements. Il s’agit de leur permettre d’arriver au même nombre de logements sociaux sur deux ou trois opérations en traitant à part l’une d’entre elles. Je ne sais pas si je suis très clair…
Je le répète, les servitudes de mixité sociale sont un outil intéressant et fort utilisé, mais je crains que les nouvelles conditions imposées aux bailleurs sociaux ne posent des difficultés à l’avenir.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 679 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 9 bis A (nouveau) et article additionnel après l’article 9 bis A (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’article 9 bis A et l’amendement portant article additionnel après l’article 9 bis A ont été réservés jusqu’avant l’article 46 bis.
Article 9 bis
Il est institué, sur l’ensemble du territoire et à titre expérimental, un dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l’occupation de résidents temporaires, notamment à des fins de logement, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social.
Sont agréés par l’État, au vu de leurs compétences à mener des travaux d’aménagement et à organiser l’occupation de bâtiments par des résidents temporaires, les organismes publics, les organismes privés ou les associations qui mettent en place un dispositif d’occupation temporaire de locaux en vue d’en assurer la protection et la préservation.
Les opérations d’occupation temporaire de locaux en vue d’en assurer la protection et la préservation font l’objet d’une convention entre le propriétaire et un organisme public, un organisme privé ou une association qui s’engage à protéger et à préserver les locaux qui sont mis à sa disposition et à les rendre au propriétaire libres de toute occupation à l’échéance de la convention ou lors de la survenance d’un événement défini par celle-ci.
La convention est d’une durée maximale de trois ans et peut être prorogée par période d’un an, dès lors que le propriétaire justifie que, à l’issue de l’occupation du bâtiment par des résidents temporaires, le changement de destination initialement envisagé pour les locaux ne peut avoir lieu.
L’organisme ou l’association mentionné au troisième alinéa peut loger des résidents temporaires dans les locaux mis à sa disposition. Les engagements réciproques de l’organisme ou de l’association et de chaque occupant ainsi que la finalité de l’occupation figurent dans un contrat de résidence temporaire, dont la forme et les stipulations sont définies et encadrées par décret en Conseil d’État.
Le contrat de résidence temporaire est conclu ou renouvelé pour une durée minimale fixée par décret en Conseil d’État. Il peut prévoir le versement par le résident à l’organisme ou à l’association mentionné au troisième alinéa d’une redevance dont le montant maximal est fixé par décret en Conseil d’État.
La rupture anticipée du contrat par l’organisme ou l’association précité est soumise à des règles de préavis, de notification et de motivation définies par décret en Conseil d’État. Cette rupture ne peut être opérée que pour un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le résident de l’une des obligations lui incombant ou l’arrivée à terme de la convention mentionnée au troisième alinéa survenue dans les conditions fixées au même troisième alinéa.
L’arrivée à terme du contrat de résidence temporaire ou sa rupture dans les conditions prévues aux sixième et septième alinéas déchoit le résident de tout titre d’occupation, nonobstant toutes dispositions en vigueur, notamment celles du chapitre III du titre Ier du livre VI du code de la construction et de l’habitation et de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
L’agrément de l’État peut être subordonné à des engagements de l’organisme ou de l’association qui a reçu la disposition des locaux quant aux caractéristiques des résidents temporaires, et notamment en faveur des personnes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles. Ces engagements ne peuvent être définis qu’au regard du nombre total de places de logement ou d’hébergement mises à disposition par l’organisme ou l’association agréé.
Un décret en Conseil d’État fixe les conditions et modalités d’application du présent article.
Les conventions et contrats de résidence temporaire passés en application du présent article ne peuvent porter effet au-delà du 31 décembre 2023. Le présent dispositif expérimental est suivi et évalué par les services de l’État chargés d’agréer les opérations. Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, un rapport d’évaluation du dispositif.
M. le président. L’amendement n° 141, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
de logement,
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à revenir sur une disposition adoptée en commission sur proposition de Mme la rapporteur.
L’article 9 bis prévoit ainsi une réorientation de l’article 101 de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi « MOLLE », à laquelle nous avons toujours été farouchement opposés, car elle a créé un statut d’occupant sans titre et temporaire. Il s’agissait de créer des places de logement temporaire dans des locaux vacants, mis à disposition par leurs propriétaires, qui s’assuraient ainsi de leur préservation.
Le présent article, inséré à l’Assemblée nationale, revoit totalement cette possibilité en l’orientant exclusivement vers l’hébergement.
Le Sénat, en commission, a fait le choix de réaffirmer la destination de ce dispositif vers du logement, disposition à laquelle nous sommes totalement opposés, car nous considérons que, à l’instar du bail mobilité dont nous discuterons plus tard, ce statut de résident précaire constitue une très grave détérioration des droits des locataires, créant un bail dégradé et absolument pas protecteur.
Nous proposons donc, puisque l’expérimentation n’a pas été concluante pour le logement, de maintenir l’orientation de ce dispositif exclusivement vers l’hébergement, seule manière de le rendre acceptable.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Votre amendement vise à supprimer le logement du dispositif envisagé, ce qui me semble mettre en péril l’activité existante de mise à disposition de places de logement temporaire. Par ailleurs, pourquoi vouloir supprimer un dispositif qui fonctionne ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. La situation est-elle satisfaisante, madame la sénatrice ? Évidemment non !
En l’occurrence, on parle d’hébergement d’urgence et de logements temporaires. Il faut le savoir, chaque nuit, le ministère que Jacques Mézard et moi-même représentons finance 135 000 places d’hébergement d’urgence dans le cadre du dispositif actuel. Je ne parle pas du dispositif hivernal. Au-delà de cet hébergement d’urgence, il y a aussi, dans certains territoires, des places de logement temporaire, au nombre de quelques centaines. Encore une fois, est-ce satisfaisant ? Évidemment non !
Cela étant dit, il y a une grande différence entre l’hébergement et le logement, même si le logement est temporaire. C’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement. Quand vous occupez un logement, vous avez une adresse, et cela change tout. Il devient dès lors plus facile de se réinsérer, d’effectuer des démarches administratives et de trouver un emploi. C’est là certes un aveu collectif d’insatisfaction.
Même si personne ne souhaite évidemment que le dispositif perdure trop longtemps, car cela signifierait qu’il y a encore autant de gens dans la difficulté dans notre pays, je préfère que les personnes qui sont dans la difficulté aient une adresse plutôt qu’elles n’en aient pas.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le secrétaire d’État, nous considérons également que le fait d’avoir une adresse est indispensable à la réalisation et à l’épanouissement de l’être humain, à son intégration dans la société et à sa capacité, en tant qu’individu, à faire société avec l’autre. C’est cela, avoir une adresse, avoir un toit. C’est d’ailleurs pour cela que l’on distingue bien l’hébergement du logement.
Nous avons cet objectif chevillé au corps. Nous pensons que le droit à un logement, le droit à une adresse sont des droits inaliénables qui ne peuvent être flexibilisés. Ils doivent être garantis. Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à la proposition que vous faites, ainsi qu’au bail mobilité que nous verrons ensuite.
Monsieur le secrétaire d’État, j’entends ce que vous nous dites. J’ai presque envie de dire que je partage votre point de vue, mais j’en tire des conséquences législatives différentes. Pour notre part, nous considérons qu’il faut sécuriser, consolider le droit au logement.
Tel est le sens de cet amendement et des débats que nous aurons lors de l’examen des prochains articles.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai entendu votre argumentaire sur l’adresse. En effet, il ne faut pas mélanger le logement et l’hébergement. Or dans la plupart des CCAS, les centres communaux d’action sociale, a été mis en place un dispositif permettant d’associer une adresse à un nom afin de faciliter les formalités administratives. (M. Philippe Dallier s’exclame.) Est-ce à dire que ces mesures n’auraient servi à rien ?
M. le président. L’amendement n° 1087, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Remplacer les mots :
qui a reçu la disposition des locaux
par les mots :
mentionné au troisième alinéa
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 833, présenté par M. A. Marc, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 9 bis, modifié.
(L’article 9 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 9 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 139 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 613 est présenté par MM. Jomier et Iacovelli, Mme Guillemot, MM. Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey et Lienemann, MM. Lurel, P. Joly et Kerrouche, Mmes Lubin, Monier et S. Robert, MM. Roger et Sueur, Mme Taillé-Polian, M. Temal, Mme Tocqueville, MM. Tourenne, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre VI du code de la construction et de l’habitation est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :
« Chapitre VII
« Occupation temporaire de bâtiments publics vacants
« Art. L. 617-1. – I. – Une commission de mobilisation des bâtiments vacants est constituée sous l’autorité du représentant de l’État dans le département pour chaque département dans lequel est instituée pour une ou plusieurs communes la taxe sur les logements vacants en application de l’article 232 du code général des impôts.
« II. – Cette commission est composée :
« 1° De représentants des propriétaires des bâtiments mentionnés au I ou de représentants des organismes bailleurs ;
« 2° De représentants des organismes chargés de la gestion d’une structure d’hébergement, d’un établissement ou d’un logement de transition, d’un logement-foyer ou d’une résidence hôtelière à vocation sociale, œuvrant dans le département ;
« 3° De représentants des associations et organisations dont l’une des missions est l’insertion ou l’accès au logement des personnes défavorisées, œuvrant dans le département ;
« 4° De représentants des associations de défense des personnes en situation d’exclusion œuvrant dans le département ;
« 5° De représentants désignés par les instances mentionnées à l’article L. 115-2-1 du code de l’action sociale et des familles ;
« 6° D’un représentant de la personne morale gérant le service intégré d’accueil et d’orientation dans le département.
« III. – La commission se réunit au minimum une fois par an ou lors de chaque signalement prévu à l’article L. 617-2 du présent code ou sur signalement volontaire d’un propriétaire privé. Elle étudie les possibilités d’implantation de structures d’hébergement et de logement dans le patrimoine vacant en attente d’affectation, dit patrimoine intercalaire. Les propriétaires des bâtiments et terrains concernés sont invités aux réunions de la commission. Elle établit des préconisations. Le représentant de l’État dans le département rend compte à la commission des suites données à ces préconisations.
« Art. L. 617-2. – Les bâtiments ou terrains, appartenant à l’État, aux collectivités territoriales ou aux établissements publics situés dans une commune dans laquelle la taxe sur les logements vacants est instituée en application de l’article 232 du code général des impôts se trouvant vacant, ou susceptible de l’être, doivent faire l’objet d’un signalement à la commission prévue à l’article L. 617-1 du présent code. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 139.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement a été préconisé par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées et porte sur la gestion du patrimoine dit « intercalaire », c’est-à-dire en cours de changement d’usage.
Le constat est simple : plus de 145 000 personnes dorment aujourd’hui dans la rue ; 1,8 million de demandeurs de logements sociaux attendent une proposition de logement social, parfois depuis plusieurs années. Certains d’entre eux sont même prioritaires au titre du DALO, le droit au logement opposable, sans pour autant voir leur demande avancer.
Le présent amendement vise donc à mobiliser les bâtiments publics vacants, en attente de la réalisation d’un projet ou d’un changement d’affectation, que l’on appelle le patrimoine « intercalaire ».
Dans chaque département en secteur tendu serait mise en place, sous la responsabilité du préfet, une commission intégrant les opérateurs associatifs du logement et de l’hébergement du territoire. Elle serait intitulée « commission de mobilisation des bâtiments vacants pour répondre à l’urgence sociale ». Le rôle de cette commission serait d’étudier la création de structures d’hébergement ou de logements pendant la durée de la vacance intercalaire.
Ainsi, chaque mise en vacance d’un bâtiment appartenant à des collectivités territoriales, à des établissements publics, à des bailleurs sociaux ou à l’Assistance publique, serait obligatoirement signalée à cette commission, qui émettrait ensuite une recommandation adaptée à chaque signalement. Elle pourrait ainsi proposer l’installation d’une structure d’hébergement ou de logement, un dispositif d’intermédiation locative ou formuler tout autre avis qu’elle estimerait approprié. Les propriétaires concernés seraient invités à être entendus par la commission. Les avis de la commission seraient transmis au préfet, qui jugerait des suites à leur donner sous forme d’une réponse motivée.
Ce dispositif permettrait de répondre, même de manière provisoire, à une partie de la demande d’hébergement en utilisant des locaux inoccupés. Il permettrait également de mieux connaître le patrimoine vacant, de manière transparente.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 613.
Mme Angèle Préville. On estime que 5 % de la surface des bâtiments publics sont sans affectation. Cela représente une charge pour l’État et les collectivités en termes d’entretien, de maintenance et de mise en sécurité.
Dans le même temps, plus de 145 000 personnes dorment dans la rue et 1,8 million de personnes attendent un logement social. Vous pouvez imaginer les conséquences sociales, humaines et économiques de cet état de fait. Il y a donc bien une urgence sociale.
Qu’ils soient la propriété de l’État, des collectivités, des bailleurs sociaux, des établissements publics ou de l’Assistance publique, les bâtiments inoccupés sont nombreux et les raisons de cette vacance, multiples : changement d’affectation, bâtiments en attente d’un projet… L’État doit être exemplaire sur cette question.
Cet amendement vise donc à mieux identifier et à mieux mobiliser ce patrimoine, qualifié d’« intercalaire ».
Dans chaque département en secteur tendu, et sous la responsabilité du préfet, une commission intégrant les opérateurs associatifs du logement et de l’hébergement du territoire pourrait être mise en place. Dénommée « commission de mobilisation des bâtiments vacants pour répondre à l’urgence sociale », elle serait chargée d’étudier la création de structures d’hébergement ou de logement pendant la durée de la vacance intercalaire.
À chaque mise en vacance d’un bâtiment appartenant à des collectivités territoriales, à des établissements publics, à des bailleurs sociaux ou à l’assistance publique, un signalement devrait obligatoirement être réalisé auprès de cette commission. Celle-ci émettrait ensuite une recommandation adaptée à chaque signalement : installation d’une structure d’hébergement ou de logement, orientation vers un dispositif d’intermédiation locative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je ne suis pas convaincue que cette commission serait véritablement en mesure de trouver des solutions aux phénomènes de vacance, compte tenu des lourdeurs procédurales et des délais d’étude. En outre, je ne pense pas que ce soit une bonne idée de multiplier les commissions périphériques autour de l’État et des collectivités.
Néanmoins, cette proposition émanant, comme vous l’avez souligné, du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, je m’en remets à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Vos intentions sont évidemment tout à fait louables.
Comme je l’ai évoqué il y a quelques instants, nous avons dépensé beaucoup d’énergie et de moyens l’hiver dernier, au cours duquel nous avons connu trois vagues de froid, pour trouver des places d’hébergement. Loin de moi l’idée de polémiquer, mais jamais autant d’argent n’avait été dépensé en un hiver, jamais autant de places n’avaient été ouvertes. Jamais !
Certes, des logements sont parfois vacants, des bâtiments, qualifiés d’ « intercalaires », sont sur le point d’être transformés. Pour autant, il n’est pas possible de les utiliser.
Je pense très sincèrement que la commission que vous proposez ne résoudrait aucun problème.
Concrètement, comment avons-nous fait cet hiver ? Toutes les semaines, sans exception, nous avons réuni les treize préfets de région et nous leur avons assigné des objectifs très clairs en termes de nombre de places à ouvrir. Ils ont ensuite fait leur travail et déterminé les endroits qu’il était possible d’ouvrir. Les préfets disposent déjà de tous les moyens de faire ce travail. Une commission aurait alourdi leurs démarches et le travail qui a été le nôtre l’hiver dernier.
Par ailleurs, j’insiste sur le fait, très important, que si notre objectif aujourd’hui est de gérer l’urgence et si nous y avons consacré des moyens sans précédent, nous avons également comme objectif de passer de l’hébergement d’urgence au « Logement d’abord ».
Vous avez évoqué l’intermédiation locative, madame la sénatrice. C’est cela qu’il faut développer. Nous avons pris des engagements très clairs : 40 000 intermédiations locatives, 10 000 pensions de famille, 40 000 logements dits « adaptés », auxquels s’ajoutent 20 000 logements vacants pour les personnes réfugiées. Il s’agit de sortir de l’hébergement d’urgence et d’aller vers le « Logement d’abord ». Nous faisons les deux en même temps.
Je le répète : je suis convaincu qu’une commission ne résoudra aucunement le problème. Je pense même qu’elle alourdirait les démarches.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Dans le Valenciennois, je peux vous dire que des personnes dorment dehors,…
Mme Michelle Gréaume. … en plein hiver, non parce qu’elles le souhaitent, mais par manque de places d’hébergement.
Cet amendement permettrait au moins de trouver des solutions temporaires dans certaines communes.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Cet amendement du groupe communiste républicain citoyen et écologiste me paraît tout à fait intéressant. Il y a effectivement des quantités de logements, monsieur le secrétaire d’État, qui sont vacants pendant des années, qui se dégradent et que personne n’occupe, alors que nombre de personnes sans logement sont obligées de coucher dans la rue ou ailleurs.
Pour ma part, je voterai cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Angèle Préville et M. Xavier Iacovelli applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. La commission avait émis un avis de sagesse sur cet amendement dans l’attente de connaître la position du Gouvernement, laquelle est extrêmement claire.
Notre but n’est pas d’empêcher qui que ce soit d’occuper des logements vacants à un certain moment, il s’agit de conserver la souplesse et l’agilité qu’un gouvernement peut avoir au travers de l’État déconcentré et notamment des préfets pour aller vite afin de pouvoir utiliser des locaux qui sont vacants et intercalaires. Il ne faut pas ajouter de lourdeur à la lourdeur.
Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement.
M. Alain Fouché. C’est une erreur !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne suis pas du tout d’accord avec l’idée selon laquelle cette commission serait une lourdeur supplémentaire. Le Haut Conseil pour le logement des personnes défavorisées rassemble des gens d’horizons extrêmement variés, qui se sont tous mis d’accord sur cette proposition.
Par expérience, je peux vous dire que certains locaux vides appartenant à la puissance publique en général – un peu moins souvent aux collectivités locales – qui sont censés être intercalaires sont intercalaires longtemps ! Je me souviens ainsi que, sous Jacques Chirac, l’administration avait refusé de céder des locaux qu’elle disait vouloir utiliser l’année suivante, et que ces mêmes locaux étaient toujours vides quelques années plus tard, lorsque je suis redevenue ministre !
Une commission aurait l’avantage d’effectuer un travail dans la durée. Elle pourrait recenser les biens intercalaires, répertorier ceux qui sont inutilisés par la puissance publique et pourraient être mobilisés. Tant de gens dorment dehors… Cette commission ne réduirait en rien l’agilité du Gouvernement. Elle serait au contraire un outil supplémentaire destiné à permettre l’utilisation de locaux publics inoccupés. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Alain Fouché. Parfaitement !
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je serai très brève, mes chers collègues.
Vous n’êtes pas sans savoir que des gens dorment dans leur voiture, et ce dans tous les territoires. J’ai ainsi été moi-même surprise de découvrir que, dans ma commune de 2 000 habitants, située dans le nord du Lot, des gens qui travaillent dorment dans leur véhicule !
M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour explication de vote.
M. Marc-Philippe Daubresse. Après les propos qui ont été tenus par Mme Lienemann, je souhaite intervenir pour soutenir ce qu’a dit la présidente de la commission des affaires économiques.
Pour ma part, j’ai eu le privilège de faire il y a quatorze ans un plan difficile, le plan de cohésion sociale. Tous les chiffres qui ont été cités – les 10 500 maisons de famille, les places d’hébergement – figuraient déjà dans ce plan.
À un moment on est confronté non pas à un problème de commission, madame Lienemann, mais à un problème d’urgence, d’agilité et de moyens financiers. Il est vrai que les gouvernements, quels qu’ils soient, sont face à ce problème d’urgence et la seule façon d’agir efficacement, c’est de travailler directement avec le préfet (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain),…
M. Alain Fouché. Voilà !
M. Marc-Philippe Daubresse. … et que celui-ci agisse directement en partenariat avec les collectivités locales. Le préfet ne peut rien faire sans les collectivités locales. De nombreux maires ici proposent des salles et des lieux d’hébergement afin que les gens ne dorment pas dans la rue.
M. Xavier Iacovelli. C’est complémentaire !
M. Marc-Philippe Daubresse. Si vous ajoutez une commission et des procédures aux procédures, vous n’en sortirez pas !
Madame Lienemann, vous avez été ministre. Lorsque je l’étais moi-même, il y a quatorze ans, on dépensait – écoutez bien ! – 1 million d’euros par jour pour l’hébergement – ce chiffre est facile à retenir –, soit 365 millions d’euros par an. Demandez aux ministres aujourd’hui combien nous dépensons ! Nous en sommes à près de 2 milliards d’euros. (M. le secrétaire d’État opine.) Cela signifie que les problèmes n’ont fait que s’aggraver, et ce non pas à cause de la mésaction des gouvernements, quels qu’ils soient.
Je le répète, il faut agir rapidement, avec souplesse et agilité, dans un partenariat entre le préfet et les collectivités locales. C’est la seule solution qui vaille ! Toutes les commissions ne feront que ralentir le processus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Je tiens à remercier M. le ministre Daubresse de son intervention, car, comme Mme Lienemann, qui en tire des conclusions différentes, il a vécu les difficultés de l’hébergement d’urgence.
Tous ceux qui ont exercé des responsabilités à la tête d’un exécutif local ont été confrontés à ce sujet, plus ou moins d’ailleurs selon les territoires. Tous ont la même volonté de trouver des solutions.
Pour autant, je suis convaincu que ce n’est pas en créant une commission supplémentaire qu’on résoudra ce problème, et je vous le dis très clairement.
Mme Michelle Gréaume. Elle peut être complémentaire !
M. Jacques Mézard, ministre. Il a été indiqué que des gens dormaient dans leur voiture : oui, c’est la réalité. Il y en a aussi qui n’ont même pas de voiture pour s’abriter ! L’hiver dernier, notamment pendant la période de grand froid, nous avons, le secrétaire d’État et moi-même, organisé chaque semaine une visioconférence avec chacun des treize préfets de région, pour faire le bilan, pour donner des instructions, pour chercher des locaux. Quoi de plus normal que d’agir ainsi. Cela ne veut pas dire que nous avons résolu tous les problèmes (Mme Cécile Cukierman s’exclame.), mais nous avons mobilisé des moyens comme jamais personne ne l’avait fait auparavant. Je ne m’en enorgueillis pas spécialement, car cela signifie que les besoins augmentent.
M. Xavier Iacovelli. Merci de le dire !
M. Jacques Mézard, ministre. Voilà quelle est la réalité, et il ne s’agit pas de tourner autour du pot. Alors, que faire ? Agir en assurant un lien direct avec les préfets dans les départements,…
M. Alain Fouché. Les départements font beaucoup !
Mme Michelle Gréaume. Mais pas seulement pendant le déclenchement du plan Grand froid !
M. Jacques Mézard, ministre. Madame, il n’y a pas que le plan Grand froid. Le secrétaire d’État et moi-même avons accompagné, la semaine dernière, une maraude à Paris. La réalité, c’est que ces situations existent aussi l’été, dans d’autres conditions.
Il importe de trouver des solutions, je n’ose pas dire les meilleures possible, mais les moins mauvaises possible. Je vous le dis très clairement, point n’est besoin d’une commission de plus. Mieux vaut donner effectivement aux préfets le maximum de moyens, car je souhaite privilégier une action déconcentrée de l’État, tout en nous concertant avec eux pour savoir comment agir dans l’urgence, afin de régler les problèmes d’urgence.
La situation évolue semaine après semaine. Elle est aussi fonction, disons-le, de tel ou tel afflux de migrants. À Paris, les élus parisiens le savent, chaque semaine, en moyenne, ce sont 400 à 500 migrants qui arrivent. Nous sommes confrontés à un vrai problème de société, qui va durer et pour lequel, je le répète, nous avons à trouver des solutions d’urgence pour répondre à l’urgence.
Nous ne ferons pas mieux pour toutes ces personnes en difficulté avec une commission de plus. J’en suis convaincu. (Mme Évelyne Perrot, ainsi que MM. Sébastien Meurant, Yves Bouloux et Max Brisson applaudissent.)
M. Sébastien Meurant. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 139 et 613.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 220 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 114 |
Contre | 228 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 10
(Non modifié)
Le chapitre II du titre II du livre Ier du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Immeubles de moyenne et de grande hauteur » ;
2° L’article L. 122-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 122-1. – Les travaux qui conduisent à la création, à l’aménagement, à la modification ou au changement de destination d’un immeuble de moyenne hauteur ou d’un immeuble de grande hauteur doivent être conformes aux règles de sécurité fixées, pour chacun de ces types d’immeubles, par décret en Conseil d’État.
« Les travaux qui conduisent à la création, à l’aménagement, à la modification ou au changement de destination d’un immeuble de moyenne hauteur ou d’un immeuble de grande hauteur ne peuvent être exécutés qu’après autorisation de l’autorité chargée de la police de la sécurité, qui vérifie leur conformité aux règles prévues, pour le type d’immeubles concerné, par le décret en Conseil d’État mentionné au premier alinéa.
« Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de l’autorisation prévue au deuxième alinéa dès lors que sa délivrance a fait l’objet d’un accord de l’autorité chargée de la police de la sécurité. » ;
3° L’article L. 122-2 est abrogé. – (Adopté.)
Article 10 bis
Sous réserve des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée, les autorisations de construire portant sur des bâtiments exclusivement à usage d’habitation, délivrées antérieurement à la publication de la présente loi, sont validées en tant que leur existence ou leur légalité serait contestée au motif que, lorsque le dernier étage de ces bâtiments est un ou plusieurs duplex ou triplex, le niveau de plancher à retenir pour apprécier s’ils constituent ou non un immeuble de grande hauteur, au sens de l’article R. 122-2 du code de la construction et de l’habitation, est la partie supérieure du ou des duplex ou triplex, et non le plancher bas du ou des logements, comme le prévoit le 5° de l’article 3 de l’arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation.
Les mêmes autorisations de construire sont validées jusqu’à la publication dans le code de la construction et de l’habitation de nouvelles dispositions particulières concernant les duplex et triplex et, au plus tard, jusqu’au terme d’un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi.
La conformité des bâtiments concernés, qui ne constituent pas des immeubles de grande hauteur, ne peut être contestée au motif mentionné au premier alinéa du présent article jusqu’à la publication des nouvelles dispositions prévues au deuxième alinéa.
M. le président. L’amendement n° 1102, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer le mot :
publication
par le mot :
promulgation
II. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
de la publication
par les mots :
de la promulgation
La parole est à Mme le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 10 bis, modifié.
(L’article 10 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 10 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 675 rectifié bis est présenté par MM. Dallier et Bascher, Mmes Chain-Larché, Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Dumas et Eustache-Brinio, M. B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, M. Guené, Mme Lamure, MM. Lefèvre, H. Leroy et Mandelli, Mme Micouleau, MM. Milon, Rapin, Savin et Sido et Mme Thomas.
L’amendement n° 882 rectifié est présenté par M. D. Dubois, Mme Létard et les membres du groupe Union Centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 152-12 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 152-… ainsi rédigé :
« Art. L. 152-… - Les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou toute autre personne responsable de l’exécution de travaux, qui ont construit ou ont fait construire un ou plusieurs bâtiments conformément aux règles générales édictées par le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du présent code applicables auxdits travaux, ne peuvent faire l’objet des sanctions prévues aux articles L. 152-1 et suivants, lorsque lesdites règles ont été annulées postérieurement par le juge administratif. Dans ce cas, les travaux sont réputés avoir été exécutés régulièrement. »
La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l’amendement n° 675 rectifié bis.
M. Philippe Dallier. Cet amendement a déjà été déposé à l’Assemblée nationale, mais il a été rejeté. Son adoption me semblerait pourtant de nature à régler un problème de sécurité juridique portant sur des cas, certes, peu nombreux, que je peux résumer ainsi : un porteur de projet ayant obtenu un permis de construire lance le chantier conformément aux normes en vigueur ; alors que les travaux ont démarré, le juge administratif vient annuler les normes qui étaient applicables au moment du lancement dudit chantier.
C’est là qu’est la difficulté, car il est des cas de figure, notamment pour les immeubles de grande hauteur, où il est impossible de se mettre en conformité avec les nouvelles règles. D’où la question : que faire à ce moment-là ? Le présent amendement vise à y répondre.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 882 rectifié.
Mme Dominique Vérien. L’amendement vient d’être brillamment défendu. Il importe en effet de sécuriser le dispositif, si l’on veut pouvoir construire davantage et mieux, pour ne pas laisser de tels risques juridiques persister. Il serait ridicule de continuer à voir des travaux en cours ou achevés devenir non conformes et frappés de nullité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Le présent projet de loi traite déjà de ce sujet, que ce soit à l’article 10 bis ou à l’article 24, ce dernier prévoyant que l’annulation d’un document d’urbanisme n’entraîne pas directement l’annulation des permis délivrés sur leur base. La validation opérée par l’article semble toutefois large.
Je sollicite donc l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je ferai la même réponse que celle que j’avais faite aux députés. Si le sujet méritait effectivement d’être posé, nous considérons que cet amendement ne paraît pas, en l’état, nécessaire. Je veux rassurer le législateur quant à l’application pragmatique des dispositions.
D’une part, le code pénal précise que l’annulation d’une disposition réglementaire postérieurement à l’édification de l’ouvrage ne peut conduire l’autorité judiciaire à constater une infraction, faute de pouvoir démontrer, par la force des choses, un élément intentionnel. Il n’y a pas de difficulté de ce point de vue. Au moment de la construction de l’ouvrage, le constructeur qui respecte l’état du droit en vigueur ne peut pas avoir conscience, par définition, de commettre une infraction.
D’autre part, le juge administratif peut apprécier les conséquences des effets rétroactifs de l’annulation d’un acte réglementaire. Il est même en capacité de déroger au principe de l’effet rétroactif. Dans ce cas, l’autorité judiciaire saisie d’un constat d’infraction est amenée forcément à classer sans suite.
Par conséquent, il n’y a, selon moi, aucune difficulté. Je comprends que la question soit posée, car ce sont des situations qui arrivent régulièrement dans la vie réelle, mais la réponse juridique est celle-là. En tout cas, c’est la position du Gouvernement
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Me voilà rassuré ! J’espère que les professionnels le seront également. En effet, si la question est remontée jusqu’ici, c’est qu’elle préoccupait certains d’entre eux. Cela étant, je vous ai entendu, monsieur le ministre, et je retire l’amendement n° 675 rectifié bis, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 675 rectifié bis est retiré.
Madame Vérien, qu’en est-il de l’amendement n° 882 rectifié ?
Mme Dominique Vérien. J’ajouterai que les services instructeurs devront également être informés de cette réponse. Nous retirons l’amendement n° 882 rectifié, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 882 rectifié est retiré.
Article 11
Le chapitre II du titre IV du livre VI du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° L’article L. 642-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , pour une durée d’un an au moins et de six ans au plus, » sont supprimés et les mots : « conférant l’usage de ces locaux » sont remplacés par les mots : « en conférant l’usage » ;
a bis) Après le même premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le représentant de l’État dans le département informe le maire de la commune où les locaux sont implantés de son intention de procéder à la réquisition, un mois avant la réquisition. Cette information comprend un descriptif indicatif des personnes accueillies et des conditions d’organisation de leur accueil.
« Lorsque ces locaux sont situés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville au sens de l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, la réquisition n’est possible qu’après l’accord du maire de la commune où les locaux sont implantés, selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État. » ;
b) À la fin du deuxième alinéa, les mots : « visées à l’article L. 642-5 » sont remplacés par les mots : « mentionnées au premier alinéa de l’article L. 642-5 ou, si les locaux réquisitionnés ne sont pas à usage principal d’habitation, de les utiliser pour assurer l’hébergement d’urgence de personnes sans abri mentionnées à l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles » ;
c) À la fin de la première phrase du troisième alinéa, les mots : « de confort et d’habitabilité » sont remplacés par les mots : « requises en fonction de l’usage prévu pour les locaux » ;
d) L’avant-dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les locaux sont réquisitionnés dans l’objectif d’assurer l’hébergement d’urgence de personnes sans abri, la durée de la réquisition ne peut excéder un an. Toutefois, lorsque l’importance des travaux mentionnés au troisième alinéa du présent article le justifie, elle peut être supérieure à un an, sans dépasser deux ans.
« Dans les autres cas, la durée de la réquisition est comprise entre un an et six ans. Toutefois, lorsque l’importance des travaux mentionnés au même troisième alinéa le justifie, elle peut être supérieure à six ans, dans la limite de douze ans. » ;
2° L’article L. 642-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsque la réquisition a pour objet d’assurer le logement de personnes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 642-5, l’attributaire de la réquisition peut être : » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la réquisition a pour objet d’assurer l’hébergement d’urgence de personnes sans abri, l’attributaire de la réquisition est un organisme conventionné par l’État à cette fin. » ;
3° À l’article L. 642-4, après la référence : « 5° », sont insérés les mots : « et au dernier alinéa » ;
4° L’article L. 642-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les locaux peuvent également être occupés à des fins d’hébergement d’urgence de personnes sans abri dans les conditions prévues par le code de l’action sociale et des familles. » ;
5° L’article L. 642-15 est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase du deuxième alinéa, sont ajoutés les mots : « Lorsque les locaux sont donnés à bail à un bénéficiaire mentionné au premier alinéa de l’article L. 642-5, » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les locaux sont réquisitionnés à des fins d’hébergement d’urgence, cette indemnité est équivalente au loyer défini à l’article L. 642-23, déduction faite de l’amortissement du montant des travaux nécessaires et payés par l’attributaire pour satisfaire aux normes minimales requises. Lorsque le montant de l’amortissement des travaux est supérieur au loyer défini au même article L. 642-23, aucune somme ne peut être perçue auprès du titulaire du droit d’usage. » ;
c) À la fin du dernier alinéa, les mots : « de cet amortissement et du calcul des frais de gestion » sont remplacés par les mots : « de l’amortissement et du calcul des frais de gestion mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du présent article » ;
6° L’intitulé de la section 4 est complété par les mots : « mentionné au premier alinéa de l’article L. 642-5 » ;
7° Au premier alinéa de l’article L. 642-23, le mot : « habitable » est supprimé.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1056 rectifié bis, présenté par MM. Corbisez, Guérini, Léonhardt, Labbé et Dantec, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéas 9 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Cet amendement vise à conserver le droit, pour l’attributaire de logements et de bureaux vacants réquisitionnés pour l’hébergement d’urgence des personnes sans abri, de réaliser des travaux de mise aux normes minimales de confort et d’habitabilité. Il s’agit également de maintenir la même durée de la réquisition, sans avoir à distinguer entre l’hébergement d’urgence et les autres cas de réquisition.
M. le président. L’amendement n° 548, présenté par M. Daunis, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Le projet de loi prévoit que les locaux réquisitionnés pour accueillir de l’hébergement d’urgence peuvent faire l’objet de « travaux de mise aux normes minimales requises en fonction de l’usage prévu pour les locaux », en lieu et place de la mention « travaux de mise aux normes de confort et d’habitabilité ». Or nous savons bien ce qu’il en est des normes applicables en fonction de l’usage.
La France s’est engagée sur l’amélioration des conditions d’accueil en centres d’hébergement. Le rapprochement entre les normes minimales de décence en hébergement et celles qui dont en vigueur dans le logement est défendu depuis 2009, notamment dans le cadre du programme d’humanisation des centres d’hébergement.
L’individualisation des chambres et des sanitaires, par exemple, est considérée par l’ensemble des acteurs comme fondamentale, comme un préalable à tout accueil respectueux de la dignité des personnes. Elle permet aux résidents de bénéficier d’un espace d’intimité et de liberté essentiel à leur bien-être et garantit une meilleure qualité d’hygiène.
Cette ambition doit rester prioritaire pour sortir des logiques de simple mise à l’abri des personnes en situation de précarité. C’est d’ailleurs un objectif que les députés ont traduit dans d’autres dispositions du projet de loi, notamment à l’article 43 consacré à l’amélioration de la prise en charge des personnes sans domicile fixe.
Enfin, faut-il le rappeler, la durée moyenne en centres d’hébergement se situe autour de quatorze mois, mais il peut arriver que certaines personnes restent plusieurs années dans les centres d’hébergement.
Cet amendement a donc pour objet de conserver la possibilité de réaliser des travaux « de mise aux normes minimales de confort et d’habitabilité ».
M. le président. L’amendement n° 915 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Alinéa 10
1° Première phrase
Remplacer les mots :
un an
par les mots :
deux ans
2° Seconde phrase
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
quatre
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Le projet de loi étend la procédure de réquisition de logements vacants avec attributaire à l’hébergement d’urgence, ce qui constitue à notre sens une grande avancée, alors que les besoins en la matière sont considérables en zones tendues.
Le recours aux nuitées hôtelières n’est pas satisfaisant, pour les personnes hébergées comme pour les finances de l’État. La commission des affaires économiques du Sénat a réduit de deux à un an la durée de réquisition des locaux vacants à des fins d’hébergement d’urgence. Or l’atteinte au droit de propriété n’est pas disproportionnée, puisqu’il s’agit de réquisitionner des locaux appartenant à une personne morale et vacants depuis plus de douze mois, le propriétaire étant, par ailleurs, indemnisé.
Dans le cadre de la mise à disposition des locaux, rien ne justifie une telle différence de régime entre les personnes sans abri et les personnes mal logées à faibles ressources, ces dernières pouvant bénéficier d’une réquisition comprise entre un an et six ans.
Le présent amendement vise donc à rétablir les durées de réquisition des locaux vacants à des fins d’hébergement d’urgence telles qu’elles ont été adoptées par l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 1088, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10, seconde phrase
Remplacer le mot :
troisième
par le mot :
cinquième
II. – Alinéa 11, seconde phrase
1° Remplacer le mot :
troisième
par le mot :
cinquième
2° Remplacer les mots :
dans la limite de
par les mots :
sans dépasser
III. – Alinéa 25
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de commission sur les amendements nos 1056 rectifié bis, 548 et 915 rectifié.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’amendement n° 1088 vise à apporter des modifications rédactionnelles.
Sur l’amendement n° 1056 rectifié bis, la commission a estimé que l’encadrement, dans le temps, de la réquisition, lorsqu’elle vise l’hébergement d’urgence, permet d’orienter les places de logement ainsi créées vers les populations mal logées et à faibles ressources. Cela encourage l’usage des locaux à des fins de logement, ce qui représente une solution plus durable que l’hébergement. Toutefois, il ne faut pas rallonger et renchérir les travaux par des normes superflues, sous peine de faire obstacle à la création de places d’hébergement.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1056 rectifié bis.
En ce qui concerne l’amendement n° 548, je dirai que soumettre l’hébergement d’urgence aux exigences les plus contraignantes est de nature à rallonger et à renchérir considérablement les travaux, et donc à faire obstacle à la création de places d’hébergement.
S’agissant de l’amendement n° 915 rectifié, je rappellerai que le dispositif prévu à cet article nous semble de nature à protéger le droit de propriété : les propriétaires de locaux ne peuvent remplacer l’État dans son rôle de création de places d’hébergement d’urgence et d’accompagnement social. L’avis sera également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. J’émettrai un avis défavorable sur l’amendement n° 1056 rectifié bis. La loi permet déjà la réquisition de locaux vacants pour en faire du logement. Par le présent texte, nous ouvrons la possibilité d’en réquisitionner un certain nombre pour en faire de l’hébergement.
Pourquoi les durées de réquisition sont-elles différentes entre le logement et l’hébergement ? Tout simplement parce que transformer des locaux vacants pour en faire de l’hébergement ne nécessite pas du tout les mêmes travaux que ceux qui sont nécessaires pour transformer des locaux vacants pour en faire des logements. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement, puisqu’il vise à fixer la même durée de réquisition dans les deux cas.
S’agissant de l’amendement n° 548, il tend à maintenir la mention « travaux de mise aux normes minimales de confort et d’habitabilité », c’est-à-dire à prévoir exactement la même disposition pour la transformation de locaux vacants en logements ou en hébergements. Il s’avère que, initialement, nous avions proposé la même rédaction. C’est le Conseil d’État qui nous a demandé de la modifier, pour prendre en compte la spécificité des travaux aux fins d’hébergement par rapport à ceux qui seraient réalisés aux fins de logement. Ceux-ci ne sont pas de même nature. Le Conseil d’État nous a donc fortement recommandé, comme on dit, de remplacer la mention « travaux de mise aux normes minimales de confort et d’habitabilité » par la mention « travaux de mise aux normes minimales requises en fonction de l’usage prévu pour les locaux ».
J’émettrai donc un avis défavorable sur l’amendement n° 548.
L’amendement n° 915 rectifié a pour objet de réintroduire les durées que nous avions prévues initialement, autrement dit de repasser de deux à quatre ans, et non de un à deux ans. J’émettrai donc un avis favorable.
L’avis sera également favorable sur l’amendement n° 1088 de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1056 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 548.
Mme Viviane Artigalas. Compte tenu des explications de M. le secrétaire d’État et de l’avis rendu par le Conseil d’État, nous retirons l’amendement n° 548, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 548 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 915 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 143, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 642-2 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « par », sont insérés les mots : « les personnes physiques ou » ;
b) Sont ajoutés les mots : « , sauf s’ils sont détenteurs de dix logements et plus » ;
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. L’article 11 étend la procédure de réquisition avec attributaire à l’hébergement d’urgence. Nous sommes favorables à cette mesure, puisque le nombre de sans-abri, cela a été rappelé, est toujours trop élevé, de l’ordre de 148 000 personnes, et qu’il augmente de manière exponentielle, ayant doublé en dix ans.
Par cet amendement récurrent, notre groupe souhaite donner les outils pour faire de la procédure de réquisition, ouverte depuis la loi de lutte contre les exclusions de 1998, une procédure effective. Ainsi, alors qu’aujourd’hui seuls les biens de personnes morales peuvent être réquisitionnés, nous demandons d’élargir la procédure de réquisition de logements avec attributaire aux personnes physiques et aux SCI lorsque celles-ci sont détentrices d’un patrimoine immobilier de dix logements et plus. Il n’y a pas lieu de faire une distinction entre propriétaires à ce niveau de patrimoine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission n’a pas souhaité élargir de façon démesurée le dispositif de réquisition, sous peine de remettre en cause un dispositif très stable depuis sa création en 1998, de porter une atteinte démesurée au droit de propriété et de provoquer une contraction de l’investissement locatif, et donc de l’offre de logements.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. C’est aussi un avis défavorable qu’émettra le Gouvernement sur cet amendement, qui vise à étendre la réquisition avec attributaire aux logements appartenant à des SCI familiales ou à des personnes physiques lorsqu’elles possèdent au moins dix logements.
La réquisition avec attributaire est actuellement définie à l’article L. 642–1 du code de la construction et de l’habitation et ne s’applique qu’aux seules personnes morales. L’objectif que nous visons est d’utiliser la procédure de réquisition de locaux avec attributaire telle qu’elle existe et sans modifier les biens auxquels elle s’applique, afin de disposer effectivement d’un outil supplémentaire pour permettre l’hébergement d’urgence des personnes sans abri.
En fait, les locaux ciblés par la procédure seront davantage des bureaux vacants adaptés à ce type d’hébergement. Il ne me semble pas utile de procéder à une telle extension, qui pourrait déclencher d’ailleurs plus que des inquiétudes sans avoir de véritable impact opérationnel. On estime qu’en Île-de-France entre 140 000 et 240 000 mètres carrés de bureaux pourraient être mobilisés dans le cadre de cette demande d’hébergement. Nous travaillons pour faire face aux besoins, qui sont, vous l’avez indiqué à juste titre, monsieur le sénateur, en expansion.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 144 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 728 rectifié ter est présenté par Mme Lienemann, MM. Iacovelli et Féraud, Mme Préville, M. Cabanel, Mme G. Jourda, M. Duran, Mme Meunier, M. Tissot, Mme Tocqueville et MM. Tourenne, Jacquin et Kerrouche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le 2° de l’article L. 642-10, le 2° de l’article L. 642-11 et l’article L. 642-12 sont abrogés ;
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 144.
M. Fabien Gay. Les propriétaires personnes morales peuvent échapper, pendant vingt-quatre à vingt-six mois, à une procédure de réquisition en présentant un échéancier de travaux et de mise en location, le temps que l’intérêt des services de l’État mobilisés sur la recherche de solutions d’urgence se tourne vers d’autres priorités.
Cette opportunité, que n’ont pas manqué de saisir les personnes morales propriétaires de biens vacants visées par cette procédure, a fait échouer toutes les tentatives de « réquisition avec attributaire », depuis sa création le 31 juillet 1998.
Maintenir cette disposition rendrait vaine la création de la nouvelle procédure aux fins d’hébergement d’urgence, malgré la gravité de la crise de l’hébergement et l’engagement du chef de l’État pris devant les Français le 31 décembre dernier.
Cette proposition de simplification ne remet pas en cause le droit de propriété, puisque le titulaire du droit d’usage dispose de trois mois pour mettre fin à la vacance et que, dans l’hypothèse où le préfet n’a pas tenu compte de ses arguments pour abandonner la procédure, le recours judiciaire reste toujours possible.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 728 rectifié ter.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je trouve très positive l’extension du droit de réquisition pour l’hébergement d’urgence. C’était nécessaire et ce sera tout à fait utile. Comme l’a dit mon collègue Fabien Gay, s’agissant d’une réquisition pour du logement stable, la procédure a été contournée par les personnes morales grâce à une mécanique simple : faire croire qu’elles vont faire des travaux puis mettre le logement en location. Les trois quarts du temps, lorsque pareille démarche a été engagée, c’est cet argumentaire qui a été donné. Petit à petit, les pouvoirs publics renoncent à réquisitionner, même s’il est constaté ultérieurement que rien n’a été fait ni en termes de travaux ni en termes de mise en location.
Cela pose déjà problème dans le cadre d’une réquisition normale. S’agissant de l’hébergement d’urgence, il faut au moins abroger ces dispositifs, sachant que, de toute façon, s’il y a réellement engagement de travaux et de mise en location, il est clair que les locaux doivent être restaurés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’avis sera défavorable. La réquisition n’est justifiée que par la vacance prolongée des locaux, lorsque celle-ci résulte du refus du propriétaire d’y mettre fin. Adopter ces amendements reviendrait, là aussi, à porter une atteinte trop importante au droit de propriété. Il est normal que le propriétaire puisse résoudre la situation soit en trouvant un usage aux locaux sous trois mois, soit en engageant les travaux nécessaires au changement d’usage. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. L’intention première de la réquisition, c’est bien le retour sur le marché locatif du logement. Aussi, il ne nous paraît pas opportun, dans l’immédiat, d’empêcher le propriétaire de réaliser les travaux nécessaires à ce retour sur le marché. Le propriétaire pouvant être légitime dans sa démarche, il semblerait tout de même curieux de l’en empêcher. Je remercie Mme Lienemann et M. Gontard d’avoir noté au passage que, dans ce domaine, le texte va très clairement plus loin que ce qui avait été fait jusqu’à présent. Là aussi, il faut rester dans un juste équilibre.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Jamais un propriétaire désireux de faire réellement des travaux n’a été réquisitionné. Jamais la loi de réquisition n’est appliquée, pour la simple raison qu’elle est contournée : lorsque les travaux ne sont pas réalisés au bout des trois mois requis, il faut reprendre l’ensemble des procédures.
De mon point de vue, il ne s’agit absolument pas de bloquer la remise en location, d’autant que, dans quelques cas, la menace de la réquisition l’a effectivement permise, même s’il est rare que des travaux aient été réalisés après. La plupart du temps, le logement est vendu à un organisme d’HLM, le propriétaire préférant vendre plutôt que d’être confronté à la réquisition, ce qui n’est d’ailleurs pas plus mal.
Franchement, monsieur le ministre, le côté positif de votre démarche risque de ne pas pouvoir se mettre en œuvre au regard de ce que je vous décris et de ce qui se produit quasi systématiquement. Les personnes morales en question connaissent parfaitement la manière de contourner les exigences qui sont celles de l’intérêt public.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 144 et 728 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 730 rectifié ter, présenté par Mme Lienemann, M. Iacovelli, Mme Préville, M. Cabanel, Mme G. Jourda, M. Duran, Mme Meunier, M. Tissot, Mme Tocqueville et MM. Tourenne, Jacquin et Kerrouche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 101 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion est abrogé à compter du 1er janvier 2019.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement concerne le fameux statut de résident temporaire, dont vous nous avez dit qu’il était positif, car il permettait de répondre à un certain nombre de situations.
Le dispositif est le suivant : un intermédiaire, en général une société privée, organise le gardiennage d’immeubles vacants, en échange d’une rémunération du propriétaire. Puis, dans une partie des locaux, il installe des résidents temporaires qui devront aussi s’acquitter d’une participation financière, mais également surveiller les lieux.
Le résident devra respecter un règlement intérieur draconien. Par exemple, il lui est interdit de recevoir des amis, il doit laisser l’organisme inspecter son espace privé à tout moment, rentrer et quitter les lieux à une certaine heure, et ne pas s’absenter plusieurs jours sans l’autorisation de cette société…
Les résultats de l’expérimentation ont été d’autant moins concluants que les personnes installées dans ces locaux ne peuvent en faire leur résidence principale. Le dispositif ne vise donc pas, en principe, les personnes en difficulté.
De plus, il s’agit d’une forme de travail dissimulé, dans la mesure où est mise en place une forme de concurrence déloyale vis-à-vis des entreprises de gardiennage.
Il n’y a donc pas lieu de maintenir cette expérimentation à but lucratif, au bénéfice d’une société bien connue qui est aussi auteur de ce dispositif.
Je ne vois pas l’intérêt de poursuivre cette opération qui ne concerne pas l’hébergement des personnes sans-abri, lesquelles sont considérées par la société en question comme insuffisamment sociabilisées pour être logées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je ne partage pas l’avis des auteurs de l’amendement. Ils tirent en effet un bilan très négatif d’un dispositif qui a quand même permis, depuis sa création, d’assurer le logement temporaire de plus de 1 000 personnes, et qui repose sur un accord volontaire ente les propriétaires, la société concernée et les résidents temporaires.
Ce système préfigure ce dont nous allons parler lors de l’examen de l’article 9 bis : le dispositif Camelot.
Par ailleurs, l’abrogation de ce dispositif n’apporterait rien puisqu’il est d’ores et déjà prévu qu’aucun nouveau contrat ne puisse porter effet au-delà du 31 décembre 2018.
Aussi, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable, à la fois, sur le fond et pour des raisons conjoncturelles.
En effet, comme le disait Mme la rapporteur, il y a aujourd’hui plusieurs centaines d’utilisateurs de ce dispositif. Si l’on arrêtait l’expérimentation au 31 décembre 2018, je vous laisse imaginer combien de personnes basculeraient du logement vers l’hébergement d’urgence au cœur de l’hiver… Il s’agit certes d’un argument conjoncturel, mais nous connaissons tous cette réalité de terrain.
Sur le fond, j’entends bien les inquiétudes que vous exprimez, madame la ministre Lienemann. Mais, avec le présent texte, nous mettons fin à l’expérimentation introduite par la loi MOLLE, pour la remplacer par un dispositif qui doit durer, à titre d’expérimentation, jusqu’en 2023, et qui inclut et le logement et l’hébergement.
Ce dispositif, qui fait l’objet de l’article 9 bis du projet de loi, prévoit qu’un décret en Conseil d’État devra apporter des précisions sur plusieurs points, parmi lesquels l’agrément des opérateurs, les missions qui leur seront confiées et le volet financier. Ce décret permettra de lutter contre les effets négatifs que vous avez mentionnés et d’améliorer le dispositif.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 730 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 11, modifié.
(L’article 11 est adopté.)
Article 11 bis (nouveau)
Au premier alinéa de l’article L. 641-1 du code de la construction et de l’habitation, après les mots : « inoccupés ou insuffisamment occupés », sont insérés les mots : « en déshérence ou dont les propriétaires ne sont plus identifiables » .
M. le président. L’amendement n° 729 rectifié quater, présenté par Mme Lienemann, MM. Iacovelli et Féraud, Mme Préville, M. Cabanel, Mme G. Jourda, M. Duran, Mme Meunier, M. Tissot, Mme Tocqueville et MM. Tourenne, Jacquin et Kerrouche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre Ier du titre IV du livre VI du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié
1° Le premier alinéa de l’article L. 641-1 est ainsi rédigé :
« Après avis du maire, le représentant de l’État dans le département peut procéder, par voie de réquisition, pour une durée maximum d’un an renouvelable, à la prise de possession partielle ou totale des locaux vacants, en vue de les attribuer aux personnes mentionnées à l’article L. 641-2. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 641-3, les mots : « au service municipal du logement » sont remplacés par les mots : « auprès du représentant de l’État dans le département » ;
3° À l’article L. 641-5, les mots : « service municipal du logement » sont remplacés par les mots : « représentant de l’État dans le département » ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 641-7 est ainsi rédigé :
« Le montant des indemnités est fixé selon les modalités définies à l’article L. 642-23. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. En France, il y a en réalité deux droits de réquisition. L’un est issu de l’ordonnance du 11 octobre 1945, l’autre est un régime de réquisition avec attributaire prévu par la loi du 29 juillet 1998.
L’ordonnance de 1945 prévoit une procédure qui permet, dans les situations d’urgence, de réquisitionner rapidement des locaux vacants pour une durée d’un an renouvelable cinq fois. Il convient de renforcer l’efficacité de cette procédure, les dispositifs d’organisation des services ayant changé depuis l’époque où l’ordonnance a été prise.
La procédure doit pouvoir être mise en œuvre sans qu’il soit nécessaire de passer par le « service municipal du logement », car celui-ci n’existe plus dans la plupart des collectivités. Il convient donc que les demandes de réquisition soient déposées directement auprès du préfet.
Enfin, l’indemnité doit être calculée selon les dispositions prévues dans la procédure de réquisition avec attributaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission admet que les dispositions relatives à la réquisition méritent d’être rénovées. Vous avez ainsi fait référence, ma chère collègue, à la quasi-disparition des services municipaux du logement.
Néanmoins, la mesure que vous proposez touchant à l’organisation des services de l’administration, je souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. L’avis est favorable (Mme Françoise Gatel et plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain marquent leur satisfaction.), dans la mesure où cet amendement vise à faire évoluer le dispositif de réquisition qui est issu de l’ordonnance de 1945 en modifiant une rédaction devenue obsolète.
Les articles L. 641 et suivants du code de la construction et de l’habitation relatifs à la réquisition, introduits après-guerre par cette ordonnance, font référence au service municipal du logement, lequel n’existe effectivement plus. Il convient de faire évoluer de manière positive ce texte en l’actualisant. Cette modification clarifie la rédaction et supprime notamment un terme devenu tout à fait obsolète et inopportun.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’avis est favorable.
M. le président. En conséquence, l’article 11 bis est ainsi rédigé, et l’amendement n° 1089 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 1089, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
en déshérence ou
par les mots :
, en déshérence ou
Chapitre IV
Simplifier et améliorer les procédures d’urbanisme
Article 12
Le second alinéa de l’article L. 174-6 du code de l’urbanisme est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le plan d’occupation des sols immédiatement antérieur redevient applicable pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la date de cette annulation ou de cette déclaration d’illégalité. Il ne peut durant cette période faire l’objet d’aucune procédure d’évolution.
« À défaut de plan local d’urbanisme ou de carte communale exécutoire à l’issue de cette période, le règlement national d’urbanisme s’applique sur le territoire communal. » – (Adopté.)
Article 12 bis AA (nouveau)
L’étude prévue au premier alinéa de l’article L. 122-7 du code de l’urbanisme est soumise, avant l’arrêt du projet de schéma de cohérence territoriale ou de plan local d’urbanisme ou avant l’examen conjoint dans le cas d’une mise en compatibilité de ces documents, à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites dont l’avis est joint au dossier de l’enquête publique.
L’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites prévu au même article L. 122-7 est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans un délai de trois mois à compter de la saisine.
M. le président. L’amendement n° 1090, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 122–7 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° La deuxième phrase du même premier alinéa est supprimée ;
3° Après ledit premier alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« L’étude est soumise à l’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites :
« 1° Avant l’arrêt du projet de schéma de cohérence territoriale ou de plan local d’urbanisme, si elle est réalisée dans le cadre de l’élaboration ou de la révision de ces documents ;
« 2° Avant l’examen conjoint du projet de schéma de cohérence territoriale ou de plan local d’urbanisme, si elle est réalisée dans le cadre de la mise en compatibilité de ces documents.
« Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans un délai de trois mois à compter de la soumission de l’étude à la commission.
« L’avis rendu par la commission départementale de la nature, des paysages et des sites est joint au dossier soumis à enquête publique dans le cadre de la procédure d’élaboration, de révision ou de mise en compatibilité du plan local d’urbanisme ou du schéma de cohérence territoriale. » ;
4° Au début du deuxième alinéa, est ajoutée la mention : « II. – » ;
5° Au début du troisième alinéa, est ajoutée la mention : « III. – ».
II. – Au 1° de l’article L. 122–14 du code de l’urbanisme, la référence : « au premier alinéa » est remplacée par la référence : « au I ».
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement opère des clarifications rédactionnelles et précise les procédures visées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. L’amendement vise à préciser la procédure d’obtention de l’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, la CDNPS, sur l’étude de discontinuité. Or ce sujet relève du niveau réglementaire. Je pense qu’il faut garder de la souplesse en la matière et surtout se concerter avec les acteurs de la montagne, y compris sur ces points de procédure.
Je demande donc le retrait de l’amendement, en attendant la préparation du décret d’application ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame le rapporteur, l’amendement n° 1090 est-il maintenu ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Oui, je le maintiens, monsieur le président. (M. Michel Savin applaudit.)
M. le président. En conséquence, l’article 12 bis AA est ainsi rédigé, et l’amendement n° 92 rectifié bis n’a plus d’objet.
L’amendement n° 92 rectifié bis, présenté par Mme Morhet-Richaud, MM. Danesi et Pellevat, Mme Duranton, M. Brisson, Mmes Deromedi, Delmont-Koropoulis et Garriaud-Maylam, MM. de Nicolaÿ et Morisset, Mme Imbert, MM. Poniatowski, Revet, B. Fournier, Savin et Mayet et Mmes Bories et Lamure, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 122-7 du code de l’urbanisme, après les mots : « le plan local d’urbanisme » sont insérés les mots : « ou la carte communale ».
Article 12 bis AB (nouveau)
L’article L. 153-12 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 153-12. – Un débat a lieu au sein de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale et des conseils municipaux ou du conseil municipal sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables mentionné à l’article L. 151-5, au plus tard cinq mois avant l’examen du projet de plan local d’urbanisme.
« Lorsque le plan local d’urbanisme est élaboré par un établissement public de coopération intercommunale, un débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables mentionné au même article L. 151-5 a lieu dans les conseils municipaux des communes qui le composent, dans les quatre mois suivant le débat au sein de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale. Passés ces quatre mois, le débat est réputé tenu dans l’ensemble des conseils municipaux. »
M. le président. L’amendement n° 1091, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
1° Supprimer les mots :
et des conseils municipaux
2° Après le mot :
municipal
insérer les mots :
compétent en matière de plan local d’urbanisme
II. – Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
quatre mois
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
suivant la tenue au sein de l’organe délibérant dudit établissement du débat prescrit par le premier alinéa du présent article.
La parole est à Mme le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 12 bis AB, modifié.
(L’article 12 bis AB est adopté.)
Article 12 bis A
I. – À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 141-3 du code de l’urbanisme, les mots : « l’approbation du » sont remplacés par les mots : « l’arrêt du projet de ».
II. – Le I :
1° N’est pas applicable aux schémas de cohérence territoriale dont l’élaboration ou la révision a été prescrite avant la publication de la présente loi ;
2° Est applicable à l’élaboration du schéma de cohérence territoriale, ou à la prochaine révision du schéma de cohérence territoriale prise en application de l’article L. 143-29 du code de l’urbanisme.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 457 rectifié, présenté par M. Husson, Mme Deromedi, MM. Panunzi et Rapin et Mmes Lassarade et Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
II. – Le I n’est pas applicable aux schémas de cohérence territoriale dont la procédure est à un stade postérieur à l’arrêt, à la date de la publication de la présente loi.
La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Le nouvel article 12 bis A va faciliter l’élaboration des schémas de cohérence territoriale, les SCOT, en fixant la date de prise en compte de la consommation d’espace au cours des dix années précédant l’arrêt du SCOT.
En effet, ce sont les élus qui fixent la date de l’arrêt du SCOT, alors que le délai d’approbation du schéma est plus aléatoire et lié à la fluidité de la procédure. Il est donc moins aisé d’estimer les dix années précédant la date d’approbation.
Il est proposé que l’application soit immédiate, sauf pour les SCOT dont la procédure est entre l’arrêt et l’approbation à la date de publication de la loi.
M. le président. L’amendement n° 1103, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
publication
par le mot :
promulgation
La parole est à Mme le rapporteur, pour le présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 457 rectifié.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’amendement n° 1103 de la commission est un amendement de précision juridique.
L’amendement n° 457 rectifié vise à modifier les dispositions transitoires prévues par le présent article, ce qui n’est pas souhaitable.
Pour des SCOT ayant déjà été prescrits, mais pas encore arrêtés, le diagnostic de consommation d’espace est déjà en cours de réalisation. L’adoption de l’amendement aurait pour conséquence la modification des études déjà commandées et de la période couverte, ce qui engendrerait de nouveaux coûts et délais. C’est justement ce que le projet de loi vise à éviter.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. L’article 12 bis A prévoit de prendre la date d’arrêt du projet comme date de référence pour le calcul de la consommation d’espace à dix ans.
Cette date correspondant à la fin des études du diagnostic territorial, cela permettra de mieux sécuriser les procédures de SCOT. (Mme Brigitte Micouleau opine.) Je partage l’objectif des auteurs de l’amendement d’étendre le bénéfice de ces dispositions aux procédures en cours au moment de la publication de la loi.
L’avis est donc favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Je souhaite préciser, madame la rapporteur, que cet amendement est le fruit du travail des élus qui sont impliqués dans des démarches de SCOT. Selon nous, et comme l’a dit M. le ministre, cette sécurisation juridique est nécessaire. Je vous laisse, les uns et les autres, apprécier, mais j’apprécierais d’avoir votre soutien. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour explication de vote.
M. Marc-Philippe Daubresse. Pour avoir élaboré deux SCOT au cours des dix dernières années, dont l’un très récemment, je dois dire que les arguments de M. Husson sont tout à fait valables.
Lorsqu’on arrête un SCOT, on est soumis à un délai aléatoire, car l’approbation n’intervient pas forcément dans l’immédiat.
Je rappelle que la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, exige pour les plans locaux d’urbanisme, les PLU, une approbation unanime, et on peut ensuite y revenir pour une deuxième lecture. De ce fait, le délai est insécurisant. En revanche, si l’on s’en tient à l’approbation, le risque de contentieux est beaucoup moins important.
Une fois n’est pas coutume, je soutiens l’amendement de M. Husson.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 1103 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 12 bis A, modifié.
(L’article 12 bis A est adopté.)
Article 12 bis B
I. – À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 151-4 du code de l’urbanisme, les mots : « l’approbation du » sont remplacés par les mots : « l’arrêt du projet de ».
II. – Le I :
1° N’est pas applicable aux plans locaux d’urbanisme dont l’élaboration ou la révision a été prescrite avant la publication de la présente loi ;
2° Est applicable à l’élaboration du plan local d’urbanisme, ou à la prochaine révision du plan local d’urbanisme prise en application des articles L. 153-31 ou L. 151-34 du code de l’urbanisme.
M. le président. L’amendement n° 1104, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
publication
par le mot :
promulgation
La parole est à Mme le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 12 bis B, modifié.
(L’article 12 bis B est adopté.)
Article additionnel après l’article 12 bis B
M. le président. L’amendement n° 96 rectifié quater, présenté par MM. Revet, Grosdidier, Paul et Pillet, Mmes F. Gerbaud et Garriaud-Maylam, MM. Henno et Bizet, Mme Deromedi, MM. Pierre et Cuypers et Mme Billon, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 153-48 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 153-48-… ainsi rédigé :
« Art. L. 153-48-… – Toute collectivité qui souhaite, à titre exceptionnel et jusqu’au 31 décembre 2020, la mise en place de projets d’aménagement la concernant ou pour répondre à des demandes de construction de logement de particuliers ou d’organismes, tant en terme locatif que d’accession à la propriété, peut en dérogation aux dispositions du présent code, en particulier aux articles L. 153-45 à L. 153-48, décider la mise en place de la révision simplifiée du document d’urbanisme dont elle est dotée. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Les dispositions prévues dans cet amendement ne sont pas une nouveauté. Je me souviens que le gouvernement de l’époque avait proposé la mise en place pour une période déterminée d’une révision simplifiée, de façon à dégager de l’espace pour construire. Les résultats avaient été positifs.
Cet amendement va dans le même sens. Mais il y a, aujourd’hui, des raisons supplémentaires pour prévoir un tel dispositif, parmi lesquelles le besoin de logements, qui est reconnu par tous, et le besoin de terrains constructibles, car il y a beaucoup à faire.
Par ailleurs, la raréfaction des terrains constructibles dans les communes a fait augmenter de manière importante le coût des terrains à bâtir. De nombreuses familles souhaiteraient accéder à la propriété, mais sont obligées de repousser leur projet, compte tenu des surcoûts induits.
Enfin, des organismes qui veulent construire, mais ne parviennent pas à équilibrer leur opération sollicitent la commune pour qu’elle intervienne.
Il est donc urgent de dégager des terrains supplémentaires. Toutes les communes et collectivités de France disposant désormais de documents d’urbanisme, elles pourraient diminuer le coût des terrains ainsi libérés et lancer plus facilement des opérations de construction de logements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Le droit en vigueur permet d’ores et déjà des assouplissements. Néanmoins, l’amendement visant à élargir le champ de la révision simplifiée, je souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Cet amendement vise à offrir aux collectivités la possibilité de faire évoluer le plan local d’urbanisme via une procédure de révision simplifiée lorsqu’il s’agit d’opérations de construction de logements.
Le droit en vigueur prévoit déjà des procédures accélérées pour faire évoluer les plans locaux d’urbanisme afin de favoriser la production de logements. La procédure intégrée pour le logement permet ainsi d’atteindre l’objectif qui est le vôtre. Elle permet de faire évoluer concomitamment l’ensemble des documents opposables, y compris ceux de rang supérieur. Le présent projet de loi prévoit également d’étendre ces procédures aux grandes opérations d’urbanisme.
La question posée est judicieuse, mais l’amendement est satisfait ; j’en demande donc le retrait.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission suit l’avis du Gouvernement.
M. le président. Monsieur Revet, l’amendement n° 96 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Charles Revet. La réponse de M. le ministre ne m’a pas convaincu. Il ne me semble pas que les dispositions en vigueur facilitent cette évolution. Sans doute sera-t-il possible de revenir sur ce sujet à l’occasion de la commission mixte paritaire ou en nouvelle lecture ?
J’ai lu et relu les dispositifs du code de l’urbanisme et je n’y ai pas trouvé une seule réponse satisfaisante ! C’est pourquoi j’avais déposé cet amendement. Cela étant dit, je le retire.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 145 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 1003 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le b du 1° de l’article L. 101-2 est complété par les mots : « , la lutte contre l’étalement urbain » ;
2° Au 1° du I de l’article L. 151-7, après le mot : « urbain », sont insérés les mots : « , favoriser la densification ».
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 145.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à rétablir l’article 12 bis du projet de loi, qui visait explicitement la lutte contre l’étalement urbain dans les objectifs généraux du code de l’urbanisme, et qui intégrait dans les orientations d’aménagement et de programmation des plans locaux d’urbanisme des actions en faveur de la densification urbaine.
Alors que l’exigence de préservation de l’environnement est sans cesse réaffirmée et qu’un énième plan de sauvegarde de la biodiversité est en préparation, il semble nécessaire d’édicter des principes clairs pour guider l’action de la puissance publique. Cela a été dit, l’équivalent d’un département disparaît tous les sept ans. Il y a donc besoin de principes clairs et, surtout, urgence à agir.
Nous y reviendrons à propos des amendements sur les articles suivants, l’objectif n’est pas de réduire la capacité à construire ou à rénover en milieu rural ou en bordure littorale, mais bien, dans ces zones-là comme ailleurs, de préserver le principe de continuité du bâti, et donc de lutte contre l’étalement urbain, dont nous connaissons tous les conséquences : pour y remédier, il faut parfois installer des équipements dits « d’intérêt général », dont tout le monde veut, mais pas à côté de chez soi !…
Nous proposons donc de réintroduire cet article qui est certes déclaratif, mais qui présente l’avantage de marquer une ambition qu’il n’est pas inutile de rappeler ici. Il est important de le faire avant d’aborder les articles suivants, lesquels viseront à prévoir des exceptions et à les justifier. Il est nécessaire de conserver un principe de cohérence : nous devons, collectivement, limiter l’étalement urbain ; c’est-à-dire non pas empêcher les constructions, mais construire en respectant la continuité du bâti existant. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 1003 rectifié.
M. Joël Labbé. Cet amendement a été très bien défendu par ma collègue, mais je souhaite ajouter quelques réflexions personnelles.
Étant un grand utopiste, je me dis qu’en dépit de la position de la majorité des sénateurs, du Gouvernement et de la commission, qui a déjà émis un avis négatif, un bon argumentaire pourrait faire basculer le Sénat.
Personne n’est défavorable à la lutte contre l’étalement urbain,…
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Cela dépend !
M. Joël Labbé. … ou à la densification de l’habitat.
Cet article était certes déclaratif, mais important : nous avons évoqué précédemment la question de l’urgence, qu’elle concerne le climat, la biodiversité ou la préservation des terres agricoles.
Jeune maire, je m’étais passionné voilà quelques années pour l’urbanisme. En lien avec des urbanistes, je m’étais ainsi intéressé à la façon dont on a construit, par le passé, les villes et les bourgs – ma commune, au départ, en était un. L’habitat serré avait été conçu, justement, pour éviter l’étalement urbain car, à l’époque, les terres agricoles représentaient une richesse énorme. Puis on a basculé.
Après avoir travaillé et réfléchi sur ce sujet, je suis allé, toujours accompagné d’urbanistes, voir comment les choses se passaient en Allemagne et en Suède, des pays qui auraient dû être depuis longtemps des exemples pour nous, qui sommes les champions du monde de l’étalement urbain.
Il est temps d’en finir avec l’étalement urbain, nous sommes tous lucides à cet égard. Il faut réintroduire dans le projet de loi ce principe qui y avait déjà été inscrit par le Gouvernement, avant d’être conforté par l’Assemblée nationale. Il est absolument incompréhensible que la commission ait supprimé cette disposition !
On parle souvent de bon sens au sein de cette assemblée. Alors que l’avis favorable du Gouvernement est attendu, il serait bon qu’une majorité se dessine en faveur d’un tel amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cela a été rappelé, la commission avait supprimé cet article, partant du fait que les objectifs visés prenaient déjà largement en compte la lutte contre l’étalement urbain. Elle avait notamment cité le développement urbain maîtrisé et l’utilisation économe des espaces naturels.
Par ailleurs, il ne me paraît pas utile de surcharger encore le code de l’urbanisme. Quant au caractère normatif de la mesure, il n’est pas du tout établi.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. J’ai été convaincu par l’excellente argumentation de la sénatrice Cukierman et par les explications que vient de donner le sénateur Labbé en vue d’en revenir au texte initial. (Mme Cécile Cukierman et M. Victorin Lurel sourient.) Je remercie ces deux intervenants. Je ne doute pas que le Sénat, dans sa grande sagesse, confirmera cette opinion.
L’avis est donc favorable.
M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour explication de vote.
M. Marc-Philippe Daubresse. La commission des lois a proposé à une large majorité, au travers d’un amendement, de supprimer l’article 12 bis, et je remercie la commission des affaires économiques de nous avoir suivis, essentiellement sur l’argumentaire que vient de donner notre rapporteur Dominique Estrosi Sassone.
Aujourd’hui, lorsque vous faites un SCOT ou un PLU, vous luttez, évidemment, contre l’étalement urbain ! Il ne vous est d’ailleurs pas possible de faire autrement… Plusieurs lois ont été votées depuis quelques années, parmi lesquelles figure un grand texte, le Grenelle de l’environnement. Celui-ci impose un certain nombre de règles touchant, notamment, aux comptes fonciers et à l’artificialisation des sols, et en vertu desquelles les terrains sont comptabilisés. Aussi, comme l’a dit l’un de nos collègues, il y a très peu de terrains sur lesquels on peut construire, y compris en zone rurale.
Je rappelle également que la loi, en matière de construction, impose de faire de la rénovation urbaine avant de procéder à de l’extension urbaine. Cela figure dans la loi ALUR ; on est donc obligé de lutter contre l’étalement urbain, et personne ne le conteste !
Vous dites, monsieur Labbé, que nous sommes tous favorables à la densification urbaine. Nous sommes plusieurs à vous répondre : cela dépend où !
M. Philippe Dallier. Effectivement !
M. Marc-Philippe Daubresse. Il y a une diversification des territoires, avec une France à certains endroits très rurale et à d’autres très urbaine. Par exemple, mon agglomération, celle de Lille, est la plus rurale de notre pays ; personne ne le sait, mais, selon le SCOT, 50 000 hectares sur 100 000 y sont dédiés à l’agriculture.
Dans un même territoire, certaines zones sont rurales, d’autres rurbaines, d’autres encore urbaines. On peut, ici, construire des boulevards Haussmann, et là, non… Il faut laisser la diversité se faire et les élus choisir la juste répartition, celle qui permet d’utiliser parcimonieusement les terrains. Il faut préserver à tout prix l’espace agricole, nous en sommes d’accord, mais ne pas mettre tout le monde sous la même toise. Tel est l’esprit de l’amendement adopté par la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub et M. Jacques Le Nay applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. On a le droit de ne pas être d’accord avec nous. Mais lorsque nous disons qu’il faut réintroduire l’article 12 bis et réaffirmer la volonté de lutte contre l’étalement urbain, nous ne laissons pas entendre que notre pays est uniforme et qu’il faudrait faire pareil partout ! Je tenais à le préciser.
La France est effectivement diverse et riche de cette diversité, et les problématiques, y compris en matière de logement, ne sont pas les mêmes dans tous les territoires. Il y a des zones urbaines tendues ou détendues, des zones périurbaines tendues ou détendues, des zones rurales…
Ce ne sont pas les mêmes situations.
C’est pour cela que les SCOT sont soumis à des principes répondant à la volonté d’aménagement du territoire de notre pays ; mais, ensuite, ce sont bien les élus, en lien avec les services de l’État, au sein du SCOT, qui répartissent les décisions, voire les imposent. Je répète très sereinement ce que j’ai dit précédemment : parfois, c’est au sein d’un SCOT que la décision de densifier très fortement une ville-centre ou une ville « de centralité » est prise, ce qui exclut de fait la possibilité de construire dans les communes voisines plus ou moins éloignées.
Il y a donc les principes et la réalité de ce que décident les élus. Comme j’ai toujours défendu la liberté communale, je ne demanderai pas de changement à cet égard, donc ne faites pas dire cela à nos amendements, à la volonté qu’ils reflètent.
Je l’ai déjà indiqué en défense de mon amendement, on peut évidemment soutenir que la rédaction proposée est un peu bavarde, qu’elle réaffirme plus un principe qu’elle ne bouleverse en profondeur l’existant ; j’accepterais que vous nous renvoyiez cet argument et que vous affirmiez que l’amendement n’a pas lieu d’être. Mais ne dites pas que j’aurais, au travers de cet amendement, une vision complètement centralisée et déconnectée de la réalité. On a tous des exemples de SCOT et de PLU, avec du bon et du mauvais, des gestions politiques différentes, des changements de majorité ou de position. Que l’on se tranquillise donc sur cet amendement !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Comme Cécile Cukierman, je veux indiquer qu’il s’agit, avec cet amendement, d’une question de lucidité et de sagesse. C’est peut-être ennuyeux à entendre, mais je le répéterai inlassablement, et ce soir plus que jamais, tellement j’en suis convaincu, je tiens à vous le dire. Je finirai peut-être par devenir enquiquineur (Mais non ! et marques d’ironie sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.),…
M. le président. Mais non, mon cher collègue ; poursuivez.
M. Joël Labbé. … mais je le serai toujours tranquillement. On a évoqué le Grenelle de l’environnement ; il y a effectivement eu, à cette occasion, des travaux, de la véritable cogitation, mais on constate que 58 % de l’urbanisation se pratique encore par étalement.
M. Marc-Philippe Daubresse. Quand il n’y a pas eu de PLU…
M. Joël Labbé. Moi aussi, je suis absolument contre l’uniformisation. Je connais et j’apprécie les territoires ruraux, mais il n’empêche que la préservation des terres agricoles et naturelles, en territoire rural comme en territoire urbain, est absolument nécessaire. Il s’agit simplement de l’écrire dans le texte comme une intention, une volonté forte. Limiter l’étalement urbain et densifier l’urbanisation, voilà des principes qui devraient, aujourd’hui, être adoptés par nous tous !
J’en reviens au ministre de la transition écologique, qui se bat pour essayer de convaincre (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), mais qui prêche dans le désert. On est toujours dans cette situation : la maison brûle et on continue de regarder ailleurs.
Je tenais à le dire simplement. (Mme Michèle Vullien applaudit.) Advienne que pourra…
M. Marc-Philippe Daubresse. Qu’a fait le Grenelle ?
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Écoutez, je ne crois pas qu’il y ait, d’un côté de l’hémicycle, ceux qui ne veulent pas consommer de terres agricoles et, de l’autre, ceux qui veulent en consommer ; ce n’est pas le sujet. Nous avons tous cet objectif de non-consommation des terres agricoles, on l’a dit plusieurs fois depuis le début de ce débat. Je le répète, il n’y a pas d’un côté ceux qui le veulent et de l’autre ceux qui ne le veulent pas ; nous sommes tous tendus vers cet objectif.
Nous disons simplement qu’il ne sert à rien de le répéter tous les deux articles du texte et de rédiger des lois bavardes.
M. Michel Canevet. Bien sûr !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. On dispose aujourd’hui d’outils d’urbanisme – SCOT, PLU, PLUI et autres documents stratégiques d’urbanisme – dont c’est l’objectif permanent. Si cet objectif ne figure pas dans le PLU, les mairies voient retoquer leur document – tous ici nous l’avons vu –,…
M. Marc-Philippe Daubresse. Bien sûr !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. … parce que la direction départementale des territoires considère qu’il y a trop de consommation de terres agricoles,…
M. Jean-Marc Boyer. Exact !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. … et c’est bien ! Nous partageons tous cet objectif, monsieur Labbé.
Il faut donc arrêter de répéter toutes les deux minutes partout dans les textes qu’il ne faut pas consommer les terres agricoles. Mme le rapporteur l’a dit, c’est indiqué plusieurs fois dans ce texte.
Arrêtons de faire des lois bavardes, sans quoi, ensuite, on ne les comprend plus.
M. Michel Savin. Très bien !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Il faut rester concentré sur l’objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous venons de dépasser minuit ; je vous propose d’en prendre acte et de prolonger notre séance jusqu’à minuit et demi afin de poursuivre l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de la Provôté. Je veux appuyer ce qui vient d’être dit. Je suis complètement en phase avec ce qu’a dit notre collègue Joël Labbé, mais, très clairement, on ne peut pas en rajouter dans le projet de loi.
En outre, on parle de terres agricoles, mais la lutte contre l’étalement urbain concerne aussi les terres non agricoles, qui ont, notamment du point de vue de la biodiversité, un intérêt écologique essentiel.
La lutte contre l’étalement urbain constitue un objectif majeur, on le sait très bien, cela fait partie des éléments fondamentaux qui doivent guider nos SCOT et nos plans locaux d’urbanisme. Néanmoins, je ne pense pas vraiment utile de l’ajouter ici, parce que c’est vraiment entré, me semble-t-il, dans les mœurs. Un grand nombre de territoires sont en cours de révision de leur SCOT, et l’on peut constater, au vu du bilan des précédents, que l’évolution a été réelle dans ce domaine. On est dans une phase de progrès et de prise de conscience de la nécessité de préserver les terres.
Quant à la densification, je veux ajouter un bémol. Quand on cherche la qualité urbaine, la densification ne constitue pas forcément l’alpha et l’oméga de la grande qualité de vie à l’intérieur de nos villes. Il faut faire attention quand on utilise ce terme, parce que cela remplace parfois la qualité architecturale et peut être un prétexte pour bâtir haut, plutôt laid, plutôt uniforme et plutôt monomorphe. La densification a été trop imposée comme la règle de l’urbanisme dans toutes nos villes. (Mme Dominique Vérien et plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je l’ai déjà dit précédemment, si on ne laissait dans le code de l’urbanisme que ce qui est prescriptif, il en resterait à peine un tiers… Ce code donne, pour partie, une vision culturelle de notre développement.
En outre, supprimer un article qui, dans le texte issu de l’Assemblée nationale, affirmait, avec l’accord du Gouvernement, qu’il fallait favoriser la lutte contre l’étalement urbain et encourager la densification urbaine n’a pas le même sens que de créer un nouvel article, ici, au Sénat. Cela prend un sens politique de le supprimer, quoi que vous disiez.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Les députés ne se gênent pas pour supprimer nos articles !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Par ailleurs, sur l’étalement urbain, certes, on a des textes, mais, pour l’instant, on ne peut pas dire que l’efficacité de nos pratiques soit à la hauteur de l’urgence qu’il y a à régler ce problème.
Par ailleurs, concernant les centres-bourgs, s’il n’y a pas une pression qui évite l’étalement urbain,…
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Il y en a une !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … ce sera toujours plus facile de faire des lotissements en périphérie – je le dis parce que je suis favorable à l’accession à la propriété –, plutôt que de se contraindre à inventer des réponses en modifiant nos centres-bourgs ou nos centres-villes.
Cet étalement urbain conditionne aussi la crédibilité de la démarche de reconquête des zones qui sont aujourd’hui faiblement urbanisées et qui ont besoin d’être en reconversion.
Le terme de densité fait peur, c’est vrai, parce que « densité » fait penser à « concentration ». Je donne souvent cet exemple, les grands ensembles créés dans les années soixante ont une densité nettement inférieure à celle de la place des Vosges à Paris. Or chacun a bien conscience que l’urbanisme de la place des Vosges ne traumatise pas considérablement les gens qui y vivent. (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Mais c’est la place des Vosges…
M. Michel Canevet. En banlieue, ce n’est pas pareil !
Un sénateur du groupe socialiste et républicain. C’est là que vit Jack Lang !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. À lui tout seul, il fait la densité… (Sourires.)
Ces exigences cumulées de densité urbaine et de lutte contre l’étalement urbain imposent que l’on repense notre urbanisme et notre architecture. Il existe des modèles ; les Anglais ont par exemple une tendance à faire de la construction beaucoup plus dense que les Français, avec pourtant un habitat individuel très développé.
M. Charles Revet. C’est vrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est donc une question de culture urbaine ou rurale, qu’il est fondamental d’engager. Il ne s’agit pas de prescription absolue mais d’une évolution culturelle indispensable.
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est une idéologie !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. S’il y a cet étalement urbain, c’est que le coût du foncier est beaucoup plus faible en périphérie urbaine et qu’on y mène de grands projets. Rémy Pointereau et moi avons travaillé sur les questions des grandes surfaces ; on sait très bien que les projets en préparation mangent de l’espace agricole.
Cela pose aussi la question de la faible rémunération des terres agricoles et celle de la fin des carrières, qui mène à des ventes de terrains agricoles. Il ne faut pas ignorer ces questions.
Il y a aussi des pressions exercées sur les élus pour rendre constructibles des terrains qui ont d’autres facultés que la seule constructibilité.
Comment faire ? L’amendement tend à y répondre, mais il y a une première solution : rendre plus chères les terres agricoles.
M. Marc-Philippe Daubresse. Staline est de retour !
M. Martial Bourquin. Si l’on n’agit pas sur ces questions, on aura du mal à les régler, on en restera aux bonnes intentions.
Deuxième chose, il faut alléger la fiscalité sur les terres non construites – le foncier non bâti –, qui est parfois trop élevée ; ce foncier semble parfois ne servir à rien alors qu’il a ses fonctions.
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est la planification dirigiste stalinienne !
M. Martial Bourquin. Dernière chose, Marie-Noëlle Lienemann vient de le dire, nous devons avoir une réflexion sur la question de la densité dans les villes et dans les villages. L’extension systématique des villes, avec le pavillon, ne doit plus être la recette miracle ; on doit aussi proposer d’autres formes urbaines et d’autres formes rurales.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Mon propos va illustrer les nuances qui peuvent exister sur une question au sein d’un groupe. Malgré tout le pouvoir de conviction de Joël Labbé, je ne partage pas son analyse.
Si je suis pour une densification raisonnable, la densification à tout prix, qui mène à la concentration urbaine, a montré, je crois, ses méfaits, depuis un certain nombre d’années, sur un plan écologique et, surtout, social.
La densification et l’artificialisation des sols, ce sont des mots ; ce qui compte, sur une zone donnée, c’est le taux d’artificialisation. Une très grande zone artificialisée à 100 % est extrêmement dangereuse, car les eaux pluviales, les eaux de ruissellement, deviennent ingérables parce qu’il n’y a plus de capacité d’absorption naturelle.
Donc, oui à une certaine forme de densification, mais il ne faut pas condamner les habitats plus diffus, dans les petits villages, ou les autres types d’habitat, parce que tout n’est pas artificialisé et l’absorption naturelle peut s’y faire beaucoup plus facilement.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Jean-Marc Gabouty. Quant à l’utilisation des sols, la perte de terres agricoles concerne beaucoup, aujourd’hui, des jachères et de la forêt non exploitée, naturelle – quand on laisse un terrain vague à l’abandon, les bouleaux et divers arbustes poussent dessus. Là est la perte de terres agricoles.
Cela renvoie à une autre question : la terre agricole est-elle faite pour fabriquer du carburant ou est-elle destinée à l’alimentation ? C’est une question à laquelle il faut répondre. Je ne suis pas pour que les terres agricoles fabriquent du carburant. C’est une autre approche de la société que l’on peut avoir.
Je ne suivrai donc pas Joël Labbé dans son raisonnement ; je me range à l’avis de la commission.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je comprends bien qu’il faille lutter contre l’artificialisation des sols, mais la loi telle qu’elle existe actuellement suffit.
Peut-être qu’il y a eu une artificialisation des sols dans certains grands centres autour des métropoles, mais, je le répète, quand on fait un PLU dans une commune rurale pour avoir des lotissements, c’est très difficile. En effet, peut-être est-ce une conséquence – sans doute, il ne faut pas tout uniformiser, mais ce n’est pas le cas actuellement –, mais on dispose aujourd’hui de très peu de terrain.
Dans ma commune, par exemple, il y a un tout petit peu de terrain autour du bourg, que l’on a pu convertir en lotissements, mais sur une cinquantaine de hameaux, il y en a trois dans lesquels on a pu récupérer un peu de terre.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je veux soutenir l’avis de notre rapporteur, pour deux raisons.
Aujourd’hui, on dispose de l’arsenal permettant d’intervenir sur la diversité de nos territoires. On l’a évoqué précédemment à propos des établissements publics fonciers, les EPF, et on a parlé des SCOT : on a la capacité de préserver la terre agricole et d’orienter, en milieu tant urbain que rural, vers ce que l’on appelle les dents creuses.
Certes, il y a un autre sujet, que l’on n’évoque que très rarement et sur lequel on pourrait peut-être s’améliorer : il faut donner des pouvoirs plus importants aux maires, notamment en milieu rural, pour qu’ils aient la capacité de reconquérir les bâtisses agricoles ou autres bâtisses en ruine. Non seulement cela retire du cachet à nos territoires, mais encore cela pourrait donner des capacités de construction nouvelle. Il y a peut-être une piste en milieu rural, comme on sait le faire en milieu urbain, avec les établissements publics fonciers. Sur la partie agricole, on est orphelin de moyens incitatifs pour que les maires puissent intervenir.
Cela dit, globalement, je le répète, on a aujourd’hui tout l’arsenal pour proposer une offre supplémentaire et préserver la terre agricole. C’est ce mariage qu’il nous faut réussir.
Peut-être faut-il avoir un travail plus fin entre le rôle des EPF et celui des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER ; on pourrait leur attribuer des missions nouvelles, notamment en milieu rural. Cela pourrait compléter l’action, tant en ville que dans les territoires ruraux.
Je soutiens notre rapporteur et l’avis de la commission des affaires économiques ; il ne faut pas réinventer la poudre, on a suffisamment d’outils ; encore faut-il qu’on se les approprie. C’est tout le sens de notre débat. (M. Jean-Marc Boyer applaudit.)
M. le président. J’ai proposé de prolonger la séance jusqu’à minuit et demi, mais, finalement, on utilisera toute la demi-heure pour débattre des mêmes amendements…
La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je suis complètement sidéré quand je vois le nombre de terres agricoles libérées sur l’ensemble du territoire et dans beaucoup de grandes villes pour installer quantité de supermarchés et de grandes surfaces.
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas le sujet !
M. Alain Fouché. C’est énorme. Nous sommes l’un des pays d’Europe où il y en a le plus ; c’est à qui en fera le plus. On détruit le commerce, la ruralité, et c’est scandaleux, je le dis.
C’est une appréciation personnelle. On devrait mieux gérer cela.
M. Martial Bourquin. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 145 et 1003 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 12 bis demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 12 bis
M. le président. L’amendement n° 648 rectifié ter, présenté par M. Sueur, Mme S. Robert, MM. Iacovelli et Daunis, Mme Guillemot, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey, Lienemann et Jasmin, MM. P. Joly, Jomier et Kerrouche, Mme Lubin, M. Lurel, Mme Monier, M. Roger, Mme Taillé-Polian, M. Temal, Mme Tocqueville, MM. Tourenne et Vaugrenard, Mme Blondin, M. Fichet, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 151-2, il est inséré un article L. 151-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 151-2-1. – Le plan local d’urbanisme comporte une définition du périmètre des entrées de villes et un plan d’aménagement de celles-ci qui doit être approuvé dans les conditions fixées aux articles L. 153-19, L. 153-21 et L. 153-22. » ;
2° Le paragraphe 1 de la sous-section 2 de la section 4 du chapitre Ier du titre V du livre Ier est complété par un article L. 151-25-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 151-25-1. – Dans les entrées de villes, le plan d’aménagement :
« 1° Précise l’affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées, en réservant au moins un tiers des surfaces constructibles à des bâtiments à vocation culturelle, universitaire, sportive ou associative ;
« 2° Définit la proportion des emplacements réservés aux espaces verts, qui ne peut être inférieure à 20 % de la zone ;
« 3° Définit la surface des emplacements réservés au stationnement, qui ne peut être supérieure à 60 % des surfaces commerciales incluses dans le périmètre des entrées de villes ;
« 4° Détermine les conditions dans lesquelles la reconstruction ou l’aménagement des bâtiments commerciaux existants et des aires de stationnement peuvent n’être autorisés que sous réserve d’un changement de destination, visant à atteindre les objectifs fixés aux 1°, 2° et 3°, et fixe la destination principale des zones ou parties de zones à restaurer ou à réhabiliter ;
« 5° Détermine les règles concernant l’aspect extérieur des constructions, leurs dimensions et l’aménagement de leurs abords, afin de contribuer à la qualité architecturale et à l’insertion harmonieuse des constructions dans le milieu environnant, et soumet les constructions nouvelles ou les reconstructions à un concours d’architecture dont l’organisation est confiée à un jury dont la composition est fixée par décret ;
« 6° Précise les caractéristiques des voies incluses dans le périmètre des entrées de villes, dénommées voies urbaines, en matière de configuration, d’insertion urbaine, de partage de la voirie entre les différents usagers, de franchissement par les piétons, de végétalisation et d’éclairage. » ;
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement concerne les entrées de ville.
C’est une question dont on a débattu plusieurs fois ici, qui revient depuis des années et qui représente un vrai sujet d’aménagement et d’urbanisme.
Notre collègue Jean-Pierre Sueur aurait eu à cœur de présenter cet amendement parce qu’il a travaillé à une proposition de loi faisant suite à son rapport sur la fabrique de la ville. Nous avons souhaité déposer cet amendement parce que ces espaces concentrent de grandes questions d’aménagement et représentent des enjeux très importants en matière urbanistique ; les fonctions urbaines et les usages évoluant, il faut s’adapter.
Le présent amendement tend à modifier le code de l’urbanisme pour que les documents d’urbanisme garantissent la qualité urbanistique, urbaine, architecturale et paysagère de nos entrées de ville.
Je ne ferai pas l’exégèse du débat que l’on a déjà eu, mais c’est une question qui revient, et j’espère qu’on la traitera un jour. Beaucoup d’initiatives ont été prises pour faire évoluer ces entrées de ville, des expérimentations très intéressantes sont menées par les maires, mais tout cela est encore un grand chantier.
J’espère que cet amendement recevra votre agrément et que l’on pourra continuer d’en discuter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je ne pense pas qu’il soit judicieux d’alourdir encore les plans locaux d’urbanisme par de nouvelles obligations, quand bien même celles-ci concerneraient des entrées de ville. Cela créerait des sous-zones dans les PLU et, que je sache, les entrées de ville s’inscrivent bien dans le cadre des PLU.
Aussi, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Votre amendement vise à créer un plan d’aménagement spécifique aux entrées de ville intégré dans le plan local d’urbanisme.
Dans le droit actuel, le plan local d’urbanisme dispose déjà des outils nécessaires pour assurer la qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de ville. En outre, depuis le 1er janvier 2016, l’article R. 151–6 du code de l’urbanisme précise très clairement que les orientations d’aménagement et de programmation peuvent définir les principes d’aménagement des quartiers ou secteurs qui présentent des enjeux particuliers, « notamment en entrée de ville ».
Je ferai deux observations complémentaires. En premier lieu, ce plan d’aménagement spécifique aux entrées de ville constituerait un alourdissement du plan local d’urbanisme, et, eu égard à l’augmentation constante du volume de ces plans et de ces documents, il me semble que notre objectif n’est pas de renforcer cette évolution, sans apporter de réelle plus-value par rapport à un zonage réglementaire ou à la définition d’orientations d’aménagement et de programmation.
En second lieu, votre proposition comporte une série de dispositions obligatoires – pourcentages d’espaces verts, d’équipements publics, de surface commerciale – qui ôteraient toute marge de manœuvre aux collectivités. Je veux bien que l’on défende, à juste titre, l’indépendance de choix des communes et des maires, mais si, dans chaque document, on leur impose un pourcentage de telle ou telle réalisation d’équipements, je ne pense pas que cela aille dans ce sens-là.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 648 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 59 rectifié bis est présenté par MM. Pellevat, Bizet, Lefèvre, Rapin et Vial, Mme Garriaud-Maylam, MM. de Nicolaÿ, Brisson, B. Fournier, Panunzi et Paccaud, Mme Lamure et MM. Gremillet et Babary.
L’amendement n° 97 rectifié quater est présenté par MM. Savin et Henno, Mme Morhet-Richaud, M. Guerriau, Mme Vullien, MM. Morisset, Piednoir, Chaize, Bascher, Milon, Kern, Longeot et Longuet, Mmes Billon et Lopez, M. L. Hervé, Mme Berthet, M. Mandelli et Mmes Bories et Bonfanti-Dossat.
L’amendement n° 99 rectifié bis est présenté par Mmes Espagnac et Laborde.
L’amendement n° 481 rectifié est présenté par M. Duran.
L’amendement n° 521 rectifié est présenté par M. Gontard, Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 151-15 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les zones de montagne au sens de l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, les objectifs de mixité sociale comprennent la fixation d’un niveau d’équilibre entre logements de résidents permanents et de résidents secondaires. »
La parole est à M. Max Brisson, pour présenter l’amendement n° 59 rectifié bis.
M. Max Brisson. Cet amendement vise à permettre aux collectivités de montagne dotées d’un PLU de limiter la progression des résidences secondaires.
Pour favoriser la construction de logements en zone tendue, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR, a supprimé les notions de coefficient d’occupation des sols et de surface minimale. En montagne, ces suppressions ont parfois eu pour effet de susciter une augmentation du nombre de demandes de permis de construire de la part de résidents secondaires.
Afin d’éviter la multiplication des résidences secondaires inoccupées une très grande partie de l’année, ce qui se traduit souvent pour les communes concernées par des surcoûts dans leurs équipements et infrastructures, et par un frein plus ou moins important dans leur développement économique, le présent amendement tend à préciser, dans le contenu du règlement du PLU, la notion de mixité sociale, en indiquant qu’en montagne elle recouvre également la question des populations saisonnières engendrées par les résidences secondaires.
Cette considération pourrait désormais être invoquée dans le refus d’autorisation d’urbanisme lorsque le ratio des permanents par rapport aux saisonniers présente un déséquilibre marqué ou un risque de déséquilibre défavorable aux premiers.
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour présenter l’amendement n° 97 rectifié quater.
M. Michel Savin. Je rappelle trois points.
D’abord, dans certaines communes, 40 % à 50 % des logements sont touristiques, mais sont considérés comme des « lits froids ».
Ensuite, nous constatons dans ces communes un parc très vieillissant qu’il faudrait requalifier, parce que cela se transforme en friches touristiques.
Enfin, il y a un enjeu environnemental. Le foncier disponible en montagne est rare et coûteux à aménager. Il faudrait plutôt inciter à réhabiliter et à réemployer les résidences secondaires que de laisser construire de nouveaux logements touristiques.
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Alain Duran, pour présenter l’amendement n° 481 rectifié.
M. Alain Duran. Vous l’aurez compris, cet amendement est porté par les élus de la montagne, qui sont confrontés, quel que soit le massif, à ce problème de la multiplication des résidences secondaires, très bien présenté par mes collègues. Je n’y insiste pas.
Au-delà des seuls élus de la montagne, je compte sur la solidarité de tous mes collègues pour soutenir cet amendement.
M. Martial Bourquin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 521 rectifié.
M. Guillaume Gontard. C’est le même amendement, qui a été défendu. Il a été proposé par l’Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM. L’importance de ce sujet a été rappelée par mes collègues, sur les friches touristiques et les « lits froids ». Il convient de rééquilibrer les choses.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les quatre amendements identiques restant en discussion ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. J’entends bien votre préoccupation, tout à fait légitime, sur les zones à attractivité touristique forte mais saisonnière. Néanmoins, il ne paraît pas souhaitable de rattacher une telle mesure à l’objectif de mixité sociale.
En outre, le critère retenu n’est pas opérationnel : l’usage d’un même bâtiment d’habitation peut changer au fil du temps et passer de résidence secondaire à résidence principale ou l’inverse. Le PLU ne peut pas figer de ratio, alors que les élus locaux n’ont pas de prise sur l’usage des bâtiments.
Aussi, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Nous conclurons sur un avis défavorable, monsieur le président. (Marques de désapprobation sur plusieurs travées.)
Voici quelques explications sur ces amendements ANEM. Malgré tout l’intérêt que nous pouvons avoir pour la montagne, haute ou moyenne, il n’en reste pas moins que la distinction que vous proposez est impossible à réglementer, en fait, au travers du PLU, un même logement pouvant être utilisé comme résidence principale pendant une année puis comme résidence secondaire l’année suivante.
En réglementer le changement d’utilisation imposerait inévitablement au propriétaire de déclarer ces changements et à la puissance publique de les contrôler. C’est déjà suffisamment difficile de contrôler ce qui existe, sans en rajouter. D’ailleurs, ce serait manifestement totalement impossible.
Mme Cécile Cukierman. « Impossible » n’est pas français !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 59 rectifié bis, 97 rectifié quater, 481 rectifié et 521 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 123 amendements au cours de la journée ; il en reste 903.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 18 juillet 2018, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (n° 567, 2017–2018) ;
Rapport de Mme Dominique Estrosi Sassone, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 630, 2017–2018) ;
Avis de M. Marc-Philippe Daubresse, fait au nom de la commission des lois (n° 604, 2017–2018) ;
Avis de M. Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 606, 2017–2018) ;
Avis de M. Patrick Chaize, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 608, 2017–2018) ;
Texte de la commission (n° 631, 2017–2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 18 juillet 2018, à zéro heure trente.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD