Sommaire
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison.
2. Mise au point au sujet d’un vote
3. Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 12 bis (suite)
Amendement n° 376 rectifié bis de Mme Nadia Sollogoub. – Rejet.
Amendement n° 617 rectifié bis de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 549 de M. Alain Duran. – Rejet.
Amendement n° 916 rectifié de M. Joël Labbé. – Rejet par scrutin public n° 221.
Amendement n° 1092 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 282 de M. Jean-Marie Morisset. – Retrait.
Amendement n° 283 de M. Jean-Marie Morisset. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 12 ter
Amendement n° 1093 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1094 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 275 rectifié bis de M. Daniel Chasseing. – Devenu sans objet.
Article additionnel après l’article 12 quater
Amendement n° 276 rectifié bis de M. Daniel Chasseing. – Rejet.
Article 12 quinquies A (nouveau)
Amendement n° 552 de M. Alain Duran. – Rejet.
Amendement n° 1095 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 296 rectifié bis de Mme Patricia Morhet-Richaud. – Retrait.
Amendement n° 691 rectifié bis de Mme Patricia Morhet-Richaud. – Adoption.
Amendement n° 553 de M. Marc Daunis. – Retrait.
Amendement n° 270 de M. Henri Cabanel. – Retrait.
Amendement n° 456 rectifié de M. Jean-François Husson. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 12 quinquies
Amendement n° 268 rectifié ter de M. Jean-Pierre Vial. – Retrait.
Amendement n° 785 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 638 de Mme Nelly Tocqueville. – Rejet.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 527 rectifié bis de M. Jean Bizet. – Rejet.
Amendement n° 1096 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 12 sexies
Amendement n° 990 rectifié ter de M. Joël Labbé. – Devenu sans objet.
Amendement n° 374 rectifié ter de M. Alain Fouché. – Rejet.
Amendement n° 373 rectifié ter de M. Alain Fouché. – Rejet.
Amendement n° 397 rectifié de M. Jean-Pierre Decool. – Rejet.
Amendement n° 811 rectifié bis de M. Daniel Laurent. – Rejet.
Amendement n° 399 rectifié de M. Jean-Louis Lagourgue. – Rejet.
Amendement n° 845 rectifié de M. Jérôme Bignon. – Rejet.
Amendement n° 422 rectifié bis de M. Michel Vaspart. – Rejet.
Amendement n° 989 rectifié de M. Joël Labbé. – Retrait.
Article 12 septies A (nouveau)
Amendement n° 784 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Amendement n° 1112 de la commission. – Devenu sans objet.
Article additionnel après l’article 12 septies A
Amendement n° 251 rectifié ter de M. Jean-Jacques Panunzi. – Retrait.
Amendement n° 362 rectifié bis de M. Dominique Théophile. – Rejet.
Amendement n° 1097 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 250 rectifié quater de M. Jean-Jacques Panunzi. – Rejet.
Amendement n° 776 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
5. Mise au point au sujet d’un vote
6. Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 12 nonies
Amendement n° 308 rectifié de M. Jacques Genest. – Retrait.
Amendement n° 310 de M. Jacques Genest. – Retrait.
Amendement n° 309 de M. Jacques Genest. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 13
Amendement n° 971 rectifié bis de M. Daniel Dubois. – Rejet.
Amendement n° 305 rectifié de M. Jacques Genest. – Retrait.
Amendement n° 637 rectifié de M. Jean-Louis Tourenne. – Devenu sans objet.
Amendement n° 803 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 103 rectifié bis de Mme Christine Lavarde. – Retrait.
Amendement n° 104 rectifié bis de Mme Christine Lavarde. – Retrait.
Amendement n° 1109 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 879 rectifié bis de M. Hervé Marseille. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1105 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 14 ter, 14 quater et 15 quinquies (nouveau) – Adoption.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Amendement n° 597 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 65 rectifié bis de M. Alain Houpert. – Rejet.
Amendement n° 782 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1036 rectifié de M. Didier Guillaume. – Retrait.
Amendement n° 601 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 1010 rectifié de M. Joël Labbé. – Rejet.
Amendement n° 411 de M. Jérôme Bascher. – Non soutenu.
Amendement n° 1038 rectifié de M. Didier Guillaume. – Rejet.
Amendement n° 473 rectifié de Mme Françoise Férat. – Rejet.
Amendement n° 599 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 600 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 15
Amendement n° 371 rectifié bis de M. Alain Fouché. – Rejet.
Amendement n° 340 de M. Jean-Marie Morisset. – Retrait.
Amendement n° 361 rectifié bis de M. Dominique Théophile. – Rejet.
Amendement n° 696 rectifié bis de M. Maurice Antiste. – Rejet.
Amendement n° 697 rectifié bis de M. Maurice Antiste. – Rejet.
Amendement n° 1098 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 554 de M. Marc Daunis. – Retrait.
Amendement n° 388 rectifié de M. Jacques Genest. – Rejet.
Amendement n° 745 rectifié de M. Serge Babary. – Retrait.
Amendement n° 1099 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 365 rectifié de M. Charles Revet. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1100 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Articles 16 bis A et 16 bis – Adoption.
Amendement n° 614 de M. Victorin Lurel. – Retrait.
Amendement n° 356 rectifié bis de M. Dominique Théophile. – Retrait.
Amendement n° 910 rectifié de Mme Valérie Létard. – Adoption.
Amendement n° 1101 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 37 rectifié bis de M. Olivier Paccaud. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 17
Amendement n° 1016 rectifié de M. Raymond Vall. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 220, M. Gérard Cornu a été porté comme n’ayant pas participé au vote, alors qu’il souhaitait voter contre.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (projet n° 567, texte de la commission n° 631, rapport n° 630, tomes I et II, avis nos 604, 606 et 608).
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre IV du titre Ier, l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 12 bis.
TITRE Ier (suite)
CONSTRUIRE PLUS, MIEUX ET MOINS CHER
Chapitre IV (suite)
Simplifier et améliorer les procédures d’urbanisme
Articles additionnels après l’article 12 bis (suite)
M. le président. L’amendement n° 376 rectifié bis, présenté par Mme Sollogoub, M. Janssens, Mme Vullien, MM. Moga et Canevet, Mmes Guidez et Gatel, M. Maurey, Mme Létard et M. Delcros, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 422-6 du code de l’urbanisme, après les mots : « demandes de permis », sont insérés les mots : « de certificats d’urbanisme opérationnels ».
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Cet amendement très simple tend à corriger ce qui apparaît comme une simple omission.
L’article L. 422-6 du code de l’urbanisme a prévu qu’en cas d’annulation par voie juridictionnelle ou d’abrogation d’un document d’urbanisme, et dans le cas où aucun autre document d’urbanisme ne s’appliquerait de façon automatique à la place, le responsable de la collectivité délivrant l’autorisation est tenu de solliciter l’avis du préfet. Mais cet article ne prévoit cette procédure que pour les permis de construire et les déclarations de travaux, sans qu’il soit fait mention du certificat d’urbanisme opérationnel.
Il me semble que c’est là un point de fragilité. En effet, le maire pourrait délivrer un certificat d’urbanisme opérationnel positif, tandis que le préfet, au moment du dépôt du permis de construire pour lequel son avis est sollicité, pourrait ne pas avoir le même avis.
Il semblerait plus prudent de traiter de façon homogène tous les documents d’urbanisme et selon un circuit identique. Je voulais attirer votre attention sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Il est exact que les certificats d’urbanisme, en tant que tels, n’avaient pas traditionnellement valeur d’autorisation d’urbanisme. Mais l’apparition du certificat d’urbanisme opérationnel les a rapprochés effectivement d’un permis ou d’une décision de non- opposition.
Sur cet amendement, je sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la rapporteur, cela commence bien… (Sourires.)
L’avis du Gouvernement est défavorable, non pas pour être désagréable à l’endroit des auteurs de l’amendement, mais pour les raisons que je vais maintenant vous expliquer.
Cet amendement a pour objet de soumettre à l’avis conforme du préfet les demandes de certificat d’urbanisme opérationnel. Or, en l’état actuel du droit, lorsqu’un un PLU, c’est-à-dire un plan local d’urbanisme - ou une carte communale -, est annulé, abrogé ou déclaré illégal, le règlement national d’urbanisme s’applique à nouveau sur le territoire communal s’il n’existe pas de document d’urbanisme antérieur. Les demandes d’autorisation d’urbanisme sont alors soumises à l’avis conforme du préfet.
Le certificat d’urbanisme, lui, n’y est pas soumis ; il doit simplement indiquer que cet avis devra être recueilli au stade de la demande de permis.
Si l’avis conforme du préfet était étendu au certificat d’urbanisme, cela alourdirait significativement l’instruction des demandes de certificat, d’autant plus qu’à ce stade il n’est porté qu’une appréciation très relative sur la faisabilité du projet – la localisation approximative, par exemple. Même si le préfet intervient à ce moment, rien ne garantit la délivrance ultérieure de l’autorisation.
Les services préfectoraux doivent se concentrer de manière privilégiée sur ce qui présente de véritables enjeux pour l’État. Systématiser l’avis conforme du préfet, c’est-à-dire son accord sur l’ensemble des certificats, dont la vocation est surtout informative, ne paraît pas justifié.
M. Laurent Duplomb. Tout à fait !
M. Jacques Mézard, ministre. Ne rajoutons pas constamment des avis conformes. Multiplier les avis conformes, c’est malheureusement rallonger les délais !
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le ministre, j’entends bien, et loin de moi l’idée d’ajouter à la charge qui pèse sur les épaules des préfets, sollicités très régulièrement. Il s’agit malgré tout ici de cas extrêmement marginaux.
Les cas où les communes se voient privées de leurs documents d’urbanisme sont très rares, et il est tout aussi rare de solliciter un préfet pour la délivrance d’un permis de construire. Simplement, pour les porteurs de projets, le certificat d’urbanisme opérationnel est déterminant dans la mesure où c’est ce document qui tranche du caractère réalisable ou non d’une opération, et c’est donc sur cette base qu’ils peuvent éventuellement s’engager. Le fait qu’il puisse y avoir une pluralité d’interprétations, en amont et au moment de la décision finale, est une source de fragilité, et cela peut impacter les porteurs de projets dans les territoires.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je suis l’avis du Gouvernement : défavorable !
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. On peut comprendre la préoccupation de notre collègue. Simplement, il faut veiller à être cohérent. Il est compliqué à la fois de demander une simplification dans le portage des projets et de protester, parfois, contre une dérive que l’on peut observer chez certains préfets dont on peut se demander s’ils n’ont pas tendance à devenir des quasi-gouverneurs sur les territoires !
Il faut donc redonner un peu d’initiative à l’échelon local et se garder de s’en remettre peut-être trop spontanément à l’autorité du préfet.
Sur le fond, maintenant, il me semble que l’amendement de notre collègue est satisfait par la prise en compte par la commission des affaires économiques d’une disposition adoptée lors de l’examen par le Sénat de la proposition de loi portant accélération des procédures et stabilisation du droit de l’urbanisme, de la construction et de l’aménagement, que mon collègue François Calvet et moi-même avions commise.
Ce texte prévoit en effet que, en amont des projets, un dialogue est noué entre le porteur de projet, l’État – sous l’autorité du préfet – et la collectivité. Cela permet effectivement de garantir une certaine sécurité, dans un cadre qui est déterminé entre ces trois parties. Le but est que le discours tenu par l’État en amont de la démarche soit cohérent et univoque, afin d’éviter tout désagrément ultérieur.
C’est cette solution qui nous était apparue souhaitable.
Je rappelle que le Sénat avait voté cette proposition de loi à l’unanimité. Le principe de cette commission de conciliation, avec le référent unique, qu’a donc intégré la commission des affaires économiques dans ce texte, apparaît beaucoup plus opérationnel, souple et efficace.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 376 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 617 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, MM. Sueur, Daunis et Iacovelli, Mme Guillemot, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey, Lienemann et Jasmin, MM. P. Joly, Jomier et Kerrouche, Mme Lubin, MM. Lurel et Roger, Mme Taillé-Polian, M. Temal, Mme Tocqueville, MM. Tourenne et Vaugrenard, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement évaluant les perspectives d’amélioration du cadre de vie, du paysage architectural et urbain des entrées de ville.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Hier, nous avons déjà eu un débat sur la question des entrées de ville. L’amendement que nous avions déposé n’a pas été voté, les ministres nous ayant dit, ce dont nous prenons acte, que tous les outils existent aujourd’hui pour permettre que ces espaces évoluent dans le bon sens.
Dans mon intervention d’hier, j’expliquais également qu’un certain nombre d’initiatives avaient déjà été prises afin de faire évoluer et d’améliorer ces espaces qui, on le sait, constituent pour nos villes de grands enjeux non seulement d’aménagement mais aussi d’évolutions sociétales. En effet, la question des fonctions urbaines et des usages évolue et les entrées de ville constituent des éléments importants de ces évolutions.
Je ne suis pas fan des rapports, dont on ne sait que trop, dans cet hémicycle, les destinées qui peuvent leur être réservées. Mais l’objet de cet amendement est aussi de rappeler que la question des entrées de ville est un vrai sujet, que les quelques évolutions que nous observons aujourd’hui sont réelles, mais lentes, qu’elles ne sont pas encore un fait acquis dans nos territoires. C’est pourquoi je trouve intéressant que, un an après la promulgation de cette loi, un rapport nous permette d’identifier ces évolutions, d’envisager des améliorations et, surtout, de vérifier que les élus sont bien accompagnés pour transformer ces espaces.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Notre collègue a elle-même apporté la réponse que je lui ferai ! Effectivement, le Sénat n’est pas fan de rapports et la commission des affaires économiques a choisi, sur ce texte, de ne pas retenir les amendements demandant la remise de rapports.
En outre, même si ce sujet est ô combien intéressant et important, l’aspect normatif d’un rapport serait particulièrement faible.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je n’ai jamais été très favorable aux rapports et à leur multiplication. Je ne changerai pas d’avis, même si j’ai changé de fonctions.
J’ajoute, madame Robert, que le contrôle est bien dans les missions du Parlement : pour juger justement de ces évolutions et des possibilités d’amélioration du cadre de vie, du paysage architectural, des entrées de ville, le Parlement a tous les moyens d’œuvrer utilement. Nous ferons le meilleur usage de son travail.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 617 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 12 ter
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° (nouveau) Au 1° de l’article L. 111-4, après les mots : « constructions existantes », sont insérés les mots : «, l’édification d’annexes à proximité d’un bâtiment existant » ;
2° (nouveau) L’article L. 151-12 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces annexes sont situées à proximité d’un bâtiment existant. » ;
b) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
3° L’article L. 161-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 161-4. – La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l’exception :
« 1° De l’adaptation, du changement de destination, de la réfection, de l’extension des constructions existantes, de l’édification d’annexes à proximité d’un bâtiment existant ;
« 2° Des constructions et installations nécessaires :
« a) À des équipements collectifs dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ;
« b) À l’exploitation agricole ou forestière, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, ou aux activités situées sur l’exploitation ou dans les locaux de celle-ci et destinées à une activité d’accueil touristique complémentaire de l’activité agricole, comprenant mais non limitée à l’hébergement touristique et à la restauration ;
« c) À la mise en valeur des ressources naturelles ;
« d) (nouveau) Au stockage et à l’entretien du matériel des coopératives d’utilisation de matériel agricole.
« Les dispositions mentionnées aux 1° à 3° du présent article ne sont applicables que lorsqu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à l’exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles.
« Les constructions et installations mentionnées au 2° du présent article, utilisées en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles ou de l’accueil touristique, sont soumises à l’avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. »
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons, avec cet article et les suivants, la problématique de l’urbanisme en milieu rural.
Sans reprendre les débats que nous avons eus ici hier après-midi et hier soir, je veux simplement rappeler que, pour notre groupe, l’objectif n’est pas d’interdire la construction en zone rurale ; en revanche, nous ne voulons pas permettre une dérégulation et une déréglementation totales qui fragiliseraient la construction pour les décennies à venir dans nos territoires ruraux.
Nous pensons, et nous l’avons toujours dit ici, que c’est non pas de déréglementation, mais bien de moyens humains et financiers pour maintenir un niveau acceptable de services publics dont ont besoin les territoires ruraux dans notre pays.
Les problématiques de logement ne peuvent s’appréhender séparément des enjeux de mobilité, de déplacement, de développement économique, de présence des services publics. Nous le constatons avec la question des écoles dans les zones rurales, dont un certain nombre voient les classes fermer et la présence scolaire se réduire, tout comme se réduit la présence postale.
De même, hier encore, nous avons débattu de la protection des espaces naturels agricoles.
Monsieur le ministre, je me souviens que vous aviez fait discuter ici même une proposition de résolution pour la solidarité entre les territoires, voulant rompre justement avec cette mise en concurrence des territoires et des hommes et tordre le cou finalement à l’hypermétropolisation qui s’installe dans notre pays, année après année.
C’est bien de cela qu’ont besoin nos territoires, des territoires parfois enclavés. Ils ont besoin d’un effort de la puissance publique pour garantir l’égalité républicaine à toutes et à tous, quelles que soient leurs conditions sociales, mais aussi quelles que soient leurs conditions territoriales.
Pour notre part, nous nous opposons à un usage dispendieux des terres agricoles et naturelles. Nous ne sommes pas des ayatollahs de tel ou tel principe ou de telle ou telle posture dogmatique (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), mais nous considérons que le foncier est un bien rare et précieux qu’il convient d’utiliser au plus juste et qu’il ne faut pas produire des politiques d’artificialisation des sols aux conséquences irréversibles.
Nous avons débattu hier des territoires à aménager. Bien évidemment, il faut permettre aux territoires ruraux de se développer et de construire, limiter également l’invasion par la forêt, nuisible dans un certain nombre de nos villages, mais aussi réglementer pour empêcher de faire tout et n’importe quoi et de détruire la qualité de nos territoires pour les décennies à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. L’amendement n° 549, présenté par MM. Duran et Daunis, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Alain Duran.
M. Alain Duran. La commission des affaires économiques a ouvert la possibilité de réaliser des annexes à tout bâtiment existant dans les zones agricoles, naturelles et forestières, en dehors des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, les STECAL.
Les textes permettent actuellement de réaliser des extensions ou annexes aux seuls bâtiments d’habitation.
Par ailleurs, la commission a prévu que ces nouvelles possibilités de constructions s’appliqueraient également aux communes n’étant couvertes par aucun document d’urbanisme.
De fait, ces constructions nouvelles pourraient n’être encadrées par aucun document d’urbanisme et l’avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, la CDPENAF, serait supprimé.
Ces dispositions marquent un recul important pour la protection du foncier agricole, alors que tous s’accordent à dire que ces zones agricoles sont des zones pour lesquelles la constructibilité doit rester très limitée. Est-il nécessaire de rappeler que c’est dans ce monde rural que la surface imperméabilisée par habitant est la plus forte ?
Il semble qu’aujourd’hui la nécessité pour les communes d’élaborer un projet de territoire économe en matière de consommation foncière ne fait plus débat. C’est la raison pour laquelle nous devons encourager les communes à se doter d’un document d’urbanisme qui permettra aux maires d’élaborer leurs projets de développement et de choisir ainsi leur avenir, plutôt que de le subir.
Cet article 12 ter est donc un très mauvais signal à la fois pour l’aménagement et la planification, mais également pour l’activité des territoires. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La mesure prévue à cet article, adoptée par la commission, est de nature à faciliter la réalisation de travaux de faible ampleur, tels que la construction d’annexes.
Elle garantit que les constructions édifiées ne porteront pas atteinte aux paysages et aux espaces naturels, ou aux activités agricoles de la zone.
Il est également nécessaire que les maires puissent permettre la construction de petites annexes.
C’était d’ailleurs la position adoptée par le Sénat lors de l’examen de la proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural, de notre excellent collègue Jacques Genest.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Initialement, cet article 12 ter corrigeait une erreur qui avait vicié la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Nous avions la volonté de rétablir la possibilité d’autoriser les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles dans les secteurs non constructibles.
La commission des affaires économiques du Sénat a beaucoup élargi cette possibilité puisqu’elle a étendu la liste de ces constructions et installations aux annexes dans les zones non urbanisées, a supprimé les règles encadrant l’implantation des annexes et extensions aux bâtiments d’habitation en zones A et N des PLU, et autorisé, dans les communes disposant d’une carte communale, l’implantation en zone non constructible de bâtiments des coopératives d’utilisation de matériel agricole, les CUMA, et des constructions à destination touristique, dont l’hébergement et la restauration, qui sont des activités commerciales.
Nous ne pouvons pas être favorables à un tel élargissement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. Sur l’artificialisation des sols, on passe son temps à le dire, les pertes de biodiversité que nous vivons actuellement sont considérables. Je vous renvoie à différents travaux, ceux de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, l’IPBES, ceux du CNRS ou du Muséum national d’histoire naturelle, le MNHN, lequel, en mars dernier, nous a encore alertés.
Je pense également au plan Biodiversité qu’a récemment annoncé, avec une certaine émotion, M. Hulot, par lequel il déclare vouloir reconquérir cette biodiversité.
La principale raison de perte de la biodiversité, ce n’est pas le glyphosate, ce sont les pertes de terrains naturels : chaque fois que l’on artificialise des sols, on accentue les pertes de biodiversité.
Cette semaine, dans le cadre des travaux que je mène sur la sixième extinction des espèces au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, le rapporteur du MNHN nous a déclaré que l’accélération était « fulgurante ».
Alors, on peut continuer à construire, en disant que ce n’est pas grave, que c’est limité, un petit morceau ici, un petit bout là, mais c’est faire le contraire de ce qu’il faudrait pour conserver la biodiversité !
Par principe, et je le regrette beaucoup pour ceux qui voudraient construire des annexes, je pense qu’à un certain moment il faut savoir changer de direction, savoir changer son fusil d’épaule.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Morisset. Je soutiens totalement la position de la commission et ne voterai pas cet amendement de suppression de l’article.
Les uns et les autres, dans nos territoires ruraux, nous vivons au quotidien des situations qu’il nous faut expliquer.
Monsieur le ministre, je vous ai posé une question voilà peu de temps sur les CUMA, dont les adhérents sont des exploitants agricoles. Vous m’aviez répondu, me semble-t-il, que vous n’envisagiez pas d’élargir à ces coopératives les possibilités de construction de bâtiments, dès lors qu’il y avait une carte communale, alors que les règlements d’urbanisme ont évolué, rendant possible une construction dans une commune dotée d’un PLU. À l’époque, vous m’aviez dit que cela ne soulevait aucun problème, la commune n’ayant qu’à prendre une délibération, et le préfet la suivrait.
Cela ne se passe pas ainsi, monsieur le ministre ! À ce jour, les exploitants agricoles en CUMA voulant construire ou rénover un bâtiment n’ont pas le droit de le faire.
C’est pourquoi nous avons profité de cet article pour régler ce problème concret et mettre fin à une incohérence : dans une commune dotée d’un PLU, la construction d’un bâtiment destiné à une CUMA est autorisée ; dans une commune sans carte communale, elle est interdite.
Sur ce point-là, monsieur le ministre, vous qui connaissez bien les territoires ruraux, vous devriez, dans votre sagesse, élargir la réflexion pour au moins autoriser les CUMA à construire leurs bâtiments. Les exploitants agricoles ont, individuellement, le droit de construire ; s’ils se mettent à plusieurs, ils n’ont plus le droit ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je suis tout à fait d’accord avec ce qui vient d’être dit.
Si l’on veut vraiment aider les agriculteurs à percevoir des revenus décents, cela passe également par une diminution de leurs charges. Et, pour qu’ils puissent réduire leurs charges, il faut les aider à se regrouper afin qu’ils puissent mettre leur matériel en commun. Or, commencer par leur imposer tout un tas de contraintes pour la construction de bâtiments où ils peuvent entreposer leur matériel, c’est leur signifier d’entrée qu’on est contre le principe d’une diminution de leurs charges.
Je ne vois donc pas l’intérêt d’ajouter des contraintes supplémentaires à des secteurs d’activité qui sont déjà suffisamment contraints en matière d’urbanisme.
J’ai d’ailleurs moi-même déposé un amendement qui sera examiné tout à l’heure.
Le problème, pour le milieu rural, c’est d’attirer plus de population : plus on limitera les contraintes de construction en milieu rural, à la campagne, quel que soit le type de bâtiment, plus on favorisera non seulement l’économie, mais aussi la démographie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 916 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement va nous permettre de poursuivre le débat.
Je veux bien que l’on fasse de grandes déclarations d’intention, que l’on prétende qu’on empêcherait le milieu rural de vivre, mais avez-vous bien écouté ce qu’a dit M. le ministre ? L’article 12 ter, tel qu’il est rédigé, permet de faire à peu près tout ce qu’on veut dans des zones qui ne sont pas prévues pour l’urbanisation.
Jusqu’à présent, la loi ne fait qu’encadrer ces possibilités de construction, ce que n’avait pas remis en cause la proposition de loi adoptée précédemment par le Sénat. Relisez l’article L. 151-12 du code de l’urbanisme, qui dispose que le règlement du PLU « précise la zone d’implantation et les conditions de hauteur, d’emprise et de densité de ces extensions ou annexes permettant d’assurer leur insertion dans l’environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone ». Il n’interdit pas toute construction !
Par cet amendement, je propose simplement de supprimer ce fameux alinéa 6 qui ôte tout encadrement pour la construction d’extensions ou d’annexes, y compris l’avis de la CDPENAF, ce qui n’a aucun sens.
Je le répète, le Sénat avait approuvé cet encadrement des constructions.
Abandonnons ces postures et cessons donc ces déclarations enflammées. On empêcherait tout ? Ce n’est pas le cas !
Le législateur ne peut pas supprimer tout encadrement et permettre tout et n’importe quoi. Écoutons bien ce qu’a dit M. le ministre : les constructions ne seront pas empêchées, elles seront encadrées, tout simplement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Monsieur Dantec, sur ce sujet comme sur d’autres, nous avons justement essayé de ne pas adopter de postures. Nous considérons qu’il n’est pas nécessaire que les annexes fassent l’objet d’un encadrement très précis, d’autant moins que leur implantation est déjà restreinte aux bâtiments existants.
Quoi que vous en disiez, nous nous sommes appuyés sur la proposition de loi de Jacques Genest.
M. Ronan Dantec. Aucun encadrement ?…
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Pour les raisons que j’ai déjà exposées, le Gouvernement est favorable à cet amendement. Encore une fois, tel que la commission l’a rédigé, cet article autorise la construction d’extensions diverses dans des zones non constructibles.
Autant je peux entendre l’argument – je l’ai moi-même toujours défendu – selon lequel il est nécessaire de ne pas empêcher l’activité économique, en particulier celle de nos agriculteurs, autant je ne peux pas être pour un article qui remet carrément en cause l’équilibre auquel était parvenu initialement le Sénat à l’occasion de textes précédents.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 916 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 221 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 197 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 1092, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 11
Après le mot :
collectifs
supprimer la fin de cet alinéa.
II. - Alinéa 15
1° Remplacer les mots :
Les dispositions mentionnées aux 1° à 3° du présent article ne sont applicables
par les mots :
Les constructions et installations mentionnées au 2° du présent article ne peuvent être autorisées
2° Après le mot :
naturels
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
ou des paysages, ou à la mise en valeur des ressources naturelles.
III. - Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, ou destinées à une activité d’accueil touristique complémentaire de l’activité agricole, mentionnées au b du 2° du présent article, sont soumises à l’avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 282, présenté par MM. Morisset et Mouiller, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) Au stockage des productions agricoles dans le cadre des silos permettant une activité de stockage, de vente et de commercialisation.
La parole est à M. Jean-Marie Morisset.
M. Jean-Marie Morisset. Nous poursuivons notre réflexion sur l’article 12 ter en fonction de ce que nous vivons au quotidien dans nos territoires ruraux.
Cet amendement vise à simplifier le fonctionnement d’installations directement liées à l’activité agricole et à en diminuer l’impact environnemental.
Les stockages, qu’ils soient liés à des besoins locaux ou autres, nécessitent de se trouver au cœur des productions de cultures afin de limiter les coûts temps-distances des exploitants agricoles et le nombre de rotations des engins agricoles, encombrants, lents et lourds, qui est nettement plus important que celui des poids lourds distribuant les productions concentrées.
Les rotations des engins agricoles peuvent atteindre des dizaines de véhicules sur les périodes de récoltes et ainsi provoquer des gênes sur des voies de faibles largeurs, des ralentissements importants et abîmer nos routes départementales ou communales.
De plus, le nombre de rotations diminuant, l’impact carbone en sera d’autant plus réduit.
Enfin, sortir les silos et autres éléments de stockage agricoles des zones d’activité économique permet d’éviter les contraintes liées à leur affectation en installation classée.
Dans les zones artisanales, équipées et donc plus onéreuses, des distances de sécurité sur des rayons importants impliquent l’absence de toute construction et grèvent ainsi des surfaces importantes, qui auraient pu trouver une autre vocation.
C’est pourquoi le présent amendement prévoit de localiser les silos dans les zones agricoles, où des mesures d’éloignement permettent de rassurer les voisins, d’assurer la sécurité et, surtout, de répondre à un besoin des exploitants agricoles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Pour bien montrer que nous n’avons pas voulu faire n’importe quoi et que nous avons maintenu un équilibre, je serai amené à émettre un avis défavorable sur l’amendement de nos collègues Morisset et Mouiller.
Les silos et autres usages de stockage de denrées agricoles sont des structures consommatrices d’espace et à fort impact paysager. Il n’est donc pas souhaitable d’autoriser leur implantation dans les zones non constructibles des cartes communales. Les plans locaux d’urbanisme interdisent d’ailleurs de telles constructions dans les zones naturelles, agricoles et forestières.
Aussi, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement aboutit à la même notion d’équilibre que Mme la rapporteur.
Cet amendement vise à autoriser les silos commerciaux dans les zones inconstructibles des cartes communales, alors que ces silos ne sont pas autorisés dans ces zones du fait de leur destination commerciale.
En outre, cet amendement est en partie satisfait par l’article R. 161–5 du code de l’urbanisme tel qu’il est actuellement rédigé, qui permet à la carte communale de délimiter des secteurs réservés à l’implantation d’activités, « notamment celles qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées ».
La délimitation de ces zones permet aujourd’hui d’assurer l’éloignement effectif des silos par rapport aux habitations, car d’expérience, il s’agit d’une activité économique « accidentogène », comme l’explosion récente et spectaculaire d’un silo à grains sur le port de Strasbourg l’a démontré.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset.
M. Jean-Marie Morisset. Je vais me ranger à l’avis de Mme le rapporteur dans la mesure où l’article 12 ter est toujours d’actualité, lequel indique bien dans son b) qu’il est possible d’utiliser toutes les installations nécessaires « au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production… » On peut supposer que les silos sont compris dans cette formulation.
Concernant les explosions, monsieur le ministre, lorsque des silos sont implantés dans les zones économiques et artisanales et qu’ils explosent, ils provoquent des dégâts autour. C’est la raison pour laquelle les exploitants agricoles ont demandé que les silos soient situés dans des zones isolées. Aussi, par rapport au quotidien, votre argument ne tient pas la route, monsieur le ministre.
Par conséquent, je me range à l’avis de Mme le rapporteur et je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 282 est retiré.
L’amendement n° 283, présenté par MM. Morisset et Mouiller, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) À l’accueil des caravanes et autres véhicules d’habitat mobiles de travailleurs saisonniers agricoles.
La parole est à M. Jean-Marie Morisset.
M. Jean-Marie Morisset. Cette présentation sera brève, car je connais la position de Mme le rapporteur et de M. le ministre sur l’article 12 ter. Je voudrais juste évoquer la situation de nos territoires où se développe une activité arboricole, saisonnière comme les melons, ou encore viticole.
Nombre de saisonniers viennent travailler dans les communes concernées. Cet amendement vise donc à autoriser celles-ci à réaliser des aires pour les accueillir l’été, au lieu qu’ils se retrouvent dans des campings à trois ou quatre kilomètres.
Il a aussi pour objet d’exposer le quotidien de nos arboriculteurs : ils ont souhaité que l’on prenne conscience de ces évolutions pour ne plus s’entendre dire qu’il n’y a pas de PLU et que l’on ne peut donc rien faire. Vous le savez très bien, monsieur le ministre, dans les zones rurales, on parle maintenant de plans locaux d’urbanisme intercommunaux, ou PLUI, on impose aux communes de faire de tels plans. Or cela demande du temps, deux ou trois ans, et chacun sait que ce n’est pas forcément la priorité des nouvelles communautés de communes « XXL », qui doivent régler beaucoup de problèmes avant de s’atteler à celui des PLU.
Mais je retire également cet amendement, après avoir pu exposer la situation locale que l’on rencontre dans beaucoup de territoires de France.
M. le président. L’amendement n° 283 est retiré.
Je mets aux voix l’article 12 ter, modifié.
(L’article 12 ter est adopté.)
Article additionnel après l’article 12 ter
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 343 rectifié est présenté par M. Nougein.
L’amendement n° 364 rectifié bis est présenté par MM. Revet et Kern.
L’amendement n° 414 rectifié bis est présenté par M. Allizard, Mmes Garriaud-Maylam et Bruguière, M. Lefèvre, Mme Deromedi, MM. Pointereau, Le Gleut, Duplomb et J.M. Boyer et Mmes Lherbier, F. Gerbaud et Lamure.
L’amendement n° 878 rectifié est présenté par M. D. Dubois et Mme Létard.
L’amendement n° 1068 rectifié ter est présenté par MM. Babary et H. Leroy.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 12 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 421–4 du code de l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce décret prévoit un seuil dérogatoire pour les travaux d’extension en zone urbaine d’un plan local d’urbanisme, sans référence au seuil de recours obligatoire à l’architecte prévu à l’article 3 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture. »
L’amendement n° 343 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 364 rectifié bis.
M. Charles Revet. En vertu de l’article L. 421–4 du code de l’urbanisme, un décret en Conseil d’État liste les constructions, aménagements, installations et travaux qui, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, ne justifient pas l’exigence d’un permis de construire et font seulement l’objet d’une déclaration préalable.
Ainsi, dans les zones urbaines des communes couvertes par un plan local d’urbanisme, la construction d’extensions inférieures ou égales à 40 mètres carrés de surface de plancher ne requiert qu’une déclaration préalable, alors que dans les autres zones, dès 20 mètres carrés, il est nécessaire de déposer une demande de permis de construire.
Toutefois, si l’extension, comprise entre 20 mètres carrés et 40 mètres carrés, aboutit à ce que l’ensemble de la construction excède le seuil de recours obligatoire à un architecte, un permis de construire avec l’intervention d’un architecte est requis.
Or le décret n° 2016–1738 du 14 décembre 2016 a abaissé à 150 mètres carrés, au lieu de 170 mètres carrés, le seuil de recours obligatoire à un architecte pour les particuliers.
L’abaissement de ce seuil a considérablement augmenté le nombre de cas où des extensions inférieures à 40 mètres carrés sont soumises à un permis de construire signé par un architecte, alors qu’auparavant une simple déclaration préalable suffisait.
Ce surcoût lié à l’intervention de l’architecte remet bien souvent en cause la réalisation des travaux. Les entreprises intervenant sur le secteur des travaux de rénovation/extension sont extrêmement inquiètes pour la pérennité de leur activité.
C’est pourquoi il serait judicieux que, dans les communes couvertes par un PLU, les travaux d’extension d’une construction existante créant jusqu’à 40 mètres carrés de surface de plancher soient systématiquement soumis à déclaration préalable.
C’est une question de bon sens à partir du moment où le Gouvernement a modifié la surface prise en compte.
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour présenter l’amendement n° 414 rectifié bis.
M. Pascal Allizard. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour présenter l’amendement n° 878 rectifié.
Mme Valérie Létard. Cet amendement est également défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour présenter l’amendement n° 1068 rectifié ter.
M. Serge Babary. Défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Le droit existant dispense déjà du recours à l’architecte les petites extensions en zone urbaine.
S’agissant des grandes extensions en ville et en zone dense, elles ont forcément un fort impact sur leur environnement et les bâtiments voisins. Cela justifie le recours à l’architecte.
En outre, la commission s’étonne que les auteurs de cet amendement considèrent que les seuils relèvent du domaine de la loi. En effet, puisqu’ils sont actuellement fixés par décret, ils n’ont pas à figurer dans la loi, pas plus que dans un amendement.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Comme je l’ai dit hier, le Gouvernement ne veut en aucun cas supprimer le recours à l’architecte.
M. Jacques Genest. On a compris !
M. Jacques Mézard, ministre. Or en étendant le champ d’application de la déclaration préalable en matière d’extension des constructions, ces amendements ont pour objet de dispenser du recours à un architecte si les extensions n’excèdent pas 40 mètres carrés d’emprise au sol ou de surface de plancher.
Toutefois, si après extension, la construction dépasse le seuil de recours à l’architecte, soit 150 mètres carrés de surface de plancher, il faut un permis de construire, avec intervention d’un architecte, qui reste nécessaire à partir d’une extension de 20 mètres carrés.
De plus, il faut être conscient que la règle actuelle est indispensable pour limiter les risques de fraudes au recours à l’architecte, qui consisteraient, la pratique nous l’a enseigné, à multiplier les travaux d’extension soumis à simple déclaration préalable. Ce procédé reviendrait à contourner totalement les dispositions législatives.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Nous aurons des débats ultérieurs au cours desquels le Gouvernement confirmera son attachement au recours à l’architecte dans le cadre d’une construction.
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.
M. Pierre Louault. Je comprends bien vos explications, monsieur le ministre. Mais il faut savoir que, si l’on n’a pas besoin d’un architecte pour construire un logement, son intervention devient obligatoire pour aménager un grenier de 20 mètres carrés dans une maison de 140 mètres carrés, parce que la surface habitable atteint alors 160 mètres carrés.
Aujourd’hui, les maires sont obligés de conseiller à leurs concitoyens, pour que la tranquillité de ceux-ci soit préservée, de ne rien demander et de faire comme ils l’entendent.
M. Jacques Genest. Voilà !
M. Pierre Louault. Regardez toutes les statistiques : en France, il faut deux ans pour faire ce que les autres font en deux mois ! Le pays est en train de crever de cette surréglementation. Là est le problème ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. J’apporte aussi tout mon soutien à ces amendements. J’estime que, dans un pays où il faut faire tourner l’économie, on devrait plutôt féliciter celui qui agrandit à la marge son logement, parce qu’il a un autre enfant ou qu’il veut une seconde salle de bain, plutôt que de lui imposer tout un tas de contraintes !
Faisons en sorte que les choses se fassent plus facilement et plus simplement, l’économie s’en portera mieux ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains – Mme Nadia Sollogoub et M. Michel Laugier applaudissent également.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 364 rectifié bis, 414 rectifié bis, 878 rectifié et 1068 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 12 quater A (nouveau)
L’article L. 151-13 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le caractère exceptionnel s’apprécie selon les caractéristiques du territoire, le type d’urbanisation du secteur, la distance entre les constructions et la desserte par les réseaux et équipements collectifs. »
M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay, sur l’article.
M. Jacques Le Nay. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, a entraîné des difficultés en matière d’urbanisme dans nos communes, du fait du caractère exceptionnel des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, les STECAL.
Cette disposition nouvelle inscrite dans la loi a pour conséquence de rendre inconstructibles dans la quasi-totalité des hameaux et des villages de France des parcelles de terrains situées en plein centre de zones précédemment urbanisées, communément appelées « dents creuses ».
Pourtant, ces espaces inoccupés bénéficient dans la plupart des cas de réseaux et de voiries réalisés par les collectivités territoriales. Ils sont malheureusement voués à la friche et à l’abandon, car manifestement inappropriés à un usage agricole. Ces espaces peuvent être très facilement recensés à l’échelle de chaque commune lors de l’élaboration des documents d’urbanisme – schéma de cohérence territoriale, ou SCOT, PLU, PLUI.
Aujourd’hui, la loi nous prescrit de densifier les zones urbanisées et de préserver l’espace agricole. C’est bien dans cet esprit que j’ai déposé un amendement qui a été adopté par la commission et donc pris en compte dans l’article concerné.
Une telle disposition offrirait plusieurs avantages.
Tout d’abord, elle permettrait d’optimiser un potentiel foncier intéressant qui peut avantageusement fixer, voire accueillir, de nouvelles populations dans des zones menacées de désertification.
Elle permettrait aussi de limiter, sans les interdire, les extensions dans le périmètre rapproché des bourgs ou des centres-villes et serait donc un frein à la réduction foncière de l’espace agricole. N’oublions pas que, dans certaines situations, plus le périmètre d’imperméabilisation d’un bourg et d’une agglomération est important et dense, plus les risques d’inondation sont élevés.
Enfin, et les élus locaux que nous sommes ou que nous avons été y sont sensibles, elle permettrait de ralentir, à défaut d’y mettre un terme, les multiples contentieux auxquels ont à faire face de très nombreux maires de France, certains, de guerre lasse, finissant par jeter l’éponge.
Monsieur le ministre, il me semble important d’indiquer qu’il faut lever l’instabilité du caractère exceptionnel, qui donne la part belle à l’administration ou au juge administratif. Cet amendement est un ajustement de la loi après quatre années d’application et deux rapports parlementaires pointant cette situation.
C’est le problème que j’évoquais dans mon intervention du 26 octobre 2017. Aussi, je me permets de vous rappeler deux phrases de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État :
« Monsieur le sénateur, vous avez raison, il ne faut pas toujours se cacher derrière des arguments. L’ingénieur agronome que je suis n’ignore rien de l’artificialisation des terres agricoles. Il n’empêche que l’artificialisation des zones agricoles ne se fait pas au centre d’un hameau, comme vous l’avez dit.
« Les dents creuses aujourd’hui, je parle sous votre contrôle, la loi ALUR les permet déjà, dès lors qu’il s’agit d’un bâti. La question qui se pose est : pouvons-nous élargir le dispositif au foncier et ne pas le limiter uniquement au bâti ? »
Cet extrait de vos propos, monsieur le secrétaire d’État, et plus largement l’article dont il est issu, constitue en partie, vous en conviendrez, une réponse à votre question…
M. Michel Savin. Eh oui !
M. Jacques Le Nay. … et contribue largement à lutter contre l’étalement urbain. De plus, cette solution va tout à fait dans le sens des propos tenus par le Président de la République, Emmanuel Macron, lors de son discours de Quimper, le 21 juin dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Yves Bouloux applaudit également.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 148 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 783 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 148.
Mme Cécile Cukierman. Afin de permettre aux communes de densifier certains hameaux ou petits groupements de bâtiments non constitutifs d’urbanisation situés en zone agricole, naturelle ou forestière, l’article 19 de la loi Grenelle I a consacré la possibilité pour le plan local d’urbanisme de délimiter des secteurs de taille et de capacité limitées. Il s’agit donc d’une dérogation au principe de l’urbanisation limitée et consécutive.
Toutefois, la loi ALUR a apporté une restriction significative au dispositif des STECAL en indiquant qu’il s’agit d’une modalité acceptée à titre exceptionnel. Ainsi, il ne peut y avoir, selon les services de l’État, plus de deux STECAL sur le périmètre d’une intercommunalité. Je suis bien d’accord, le regroupement intercommunal forcé, voulu et voté par certains, à une échelle très importante, n’est pas sans poser des questions aujourd’hui.
Cependant, avec l’amendement qui a été adopté par la commission des affaires économiques du Sénat, il s’agit à nos yeux, sous couvert de sécurisation juridique, de rouvrir grand la porte à la multiplication de ces STECAL. Cela revient en réalité à supprimer cette modalité d’exceptionnalité.
On est donc loin, mes chers collègues, de la question des « dents creuses », qui sera abordée lors de l’examen des articles suivants. Pour nous, il est plutôt question d’offrir la possibilité de construire, de manière massive, dans tous les hameaux.
Si le présent dispositif témoigne de la volonté de sécuriser ces réalisations, nous pensons au contraire que cela crée une insécurité juridique manifeste. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article 12 quater A, tel que rédigé à l’issue des travaux de la commission des affaires économiques. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 783.
M. Jacques Mézard, ministre. Notre amendement vise à supprimer la définition du caractère exceptionnel des STECAL introduite par la commission des affaires économiques. Mon argumentation est la même que celle qui a été développée par la sénatrice Cécile Cukierman, car l’état actuel du droit n’apporte pas de précision sur la notion de caractère exceptionnel du secteur, qui peut cependant être apprécié dans le PLU en fonction des spécificités de chaque territoire et complété lors de son examen obligatoire par la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, ou CDPENAF.
Il ne nous semble pas opportun d’introduire dans la loi les critères qui ont été retenus par la commission, car ils sont incomplets et limiteraient les possibilités existantes. Au cours du débat à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé, pour répondre aux attentes exprimées en commission, de produire une circulaire – une de plus, mais nous en avons supprimé plusieurs milliers ces derniers mois – qui permettrait aux collectivités territoriales et aux services de l’État d’apprécier ce caractère exceptionnel au cas par cas. Il n’est pas nécessaire, selon nous, de figer dans la loi ce qui doit relever en fait d’une appréciation locale. La circulaire est en cours de rédaction et devrait être finalisée d’ici à la commission mixte paritaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Ces amendements sont contraires à la position de la commission, qui a souhaité que les STECAL ne soient pas appréciés de façon trop exceptionnelle. En effet, ce sont aujourd’hui des outils qui sont aussi au service des élus. Il faut permettre à ceux-ci de mieux se les approprier.
La commission a donc souhaité expliciter que le caractère exceptionnel des STECAL doit s’apprécier en fonction des besoins concrets de la commune et de la réalité du terrain visé, et non pas selon un simple critère qualitatif.
La commission propose en outre dans l’amendement suivant une rédaction qui précise que cette liste n’est pas exhaustive ni cumulative, car notre intention n’est pas de durcir les modalités de création de STECAL.
Pour ces raisons, elle émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Je pense ne pas trahir la position du Gouvernement en disant qu’il est favorable à l’amendement n° 148…
M. Jacques Mézard, ministre. Effectivement, monsieur le président. L’avis est évidemment favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 148 et 783.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 1093, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Leur caractère exceptionnel s’apprécie, entre autres critères, en fonction des caractéristiques du territoire, du type d’urbanisation du secteur, de la distance entre les constructions ou de la desserte par les réseaux ou par les équipements collectifs. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je viens d’évoquer cet amendement : il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 12 quater A, modifié.
(L’article 12 quater A est adopté.)
Article 12 quater B (nouveau)
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le début du 2° de l’article L. 111-4 est ainsi rédigé :
« 2° Les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, celles nécessaires à l’exploitation agricole ou utilisées en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, celles situées sur l’exploitation ou dans les locaux de celle-ci et destinées à une activité d’accueil touristique complémentaire de l’activité agricole, notamment hébergement et restauration, dès lors qu’elles ne sont pas… (le reste sans changement). » ;
2° Le début du 1° de l’article L. 151-11 est ainsi rédigé :
« 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, celles nécessaires à l’exploitation agricole ou utilisées en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, celles situées sur l’exploitation ou dans les locaux de celle-ci et destinées à une activité d’accueil touristique complémentaire de l’activité agricole, notamment hébergement et restauration, dès lors qu’elles ne sont pas… (le reste sans changement). »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 147 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 550 est présenté par MM. Duran et Daunis, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 918 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini et Mme Laborde.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 147.
Mme Cécile Cukierman. Je retire cet amendement, car il me paraît un peu excessif. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 147 est retiré.
La parole est à M. Alain Duran, pour présenter l’amendement n° 550.
M. Alain Duran. Actuellement, les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole sont permises. C’est l’article L. 311–1 du code rural qui définit la notion d’activité agricole, à savoir les activités exercées dans le prolongement de l’exploitation agricole, telle la vente des produits de la ferme, ou ayant pour support l’exploitation – gîtes ruraux, agritourisme, hébergement touristique, etc.
La commission des affaires économiques a voulu aller plus loin en autorisant les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, à l’exploitation agricole, ou utilisées en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles, lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, ou encore en vue d’une activité d’accueil touristique complémentaire de l’activité agricole, notamment pour l’hébergement et la restauration.
Ces constructions seraient rendues possibles y compris en RNU – règlement national d’urbanisme - donc sans encadrement par un document d’urbanisme.
Les évolutions récentes ont permis de trouver un équilibre entre l’impératif d’une gestion économe de l’espace agricole, le maintien de la vocation agricole des espaces et du bâti existant et la nécessité de permettre l’installation, l’évolution et le développement agricole.
Mes chers collègues, au travers de cet amendement, nous vous proposons d’en rester au texte actuel et donc de supprimer cet article additionnel.
M. Marc Daunis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 918 rectifié.
M. Ronan Dantec. On l’a bien compris : d’amendement en amendement, deux visions sont en train de s’opposer.
M. Michel Vaspart. Tout à fait !
M. Ronan Dantec. Les uns considèrent que l’on est aujourd’hui en incapacité de développer nos territoires, que plus personne ne peut construire nulle part, que tous les agriculteurs sont bloqués dans leur développement. Telle serait la réalité de la France, d’un pays qui s’effondre. Et, de leur côté, les autres regardent le monde… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Jacques Genest. Oh là !
M. Marc-Philippe Daubresse. La France vue du toit du monde !
M. Ronan Dantec. Ils s’aperçoivent que, finalement, à travers le monde, les États qui maîtrisent le mieux leur urbanisme sont en général classés parmi les pays développés ; et que, sauf exception, moins l’urbanisme est maîtrisé, plus le pays est pauvre.
Ils regardent la France comme un pays que beaucoup d’États, y compris parmi ses voisins, admirent pour sa capacité à préserver ses paysages,…
M. Jacques Genest. Oh là là !
M. Ronan Dantec. … lesquels font d’elle la première destination touristique au monde.
Or j’ai quand même l’impression que, d’amendement en amendement, le paysage français est de plus en plus menacé. Heureusement, nous ne sommes qu’au Sénat… (Vives protestations sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Laurent Duplomb. Oh !
M. Jean-Pierre Vial. On ne peut pas dire cela !
M. Jacques Genest. C’est désagréable !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mon cher collègue, si vous n’êtes pas content, vous pouvez toujours démissionner !
M. Ronan Dantec. Chers collègues, j’essaye de vous expliquer où est aujourd’hui le clivage… (Nouvelles protestations.)
M. Pierre Louault. Évidemment, vous habitez en ville !
M. le président. Monsieur Dantec, ne vous laissez pas perturber. Mes chers collègues, respecter la parole de l’orateur.
M. Ronan Dantec. Chers collègues, je trouve ces réactions extrêmement intéressantes !
Ce pays a besoin de répondre à des situations exceptionnelles : il peut y avoir des blocages, et nous sommes là pour trouver les réponses qu’ils exigent.
Certains parmi vous le savent, je suis le premier à chercher, quand un blocage précis se fait jour, à quel endroit il faut réagir. Mais on ne peut pas limiter à tel point les règles, y compris pour se passer du PLU : or c’est bien ce que le Sénat est en train de voter, à travers plusieurs amendements ! De telles mesures vont conduire à miter le paysage, elles vont affaiblir le pays en le privant de l’un de ses principaux atouts économiques. (M. Jacques Genest s’exclame.)
Tel est, aujourd’hui, le clivage. Nous sommes là pour faire de la politique ; je suis donc là pour expliquer où sont les clivages. Ainsi, vous comprenez bien le sens de notre amendement !
M. Pierre Louault. C’est tout vu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Monsieur Dantec, vous restez dans une posture et dans une démarche pour le moins idéologiques.
M. Jacques Genest. C’est clair !
M. Ronan Dantec. Je ne suis pas le seul à défendre ces dispositions !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Mes chers collègues, à travers l’article 12 quater B, nous avons repris des travaux que le Sénat avait accomplis au titre de la proposition de loi de Jacques Genest. Alain Duran l’a rappelé, il s’agit de cas extrêmement circonscrits – il en a donné la liste, et je ne vous les rappellerai pas à mon tour.
Je vous indique simplement que les autorisations en question sont encadrées par le PLU et que – Alain Duran l’a également souligné –, en RNU, l’instruction des permis est assurée par les services de l’État. Cette procédure représente, me semble-t-il, une garantie.
Encore une fois, nous n’avons pas souhaité faire n’importe quoi, nous avons tout simplement voulu inclure, dans le présent texte, certaines mesures d’une proposition de loi qui nous semblait pragmatique et réaliste.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Jacques Genest. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je vais m’efforcer d’éviter les postures – tout en regardant le monde, moi aussi, monsieur Dantec.
Si le Gouvernement est favorable à ces amendements, c’est pour une simple et bonne raison. Les mesures que la commission a introduites dans le présent texte élargissent considérablement les possibilités d’extension. Or il existe déjà des dispositions permettant de répondre aux demandes des agriculteurs. (M. Jacques Genest hoche la tête en signe de dénégation.)
Toute posture mise à part, c’est une évidence : en étendant le champ des exceptions aux activités touristiques et commerciales des exploitations, cet article va à l’encontre des objectifs de lutte contre la consommation excessive des espaces agricoles.
Surtout, ces constructions peuvent déjà être autorisées, sur délibération motivée du conseil municipal, dans les communes qui sont en règlement national d’urbanisme, ainsi qu’à l’intérieur des STECAL pour les communes qui sont couvertes par un PLU.
Aujourd’hui, l’autorisation dépend donc de l’avis du conseil municipal. (M. Jacques Genest manifeste son désaccord.) J’entends constamment qu’il faut faire confiance aux capacités de décision des collectivités territoriales, des conseils municipaux et, en l’occurrence, des maires. Précisément, il me semble que le droit actuel va dans ce sens, en permettant aux conseils municipaux d’autoriser de telles extensions.
Voilà pourquoi, sans opposer un monde à l’autre, nous sommes favorables à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Monsieur le ministre, si j’avais déposé la proposition de loi évoquée par Mme la rapporteur, c’était pour mettre un terme à des blocages.
Dans beaucoup de régions, les agriculteurs vivent chichement : ces extensions leur permettraient de diversifier leurs activités, en développant le tourisme sur leur exploitation.
Vous affirmez que, dans ce domaine, les autorisations dépendent d’une délibération du conseil municipal : non ! C’est toujours l’administration qui décide en dernier lieu et, aujourd’hui, on a tendance à vouloir empêcher le développement rural.
M. Laurent Duplomb. Eh oui !
M. Jacques Genest. Enfin, je ne comprends pas la fâcheuse tendance de ce gouvernement à ne pas aimer les agriculteurs : il est allé jusqu’à refuser la revalorisation de leurs pensions, alors qu’ils ne touchent pour ainsi dire rien ! Vraiment, au Gouvernement, vous n’aimez pas le rural !
M. Michel Savin. Eh oui ! Ce sont des urbains !
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Mes chers collègues, nous sommes tous pareils dans cette assemblée, nous nous appuyons sur des cas concrets dont nous avons pu avoir connaissance.
J’ai en tête l’exemple de deux frères qui avaient hérité de leur père agriculteur. L’un élevait les vaches, l’autre faisait du fromage. Ils devaient être l’un à côté de l’autre pour mener leur activité. Le frère qui gérait la stabulation a obtenu son permis de construire ; en revanche, celui qui fabriquait des fromages était considéré, non comme un agriculteur, mais comme un artisan, voire un commerçant. Il n’a jamais pu obtenir le permis de construire pour la chambre froide, qui aurait permis de faire le fromage et le vendre.
À cet égard, il faut conserver cet article : il est tout à fait de bon sens !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 550 et 918 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 1094, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 5
1° Remplacer les mots :
utilisées en vue de
par les mots :
forestière, à
2° Remplacer les mots :
du conditionnement et de
par les mots :
au conditionnement et à
3° Remplacer la seconde occurrence du mot :
celles
par les mots :
ou aux activités
4° Remplacer les mots :
notamment hébergement et restauration
par les mots :
comprenant mais non limitée à l’hébergement touristique et à la restauration
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement tend à préciser la rédaction de l’article, en mentionnant les activités forestières au côté des activités agricoles, par parallélisme avec les autres dispositions du code de l’urbanisme.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 12 quater B, modifié.
(L’article 12 quater B est adopté.)
Article 12 quater
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° A (nouveau) À la première phrase du second alinéa de l’article L. 111-5, le mot : « conforme » est supprimé ;
1° Le 3° de l’article L. 142-4 est abrogé ;
2° (nouveau) À la seconde phrase du 2° de l’article L. 151-11, les deux occurrences du mot : « conforme » sont supprimées.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 146 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 551 est présenté par MM. Duran et Daunis, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 917 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini et Mme Laborde.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 146.
Mme Cécile Cukierman. Cet article vise à rationaliser la procédure de consultation de la commission départementale de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, la CDPENAF, pour ce qui concerne les dérogations à l’interdiction de construire hors des parties urbanisées des communes. Inséré dans le présent texte par l’Assemblée nationale, il visait initialement à regrouper deux procédures qui nécessitaient les mêmes autorisations, lorsqu’une commune n’était couverte ni par un PLU ni par un SCOT.
Or, au Sénat, la commission des affaires économiques a fait le choix d’aller plus loin. Dans deux cas précis, elle a transformé en avis simple l’avis conforme de la CDPENAF. Il s’agit, premièrement, du changement de destination d’un bâtiment en zone agricole d’une commune disposant d’un PLU ; et, deuxièmement, des constructions d’intérêt communal hors zone urbanisée d’une commune soumise au RNU.
Selon ses promoteurs, cette disposition donne davantage de souplesse aux maires, qu’il s’agisse d’autoriser des projets importants pour le développement de leur commune ou de faire évoluer les constructions en zone agricole afin d’en diversifier les fonctions.
Pour notre part, nous estimons que, lorsque ces dérogations ont pour conséquence de réduire les surfaces à vocation agricole des zones non urbanisées, la commission départementale a un rôle fondamental à jouer. En passant d’un avis conforme à un avis simple, on permet clairement aux maires de faire ce que bon leur semble (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.),…
M. Jacques Genest. Arrêtez !
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est pour le moins excessif !
Mme Cécile Cukierman. … ce qui n’est pas toujours souhaitable.
Nous ne souhaitons pas un développement urbain à outrance. Nous restons attachés au principe d’une urbanisation limitée dans ces zones, et nous demandons donc la suppression de cet article.
Chers collègues, à l’oral, les signes de ponctuation ne s’expriment pas. Je n’ai pas donc mis de guillemets à la formule que je viens d’employer. Mais, nous le savons tous, dans les communes, les prises de décision font l’objet de rapports de force…
Selon nous, en maintenant l’avis conforme, l’on sécurise également le maire dans son rôle, dans sa capacité à décider en lien avec les services de l’État, et l’on évite les dérives que l’on a pu constater dans l’ensemble des territoires.
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, pour présenter l’amendement n° 551.
M. Alain Duran. M. le ministre vient de l’indiquer, en dehors des parties actuellement urbanisées d’une commune sous RNU, le code de l’urbanisme prévoit que le conseil municipal peut autoriser l’implantation de constructions ou d’installations si l’intérêt de la commune le justifie, en particulier pour éviter une diminution de la population communale.
Pour éviter les abus, la loi ALUR a soumis ces autorisations à un avis conforme de la CDPENAF. Or la commission des affaires économiques le transforme en un avis simple.
L’avis conforme de la CDPENAF est une garantie essentielle quant aux dérogations à la règle d’inconstructibilité des terrains situés hors des parties urbanisées des communes soumises au RNU. Voilà pourquoi nous proposons, à travers cet amendement, la suppression du présent article.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 917 rectifié.
M. Ronan Dantec. Guidée par un souci de simplification tout à fait louable, l’intention initiale des auteurs de l’article 12 quater était de supprimer un doublon procédural concernant l’avis de la CDPENAF pour les constructions sur les territoires non couverts par les SCOT. Jusqu’alors, il n’y avait pas de difficulté quant au principe : l’Assemblée nationale avait fait son travail en cherchant à simplifier la procédure.
Toutefois, en regardant le dispositif proposé de plus près et avec davantage d’attention, on constate qu’il entraîne un tout autre effet.
Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le troisième alinéa de cet article : « Le 3° de l’article L. 142–4 est abrogé. » Il s’agit là d’un point très important.
En effet, derrière cette petite phrase anodine, se cache en réalité la levée de l’interdiction issue de la loi dite « ALUR », hors des parties urbanisées des communes non couvertes par un SCOT, des constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et de leur extension mesurée, ainsi que des constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, visées au 4° de l’article L. 111–4 du code de l’urbanisme. Il s’agit, autrement dit, de toutes les activités engendrant des nuisances, notamment d’activités dégradant les milieux naturels et les paysages, par exemple les décharges publiques. Voyez l’ampleur des conséquences !
Ainsi, au-delà de la simplification, cet article permettrait un réel déverrouillage des règles d’urbanisme.
En outre – les précédents orateurs l’ont déjà dit –, la commission des affaires économiques a modifié cet article pour transformer les avis conformes de la CDPENAF en avis simples, afin de permettre au préfet de disposer d’un véritable pouvoir d’appréciation.
Avec cet amendement, nous proposons également de revenir à l’équilibre trouvé avec l’avis conforme.
Bref, tel qu’il est rédigé, cet article déverrouille totalement le dispositif conçu par la loi ALUR ; et, en plus, il supprime l’avis conforme.
Bien sûr, on observe des difficultés à cet égard. Je suis extrêmement attentif aux éleveurs de chèvres,…
M. Bruno Sido. Ah !
M. Ronan Dantec. … mais un certain nombre de difficultés pourraient être traitées par une commission décidant à l’unanimité. L’avis conforme va précisément dans ce sens, celui d’un consensus de l’ensemble des acteurs. En pareil cas, il faut adopter des dispositions particulières, car de toute évidence la loi n’a pas tout prévu. Mais, au nom de tels exemples, on est en train de supprimer les mesures d’encadrement. Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder !
J’en ai déjà discuté avec mon collègue Michel Vaspart à propos de la loi Littoral : nous devons trouver, collectivement, des instances au sein desquelles il est possible de mettre un terme, par consensus, à telle ou telle aberration. Mais il ne faut certainement pas supprimer les règles d’encadrement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. En la matière, comme l’a dit Marc-Philippe Daubresse lors de la discussion générale, et comme M. le ministre l’a demandé à maintes reprises dans cette enceinte, nous allons faire, plus que jamais, confiance aux maires et aux élus locaux.
L’avis conforme de la CDPENAF n’est transformé en avis simple que dans deux cas bien précis. De plus, le maire pourra toujours faire appel à cette commission départementale et s’appuyer sur son expertise consultative pour refuser ou autoriser un projet, notamment dans le cadre de la revitalisation des territoires ruraux.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Selon les articles appelés en discussion, la confiance faite aux maires est visiblement à géométrie variable…
M. Bruno Sido. C’est comme cela !
M. Jacques Mézard, ministre. C’est assez habituel, et ce n’est pas moi qui prétendrai que, tous autant que nous sommes, nous nous exprimons toujours de manière univoque. À ce propos, j’ai particulièrement apprécié l’expression qu’a employée la sénatrice Cécile Cukierman. Cette formule témoigne, envers les élus locaux, d’une confiance que l’on peut dire toute relative…
M. Bruno Sido. Pour le moins !
M. Jacques Mézard, ministre. J’émets donc un avis favorable sur ces amendements, car il y a des cas où il est préférable de maintenir les choses en l’état.
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Mes chers collègues, je suis tout de même un peu surpris. Hier, dans cette enceinte, tout le monde disait : « Il faut faire confiance aux maires. » Aujourd’hui, certains, peut-être surtout aux extrêmes, affirment : « Les maires font n’importe quoi. »
Mme Cécile Cukierman. Et voilà…
M. Jacques Genest. Ces propos émanent probablement de personnes qui n’ont jamais été maires… Or, quand vous êtes maire, vous ne faites pas n’importe quoi, non seulement parce que les électeurs sont toujours derrière vous pour vous rappeler à l’ordre, mais aussi parce que vous tenez au pays ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
En outre, la composition des CDPENAF pose question… Dans certains départements, on y trouve les défenseurs, très honnêtes, de l’un des bassins de l’Ardèche. Eh bien, en tant que membres de ces commissions, ils décident de ce qui doit se faire à 300 kilomètres de chez eux, dans des secteurs qu’ils ne connaissent même pas.
Somme toute, mieux vaut faire confiance à l’État, puisque c’est le préfet qui décide en dernier ressort, qu’à des gens qui ne représentent qu’eux-mêmes. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. En précisant, à la fin de mon intervention, que mes propos au sujet des maires étaient entre guillemets, je pensais désamorcer la polémique. Mais, apparemment, notre collègue Jacques Genest n’a pas compris…
M. Jean-Pierre Vial. Il a très bien compris !
Mme Cécile Cukierman. Je vais donc utiliser les deux minutes trente auxquelles j’ai droit (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) pour clarifier mes propos, éviter toute mésentente entre nous et prévenir tout procès d’intention.
Certains, ici, connaîtraient la réalité du terrain, quand d’autres ne la connaîtraient pas ; certains connaîtraient le travail des maires, quand d’autres ne le connaîtraient pas ; en somme, il y aurait ici deux camps, les gentils, qui défendraient les territoires,…
M. Jacques Genest. Eh oui !
Mme Cécile Cukierman. … et les méchants technocrates, dogmatiques, apparatchiks,…
M. Roger Karoutchi. Tout ça ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cécile Cukierman. … qui n’auraient rien compris à la réalité.
Monsieur Genest, vous voyez que, dans la caricature, nous pouvons être ex aequo ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Jacques Grosperrin s’exclame.)
Plus sérieusement – je me suis d’ailleurs exprimée avec beaucoup de sérieux en défendant l’amendement n° 146 –, nous le savons : être élu local, ce n’est pas simple tous les jours. Il faut prendre en compte des réalités, des rapports de force, des demandes qui peuvent être contradictoires. (M. Jacques Genest s’exclame.) Bien sûr que si, monsieur Genest : ne me la faites pas à l’envers, vous le savez très bien ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Au cours d’une même journée, entre le matin et le soir, les personnes qu’un élu local reçoit peuvent lui adresser des demandes différentes, voire contradictoires : il doit y répondre en trouvant un équilibre. Vous connaissez suffisamment la réalité et la pratique du terrain : je ne vous mets pas en cause à ce titre. Mais, précisément, ne me faites pas offense en prétendant que vous n’avez jamais dû faire face à de telles difficultés pour garder la maîtrise d’une politique communale !
Soyons sérieux, évitons les caricatures.
M. Jacques Genest. Oh !
Mme Cécile Cukierman. C’est aussi cela, la réalité que vivent nos élus.
En maintenant l’avis conforme, nous souhaitons également sécuriser les mesures prises par les élus locaux,…
M. Laurent Duplomb. Cela ne sécurise pas !
Mme Cécile Cukierman. … accompagner le plus et le mieux possible leurs prises de décisions dans leur commune.
Voilà tout simplement ce que j’ai dit. J’avais ajouté des guillemets : eh bien, je les double, je les triple, je les quadruple ! Mais, je le répète, ne nous lançons pas des procès d’intention. (M. Jacques Genest s’exclame.) Nos débats n’en seront que plus sereins, et certainement plus constructifs. (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Férat. Belle leçon…
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Monsieur Genest, vous avez bien exposé la situation : en la matière, deux visions s’opposent.
Selon vous, les protecteurs de l’environnement – vous les avez cités – empêcheraient tout ; il faudrait donc les exclure d’un maximum de lieux et d’instances. Mais, je peux vous le dire, vous les retrouverez partout ailleurs, en particulier devant les tribunaux.
M. Jacques Genest. Ah ! Les tribunaux, à présent !
M. Ronan Dantec. Certains agriculteurs hésiteront même à lancer un chantier autorisé au motif que, de toute manière, il sera contesté… Au total, vous allez gripper encore davantage le pays.
Je suis d’autant plus surpris que, au sein des CDPENAF, les protecteurs de l’environnement ne sont pas majoritaires : les plus forts, ce sont plutôt les syndicats agricoles…
Quoi qu’il en soit, ce qui fait avancer un pays, ce qui permet d’agir, ce sont précisément les lieux qui créent les consensus.
Le système que vous développez d’amendement en amendement ne va pas supprimer les contentieux : il va simplement les déplacer, il va même les rendre de plus en plus nombreux. J’insiste, il faut avant tout trouver les lieux de consensus permettant de résoudre les cas qui ne seront jamais prévus par les lois.
Enfin, madame la rapporteur, je souhaite vous poser une question assez précise à propos de cet article. L’abrogation du 3° de l’article L. 142–4 permettra-t-elle ou non l’installation d’activités pouvant dégrader les milieux naturels et les paysages, comme des décharges publiques ? (M. Jacques Genest le nie.) À nos yeux, la possibilité est bien ouverte, puisque cet article supprime, en la matière, le dispositif de la loi ALUR. Il s’agit là d’une question technique très précise.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Depuis le début de cette discussion, les élus de notre groupe ont suivi l’avis de la commission et soutenu les mesures défendues par notre rapporteur. Toutefois, à propos de ces amendements, nous pensons très sincèrement qu’il faut raison garder.
Bien sûr, nous défendons les maires, nous voulons renforcer leur position dans tous les domaines. Mais on ne saurait supprimer tous les verrous pour autant. En outre, on ne peut pas considérer qu’un avis négatif est un verrou et non une procédure permettant, au terme d’une confrontation de points de vue, de prendre une décision éclairée.
L’avis de la CDPENAF n’est pas forcément néfaste ! Il peut appeler des réflexions complémentaires, de nouvelles conclusions grâce auxquelles le projet sera amélioré. Parfois, il peut même protéger les maires, qui ne disposent pas toujours, à eux seuls, de l’expertise nécessaire.
Bref, il faut être raisonnable. Il faut préserver un juste équilibre. Naturellement, il faut défendre les maires. Mais, en l’occurrence, les procédures que prévoit aujourd’hui la loi peuvent leur être d’une aide précieuse et apporter un éclairage bienvenu pour leur prise de décision. Voilà pourquoi nous voterons ces amendements. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme Cécile Cukierman. Merci !
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. À mon sens, il faut supprimer l’avis conforme de la CDPENAF. Pourquoi ?
Je vois bien ce qui se passe dans le département dont je suis l’élu : depuis que la CDPENAF dispose de l’avis conforme, je reçois toutes les semaines des appels de maires de communes de moins de 500 habitants qui ne peuvent pour ainsi dire plus faire construire une seule maison !
M. Marc Daunis. Oh !
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Laurent Duplomb. On en arrive à des aberrations. On refuse même parfois des constructions dans des endroits où les terrains ne sont pas cultivés – je peux vous citer de nombreux exemples. Sur ce point, je ne suis donc pas en accord avec Valérie Létard.
Si on lui laisse la main, le maire pourra s’appuyer sur l’avis de la CDPENAF.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Laurent Duplomb. Mais, si cette commission émet un avis conforme, le maire sera obligé de le suivre.
Or le maire assume la responsabilité des choix, et il prend ses décisions au vu de la réalité du terrain : il est précisément élu pour cela.
Mes chers collègues, aujourd’hui, lorsque de tels problèmes sont portés à ma connaissance, voulez-vous savoir ce que je fais ? Je demande au sous-préfet ou au préfet de diligenter une expertise sur le terrain, pour que l’on puisse constater que la décision imposée par l’avis conforme de la CDPENAF ne correspond pas à la réalité du terrain. Avec un avis simple, on éviterait de telles complications, tout simplement parce que le maire pourrait agir en connaissance de cause.
D’ailleurs, je ne crois pas que l’avis conforme puisse résoudre toutes les difficultés : de toute façon, il y aura toujours des problèmes en la matière.
Monsieur Dantec, je ne crois pas non plus que l’on s’expose, en votant cet article, à une multiplication des contentieux. Combien de recours forme-t-on, devant les tribunaux administratifs, contre les décisions des maires de communes de moins de 500 habitants ? Ces procédures sont on ne peut plus rares.
Pour toutes ces raisons, l’avis conforme de la CDPENAF n’apporte rien. Laissons au maire les marges de manœuvre dont il a besoin pour prendre sa décision. Il pourra s’appuyer sur un avis simple de la CDPENAF ; en tout cas, il sera en mesure d’assumer ses responsabilités, et, selon moi, c’est mieux ainsi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Marie Janssens et Daniel Chasseing applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de la Provôté. Cher collègue Duplomb, j’entends tout à fait vos propos. Il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause le rôle du maire, sa capacité à accompagner et à mener un projet. Mais la loi a également pour mission de fixer des contraintes et des verrous : sinon, à quoi sert-elle ?
On ne peut pas faire sauter les verrous systématiquement, au motif que tout le monde est omnicompétent ; que, partout, l’on détient la vérité ; et que, partout, on serait en mesure de mener les projets à bien dans de bonnes conditions, de la manière la plus sécurisée possible.
D’ailleurs, vous venez de le dire, le maire peut toujours s’adresser au préfet : c’est également ce qu’a prévu la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP, pour ce qui concerne l’architecte des Bâtiments de France.
Un tel recours est possible : dont acte ! Dès lors, les situations de blocage restent exceptionnelles. Peut-être votre département connaît-il des difficultés particulièrement fortes à cet égard, mais la réalité que vous décrivez ne s’observe pas partout, je me permets de vous le dire.
Si, avec la CDPENAF, avec les personnes compétentes, avec les porteurs de projet, l’on n’est pas parvenu à faire évoluer le dossier afin d’obtenir un avis positif, il existe encore un recours. Vos propos prouvent que vous savez très bien l’utiliser ; et, à mon sens, les maires sont parfaitement à même de défendre, avec la plus grande volonté qui soit, les projets auxquels ils tiennent. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Mes chers collègues, je ne peux laisser dire, moi non plus, que les CDPENAF brident les maires. J’ai siégé dans l’une de ces instances, et je vous rappelle qu’elles représentent de nombreux acteurs : tous les syndicats agricoles, tous les propriétaires fonciers, les notaires, les communes, les EPCI, etc.
Ces commissions sont donc bien plurielles, et leurs avis sont dictés par la réglementation en vigueur. Ne les jugeons pas a priori !
M. Roger Karoutchi. Au train où vont les choses, nous serons encore là dimanche…
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Chers collègues, relisons l’article du code de l’urbanisme qui est concerné : l’avis conforme de la CDPENAF est demandé pour le changement de destination, et uniquement dans ce cas. Je vous rappelle que, pour ce qui concerne les SCOT ou d’autres procédures, un avis simple suffit.
Avec cet article, nous ne traitons donc pas de la CDPENAF de manière générale, nous n’abordons que le changement de destination.
J’ajoute que, pour les agriculteurs aussi, cet avis conforme a toute son importance. Imaginez que, demain, un bâtiment voisin d’une exploitation agricole soit transformé en résidence secondaire. Pour le cultivateur, ce changement de destination entraînera tous les ennuis du monde ! Le résident secondaire, qui viendra de Paris – justement… –, se plaindra de l’odeur des vaches, des mouches qu’attirent les moutons, et même du chant des coqs. Dès lors, l’exploitation sera bel et bien en danger.
Voilà pourquoi il me semble nécessaire de préserver l’avis conforme de la CDPENAF pour ce qui concerne le changement de destination. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Union Centriste. – Mme Nelly Tocqueville et M. Marc Daunis applaudissent également.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 146, 551 et 917 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.) (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Ronan Dantec applaudit également.)
M. le président. En conséquence, l’article 12 quater est supprimé, et l’amendement n° 275 rectifié bis n’a plus d’objet.
L’amendement n° 275 rectifié bis, présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, A. Marc, Wattebled, Decool, Capus, Fouché, Nougein, Henno, L. Hervé et Maurey, Mmes Perrot et N. Delattre et M. Gabouty, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
est supprimé
par les mots :
est remplacé par le mot : « simple »
II. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
sont supprimées
par les mots :
sont remplacées par le mot : « simple »
Article additionnel après l’article 12 quater
M. le président. L’amendement n° 276 rectifié bis, présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, A. Marc, Wattebled, Decool, Capus, Fouché, Nougein, Henno, L. Hervé et Maurey, Mmes Perrot et N. Delattre et M. Gabouty, est ainsi libellé :
Après l’article 12 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigée : « Dans ces cas-là, le maire de la commune concernée, ou son représentant, doit être présent avec voix délibérative. »
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Maire d’une commune rurale pendant de nombreuses années et président de l’association des maires de mon département pendant près de vingt ans, j’ai pu mesurer combien il est difficile de construire, qu’il s’agisse de projets nécessaires à l’activité agricole ou de projets à destination touristique ou artisanale, complémentaires de cette activité.
Le projet de loi va dans le bon sens, mais je tiens à souligner de nouveau qu’il faut faire davantage confiance aux élus ruraux,…
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Daniel Chasseing. … qui sont tout à fait conscients de la nécessité de protéger la nature.
N’y a-t-il pas dans notre pays deux poids, deux mesures ?
D’un côté, de grands ensembles n’en finissent pas de prolonger, en région parisienne ou ailleurs, l’espace urbain à perte de vue, entraînant une artificialisation des sols, tandis que prospèrent aussi d’autres grands ensembles, cette fois pour le tourisme de masse.
Je conçois que ces projets soient utiles, voire indispensables, compte tenu de l’accroissement de la démographie, mais, d’un autre côté, cela se traduit par le fait que, dans le domaine rural, tout est interdit, ou presque.
Comme en toute chose, il faut raison garder : on ne peut pas tout autoriser d’un côté, rien de l’autre !
Sans activité économique, les territoires ruraux finiront par se vider de leurs habitants.
M. Bruno Sido. C’est déjà fait !
M. Daniel Chasseing. L’article 12 quater rationalise la procédure de consultation de la CDPENAF et répare une injustice dont souffrent les communes rurales et les hameaux où il y a des dents creuses.
Les élus de ces secteurs sont aujourd’hui totalement écartés, voire méprisés : il n’est pas tenu compte de l’avis du conseil municipal, même si l’eau, l’électricité, le téléphone et la voirie sont présents. C’est pourquoi cet amendement vise à permettre à un représentant de la commune de participer à la réunion de la CDPENAF au cours de laquelle un projet d’aménagement ou d’urbanisme de cette commune est examiné, cet élu disposant d’une voix délibérative.
Les maires ne doivent pas être contournés dans cette commission. Ils sont responsables et capables d’expliquer la situation à leurs administrés, qui sont des gens raisonnables. On peut donc leur expliquer l’avis de la CDPENAF.
Avec le système que nous proposons, le maire pourra défendre son dossier avec voix délibérative et ne sera pas considéré comme un personnage subalterne par les services de la commission.
M. Alain Fouché. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. J’entends l’argumentation de M. Chasseing, mais je rappelle que la composition de la CDPENAF garantit déjà la présence en son sein d’élus locaux et de représentants des groupements de collectivités territoriales. On peut donc penser que la prise en compte des enjeux communaux est assurée.
Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je trouve cet amendement intéressant, parce qu’il offre un atterrissage en douceur à la discussion que nous venons d’avoir. Permettre aux maires de venir s’expliquer devant la commission, celle-ci conservant toutes ses prérogatives, me paraît une formule habile et utile. Madame la rapporteur, je regrette donc que vous nous demandiez de voter contre l’amendement.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur Sido, le maire peut déjà venir devant la commission défendre son projet. Il n’est pas question de l’exclure de toute consultation. (M. le ministre opine.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Jusqu’à présent, monsieur le ministre, le maire n’est pas invité à cette commission et n’a aucune voix délibérative.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 276 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 12 quinquies A (nouveau)
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le 2° de l’article L. 153-31 est complété par les mots : « , sauf lorsque cette réduction est d’une ampleur très limitée, indispensable à la réalisation de constructions ou d’installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu’ils ne sont pas incompatibles avec l’activité agricole, pastorale ou forestière exercée sur leur terrain d’assiette et qu’il n’est pas porté atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages » ;
2° L’article L. 153-41 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Soit de permettre la réalisation d’équipements d’intérêt collectif nécessitant une réduction d’une zone agricole ou naturelle. »
M. le président. L’amendement n° 552, présenté par MM. Duran et Daunis, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Duran.
M. Alain Duran. La commission des affaires économiques a autorisé le recours à la modification normale du PLU plutôt qu’à sa révision pour la réalisation d’équipements d’intérêt collectif, lorsque la consommation des espaces A et N est limitée.
Ainsi, lorsqu’une commune décide de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, la procédure de révision du PLU ne serait plus obligatoire si cette réduction est « indispensable à la réalisation de constructions ou d’installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu’ils ne sont pas incompatibles avec l’activité agricole, pastorale ou forestière exercée sur leur terrain d’assiette et qu’il n’est pas porté atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ».
Cette disposition revient sur une mesure de protection des zones naturelles et agricoles inscrite dans notre droit depuis la loi du 13 décembre 2000, dite loi SRU. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission est défavorable à la suppression de l’article. Je rappelle aux auteurs de l’amendement que la mesure adoptée par la commission est limitée dans son champ d’application aux équipements collectifs ne causant qu’une réduction d’ampleur très limitée. Elle va, me semble-t-il, dans le sens d’une simplification procédurale judicieuse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement.
L’article 12 quinquies A, introduit par la commission des affaires économiques, est satisfait par le droit actuel sur le premier point de son dispositif. En effet, les constructions et installations d’équipements collectifs respectant les caractéristiques de la zone sont déjà autorisées en zone agricole ou naturelle sans ouverture à l’urbanisation, sans qu’il soit nécessaire de passer par une procédure de révision.
S’agissant de la disposition autorisant l’implantation d’équipements d’intérêt collectif ne respectant pas les caractéristiques de la zone via une simple procédure de modification simplifiée, nous considérons, comme les auteurs de l’amendement, que l’impact paysager et environnemental de tels projets doit être mesuré et ne revêtir qu’un caractère exceptionnel, afin d’éviter l’aggravation du mitage et de la perte de vocation des espaces naturels et agricoles, par nature inconstructibles.
En outre, de tels projets peuvent entraîner une perte importante de surfaces agricoles ou naturelles. Or, aujourd’hui, le code de l’urbanisme offre la possibilité d’autoriser de telles constructions via les secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, les STECAL, autorisés par une procédure de révision du PLU.
L’impact de tels projets devant être précisément mesuré et débattu avec la population et les élus, une procédure de modification simplifiée hors STECAL paraît contraire à l’objectif de protection de ces espaces. C’est pourquoi nous souhaitons le retour au dispositif initial.
M. le président. L’amendement n° 1095, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
et des paysages
par les mots :
ou des paysages
II. - Alinéa 3
Remplacer la référence :
un 4°
par la référence :
un 5°
III. - Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° Soit de permettre la réalisation d’équipements d’intérêt collectif nécessitant une réduction d’une ampleur très limitée d’une zone agricole, naturelle ou forestière. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement de coordination vise à mentionner les zones forestières au côté des zones naturelles et agricoles.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. En réalité, il ne s’agit pas d’une simple précision rédactionnelle : l’amendement vise à appliquer le nouvel article 12 quinquies A aux zones forestières, en plus des zones agricoles et des zones naturelles.
La commission des affaires économiques a créé un dispositif qui, comme les STECAL, permet l’implantation d’équipements collectifs ne respectant pas les caractéristiques de la zone agricole ou naturelle. Or l’article R. 123–8 du code de l’urbanisme dispose déjà que les zones naturelles et forestières sont dites zones N.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 12 quinquies A, modifié.
(L’article 12 quinquies A est adopté.)
Article 12 quinquies
I. – La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme est ainsi modifiée :
1° L’article L. 121-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l’environnement, des particularités locales et de la capacité d’accueil du territoire, les modalités d’application des dispositions du présent chapitre. Il détermine les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l’article L. 121-8, et en définit la localisation. » ;
2° L’article L. 121-8 est ainsi modifié :
a) Les mots : « soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement » sont remplacés par les mots : « en continuité avec les agglomérations et villages existants » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau mentionnés à l’article L. 121-13, à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement et d’implantation de services publics, lorsqu’elles n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs.
« L’autorisation d’urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. »
I bis (nouveau). – Pour la mise en œuvre du I du présent article, il peut être recouru aux procédures de modification simplifiée prévues aux articles L. 143-37 à L. 143-39 du code de l’urbanisme pour le schéma de cohérence territoriale et aux articles L. 153-45 à L. 153-48 du même code pour le plan local d’urbanisme, à condition qu’elles aient été engagées avant le 31 décembre 2021.
II. – Jusqu’au 31 décembre 2021, lorsque le schéma de cohérence territoriale n’a pas localisé les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions et installations qui n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées dans ces secteurs avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
III. – Dans les communes de la collectivité de Corse n’appartenant pas au périmètre d’un schéma de cohérence territoriale en vigueur, pour l’application du dernier alinéa de l’article L. 121-3 du code de l’urbanisme, de l’article L. 121-8 et du II du présent article, le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse peut se substituer à ce schéma.
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, sur l’article.
M. Michel Vaspart. Les quatre articles dont nous abordons l’examen nous offrent l’occasion de débattre, pour la troisième fois en quelques années, d’un sujet sur lequel le Sénat mène depuis longtemps un travail de fond.
Ce travail a commencé par le rapport d’information de notre ancienne collègue Herviaux et de notre collègue Jean Bizet, qui mettait en lumière les dérives de la jurisprudence sur la loi Littoral et avançait un certain nombre de recommandations pour y remédier.
Ensuite, il y a eu la proposition de loi sur le recul du trait de côte, présentée par une députée socialiste et dont j’ai été ici le rapporteur. J’y avais ajouté un article prévoyant en particulier des allégements de la jurisprudence, mais la procédure n’a pas été jusqu’à la deuxième lecture, du fait notamment de l’élection présidentielle et des élections législatives.
C’est pourquoi j’ai écrit l’été dernier une proposition de loi, examinée par notre assemblée au mois de janvier dernier et adoptée à une très large majorité.
Nous aurons l’occasion d’en reparler au fur et à mesure des amendements, mais je voudrais à cet instant dire haut et fort qu’on ne veut pas entendre qu’il y aurait des bétonneurs et d’autres qui ne le seraient pas.
Nous sommes, moi le premier, particulièrement attachés à la loi Littoral, qui a rendu d’immenses services au littoral. Seulement, on a laissé dériver la jurisprudence, qui aujourd’hui rend les choses impossibles. Les maires sont dans une insécurité juridique totale, et les communes littorales sont bloquées sur un certain nombre de sujets, y compris les professionnels.
Le Président de la République s’est engagé lors du Congrès des maires de France. Tout récemment, en visite à Saint-Brieuc, devant huit parlementaires, le président de la région, le président du département des Côtes-d’Armor, le préfet de région et le préfet, il a soutenu les quatre modifications que je lui ai présentées devant cet ensemble de parlementaires.
Monsieur le ministre, j’aurais donc du mal à comprendre que, alors qu’il le souhaite, on ne puisse pas aboutir sur la modification législative des excès de la jurisprudence sur la loi Littoral ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Le présent article met à mal les principes posés par la loi Littoral de 1986, qui permettait pourtant de tenir un équilibre, certes précaire, entre la préservation nécessaire de nos littoraux et la prise en compte de la démographie croissante à laquelle doit faire face notre pays.
À cet effet, cette loi se fondait sur deux principes : un développement urbain uniquement dans la continuité des villes et villages existants et la protection, pour des raisons environnementales et esthétiques, des littoraux sur un espace de cent mètres au-delà des rivages. L’article 12 quinquies remet en cause ce dispositif en entérinant le principe de constructions sur les littoraux, si celles-ci répondent à des besoins de logement ou de développement de services publics.
L’intention est bien sûr louable : nous avons, certes, besoin de plus de services publics et de logements plus nombreux, notamment pour les plus précaires. Toutefois, cette solution comporte un écueil de taille : elle est la porte ouverte à toutes les dérives. En effet, si une dérogation était consentie pour le service public et le logement social, qu’est-ce qui empêcherait, plus tard, la prolifération sur les littoraux de complexes hôteliers ou de locaux relevant du secteur privé ?
Alors même que la loi ALUR permet déjà un certain nombre de dérogations, fermement encadrées, afin de densifier et d’améliorer l’offre de logements, l’exécutif, probablement au service de lobbies de l’immobilier, souhaite étendre cette possibilité au mépris de toute logique environnementale.
« Make our planet great again ! », a dit voilà plus d’un an Emmanuel Macron, exhortant les chefs d’État du monde à respecter leurs engagements internationaux en matière environnementale. Cela ne concernait de toute évidence pas la préservation de nos littoraux…
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, sur l’article.
M. Michel Canevet. Passionnel, notamment dans cet hémicycle, le sujet que nous abordons est important, parce qu’il importe, à mon sens, de tenir compte de la réalité de ce que connaissent les élus qui vivent les questions liées à la loi Littoral. Je n’aimerais pas que ceux d’entre nous qui ne connaissent pas ni ne pratiquent la loi Littoral viennent faire la leçon à ceux qui connaissent les problèmes au jour le jour. (MM. Loïc Hervé, Jean Bizet et Alain Marc applaudissent. – Mme Esther Benbassa s’exclame.)
Nous avons eu le plaisir d’accueillir le Président de la République en Bretagne pendant deux jours au mois de juin dernier. Le 21 juin, il a prononcé à Quimper un discours affirmant la nécessaire ambition maritime de la France.
Permettez-moi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de donner lecture de la partie de ce discours qui concerne la loi Littoral : « Mais vous n’êtes pas non plus tombés dans le conservatisme qui fait que, tout en protégeant légitimement la côte, le littoral, plus aucun projet ne serait possible. Je sais, nous l’avons vu hier encore, que certains élus ont vécu avec cruauté – nous en parlions ce matin – les projets qui ont pu être bloqués, parce que, progressivement, nous avons construit ce qui est sans doute une vision excessive de la fameuse loi Littoral. »
Et le chef de l’État de poursuivre : « Mais tout cela, c’est quoi ? C’est le fruit d’une vision qu’on n’arrive plus à expliquer avec bon sens. On veut protéger le littoral, et nous allons continuer à le faire. La loi Littoral est une bonne loi et sera préservée, mais elle a des aberrations. Quand un acteur économique ou touristique est là de tout temps et qu’il lui faut revoir ses structures, les étendre un peu dans le cadre des documents d’urbanisme pris en vertu de la loi, donc dans le respect de ladite loi, il faut qu’on puisse trouver les bons aménagements. »
Le Président de la République continuait en ces termes : « Lorsqu’on demande à une station d’épuration ou un centre nautique d’être réhabilité et qu’on lui dit : à cause de la loi Littoral, ce ne sera plus possible, on ne peut pas expliquer légitimement, face aux jeunes qu’on ouvre à la mer et au goût de la mer, qu’on va encourager ce goût en fermant le centre nautique. Il faut, là aussi, un peu de pragmatisme et de bon sens. Je crois que vos élus en ont et je pense que les avancées commencées à l’Assemblée nationale seront poursuivies au Sénat pour permettre de traiter ce sujet. »
« Et l’autre sujet que, je dois dire, j’ai découvert il y a près d’un an chez vos voisins du Morbihan – Jacques Le Nay était là tout à l’heure –, c’est ce fameux sujet des dents creuses, une spécialité pas tout à fait uniquement bretonne,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Également corse !
M. Michel Canevet. … mais très bretonne, qui là aussi est un peu une aberration de la loi Littoral qui sera corrigée par le texte. »
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’espère que vous entendez bien le message qu’a diffusé le Président de la République en Finistère ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, sur l’article.
M. Jean-Luc Fichet. Nous nous félicitons de l’introduction au sein du projet de loi ÉLAN de cet article qui permettra de remédier à de nombreuses difficultés d’urbanisme en Bretagne, liées à la constructibilité des dents creuses, ces espaces intermédiaires non construits mais entourés d’espaces bâtis.
Les dispositions introduites sont des mesures d’équilibre qui ne remettent aucunement en cause les fondements de la loi Littoral, contrairement à ce qu’on a prétendu, mais visent à définir des règles d’urbanisation claires afin de mettre fin aux lourdes difficultés rencontrées par les propriétaires des terrains concernés, ainsi que par les maires, qui font face à de nombreux contentieux en la matière.
Le code de l’urbanisme prévoit jusqu’à présent que, dans les communes littorales, l’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement.
L’article 12 quinquies fait disparaître le terme « hameaux » de l’article L. 121–8 du code de l’urbanisme et le remplace par l’expression « secteurs déjà urbanisés », soit précisément ce que nous proposions par voie d’amendements en janvier dernier, lors de l’examen de la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux. La notion de hameaux n’est en effet pas satisfaisante, car des dents creuses existent également dans des secteurs qui ne peuvent être qualifiés d’agglomérations ni de villages existants, mais qui sont trop importants pour être qualifiés de hameaux.
En outre, avec l’introduction de cet article 12 quinquies, c’est le SCOT qui aura la responsabilité de définir les zones où pourront être comblées les dents creuses. Seuls des logements et équipements de service public pourraient être construits ou installés dans ces dents creuses. L’autorisation serait refusée si ces constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou au paysage.
La possibilité de densifier les formes urbaines intermédiaires entre le village et l’urbanisation diffuse ne s’appliquera ni dans la bande des 100 mètres ni dans les espaces proches du rivage.
La commission des affaires économiques du Sénat a adopté un amendement visant à préciser les modalités d’intégration de cette disposition dans les documents d’urbanisme locaux, les SCOT et les PLU. Il s’agit d’éviter une procédure de révision de ces documents longue – plusieurs années – et coûteuse – plusieurs centaines de milliers d’euros – pour les collectivités territoriales, en prévoyant la possibilité de recourir, jusqu’au 31 décembre 2021, aux procédures de modification simplifiée prévues par le code de l’urbanisme.
De même, la durée du dispositif transitoire institué dans cet article a été allongée jusqu’au 31 décembre 2021, afin de permettre aux préfets de débloquer la situation locale.
Nous soutenons donc l’ensemble de ces dispositions et souhaitons un large soutien à l’article 12 quinquies au sein de notre hémicycle !
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. Après d’autres, je veux affirmer que la loi Littoral est un bien commun.
Pourquoi cette loi est-elle à ce point un totem ? Parce qu’elle montre une capacité de la société française à gérer collectivement ses espaces plus forte que celle des pays voisins.
Mes chers collègues, il est extrêmement important de considérer que nous sommes collectivement capables de défendre un bien commun, là où beaucoup d’autres ont échoué, du fait de la pression des intérêts privés et de la perméabilité des élus locaux à ces intérêts. Je ne ferai pas la liste complète et je ne serai pas trop donneur de leçons pour les pays alentour. Ils ont, en tout cas, détruit leur bien commun. (M. Philippe Bas opine.)
La loi Littoral, c’est ainsi la force de la société française. C’est pourquoi, comme dirait le président Larcher pour la Constitution, il ne faut y toucher que d’une main tremblante.
Je pense que l’article 12 sexies, que nous examinerons dans quelques instants, comporte des mesures un peu dangereuses ; il faut que nous en discutions.
Sur ce sujet, contrairement à d’autres pour lesquels – j’assume mes propos précédents – l’affirmation de postures a pris le pas sur l’écriture de dispositions opérationnelles, on sent la volonté d’aller plutôt vers un dispositif applicable. Néanmoins, je le répète dans cet hémicycle après en avoir longuement discuté avec Michel Vaspart, je ne pense pas que cela réglera tout.
Il faut à un moment que nous nous mettions d’accord – je sais qu’il y a sur le sujet des clivages politiques – sur un lieu où nous puissions régler des problèmes que la loi ne prévoira jamais. Ainsi, pour l’aéroport de Guipavas, éloigné du rivage mais soumis à la loi Littoral, ce qui pose des problèmes – je le mentionne pour montrer que nous connaissons les uns et les autres des exemples concrets –, ce n’est pas la loi qui réglera les questions.
Je reste convaincu qu’on n’est pas passé loin de la catastrophe dans les années quatre-vingt, même sur le littoral breton. Regardez les lotissements de ces années-là : on n’est pas passé très loin de massacrer notre propre littoral, mais on est revenu en arrière ensuite.
Si nous ne réfléchissons pas à un lieu où élus locaux, État et associations de protection de l’environnement et du patrimoine peuvent se mettre d’accord sur une dérogation pour laquelle il y a consensus, on aura toujours des difficultés avec la loi Littoral. Réfléchissons donc à ce lieu de construction du consensus, même si nous voyons bien que nous avons du mal à y arriver, car sinon nous aurons toujours des problèmes !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Voilà des années que nous travaillons sur ces questions.
Je tiens à rappeler le travail de la mission d’information conduite par notre collègue Bizet et notre ancienne collègue Herviaux. Je rappelle aussi les votes constants sur cette question de la commission des lois, de la commission de l’aménagement du territoire et, aujourd’hui, de la commission des affaires économiques.
Je voudrais que l’on cesse de faire à toutes ces initiatives une sorte de procès en sorcellerie. Oui, nous sommes profondément attachés à la loi Littoral. Oui, cher collègue Dantec, cette loi est notre bien commun, et nous devons la défendre.
Mais je vous signale qu’aucune disposition de la loi Littoral n’interdit la construction dans les dents creuses : c’est une construction des jugements de tribunal administratif, et, d’ailleurs, il y a eu dans la jurisprudence de ces tribunaux de grandes différences d’appréciation.
Il s’agit donc, d’une manière limitée et en protégeant ce bien commun, de faire en sorte que, sans être sur le rivage, sans avoir vue sur la mer et à l’intérieur de hameaux déjà construits, sur des terrains qui sont encadrés par deux constructions existantes, on puisse désormais construire.
Dans le département de la Manche, nous avons le deuxième plus long littoral de France métropolitaine. Nous cherchons bien sûr à le protéger, car c’est notre richesse, mais nous ne pouvons absolument pas continuer à accepter que des retraités qui ont acheté un terrain constructible voilà vingt ans, alors que la loi Littoral était déjà applicable, ne puissent pas faire construire la maison de leurs rêves pour leur retraite, alors qu’il n’y a aucun préjudice pour l’environnement.
Le Président de la République reconnaît des « aberrations ». Les témoins sont nombreux, à l’instar de nos collègues Vaspart et Canevet, que nous venons d’entendre.
Il est temps maintenant que le Gouvernement entende le Président de la République comme la représentation nationale et qu’on mette un terme à ces difficultés qui n’ont que trop duré, pour rendre la justice en faveur des propriétaires de ces petits terrains : ils devront pouvoir construire demain, sur autorisation du préfet et avec des documents d’urbanisme qui le leur permettront ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe Union Centriste. – Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit également.)
M. Jean-Pierre Vial. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, sur l’article.
Mme Évelyne Perrot. Je suis, moi aussi, attachée à la loi Littoral, mais sachez, mes chers collègues, qu’elle ne concerne pas seulement les bords de mer. Dans mon village de pleine terre, entouré par 5 000 hectares de plan d’eau, la loi s’applique sur la totalité du territoire communal, soit 2 000 hectares. Je vous assure qu’un peu de souplesse, ce serait drôlement bien, parce que nous avons besoin de nous développer ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 149 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 739 rectifié quinquies est présenté par Mmes Lienemann et G. Jourda, MM. Tourenne, Duran et Tissot, Mmes Meunier et Monier, MM. Jacquin et Kerrouche et Mme de la Gontrie.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 149.
Mme Michelle Gréaume. Nous en arrivons à un sujet qui préoccupe beaucoup le Sénat : les dents creuses. Il s’agit en réalité d’une énième attaque contre la loi Littoral.
Mes chers collègues, ne nous y trompons pas : les dangers qui ont conduit à l’adoption de la loi Littoral ne sont pas derrière nous, mais devant nous. La préservation de notre patrimoine littoral est, aujourd’hui encore, un enjeu majeur.
L’article 12 quinquies prévoit plusieurs évolutions, dont le remplacement de la notion de « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement », appréciée de manière extrêmement limitative par la jurisprudence, par celle de « secteurs déjà urbanisés », qui s’oppose à l’urbanisation diffuse.
Pour notre part, nous estimons que des évolutions sont envisageables et nous en avons proposé. En particulier, nous considérons qu’il vaut mieux densifier là où il existe déjà des éléments bâtis avec un caractère structuré et regroupé plutôt que d’empiéter sur des zones non urbanisées. Dans ce cadre, la disparition de la notion de « hameaux nouveaux » nous convient.
Pour autant, comme nous l’avons déjà dit, nous aurions aimé que soit mené un travail de définition sur les notions qui conditionnent la possibilité de construction dans ces zones.
Nous souhaitons ainsi que soient définies les notions d’agglomération, de village, mais également de zone déjà urbanisée, ce qui permettra de prendre en compte les hameaux déjà construits où se situent les dents creuses.
La jurisprudence concernant la loi Montagne est plus claire. Nous savons, par exemple en Isère, qu’un groupement est constitué à partir de quatre maisons distantes de moins de cinquante mètres, et que dans ce cadre, et uniquement dans ce cas, il est possible de densifier.
La définition actée dans le présent article issue des travaux de la commission est trop large. Il s’agit de secteurs « qui se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipement ou de lieux collectifs ». Rien donc sur le caractère regroupé des habitations.
Une telle définition, qui donne la responsabilité aux SCOT de localiser ces zones, semble ouvrir la voie à une urbanisation trop large, atomisant ainsi la loi Littoral.
Nous proposons donc la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 739 rectifié quinquies.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai bien entendu l’argument de notre collègue Canevet, selon lequel seuls ceux qui sont concernés par un sujet peuvent en parler. (M. Michel Canevet s’exclame.) Je lui rappellerai qu’il intervient sur toute une série de sujets où il n’est pas concerné, notamment lorsqu’il s’agit de la politique des banlieues. Nous sommes les représentants de la Nation dans son entièreté, mon cher collègue ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Julien Bargeton et Ronan Dantec applaudissent également.)
Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’on n’est pas élu ou maire d’une commune concernée par la loi Littoral qu’on ne connaît pas les problèmes qui peuvent s’y poser. Il se trouve que j’ai eu à débattre de la remise en cause de la loi Littoral exactement sur ce genre de critères au moment des accords Matignon sur la Corse.
M. Jean-Jacques Panunzi. Ah ! Attention !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Fort heureusement, le Parlement n’avait alors pas retenu les exceptions qui étaient proposées. Il n’y a pas qu’en Bretagne, cher collègue, que la loi Littoral peut créer des obstacles et des contraintes. De nombreux territoires de la Nation sont concernés.
Or la preuve a été faite qu’en maintenant rigoureusement cette loi, on n’a empêché aucun projet sérieux, par exemple de centre nautique, d’être mené à bien. Peut-être pas où vous auriez voulu qu’il soit, mais il a quand même été ouvert. Une solution a toujours été trouvée.
Par ailleurs, on le découvre a posteriori, un certain nombre de sites que l’on demandait à rendre constructibles ont subi des submersions. Fort heureusement, les autorisations n’avaient pas été accordées !
Je le dis tout net : notre intelligence collective est capable de maintenir avec rigueur la loi Littoral et de répondre aux attentes de nos concitoyens. La qualité de notre littoral, tant sur le plan touristique qu’en termes de sécurité de l’habitat ou de refus de l’émiettement de l’urbanisation en dépend. Nous avons réussi à maintenir cette loi jusqu’à présent, et la France n’en est pas affaiblie, notamment du point de vue touristique.
En outre, dans bien des endroits, la tentation de construire tout près du bord de mer plutôt que de revaloriser de petits villages proches dans les terres n’est pas une bonne idée pour le développement de notre pays.
Monsieur le ministre, je partage l’avis du ministre d’État Nicolas Hulot qui, en février 2017, signait comme moi une pétition pour que la loi Littoral ne soit en rien modifiée.
C’est dans ce sens que je présente cet amendement. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Comme un certain nombre de mes collègues l’ont déjà fait, je répète qu’il ne s’agit ni d’affaiblir la loi Littoral ni d’un passage en force comme on peut l’entendre, mais qu’il s’agit simplement de trouver des solutions précises et encadrées à des problèmes précis et identifiés.
Un grand nombre de collègues présents sur les différentes travées de cet hémicycle demandent des possibilités plus flexibles pour combler les dents creuses du littoral.
Le présent article permet de le faire de façon encadrée mais territorialisée via les documents locaux d’urbanisme. Cela va justement dans le sens de la proposition de loi de Michel Vaspart. Les constructions limitées et n’étendant pas l’urbanisation seront permises dans les secteurs qui sont déjà urbanisés avec avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
Arrêtons de faire des procès d’intention ! Nous n’affaiblissons pas la loi Littoral, nous voulons simplement l’adapter et faire en sorte que l’on trouve des solutions précises à des problèmes bien précis et identifiés dans les territoires.
L’avis est défavorable. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Permettez-moi à cette occasion de préciser la position du Gouvernement sur ce sujet important qui non seulement a fait couler beaucoup d’encre, mais fait beaucoup de vagues. (Sourires. – On apprécie la formule sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Michel Canevet. Pas en Méditerranée !
M. Marc-Philippe Daubresse. Il ne faut pas rester ensablé !
M. Jacques Mézard, ministre. La position du Gouvernement a été clairement exprimée à l’Assemblée nationale. Nous sommes très attachés à la loi Littoral, à son architecture et à ses principes fondamentaux qui remontent à 1986. Il n’est aucunement question pour le Gouvernement de revenir sur ces derniers. Je l’ai dit et je l’ai rappelé à de nombreuses reprises lors du débat à l’Assemblée nationale et depuis.
J’ajoute, en réponse aux interpellations qui m’ont été adressées, que ce sujet n’était pas dans le texte initial du Gouvernement. Il a été introduit par des députés qui se trouvent être bretons bien que le sujet puisse concerner d’autres territoires, et pas seulement marins.
M. Alain Marc. Tout à fait !
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement a donc coconstruit le texte avec l’Assemblée nationale pour tenir compte de la volonté exprimée de résoudre quelques cas particuliers qui sont régulièrement soulevés. On peut donc reconnaître au Gouvernement sa faculté à ne pas considérer son texte comme intangible, et sa capacité à aborder, sans en faire un tabou, la question des dents creuses.
À la suite d’un débat constructif devant l’ensemble des députés, le ministre d’État en charge de la transition écologique et solidaire – qui a été précédemment cité – et moi-même avons fait, le 1er juin dernier, un communiqué de presse conjoint : « Nicolas Hulot et Jacques Mézard saluent le travail du Parlement pour préserver la loi Littoral et prendre en compte les réalités locales ».
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais bien sûr !
M. Jacques Mézard, ministre. Les dispositions votées par l’Assemblée nationale ont reçu l’assentiment du ministre d’État et de l’ensemble du Gouvernement.
Le bilan de la loi Littoral est très positif. Elle a permis d’organiser le développement équilibré de nos territoires littoraux et de préserver nos côtes depuis trente ans – il est d’ailleurs exact de dire qu’elle est assez enviée par les pays voisins. Elle a complété des dispositifs de protection de nos côtes, comme l’action foncière du Conservatoire du littoral (M. Ronan Dantec opine.) dont tout le monde reconnaît aujourd’hui l’utilité.
Cette loi n’est pas un outil coercitif qui empêche de construire. Les territoires concernés ayant globalement connu une expansion démographique très claire, on ne peut pas dire que la loi Littoral a été un frein au développement (M. Ronan Dantec opine de nouveau.) de la démographie et de la vie économique de ces territoires. Au contraire, elle en a préservé l’essentiel puisque ces communes littorales ont connu un accroissement de leur population, qui, pris dans sa globalité, est très largement supérieur à celui du reste du territoire depuis 1986.
L’Assemblée nationale et la commission des affaires économiques ont proposé de modifier quelques éléments de la loi Littoral en introduisant des dispositions permettant de densifier les dents creuses. Il s’agit d’une demande régulièrement exprimée au cours de nombreux débats par des parlementaires de sensibilités diverses, personne n’étant jusqu’à présent parvenu à faire évoluer la loi sur ce point.
Le Gouvernement a donc donné son accord à l’introduction d’une disposition à l’article 12 quinquies permettant de densifier les dents creuses dans les hameaux sous réserve que ceux-ci soient suffisamment denses et structurés, identifiés par le SCOT et délimités par le PLU.
Il a également donné son accord à l’introduction, à l’article 12 sexies, de dispositions permettant de faciliter l’implantation de bâtiments agricoles qui ne sont pas incompatibles avec le voisinage des zones habitées, sous réserve qu’ils soient situés en dehors des espaces proches du rivage et après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, la CDNPS, et de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, la CDPENAF.
Il est également précisé que ces constructions doivent être nécessaires à l’exploitation agricole et pas seulement liées à une telle exploitation, et que les changements de destination sont interdits – sinon, c’était la porte ouverte à tout et n’importe quoi. Nous n’avons pas souhaité aller au-delà.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces deux amendements, et à défaut, il émettra un avis défavorable, car il ne souhaite pas la suppression pure et simple de l’article 12 quinquies – ce serait contradictoire avec la position du Gouvernement dans le débat qui s’est tenu précédemment à l’Assemblée nationale.
En revanche, nous ne sommes pas d’accord avec toutes les évolutions qui sont proposées par la commission sénatoriale. Nous aurons donc à exprimer notre position au cas par cas, mais globalement, telle est la position du Gouvernement : ne pas être bloqué, et nous l’avons montré, sur la question des dents creuses et trouver des solutions pour résoudre des problèmes marginaux correspondant à des réalités locales tout en préservant rigoureusement l’architecture de la loi Littoral dont le bilan est extrêmement positif.
Cela étant dit, nous ne pouvons pas être d’accord avec certaines extensions proposées. Le Gouvernement, heureusement suivi par l’Assemblée nationale, s’est ainsi opposé en séance publique à une disposition introduite en commission par le rapporteur de l’Assemblée nationale permettant l’installation de centrales photovoltaïques au sol.
Oui, pour résoudre la question des dents creuses, non pour élargir beaucoup trop certaines dérogations : telle est la position du Gouvernement.
Je maintiens toutefois que certaines adaptations sont souhaitables. Il ne s’agit ni d’un totem intangible ni de la Bible, mais d’une loi qui peut être modifiée par le Parlement. (MM. Michel Vaspart, Jean Bizet et Jean-Jacques Panunzi applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je salue la sagesse du Gouvernement sur la présente proposition rédactionnelle, qui me semble tout à fait bonne.
En revanche, je ne partage pas du tout l’argumentation des auteurs des amendements. S’il est nécessaire de faire évoluer le texte, c’est bien parce que l’on a constaté sur le terrain qu’il y avait de très nombreuses difficultés d’appréciation de la loi Littoral. Or on ne peut à chaque fois s’en remettre aux décisions des tribunaux.
La définition des hameaux et des agglomérations n’étant pas la même sur tous les territoires, une approche différenciée est nécessaire. Il me semble de bon sens que ces définitions relèvent des SCOT, car ces documents sont partagés par l’ensemble des élus. Cela permettra d’avoir une approche globale pertinente et de prendre en compte la réalité des besoins.
S’il est vrai que certains territoires littoraux voient leur population augmenter, ce n’est pas le cas de tous, monsieur le ministre, et certains secteurs littoraux sont en grande difficulté.
Notre volonté n’est pas d’urbaniser la bande littorale, mais de permettre à nos concitoyens d’habiter dans l’espace rétrolittoral et que des opérations d’aménagement, fussent-elles collectives, puissent y être menées, ce qui n’est actuellement pas possible.
J’en appelle au bon sens de notre assemblée : nous devons prendre en compte la réalité des problèmes vécus par les élus des communes littorales et faire évoluer la loi Littoral de façon extrêmement modeste, comme cela est proposé, sans pour autant en remettre en cause l’esprit.
En tant qu’ancien maire d’une commune littorale, je partage avec l’ensemble des élus littoraux la volonté de protéger le littoral, de préserver son attractivité et de ne pas le gâcher. (MM. Jacques Le Nay, Sébastien Meurant et Yves Bouloux applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.
M. Michel Vaspart. Je voudrais juste rappeler à M. le ministre, mais nous avons eu l’occasion d’en parler, que le problème n’est pas seulement breton, il concerne l’ensemble du littoral et également les lacs de montagne. Si les Bretons y sont particulièrement sensibilisés, c’est parce que le littoral breton est très important et présente une configuration de l’habitat un peu particulière, nous y reviendrons tout à l’heure lors de la discussion d’autres amendements.
Il reste que de réelles difficultés d’application de cette jurisprudence se posent sur l’ensemble du territoire français, depuis les Hauts-de-France jusqu’au Pays basque en passant par la côte méditerranéenne – bien que l’un des départements de la Méditerranée soit tellement urbanisé que le problème ne s’y pose plus.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 149 et 739 rectifié quinquies.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 296 rectifié bis, présenté par Mmes Morhet-Richaud et Garriaud-Maylam, M. Bonhomme, Mme Bories et MM. Brisson, Gremillet et Priou, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. L’application de la loi Littoral, notamment dans les territoires de montagne – où je rappelle qu’elle s’applique aux lacs de montagne de plus de 1 000 hectares – conduit à de grandes difficultés de développement pour ces territoires relevant à la fois de la loi Montagne et de la loi Littoral.
Aux termes de la loi Littoral, les seules possibilités d’extension doivent se faire soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. La définition d’une agglomération, d’un village ou d’un hameau est explicitée dans l’instruction du 7 décembre 2015.
Or dans ces territoires spécifiques, même ce qui existe est contraint puisqu’on ne permet pas à certaines urbanisations de s’étendre.
Par ailleurs, la constructibilité en continuité n’est ni toujours possible, du fait par exemple des risques naturels, ni toujours souhaitable, car elle pourrait compromettre la préservation des paysages naturels ou bâtis, ou de l’environnement, dans le cas notamment des zones humides.
De plus, la constructibilité en continuité n’est pas une garantie de protection des paysages et de l’environnement.
La seule possibilité qui nous était offerte pour déroger à la constructibilité en continuité était la création d’un hameau nouveau intégré à l’environnement. Supprimer la possibilité de créer un tel hameau est la garantie certaine de figer un territoire, sur le plan tant résidentiel qu’économique, et plus précisément touristique, qui est un enjeu majeur des territoires de montagne.
Conserver la possibilité de créer un hameau nouveau, c’est garder une chance d’évolution et de développement face à une réglementation déjà très contraignante, afin de trouver un équilibre dans le développement des territoires de montagne.
Cet amendement vise donc à supprimer l’alinéa 5.
M. le président. L’amendement n° 691 rectifié bis, présenté par Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. Pellevat et Rapin, Mme Garriaud-Maylam, MM. Priou, Bonhomme, Savin et Mandelli, Mme Bories, MM. Genest, H. Leroy et Revet et Mmes Imbert et Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le a du 2° du I ne s’applique pas aux projets déjà engagés par les maîtres d’ouvrage sur les territoires soumis à la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ou à la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Il s’agit d’un amendement de repli visant à éviter de sanctionner les projets déjà engagés dans des communes relevant à la fois de la loi Montagne et de la loi Littoral.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Ma chère collègue, le projet de loi remplace la notion de hameau aux contours jurisprudentiels flous par la notion de secteur déjà urbanisé dont les contours seront définis par les documents locaux d’urbanisme de manière territorialisée.
L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° 296 rectifié bis.
En revanche, bien que l’entrée en vigueur du présent projet de loi ne remette pas en cause les projets déjà autorisés, dans l’attente de la traduction dans les documents locaux d’urbanisme des nouvelles dispositions l’adoption de l’amendement n° 691 rectifié bis permettra de sécuriser les projets en cours d’autorisation.
L’avis est donc favorable.
M. Jacques Genest. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. L’amendement n° 296 rectifié bis vise à revenir sur la suppression du hameau nouveau intégré à l’environnement qui est introduit par l’article 12 quinquies.
En l’état actuel du droit, l’extension de l’urbanisation se réalise sur le littoral soit en continuité de village ou d’agglomération, c’est-à-dire en continuité de secteurs présentant un nombre et une densité significative de constructions, soit dans un hameau nouveau intégré à l’environnement.
Or il n’existe pas de définition claire du hameau nouveau intégré à l’environnement. En l’absence de remontée de terrain significative à ce sujet, il nous est apparu opportun, sur la base de l’évolution du texte sur les dents creuses, de supprimer cette notion.
L’avis est donc défavorable.
L’amendement de repli n° 691 rectifié bis vise à introduire des mesures transitoires permettant d’atténuer les effets de la suppression du hameau susvisé sur les projets en cours.
Dans la version actuelle de l’article 12 quinquies, la suppression du hameau nouveau intégré à l’environnement, ou HNIE, est d’application immédiate et non rétroactive, si bien que les projets qui ont déjà fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme resteront autorisés.
L’objectif visé par votre amendement est donc intégralement satisfait.
Je rappelle par ailleurs que le projet de loi dont nous débattons permet une urbanisation nouvelle des dents creuses et c’est pourquoi il écarte la constitution de hameaux nouveaux intégrés à l’environnement.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour explication de vote.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Je retire l’amendement n° 296 rectifié bis, et bien que j’aie entendu vos arguments, monsieur le ministre, je souhaite que l’amendement n° 691 rectifié bis soit soumis au vote. (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 296 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote sur l’amendement n° 691 rectifié bis.
M. Michel Vaspart. Je suis très réservé sur ce que vous venez de dire, monsieur le ministre.
Un hameau intégré à l’environnement est un hameau au milieu de rien. Il n’est donc pas vrai qu’il se définit par rapport à une urbanisation préexistante.
Il est du reste excessivement compliqué de construire un tel hameau. J’ai réussi à le faire dans ma commune au bout de neuf ans – je dis bien de neuf ans – de procédure.
Quoi qu’il en soit, une dent creuse se définit par rapport à une urbanisation déjà existante, contrairement au HNIE qui est un nouveau village construit au milieu d’un espace dédié à cet effet.
Afin de sécuriser les procédures qui ont déjà été lancées par un certain nombre de communes, je soutiens l’amendement n° 691 rectifié bis de ma collègue Patricia Morhet-Richaud.
M. le président. L’amendement n° 553, présenté par M. Daunis, Mmes Tocqueville et Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Le projet de loi tel qu’adopté par l’Assemblée nationale permet aux schémas de cohérence territoriale d’identifier les secteurs où il sera possible de construire dans les dents creuses.
Il est précisé que ces secteurs se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par leur densité et leur caractère structuré.
La commission des affaires économiques a complété l’identification de ces secteurs par les notions de densité de l’urbanisation, de continuité, de structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, et de présence d’équipements ou de lieux collectifs. Le texte adopté précise que cette liste n’est pas exclusive.
Toutefois, contrairement à l’effet recherché de sécurité juridique, cette liste nous paraît être source de difficultés d’interprétation.
Le présent amendement vise donc à supprimer cet ajout.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Nous pensons au contraire que la mention de critères tels que la densité ou la desserte permet d’harmoniser la façon dont les espaces déjà urbanisés seront définis par les PLU et par les SCOT, et ce dans un esprit de cohérence territoriale de l’application de la loi Littoral.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. L’article 12 quinquies formalise la possibilité d’édifier des constructions ou des installations dans des secteurs qui sont déjà structurés et qui comportent de nombreuses constructions, mais qui ne sont pas assimilables à un village.
Dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, cet article prévoyait d’inscrire au niveau législatif deux critères minimaux – densité et structuration – pour définir les secteurs intermédiaires, et de renvoyer au SCOT le soin de préciser ces critères en fonction des particularités locales de chaque territoire. La commission des affaires économiques du Sénat a précisé cette rédaction en explicitant le critère de structuration, avec l’existence des voies de circulation et de réseaux de distribution.
Comme je l’ai dit précédemment, nous sommes très attentifs au respect des principes de la loi Littoral, et nous considérons qu’il est important, afin d’éviter toute dérive, de conserver ces deux critères de niveau législatif.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Comme vous l’aurez compris, nous ne souhaitons pas prendre le risque, au travers de la liste établie, de créer une nouvelle instabilité juridique alors même que nous essayons de consolider les choses.
Toutefois, monsieur le ministre, puisque votre réponse est consignée dans nos débats, que vous nous dites que ce point est utilement clarifié et que vous vous engagez éventuellement à ce que la liste puisse être complétée par voie de circulaire si un problème d’interprétation apparaissait, nous sommes rassurés, et je retire donc l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 553 est retiré.
L’amendement n° 270, présenté par M. Cabanel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Sur les littoraux languedociens ayant fait l’objet d’opérations d’assainissement et de mise en accessibilité au cours du vingtième siècle à des fins d’installation d’habitats balnéaires, d’équipements touristiques ou de constructions nécessaires aux activités agricoles ou propres à l’économie de ces espaces artificialisés, les constructions équivalentes dans l’espace proche du rivage dans les secteurs déjà urbanisés sont autorisées pour relocaliser les biens touchés par l’érosion littorale.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à créer une dérogation aux dispositions prévues par le présent article pour le littoral languedocien.
Il s’agit d’éviter des situations absurdes dans les espaces proches du rivage dont certains secteurs sont déjà urbanisés, et d’y autoriser la relocalisation d’aménagements touchés par le recul du trait de côte lié à l’érosion.
La côte languedocienne présente une spécificité au regard des enjeux de fond de la loi Littoral. Dans les années soixante, elle a été aménagée sur deux cents kilomètres par l’État – c’est la mission Racine –, afin d’accueillir des activités balnéaires et nautiques destinées, non seulement à compenser les crises viticoles et le faible dynamisme industriel, mais aussi à freiner la saturation touristique de la Côte d’Azur et à accueillir de nouvelles populations.
Cette initiative est toujours citée comme exemple d’aménagement du territoire réussi, puisqu’elle a permis la mise en valeur efficace d’espaces naturels peu attractifs et a rendu la mer accessible aux bénéficiaires d’un tourisme de masse planifié, au plus grand profit des touristes eux-mêmes et des activités économiques qu’ils ont contribué à développer.
L’érosion et le recul du trait de côte rendent nécessaire l’actualisation des emplacements des aménagements réalisés en repositionnant ceux-ci dans des espaces correspondant à leur vocation, c’est-à-dire des secteurs déjà urbanisés situés dans des espaces proches du rivage, qui peuvent s’étendre jusqu’à un ou deux kilomètres à l’intérieur des terres.
L’adoption du présent amendement permettrait de concilier les objectifs de préservation figurant dans la loi Littoral avec les objectifs d’accessibilité, qui ont créé la valeur économique et écologique des espaces languedociens. En même temps, cet amendement a pour objet de préciser que les nouveaux aménagements doivent être équivalents à ceux qu’ils remplacent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. J’entends votre argumentation, votre plaidoirie en faveur des espaces proches du rivage languedocien, mon cher collègue, mais une dérogation propre à chacune des spécificités de notre pays entraînerait le dévoiement de la loi.
La dérogation que vous proposez est trop spécifique et trop peu encadrée. J’en suis désolée, mais la commission est défavorable à votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je comprends votre intérêt, monsieur le sénateur Cabanel, pour les littoraux languedociens, même si le fait de viser ces littoraux en tant que tels peut prêter à interprétation sur le plan juridique.
Au-delà de cette remarque, votre amendement tend à assouplir la loi Littoral, afin de permettre la relocalisation dans les espaces proches du rivage d’activités et de biens des littoraux languedociens touchés par le recul du trait de côte.
Or, en l’état actuel du droit, l’extension de l’urbanisation sur le littoral doit être réalisée en continuité des villages et agglomérations. Le retrait du trait de côte – le Sénat connaît bien la question pour avoir récemment voté, presque unanimement, un texte sur le sujet – est un phénomène naturel qui peut être anticipé. Il doit être appréhendé par les collectivités locales chargées de l’aménagement du territoire, dans le cadre d’une réflexion globale qui associe espaces rétrolittoraux et interface terre-mer.
Il serait donc tout à fait contradictoire que la gestion du recul du trait de côte puisse systématiquement échapper au principe d’aménagement applicable sur le littoral qui invite, au contraire, à concevoir un aménagement en profondeur et à privilégier, à la proximité immédiate de l’eau, les activités et les biens traditionnels et résilients face à la mer.
Comme je le rappelais, la question du trait de côte fait actuellement l’objet de plusieurs textes en discussion au Parlement, lesquels doivent permettre aux territoires de gérer le recul de ce trait de côte et la relocalisation des activités dans de bonnes conditions.
Le Gouvernement vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi il y sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Cette question est extrêmement importante et – cela semble assez évident – ne peut pas être traitée au détour d’un simple amendement.
À l’occasion de la première année du plan Climat, le ministre Nicolas Hulot a annoncé l’adoption du premier plan national d’adaptation au changement climatique, ou PNACC. J’ai moi-même l’honneur de présider la commission spécialisée du CNTE, le Conseil national de la transition écologique, qui a préparé le PNACC 2, parvenant à dégager un consensus de l’ensemble des acteurs, ceux qui sont impliqués dans la protection de l’environnement, mais aussi les acteurs économiques et les collectivités territoriales.
C’est pourquoi je peux vous assurer que cette question du trait de côte sera bien plus importante dans les prochaines années que celle des dents creuses. On le sait : la mer va monter, même assez vite. Il faut se préparer à la renaturation d’un certain nombre de territoires.
Deux logiques vont s’opposer : soit on continue de reculer le trait de côte de quelques centaines de mètres tous les dix ans, répondant ainsi à l’enjeu au cas par cas, soit, à un moment donné, on se projette enfin dans cinquante ou soixante ans et on recule d’un bond.
Ce point sera absolument central. Il affectera l’économie touristique d’un certain nombre de territoires, le littoral languedocien notamment. Il va falloir travailler collectivement sur ce sujet, et ne pas laisser uniquement les élus des territoires concernés le faire. Sur un tel enjeu, c’est bien la représentation nationale qui doit s’impliquer, parce que l’impact économique du recul du trait de côte nécessitera que l’on recoure à la solidarité nationale.
J’appelle vraiment à une réflexion approfondie sur cette question. Jean Bizet avait formulé des propositions, notamment en matière de péréquation financière. (M. Jean Bizet opine.) Mon collègue et moi-même ne sommes pas toujours d’accord, mais je pense qu’il a raison sur ce dossier et qu’il faut effectivement faire appel à la solidarité nationale.
Très honnêtement, on ne peut évidemment pas adopter cet amendement, surtout qu’il va plutôt dans le sens d’une solution par petits pas qui ne fonctionnera pas.
Il va falloir se mettre sérieusement autour de la table. Nous disposons de quelques années, mais il faut définir une véritable stratégie, qui passera par l’abandon d’un certain nombre de territoires que la mer va reconquérir progressivement. Il sera assez douloureux de l’accepter, mais c’est inéluctable au vu du changement climatique.
M. le président. Monsieur Cabanel, l’amendement n° 270 est-il maintenu ?
M. Henri Cabanel. J’ai bien entendu les arguments qui ont été développés, notamment par Mme la rapporteur.
Vous avez compris, mes chers collègues, qu’il s’agissait d’un amendement d’appel, qui se voulait un peu provocateur dans la mesure où, en réalité, je partage les propos de mon collègue Ronan Dantec.
Pourquoi ai-je cité la côte languedocienne, moi qui suis élu du département de l’Hérault ? C’est parce que c’est dans ce département, ainsi que dans celui des Pyrénées-Orientales, que l’on trouve l’hôtellerie de plein air la plus dense de France. En termes économiques, ce secteur pèse sur le département : cette hôtellerie y représente plus de 8 millions de nuitées, 43 000 emplois et 295 millions d’euros d’investissement chaque année.
Le recul du trait de côte est effectivement un réel problème auquel, comme l’a dit Ronan Dantec, il faut bien sûr réfléchir.
Cela étant, je retire mon amendement. (Mme Nelly Tocqueville applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 270 est retiré.
L’amendement n° 456 rectifié, présenté par M. Husson, Mme Deromedi, MM. D. Laurent et Rapin, Mmes Lassarade et Garriaud-Maylam et M. Bonhomme, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Dans le cadre de l’évolution des dispositions littorales prévues par le présent projet de loi, la possibilité offerte au plan d’aménagement et de développement durable de la Corse, le PADDUC, de se substituer au schéma de cohérence territoriale, le SCOT, en l’absence de celui-ci, pour gérer la définition des secteurs déjà urbanisés – je pense notamment aux hameaux –, pose un problème d’échelle. En effet, la définition des secteurs déjà urbanisés est un travail fin, dont le niveau de détail ne relève pas d’un document d’échelon régional.
Je le rappelle, un SCOT est l’outil de conception et de mise en œuvre d’une planification stratégique intercommunale, à l’échelle d’un large bassin de vie ou d’une aire urbaine, dans le cadre d’un projet d’aménagement et de développement durables.
Le présent amendement vise à supprimer la faculté offerte au PADDUC de se substituer au SCOT pour déterminer les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés, dans lesquels les constructions et installations peuvent être autorisées dans les secteurs littoraux, en dehors de la bande des cent mètres, les espaces proches du rivage et les rives des plans d’eau intérieurs, qui sont mentionnés à l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme.
En résumé, quand il n’y a pas de SCOT, le principe retenu est celui de l’urbanisation limitée. Avec cet amendement, nous voulons respecter cet esprit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
La Corse n’est pas bien couverte par les SCOT puisque, à ce jour, une seule intercommunalité dispose d’un tel schéma. Pourtant, une grande partie du territoire corse est soumise à la loi Littoral.
Pour ne pas bloquer le comblement des dents creuses en Corse, le PADDUC, qui couvre toute la collectivité, doit pouvoir remplir ce rôle de manière transitoire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons longuement débattu de ce sujet à l’Assemblée nationale.
La question fondamentale est de savoir comment les dispositions que nous allons adopter dans le cadre de ce projet de loi peuvent également s’appliquer en Corse.
Vous savez que la situation corse est particulière : le PADDUC a été annulé et de nombreux SCOT n’ont toujours pas été mis en place sur ce territoire. Les dispositions prises dans la loi ne pouvaient dès lors pas entrer en vigueur.
Par ailleurs, le PADDUC est un élément de planification, qui, dans certains cas, équivaut à un SCOT, y compris en matière de planification, d’urbanisation et pour certaines mesures d’application de la loi Littoral. Dans ces conditions, la solution qui nous est apparue la plus pragmatique consiste à renvoyer au PADDUC.
C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. J’entends les arguments qui viennent d’être présentés, mais je me méfie de l’état transitoire qu’a évoqué Mme la rapporteur. En forçant à peine le trait, cet état risque d’être durable puisque, pour l’instant, il n’existe qu’un seul SCOT en Corse, ce qui ne me paraît pas être la meilleure des situations.
Monsieur le secrétaire d’État, vous vous réfugiez derrière le pragmatisme – vous avez employé ce terme à trois ou quatre reprises. Mais le pragmatisme, ce n’est pas la loi !
Il faut fixer très rapidement des bornes, parce que la loi doit être la même sur tout le territoire, en Corse comme sur le continent. Les règles doivent s’appliquer partout de manière uniforme.
J’entends ce que vous dites, mais, honnêtement, vos propos ne me satisfont pas. Cela étant, je retire mon amendement, tout en souhaitant qu’un travail de fond soit conduit parce que, je le répète, tout le territoire national doit être couvert par des SCOT. On peut prendre les paris : avant un certain temps, je crains que cet état transitoire ne devienne un état de fait, ce qui n’est pas satisfaisant au regard de la loi !
M. le président. L’amendement n° 456 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 12 quinquies, modifié.
(L’article 12 quinquies est adopté.)
Article additionnel après l’article 12 quinquies
M. le président. L’amendement n° 268 rectifié ter, présenté par MM. Vial, Danesi, B. Fournier et Milon, Mmes Garriaud-Maylam et Berthet, M. Brisson, Mme Imbert, M. Lefèvre, Mmes Deromedi et Deroche, MM. Poniatowski, Bascher, Pellevat et Savary, Mme Bonfanti-Dossat et M. Revet, est ainsi libellé :
Après l’article 12 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’une commune est soumise à la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral et à la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, les dispositions du présent article ne s’appliquent pas lorsqu’elles auraient pour effet de restreindre les possibilités d’urbanisation résultant des dispositions de l’article L. 122-5. Les constructions et installations autorisées en application du présent alinéa sont soumises à l’accord du représentant de l’État dans le département et à l’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. »
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. L’examen de cet amendement prolonge la discussion déjà largement engagée sur l’application de la loi Littoral pour les lacs de montagne et, plus particulièrement, sur sa confrontation avec la loi Montagne.
Il s’agit d’un débat qui est maintenant ancien. Les dispositions de la loi Montagne et de la loi Littoral se sont un temps chevauchées pour les zones de montagne, jusqu’à ce que la loi Littoral s’impose, si bien que nous nous trouvons aujourd’hui dans des configurations assez difficiles à gérer. Certaines communes, qui sont d’ailleurs davantage des communes rurales de montagne que des communes du littoral, se trouvent malheureusement, du fait de leur situation, dans l’obligation d’appliquer la loi Littoral.
C’est la raison pour laquelle, sans vouloir pour autant faire la révolution, il m’a semblé que le fait de retenir la définition du hameau, extrêmement claire, qui figure dans la loi Montagne pouvait présenter un intérêt. En effet, la loi Littoral ne contient pas cette définition, qui est même remise en cause, aujourd’hui, par le présent texte.
Cela étant, mon amendement, tel qu’il est rédigé, risquant de créer finalement plus de difficultés de mise en œuvre que de simplifications, je préfère le retirer, au bénéfice des observations qui ont été faites par M. le secrétaire d’État et des avancées que nous devrions obtenir. J’ai entendu les engagements du Président de la République, ainsi que ceux de Mme Gourault.
J’espère que, au cours de l’examen du texte, ou au moment de la commission mixte paritaire, qui pourrait permettre d’affiner ce point, une réponse sera apportée aux attentes qui ont motivé le dépôt de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 268 rectifié ter est retiré.
Article 12 sexies
L’article L. 121-10 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-10. – Par dérogation à l’article L. 121-8, les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles, forestières ou aux cultures marines et à leur valorisation locale peuvent être autorisées avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
« Ces opérations ne peuvent être autorisées qu’en dehors des espaces proches du rivage, à l’exception des constructions ou installations nécessaires aux cultures marines et à leur valorisation locale.
« L’accord de l’autorité administrative est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter une atteinte à l’environnement ou aux paysages.
« Le changement de destination de ces constructions et installations est interdit. »
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, sur l’article.
M. Michel Vaspart. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous venons d’adopter l’article 12 quinquies. À plusieurs reprises, nous avons pris contact avec le ministère pour lui faire part des difficultés que je vais exposer.
En effet, l’article 12 quinquies exclut la densification des secteurs déjà urbanisés dans la bande des cent mètres et dans les espaces proches du rivage. S’il n’est évidemment pas question de remettre en cause ce dispositif, deux problèmes demeurent : tout d’abord, celui des îles et presqu’îles, dont le territoire est intégralement compris dans les espaces proches du rivage ; le second concerne les stations balnéaires qui se sont développées avant la loi de 1986, et les lacs de montagne, que mon collègue Jean-Pierre Vial vient d’évoquer.
L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, dans la rédaction que nous venons de retenir, aurait pour effet de bloquer toute densification des constructions dans les stations balnéaires, îles, presqu’îles et lacs de montagne, tandis que l’article L. 121-13 du même code autorise une extension limitée de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage, dans la bande des cent mètres, en fonction de la configuration des lieux.
Si le premier dispositif, tel que nous l’avons adopté, n’efface pas le second, il ne pose aucune difficulté. En revanche, si c’était le cas, il conviendrait de le modifier au cours de la commission mixte paritaire.
Monsieur le ministre, je souhaiterais que vos services puissent nous répondre, peut-être pas immédiatement, mais relativement rapidement sur le sujet.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 150 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 740 rectifié ter est présenté par Mmes Lienemann et G. Jourda, MM. Tourenne et Duran, Mmes Meunier et Monier, MM. Tissot, Jacquin et Kerrouche et Mme de la Gontrie.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 150.
M. Guillaume Gontard. Si certaines dispositions adoptées par l’Assemblée nationale répondent à des spécificités territoriales, l’article 12 sexies constitue une brèche dans la loi Littoral.
En effet, il traite des exceptions actuelles au principe de l’urbanisation continue, posé à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, et propose d’étendre ces dérogations. Actuellement, si celles-ci doivent être liées à des activités agricoles ou forestières, incompatibles avec le voisinage de zones habitées, les conditions prévues sont cumulatives : ces dérogations ne peuvent pas porter atteinte à l’environnement ou aux paysages, ne peuvent être autorisées dans les espaces proches du rivage et doivent recueillir l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
L’article adopté par l’Assemblée nationale permet aux constructions liées aux activités agricoles ou forestières de faire l’objet de dérogations à l’inconstructibilité de zones, qui ne se situent pas dans des espaces urbanisés, même lorsqu’elles ne sont pas incompatibles avec le voisinage de zones habitées.
On se demande pourquoi il serait nécessaire de pratiquer le mitage et l’étalement urbains pour des activités qui peuvent être poursuivies en zone urbanisée. Nous proposons donc la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 740 rectifié ter.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mon propos s’inscrit dans le prolongement de l’argumentaire que j’ai développé précédemment : je ne crois absolument pas qu’il soit opportun de développer des activités agricoles et forestières et, moins encore, des fermes conchylicoles ou d’aquaculture sur ces territoires. Il existe toujours une solution alternative pour développer de telles activités. C’est vraiment la façon de concevoir notre développement économique et territorial qui est en cause ici.
J’entends parler de pragmatisme, mes chers collègues. Je vous ferai remarquer que l’être humain mobilise principalement son intelligence quand il se trouve dans l’obligation de lever des contraintes, en particulier quand celles-ci concernent l’intérêt général, l’avenir et la qualité et la beauté de nos paysages, selon l’idée qu’il s’en fait.
Je crois que l’intelligence des acteurs locaux les conduit toujours, face à ce genre de contraintes, à trouver des solutions ad hoc.
Pour ma part, je ne connais aucun exemple de développement économique ou de capacités de développement réellement bridés par la loi Littoral. C’est pourquoi je propose le maintien stricto sensu de ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements.
Maintenir le statu quo n’est pas une solution satisfaisante. La dérogation actuelle est trop restreinte pour valoriser les zones agricoles selon leur plein potentiel. Elle impose des restrictions disproportionnées aux exploitants de cultures marines.
Un assouplissement des critères, tel que le propose la commission, qui permettrait des constructions en zone non urbanisée, est demandé sur une grande partie des travées de la Haute Assemblée.
J’ajoute qu’il faut faire attention quand on utilise le mot « mitage » et l’expression « étalement urbain ». Je ne pense pas qu’ils soient appropriés en l’espèce : nous travaillons sur ce texte de façon équilibrée, pragmatique et réaliste pour répondre à des problèmes bien précis et identifiés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. J’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur ces amendements. Je vais en expliquer les raisons.
Ces amendements tendent à supprimer l’article 12 sexies, qui permet l’implantation, en discontinuité de l’urbanisation, des constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières qui ne sont pas incompatibles avec le voisinage des zones habitées, en dehors des espaces proches du rivage, et avec l’accord du préfet après avis des commissions compétentes
J’ai rappelé notre attachement au principe de la loi Littoral. À l’Assemblée nationale, pour répondre à des difficultés localement identifiées, les parlementaires ont proposé des évolutions qui ne remettent pas en cause la philosophie de cette loi, raison pour laquelle le Gouvernement les a soutenues.
L’article 12 sexies, dans la version adoptée par les députés, va dans ce sens. En revanche, tel que modifié par le Sénat, il pose une difficulté. Si j’émets un avis défavorable sur ces amendements, ce n’est pas parce que je suis pour la suppression de l’intégralité de l’article – nous avions initialement accepté l’introduction de cette disposition –, mais parce que le Sénat a ajouté la notion de « valorisation locale », qui peut constituer une porte ouverte à de nombreuses dérives.
Je défendrai dans quelques instants un amendement ayant pour objet de supprimer cette mention, qui me paraît ouvrir une brèche dans le dispositif actuel.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je ne comprends pas bien la motivation de ceux qui demandent la suppression de cet article, car, à mon sens, celui-ci est pleinement justifié.
Sur le plan maritime, d’abord, si l’on veut affirmer l’ambition maritime de notre pays, il faut des endroits où exercer effectivement ces activités maritimes.
Aujourd’hui, on sait bien qu’il existe un gros problème halieutique, puisque nous ne sommes plus capables de pêcher suffisamment de poissons frais pour nourrir nos compatriotes. Nous sommes obligés d’importer l’essentiel du poisson consommé. Or, si nous ne nous sommes pas capables de développer des cultures marines, cette proportion de poissons importés ne fera que s’accroître. Cette situation est donc particulièrement dommageable pour notre économie.
Sur le plan agricole, ensuite, il faut que le bon sens revienne ! Dans les zones littorales, les agriculteurs ont aussi le droit de mener des projets ! Par exemple, actuellement, dans la commune de Plouénan, située dans le Finistère, un projet de production de légumes en serre est tout simplement bloqué à cause de la loi Littoral. Et il ne s’agit pas de construire cette serre à quelques mètres du littoral, mais à quinze kilomètres de la côte ! On voit bien que l’on en est arrivé à certaines aberrations.
Alors que nous souhaitons tous le développement de notre production d’énergie renouvelable notamment, les communes du littoral rencontrent les pires difficultés pour construire des projets de méthanisation.
Cet article est empreint de bon sens, parce qu’il tient compte de la nécessité de réaliser de tels projets. Il comporte aussi tous les garde-fous nécessaires : contrairement à ce que j’ai entendu, la loi Littoral ne sera pas remise en cause. Ces garde-fous – consultation de diverses commissions départementales ou nécessaire accord du préfet – éviteront que l’on fasse n’importe quoi.
Il est temps que le bon sens revienne dans l’esprit de certains de mes collègues, afin que tout le monde comprenne bien que les modifications proposées à la loi Littoral vont justement dans le bon sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. En ajoutant les termes « valorisation locale », on sait très bien que l’on risque de voir apparaître des projets de restaurant qui s’inventeront une activité ostréicole ou agricole pour justifier leur installation. (Protestations sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Michel Canevet. Mais non !
M. Ronan Dantec. C’est toujours ainsi que cela fonctionne ! On le sait très bien ! L’amendement du Gouvernement me semble donc intéressant de ce point de vue.
M. Michel Canevet. Ce sont des détails !
M. Ronan Dantec. Quand il est question de la loi Littoral, tout est toujours dans les détails !
L’amendement du Gouvernement pourrait rassurer tout le monde, et j’espère que l’on trouvera un consensus sur le sujet.
Monsieur Canevet, un problème de serre à quinze kilomètres du littoral doit se traiter de manière dérogatoire, et pas en supprimant la loi elle-même. Sinon, on aura bientôt des serres partout !
Tel que la loi Littoral est rédigée, vous ne trouverez pas de solutions à tous les exemples que vous citez. Même si l’on adoptait ce nouveau dispositif, auquel je ne suis pas forcément opposé d’ailleurs, la jurisprudence se montrera peut-être aussi restrictive que précédemment. On verra ce qu’il en est, puisqu’il y aura nécessairement une phase de contentieux à un moment donné.
Pour reprendre votre exemple, l’ajout de critères, comme l’avis conforme des deux commissions visées, signifie que le projet ne sera accepté que si tous les acteurs du territoire sont d’accord. Cela change la démarche. Cela étant, il faudra faire le choix, à un moment donné, entre la mise en place d’un dispositif dérogatoire reposant sur le consensus, et le système actuel, qui est fondé sur le contentieux, et dans lequel on cherche en permanence des assouplissements qui vont au-delà du cas que l’on essaie de traiter. C’est la difficulté typique : on ne réglera pas la question de l’implantation de serres ainsi !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 150 et 740 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 785, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer les mots :
et à leur valorisation locale
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Comme je viens de l’indiquer, l’amendement du Gouvernement a pour objet de supprimer la mention « valorisation locale », qui a été introduite par la commission.
Cet ajout constitue une porte très largement ouverte à l’installation de toute une série d’établissements. La valorisation locale, s’agissant des cultures marines, peut conduire à la mise en œuvre de pas mal d’opérations. Et c’est un euphémisme !
Cela revient à franchir une ligne rouge, en tout cas par rapport à ce que le Gouvernement voulait faire, c’est-à-dire débloquer des situations qui posaient problème à nombre de collectivités locales, de communes du littoral, mais sans aller jusqu’à la remise en cause de l’essence même de la loi Littoral.
L’article 12 sexies tel qu’il est rédigé ouvre une véritable brèche. Je suis toujours très respectueux du travail réalisé par les commissions permanentes du Sénat et par le Sénat lui-même, mais attention, mesdames, messieurs les sénateurs ! Le flou dans lequel nous sommes entraînera des conflits et des procédures et peut remettre en cause un principe fondamental. Je rappelle, en effet, que, avec une telle rédaction, on autorise des installations proches du rivage. Il y a là une vraie difficulté, qui justifie que je me permette d’attirer l’attention de la Haute Assemblée sur cette notion de « valorisation locale » qui, je le crois, peut être dangereuse.
M. le président. L’amendement n° 638, présenté par Mme Tocqueville, MM. Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Préville, MM. Madrelle et Daunis, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
à l’exception des constructions ou installations nécessaires aux cultures marines et à leur valorisation locale
La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Depuis le début des débats sur la loi Littoral, nous voyons combien celle-ci est essentielle. Nous en avons déjà beaucoup parlé et nombre d’amendements témoignent des inquiétudes et des questions que cette loi peut soulever.
Comme l’a rappelé M. le ministre, le projet de loi initial du Gouvernement ne prévoyait aucune disposition sur la loi Littoral, qui, je le rappelle, concerne quand même 1 212 communes, 975 communes situées aux abords de la mer ou de l’océan, et 237 autres communes, que l’on oublie peut-être un peu, riveraines d’un lac, d’un estuaire ou d’un delta.
Face aux débordements de l’Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé un compromis pour répondre à la question particulière des dents creuses. Le SCOT définira les zones où les dents creuses pourront être comblées. Seuls des logements et des équipements de service public pourront y être construits, mais l’autorisation sera refusée en cas d’atteinte à l’environnement et au paysage.
Le Sénat a ensuite introduit une procédure de modification simplifiée du SCOT pour l’identification et l’urbanisation des dents creuses qui peut être activée jusqu’au 31 décembre 2021.
Mes chers collègues, je pense qu’il faut en rester là !
Nous avons débattu plusieurs fois du sujet au cours des derniers mois ; les nouvelles propositions avancées constituent une remise en cause des dispositifs fondamentaux de la loi Littoral.
Or nous savons – cela a été rappelé – que cette loi est indispensable à la préservation des milieux naturels, qu’elle constitue la seule possibilité de prévenir les risques et de protéger les biens et les personnes. Le dossier du bâtiment Le Signal nous rappelle, malheureusement, que la question peut devenir dramatique. Nous connaissons aussi l’appréciation des touristes étrangers qui, lorsqu’ils viennent sur nos côtes, expriment le regret de ne pas pouvoir bénéficier d’un tel dispositif.
Le travail en commission a permis d’autoriser les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles, forestières ou aux cultures marines en dehors des espaces proches du rivage. Cette autorisation est très encadrée et tout changement de destination de ces constructions est interdit.
Toutefois, une exception spécifique a été introduite en commission pour les installations nécessaires aux activités liées aux cultures marines et conchylicoles qui, elles, peuvent être réalisées dans les espaces proches du rivage, avec les considérations tout juste rappelées par M. le ministre.
Cette exception, selon nous, entrave et menace trop fortement la loi Littoral. Cet amendement tend donc à supprimer la dérogation au profit des installations nécessaires aux cultures marines.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’avis est défavorable sur les deux amendements.
Je m’attarderai un peu plus sur l’amendement n° 785, au travers duquel le Gouvernement nous demande de retirer la mention « valorisation locale » que nous avons introduite en commission.
Nous parlons ici de valorisation de cultures marines, des activités qui sont souvent attachées à de petits locaux d’exploitation : ateliers conchylicoles accueillant du public, points de vente réduits de produits de la mer, etc.
Mais j’évoquerai aussi les engagements que Michel Vaspart – il en a fait part lors d’une intervention – a obtenus du Président de la République. Michel Canevet les a également rappelés, puisque, notons-le, ces échanges ont eu lieu avec des élus des Côtes-d’Armor et du Finistère.
Ce sont des engagements très précis que le Président de la République a pris sur quatre points bien identifiés, soulevés par nos collègues sénateurs bretons, et ce même si la loi Littoral dépasse de beaucoup la seule Bretagne.
Nous voulions donc faire en sorte qu’il y ait une certaine cohérence entre les propos tenus par le Président de la République à nos collègues et la réponse du Gouvernement qui, à ce jour, ne semble pas être la même. Je laisserai Michel Vaspart, qui interviendra certainement en explication de vote, développer ce point.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Permettez-moi de répondre à Mme la rapporteur, monsieur le président : ce n’est pas le Président de la République qui est au banc du Gouvernement ; c’est moi !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.
M. Michel Vaspart. Lors de l’examen de la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, que nous avons votée à une large majorité en janvier dernier, un amendement n° 27 rectifié a été déposé, signé par tous nos collègues socialistes, y compris par Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je me suis fait avoir ! (Sourires.)
M. Michel Vaspart. Quel est son objet ? Il tend à rédiger l’alinéa 5 de l’article 9 du texte comme suit : « les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles, forestières ou aux cultures marines, et à leur valorisation locale »…
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Les reproches formulés par la plupart des collègues élus à l’encontre de la loi Littoral portent sur son niveau insuffisant de précision, qui ouvre la voie à des procédures contentieuses posant des difficultés et empêche quasiment tout projet de se monter. On le sait bien, la jurisprudence est de plus en plus restrictive, de sorte que le bon sens n’est plus de mise et que les interdictions prévalent sur la quasi-totalité du territoire. Il convient donc de préciser les choses.
Je l’ai dit précédemment et M. le Président de la République l’a rappelé à Quimper, dans son discours du 21 juin, notre pays a une ambition maritime affirmée. Il est absolument indispensable que nous puissions mettre en œuvre des politiques permettant de concrétiser cette ambition et, en particulier, de développer des projets de cultures marines ou conchylicoles sur le littoral.
Nous avons récemment examiné, dans cette même enceinte, le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dit ÉGALIM. Ce texte vise, entre autres, à promouvoir les circuits courts. Or ceux-ci ne se restreignent pas au domaine strictement agricole ; il faut aussi les encourager et les soutenir dans le secteur des cultures marines.
Quoi de plus normal qu’un producteur conchylicole veuille pouvoir vendre une partie de sa production aux visiteurs de son site de production, ce qui permet à la population, d’ailleurs, de mieux appréhender les modes de production de ces produits conchylicoles ou issus de cultures marines !
Il est donc tout à fait souhaitable d’avancer sur la rédaction de cet article, étant précisé que des garde-fous, là aussi, ont été prévus. L’interdiction absolue de tout changement de destination permet de s’assurer que la destination précise initialement retenue sera bien conservée.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Rassurez-vous, mon cher collègue Vaspart, je n’aurai ni la cruauté ni le temps de reprendre les déclarations et travaux des uns et des autres et de mettre en avant, avec délectation ou colère, les évolutions et changements de position, comme vous l’avez fait avec une extrême courtoisie. Avec la même courtoisie, j’en resterai là !
Nous avons pu commettre une erreur. Eh oui ! Peut-être certains, dans cet hémicycle, sont-ils infaillibles… Je les admire ! Mais, nous, il peut nous arriver, y compris quand l’intelligence est collective, de commettre des erreurs. En revanche, si l’on s’en aperçoit, je ne dirai pas que persévérer est diabolique, mais c’est en tout cas une grave erreur.
À ce premier élément, j’en ajoute un second, à destination de Mme la rapporteur. Je constate avec un certain étonnement, eu égard à l’attention très scrupuleuse portée à la terminologie, qui doit être en tout point normative et ne laisser aucun espace, que les expressions « petites installations » ou « valorisation locale » ne sont pas sans poser des questions d’interprétation.
Je vois difficilement comment on peut maintenir dans la loi cette terminologie, dont, a contrario, je perçois bien les effets et les dangers. J’imagine sur nos côtes, le long des deltas, en Corse ou ailleurs – la République française a tout de même une petite histoire dans ce domaine –, ce qui pourra être fait au nom de cette fameuse valorisation.
Que chacune et chacun en prenne conscience ! Soit nous pensons que nous sommes ici dans un théâtre d’ombres, soit nous pensons que ce que nous votons a une importance, une force et une valeur. Dans ce cas, je crois qu’il serait sage que nous adoptions, au moins, l’amendement proposé par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, je plaide coupable pour excès de discipline, ce qui n’est pas, en général, mon défaut principal ! (Sourires.)
C’était l’exception qui confirme la règle ! J’ai toujours été hostile à toute remise en cause de la loi Littoral ; cette affaire était momentanément passée hors de mes écrans radars.
M. Philippe Dallier. Ce doit être cela !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela étant, je soutiens l’amendement du Gouvernement qui, je crois, évite les dérives. J’aurais souhaité plus de rigueur, mais le cadre ainsi proposé, sans être celui que j’appelais de mes vœux, est moins dangereux que le cadre envisagé par la commission.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, j’ai entendu la réponse que vous avez formulée lorsque plusieurs collègues ont rappelé les engagements du Président de la République. Cette réponse, je dois le dire, vous a permis de marquer un point : effectivement, c’est bien vous qui représentez l’exécutif et le Président de la République, qui n’est pas responsable devant le Parlement, ne peut représenter l’exécutif devant lui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous sommes d’accord avec cette interprétation, qui émane, d’ailleurs, d’un ancien collègue parlementaire particulièrement chevronné et respecté, singulièrement au Sénat.
Mais j’avais cru comprendre que, sous le régime de la Ve République, qui a plus tendance à s’« hystériser » qu’à s’adoucir, il arrivait au Président de la République de donner des instructions au Gouvernement.
Peut-être est-ce une interprétation un peu naïve. Mais, pour moi, quand le Président de la République s’exprime devant les députés et sénateurs d’un département, devant le maire de Saint-Brieuc, devant le président du conseil départemental des Côtes-d’Armor, devant le président du groupe La République En Marche de l’Assemblée nationale (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) – le principal parti de la majorité présidentielle – et qu’il annonce sa volonté de régler ce qu’il avait qualifié, un peu moins d’un an plus tôt, d’aberration – il visait non pas la loi Littoral, mais son application –, cela devrait valoir instruction aux membres du Gouvernement, et ce même si seuls les ministres peuvent s’exprimer au nom de l’exécutif devant nous !
Il y a là, je crois, un problème dans le fonctionnement de l’État. Je veux le relever, afin d’inciter le Gouvernement à renoncer à son amendement. Il vaudrait mieux, en effet, que nous puissions respecter ici la parole présidentielle, laquelle devrait tout de même avoir une certaine importance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Marc Daunis. Après l’infaillibilité pontificale, la jupitérienne !
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je suis un peu surpris que nous ayons un tel débat et qu’il ne soit pas simplement possible de mettre en place de tels équipements.
Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de préserver au maximum la loi Littoral. Néanmoins, nous avons choisi d’y introduire quelques aménagements, sur l’initiative de Michel Vaspart, que nous avons soutenu.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que la France possède les zones économiques maritimes les plus importantes du monde,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Justement, il faut les protéger !
M. Charles Revet. … à l’équivalent des États-Unis, et qu’elle importe aujourd’hui 85 % de ses besoins en poissons et crustacés.
A priori, on ne peut mettre en place des cultures marines qu’en bordure de mer ! Permettre l’installation des équipements nécessaires au fonctionnement de ces cultures marines et, bien sûr, à la valorisation des produits qui en ressortiront me paraît relever de la logique et du bon sens !
Il serait donc utile que le Gouvernement n’encourage pas la suppression des ajouts apportés par la commission des affaires économiques du Sénat, ajouts qui, j’y insiste, sont sensés et logiques. Bientôt, la France sera, dans tous les domaines, le pays où l’on ne peut rien faire ! (MM. Jackie Pierre et Laurent Duplomb applaudissent.)
Il est de la responsabilité gouvernementale, monsieur le ministre, de ne pas interdire la mise en place d’équipements participant, tout simplement, au bon fonctionnement du pays, à son développement économique. Nous en avons grand besoin et je suis même quelque peu étonné de voir que le Gouvernement s’opposerait à une telle mise en place.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je me permets de prendre la parole, bien qu’étant un représentant, non pas d’une zone littorale, mais d’un territoire de montagne.
Nous, nous avons aussi une loi, la loi Montagne. Certes, elle est contraignante, elle crée des embêtements et des complications, car elle force à réfléchir et à se poser un certain nombre de questions, mais, comme l’indiquait Marie-Noëlle Lienemann, je n’ai jamais vu de cas dans lesquels on ne trouvait pas de solution pour composer avec cette loi.
En revanche, j’en vois clairement les bienfaits depuis qu’elle a été instaurée, en 1985. Chaque fois, je me dis : heureusement qu’elle existe ! L’évolution est effectivement flagrante par rapport à ce qui se faisait dans les années soixante et soixante-dix. Désormais, nous avons de quoi défendre véritablement nos territoires de montagne !
Il en va de même, me semble-t-il, de la loi Littoral – je parle avec précaution, ne connaissant pas le sujet –, ce qui m’amène à penser qu’il faut agir avec prudence.
Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale me paraissait plutôt modéré. Même s’il permettait déjà d’ouvrir des brèches, il était mesuré et apportait une réponse aux attentes qui peuvent être exprimées et que je comprends.
Mais qu’est-ce qu’un « petit » local d’exploitation ? Il a été question de serres : comment limiter l’installation de serres sur le littoral ?
Il faut faire attention, mes chers collègues ! Oui, certaines contraintes peuvent être embêtantes, mais elles servent à tout le monde et on trouve toujours des solutions – je pense aux zones urbanisables ; il faut aller dans ce sens.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je suis tout à fait d’accord avec M. Charles Revet quand il invite au développement des cultures marines. Oui, mille fois oui, développons ces cultures, mais développons-les en mer !
Pour revenir à l’amendement du Gouvernement – très brièvement, puisque tout a été dit –, il serait extrêmement dangereux de détricoter par petits bouts la loi Littoral. Or c’est bien de cela qu’il est question : ouvrir une petite brèche pour, demain, l’agrandir. Telle est l’évolution naturelle d’une brèche !
Par conséquent, ne touchons pas à la loi Littoral, même d’une main tremblante. Nous parlons de zones extrêmement sensibles, extrêmement fragiles.
Pour ces raisons, comme mes collègues Marc Daunis et Marie-Noëlle Lienemann, je voterai en faveur de l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour explication de vote.
Mme Nelly Tocqueville. Je reviens sur la remarque de Michel Vaspart. Mon collègue sait bien que nous travaillons ensemble, que nous réfléchissons ensemble sur le sujet depuis longtemps. Pour ma part, je veux saluer aujourd’hui le consensus que nous avons trouvé sur les dents creuses.
Un travail a été mené par nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet, nous en avons longuement discuté et nous pouvons admettre qu’il a donné des résultats. Nous répondons aujourd’hui à une problématique existante – typique du littoral breton, même si le littoral n’est pas que breton – et je m’en félicite !
Concernant les activités de culture marine, rappelons que l’inconstructibilité sur le littoral, aux termes de l’article L. 121-17 du code de l’urbanisme, ne s’applique pas aux fermes aquacoles. Ces fermes, qui produisent poissons, coquillages et crustacés, présentent un intérêt majeur, car elles sont une forme de réponse apportée à la surpêche. Or, on le sait aujourd’hui, c’est la surpêche dans ces zones qui est à l’origine des problématiques exposées par M. Charles Revet.
Ces activités sont donc déjà possibles, de manière raisonnée et contrôlée, et le dispositif est satisfaisant.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Puisque de nombreux collègues s’inspirent de leur territoire pour donner des exemples, je voudrais signaler que le mien, le littoral landais, est particulièrement préservé et que, s’il est préservé, et attractif, c’est justement grâce à la loi Littoral.
Cette loi nous oblige, effectivement, à procéder à des adaptations, à trouver d’autres solutions. Mais c’est elle, aussi, qui permet le développement du territoire.
Ayant entendu certains propos, je veux d’ailleurs signaler que le développement du territoire n’est pas lié à la seule activité économique. Un territoire préservé devient attractif, c’est une dimension qu’il ne faut jamais perdre de vue.
Tout comme l’art pour André Gide, on peut dire que le territoire vit de contraintes et meurt de liberté ! Il faut se priver d’une certaine dose de liberté et utiliser les contraintes pour trouver des solutions.
En l’espèce, il faut, au moins, adopter l’amendement du Gouvernement. Ne prenons jamais la proie pour l’ombre ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Parlons un instant du littoral aveyronnais, mes chers collègues ! En Aveyron, s’appliquent, à la fois, la loi Montagne et la loi Littoral, puisque nous avons des lacs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares.
La discussion sur ces amendements m’offre l’occasion d’appeler l’attention du Gouvernement sur la possibilité – pourquoi pas par le biais de circulaires ? – de nous traiter différemment du littoral vendéen, du littoral landais ou des côtes de la Manche.
En effet, se pose le problème de la covisibilité. Je parlais au téléphone, tout à l’heure, avec un maire de mon département qui m’expliquait que, pour implanter un lotissement à quatre ou cinq kilomètres d’un lac dont la superficie est tout juste supérieure à 1 000 hectares, il est obligé d’en passer par la loi Littoral, avec, au final, des avis systématiquement contraires à ses souhaits, et ce alors même qu’il s’agit de créer un petit lotissement dans un village à la croissance démographique malheureusement assez faible !
Je souhaiterais donc que le Gouvernement nous propose un traitement légèrement différencié des bords de mer et des lacs intérieurs.
Aujourd’hui, c’est la même loi qui s’applique, alors même qu’on nous demande de faire du cousu main en fonction des territoires où nous nous trouvons ! J’en appelle vraiment à un traitement différencié !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Je ne peux résister au plaisir et à l’honneur de répondre à M. Philippe Bas, qui a une telle affection pour le régime de la Ve République qu’il ne peut s’empêcher de la réaffirmer depuis de longues années. Il en est, d’ailleurs, une des meilleures incarnations dans tous les sens du terme…
Moi, je ne fais pas l’exégèse des propos du Président de la République – vous êtes le législateur, mesdames, messieurs les sénateurs, je représente le Gouvernement ; si vous êtes attachés aux principes de la Ve République, chacun fait ce qu’il a à faire ! Cela étant, je viens de relire le discours du chef de l’État et je n’y ai trouvé aucune référence à la valorisation locale. Certaines valorisations ont été évoquées, tout comme la réhabilitation de centres nautiques, mais je n’ai rien vu à propos de valorisations locales.
En tout cas, j’assume les responsabilités qui sont les miennes, et celles-ci m’amènent à formuler plusieurs remarques.
Je ferai tout d’abord observer au sénateur Charles Revet que la loi Littoral remonte à 1986. Faire aujourd’hui grief à ce gouvernement d’avoir consenti à ouvrir le débat n’est pas opportun. La droite aurait pu le faire, rien ne l’y empêchait !
Le secrétaire d’État et moi-même avons entendu les demandes des collectivités locales et les difficultés exprimées au sujet des dents creuses. Nous avons considéré, face à ces difficultés bien réelles, qu’il fallait trouver des solutions. C’est ce que j’ai expliqué à l’Assemblée nationale comme ici, au Sénat.
Dès lors que l’on résout cette question, ce n’est pas rendre service à ceux qui souhaitent ces adaptations que de prévoir un élargissement, non pas exagéré, mais susceptible d’entraîner de la confusion et de possibles conflits.
Lorsque l’on ajoute la notion de « valorisation locale » au texte, c’est en lien avec la possibilité de réaliser des constructions et des installations. Je ne pense pas que le fait qu’un conchyliculteur vende ses produits sur place pose des difficultés. En revanche, il y a un risque que l’on aboutisse, pour ces activités de valorisation, à la construction de grands bâtiments sur nos côtes, que rien n’interdirait.
Il est normal que je souligne ce risque et que je signale que l’on franchit là une étape pouvant remettre en cause ce que nous sommes en train de faire.
Sur ce sujet, j’essaie d’arriver au plus large consensus, car c’est un dossier qui, jusqu’à présent, n’a pas été ouvert par les précédents gouvernements.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’hésite pas à dire que nous sommes tous responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Mais aucun des gouvernements précédents n’était allé au bout de la démarche, parce qu’il est difficile de toucher une virgule de la loi Littoral, comme d’autres textes, d’ailleurs. Nous l’avons fait, je l’assume, mais de grâce, n’en rajoutez pas trop ! Ce serait contraire à l’objectif que nous cherchons, ensemble, à atteindre !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Ce débat est important. Il dépasse le seul débat juridique ou constitutionnel, même si celui-ci est fondamental, car il a trait au crédit de la parole publique.
Que révèle-t-il, au-delà même de la loi Littoral de 1986, que je connais bien et dont, même s’il convient d’y toucher d’une main tremblante, il faut aussi parvenir à améliorer les failles ?
Nous touchons en fait à la limite du « en même temps ».
Que s’est-il passé ? En voyage en Bretagne, le Président de la République, pour flatter le public devant lequel il s’exprimait – public composé du président du conseil régional, d’un président de conseil départemental et de parlementaires bretons –, a pris une position très nette.
Que l’on ne nous laisse pas croire qu’il n’y a pas de lien entre ce que veut le Président de la République et ce que produit le Gouvernement ! Cela fait rire tous les parlementaires de cette assemblée ! Il suffit de voir ce qu’il se passe avec les amendements nocturnes, ce que Mme Muriel Pénicaud, vous-même, monsieur le ministre, et nous par la même occasion devons subir ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
La leçon est celle-ci : le Président de la République déclare devant le public auquel il s’adresse ce que celui-ci veut entendre et le Gouvernement, ensuite, défend une autre ligne, ce que je ne vous reproche pas, monsieur le ministre… Je comprends vos arguments !
Ce que nous voulons dénoncer aujourd’hui, c’est le fait que cette distorsion de la parole publique dévalue gravement le crédit de l’autorité publique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Vous savez l’estime que j’ai pour vous, monsieur le président Retailleau. Mais vos propos ne sont pas au niveau du débat que nous devons avoir, je vous le dis clairement et en face.
J’ai pour habitude de dire ce que je pense et de faire ce que je dis, même lorsque cela ne fait pas plaisir, y compris à mes propres amis…
Vous cherchez là une dérive politicienne. Je le dis comme je le pense !
M. Bruno Retailleau. C’est votre attitude qui est politicienne ! Vous mettez en cause le témoignage de parlementaires.
M. Jacques Mézard, ministre. Monsieur Retailleau, je ne vous ai pas interrompu lorsque vous vous êtes exprimé. De grâce, laissez-moi parler à mon tour !
Je m’en tiens à un discours public, celui du Président de la République, que je viens de relire. Dans ce discours, le chef de l’État a déclaré que la loi Littoral n’était pas bloquée, qu’elle n’était pas un totem et qu’elle pouvait évoluer. C’est ce que nous faisons, mais je ne peux répondre positivement à toutes des demandes d’évolution qui me sont adressées.
Alors que j’essaie de trouver des solutions, vous allez à l’encontre même de ce que vous recherchez. M. Vaspart, que j’ai reçu, sait que j’ai essayé de débloquer ce dossier. Vous êtes en train d’essayer de le refermer, pour des raisons qui ne sont pas valables.
Je vous le dis très clairement, cette méthode ne marchera pas, en tout cas, pas avec moi !
M. Marc Daunis. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 785.
(L’amendement n’est pas adopté.) (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à ce moment intense du débat, je veux indiquer que, si nous poursuivons l’examen du projet de loi à la vitesse actuelle, à savoir moins de dix amendements par heure, il nous restera quatre-vingts heures de débat, soit environ huit jours !
Bien évidemment, le débat parlementaire doit être respecté.
M. Xavier Iacovelli. Vous le direz au Gouvernement !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je pense qu’il l’entend d’ores et déjà !
Encore ce matin, vous le savez, j’ai déclaré à la presse que je considérais que nous ne travaillions pas dans de bonnes conditions.
Cependant, je pense que chacun doit être raisonnable et s’abstenir de témoigner systématiquement de son expérience personnelle, même si nous avons bien évidemment tous envie de valoriser nos territoires.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de dix minutes.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
L’amendement n° 527 rectifié bis, présenté par MM. Bizet et Allizard, Mmes Bories et Boulay-Espéronnier, MM. Cambon, Chaize, Daubresse et de Nicolaÿ, Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, M. Huré, Mmes Lamure et Lassarade et MM. D. Laurent, Lefèvre, Longuet, Pellevat, Rapin et Sido, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et à l’exception des constructions en bois d’une superficie inférieure à mille mètres carrés, destinées à une exploitation agricole bénéficiant d’une production sous signes d’identification de la qualité et de l’origine définis aux articles L. 640-2 et suivants du code rural et de la pêche maritime
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Cet amendement n’est pas nouveau. Je le présente depuis un certain nombre d’années, avec le succès que l’on sait.
Il a pour objet d’autoriser l’implantation de bâtiments d’exploitation agricole bénéficiant d’une production sous signes d’identification de la qualité et de l’origine – AOC, Agriculture biologique… –, pour permettre l’élevage d’animaux de prés-salés dans certains territoires bien spécifiques.
Je sais, mes chers collègues, que cet amendement suscite l’interrogation ou l’incompréhension d’un certain nombre d’entre vous.
J’ai bien noté l’ouverture d’esprit qu’a semblé manifester le Président de la République et l’impulsion de Michel Vaspart. Je remercie mes collègues qui ont mentionné le travail réalisé par Odette Herviaux et moi-même en 2014. Je remercie tout particulièrement Ronan Dantec, qui a souligné clairement que, si la loi Littoral était un bien commun, et pas seulement de la littérature, elle ne pourrait pas régler tous les problèmes, comme l’ont répété ensuite un certain nombre d’orateurs.
Pour ma part, j’estime que les élus commencent tout doucement, au fil du temps, à reprendre la main sur une loi que l’on avait volontairement rendue imprécise, provoquant, en fin de compte, de nombreux contentieux et une accumulation de jurisprudence.
Pour en avoir déjà discuté avec vos services, monsieur le ministre, je sais que cet amendement est imparfait, mais il a le mérite de poser la question de l’implantation d’un habitat spécifique pour une production spécifique, la baie de Somme et la baie du Mont-Saint-Michel étant les deux seules zones AOC de France. Or, au fil du temps, le problème évolue, puisque l’on constate une prolifération d’herbes folles dans la baie du Mont-Saint-Michel,…
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean Bizet. … tout simplement parce qu’il n’y a plus assez d’animaux pour brouter ce territoire. Des élus imaginent de demander d’ores et déjà au directeur départemental des territoires et de la mer de faucher ces herbes folles avec des tracteurs ! Vous conviendrez, monsieur le ministre, que le Mont-Saint-Michel est tout de même moins sympathique avec des tracteurs qu’avec des moutons sur les herbus !
Je suis ouvert à toute formulation.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean Bizet. La circulaire du 15 septembre 2005 permettant la construction d’aménagements légers dans des espaces remarquables n’est absolument pas sécurisante. Nous avons besoin, monsieur le ministre, d’une proposition en la matière.
J’y insiste, si mon amendement ne vous convient pas, je suis ouvert à toute autre formulation !
M. le président. Mes chers collègues, j’invite chacun à respecter le temps de parole qui lui a été imparti.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Mon cher collègue, je vais éviter de m’exprimer sur le fond de votre amendement que vous venez de développer largement. Je laisserai se poursuivre le dialogue que vous avez d’ores et déjà engagé avec le Gouvernement.
J’entends bien la difficulté que vous soulevez, mais le dispositif de votre amendement ne me semble pas refléter ce que vous avez dit.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Je pense que M. le ministre répondra à votre question de manière plus détaillée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Nous traitons maintenant de la question des herbes folles autour du Mont-Saint-Michel… (Sourires.)
Par votre excellent amendement, monsieur le sénateur, vous demandez une exception pour les constructions en bois – le bois est souvent beau, mais pas toujours merveilleux – d’une superficie inférieure à 1 000 mètres carrés, tout de même,…
M. Jean Bizet. C’est raisonnable !
M. Jacques Mézard, ministre. … destinées à une exploitation agricole bénéficiant d’une production sous signes d’identification de la qualité et de l’origine définis aux articles L. 640-2 et suivants du code rural et de la pêche maritime.
J’en ai conclu qu’il s’agit probablement des moutons de prés-salés,…
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean Bizet. Exactement !
M. Jacques Mézard, ministre. … de 1,20 mètre de taille, de couleur grise et à la douce laine. (Sourires.)
Vous souhaitez que nous modifiions la loi Littoral pour permettre de résoudre ce problème, qui, je vous l’accorde, est important pour l’environnement du Mont-Saint-Michel. Je ne pense pas que nous puissions intégrer cette belle construction intellectuelle dans le projet de loi.
En revanche, je vous propose d’essayer de trouver des solutions concrètes et de voir avec les services de l’État comment nous pouvons améliorer la situation et faire en sorte que ces moutons puissent vaquer à leur occupation principale.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Parfait, monsieur le ministre !
M. Didier Guillaume. Bon compromis !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je veux intervenir en soutien de l’amendement de mon collègue Jean Bizet. (Mme la rapporteur s’exclame.)
Ce qu’il vient de décrire est la réalité.
À cet égard, monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir pris le soin de proposer une réflexion pour résoudre ce problème. Sachez toutefois que vous n’êtes pas le premier à vous y être essayé, car ce problème lancinant dure depuis plus de dix ans.
M. Didier Guillaume. S’il n’y avait que ce problème…
M. Philippe Bas. Depuis le Moyen-Âge, les moutons paissent dans la baie du Mont-Saint-Michel. Ils permettent de préserver la biodiversité en absorbant le chiendent, parasite qui nuit à l’équilibre naturel de la baie.
Je rappelle que le Mont-Saint-Michel attire chaque année 3 millions de visiteurs et que l’équilibre naturel de la baie nécessite la présence des moutons.
Aujourd’hui, les bergers ont plus souvent 500 moutons que 3. Il faut bien que les conditions de cette activité multiséculaire soient adaptées aux temps modernes !
Si nous voulons, d’une part, continuer à avoir des moutons de prés-salés de qualité et, d’autre part, préserver l’environnement de la baie du Mont-Saint-Michel, il nous faudra bien adopter cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 527 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. L’amendement n° 1096, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le mot :
et
par le mot :
ou
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 12 sexies, modifié.
(L’article 12 sexies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 12 sexies
M. le président. L’amendement n° 421 rectifié, présenté par MM. Vaspart, Bas, Retailleau, Bizet, Mandelli et Chaize, Mme Canayer, MM. Rapin, Priou, Cornu et Pointereau, Mmes M. Jourda, Morhet-Richaud et Imbert, MM. Canevet, D. Laurent, Paul, Pellevat, Le Nay, Vial, H. Leroy et Meurant, Mmes Lavarde et Di Folco, MM. Henno, Louault, Brisson, Pierre et Grand, Mme Deromedi, MM. Raison et Perrin, Mme Bruguière, M. Lefèvre, Mme Malet, MM. Danesi, Sido, Cuypers et Savary, Mmes de Cidrac, Bories et Garriaud-Maylam, MM. L. Hervé, Milon, Moga et Ginesta, Mmes N. Delattre et Lherbier et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 121-4 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État fixe la liste des équipements collectifs liés aux services d’assainissement, aux activités nautiques et à toute autre activité exigeant la proximité immédiate de l’eau, qui ne sont pas soumis aux dispositions du présent chapitre. »
La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Cet amendement vise à clarifier le régime d’implantation de certains équipements d’intérêt public dans les communes littorales. Plusieurs situations de blocage sont connues, s’agissant, par exemple, des écoles de voile, des clubs nautiques ou des services d’assainissement.
Aussi, un décret en Conseil d’État serait nécessaire pour fixer une liste des équipements nécessitant une proximité avec l’eau et le rivage, dont l’implantation pourrait s’effectuer de manière plus souple sur ces territoires.
Je rappelle que de nombreuses situations de blocage sont créées, dans les communes littorales, par l’extension d’écoles de voile ou de stations d’épuration – c’est d’ailleurs un comble en matière environnementale ! Il convient d’alléger ces interdictions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il est vrai que ces équipements collectifs peuvent être nécessaires au développement d’un certain nombre de communes littorales.
Je m’en remets par conséquent à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Parlement ne peut être que sage !
Il n’en reste pas moins que je sollicite le retrait de cet amendement, que je considère comme satisfait.
M. Charles Revet. C’est-à-dire ?
M. Charles Revet. Je suppose que vous disposez d’éléments pour considérer qu’il est satisfait !
M. Jacques Mézard, ministre. Oui, et j’aimerais pouvoir vous les exposer, monsieur le sénateur. Mais, pour cela, il faut me laisser m’exprimer…
Cet amendement vise à exclure du champ d’application de la loi Littoral les équipements collectifs liés aux services d’assainissement, aux activités nautiques de manière large et à toute autre activité exigeant la proximité immédiate de l’eau, dont la liste serait fixée par décret.
En l’état actuel du droit, certaines installations nécessaires à la sécurité publique, à la défense nationale, au fonctionnement des ports entre autres sont soustraites au principe d’aménagement de la loi Littoral lorsque leur implantation est dûment justifiée, en vertu de l’article L. 121-4 du code de l’urbanisme.
Par ailleurs, les stations d’épuration d’eaux usées non liées à une opération d’urbanisation nouvelle bénéficient d’un régime dérogatoire, conformément à l’article L. 121-5 du même code.
En outre, les constructions et installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques qui exigent la proximité immédiate de l’eau peuvent être implantées en dehors des espaces urbanisés de la loi Littoral, aux termes de l’article L. 121-17 du code précité.
Cet amendement est donc satisfait.
Je crois que nous avons su tenir compte des propositions faites par les uns et les autres, mais je ne souhaite pas que nous allions plus loin.
D’ailleurs, de manière générale, les hébergements des clubs nautiques peuvent être reportés au-delà de la bande des cent mètres, lorsqu’il n’est pas indispensable qu’ils se trouvent dans celle-ci.
M. le président. Monsieur Vaspart, l’amendement n° 421 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Vaspart. Monsieur le ministre, je veux bien admettre ce que vous dites, sauf que, sur le territoire, ce n’est pas ainsi que les choses se passent.
Dans les départements bretons, comme dans les autres, des projets sont aujourd’hui bloqués. Peut-être est-ce la faute des préfets qui ne font pas bien leur travail, je n’en sais rien. Toujours est-il que les dispositifs que vous avez évoqués ne sont pas appliqués et que les choses ne fonctionnent pas.
Je pourrais citer très précisément un certain nombre de projets en situation de blocage, qu’il s’agisse d’extension d’écoles de voile ou de clubs nautiques, et même de stations d’épuration.
Faut-il préciser la loi ou donner des instructions ? Il est important de comprendre ce dont nous avons besoin. Tant que je ne suis pas convaincu que des instructions seront suffisantes, je maintiens mon amendement, quitte à retirer ses dispositions au moment de la commission mixte paritaire si vous nous garantissez que des instructions seront bien données aux préfets pour faire appliquer les dispositifs actuels.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12 sexies.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 336 rectifié bis, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 121-7 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les zones non interconnectées au réseau électrique métropolitain continental dont la largeur est inférieure à dix kilomètres au maximum, les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent peuvent être autorisés par dérogation aux dispositions du présent chapitre. »
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Dans l’Hexagone, on dit d’un certain nombre de territoires – ce sont souvent des îles – qu’ils sont « interconnectés » au réseau électrique. Je pense notamment aux îles de Sein et d’Ouessant, à la pointe de l’Europe, dans le Finistère. Leur approvisionnement en énergie électrique repose sur des groupes électrogènes qui fonctionnent avec du pétrole.
Nous avons adopté voilà peu la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Ces territoires, conscients que leur attractivité dépendra aussi de la qualité de vie sur l’île, sont particulièrement allants sur la production d’énergie renouvelable. Ils veulent éviter que les groupes électrogènes qui les alimentent ne polluent l’air.
Or l’exigüité d’un certain nombre de territoires îliens pose de sérieuses difficultés au regard de la réglementation en vigueur. Il leur est particulièrement difficile de développer leur production d’énergie renouvelable, la loi leur interdisant la construction des ouvrages nécessaires – je pense en particulier à l’installation d’éoliennes de taille extrêmement modeste.
Les élus de ces territoires veulent tout simplement participer à cette transition énergétique et mettre en place un mix énergétique composé à la fois de solaire – à partir d’équipements installés sur les maisons, par exemple –, d’éolien et d’hydrolien.
Nous souhaitons d’ailleurs que le Gouvernement soutienne les projets hydroliens, notamment ceux d’initiatives territoriales nationales, pour permettre l’émergence d’une véritable filière.
En tout état de cause, il est absolument nécessaire que des projets innovants puissent voir le jour sur ces îles. Cet amendement, préparé en lien avec l’association Les îles du Ponant et la région Bretagne, vise justement à permettre de réaliser cette transition énergétique sur les îles. Nous espérons que la grande majorité de notre assemblée voudra bien souscrire à cet objectif.
M. le président. L’amendement n° 990 rectifié ter, présenté par MM. Labbé et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 121-12 du code de l’urbanisme est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les zones non interconnectées au réseau électrique métropolitain continental dont la largeur est inférieure à cinq kilomètres au maximum, les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent ne sont pas soumis aux dispositions de l’article L. 121-8.
« Ils peuvent être implantés après délibération favorable de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal de la commune concernée par l’ouvrage, et après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Toucher à la loi Littoral, même de manière dérogatoire, est un exercice délicat pour un écologiste.
D’un autre côté, après avoir beaucoup travaillé sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, doit-on laisser ces îles non connectées continuer de s’alimenter par des centrales au fioul ou accepter de déroger, de manière très encadrée et spécifique, à la loi Littoral pour permettre l’implantation d’éoliennes sur des territoires de moins de cinq kilomètres de large ?
Si le respect de la loi Littoral est essentiel à nos yeux, ses règles peuvent s’avérer extrêmement bloquantes dans les petites îles : il s’agit de lieux de vie et non uniquement de paysages à préserver. Une telle dérogation nous semble donc pleinement justifiée.
La délibération favorable de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme ou celle du conseil municipal de la commune concernée par l’ouvrage et l’avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites garantissent le caractère équilibré de la dérogation.
Il s’agit non seulement d’éolien de taille moyenne, mais aussi d’hydrolien et de solaire – photovoltaïque et thermique –, c’est-à-dire de l’ensemble du bouquet énergétique qui permettra à ces îles d’être autonomes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Entendre Joël Labbé défendre une dérogation à l’inconstructibilité des espaces proches du rivage pour l’implantation d’éoliennes sur les îles de petite taille est assez savoureux. Je ne peux bouder mon plaisir, cher Joël… (Sourires.)
Toutefois, je rappelle que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte autorise déjà une dérogation à la loi Littoral pour l’implantation d’éoliennes.
La commission n’a pas souhaité revenir sur cet équilibre sans une réflexion d’ensemble. Cette question mériterait d’être étudiée dans le cadre d’un texte spécifiquement dédié aux énergies renouvelables.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Les éoliennes bénéficient aujourd’hui d’un régime spécifique : elles peuvent être implantées en discontinuité de l’urbanisation, sous certaines conditions et toujours en dehors des espaces proches du rivage. Les implantations encadrées sont donc possibles.
Ces amendements montrent qu’il y a toujours une bonne raison de déroger à la loi Littoral, même pour ceux qui en ont fait un totem. Si nous empilions toutes ces demandes, il n’y aurait plus de loi Littoral.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Tout à fait !
M. Jacques Mézard, ministre. Nous avons voulu solutionner le problème des dents creuses et celui des installations nécessaires à la conchyliculture et à d’autres productions agricoles marines dans un cadre très clair qui ne souffre pas d’interprétation.
Si nous allions au-delà, nous ouvririons la boîte de Pandore et permettrions à toutes les issues conflictuelles et aux recours constants de prospérer. Il en existe déjà suffisamment pour ne pas en fabriquer de nouveaux. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Une fois n’est pas coutume, je pense que l’ensemble des parlementaires bretons peut se retrouver pour défendre cette proposition.
Il s’agit simplement d’une demande de dérogation à la loi Littoral pour permettre l’implantation d’éoliennes. Je ne vois là rien de trop contradictoire quand on connaît la spécificité de ces îles. L’île de Sein, par exemple, fait 800 mètres de large : la loi Littoral interdit donc toute implantation d’éolienne et il faut y livrer des tonnes de fioul chaque semaine, chaque mois, pour satisfaire les besoins énergétiques des habitants et des touristes qui viennent chaque été alors que le vent y souffle de manière importante. Idem à Ouessant.
Je voudrais que tout le monde se penche sur la spécificité de ces îles qui méritent un vote quasi unanime de notre assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je vous rassure, ce n’est pas la mafia bretonne vertueuse qui est à l’œuvre… (Sourires.)
Je veux rappeler à Mme la rapporteur et à M. le ministre, sous la statue de Portalis et avec mon plus grand respect, que la loi est faite pour les hommes et que des personnes vivent sur ces îles du Ponant, îles de l’extrême-ouest.
Il s’agit d’un combat commun que je mène avec Joël Labbé. En refusant d’adapter la loi Littoral pour permettre l’implantation d’éoliennes près du rivage, vous favorisez la désertification de ces petites îles.
Nous souhaitons simplement apporter aux femmes et aux hommes qui vivent sur ces îles très difficiles tout au long de l’année une énergie vertueuse. Il ne s’agit pas d’opposer loi Littoral et transition énergétique. J’aimerais que chacun comprenne bien la particularité de ces petites îles du bout du monde, où vivent courageusement beaucoup d’hommes et de femmes.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je m’étonne de la rigidité de M. le ministre, dont j’ai bien écouté les arguments.
Il est absolument nécessaire de tenir compte de la configuration des territoires. Appliquer la loi Littoral sur l’île de Sein, c’est y interdire tout projet d’aucune sorte parce qu’elle fait moins de deux kilomètres de long et 500 mètres de large. On ne peut rigoureusement rien y construire.
Que veut-on pour ces territoires ? Par notre amendement, nous souhaitons leur permettre, demain, d’être exemplaires conformément aux objectifs définis dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Veut-on favoriser le développement des énergies renouvelables sur ces îles ou laisser les générateurs fonctionnant au pétrole les polluer ? Veut-on qu’elles puissent continuer d’accueillir des visiteurs et permettre à la population sédentaire d’y demeurer ?
Je ne comprends pas que l’on puisse refuser ces adaptations particulièrement justifiées ; à défaut, il sera rigoureusement impossible de faire quoi que ce soit sur ces îles. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Union Centriste – M. Richard Yung applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Chers collègues bretons, vous n’êtes pas seuls : je vous apporte le soutien des Français de l’étranger, parmi lesquels figurent de nombreux Bretons… (Sourires.)
M. Michel Canevet. C’est vrai. Merci !
M. Richard Yung. J’ai du mal à comprendre quel drame se joue dans cette affaire. Installer de petites éoliennes, voire de petites hydroliennes, dans ces îles que nous connaissons bien – Molène, Houat, Sein, Hoëdic… – et qui sont elles-mêmes toutes petites ne va bouleverser ni leur paysage ni leur fonctionnement.
Cette idée me paraît assez raisonnable et je pense que le législateur a l’occasion de montrer qu’il peut faire preuve de souplesse dans l’appréciation des situations.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre : si l’on empile dérogation sur dérogation, il ne restera plus rien de la loi Littoral.
Mais cet exemple précis montre qu’il y a bien un problème : faute d’un processus dérogatoire, nous devons modifier la loi par petits bouts, alors qu’un consensus s’est clairement dégagé entre le monde environnemental et les collectivités locales sur la nécessité d’implanter des éoliennes sur ces îles particulièrement venteuses.
Nous passons des heures à discuter d’une éventuelle modification de la loi faute d’un processus dérogatoire défini. Établissons enfin ce processus en invitant les associations de protection de l’environnement autour de la table, même si tout le monde n’est pas d’accord sur ce point.
En Bretagne, tout le monde s’accorde sur ce projet. Il s’agit vraiment de l’exemple typique qui montre l’importance de disposer d’un tel processus.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 336 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.) (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Union Centriste – M. Richard Yung applaudit également.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12 sexies, et l’amendement n° 990 rectifié ter n’a plus d’objet.
L’amendement n° 374 rectifié ter, présenté par MM. Fouché et Guerriau, Mme Procaccia, MM. Panunzi et de Nicolaÿ, Mme Lopez et MM. Bouloux et Perrin, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’avant-dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 515-44 du code de l’environnement, après le mot : « minimum » sont insérés les mots : « équivalente à 3 fois la hauteur de la structure pale comprise et au minimum ».
La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Ce premier amendement de fond vise à préserver le cadre de vie des Français en exigeant une distance minimale entre les éoliennes et les habitations, les immeubles habités et les zones destinées à l’habitation qui prenne en compte la hauteur de l’éolienne, afin que la distance soit proportionnée à la taille de la structure.
Le plan Climat fixe une ambition de neutralité carbone pour notre pays à l’horizon 2050 et de diversification des modes de production d’électricité. Le développement des énergies renouvelables, plus particulièrement de l’éolien terrestre, constitue un enjeu fort pour parvenir à cette évolution de notre mix énergétique et à la décarbonation de notre énergie. Ce développement doit toutefois être réalisé dans le respect des populations et de l’environnement.
Pour que le développement de l’éolien ne s’accompagne pas de mise en danger de nos concitoyens, pour que le développement des parcs éoliens respecte l’acceptabilité des riverains, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, il convient d’instaurer un éloignement proportionné entre les installations éoliennes et les habitations. Tout le monde se rend compte, en traversant la campagne ou en prenant le train, de ce qui se passe.
Je précise enfin que cet amendement s’inscrit bien dans l’objet du présent projet de loi qui comporte un chapitre II, intitulé « Rénovation énergétique », au sein du titre IV, lui-même intitulé « Améliorer le cadre de vie ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’encadrement législatif de l’implantation d’éoliennes, inchangé depuis la loi Grenelle II, ne saurait être modifié au sein d’un projet de loi dédié principalement au logement.
Je vous ferai également remarquer, mon cher collègue, que votre amendement ne figure pas dans la partie du texte à laquelle vous faites référence…
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons.
Dans certains endroits, on nous demande plus d’éoliennes, dans d’autres on en veut moins… Cela correspond sans doute aux réalités de terrain, mais c’est assez compliqué à mettre en application…
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je ne suis pas du tout d’accord avec la commission et le Gouvernement : on ne peut pas dire que les choses fonctionnent bien.
Dans certains endroits – en Beauce, par exemple –, la présence de quelques parcs éoliens se justifie tout à fait. Ce n’est pas le cas partout.
Les municipalités sont démarchées sans arrêt par des sociétés étrangères qui proposent d’implanter des éoliennes et offrent des financements. C’est d’ailleurs pour cette dernière raison que certaines municipalités donnent leur accord.
On est en train de défigurer totalement le paysage. Les plans régionaux ne sont pas du tout respectés. Il faut reprendre les choses en main et élaborer des plans à l’échelon départemental en organisant, à l’instar de ce qu’on fait pour le nucléaire, une répartition des atouts financiers.
Le système éolien ne donne pas satisfaction. Si la commission et le Gouvernement souhaitent laisser le paysage se détériorer, ils en assumeront la responsabilité. Beaucoup de gens suivent nos travaux sur ces questions…
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Monsieur Fouché, vous proposez de modifier le code de l’environnement qui prévoit d’ores et déjà une distance de 500 mètres entre une éolienne dont le mât fait 50 mètres de haut et la première habitation.
Or votre amendement prévoit une distance égale à trois fois la hauteur du mât pale comprise. Dans le cas d’un mât de 50 mètres de haut et d’une pale de 20 à 30 mètres de long, la première habitation se situera à environ 250 mètres de l’éolienne. Il s’agit donc d’une régression pour les habitations concernées par rapport aux dispositions du code de l’environnement…
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 374 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 372 rectifié ter est présenté par MM. Fouché et Houpert, Mme Procaccia et MM. Guerriau, de Nicolaÿ et Bouloux.
L’amendement n° 639 rectifié quater est présenté par Mme Bonnefoy, MM. Daunis et Iacovelli, Mme Guillemot, M. Kanner, Mmes Artigalas et Conconne, MM. Montaugé, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Cartron, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey et Lienemann, MM. P. Joly et Kerrouche, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Roger, Sueur et Temal, Mme Tocqueville, M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’avant-dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 515-44 du code de l’environnement, le nombre : « 500 » est remplacé par le nombre : « 1000 ».
La parole est à M. Alain Fouché, pour présenter l’amendement n° 372 rectifié ter.
M. Alain Fouché. Selon la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie de notre pays doit atteindre le seuil de 32 % en 2030.
Si le développement du parc éolien participe à cet effort de diversification, il doit être encadré et doit respecter les paysages de nos territoires.
La multiplication des éoliennes, qui répond souvent à des mesures fiscales intéressant les collectivités, est un sujet d’aménagement du territoire. Elle entraîne un véritable mitage qu’accompagne la perte de valeur de nombreux biens immobiliers. Pis, l’installation d’éoliennes à proximité immédiate de sites historiques met en péril la réalisation de certains projets de rénovation.
La multiplication exponentielle et incontrôlée des projets éoliens inquiète clairement les élus locaux et la population. Cet amendement vise donc à rendre obligatoire l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France sur les installations d’éoliennes visibles depuis un immeuble classé, un monument historique ou un site patrimonial protégé et visible dans un périmètre de 10 kilomètres.
Je précise enfin que cet amendement s’inscrit toujours dans l’objet du présent projet de loi.
À côté de Chambord, on a bien abaissé la hauteur de la centrale nucléaire pour qu’elle ne soit pas visible depuis le château. Nous disposons d’un patrimoine architectural exceptionnel, ne le saccageons pas en installant des éoliennes visibles de partout.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour présenter l’amendement n° 639 rectifié quater.
Mme Nicole Bonnefoy. La progression importante de la taille des éoliennes, dont certaines atteignent 200 mètres de haut, nous invite à réfléchir aux conséquences de ces installations sur les habitations voisines, notamment en raison du bruit dû au fonctionnement des pales.
Alors que de nombreuses communes se sont livrées à une sorte de course folle voilà déjà une dizaine d’années en vue d’implanter le plus d’éoliennes possible sur leur territoire en raison des recettes fiscales induites, elles peuvent aujourd’hui regretter ces chantiers parfois hâtifs compte tenu des récriminations importantes des administrés, qui, non contents de devoir subir négativement l’effet visuel et sonore de ces structures au quotidien, doivent aussi faire face à la dévalorisation pécuniaire de leurs biens immobiliers.
Alors que le législateur anglais et certains Länder allemands ont opté pour une distance de 1 500 mètres et que certains États américains ont fixé une limite au-delà de 2 000 mètres pour des raisons de santé publique, cet amendement vise à fixer une distance de 1 000 mètres entre les éoliennes et les habitations, ce qui permettrait de concentrer dans des zones inhabitées des parcs éoliens de taille critique, tout en maintenant l’intérêt des énergies renouvelables et en diminuant le coût financier pour l’opérateur chargé de la construction, de la gestion et de l’entretien du réseau.
M. Laurent Duplomb. Pas chez moi !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission ne souhaite pas revenir sur des arbitrages effectués dans la loi Grenelle II et émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Monsieur Fouché, je dois vous avouer que je n’y comprends plus rien.
Votre amendement précédent tendait à réduire la distance entre une éolienne et la première habitation à trois fois la hauteur du mât pale comprise, soit environ 250 mètres pour une éolienne de 50 mètres de haut avec une pale de 30 mètres, ce qui constituait une régression par rapport aux 500 mètres en vigueur.
Le présent amendement vise à étendre cette distance minimale à 1 000 mètres. La bonne distance se situe entre les deux et la réglementation en vigueur qui prévoit une distance de 500 mètres me semble adéquate.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je ne partage pas du tout votre raisonnement, monsieur le secrétaire d’État.
Vous avez bien compris que derrière tout cela, il y a des histoires d’argent pour les communes comme pour les particuliers.
Implanter des éoliennes à 500 mètres des habitations, c’est très néfaste. Les élus ruraux, les anciens maires ici présents savent ce que les gens en disent.
Ma proposition, et celle de Mme Bonnefoy, de porter cette distance à 1 000 mètres est tout à fait sage. Et même si vous n’adoptez pas ces amendements aujourd’hui, je suis certain que vous y viendrez : les gens sont las de voir des éoliennes être implantées n’importe où. Vous devrez faire face à toujours plus de protestations et vous viendrez aux 1 000 mètres, c’est une certitude !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Ces amendements – ainsi que l’amendement n° 373 rectifié ter qui concerne la covisibilité des éoliennes et des monuments historiques – ont été soumis au vote du Sénat voilà environ trois ans.
Ils avaient été rejetés, car des simulations faites avec le plus grand sérieux avaient établi que leur adoption aurait entraîné la fin de tout projet d’implantation d’éoliennes sur notre territoire.
Or je rappelle que l’éolien est une filière mature sur laquelle nous devons nous appuyer si nous voulons réussir la transition énergétique et faire en sorte que la France atteigne les objectifs de 32 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2030 et de 40 % d’électricité d’origine renouvelable au même horizon.
Cela étant dit, il ne s’agit pas de faire n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment. Nous sommes tous d’accord sur ce point. Nous avons d’ailleurs légiféré à deux reprises pour trouver un consensus.
La distance de 500 mètres aujourd’hui en vigueur permet de tenir compte à la fois du respect des populations et de la nécessité de développer les énergies renouvelables.
Je ne peux voter en faveur des amendements de M. Fouché et de ma collègue et amie Nicole Bonnefoy, car fixer une distance de 1 000 mètres est de nature à supprimer tout nouveau projet éolien sur notre territoire.
La règle des 500 mètres est un point d’équilibre qu’il nous faut maintenir. Nous avons déjà travaillé sur la question des éoliennes à d’innombrables reprises. N’y revenons pas !
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je tiens à expliquer ma position sur cette question. J’ai en effet une expérience assez douloureuse en matière d’installation d’éoliennes, puisqu’il y a eu une véritable levée de boucliers à Petit-Canal, en Guadeloupe, contre leur cliquetis, qui rendait les gens un peu fous, et les éoliennes étaient pourtant situées à 500 mètres des habitations. La population a protesté devant les grilles de l’hôtel de région – il s’agissait pourtant d’un problème relevant de la commune –, contre des installations trop proches.
Si nous sommes tous favorables à l’implantation d’éoliennes, nous avons également conscience de l’importance de ne pas déranger les habitants.
Pour ma part, je souscris aux propos de mon collègue et voterai ces amendements, qui visent à augmenter la distance entre les éoliennes et les habitations, laquelle passerait de 500 mètres à 1 000 mètres. Cela me paraît raisonnable.
Ce faisant, on ne touche pas au totem sacré de la loi Littoral ! Si l’on veut composer avec la population en vue d’une acceptabilité sociale, nous devons comprendre que la pollution sonore des éoliennes est parfois considérée comme insupportable.
Pour résoudre le problème, nous avons dû recevoir une habilitation du Parlement et du Gouvernement, ce qui nous a permis de légiférer par le biais d’une « loi de région ». L’on parle aujourd’hui de différenciation, mais cela existe d’ores et déjà dans les outre-mer.
Nous avons cependant rencontré quelques difficultés, le Gouvernement ayant fait preuve d’une certaine rigidité. Il est donc difficile de trouver un équilibre entre le respect, d’un côté, des engagements en matière d’énergies renouvelables, de production électrique et de mix énergétique et, de l’autre côté, de la tranquillité publique.
Je le répète, je voterai ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je l’avoue, à la lecture de ces amendements, je suis absolument effondré, et le mot est faible ! Je remercie Roland Courteau de sa réaction. Ces amendements représentent des dizaines de milliers d’emplois supprimés ! On retrouve dans leur objet les arguments les plus éculés du lobby anti-éolien, y compris la prise illégale d’intérêts des élus locaux. C’est un simple copier-coller !
Comment avez-vous pu déposer un tel amendement, chers collègues socialistes ? Il faudra que nous nous expliquions à la buvette ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) C’est hallucinant, incroyable ! Alors que la France est en retard en la matière, vous menez une attaque frontale contre la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, que nous avons adoptée ici même, malgré quelques difficultés, en soutien à un gouvernement encore un peu socialiste. On s’est battu, Roland Courteau s’en souvient. (Protestations sur les mêmes travées.) Je n’invente rien ! C’est marqué !
Par ailleurs, l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, n’a absolument pas reconnu un risque médical !
Vous voulez mettre à terre une filière qui se développe enfin en France. Notre pays est en retard par rapport au reste de l’Europe. Vous mettez en danger des centaines d’emplois, y compris les sous-traitants installés en Vendée.
Je le répète, je suis effaré par ces amendements. (M. Jacques Genest applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Évitons de mettre le feu dans l’hémicycle, par des propos déplacés susceptibles de choquer un certain nombre de personnes. Je le dis tout à fait sereinement.
Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’une loi a été adoptée récemment qu’elle ne devrait pas être modifiée !
Pour autant, voici ma position sur ces amendements. Selon moi, si le Sénat les adopte, c’est la fin des éoliennes en France, mettons-nous bien cette idée en tête. C’est déjà tellement compliqué ! Je ne connais pas l’avenir des éoliennes, mais je sais que, dès qu’un projet se fait jour, un comité de défense se crée, dont certains membres sont d’ailleurs des écologistes, ne nous y trompons pas !
Comment savoir à quel prix l’électricité produite sera achetée demain ? Quoi qu’il en soit, revenir sur le compromis trouvé, c’est condamner l’éolien en France. Tout simplement, ce ne sera plus possible. Je parle là tout à fait calmement. Qu’on soit pour ou contre ces installations, là n’est pas le problème !
Je le répète, ce n’est pas parce qu’une loi a été votée qu’il ne faut pas la changer. Cependant, l’accouchement de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a été tellement difficile qu’il vaudrait mieux, selon moi, en rester à la limite des 500 mètres.
C’est la raison pour laquelle je soutiens, en la matière, Mme la rapporteur et M. le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour explication de vote.
M. Joël Bigot. Je souhaite rétablir une certaine sérénité dans l’hémicycle. Il ne s’agit pas du tout, monsieur Dantec, de contrecarrer l’extension des éoliennes.
Chacun l’a bien compris, il y a un problème d’acceptabilité sociale des éoliennes dans le contexte actuel. À chaque fois qu’une éolienne doit être installée, une partie de la population est vent debout, vent de travers… Un certain nombre d’associations expliquent qu’il est rigoureusement impossible de réaliser le projet. Et je ne parle pas des écologistes, un certain nombre d’entre eux n’ayant pas forcément des idées progressistes dans d’autres domaines…
Dans des pays qui ne sont pas suspectés de vouloir entraver la transition énergétique, comme le Danemark, l’Allemagne et certains pays nordiques, la distance exigée avec les habitations pour l’implantation d’une éolienne est parfois supérieure à 1 500 mètres, à tout le moins égale à trois fois la hauteur totale de l’éolienne.
Par ces amendements, il s’agit tout simplement, comme l’ont dit M. Fouché et Mme Bonnefoy, de regrouper les éoliennes et de prévoir une distance favorisant une acceptabilité sociale. C’est tout ! Il ne s’agit pas d’entraver le développement de l’éolien, qui est aujourd’hui une activité sûre.
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Aujourd’hui, mercredi 18 juillet 2018, c’est la première fois et peut-être la dernière que M. Dantec et moi sommes d’accord ! Je le note sur mon agenda. (Sourires.)
Ses propos sont tout à fait justes. Les arguments des auteurs de ces amendements sont effectivement ceux d’un certain nombre d’organismes.
J’évoquerai mon expérience personnelle. Sur la montagne ardéchoise, nous avons sûrement le plus grand parc éolien de la région Auvergne-Rhône-Alpes. On ne fait pas n’importe quoi, dans la mesure où il faut sept ans à huit ans pour monter un dossier. Il y a eu de la contestation, qui ne venait d’ailleurs pas de gens du pays, mais d’organismes extérieurs.
Aujourd’hui, le parc fonctionne. Les élus sont sûrement corrompus ! Ce qui est certain, c’est que les citoyens sont bien contents que des terrains de football puissent être construits grâce aux retombées fiscales.
Pour ma part, je n’ai pas entendu une seule personne se plaindre du bruit. À 500 mètres de distance, une éolienne est moins bruyante qu’une ligne à haute tension, je peux vous le dire en tant que chasseur. Et pourquoi ne pas supprimer les lignes à haute tension ?
Je voterai donc contre ces amendements. (M. Ronan Dantec applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Je tiens non seulement à saluer l’accord de MM. Jacques Genest et Ronan Dantec, mais aussi à redire que l’adoption de ces amendements remettrait en cause la possibilité d’installer des éoliennes. Il suffit de les lire pour arriver à la conclusion qu’il n’y aurait alors plus de possibilité réelle, aux niveaux administratif et technique, d’en construire.
Il ne me paraît guère logique de vouloir en installer plus à tel endroit, puis de voter le principe de ne plus en construire. J’ai toujours défendu à la fois le nucléaire et les énergies renouvelables. C’est notre rôle d’expliquer à nos concitoyens que nous avons besoin de produire de l’énergie chez nous. C’est essentiel.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Jacques Mézard, ministre. J’entends les personnes vent debout et les manifestations de colère. En tenant ces propos, je ne veux pas dire qu’il faille mettre des éoliennes partout. Une certaine cohérence est nécessaire : on ne peut pas laisser la liberté d’agir aux maires parce qu’ils savent ce qu’ils font et considérer, quand il s’agit d’installer des éoliennes, qu’il faut mettre le maximum de barrières pour les empêcher de le faire.
Nous avons également rencontré de nombreuses difficultés concernant les pylônes électriques et les lignes à haute tension. Doit-on pour autant les supprimer ?
La position du Gouvernement est la suivante : oui, il faut des éoliennes, mais pas n’importe où ni n’importe comment. Comme l’a justement rappelé M. Courteau, un équilibre a été trouvé.
M. Didier Guillaume. Gardons-le !
M. Jacques Mézard, ministre. En l’état actuel des choses, il donne à peu près satisfaction, même si, en la matière, les procédures, nous en savons tous quelque chose en tant qu’élus locaux, sont particulièrement longues. Il faut en effet sept ans ou huit ans pour voir aboutir un projet, ce qui n’est pas très satisfaisant si l’on considère les besoins de nos concitoyens en matière d’énergie.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je suis également effaré par ces amendements. Avec les éoliennes, il s’agit de transition énergétique. J’aimerais que nous ayons les mêmes craintes pour ce qui concerne les autres sources d’énergie !
Il s’agit là d’une énergie plutôt vertueuse. Bien entendu, il ne faut pas faire n’importe quoi. Si on prévoit une distance de 1 000 mètres, on le sait très bien, on tire un trait sur cette énergie.
Vous avez beaucoup évoqué la responsabilité des élus. Nous disposons de documents d’urbanisme, de PLU et de PLUI, au sein desquels on peut très bien cadrer l’implantation des éoliennes, en concertation avec la population. C’est vrai, il est très difficile d’arriver à faire accepter la construction de telles structures. Elles peuvent faire peur, car elles entraînent des nuisances, comme les autres énergies. Mais si on discute réellement en amont avec la population, en répartissant convenablement les implantations, on peut réussir. Un vrai débat doit être mené dans chaque territoire. En la matière, la responsabilité des élus est engagée : que veut-on ? Comment ? Pour quelle politique énergétique ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je suis un peu surpris de ce débat et du temps que nous consacrons à l’éolien.
On a fait référence à différents textes. Certains ne sont pas très anciens, puisqu’ils ne sont pas encore appliqués ! Certains d’entre nous, quelle que soit leur sensibilité politique, ont participé à des groupes de travail – c’est mon cas –, avec le secrétaire d’État Sébastien Lecornu, pour travailler sur une meilleure efficacité en matière d’éolien, de méthanisation et d’énergie solaire. Cela a permis de simplifier et de sécuriser la situation.
Et aujourd’hui, alors que notre rapporteur a énormément travaillé sur la question du logement, nous passons quarante-cinq minutes sur un sujet déjà traité. Revenons-en au cœur du débat ! Pour le reste, il suffit de mettre en œuvre les mesures que nous avons déjà adoptées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Je ne peux pas applaudir en tant que président de séance, mais ce n’est pas l’envie qui m’en manque ! (Sourires.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 372 rectifié ter et 639 rectifié quater.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 373 rectifié ter, présenté par MM. Fouché et Guerriau, Mmes Procaccia et Mélot, MM. Panunzi, Houpert et de Nicolaÿ, Mme Lopez et MM. Perrin et Bouloux, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 515-44 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent, lorsqu’elles sont visibles depuis un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou d’un site patrimonial protégé et visibles en même temps, situées dans un périmètre déterminé par une distance de 10 000 mètres, ne peuvent être implantées que sur avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France rendu dans les conditions prévues à l’article L. 621-32 du code du patrimoine. »
La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Mes chers collègues, je serai bref, et qualifierai cet amendement d’« éolicide ». S’il était adopté, plus aucun projet ne verrait le jour en France ! Eu égard au nombre de monuments historiques sur notre territoire, si on appliquait la règle des 10 000 mètres, nous déborderions largement les limites du territoire national !
Voilà trois ans, nous avons eu ce débat. Il a été tranché. N’y revenons donc pas ! Disons-le tout net : il existe en France des personnes qui sont irrationnellement contre l’éolien. On les appelle d’ailleurs les anti-éoliens ! Avec tout le respect que je dois à mon collègue Alain Fouché, j’affirme de nouveau qu’il s’agit là d’un amendement éolicide.
Je persiste également à rappeler que, en matière d’installation d’éoliennes, il ne faut pas faire n’importe quoi, n’importe comment et n’importe où. La législation sert à encadrer, préciser et éviter les dérapages.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Cet amendement concerne les bâtiments classés. Il est donc bien naturel de ne pas pouvoir faire n’importe quoi !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 373 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 397 rectifié, présenté par MM. Decool, Capus, Chasseing, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa des articles L. 121-12 et L. 121-39 du code de l’urbanisme, après le mot : « vent », sont insérés les mots : « et les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil lorsqu’ils se situent sur des sites dégradés ».
II. – Un décret définit les sites dégradés auxquels s’appliquent les dispositions du I du présent article.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement vise à rétablir la dérogation à la loi Littoral s’agissant des projets solaires sur sites dégradés. Il s’agit simplement de favoriser la revalorisation de ces sites, qui représentent des surfaces propices à l’installation de centrales photovoltaïques.
Le territoire français compte en effet un nombre significatif de sites dégradés sur le plan environnemental, dont l’exploitation ou la remise en état n’est parfois pas possible, ce qui les destine à l’abandon.
Ces sites représentent des surfaces propices à l’installation de centrales photovoltaïques et présentent une valeur foncière et environnementale faible. Ils constituent donc un potentiel intéressant.
M. le président. L’amendement n° 811 rectifié bis, présenté par M. D. Laurent, Mme Imbert, MM. Poniatowski, Milon, Lefèvre, Priou, Savary, Morisset, Bazin, Meurant, Mayet, B. Fournier et de Legge, Mmes A.M. Bertrand et Deromedi, M. Genest, Mmes Lanfranchi Dorgal, Garriaud-Maylam et Lamure et MM. Sido, Saury, Revet, Rapin, Cuypers, de Nicolaÿ, Husson, Pierre et Babary, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa des articles L. 121-12 et L. 121-39 du code de l’urbanisme après le mot : « vent », sont insérés les mots : « , ou à la production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil lorsqu’ils se situent sur des sites dégradés définis par décret ».
La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Cet amendement, qui concerne les sites dégradés, est similaire au précédent.
Des projets de centrales photovoltaïques engagés par des communes littorales, visant à valoriser ou réhabiliter des sites dégradés, ne peuvent aboutir, quand bien même ils auraient obtenu un avis favorable de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Ils sont en effet considérés comme une extension d’urbanisation en discontinuité de l’urbanisation existante.
En métropole, des projets représentant une puissance cumulée d’environ 400 mégawatts seraient ainsi bloqués en Nouvelle-Aquitaine, dans les Pays de la Loire et en Occitanie. En outre-mer, pour la seule île de la Réunion, au moins dix projets seraient concernés.
Madame la rapporteur, monsieur le ministre, il est important qu’on évolue sur ces questions. Alors qu’on ne cesse de parler des énergies renouvelables, qui représentent l’avenir, la mise en place de centrales photovoltaïques sur ces sites dégradés est considérée, dans le cadre de la protection de l’environnement, comme une nuisance. Pourtant, tel n’est pas le cas, puisque ces sites dégradés constituent d’ores et déjà une nuisance. Leur transformation les améliorerait certainement dans certains cas.
On parle d’un nouveau monde. Faisons en sorte qu’il s’adapte aux nouvelles énergies !
M. le président. L’amendement n° 399 rectifié, présenté par MM. Lagourgue, Decool, Capus, Chasseing, Fouché, Guerriau, Malhuret et A. Marc et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa de l’article L. 121-39 du code de l’urbanisme, après le mot : « vent », sont insérés les mots : « et les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil lorsqu’ils se situent sur des sites dégradés ».
II. – Un décret définit les sites dégradés auxquels s’appliquent les dispositions du I du présent article.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement, dont le premier signataire est mon collègue Jean-Louis Lagourgue, a pour objet l’autonomie énergétique des territoires d’outre-mer à l’horizon 2030, dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Il s’agit de circonscrire la dérogation à la loi Littoral aux projets solaires sur sites dégradés dans les DOM.
M. le président. L’amendement n° 845 rectifié, présenté par MM. Bignon et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Guerriau, Wattebled, Chasseing, Fouché et Decool, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa de l’article L. 121-39 du code de l’urbanisme, après le mot : « vent », sont insérés les mots : « et les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil lorsqu’ils se situent sur des sites dégradés à l’exclusion des espaces faisant l’objet d’une obligation légale de remise en état ou de ceux destinés à l’accueil du public ».
II. – Un décret définit les sites dégradés auxquels s’appliquent les dispositions du I du présent article.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission, qui n’a pas souhaité ouvrir de dérogations au bénéfice des centrales solaires, a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements. En effet, l’impact paysager de ces installations, qui sont consommatrices d’espace, est fort. Il semble que, pour ces sites dégradés, la priorité serait plutôt la réhabilitation et la valorisation.
En outre, le présent texte n’est pas dédié, vous l’aurez compris, aux énergies renouvelables.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces quatre amendements. Autoriser l’installation, dans ces conditions, de centrales photovoltaïques ne serait pas une bonne chose.
La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale avait adopté le principe de telles implantations. Finalement, les députés, comme je l’avais souhaité, ont voté contre.
Je l’ai dit, je suis de ceux qui ont toujours défendu la production d’énergie, que ce soit par la voie nucléaire, éolienne ou photovoltaïque. En tant que président d’une communauté d’agglomération, j’ai œuvré en faveur de la réalisation d’une centrale photovoltaïque de plus de 120 hectares. C’est dire si je n’y suis pas opposé ! Toutefois, veillons à procéder à ces installations de manière équilibrée, pour faciliter leur acceptation par nos concitoyens.
Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer. Si je comprends leur motivation, j’estime que l’adoption de ces derniers ne serait pas une bonne chose.
M. le président. L’amendement n° 397 rectifié est-il maintenu, monsieur Decool ?
M. Jean-Pierre Decool. J’ai très longtemps été maire en milieu rural. J’avais fait inscrire dans le PLU, qui est aujourd’hui un PLUI, la préservation des terres de bonne productivité agricole et l’implantation de centrales photovoltaïques sur des friches.
Sur le littoral dunkerquois, il y a des quantités de friches industrielles laissées en l’état. Selon moi, il serait judicieux d’y installer des centrales photovoltaïques. Je maintiens mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 811 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Daniel Laurent ?
M. Daniel Laurent. Oui, monsieur le président. Je considère en effet qu’il s’agit d’une facilité donnée aux maires et aux élus du territoire pour répondre au besoin de proximité.
Par rapport à ce que disait tout à l’heure M. le ministre, je n’ai pas entendu nos habitants contester l’implantation de panneaux photovoltaïques, quel que soit l’endroit où ils le sont.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 811 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 422 rectifié bis, présenté par MM. Vaspart, Bas, Bizet, Mandelli et Chaize, Mme Canayer, MM. Rapin, Priou, Cornu et Pointereau, Mmes M. Jourda, Morhet-Richaud et Imbert, MM. Canevet, D. Laurent, Paul, Pellevat, Le Nay, Vial, H. Leroy et Meurant, Mmes Lavarde et Di Folco, MM. Henno, Louault, Brisson, Pierre et Grand, Mme Deromedi, MM. Raison et Perrin, Mme Bruguière, M. Lefèvre, Mme Malet, MM. Danesi, Sido, Cuypers et Savary, Mmes de Cidrac et Garriaud-Maylam, MM. L. Hervé, Milon, Moga et Ginesta, Mmes N. Delattre et Lherbier et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 1 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme est complété par un article L. 121-12-… ainsi rédigé :
« Art. L. 121-12-… – L’extension d’une zone d’activités peut être autorisée, en dehors des espaces proches du rivage, en continuité de la zone existante, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, pour les besoins de développement des entreprises qui y sont implantées à la date de promulgation de la loi n° … du … portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
« Cette opération n’ouvre pas de droit ultérieur à une extension de la zone d’activités. »
La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Monsieur le ministre, les communes littorales rencontrent une difficulté notoire.
Un certain nombre d’entre elles comptent en effet une zone d’activités située la plupart du temps en dehors des espaces proches du rivage et souvent à plusieurs kilomètres du littoral. À l’heure actuelle, il n’est pas possible de procéder à une extension de cette zone. Dont acte. Selon moi, de nombreux maires ne le savent toujours pas ! Cela signifie qu’aucune entreprise nouvelle ne peut s’implanter sur les communes littorales. Quant aux entreprises déjà installées, elles sont souvent dans l’obligation de déménager si elles veulent se développer.
Cet amendement ne vise pas à accueillir une ribambelle d’entreprises nouvelles dans les communes littorales. Il s’agit simplement de permettre à une entreprise déjà présente de s’agrandir, plutôt que de l’obliger à déménager. Pour éviter l’effet domino reproché à ce type de dispositif, il est bien précisé qu’une telle opération n’ouvre pas de droit ultérieur à une extension de la zone d’activités. La disposition ne peut donc jouer qu’une seule fois, uniquement pour les entreprises déjà implantées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, bien qu’elle ait largement compris l’enjeu du développement économique des communes littorales, comme on l’a vu lors de l’adoption d’amendements précédents visant à apporter des réponses à des situations bien précises.
Certes, la rédaction retenue dans le cadre de cet amendement permet de résoudre le problème de l’urbanisation en cascade, par l’interdiction de toute nouvelle extension dès le premier permis délivré. Toutefois, cette disposition n’est pas de nature à déclencher une réflexion globale sur la stratégie d’extension.
Par ailleurs, si on peut comprendre la volonté de restreindre la disposition aux seules entreprises déjà implantées, cela soulève une interrogation au regard des principes d’égalité et de liberté de commerce et d’industrie.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que la commission.
En outre, les dispositions législatives actuelles permettent l’extension de l’urbanisation dans les communes littorales en continuité des agglomérations et villages existants, à savoir des espaces comportant un nombre et une densité significative de constructions. Par conséquent, dans un certain nombre de cas, votre amendement, monsieur le sénateur, est satisfait.
Cet amendement prévoit l’extension des zones d’activités. Ainsi, toutes les zones d’activités existantes pourraient faire l’objet d’une extension, dont l’importance n’est d’ailleurs pas précisée, pour permettre le besoin de développement de toutes les entreprises déjà présentes. Cela signifie qu’on pourrait ainsi étendre de manière considérable les zones d’activités, pour les besoins de toutes les entreprises déjà implantées.
J’attire l’attention de la Haute Assemblée : il ne s’agit pas d’une adaptation mineure. C’est une brèche ouverte dans la loi Littoral, pour des développements extrêmement importants.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 422 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 989 rectifié, présenté par M. Labbé, Mme N. Delattre et M. Guérini, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 2 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme est complété par un article L. 121-… ainsi rédigé :
« Art. L. 121-… – Par dérogation à l’article L. 121-13, les aménagements ou installations à vocation agricole qui, eu égard à leur nature et à leur dimension, présentent un caractère limité et entièrement démontable, peuvent être autorisés dans les espaces proches du rivage avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Cet accord est refusé si les aménagements ou installations sont de nature à porter une atteinte à l’environnement ou aux paysages. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. La défense de cet amendement constitue un exercice délicat pour un écologiste ! J’entends déjà la réponse de Mme la rapporteur…
Vous savez toutes et tous que je défends avec force l’alimentation de proximité et la relocalisation de l’alimentation.
Cet amendement concerne les espaces proches du rivage. Je m’intéresse plus particulièrement aux serres de maraîchage qui sont bien évidemment démontables, de taille très limitée et paysageables. Il s’agit de prévoir une dérogation, mais une dérogation encadrée, donc admissible. Je sais bien, malheureusement, que les dérogations s’accumulent les unes après les autres !
Cet amendement vise donc à adapter la loi Littoral, et plus particulièrement le régime des espaces proches du rivage, aux contraintes des activités agricoles de proximité, qui nécessitent uniquement la mise en place d’aménagements démontables et de faible importance.
On voit, sur le terrain, des projets d’installation bloqués, bien que leurs impacts environnementaux et paysagers soient moindres.
Ainsi le maraîchage peut-il nécessiter uniquement la mise en place de petits tunnels de dimension réduite, dont l’incidence est très limitée, et le paysage peut être protégé facilement, notamment par la mise en place de haies bocagères.
La consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et l’exigence d’un accord du préfet garantiront le caractère limité de la dérogation, afin de préserver la vocation des espaces proches du rivage. Cela permettra une approche au cas par cas des projets soumis, dont le nombre ne sera pas excessif.
Dans le même sens, il est prévu que cet accord soit refusé si les aménagements ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou au paysage, ce qui garantit également un équilibre.
Je prends donc le risque, en toute connaissance de cause, de défendre cet amendement, au nom du bon sens et de la relocalisation de l’alimentation. De tels aménagements peuvent faire vivre des familles, à condition, bien entendu, qu’ils soient construits dans les espaces proches du littoral mais pas sur le littoral lui-même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Monsieur Labbé, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
En effet, le code de l’urbanisme prévoit déjà, dans les espaces proches du rivage, la possibilité d’étendre l’urbanisation de manière limitée, pour des aménagements légers.
Comme vous l’avez souligné, le SCOT, le schéma de mise en valeur de la mer, ou, en leur absence, l’accord du préfet après avis de la CDNPS, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, peuvent autoriser ces constructions.
La demande de dérogation que vous formulez est donc satisfaite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Même avis.
Des dérogations sont d’ores et déjà possibles, comme Mme la rapporteur vient de le dire.
Surtout, monsieur le sénateur, votre amendement vise à mettre en place de nouvelles structures dans les zones protégées, là où les textes ne prévoient cette possibilité, aujourd’hui, que pour les cultures marines, qui, par définition, structurellement, ne peuvent pas ne pas être implantées à proximité immédiate de la mer.
Par ailleurs, l’adoption de l’amendement tel qu’il est rédigé ouvrirait la voie à une multitude d’interprétations. Des structures « démontables » ? Beaucoup de choses sont démontables ! Et que signifie un « caractère limité » ?
Eu égard aux dérogations déjà existantes, à celles qui ont été ajoutées et qui sont relatives aux cultures marines, et à la façon dont est rédigé l’amendement, je demande à ses auteurs de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 989 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 989 rectifié est retiré.
Article 12 septies A (nouveau)
Après l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 121-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-10-1 (nouveau). – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 121-8, dans les départements de Guadeloupe, de Guyane, de La Réunion, de Martinique et de Mayotte, les constructions ou installations liées aux activités de stockage, de traitement ou de valorisation des déchets qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. Le changement de destination de ces constructions ou installations est interdit.
« En Guyane, la dérogation mentionnée au premier alinéa s’applique en dehors des espaces proches du rivage et au-delà d’une bande d’un kilomètre à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs désignés à l’article L. 321-2 du code de l’environnement. »
M. le président. L’amendement n° 784, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 12 septies A, introduit par la commission, qui autorise à déroger à la loi Littoral pour réaliser des constructions ou installations liées aux activités de stockage, de traitement ou de valorisation des déchets, bref, des décharges, sur des zones où une telle implantation est aujourd’hui interdite, et cela spécifiquement dans les territoires ultramarins.
Nous avons eu longuement ce débat à l’Assemblée nationale. Pour ne rien vous cacher, le texte initial proposé par le Gouvernement incluait une disposition analogue. Après échange avec les députés ultramarins, qui étaient vent debout contre cette mesure et dont les arguments nous ont convaincus, nous avons décidé de retirer cette disposition du projet de loi.
Nous maintenons cette position et proposons la suppression de cette disposition votée ici même en commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, vous proposez la suppression d’un article que nous avons adopté en commission.
Cette dérogation me semble très restreinte : elle ne concerne que les installations de traitement des déchets qui sont peu compatibles avec le voisinage de zones habitées.
En outre, elle ne peut être accordée dans les espaces proches du rivage ou situés sur la bande littorale, et nécessite impérativement l’accord du préfet et la consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
Nos collègues des collectivités d’outre-mer seront ainsi rassurés, sachant que la géographie très particulière de ces collectivités soumet une large part de leur territoire à la loi Littoral. C’est à ce titre que nous avons souhaité leur accorder un petit peu plus de souplesse.
L’avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement du Gouvernement.
Mme Catherine Conconne. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je voterai – avec enthousiasme, allais-je presque dire – l’amendement du Gouvernement.
Après un débat animé à l’Assemblée nationale, un texte de notre collègue Georges Patient, qui n’est pas présent ce soir, nous avait été soumis. Ce texte prévoyait déjà des dérogations relatives aux installations photovoltaïques et à l’exploitation de l’énergie radiative du soleil.
L’amendement qui a été adopté en commission a un tout autre objet : la dérogation n’est pas limitée ; elle vise toutes les installations de stockage, de traitement et de valorisation des déchets ! On connaît les péripéties qui sont le lot de la bureaucratie administrative – elles ont été rappelées, y compris par M. le ministre ; les articles R. 121-4, R. 121-5 et L. 121-17 du code de l’urbanisme – le ministre les a cités – permettent déjà de telles dérogations pour des activités ou installations de service public, ou pour toutes les activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau.
Je sais que chacun « galère » pour obtenir des autorisations, mais c’est là une affaire de circulaires et d’instructions. Il faut dire au préfet, à la DEAL, la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement, ou aux services des affaires maritimes de faire leur travail !
Les dispositions de l’amendement adopté par la commission vont beaucoup plus loin que tout ce qu’on nous a soumis auparavant.
Je profite de cette discussion pour dire que mon collègue Dominique Théophile ici présent a déposé un amendement sur le même sujet que je ne pourrai voter. Il a été question de la « mafia bretonne vertueuse ». (Sourires.) J’aurais aimé m’entendre avec la mafia ultramarine vertueuse, mais je ne peux soutenir la proposition de mon collègue : elle va trop loin !
En Guadeloupe, nous participons très activement à la transition énergétique et à la promotion d’une croissance verte, à laquelle nous avons même adjoint l’objectif d’une croissance bleue. Nous avons exprimé notre désir de faire de la Guadeloupe l’île bio par excellence, d’y développer les énergies renouvelables – ce désir a même constitué l’un des engagements forts de la dernière campagne électorale. La disposition votée par la commission est contraire à cette ambition !
Je demande à tous mes collègues, sur toutes les travées, de voter l’amendement du Gouvernement et de ne pas laisser le texte en l’état.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La rédaction que nous proposons était une réponse à l’amendement d’un de nos collègues des collectivités d’outre-mer, qui n’est pas présent dans l’hémicycle.
Cela dit, j’entends les arguments qui sont avancés. Je ne suis pas la mieux placée pour m’immiscer dans ce débat, qui est très complexe ; je laisserai donc faire le Sénat. Si les collègues ici présents qui représentent ces territoires pensent qu’il vaut mieux voter l’amendement du Gouvernement, je n’en ferai pas une affaire d’État, loin de là !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Je suis favorable au texte proposé par la commission. C’est, selon moi, une question de cohérence.
N’oublions pas que deux tiers des habitants de nos territoires vivent sur le littoral ; à ce titre, ils sont soumis à une démarche stricte, qui relève de l’agence des cinquante pas géométriques. Aujourd’hui, des quartiers entiers, des villes entières, sont concernés par ces dispositifs.
Il faut faire preuve de cohérence en matière d’équipement ; il faut donc donner de l’air et de la souplesse aux agences des cinquante pas géométriques, en évitant de leur mettre des bâtons dans les roues. L’idée est qu’elles n’aient pas, chaque matin, à demander dérogation après dérogation, et qu’elles puissent avoir les moyens, y compris concernant le traitement des déchets, de donner aux populations de ces quartiers et de ces villes une continuité en termes d’offre de service public, en particulier pour tout ce qui touche à l’environnement.
Je suis favorable à ce que les agences des cinquante pas géométriques aient le plus de latitude possible pour pouvoir aménager, et qu’elles ne soient pas simplement cantonnées dans la remise de titres, tel que cela se passe aujourd’hui.
Il existe un devoir d’aménagement ; dans le pays qui me concerne et que je connais le mieux, la Martinique, ces agences sont aujourd’hui contraintes par une multitude incalculable de procédures encadrant les actions qu’elles mènent pour offrir assainissement, eau potable, voirie, traitement des déchets, à des espaces qui constituent pourtant de véritables quartiers, voire de véritables villes.
À titre personnel, je suis donc favorable à cet assouplissement ; il s’agit d’envoyer un signal concernant une géographie d’aménagement très particulière.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet, pour explication de vote.
Mme Viviane Malet. Je suis du même avis que M. Lurel. Un amendement visant, déjà, à supprimer cette disposition avait été adopté par l’Assemblée nationale – cela a été rappelé. Sur l’île de la Réunion, du sommet des montagnes au battant des lames, du Piton des Neiges à la mer, on ne pourra plus rien faire si le présent amendement n’est pas adopté.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Eu égard à ces interventions, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, l’article 12 septies A est supprimé, et l’amendement n° 1112 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 1112, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après le mot :
départements
insérer les mots :
et collectivités
Article additionnel après l’article 12 septies A
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 251 rectifié ter, présenté par MM. Panunzi et Kennel, Mme Garriaud-Maylam, MM. Castelli et Moga et Mme Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
Après l’article 12 septies A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 1 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme est complété par un article L. 121-12-… ainsi rédigé :
« Art. L. 121-12-… – Dans les territoires ultra-marins et dans les territoires insulaires de métropole, les constructions ou installations nécessaires à des équipements collectifs peuvent être autorisées, par dérogation à l’article L. 121-8, lorsque leur localisation est justifiée par des nécessités techniques impératives. Cette dérogation s’applique en dehors des espaces proches du rivage et est soumise à l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. Le changement de destination de ces constructions et installations est interdit. »
La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi.
M. Jean-Jacques Panunzi. Monsieur le président, je retire cet amendement ; une grande partie de mes interrogations ont été levées par la réponse de M. le ministre sur l’amendement de M. Vaspart.
M. le président. L’amendement n° 251 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 362 rectifié bis, présenté par MM. Théophile et Dennemont, est ainsi libellé :
Après l’article 12 septies A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 1 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme est complété par un article L. 121-12-… ainsi rédigé :
« Art. L. 121-12-… – Dans les départements de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et de Mayotte, les constructions ou installations nécessaires à des équipements collectifs peuvent être autorisées, par dérogation aux dispositions de l’article L. 121-8, lorsque leur localisation est justifiée par des nécessités techniques impératives. Cette dérogation est soumise à l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter une atteinte significative à l’environnement ou aux paysages. »
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Nous revenons au sujet dont il a déjà été question tout à l’heure, raison pour laquelle je n’étais pas, alors, intervenu.
Cet amendement vise à introduire, dans les territoires ultramarins où s’applique la loi Littoral, une dérogation au principe d’extension de l’urbanisation au profit d’équipements d’intérêt collectif dont l’implantation est imposée par des nécessités techniques impératives, avec l’accord du préfet après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
En effet, des contraintes d’ordre technique peuvent justifier que des équipements répondant à la satisfaction d’intérêts collectifs soient implantés en discontinuité de l’urbanisation existante, tout particulièrement dans les territoires ultramarins et insulaires, où la géographie est de nature à limiter les sites d’implantation potentiels de tels équipements.
Ces contraintes techniques peuvent résulter de distances d’éloignement à respecter – c’est le cas pour la gestion des déchets – ou de la nécessité d’implanter un équipement, par exemple une station de potabilisation, à un endroit précis.
En revanche, en l’absence de telles contraintes, une implantation en discontinuité, y compris pour des équipements d’intérêt collectif, est exclue. Cette dérogation ne saurait donc bénéficier à des équipements tels que des collèges, des installations sportives, etc., dont rien ne justifie qu’ils soient implantés à distance des zones urbanisées.
Cette dérogation ne s’applique pas dans les espaces proches du rivage, et l’accord de l’État, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, doit être préalablement recueilli. En outre, le porteur de projet devra à la fois démontrer l’intérêt collectif associé au projet et présenter les considérations techniques présidant au choix de l’implantation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Avis défavorable. Il ne me semble pas souhaitable d’inscrire dans la loi une dérogation qui pourrait s’avérer trop large.
De surcroît, la notion de « nécessités techniques » est beaucoup trop floue pour être opérationnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Cette proposition va très loin, plus loin même que ce que nous venons de rejeter : toutes les installations « nécessaires à des équipements collectifs » sont concernées ! Or la loi permet déjà de mettre en œuvre de telles dérogations.
Je rappelle à mon collègue que le CIVAM a été installé, en Guadeloupe, en zone de mangrove ; nul besoin, pour cela, de changer la loi. Des stations de production d’eau potable et des stations d’épuration sont implantées à proximité du littoral – cette proximité, bien sûr, n’est pas immédiate.
C’est donc, aujourd’hui, l’exécution de la loi qui pose problème. Pour que les choses fonctionnent mieux, ce sont des instructions qu’il faut donner aux fonctionnaires.
Je ne suis pas contre une évaluation de la loi ; néanmoins, aujourd’hui, il est possible d’installer des activités économiques à proximité de l’eau. À ma connaissance, aucune autorisation n’a jamais été refusée sur ce fondement à un projet de centre nautique ou d’équipement sportif. Pour tout ce qui relève du service public, il est possible de construire ! De là à inscrire dans le texte une ouverture aussi large que celle qui est proposée, il y a un pas qu’il ne serait pas sérieux de franchir !
Par ailleurs, s’il y a vraiment nécessité à construire telle ou telle installation, et si nous estimons que la loi nationale n’est pas suffisamment adaptée à nos réalités, nous avons la possibilité de demander une habilitation. Après évaluation préalable, le Gouvernement ou, le cas échéant, le Parlement, accepte ou refuse. Le Secrétariat général du Gouvernement examine la question, et le Conseil d’État rend un avis sur la compatibilité des adaptations avec l’esprit de la loi nationale.
Mais procéder à une telle demande de dérogation à la faveur d’un amendement, quelle que soit l’intelligence qu’on a pu mettre à le rédiger, ce n’est pas très prudent !
Ainsi, les services de ramassage des ordures ménagères ont toute leur place dans ces espaces ; est-ce à dire que, demain, pourraient y être installées, au beau milieu de zones touristiques, des usines d’incinération, de telle sorte qu’on n’y respirerait plus ? Il faut préserver notre patrimoine !
Nous sommes des îles ; la Guadeloupe fait 1700 kilomètres carrés. Songez que, chez moi, on projette de construire un golf de 300 hectares sur des terres agricoles. Et je dirais ici le contraire de ce que je soutiens là-bas ?
À mon grand regret, je ne pourrai donc voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Je comprends les précautions de mon collègue Lurel : nous vivons, lui et moi, sur des territoires à l’organisation similaire.
Mais, si mon collègue Théophile, comme d’autres, est monté au créneau pour demander que soit cassé ce qui aujourd’hui dysfonctionne et scellée cette évolution dans la loi, c’est parce que les dysfonctionnements dont il est question sont énormes. Souvent, on nous oppose une loi : « La loi ne permet pas ! La loi dirait ceci ! La loi dirait cela ! ». Si, en cette affaire, nous insistons, c’est pour dire qu’il faut agir.
À la Martinique, l’usine d’incinération est située à proximité de la mer – nulle exception particulière là-dedans. La mer, chez nous, est toujours très proche : avec trente kilomètres de large, on y arrive très vite !
Si les agences des cinquante pas géométriques nous font remonter des demandes visant à casser certaines logiques, à alléger et à fluidifier certaines procédures, c’est parce que les blocages sont nombreux. Ce constat ne m’empêche pas de partager la prudence de mon collègue Lurel : il ne s’agit pas de faire tout et n’importe quoi !
Mais, aujourd’hui, les agences des cinquante pas géométriques procèdent à des aménagements importants, y compris en termes d’assainissement, dans des lieux qui, souvent, ont été urbanisés de la manière la plus spontanée qui soit, dans le désordre le plus complet. Le moment est donc venu de régulariser, de mettre de l’ordre, d’offrir aux populations qui y vivent des conditions de vie correctes, de surcroît compatibles avec l’activité économique et avec la protection de l’environnement – de telles conditions font aujourd’hui souvent défaut.
Il faut donc aller plus loin et – je le redis – casser certaines procédures. Des lois existent déjà ; il suffirait peut-être de les appliquer. Qu’à cela ne tienne ! Monsieur le ministre, faites-le : publiez les directives et les circulaires nécessaires, assénez que la loi existe, mais libérez-nous !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 362 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 12 nonies
L’article L. 121-24 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Des aménagements légers, dont la liste limitative et les caractéristiques sont définies par décret en Conseil d’État, peuvent être implantés dans ces espaces et milieux lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public, et qu’ils ne portent pas atteinte au caractère remarquable du site. » ;
2° La première phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : « et à l’avis de la commission départementale de la nature, des sites et des paysages ».
M. le président. L’amendement n° 1097, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
des sites et des paysages
par les mots :
des paysages et des sites
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement vise simplement à corriger le nom de la commission citée : il s’agit de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et non de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites – utile précision !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 250 rectifié quater, présenté par MM. Panunzi et Kennel, Mme Garriaud-Maylam, MM. Castelli et Moga et Mmes Boulay-Espéronnier et Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Par dérogation à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, les établissements hôteliers existant à la date de publication de la présente loi et situés en Corse peuvent être autorisés, dans le respect des prescriptions du plan d’aménagement et de développement durable de Corse prévu à l’article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales, à réaliser des travaux d’extension dans la continuité de leur bâti, sans que ceux-ci ne puissent avoir pour effet d’accroître de plus de 50 % l’emprise foncière de ces établissements telle qu’existante à la date de publication de la présente loi et sans que cela n’accroisse la capacité d’accueil de plus de cinquante lits, avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Cet accord est refusé si ces travaux d’extension sont de nature à porter une atteinte à l’environnement et aux paysages. Le changement de destination du bâti résultant de cette dérogation est interdit.
La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi.
M. Jean-Jacques Panunzi. En Corse, le secteur hôtelier génère 42 % des dépenses alors qu’il ne représente que 25 % de l’offre d’hébergement touristique et 40 % des emplois liés au tourisme.
L’offre para-hôtelière, liée à la location non déclarée, notamment de résidences secondaires réalisées à cet effet, représente, selon les chiffres de l’INSEE, jusqu’à 75 % de l’offre en Corse.
Cette réalité n’occasionne que peu de retombées sur le plan économique, et pratiquement aucune sur le plan social.
Elle se traduit également par une hausse du prix du foncier et par une augmentation des défaillances dans le secteur : 75 établissements en 2017, soit une hausse de 70 % par rapport à 2010.
Face à cette concurrence déloyale, seuls 20 % des établissements hôteliers de Corse disposent du nombre suffisant de chambres leur assurant une rentabilité pérenne. La moyenne insulaire est de vingt-neuf chambres, contre trente-six à l’échelon national, en raison de la faible implantation des chaînes hôtelières au profit d’établissements patrimoniaux.
Accorder à ces établissements la possibilité de réaliser certaines opérations d’extension est donc nécessaire pour leur permettre de monter en gamme et en offre ; il y va de leur survie.
La jurisprudence actuelle donne la possibilité aux établissements existants d’augmenter leur surface, dans la continuité de leur bâti, jusqu’à 50 % au maximum, quelle que soit la zone concernée – application de la loi Montagne ou de la loi Littoral –, avec pour seule restriction les zones submersibles.
Eu égard aux dispositions adoptées en commission après l’article 12, il existe un risque important de remise en cause de la jurisprudence actuelle, qui octroie une possibilité d’extension limitée de l’offre hôtelière professionnelle existante. Cette disparition causerait un tort considérable à l’offre hôtelière professionnelle corse et à ses six cents établissements.
Le présent amendement a donc pour objet de sécuriser juridiquement ces situations en transcrivant dans la loi la jurisprudence actuelle, c’est-à-dire en permettant l’extension limitée des établissements hôteliers, cette possibilité étant soumise aux prescriptions du PADDUC et à autorisation administrative, tout en évitant les effets d’aubaine en figeant les surfaces hôtelières à leurs emprises à la date de publication de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Nous avons bien compris que le littoral corse fait face à une pression foncière particulière, qui met les établissements hôteliers dans une situation compliquée.
Pour autant, je ne suis pas sûre que la réponse passe forcément par une remise en cause de la loi Littoral.
Je sais aussi que le Président de la République, lors de sa visite en Corse, a bien pris note d’un certain nombre d’enjeux propres à votre territoire, mon cher collègue ; la commission sollicite donc l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Antoine Lefèvre. Nous non plus !
M. Jacques Mézard, ministre. Le sénateur Panunzi sait l’estime et l’amitié que j’ai pour lui. Il vient de présenter, et d’une façon similaire, le même amendement qu’avait déposé à l’Assemblée nationale le député Pupponi.
Ce dernier défendait la parfaite intangibilité de la loi Littoral : c’est un totem, disait-il en substance, auquel cet affreux gouvernement veut s’attaquer. Or, en même temps, il déposait le même amendement que vous, monsieur le sénateur, visant à permettre aux six cents établissements hôteliers du littoral corse d’augmenter leur surface construite de 50 % !
Il y avait là un exercice intellectuel fort intéressant, auquel, toutefois, je ne pouvais souscrire. Bel effort, tout de même, que de défendre à la fois l’intangibilité de la loi Littoral et la possibilité pour ces six cents établissements hôteliers du littoral corse d’augmenter leur surface construite !
Je m’y suis donc opposé, et l’Assemblée nationale n’a pas voté cet amendement. Je vais faire la même chose ici, parce qu’il faut choisir !
Soyons précis : l’adoption de cet amendement permettrait auxdits établissements « de réaliser des travaux d’extension dans la continuité de leur bâti, sans que ceux-ci ne puissent avoir pour effet d’accroître de plus de 50 % l’emprise foncière de ces établissements » ; 50 %, ce n’est quand même pas rien !
M. Jean-Jacques Panunzi. Je ne propose que la sécurisation d’une jurisprudence qui existe déjà !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est cela, oui !
M. Jacques Mézard, ministre. En dépit de ma largesse d’esprit, mon avis ne saurait être favorable sur un tel amendement.
J’accompagnais le Président de la République lors de sa visite sur cette magnifique île, j’y suis retourné depuis, cher ami Panunzi, et je partage bien des préoccupations qui sont les vôtres ; mais on ne peut pas aller jusqu’à adopter une telle disposition. Ce serait vraiment envoyer un message tout à fait négatif.
L’avis du Gouvernement est donc bel et bien défavorable sur cet amendement.
J’ai entendu les propos que le Président de la République a tenus en Corse : j’étais présent, comme vous, à Bastia. J’en tirerai d’ailleurs les conclusions en présentant l’amendement que nous examinerons immédiatement après celui-ci, et que je proposerai au Sénat d’adopter.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je me range à l’avis du Gouvernement : avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 250 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 776 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Après le II de l’article L. 4424-12 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Dans les communes soumises simultanément aux dispositions des chapitres I et II du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme, les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme ne s’appliquent pas dans les secteurs, situés en dehors des espaces proches du rivage, déterminés par le plan d’aménagement et de développement durable de Corse et délimités par le plan local d’urbanisme. La détermination de ces secteurs est soumise à l’accord du représentant de l’État dans le département après avis du conseil des sites de Corse. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Cette proposition est donc la traduction du discours public tenu par le Président de la République lors de son déplacement à Bastia ; elle est en même temps le reflet des entretiens que j’ai eus avec nombre d’élus lorsque je suis retourné sur cette belle île.
Il existe une particularité corse, à savoir le nombre de communes où s’appliquent à la fois la loi Littoral et la loi Montagne. Cette particularité est liée à une caractéristique historique : beaucoup de bourgs ont été construits en retrait du bord de mer, sur les flancs de la montagne, et sont donc, comme tels, concernés par la loi Montagne.
Cette situation donne des communes qui sont soumises aux deux lois. Dans ce genre de cas, ce sont les dispositions législatives et réglementaires les plus strictes qui s’appliquent, ce qui a pour effet de bloquer la vie des communes concernées, qui sont nombreuses – un certain nombre des 98 communes littorales, en Corse, sont à la fois visées par la loi Montagne et par la loi Littoral.
Par le biais de cet amendement, nous proposons d’exclure l’application du principe de continuité de la loi Littoral sur certaines zones caractéristiques du territoire montagnard de ces communes, sans toucher à l’application de cette loi sur le littoral.
Les secteurs concernés, situés en dehors des espaces proches du rivage, seront déterminés par le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse, le PADDUC, avec l’accord du représentant de l’État dans le département et après avis du conseil des sites de Corse. Il appartiendra au plan local d’urbanisme de délimiter les zones ainsi identifiées.
Nous nous sommes aussi engagés à veiller à la préservation de la philosophie de la loi Littoral et à n’envisager que des évolutions dûment justifiées et particulièrement encadrées.
Cette proposition répond à la demande de pouvoir déroger à l’application du principe de continuité dans des secteurs où s’applique la loi Montagne. Toute la difficulté juridique, pour ces communes qui sont nombreuses sur le territoire de la Corse, réside dans l’application de la loi Littoral du côté montagne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’articulation entre la loi Littoral et la loi Montagne est une question plus que légitime. L’assouplissement proposé dans cet amendement, sachant que le dispositif restera encadré par les documents d’urbanisme, est bienvenu.
Toutefois, la commission regrette qu’une telle mesure s’applique seulement à la Corse. Comme vous le savez, le sujet préoccupe aussi légitimement un certain nombre de communes du continent. Ce serait bien que vous puissiez également faire quelque chose pour elles, monsieur le ministre.
Cela étant, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. J’entends l’observation de Mme la rapporteur. J’avais d’ailleurs pensé aux communes du continent concernées par l’application de la loi Montagne et de la loi Littoral. Simplement, lorsque nous avons travaillé sur ce dossier, il m’a été indiqué que celles-ci n’étaient pas demandeuses d’une telle mesure.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Mais si !
M. Jacques Mézard, ministre. Par exemple, dans les communes situées en bordure de certains lacs des Alpes, on m’a dit qu’il ne fallait surtout pas toucher au dispositif.
Pour ma part, je suis prêt à discuter des cas particuliers. Si nous nous sommes concentrés sur la Corse, ce n’est pas pour exclure ceux qui rencontrent des difficultés similaires ailleurs.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. C’est le cas dans les Alpes-Maritimes !
M. Jacques Mézard, ministre. Nous pourrons parler des Alpes-Maritimes, si vous le souhaitez.
Mais, en l’occurrence, 71 des 98 communes littorales de Corse sont soumises à la loi Montagne ; c’est tout de même une situation très particulière. (Mme la rapporteur acquiesce.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur la proposition de loi relative à l’encadrement de l’usage du téléphone portable dans les écoles et les collèges est parvenue à l’adoption d’un texte commun. (Sourires et applaudissements.)
5
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien.
Mme Michèle Vullien. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 221, M. Bernard Delcros a été compté comme votant contre l’amendement n° 916 rectifié, alors qu’il souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
6
Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre IV du titre Ier, aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 12 nonies.
TITRE Ier (suite)
CONSTRUIRE PLUS, MIEUX ET MOINS CHER
Chapitre IV (suite)
Simplifier et améliorer les procédures d’urbanisme
Articles additionnels après l’article 12 nonies
M. le président. L’amendement n° 308 rectifié, présenté par MM. Genest, Darnaud et Savary, Mmes Bruguière et Di Folco, MM. B. Fournier, D. Laurent et Grosdidier, Mme Morhet-Richaud, MM. Perrin, Raison et Revet, Mmes Troendlé, Deromedi, Delmont-Koropoulis et Deroche, MM. Charon et Savin, Mme Garriaud-Maylam et MM. Danesi, Mandelli et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 12 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 122-7 du code de l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le plan local d’urbanisme ou la carte communale peut également délimiter des secteurs dans lesquels, à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, des équipements de desserte ont été réalisés ou ont fait l’objet d’acquisitions foncières significatives de la part de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent soit directement, soit par l’intermédiaire d’un opérateur foncier et qui peuvent être ouverts à l’urbanisation. »
La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. Cet amendement a pour objet de prendre en compte la desserte des secteurs par les équipements publics pour compléter les critères de continuité par rapport à l’urbanisation existante. Cette proposition ne s’appliquerait qu’aux zones de montagne.
L’administration refuse parfois de délivrer des permis de construire à des communes ou des intercommunalités ayant dépensé des deniers publics pour viabiliser des secteurs en zone de montagne sous prétexte que ce n’est pas beau ! Afin de sécuriser le dispositif et de permettre aux communes de construire, il faudrait tenir compte de telles opérations dans les plans locaux d’urbanisme, les PLU, ou dans les cartes communales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
La loi Montagne prévoit déjà des modalités de flexibilisation des PLU en zone montagne. Une étude peut ainsi justifier du classement d’un secteur hors continuité comme zone à urbaniser.
Le PLU peut aussi délimiter des hameaux nouveaux intégrés à l’environnement ou des zones d’urbanisation future de taille et de capacité d’accueil limitées.
Dans ces conditions, il ne me semble pas souhaitable de procéder à de nouveaux assouplissements, de surcroît sans étude d’impact plus approfondie, au risque de créer des effets d’aubaine pouvant aboutir à une urbanisation incontrôlée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. J’ai bien précisé qu’il s’agissait des travaux réalisés avant l’établissement du document.
J’ai entendu la réponse de Mme la rapporteur. Mais, en Ardèche, au moins quatre ou cinq communes sont concernées par le problème. Il est vrai que nous n’avons pas de ligne de chemin de fer ; c’est peut-être pour cela que les instructions ne nous arrivent pas de Paris ! (Sourires.)
Cela étant, je retire mon amendement, mais je pense qu’il était important de relever cette difficulté.
M. le président. L’amendement n° 308 rectifié est retiré.
L’amendement n° 310, présenté par MM. Genest et Darnaud, Mmes Bruguière et Di Folco, MM. B. Fournier et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, MM. Grosdidier, Perrin, Raison et Revet, Mmes Troendlé, Deromedi, Delmont-Koropoulis et Deroche, MM. Charon et Savary, Mme Garriaud-Maylam et MM. Danesi et Mandelli, est ainsi libellé :
Après l’article 12 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 331-15 du code de l’urbanisme est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le taux de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement peut être augmenté jusqu’à 20 % dans certains secteurs par une délibération motivée, si la réalisation de travaux de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics généraux est rendue nécessaire par des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs :
« 1° Lorsque les travaux sont substantiels ;
« 2° Dans les communes de montagne ou de faible densité démographique au sens de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. Cet amendement a pour objet de permettre à une commune de majorer de 20 % par simple délibération la taxe d’aménagement en cas de gros travaux de viabilité.
Toutefois, comme j’anticipe l’avis défavorable de Mme la rapporteur – la commission ne souhaite pas s’occuper des questions financières –, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 310 est retiré.
L’amendement n° 309, présenté par MM. Genest et Darnaud, Mme Lopez, M. Savin, Mmes Bruguière et Di Folco, MM. B. Fournier, D. Laurent et Grosdidier, Mme Morhet-Richaud, MM. Raison, Perrin et Revet, Mmes Troendlé, Deromedi, Delmont-Koropoulis et Deroche, MM. Charon et Savary, Mme Garriaud-Maylam et MM. Danesi, Mandelli et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 12 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 332-11-1 est ainsi rétabli :
« Art. L. 332-11-1. – Dans les communes situées en zone de montagne ou répondant aux conditions prévues par décret pour l’octroi d’aides pour l’électrification rurale mentionnées à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut instituer une participation pour voirie et réseaux en vue de financer en tout ou en partie la construction des voies nouvelles ou l’aménagement des voies existantes ainsi que l’établissement ou l’adaptation des réseaux qui leur sont associés, lorsque ces travaux sont réalisés pour permettre l’implantation de nouvelles constructions.
« Pour chaque voie, le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme précise les études, les acquisitions foncières et les travaux à prendre en compte pour le calcul de la participation, compte tenu de l’équipement de la voie prévu à terme. Peuvent être financés les études, les acquisitions foncières et les travaux relatifs à la voirie ainsi que les réseaux d’eau potable, d’électricité et d’assainissement. Les études, les acquisitions foncières et les travaux relatifs à la voirie comprennent l’éclairage public, le dispositif d’écoulement des eaux pluviales et les éléments nécessaires au passage des réseaux souterrains de communication.
« Seuls les études, les acquisitions foncières et les travaux à réaliser, définis par le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, sont mis à la charge des propriétaires. Lorsqu’une voie préexiste, si aucun aménagement supplémentaire de la voie n’est prévu par le conseil municipal de la commune ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, ces travaux peuvent ne concerner que les réseaux. Dans ce cas, l’organe délibérant compétent peut prévoir, avec l’accord du ou des établissements publics de coopération intercommunale ou syndicats mixtes compétents pour ces réseaux, que la participation leur sera versée directement ou par l’intermédiaire de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, en complément, le cas échéant, des autres financements que celle-ci affecte à la réalisation de ces travaux.
« Le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme arrête la part du coût mise à la charge des propriétaires riverains. Cette part est répartie entre les propriétaires au prorata de la superficie des terrains bénéficiant de cette desserte et situés à moins de cent cinquante mètres de la voie. L’organe délibérant compétent peut exclure les terrains qui ne peuvent supporter de constructions du fait de contraintes physiques et les terrains non constructibles du fait de prescriptions ou de servitudes administratives dont l’édiction ne relève pas de la compétence de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme. Lorsque, en application du troisième alinéa du présent article, l’organe délibérant compétent n’a prévu aucun aménagement supplémentaire de la voie et que les travaux portent exclusivement sur les réseaux d’eau et d’électricité, l’organe délibérant compétent peut également exclure les terrains déjà desservis par ces réseaux.
« La participation n’est pas due pour les voies et réseaux compris dans le programme d’équipements publics d’une zone d’aménagement concerté créée en application de l’article L. 311-1 du présent code ou d’une convention de projet urbain partenarial conclue en application de l’article L. 332-11-3.
« Les opérations de construction de logements sociaux mentionnées au 2° de l’article L. 331-7 et au 1° de l’article L. 331-9 peuvent être exemptées de la participation. » ;
2° L’article L. 332-11-2 est ainsi rétabli :
« Art. L. 332-11-2. – La participation prévue à l’article L. 332-11-1 est due à compter de la construction d’un bâtiment sur le terrain.
« Elle est recouvrée, comme en matière de produits locaux, dans des délais fixés par l’autorité qui délivre le permis de construire.
« Toutefois, les propriétaires peuvent conclure avec la commune une convention par laquelle ils offrent de verser la participation avant la délivrance d’une autorisation de construire.
« La convention fixe le délai dans lequel la voie et les réseaux seront réalisés et les modalités de règlement de la participation. Elle précise le régime des autres contributions d’urbanisme applicables au terrain, les dispositions d’urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et l’état des équipements publics existants ou prévus.
« La convention est, dès publication de la délibération du conseil municipal l’approuvant, créatrice de droit au sens du second alinéa de l’article L. 105-1.
« Si la demande de permis de construire prévue à l’article L. 421-1 est déposée dans le délai de cinq ans à compter de la signature de la convention et respecte les dispositions d’urbanisme mentionnées par la convention, celles-ci ne peuvent être remises en cause pour ce qui concerne le cocontractant de la commune ou ses ayants droit.
« Si la voie ou les réseaux n’ont pas été réalisés dans le délai fixé par la convention, les sommes représentatives du coût des travaux non réalisés sont restituées au propriétaire, sans préjudice des indemnités éventuelles fixées par les tribunaux. » ;
3° Au I de l’article L. 332-11-3, après le mot : « lieu », sont insérés les mots : « ainsi que dans les zones constructibles des cartes communales ».
La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. La participation pour voirie et réseaux, ou PVR, qui permettait de viabiliser certains secteurs, en particulier dans les communes rurales, et de faire payer les futurs constructeurs, a été supprimée, certains y voyant une forme de fiscalité. Or il s’agit non pas de fiscalité, mais d’une taxe pour travaux réalisés.
Il me semble important de remettre la PVR en place. Dans nos communes rurales, la taxe d’aménagement ne permet pas d’équilibrer les travaux de viabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Mon cher collègue, vous indiquez qu’il s’agit non pas de fiscalité, mais d’une taxe… (Sourires.) Quoi qu’il en soit, c’est bien un dispositif de financement.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Genest, l’amendement n° 309 est-il maintenu ?
M. Jacques Genest. Je le rappelle, il s’agit non d’une taxe, mais d’une participation. Dans une autre vie, j’étais percepteur : je sais faire la différence entre une taxe et une participation !
Je retire mon amendement, mais il faut prendre le problème en compte.
M. le président. L’amendement n° 309 est retiré.
Article 13
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi propre à limiter et simplifier les obligations de compatibilité et de prise en compte pour les documents d’urbanisme :
1° En réduisant le nombre des documents opposables aux schémas de cohérence territoriale, aux plans locaux d’urbanisme et aux documents d’urbanisme en tenant lieu, ainsi qu’aux cartes communales ;
2° En prévoyant les conditions et modalités de cette opposabilité, notamment en supprimant dans certains cas le lien de prise en compte au profit de la seule compatibilité ;
3° En prévoyant les modifications des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de l’urbanisme relatives au contenu du schéma de cohérence territoriale rendues nécessaires par les évolutions prévues aux 1° et 2° du présent article ;
4° En prévoyant les mesures de coordination rendues nécessaires par le 2° du présent article pour l’adaptation du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires prévu à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales, ainsi que les modalités d’application dans le temps de ces mesures à ce schéma ;
5° (nouveau) En précisant le contenu des pièces du schéma de cohérence territoriale afin de rendre plus clair le lien de compatibilité entre ledit schéma et le plan local d’urbanisme ;
6° (nouveau) En prévoyant que seuls le projet d’aménagement et de développement durable du plan local d’urbanisme ainsi que les orientations d’aménagement et de programmation du plan local d’urbanisme qui concernent l’ensemble du territoire couvert par ledit plan doivent être compatibles avec le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale ;
7° (nouveau) En prévoyant que les autres pièces du plan local d’urbanisme n’auront à être compatibles qu’avec le projet d’aménagement et de développement durable du plan local d’urbanisme ainsi que les orientations d’aménagement et de programmation du plan local d’urbanisme qui concernent l’ensemble du territoire couvert par ledit plan.
II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure de nature législative propre à adapter l’objet, le périmètre et le contenu du schéma de cohérence territoriale prévu à l’article L. 141-1 du code de l’urbanisme, afin de tirer les conséquences de la création du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires prévu à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales et du transfert de la compétence en matière de plan local d’urbanisme aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
III. – (Non modifié) Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune des ordonnances prévues aux I et II du présent article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 151 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 922 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec, Guérini et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 151.
M. Fabien Gay. Nous proposons la suppression de cet article, pour plusieurs raisons.
D’abord, nous ne partageons pas le recours systématique aux ordonnances, notamment quand il s’agit de toucher au code de l’urbanisme, si sensible pour les collectivités territoriales. L’article 13 permet au Gouvernement de légiférer par ordonnances pour limiter et simplifier les obligations de compatibilité et de prises en compte faites aux documents d’urbanisme.
Il s’agit notamment de réduire le nombre de documents opposables aux SCOT et aux PLU. Or, parmi les documents opposables, certains sont d’une importance cruciale. Je pense notamment à la loi Montagne et à la loi Littoral, aux directives territoriales d’aménagement, au schéma directeur de la région d’Île-de-France, le SDRIF, aux chartes des parcs naturels régionaux et aux directives paysagères : autant de documents qui doivent être particulièrement suivis et pour lesquels nous souhaitons que soit maintenue la notion de compatibilité !
Nous sommes également opposés à la suppression de la notion de prise en compte, qui permettait une cohérence globale entre tous les documents d’urbanisme. Sous prétexte de simplifier et de favoriser la construction de logement, l’article 13 déréglemente purement et simplement le droit de l’urbanisme, offrant la possibilité aux documents d’ordre inférieur de s’affranchir des règles nationales.
Les enjeux environnementaux et de préservation du foncier méritent mieux que cela. Nous demandons donc la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour présenter l’amendement n° 922 rectifié.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le ministre, nous savons que vous vous êtes efforcé de réduire le nombre d’habilitations prévues par le texte. Mais cela ne suffit pas.
À ce stade, le Gouvernement n’a pas assez expliqué ce qu’il comptait faire avec les ordonnances visant à simplifier la hiérarchie des normes des documents d’urbanisme, hormis dans l’étude d’impact, où il est indiqué : « La technicité des dispositions à modifier et l’exigence de concertation avec les associations de collectivités territoriales justifient le recours à une ordonnance dont l’article d’habilitation figure dans la présente loi. »
Nous le savons, la simplification et la rationalisation de ces documents sont souhaitées par tous les acteurs locaux. Mais la compatibilité entre les normes en matière d’urbanisme est un sujet important ; elle pourrait impliquer des modifications du contenu du SCOT et l’adaptation du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le SRADDET. Issue d’une procédure longue de débats parlementaires et de concertation avec les acteurs des territoires, cette articulation ne peut pas être modifiée aujourd’hui par la seule main du Gouvernement.
Face à l’imprécision du cadre de l’ordonnance, nous saluons les modifications apportées en commission visant à préciser que les obligations de prise en compte pourront être supprimées dans certains cas au profit d’une obligation de compatibilité, mais que cette suppression ne sera pas appliquée de manière uniforme et indiscriminée.
Par ailleurs, le Gouvernement se donne un délai de dix-huit mois pour rédiger ces ordonnances. Ce délai sera-t-il suffisant pour organiser la concertation et lever les contraintes opérationnelles des collectivités ?
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
La complexité des rapports entre documents d’urbanisme est un constat légitime et partagé. Nous estimons également que des mesures de rationalisation sont nécessaires.
Vous indiquez ne pas être favorables aux ordonnances. Nous avons nous-mêmes souhaité rédiger un certain nombre de mesures directement dans le projet de loi là où le Gouvernement prévoyait des ordonnances !
Mais, en l’occurrence, au vu de la technicité des modifications législatives à apporter, nous estimons qu’une ordonnance peut effectivement susciter des apports bienvenus. J’invite simplement le Gouvernement à associer les parlementaires et les élus à la réflexion qui sera menée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Le sujet relève effectivement d’une grande technicité. Il s’agit de mettre le SCOT en compatibilité avec un peu plus d’une quinzaine de documents d’urbanisme. J’ai la conviction qu’il sera possible de réaliser un tel travail en dix-huit mois tout en associant les élus.
Ainsi que m’y invite Mme la rapporteur, je m’engage à faire en sorte que les élus, notamment les membres de la Haute Assemblée, soient très étroitement associés aux travaux qui découleront de l’habilitation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Roux. Dans ces conditions, je retire l’amendement n° 922 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 922 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 151.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.
L’amendement n° 370 rectifié est présenté par Mme Perrot, M. de Nicolaÿ, Mmes Billon et Vullien, MM. Bonnecarrère, Henno, Longeot et Chasseing, Mme de Cidrac, M. Guerriau, Mmes Sollogoub et Bonfanti-Dossat, M. Decool, Mmes Loisier et Garriaud-Maylam, MM. Bignon, Capus, Fouché, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot, M. Wattebled, Mme Férat et M. L. Hervé.
L’amendement n° 489 rectifié quater est présenté par Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. Pellevat, Schmitz, Rapin, Priou, Gilles, Bonhomme, Mandelli, H. Leroy et Revet et Mmes Imbert, Lanfranchi Dorgal et L. Darcos.
L’amendement n° 522 est présenté par M. Gontard, Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 525 rectifié est présenté par M. Todeschini, Mme Monier et M. Jacquin.
L’amendement n° 657 est présenté par Mme Jouve.
L’amendement n° 1006 rectifié bis est présenté par MM. Labbé, Dantec, Guérini et Gold.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les chartes des parcs naturels régionaux prévus à l’article L. 333-1 du code de l’environnement ne sont pas comprises dans cette réduction ;
La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour présenter l’amendement n° 370 rectifié.
Mme Évelyne Perrot. Il me semble important de maintenir cet outil qu’est la charte des parcs, dont les critères de classement sont la qualité et le caractère du patrimoine, la qualité du projet et la capacité de l’organisme de gestion à conduire ce projet.
La charte est élaborée par les parcs, les élus, les agents et les partenaires. Elle est soumise à enquête publique. Elle est approuvée par les communes constituant le territoire du parc, par la ou les régions concernées, ainsi que par les partenaires socioprofessionnels et associatifs. Enfin, elle est approuvée par le ministère de l’environnement.
Nous ne pouvons pas balayer d’un revers de main les chartes des 53 parcs naturels régionaux, qui représentent 15 % du territoire français, 12 régions, 74 départements et 4 400 communes !
Les parcs sont des laboratoires d’idées, d’expérimentation, d’innovation, d’éducation, d’information, de développement économique et social, de protection et de gestion du patrimoine naturel, culturel et paysager. C’est le cœur de ce projet de loi d’aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour présenter l’amendement n° 489 rectifié quater.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 522.
M. Guillaume Gontard. Il est vraiment important de protéger l’opposabilité des chartes de parc naturel aux documents d’urbanisme, qu’il s’agisse des PLU, des PLU intercommunaux ou des SCOT.
Comme cela a été rappelé, le travail effectué dans ce cadre relève d’un vrai projet de territoire : les élus, les associations et l’ensemble des acteurs du territoire y sont associés.
Par une application locale fine et partagée, les chartes permettent d’inciter fortement les collectivités à intégrer les enjeux de développement et d’aménagement durable, de protéger les patrimoines, les paysages, la biodiversité, de limiter l’artificialisation et la consommation des espaces.
J’ai bien entendu que plus de quinze documents étaient susceptibles d’être rendus opposables et que cela paraissait trop au Gouvernement. Mais je pense que la charte des parcs doit, à tout le moins, rester dans ces documents opposables.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 525 rectifié.
M. Olivier Jacquin. J’ai eu une discussion approfondie avec M. Michaël Weber, le président de la Fédération des parcs naturels régionaux de France, qui est mon voisin de département.
La spécificité des parcs suscite des interrogations. Il est vrai que le périmètre est différent de celui de l’architecture administrative de notre pays. Mais il y a une démarche de projet spécifique dans les parcs qui est véritablement qualitative. Il faut reconnaître cette dynamique particulière dans des territoires ruraux.
M. le président. L’amendement n° 657 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Éric Gold, pour présenter l’amendement n° 1006 rectifié bis.
M. Éric Gold. Cet amendement vise à assurer l’opposabilité des chartes des parcs naturels et régionaux aux documents d’urbanisme.
Ces chartes sont des documents issus d’une importante concertation locale. Elles garantissent le cadre environnemental, agricole, forestier et paysager de ces lieux de vie et de leurs ressources. Ce sont des projets de territoire qui permettent de mettre en œuvre de manière partagée des objectifs de développement durable.
Dans le Puy-de-Dôme, la chaîne des Puys a été classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les parcs sont évidemment des outils de gestion très importants dans ce cadre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Lors de l’adoption du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, le Sénat s’était prononcé en faveur de la sauvegarde d’un rapport de compatibilité entre les documents d’urbanisme et les chartes des parcs naturels régionaux. L’ordonnance de réforme des rapports entre documents d’urbanisme ne saurait remettre en cause l’intégration des enjeux de biodiversité.
Pour autant, la commission émet un avis favorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Pour sa part, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Bien entendu, il ne s’agit aucunement de considérer que les chartes des parcs naturels n’auraient ni valeur ajoutée, ni légitimité, ni portée. La seule question est de savoir comment nous pouvons rendre l’ensemble des documents, soit une quinzaine, compatibles avec le SCOT. Rendre tous les documents compatibles, cela ne signifie absolument pas remettre la charte en cause !
Le travail qui sera mené pendant dix-huit mois permettra de déterminer s’il faut faire des aménagements entre tous ces documents. Mais nous n’avons aucune intention de remettre en question ces documents, dont nous sommes parfaitement convaincus de l’utilité, contrairement à ce que pourraient laisser sous-entendre certains des propos qui ont été tenus.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le secrétaire d’État, nous aurions envie de vous faire confiance. Mais pourquoi recourir à une ordonnance ? Prenons plutôt le temps législatif nécessaire pour inscrire de telles dispositions dans le texte. Cela permettrait de dissiper les craintes des acteurs de terrain, qui s’inquiètent du devenir de ces chartes dans les parcs naturels régionaux.
Certes, il s’agit d’une architecture parfois un peu complexe ; nous le vivons tous au quotidien. Mais les parcs naturels régionaux apportent une véritable plus-value dans nos territoires. Pour preuve, nombre de communes cherchent à en faire à partie, à élaborer des projets de parc ou, a minima, à être des villes-portes. D’ailleurs, on note des contradictions : certains veulent bénéficier des avantages qu’il y a à être dans un parc, notamment la labellisation, sans en accepter les règles générales, forcément un peu contraignantes puisqu’elles résultent d’une construction collective. L’élaboration de la charte prend parfois un an, un an et demi ou deux ans. Mais la charte devient ensuite la propriété de tous, ce qui en fait une véritable marque de territoire.
Nous voterons évidemment ces amendements identiques, afin d’envoyer un signal fort.
Pour un certain nombre de communes rurales, les parcs sont un atout en matière d’ingénierie territoriale et d’accompagnement de projets. Il s’agit non pas d’imposer des projets aux communes, mais d’accompagner et de faire grandir des projets, ainsi que de mettre en réseau les innovations sociales et territoriales qui peuvent exister au sein des territoires-parcs et des villes-portes.
Monsieur le secrétaire d’État, votre avis défavorable est un avis de principe ! Notre problème de fond est d’accepter de vous habiliter à légiférer par ordonnance !
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Cécile Cukierman. Si c’est aussi simple, proposez-nous une rédaction, et nous l’intégrerons immédiatement dans le projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour explication de vote.
Mme Évelyne Perrot. Il faut dix ans pour élaborer une charte de parc. Comme élue, j’ai travaillé trois fois dix ans pour le renouvellement de la charte de mon parc.
Les parcs, de par leur charte, sont force de conseil auprès des élus dans l’élaboration des PLU. Et nous avons réalisé un SCOT sur les 57 communes.
C’est la preuve que le système fonctionne. La charte du parc est vraiment un outil de qualité.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Vous évoquez l’incompatibilité entre les différents documents et la nécessité de retravailler sur ce point.
Mais là n’est pas le sujet. La question est de savoir si la charte des parcs régionaux doit être opposable ou non. À mon sens, elle doit l’être.
Vous prétendez ne pas remettre l’intérêt des chartes en cause. Mais revenir sur l’opposabilité, c’est de facto remettre l’intérêt des chartes en cause !
Comme cela a été rappelé, l’élaboration d’une charte représente dix ans de travail. L’ensemble des acteurs du territoire travaillent sur ce document, ce qui lui donne une vraie spécificité territoriale.
À mon sens, revenir sur l’opposabilité, c’est un peu tirer un trait sur la charte !
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Le groupe socialiste et républicain soutient ces amendements identiques.
Nous partageons la volonté de simplification du Gouvernement, et nous n’avons pas fait obstruction à la demande de procéder à cette simplification par ordonnance.
Mais, précisément, eu égard à la spécificité des parcs naturels régionaux, il paraît de bonne politique de consacrer l’opposabilité de la charte, afin de pouvoir procéder au toilettage que vous souhaitez, monsieur le secrétaire d’État, sur les autres documents de même essence.
Paradoxalement, le fait que les chartes de parcs naturels régionaux conservent leur caractère opposable facilitera le travail, ô combien nécessaire, de clarification et de simplification que vous envisagez et sur lequel nous vous accompagnons.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 370 rectifié, 489 rectifié quater, 522, 525 rectifié et 1006 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 387 rectifié est présenté par MM. Genest, Darnaud, Pointereau, D. Laurent, Bascher, Lefèvre, Cornu et Vaspart, Mme Deromedi, MM. Bouchet et Morisset, Mme Lherbier, MM. Laménie, H. Leroy, J.M. Boyer et Sido et Mmes Lamure et Garriaud-Maylam.
L’amendement n° 415 rectifié bis est présenté par M. Allizard, Mme Bruguière et MM. de Nicolaÿ, Bizet et Rapin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° En fusionnant les plans locaux d’urbanisme, les programmes locaux de l’habitat et les plans de déplacements urbains ;
La parole est à M. Jacques Genest, pour présenter l’amendement n° 387 rectifié.
M. Jacques Genest. Le PLU est censé transcrire les besoins en logements prévus dans le programme local de l’habitat, le PLH, et les besoins en infrastructures de transport prévus dans le plan de déplacements urbains, le PDU. Or il s’avère que l’articulation entre ces documents n’est pas optimale.
Alors que la loi ALUR a engagé un rapprochement du PLU, du PLH et du PDU, il conviendrait d’aller plus loin et de fusionner ces trois documents de planification et de programmation d’échelle intercommunale. Le présent amendement a pour objet de promouvoir un document unique pour gagner en cohérence et en lisibilité entre PLH, PDU et PLU.
Cette disposition serait également facteur de simplification en permettant une adaptation plus rapide aux évolutions des caractéristiques des territoires et de leurs problématiques spécifiques.
M. le président. L’amendement n° 415 rectifié bis n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 387 rectifié ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Selon la réalité des territoires, les mêmes autorités ne sont pas nécessairement chargées de l’élaboration de ces documents, et, de surcroît, les périmètres de ceux-ci peuvent différer. Il n’est donc pas souhaitable de les fusionner en bloc.
Par ailleurs, comme vous l’avez souligné, mon cher collègue, la loi ALUR a déjà opéré une refonte en profondeur des documents d’urbanisme. Il ne nous semble pas nécessaire d’aller plus loin, ce qui serait source de coûts et d’instabilité juridique pour les collectivités.
Enfin, un document unique est plus long et plus complexe à élaborer. Il est préférable de traiter ces documents de manière séparée, mais complémentaire. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Je partage totalement les propos de Mme la rapporteur. J’ajoute que l’on n’a pas arrêté de changer l’élaboration de ces documents. Un peu de stabilité ferait du bien.
Dernier point, aujourd’hui, les intercommunalités ont la possibilité d’opter pour un plan local d’urbanisme intercommunal, un PLUI, ou pour un PLU. Idem pour les programmes locaux de l’habitat intercommunal, ou PLHI. Il nous paraît de bon aloi de laisser aux collectivités la souveraineté de déterminer à quelle échelle le document est fait. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Genest, l’amendement n° 387 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Genest. Non, monsieur le président. Décidément, je recule beaucoup ! J’espère simplement que le Gouvernement ne créera pas encore deux ou trois documents supplémentaires : les maires en ont un peu ras-le-bol, car cela leur prend beaucoup de temps et surtout coûte beaucoup d’argent !
Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 387 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 13, modifié.
(L’article 13 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 13
M. le président. L’amendement n° 971 rectifié bis, présenté par M. D. Dubois, Mme Létard et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 703 est complété par les mots : « ou en cas de disparition totale et irréversible des éléments essentiels qui avaient été à l’origine de leur création » ;
2° L’article 704 est complété par les mots : « , ou qu’il soit constaté judiciairement la disparition totale et irréversible des éléments essentiels qui avaient été à l’origine de leur création, ainsi qu’il est dit à l’article 703 ».
II. – Le titre préliminaire du livre Ier du code de l’urbanisme est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Extinction des servitudes de droit privé créées dans l’intérêt général
« Art. L. 106-… - Toute servitude de droit privé ou charge particulière créée en raison d’une exigence de l’autorité administrative dans l’intérêt général s’éteint lorsque, postérieurement, un document d’urbanisme ou une autorisation administrative contient des dispositions contraires à la servitude. »
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Les terrains situés dans les secteurs urbains sont grevés de servitudes et de droits réels institués afin de répondre aux contraintes urbaines du XlXe et du début du XXe siècles, et alors justifiés par l’existence d’un tissu urbain fortement résidentiel.
Au regard des évolutions réglementaires et urbaines, ces servitudes ne paraissent plus adaptées et constituent des freins à l’acquisition de foncier ou à la réalisation d’opérations de construction.
En conséquence, il est proposé de compléter l’article 703 du code civil, afin que la disparition totale et irréversible des éléments essentiels à l’origine de la création de la servitude soit une cause d’extinction de celle-ci.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Si la commission partage l’objectif de rationalisation des servitudes d’urbanisme anciennes, qui limitent les droits à construire, elle se pose la question de l’opportunité de prévoir que la simple délivrance d’une autorisation postérieure rende les servitudes caduques. Sur ce sujet, elle demande l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet de prévoir une nouvelle cause d’extinction des servitudes civiles créées dans l’intérêt général.
Comme vous l’indiquez, madame la sénatrice, la disparition totale et irréversible des éléments essentiels qui étaient à l’origine de la création de celles-ci permet la mise en œuvre des projets d’urbanisme. En l’état actuel du droit, il existe déjà divers mécanismes pour faire prévaloir les règles d’urbanisme sur les règles de droit privé. Pour citer le cas le plus courant, les règles de droit privé des lotissements peuvent être modifiées par les colotis ou par le maire, afin de les mettre en concordance avec le PLU.
L’adoption de cet amendement, dont l’objet est l’extinction générale de servitudes civiles d’origine légale créées pour répondre à une exigence administrative, modifierait in fine les règles du code civil applicables aux servitudes établies par le fait de l’homme, et non pas uniquement par un fait administratif. J’émets par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission suit l’avis du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Le juge pouvait, dans ce cadre précis, vérifier la réunion des conditions de la cause d’extinction ainsi créée. Il lui était ainsi possible de décider de maintenir la servitude ou de la déclarer éteinte. Ces dispositions auraient évité des procédures lourdes tout en maintenant la possibilité de faire des différences. L’idée était de faire preuve de bon sens.
Cet amendement a fait l’objet de nombreuses réflexions et de nombreux débats. Le Conseil supérieur du notariat a également beaucoup travaillé sur ces questions.
Il convient d’examiner avec attention cette proposition, car elle relève du bon sens, d’autant que le juge, je le rappelle, pourra statuer. Je maintiens mon amendement et je souhaite qu’il soit adopté.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 971 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 305 rectifié, présenté par MM. Genest et Darnaud, Mmes Bruguière et Di Folco, MM. B. Fournier et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, MM. Grosdidier, Perrin et Raison, Mme Delmont-Koropoulis, M. Revet, Mmes Troendlé et Deromedi, M. Charon, Mme Deroche, M. Savary, Mme Garriaud-Maylam et MM. Danesi, Savin et Mandelli, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 442-1-2 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut également choisir de modifier le périmètre du lotissement sans que cette circonstance ne soit considérée comme relevant d’une nouvelle demande de lotissement, sauf dans le cas où l’extension du périmètre remet en cause la conception générale du projet ou la nature de l’opération. »
La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. Le présent amendement vise à permettre à un lotisseur de modifier le périmètre du lotissement si cela ne gêne pas la conception générale du projet. À l’heure actuelle, la loi lui impose de déposer une nouvelle demande de lotissement. Or il peut arriver que, pour des raisons indépendantes de sa volonté, le lotisseur doive procéder à l’extension du périmètre du lotissement. Il me paraît inutile pour une simple modification d’exiger la constitution d’un nouveau dossier, même si cela fait dorénavant travailler les architectes ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’extension du périmètre d’un lotissement peut avoir une incidence très importante sur le paysage et l’environnement, sur les équipements publics et collectifs de la zone, mais aussi sur les communes, qui devront financer ces nouveaux équipements. Il paraît donc justifié qu’une telle extension relève d’un permis d’aménager, afin que le maire mette en balance l’ensemble de ces effets. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Je partage l’avis de la commission. Dans l’objet de votre amendement, monsieur le sénateur, vous évoquez la note technique du 5 avril 2017 précisant ces permis d’aménagement modificatifs. Il s’avère, après consultation des différents aménageurs, que ceux-ci ne nous ont fait part d’aucune difficulté liée à cette note technique. Je vous propose de poursuivre la discussion avec eux pour voir s’il convient ou non de l’améliorer.
M. le président. Monsieur Genest, l’amendement n° 305 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Genest. Non, je le retire, monsieur le président, la réponse de M. le secrétaire d’État me laissant un espoir…
M. le président. L’amendement n° 305 rectifié est retiré.
L’amendement n° 1046 rectifié bis, présenté par MM. Gabouty, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les trois derniers alinéas de l’article L. 442-9 du code de l’urbanisme sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. L’article L. 442-9 du code de l’urbanisme prévoit que certaines dispositions non réglementaires qui sont contenues dans un cahier des charges d’un lotissement deviennent caduques à compter du 24 mars 2019.
Il s’agit des clauses ayant pour objet ou pour effet d’interdire ou de restreindre le droit de construire, d’affecter l’usage ou la destination de l’immeuble. Toutefois, les colotis peuvent maintenir ces clauses à condition de procéder à la publication du cahier des charges au service de la publicité foncière. La majorité qualifiée des colotis s’applique en ce cas.
Pourtant, le droit en vigueur permet aux colotis de modifier les règles internes au lotissement à la majorité qualifiée et à la commune de procéder à la modification des documents du lotissement pour mettre en concordance les règlements et les cahiers des charges avec le PLU.
À des fins de simplification et dans l’objectif de garantir le respect du principe de liberté contractuelle, en particulier le droit au maintien des conventions légalement formées, le présent amendement vise à supprimer le dispositif de caducité automatique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La rédaction actuelle du code de l’urbanisme est source de contentieux au regard du principe de liberté contractuelle. Le maire peut modifier les documents du lotissement lorsque ceux-ci ne sont pas compatibles avec le plan local d’urbanisme ; ils ne peuvent donc faire obstacle à l’application du PLU. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 766 rectifié est présenté par Mme Gatel, MM. Janssens, Le Nay et Bonnecarrère, Mmes Joissains et Billon, MM. L. Hervé, Kern et Maurey, Mme Létard et M. Canevet.
L’amendement n° 1047 rectifié bis est présenté par MM. Gabouty, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 442-10 du code de l’urbanisme est supprimé.
La parole est à Mme Françoise Gatel, pour présenter l’amendement n° 766 rectifié.
Mme Françoise Gatel. Cet amendement porte sur le dispositif de caducité de certaines clauses de cahiers des charges de lotissements concernant les parties communes.
Les nouvelles contraintes en matière d’urbanisation, notamment les exigences de densification, couplées à la nécessaire réhabilitation de certains espaces verts, qui sont nombreux au sein d’anciens lotissements, posent la question de la pertinence du maintien de l’accord unanime des colotis prévu par la loi ALUR.
L’accord unanime des colotis devient un frein important pour la commune, qui ne peut plus réaliser ses missions en matière d’aménagement. C’est également, il ne faut pas le négliger, une porte ouverte à des litiges ou à des procédures contentieuses, qui se multiplieront dans les années à venir, au rythme des reconversions d’anciens lotissements.
Cet amendement vise donc à assouplir cette règle pour que les parties communes des lotissements soient assujetties aux mêmes règles que les documents du lotissement – règlement, cahier des charges, etc. – en permettant une modification à la majorité qualifiée et non à l’unanimité des colotis.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour présenter l’amendement n° 1047 rectifié bis.
M. Jean-Marc Gabouty. Le deuxième alinéa de l’article L. 442-10 du code de l’urbanisme exclut expressément de la procédure de la modification à la majorité qualifiée l’affectation des parties communes du lotissement telle que le changement d’affectation d’un espace vert ou son déplacement afin de l’urbaniser. La règle de l’unanimité reste de mise. Or cette différence de régime juridique, selon que la modification concerne ou non les parties communes, ne se justifie pas et entrave la densification de certains lotissements. L’opposition d’un seul des colotis peut tout bloquer, ce qui semble un droit d’opposition abusif.
M. le président. L’amendement n° 637 rectifié, présenté par MM. Tourenne, Daunis et Iacovelli, Mme Guillemot, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. Cabanel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey et Lienemann, MM. P. Joly, Jomier et Kerrouche, Mmes Lubin, Monier et S. Robert, MM. Roger et Sueur, Mme Taillé-Polian, M. Temal, Mme Tocqueville, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 442-10 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le premier alinéa ne concerne pas l’affectation des parties communes en propriété indivise des colotis des lotissements, dont la modification requiert l’accord unanime des colotis. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article ne concerne pas les espaces communs rétrocédés à la collectivité et incorporés au domaine public. »
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise le même objectif que les précédents eu égard aux difficultés rencontrées par un certain nombre de maires pour utiliser des espaces libres, afin d’y réaliser soit des équipements collectifs, soit des petits immeubles ou des pavillons.
Mon amendement n’est pas tout à fait identique à ceux qui viennent d’être présentés parce que la réponse que ces derniers visent à apporter ne règle pas tout à fait la question. En réalité, il faut une majorité qualifiée pour modifier le règlement ou le cahier des charges, mais cela ne change en rien la possibilité d’utiliser les espaces communs. En effet, ces espaces communs peuvent avoir deux statuts différents : ils sont la propriété soit des colotis, soit de la commune s’ils ont été rétrocédés. S’ils appartiennent aux colotis, il n’est pas possible de modifier l’affectation de ces terrains par une majorité des deux tiers, car cela reviendrait à remettre en cause un droit de propriété. En revanche, s’il y a eu rétrocession, il n’y a plus de raison d’obtenir une majorité des deux tiers, la commune devant pouvoir délibérer et utiliser comme elle l’entend les espaces qui lui appartiennent à l’intérieur d’un lotissement.
Il est en effet bien rare d’obtenir une majorité, y compris des deux tiers, dans un lotissement. Les habitants ont toujours tendance à vouloir rester entre eux et à éviter que de nouveaux arrivants ne viennent perturber leur vie. C’est la raison pour laquelle je souhaite distinguer, d’une part, la propriété des colotis pour laquelle il n’est pas possible de déroger à la règle de l’unanimité et, d’autre part, la propriété de la commune, qui ne doit pas nécessiter d’autre procédure que la délibération du conseil municipal.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission est favorable aux amendements identiques nos 766 rectifié et 1047 rectifié bis. Il faut permettre l’évolution des lotissements, parfois construits dans les années cinquante, pour les intégrer dans une réflexion d’ensemble sur le projet d’aménagement de la commune. La majorité qualifiée semble préférable à l’unanimité.
En revanche, la commission est défavorable à l’amendement n° 637 rectifié, qui ne va pas tout à fait dans le même sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Le Gouvernement est également favorable aux amendements nos 766 rectifié et 1047 rectifié bis. Il est vrai que la situation est ubuesque : une modification sur les parties communes appelle un accord à l’unanimité, contrairement à toute autre modification, qui se décide à la majorité qualifiée. Il serait utile d’introduire plus de souplesse et de permettre systématiquement une modification à la majorité qualifiée.
En revanche, monsieur Tourenne, je suis défavorable à votre proposition, qui est satisfaite par les deux amendements précédents, qui peut le plus pouvant le moins. Par ailleurs, il n’y a pas lieu de faire la distinction entre propriétaires publics ou propriétaires privés. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 766 rectifié et 1047 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13, et l’amendement n° 637 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 306 rectifié, présenté par MM. Genest et Darnaud, Mme Bruguière, M. D. Laurent, Mme Di Folco, M. B. Fournier, Mme Morhet-Richaud, MM. Grosdidier, Perrin et Raison, Mme Delmont-Koropoulis, M. Revet, Mmes Troendlé et Deromedi, M. Charon, Mme Deroche, M. Savary, Mme Garriaud-Maylam et MM. Danesi et Mandelli, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme est complété par les mots : « , et ce dès la délivrance de l’autorisation ».
La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. Dans le domaine du lotissement, les règles d’urbanisme existantes au moment de la décision sont garanties pendant cinq ans en application de l’article L.442-14 du code de l’urbanisme. Malheureusement, une rédaction maladroite de cet article pour les permis d’aménager ne semble faire commencer ce bénéfice qu’à compter du dépôt de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux, la DAACT, en mairie, selon un arrêt du Conseil d’État.
Or entre la date de délivrance du permis d’aménager et celle du dépôt en mairie de la DAACT, une ou plusieurs années peuvent s’écouler selon l’importance de l’opération.
Voilà pourquoi je propose que cette garantie de cinq ans commence dès la délivrance de l’autorisation, comme pour les lotissements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cette mesure est de nature à sécuriser les acheteurs de lots : les règles applicables aux permis de construire individuels seront les mêmes que celles qui prévalent au moment de la délivrance du permis d’aménagement du lotissement. Si le PLU évolue par la suite, cela n’aura pas d’effet sur les constructions des lots individuels. Cet amendement va dans le bon sens et permettra de sécuriser les habitations construites en lotissement.
Avis favorable. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. J’émets également un avis favorable, non pas pour vous remercier de la confiance que vous avez témoignée au Gouvernement en acceptant de retirer précédemment des amendements, monsieur le sénateur, mais parce que vous avez fondamentalement raison sur le fond : la rédaction de l’article précité du code de l’urbanisme est obsolète et une telle modification s’impose. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 306 rectifié.
(L’amendement est adopté.) (Mêmes mouvements.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13.
Article 14
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 803, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à actualiser, clarifier, simplifier et compléter le régime juridique des schémas d’aménagement régional prévu au titre III du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales :
1° En redéfinissant le plan de ces dispositions et en en améliorant la rédaction afin de supprimer les difficultés d’intelligibilité du régime actuel ;
2° En supprimant les dispositions obsolètes et en prenant en compte les trois types de collectivités concernées ;
3° En modifiant le contenu du schéma d’aménagement régional et en redéfinissant ses effets, notamment en ce qu’il tient lieu de schéma de mise en valeur de la mer, de schéma régional de cohérence écologique et de schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie ;
4° En modifiant la liste des normes et documents avec lesquels le schéma d’aménagement régional doit être compatible ou qu’il doit prendre en compte, en harmonisant les modalités de mise en compatibilité et en procédant aux modifications qui seraient rendues nécessaires pour mieux définir son articulation avec les autres documents de planification et d’urbanisme ;
5° En simplifiant certaines modalités procédurales relatives à son élaboration et son évolution ainsi qu’à son approbation.
Ces mesures sont prises en étroite concertation avec les élus des collectivités territoriales concernées.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Cet amendement vise à rétablir l’article habilitant le Gouvernement à procéder, par voie d’ordonnance, à une nouvelle rédaction des dispositions relatives aux schémas d’aménagement régional, les SAR, des régions d’outre-mer. J’entends déjà les critiques relatives au recours à une ordonnance. Dont acte !
Je tiens à préciser que le projet de loi initial prévoyait davantage de demandes d’habilitation que le texte que nous examinons aujourd’hui. Comme nous nous y sommes engagées durant la conférence de consensus, nous avons énormément travaillé pour limiter au maximum ces demandes d’habilitation.
La modification des dispositions relatives aux schémas d’aménagement régionaux est une demande émanant des discussions que nous avons eues avec les élus, notamment ultramarins. Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir réintroduire cette disposition supprimée en commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir l’habilitation à réformer par ordonnance, ce qui est contraire à la position de la commission. La réforme d’un document aussi structurant pour l’aménagement en outre-mer mérite une concertation étendue et une véritable participation du législateur. C’est un sujet technique qui justifie un examen devant notre assemblée.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Lors de l’examen du projet de loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, j’ai moi-même demandé à simplifier les procédures en matière d’établissement des SAR. Je puis vous garantir que celles-ci sont excessivement lourdes. Le Conseil d’État nous avait délégué un conseiller d’État. Pour toute procédure de déclassement, il fallait reclasser un autre terrain en raison du principe dit de compensation avec, il est vrai, de fortes garanties juridiques, puisque le SAR est accompagné du schéma de mise en valeur de la mer, ou SMVM. Ce dernier est opposable : c’est plus qu’un simple lien de compatibilité. Par ailleurs, le SAR lui-même est opposable à d’autres documents d’urbanisme.
Quoi qu’il en soit, les procédures sont très lourdes. Tout cela nous a pris douze ans et les deux présidents de région qui m’ont précédé se sont épuisés sans parvenir à faire aboutir le dossier, même si nous avons enfin réussi.
Il est vrai que nous avons souhaité voir étendre aux outre-mer la procédure des SRADDET, les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires.
On me dit que c’est plus souple, mais qu’il y aurait moins de garanties. Je suis d’accord sur le fond pour qu’il y ait des assouplissements, mais je souscris à ce que vient de dire Mme la rapporteur, et M. Mézard le sait : ce n’est pas la culture du Parlement d’être dessaisi à ce point-là.
Pour ce qui me concerne, j’aurais souhaité qu’une étude préalable soit réalisée, et que les parlementaires et les élus locaux soient largement associés à un travail difficile et qui demande un consensus fort. Avec une habilitation, tout se ferait dans le secret des bureaux. Par culture parlementaire, je ne pourrai pas voter en faveur de cet amendement, même si je comprends votre demande.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. J’irai dans le sens de mon collègue Victorin Lurel. La concertation pour établir un document aussi important ne saurait être squeezée en faveur d’une ordonnance élaborée dans le secret des cabinets ministériels.
C’est un document essentiel, qui nécessite un maximum d’échanges et un partenariat solide entre tous les élus concernés. Pour parler de la terre qui me concerne, les meilleurs spécialistes des affaires martiniquaises sont les Martiniquais, comme l’aurait si bien dit le docteur Aliker, mort à 106 ans, et fidèle compagnon d’Aimé Césaire pendant plus de cinquante ans au cours de sa mandature municipale.
M. le président. En conséquence, l’article 14 demeure supprimé.
Article 14 bis A
(Non modifié)
I. – Le XII de l’article 59 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est ainsi rédigé :
« XII. – Le transfert à la métropole du Grand Paris des compétences mentionnées aux b et d du 2° du II de l’article L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales intervient à la date à laquelle le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement est rendu exécutoire en application du dixième alinéa du V du même article L. 5219-1.
« Sans préjudice du II dudit article L. 5219-1 et du V de l’article L. 5219-5 du même code, jusqu’à leur transfert à la métropole du Grand Paris, les compétences mentionnées aux b et d du 2° du II de l’article L. 5219-1 dudit code sont exercées :
« 1° Par l’établissement public territorial dans les mêmes conditions et dans les seuls périmètres correspondant à ceux de chacun des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existant au 31 décembre 2015 ;
« 2° Ou par les communes dans les autres cas. »
II. – L’article 113 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté est ainsi rédigé :
« Art. 113. – La métropole du Grand Paris est considérée, jusqu’à ce que le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement soit rendu exécutoire en application du dixième alinéa du V de l’article L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales, comme dotée d’un programme local de l’habitat exécutoire reprenant les orientations et le programme d’action des programmes locaux de l’habitat exécutoires au 31 décembre 2015. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 103 rectifié bis, présenté par Mme Lavarde, MM. Marseille, Laugier et Janssens, Mme Garriaud-Maylam, MM. Brisson et de Nicolaÿ, Mme Billon, MM. Lefèvre et Bazin, Mme Joissains, MM. Bascher, Morisset et de Legge, Mme Goy-Chavent, MM. Mandelli, Paccaud et Mizzon, Mmes Deromedi et Bonfanti-Dossat, MM. Moga, Kern, Rapin, Henno, Le Nay et Cuypers, Mme Vullien, MM. Husson et Guerriau, Mme Guidez et MM. Decool et Gremillet, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
, jusqu’à leur transfert à la métropole du Grand Paris,
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 104 rectifié bis.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 104 rectifié bis, présenté par Mme Lavarde, MM. Marseille, Pemezec, Laugier, Janssens, Bonnecarrère, Brisson et de Nicolaÿ, Mme Billon, MM. Lefèvre, Longuet et Bazin, Mme Joissains, MM. Bascher, Morisset et de Legge, Mme Goy-Chavent, MM. Détraigne, Mandelli, Paccaud et Mizzon, Mmes Deromedi et Bonfanti-Dossat, MM. Moga, Kern et Rapin, Mme Garriaud-Maylam, MM. Henno, Le Nay et Cuypers, Mme Vullien, MM. Husson et Guerriau, Mme Guidez et MM. Decool et Gremillet, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
à la date à laquelle le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement est rendu exécutoire en application du dixième alinéa du V du même article L. 5219-1
par les mots :
au 1er janvier 2021
Veuillez poursuivre, chère collègue.
Mme Christine Lavarde. Au 31 décembre prochain, la compétence opérationnelle liée au financement du logement social sera transférée à la Métropole du Grand Paris, la MGP. Or, à cette date, il est peu probable que la MGP ait, d’une part, adopté son plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement, ou PMHH, et donc ses orientations en matière de production et de financement du logement social, et, d’autre part, mis en place les mesures nécessaires à cette prise de compétence. Il n’est même pas certain, d’ailleurs, que, à cette date, la MGP existe encore, puisque nous sommes toujours dans l’attente d’une décision à ce sujet.
Ce contexte instable, en créant notamment une discontinuité dans la politique de financement du logement social, risque de retarder les projets de création de logements sociaux et de pénaliser les communes en milieu de période triennale de rattrapage SRU.
De plus, alors que les établissements publics territoriaux sont réaffirmés comme échelon de rattachement des offices publics de l’habitat, ils ne seront plus compétents pour financer les opérations de leurs propres offices. Déjà reporté d’un an par la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, le transfert des compétences « financement du logement social » et « aménagement des aires d’accueil aux gens du voyage » vient de nouveau de l’être, avec sagesse, par l’Assemblée nationale, « à la date à laquelle le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement est rendu exécutoire ».
Toutefois, il paraît indispensable de stabiliser les modalités de financement du logement social, afin de ne pas freiner la production de logements sur le périmètre de la Métropole du Grand Paris dans un contexte où les plus grandes incertitudes pèsent sur son avenir.
L’amendement n° 103 rectifié bis vise à confier l’exercice des compétences « aides financières au logement social », « actions en faveur du logement social » et « actions en faveur du logement des personnes défavorisées » aux établissements publics territoriaux en lieu et place de la Métropole du Grand Paris.
L’amendement n° 104 rectifié bis, de repli, tend à reporter le transfert de compétence des territoires à la Métropole du Grand Paris au 1er janvier 2021, date par ailleurs plus cohérente avec d’autres dispositions à venir, notamment les opérations de regroupement des offices d’HLM.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 103 rectifié bis. Le présent texte n’est pas un texte de répartition des compétences entre établissements publics territoriaux et Métropole du Grand Paris. L’article 14 bis A effectue simplement un ajustement dans le temps de transferts de compétences. La commission n’a pas souhaité revenir sur les arbitrages effectués dans le cadre de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.
Quant à l’amendement n° 104 rectifié bis, il ne semble pas judicieux de repousser plus que nécessaire le transfert organisé par les lois précédentes, alors même que le PMHH serait déjà entré en vigueur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Je suis également défavorable à ces deux amendements, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’amendement n° 103 rectifié bis tend à laisser la compétence « habitat » aux établissements publics territoriaux et non à la Métropole du Grand Paris, ce qui serait une nouvelle répartition des compétences. En effet, cette compétence doit être transférée à la MGP dès lors que le PMHH sera finalisé. Il s’agirait donc de revenir sur une répartition de compétences qui a déjà été entérinée. Tel n’est pas l’objet du présent texte.
Par ailleurs, et c’est le problème de fond, nous avons reculé d’année en année la date finale de réalisation de ce fameux document, le PMHH, qui prévoit la nouvelle répartition des compétences. Vous l’avez vous-même souligné, madame la sénatrice, il a déjà été reporté à deux reprises. Votre amendement de repli tend une nouvelle fois à repousser la prise de compétences en 2021 au lieu du 31 décembre prochain. La solution proposée au travers de ce projet de loi est la suivante : ce transfert de compétences, tel qu’il est déjà prévu, aura lieu dès que le PMHH sera exécutoire, sans le repousser à une énième date qui, on le sait, sera reportée de six mois, d’un an, voire de deux ans, par le Parlement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Il y a au moins un point sur lequel je suis d’accord avec Christine Lavarde : nous sommes dans l’attente des décisions ou des orientations du Gouvernement concernant la Métropole du Grand Paris. Et nous trouvons le temps long, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’autant que, pendant la campagne électorale, le Président de la République avait donné des orientations qui me convenaient assez bien.
Cela étant, ce n’est pas une raison pour ne pas faire ce que la loi avait prévu que nous fassions. Je tiens à rassurer Christine Lavarde : la Métropole du Grand Paris a délibéré et a adopté son PMHH. Il faut rendre ce dernier exécutoire. Si on a reculé la date initialement prévue, c’est que la Métropole du Grand Paris s’est mise en place le 1er janvier 2016 : sortir un PMHH à l’échelle de 7 millions d’habitants, ce n’était pas une mince affaire, car il n’a pas été aisé de mettre d’accord l’ensemble des maires sur un sujet aussi délicat. Le travail a été fait, on va rendre le PMHH exécutoire et il est temps d’aller vers le transfert.
Certains veulent faire du Grand Paris une vraie métropole, comme à Lyon, tandis que d’autres n’en veulent pas vraiment et freineraient bien des quatre fers.
Cela nous sépare, on le sait, et j’espère que nous aurons ce débat le plus rapidement possible.
Dans l’attente, de grâce, puisque le PMHH a été adopté et qu’il va devenir exécutoire, allons-y ! Je ne crains pas que cela retarde le financement d’opérations de construction de logement social. La métropole serait capable d’assumer ces compétences.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Je vais retirer ces deux amendements. Au moins aurons-nous tous entendu ici que l’ensemble des élus franciliens attendaient une décision pour leur avenir.
Nous parlons d’un sujet important, le logement, qui a connu plusieurs transferts, des villes vers les territoires, et demain vers la métropole du Grand Paris. C’est une aire de 7 millions d’habitants ! Il faut une décision rapide, car les projets sont aujourd’hui bloqués, et la métropole avance comme elle peut.
J’ai été heureuse d’entendre Philippe Dallier dire que la métropole aurait les moyens de mettre en œuvre son PMHH, mais je me demande avec quels moyens. On sait en effet que son budget sera déficitaire à compter de l’exercice prochain.
Je retire donc les amendements, car je pense que les messages sont passés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Les amendements nos 103 rectifié bis et 104 rectifié bis sont retirés.
L’amendement n° 1109, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer le mot :
exécutoires
par le mot :
approuvés
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que ce sont les programmes locaux de l’habitat approuvés, et non exécutoires, au 31 décembre 2015 qui pourront transitoirement servir de PLH à la métropole du Grand Paris.
Le terme « exécutoire » exclut de fait 12 PLH approuvés avant le 31 décembre 2015, mais pas encore exécutoires à cette date. Cela compliquerait la conduite des politiques locales de l’habitat sur le territoire de ces PLH.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 879 rectifié bis, présenté par M. Marseille et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le VI de l’article L. 5219-5 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – L’établissement public territorial peut déléguer, par convention avec la ou les collectivités concernées, la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de ses attributions à une ou plusieurs communes membres.
« Dans les mêmes conditions, ces collectivités peuvent déléguer par convention à l’établissement public territorial la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de leurs attributions. »
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Aujourd’hui, la métropole du Grand Paris peut confier la gestion de certains équipements ou services relevant de ses attributions à une ou plusieurs communes membres. Cet outil puissant permet à cette métropole de s’appuyer sur les compétences de certains services communaux, le temps que cette organisation encore récente devienne pleinement organisée et parfaitement opérationnelle.
À l’inverse, les établissements publics territoriaux, les EPT, ne peuvent confier la réalisation ou le fonctionnement d’un équipement relevant de leurs attributions aux communes membres. Il serait logique qu’un tel mécanisme puisse être mis en place.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission considère que cet amendement apporte de la flexibilité sur la base d’une convention qui marque l’accord entre la commune et l’EPT, et qu’il favorisera, de fait, l’aménagement et la construction d’équipements collectifs.
L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Nous partageons l’objectif de l’amendement, mais, selon l’analyse de nos services, celui-ci est satisfait : les EPT ont d’ores et déjà cette capacité, à condition que leurs statuts le prévoient.
Je demande donc le retrait de l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Il y a un problème : le statut des EPT est fixé par la loi Métropoles.
À la différence des communautés d’agglomération, nous souffrons d’une très grande rigidité : l’EPT ne peut pas travailler avec les communes par délégation. L’amendement présenté par Valérie Létard vise donc à donner de la souplesse.
Encore une fois, il n’est pas possible de se référer aux statuts, car ceux-ci sont prévus dans la loi, et la loi nous contraint. Si cet amendement n’était pas adopté, nous ne pourrions bénéficier de cette souplesse.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. J’entends vos arguments, et vous connaissez très bien le sujet. Je m’en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée. (Ah ! sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Philippe Dallier. Très bien !
M. le président. Merci, monsieur le ministre, de faire confiance à la sagesse du Sénat !
Je mets aux voix l’amendement n° 879 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.) (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 14 bis A, modifié.
(L’article 14 bis A est adopté.)
Article 14 bis
I. – (Non modifié) Le premier alinéa de l’article L. 581-14-1 du code de l’environnement est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 581-14 du présent code, les dispositions du titre V du livre Ier du code de l’urbanisme relatives au périmètre du plan local d’urbanisme et à l’autorité compétente en la matière ainsi que les dispositions du même titre V relatives aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de grande taille sont applicables aux règlements locaux de publicité. La métropole d’Aix-Marseille-Provence peut élaborer un ou plusieurs règlements locaux de publicité sur le périmètre prévu au second alinéa de l’article L. 134-12 du même code. »
II. – Les dispositions du titre V du livre Ier du code de l’urbanisme relatives au périmètre du plan local d’urbanisme et à l’autorité compétente en la matière, les dispositions du même titre V relatives aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de grande taille, ainsi que les dispositions de l’article L. 134-12 du même code relatives aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux de la métropole d’Aix-Marseille-Provence sont applicables aux procédures d’élaboration et de révision du règlement local de publicité initiées antérieurement à la publication de la présente loi dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés par une création, une fusion ou une modification de périmètre prononcées en application de l’article 35 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dans ceux devenus compétents en matière de plan local d’urbanisme en application de l’article 136 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dans les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris ainsi que dans la métropole d’Aix-Marseille-Provence.
M. le président. L’amendement n° 1105, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
publication
par le mot :
promulgation
La parole est à Mme le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 14 bis, modifié.
(L’article 14 bis est adopté.)
Article 14 ter
(Non modifié)
Le second alinéa de l’article L. 581-14-3 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière de plan local d’urbanisme ou la métropole de Lyon a prescrit l’élaboration d’un règlement local de publicité intercommunal, la durée prévue au présent alinéa est de douze ans. » – (Adopté.)
Article 14 quater
Après le II de l’article 102 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Le II du présent article n’est pas opposable aux plans locaux d’urbanisme tenant lieu de programmes locaux de l’habitat arrêtés ou approuvés avant le 31 mars 2018. Ces plans sont adaptés pour intégrer les dispositions précitées dans un délai de deux ans après avoir été rendus exécutoires ou de trois ans si cette mise en compatibilité implique une révision du plan local d’urbanisme. » – (Adopté.)
Article 14 quinquies (nouveau)
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa de l’article L. 324-2 est ainsi modifiée :
a) Les mots : « , dotés de la compétence en matière de programme local de l’habitat, » sont remplacés par les mots : « à fiscalité propre » ;
b) Les mots : « non membres de l’un de ces établissements » sont supprimés ;
2° L’article L. 324-2-1 A est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « dotés de la compétence en matière de programme local de l’habitat » sont remplacés par les mots : « à fiscalité propre » ;
– les mots : « non membre d’un tel établissement » sont supprimés ;
– sont ajoutés les mots : « , dans un délai de trois mois à compter de la transmission des délibérations » ;
b) Le second alinéa est supprimé. – (Adopté.)
Article 15
I A. – Au premier alinéa de l’article L. 621-31 du code du patrimoine, après le mot : « proposition », sont insérés les mots : « ou après accord ».
I. – (Non modifié) Au dernier alinéa de l’article L. 621-32 du code du patrimoine, la référence : « à l’article L. 632-2 » est remplacée par les références : « aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1 ».
II. – L’article L. 632-2 du code du patrimoine est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« L’autorisation prévue à l’article L. 632-1 est, sous réserve de l’article L. 632-2-1, subordonnée à l’accord de l’architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. À ce titre, ce dernier s’assure du respect de l’intérêt public attaché au patrimoine, à l’architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. Il s’assure, le cas échéant, du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine.
« Le permis de construire, le permis de démolir, le permis d’aménager, l’absence d’opposition à déclaration préalable, l’autorisation environnementale prévue à l’article L. 181-1 du code de l’environnement ou l’autorisation prévue au titre des sites classés en application de l’article L. 341-10 du même code tient lieu de l’autorisation prévue à l’article L. 632-1 du présent code si l’architecte des Bâtiments de France a donné son accord, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I.
« L’autorité compétente pour délivrer l’autorisation peut proposer un projet de décision à l’architecte des Bâtiments de France. Celui-ci émet un avis consultatif sur le projet de décision et peut proposer des modifications, le cas échéant après étude conjointe du dossier. » ;
1° bis (nouveau) Le dernier alinéa du même I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle comporte une mention informative sur les possibilités de recours à son encontre et les modalités de celui-ci. » ;
2° La seconde phrase du II est ainsi rédigée : « En cas de silence, l’autorité administrative est réputée avoir approuvé ce projet de décision. » ;
3° Après la deuxième phrase du III, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Dans le cadre de ce recours, le demandeur peut faire appel à un médiateur désigné par le président de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture parmi les membres de cette commission titulaires d’un mandat électif. Dans ce cas, l’autorité administrative statue après avis de ce médiateur. »
III. – (Non modifié) Après l’article L. 632-2 du code du patrimoine, il est inséré un article L. 632-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 632-2-1. – Par exception au I de l’article L. 632-2, l’autorisation prévue à l’article L. 632-1 est soumise à l’avis de l’architecte des Bâtiments de France lorsqu’elle porte sur :
« 1° Des antennes relais de radiotéléphonie mobile ou de diffusion du très haut débit par voie hertzienne et leurs systèmes d’accroche ainsi que leurs locaux et installations techniques ;
« 2° Des opérations mentionnées au second alinéa de l’article L. 522-1 du code de la construction et de l’habitation ;
« 3° Des mesures prescrites pour les immeubles à usage d’habitation déclarés insalubres à titre irrémédiable en application de l’article L. 1331-28 du code de la santé publique ;
« 4° Des mesures prescrites pour des immeubles à usage d’habitation menaçant ruine ayant fait l’objet d’un arrêté de péril pris en application de l’article L. 511-2 du code de la construction et de l’habitation et assorti d’une ordonnance de démolition ou d’interdiction définitive d’habiter.
« En cas de silence de l’architecte des Bâtiments de France, cet avis est réputé favorable. »
IV. – (Non modifié) Au début du premier alinéa de l’article L. 632-3 du code du patrimoine, les mots : « Les articles L. 632-1 et L. 632-2 ne sont pas applicables » sont remplacés par les mots : « Le présent chapitre n’est pas applicable ».
V. – (Non modifié) Le présent article s’applique aux demandes d’autorisation prévues aux articles L. 621-32, L. 632-1 et L. 632-2 du code du patrimoine ainsi qu’aux demandes pour lesquelles cette autorisation est requise qui sont déposées à compter du lendemain de la publication de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons un problème dont nous avons déjà traité. Je laisserai le soin à notre rapporteur pour avis, Jean-Pierre Leleux, d’exposer les termes du consensus que nous avions trouvé.
Je ferai trois observations.
Premièrement, et c’est essentiel à mes yeux, le patrimoine est le bien commun de la Nation.
Nous avons, à plusieurs occasions, discuté ici des responsabilités du maire par rapport à l’administration centrale. Notre République a depuis longtemps considéré que le patrimoine, bien commun de la Nation, relevait du plus haut niveau de responsabilité, celui de l’État.
Je prendrai un exemple qui fera plaisir à notre collègue Jacques Genest : la grotte Chauvet, sur la commune de Vallon-Pont-d’Arc, date de 35 000 ans avant Jésus-Christ. Il est évident qu’elle appartient, à ce titre, au patrimoine de l’humanité et qu’il n’est pas scandaleux qu’elle échappe aux attributions du maire pour être gérée à un niveau supérieur.
Deuxièmement, j’ai entendu à plusieurs reprises – et cela me désole – que l’on présentait l’architecte des Bâtiments de France, l’ABF, comme un monstre froid, isolé dans sa tour d’ivoire, et ignorant la sollicitude des maires et de leurs administrés.
Mes chers collègues, l’architecte des Bâtiments de France est un fonctionnaire qui travaille dans une unité départementale de l’architecture et du patrimoine, une UDAP, sous l’autorité du préfet de département, lequel le note. Par ailleurs, il appartient aussi à la direction régionale des affaires culturelles, la DRAC, et, dans ce domaine, il est placé sous l’autorité du préfet de région. Enfin, il relève aussi de l’autorité de la direction générale des patrimoines, qui a un droit d’évocation sur toutes les mesures qu’il prend. Parfaitement intégré à une hiérarchie, il peut être saisi par tous les élus, il n’est donc pas l’individu isolé que l’on nous présente trop souvent.
Je ferai ensuite une observation d’ordre juridique. Il me semble, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que l’article 15 méconnaît le principe d’indépendance des législations, puisque son alinéa 16 prévoit une exception à l’avis conforme de l’ABF : un immeuble déclaré insalubre au titre du code de la santé publique pourrait être détruit sans cet avis conforme. Le risque est grand…
M. le président. Votre temps de parole est dépassé, mon cher collègue !
M. Pierre Ouzoulias. Je poursuivrai plus tard…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, je souhaite, à l’occasion de l’examen de cet article 15, défendre une cause, non pas celle des ABF,…
M. Laurent Duplomb. Une cause perdue !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. … mais celle de la mission de service public que les ABF doivent remplir au nom de l’État, au titre de leur compétence en matière de préservation du patrimoine.
Je défends cette cause avec la modeste expérience qui est la mienne : maire pendant dix-neuf ans d’une ville dont le centre historique, que vous connaissez, monsieur le ministre, est compliqué, et dont le plan de sauvegarde et de mise en valeur est très dense.
Je la défends aussi en tant que président de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, au sein de laquelle, toutes les semaines, se confrontent des points de vue quelque peu discordants. S’y affrontent ainsi deux conceptions de l’intérêt public, toutes deux objectives : la nécessité d’aménager et de moderniser les centres-villes, et celle de préserver le patrimoine.
Je voudrais rappeler quelques points.
Premièrement, la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP, a permis d’acter un équilibre en maintenant l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France, en réduisant son délai de réponse et en permettant le dialogue avec les collectivités locales.
Les divergences sont relativement peu nombreuses entre le maire et l’ABF : elles représentent 6,6 % des cas. Désormais – parfois, les maires ne le savent pas –, un recours est possible contre un avis conforme de l’ABF, et s’exerce auprès du préfet de région. Avec la commission des affaires économiques, nous avons prévu à l’article 15 quelques alinéas qui vont dans le sens d’une meilleure coopération.
Le 6 juin dernier, Mme la ministre de la culture, après avoir consulté un groupe de travail dont faisaient partie cinq de nos collègues, a édicté une instruction visant à faciliter la coopération, à prévoir « la mise en place des conditions d’une vision partagée en matière d’architecture et de patrimoine », « l’organisation de la coconstruction et de la collégialité » et « une plus grande médiation ».
Je sais bien qu’il y a des conflits…
M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Je remercie la commission des affaires économiques, qui a accepté un certain nombre d’amendements. Celui qui concerne l’avis conforme de l’ABF a fait l’objet d’un désaccord.
Le débat est légitime : puisqu’il a lieu à l’extérieur de notre enceinte, il doit également se dérouler ici. Pour ma part, je défendrai le maintien de l’avis conforme de l’ABF. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l’article.
Mme Catherine Morin-Desailly. Pour compléter les propos de M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture, je voudrais signaler les quelques cas pour lesquels il est prévu de passer à l’avis simple de l’ABF : ils sont suffisamment nombreux pour qu’il soit porté atteinte au patrimoine de façon irréversible. J’en veux pour preuve que la plupart des sites inscrits qui ont été soumis à la procédure d’avis simple dans les années 1980 ont été désinscrits par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, compte tenu des dégradations qu’ils avaient subies sous les effets de la pression foncière.
Bien sûr, les relations entre les élus et les ABF ne sont pas toujours aisées, notamment parce qu’ils sont soumis à des contraintes souvent opposées, les unes relevant du temps court de l’urbanisme, les autres du temps long du patrimoine. On cite ainsi fréquemment, au cours des débats, des exemples d’inflexibilité et de manque de discernement de certains ABF.
Il faudrait tout de même opposer à ces exemples, dans un esprit de juste équilibre, tous ceux dans lesquels la décision de l’ABF a permis de protéger le maire des pressions dont il était l’objet.
Pourquoi ne cite-t-on jamais les cas dans lesquels l’intervention de l’ABF a permis non seulement de protéger un patrimoine historique qui allait être détruit, mais aussi de réduire les coûts d’opération ?
Permettez-moi de vous donner un exemple : la réhabilitation du couvent de Kerlaouen, à Landerneau, pour y installer un institut médico-éducatif, un IME, est tout à fait emblématique à cet égard. Alors qu’il était initialement prévu de le raser, le couvent a pu être sauvé, ce qui a permis de conserver tout un pan de l’histoire de la ville. Quant aux travaux, ils ont coûté 1 million d’euros de moins à l’opérateur que ce qui était prévu dans son projet initial. C’est la preuve que la préservation du patrimoine n’est pas nécessairement synonyme d’alourdissement des coûts, quoi qu’on en pense.
Mes chers collègues, prenons garde que ces premières dérogations ne réduisent à néant cinquante ans d’efforts pour préserver un patrimoine qui, vous le savez, constitue une part importante de l’âme de notre pays, de nos villes, de nos villages, de nos centres-bourgs et de nos campagnes, et qui participe à la qualité de vie recherchée par nos concitoyens.
Ce patrimoine est aussi, bien sûr, un potentiel et un atout considérables pour le développement économique et touristique de nos territoires, comme l’avaient fort bien rappelé Martin Malvy et notre ancien collègue Yves Dauge dans leurs rapports sur la revitalisation des centres-bourgs.
Ce débat a été tranché, M. le rapporteur pour avis l’a rappelé. Nous avions en effet beaucoup débattu, lors de l’examen de la loi LCAP, votée à la quasi-unanimité voilà pratiquement deux ans. Je vous rappelle que le Sénat avait alors tenu la plume. Il est d’ailleurs reconnu par toutes les associations pour avoir su faire évoluer la législation, notamment en faveur d’un meilleur équilibre avec le rôle des élus. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi a pour objectif de simplifier, d’être un accélérateur de développement, de permettre que l’on construise et que l’on favorise le développement économique de nos territoires. C’est ce que souhaite le Sénat : que l’on simplifie les normes, que l’on réduise leur nombre et que l’on écoute les élus locaux.
Je veux revenir sur les excellents propos de M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture, dont l’expertise est reconnue, concernant le rôle important des ABF. Ceux-ci ont effectivement permis, au cours des cinquante dernières années, d’éviter un certain nombre de dysfonctionnements et de constructions « tous azimuts ».
Loin de moi l’idée de critiquer les ABF. Il n’y a d’ailleurs pas, ici, ceux qui sont pour et ceux qui sont contre ! Nous voulons tous avancer dans une direction, et chaque position est tout à fait respectable. Mais nous avons aussi constaté que, dans certaines communes et dans certains départements, tel ABF n’a pas la même position qu’un autre qui exerce dans une autre ville, et que cela entraîne des difficultés.
C’est la raison pour laquelle je soutiens la volonté de M. le ministre et de M. le secrétaire d’État de retenir l’avis simple de l’ABF. Cela ne signifie pas que l’on ne tient pas compte de son avis : celui-ci sera donné, motivé, et rendu public.
Je suis sénateur, comme vous toutes et tous. Lorsque j’ai un choix à faire, je privilégie l’intelligence territoriale, l’intelligence du maire et du conseil municipal, quel que soit mon respect pour la position de l’administration. Je suis en effet élu par des élus et, au cours de mes mandats de président des maires de la Drôme, de président de département et de maire, j’ai eu à connaître de telles situations.
Non, les maires et les conseils municipaux ne songent pas à dénaturer les sites remarquables, mais tout simplement à avancer. Il peut y avoir des abus dans certains cas. Mais, en l’occurrence, l’ABF donnera son avis motivé, puis, au vu et au su de tous, en toute transparence, le maire et le conseil municipal prendront leur décision. À l’arrivée, qui sera souverain ? Le citoyen et l’électeur, lors des prochaines élections municipales ! (Protestations sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Laurent Duplomb applaudit.)
C’est la raison pour laquelle nous avons besoin de tranquillité. Des orateurs ont évoqué les dérogations. Si je comprends bien, ou pourrait supprimer les dérogations en zone littorale dans quelques cas, quand c’est intéressant pour certains, et en prévoir d’autres ici ou là ; en revanche, on refuserait au maire et au conseil municipal de prendre une décision souveraine, après que l’ABF a donné son avis, en leur disant qu’ils n’en sont pas capables ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, sur l’article.
M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’irai dans le même sens que Didier Guillaume.
J’entends dire depuis des heures, sur ce texte, qu’il faut faire confiance aux élus locaux, aux maires, aux élus des territoires. Et voilà que, d’un seul coup, on les met en cause et on les suspecte de vouloir détruire un patrimoine qui existe dans chacun de nos territoires ! Dans celui que j’ai présidé pendant douze ans, le patrimoine compte ainsi énormément.
Cette décision de simplification et d’accélération, demandée par tant d’élus confrontés aux nombreux blocages qui existent, serait donc un processus immoral ? Voilà ce que j’entends !
Les Français subissent aujourd’hui des blocages excessifs. Soyez-en sûr, nous garantirons toujours aux ABF le rôle primordial de protection et de conservation de notre patrimoine. Mais, parce que nous faisons confiance aux élus locaux, nous leur accordons deux possibilités de dérogation, bien encadrées, à l’avis conforme de l’ABF.
Nous ne prenons pas de risques importants en laissant aux élus locaux, auxquels nous faisons confiance, cette marge de manœuvre ; nous accélérons les procédures. De plus, en cas de désaccord, le processus de discussion sera simplifié grâce à la saisine d’un médiateur. Cette procédure permet aux acteurs de prendre leurs responsabilités pour tendre vers une solution commune.
Lorsqu’il faut détruire un pylône de téléphone aussi vite, voire plus vite, qu’on ne l’a construit, ou lorsque des familles vivent dans un habitat indigne et insalubre, il est de notre devoir, mes chers collègues, de prendre nos responsabilités et d’éviter toute rigidité et toute lenteur dans la revitalisation de nos territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a quelques années, l’Assemblée nationale avait voté la suppression de l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France. Je me souviens que, lors d’une séance au Sénat, Jack Ralite, Maryvonne Blondin, Catherine Tasca, Yann Gaillard, Yves Dauge,…
M. Jean-François Husson. Quelle mémoire !
M. Jean-Pierre Sueur. … votre serviteur et d’autres collègues s’étaient levés, tous ensemble, pour dire qu’un intérêt public était mis en cause. Car le patrimoine de la République française, c’est très important !
Bien sûr, mes chers collègues et amis, nous faisons confiance aux élus locaux. Mais qui dira ici qu’il n’y a pas une responsabilité de l’État, dans de nombreux domaines, notamment la santé et la culture ?
Le Sénat a déjà obtenu lors d’une commission mixte paritaire, à une majorité de deux voix, que cet avis conforme soit maintenu.
Moi-même, en tant que maire, je me suis heurté à un architecte des Bâtiments de France et nos relations ont été compliquées. Mais je soutiens que les ABF sont des fonctionnaires dévoués. Intervenant devant l’association nationale des architectes des Bâtiments de France, l’ANABF, je leur ai dit qu’ils avaient dû « sentir le vent du boulet », et qu’ils devaient dialoguer et écouter, bien sûr, mais qu’ils devaient également aider à respecter ce bien précieux qu’est le patrimoine.
Ainsi, quel désastre, mes chers collègues, que les entrées de ville ! Nous sommes tous très fiers de nos magnifiques centres-villes anciens, qu’il faut respecter et que nous aimons. Mais avant d’y parvenir, il faut passer devant des paysages qui ne font pas la fierté de la France. Je voudrais que l’on s’en occupe davantage, car il y va de la beauté de nos villes et de notre pays. C’est très important !
On nous dit qu’il ne faut pas s’en faire, qu’il ne s’agit que de quelques dérogations. Or vous savez très bien que c’est le début du commencement de quelque chose dont nous ne voulons pas !
Nous sommes attachés à l’intérêt public, au bien commun, et nous aimons beaucoup les élus locaux – nous le sommes ou l’avons été pour la plupart d’entre nous. Mais qui peut dire que la décentralisation et la confiance dans les élus locaux sont la négation de la vocation de l’État à défendre le bien commun ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, la France est effectivement un pays béni des dieux du patrimoine. Seule l’Italie peut rivaliser avec elle, et encore…
Ces trésors que nous ont légués nos pères, qui sont admirés dans le monde entier et attirent des millions de touristes passionnés par l’art, la culture, l’architecture et l’histoire, il faut évidemment les préserver et les valoriser. Mais ceux qui souhaitent le plus cette préservation et cette valorisation, et qui la mettent en œuvre, ce sont avant tout les élus locaux, parce qu’ils aiment leur ville et savent très bien que l’attractivité de leur territoire dépend en grande partie de ce patrimoine.
Je suis élu de l’Oise et Beauvaisien. Ce qui attire les visiteurs à Beauvais, ce ne sont ni les tracteurs Massey Ferguson…
M. René-Paul Savary. C’est l’aéroport !
M. Olivier Paccaud. … ni l’aéroport (Sourires.), mais le plus haut au chœur gothique d’Europe.
Je ne connais pas de maires qui souhaitent défigurer, enlaidir, vandaliser leurs quartiers historiques. Les élus locaux ont effectivement un rôle clé, comme les associations de sauvegarde du patrimoine – je pense à la Fondation du patrimoine de mon ami Alain Schmitz –, et comme les architectes des Bâtiments de France, dont les conseils avisés donc toujours précieux.
Dans le meilleur des mondes, tout devrait aller parfaitement bien, puisque tous ont le même objectif : la valorisation du patrimoine. Pourtant, dans cet hémicycle, qui peut dire qu’il n’y a jamais de problème entre des architectes des Bâtiments de France et des élus ? Personnellement, j’en rencontre presque toutes les semaines dans mon département de l’Oise. (Protestations sur les travées du groupe Union Centriste.)
On ne peut que le regretter. Il y a parfois un manque de dialogue, parce que les ABF ont trop de travail et pas assez de moyens. Mais il est évident que, si les élus acceptent toujours les conseils, ils refusent les veto. Or cette notion d’avis conforme et cette impression de toute-puissance des ABF sont parfois ressenties comme un abus de pouvoir par les élus locaux.
Si je fais confiance à la science et au savoir des ABF, je me fie encore davantage à la sagesse des élus locaux, des maires et des conseils municipaux,…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Olivier Paccaud. … parce qu’ils ne sont pas seuls à décider.
Par conséquent, même si j’ai la plus profonde amitié pour tous mes collègues de la commission de la culture, je n’irai pas dans le même sens qu’eux. Il me semble que l’avis conforme des ABF doit être un peu amoindri.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous en arrivons, avec cet article 15, à ce que certains pourraient qualifier de cauchemar.
Il faut poser les problèmes très sereinement. Dans toutes les communes où nous allons, la question des relations des architectes des Bâtiments de France avec les élus est évoquée. La nier n’aidera donc pas à trouver une solution, à la fois, pour que les élus conservent la maîtrise du territoire communal et pour que les ABF remplissent leur mission de fonctionnaires de l’État.
C’est pire qu’une épreuve de philosophie ! La question est en effet la suivante : qu’entend-on par « préservation du patrimoine » ?
Pour avoir rencontré plusieurs élus qui ont participé à des débats avec les architectes des Bâtiments de France référents dans leur département, ainsi qu’un certain nombre de ces architectes, je pense que nous ne posons pas la bonne question à l’échelle de la société : qu’est-ce, aujourd’hui, que préserver le patrimoine ?
D’autres questions en découlent : de quelle formation se dotent les ABF ? Comment intègre-t-on les matériaux nouveaux, si l’on ne veut pas faire preuve de dogmatisme et entrer dans une logique d’interdiction au moment de rénover à proximité d’une chartreuse ou d’une abbaye clunisienne ? Les matériaux nouveaux permettent en effet, parfois, de faire plus, mieux et moins cher, tout en réalisant des économies d’énergie.
J’ai des exemples très concrets en tête. Doit-on préserver le patrimoine selon les canons de l’architecture classique, épurée ? Dans le cas d’un patrimoine médiéval, par exemple, doit-on restituer les couleurs vives et les matériaux employés au Moyen Âge, au risque de choquer ?
Nous devons aborder ce débat très sereinement. La question de l’avis conforme de l’ABF est celle de la responsabilité, non pas de l’État, mais bien de la Nation. Comment faire en sorte, collectivement, de ne pas oublier notre culture et aussi d’avancer ?
Par année, le nombre de contentieux et de rejets émanant d’élus locaux à l’encontre des avis des ABF est finalement très faible. Il faut ramener les problématiques à la réalité !
M. le président. Votre temps de parole est écoulé, ma chère collègue !
Mme Cécile Cukierman. Certains ont dépassé de 27 secondes, donc je finis !
M. le président. C’est moi qui préside, madame Cukierman, pas les orateurs !
Je rappelle à chacun qu’il faut respecter son temps de parole. Les amendements sont suffisamment nombreux pour que l’on puisse s’exprimer largement sur le sujet.
La parole est à Mme Marta de Cidrac, sur l’article.
Mme Marta de Cidrac. Je serai brève. En écoutant mes collègues qui s’opposent à l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France, j’entends essentiellement qu’ils ne se sont pas entendus avec l’ABF de leur territoire, que de nombreux permis leur ont été refusés, que des dossiers ne passent pas et que tout cela rend difficile la mission des maires…
Or, en aucun cas les prérogatives des maires et des élus locaux ne sont amoindries. Je rappelle que le permis de construire est toujours octroyé par le maire, qui conserve les prérogatives de signature et d’autorisation finale.
En souhaitant préserver l’avis conforme, nous ne voulons pas affaiblir les prérogatives des élus locaux. Il ne s’agit absolument pas, pour moi, d’opposer les uns aux autres. Le maire et l’ABF ont chacun leur rôle, qui n’est pas le même, et ils sont parfaitement complémentaires.
Je plaide donc la cause de l’avis conforme des ABF, qui nous sont utiles dans nos territoires. Un chiffre est réellement parlant : sur 400 000 demandes par an, il n’y a que 100 recours.
Ces recours empêchent-ils la réalisation dans nos territoires de projets dont les permis sont délivrés par les élus locaux que nous représentons ?
Je pense qu’il n’y a pas de contradiction entre les deux : les ABF sont là pour remplir leur rôle, qui leur est confié par l’État ; les élus sont là pour investir et bâtir dans leur territoire, ce qu’ils font très bien. N’affaiblissons ni les uns ni les autres ; maintenons l’avis conforme des ABF. (Applaudissements sur des travées du groupe Union centriste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, sur l’article.
M. Laurent Duplomb. Premièrement, le texte ne prévoit pas la suppression de l’avis conforme des ABF dans la totalité des domaines.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Bien sûr !
M. Laurent Duplomb. On ne parle que de quatre cas.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. De deux cas !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est qu’un début !
M. Laurent Duplomb. Ce n’est peut-être qu’un début, mais on n’est pas obligé de penser que, parce qu’on enlèverait l’avis conforme ici, il serait enlevé partout ensuite.
Pour ma part, j’aurais tendance à demander la suppression de l’avis conforme sur la totalité des sujets (Sourires.), mais on n’en est pas là, on ne parle que de quatre situations !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. De deux !
M. Laurent Duplomb. Je vois comment ça se passe dans mon département, et j’ai du mal à comprendre comment on fait, quand on est sénateur, représentant des collectivités locales et des élus, pour rentrer dans son département et expliquer le maintien de l’avis conforme à tous les élus qui en ont « ras le bol » du comportement de certains ABF,…
Mme Françoise Férat. Mais non !
M. Laurent Duplomb. … pas de tous, certes, mais de ceux qui vivent leur intervention de manière totalement dogmatique et qui sont sans cesse en train d’imposer des règles dont les élus ne veulent pas.
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas la question !
M. Laurent Duplomb. Qui n’a pas connu ces situations ? Qui n’a pas connu l’exemple des fenêtres qu’il faut obligatoirement faire en bois, alors que, aujourd’hui, d’autres matériaux ressemblent exactement à celui-ci ? Pourtant, par dogmatisme, on interdit autre chose que le bois, ce qui débouche sur des problématiques d’entretien des fenêtres.
Supprimer l’avis conforme ne me gênerait pas, dans la mesure où un avis simple demeure, et dans la mesure où celui qui a été élu par le peuple pour en avoir la responsabilité indique ce qu’il faut faire.
Il faut donc supprimer l’avis conforme des ABF pour les deux dérogations demandées ; ne commençons pas à ouvrir le débat sur la totalité des avis conformes.
Le seul domaine où, à mon sens, l’avis conforme des ABF doit être conservé, c’est celui des monuments historiques et de leur véritable périmètre. Toutefois, je le répète, il y a aujourd’hui une dérive, certains ABF totalement dogmatiques imposent leurs vues, qui, en outre, ne sont pas celles de leur prédécesseur et sont encore moins celles de leur successeur. Par conséquent, les élus se retrouvent dans des situations catastrophiques pour gérer les documents d’urbanisme. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Laurent. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je serai très rapide parce que Laurent Duplomb a parfaitement défendu les arguments que je voulais rappeler.
J’ai l’impression, en écoutant un certain nombre d’entre vous, que, avec cette mesure, c’en est fini des ABF et de leurs avis. Il ne s’agit pas de cela ici ! Les dérogations prévues dans ce texte concernent deux domaines, la lutte contre l’habitat indigne et les antennes relais, pour atteindre des objectifs que nous visons tous, à savoir la lutte contre l’habitat indigne, au profit de nos concitoyens qui le subissent, et un déploiement plus rapide de la téléphonie mobile.
Il faut donc retrouver un peu de mesure dans ce que nous disons ce soir. Il ne s’agit pas du tout d’empêcher les ABF d’exercer leur travail, dans la grande majorité des cas. Il s’agit de deux dérogations, sur deux problématiques très spécifiques visées par le projet de loi, et qui correspondent aux objectifs de la plupart des sénateurs.
Remettons les choses à leur place.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Duplomb. Le bon sens cantalien ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard, ministre. Nous allons essayer, en tout cas.
Je veux simplement préciser l’intention du Gouvernement par rapport à ce sujet. On est un peu tombé dans le bunker des ABF, je le vois bien. (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.) Oui, j’ai l’habitude, j’ai passé un certain nombre d’années ici, donc je connais à peu près les réflexes en la matière.
M. René-Paul Savary. Vous avez été bien élevé ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mézard, ministre. Bien sûr…
Comme beaucoup d’entre vous, j’ai une expérience d’élu local – adjoint à l’urbanisme, au logement, président d’agglomération –, et puis, comme beaucoup d’entre vous, j’ai beaucoup circulé dans ce pays, j’ai écouté et rencontré nombre de nos collègues élus locaux.
L’attention a été très justement appelée par Mme la présidente de la commission sur la vraie question. Car de quoi s’agit-il ? On ne supprime pas le rôle de l’ABF. On passe, sur deux sujets, de l’avis conforme à l’avis simple, un point c’est tout. Pourtant, on ne peut pas retrancher un millimètre du pouvoir d’un ABF sans provoquer ce soulèvement, alors que le Sénat est censé représenter les collectivités locales, conformément à l’article 24 de la Constitution – je l’ai souvent rappelé, ici et ailleurs.
Or ce que j’entends sur le terrain ne correspond pas à ce que je viens d’entendre ici. Globalement, personne ne remet en cause la nécessité d’avoir des ABF et de pouvoir bénéficier de leurs conseils – ce texte ne remet d’ailleurs pas en cause leur existence.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Jacques Mézard, ministre. Cela étant dit, très nombreux sont ceux qui considèrent effectivement qu’un certain nombre de problèmes sont régulièrement posés par la durée de délivrance des avis et par ces avis eux-mêmes. Et les choses ne sont pas partout les mêmes. Au cours de ma carrière d’élu local, j’ai connu un certain nombre d’ABF ; certains ont fait un travail absolument remarquable, et d’autres nous ont posé des problèmes considérables, leur œuvre n’ayant malheureusement pas été forcément celle de la préservation du patrimoine, et je pourrais donner des exemples visuels.
Encore une fois, le texte qu’on vous présente ne supprime pas les ABF ; ceux-ci donneront toujours leur avis sur chaque dossier ressortissant à leur domaine de compétence et à leur périmètre.
Mme Françoise Férat. Cela n’a pas la même valeur !
M. Jacques Mézard, ministre. Bien évidemment, mais d’un côté, on n’arrête pas de dire, voire de rabâcher, que le pouvoir des maires doit être préservé, qu’il ne faut pas y toucher, et puis, de l’autre côté, on rabâche aussi que, face aux ABF, les collectivités doivent s’incliner quoi qu’il arrive !
En outre, le sénateur Duplomb l’a très justement rappelé, on touche à deux sujets – la téléphonie mobile et l’habitat indigne –, mais certains considèrent pourtant que l’on remet en cause tout le pouvoir des ABF.
Par ailleurs, on nous dit qu’il n’y aurait aucun problème avec les ABF, puisqu’il y a si peu de recours.
M. Didier Guillaume. Eh bien, tout va bien, alors !
M. Jacques Mézard, ministre. Vu ce qui se passe sur le terrain, je suis désolé, cela ne correspond pas à la réalité, je vous l’affirme ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il y a, dit-on, 0,5 % de recours, évidemment parce que l’on sait très bien ce qui arrivera ensuite. Je l’ai vécu personnellement : à supposer que le recours soit suivi d’effet, ce qui est tout de même assez rare vu la composition de la commission, le maire à l’origine du recours sait que, ensuite, ce sera le même ABF qui s’occupera de tous ses dossiers. Cela aussi, c’est la réalité ; voilà pourquoi il y a très peu de recours.
Autant je suis convaincu qu’il est nécessaire d’avoir des ABF, autant je suis persuadé qu’il est normal de dire que cela ne fonctionne pas parfaitement et que, sur certains sujets, il faut aller plus vite.
J’entends également dire que nous avons un patrimoine exceptionnel ; c’est vrai. Néanmoins, quand je passe au dossier des villes moyennes, quand je traverse les centres-bourgs et les centres de nos villes moyennes, je constate qu’il y a, en effet, un magnifique patrimoine, mais qu’il est souvent dans un état médiocre et que l’existence des ABF n’a pas forcément permis de le préserver (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.), d’où d’ailleurs le travail qu’on y fait. Donc, replaçons les choses dans le cadre d’une approche équilibrée.
On nous dit, année après année, qu’il y a bien, en effet, un petit problème, que l’on va améliorer la concertation et demander aux ABF de dialoguer davantage avec les élus locaux. Mais moi aussi, je fais passer un message ; j’ai rencontré la ministre de la culture et son cabinet, j’ai simplement exprimé ce que j’entends sur le terrain et ce que j’ai constaté dans l’exercice de mon mandat d’élu local.
Si le secrétaire d’État et moi-même étions ici pour vous présenter un projet de loi supprimant partout l’avis conforme des ABF ou même supprimant les ABF, le sujet serait différent, je l’entends bien. On me dit que si nous ouvrons une brèche, cela continuera ensuite, mais ce n’est pas ce que nous disons ! Sinon, je pourrai moi aussi vous dire cela, dans la suite du débat, à propos d’un certain nombre de dispositions.
Donc, soyons lucides. Je le répète, l’instruction de certains dossiers prend beaucoup trop de temps. Il y a en outre des dossiers, nous l’avons vécu – bientôt, nous le vivrons moins puisque, en raison des règles de non-cumul, on aura moins l’expérience du terrain (Ah ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ainsi qu’au banc des commissions.) –, qui connaissent un changement d’ABF. Que cela fasse ou non plaisir, j’exprime, peut-être non pas la vérité mais, en tout cas, le ressenti de beaucoup d’élus locaux. Or que constate-t-on en pareil cas ? Souvent, une position est prise par un ABF, puis un successeur arrive et explique qu’il faut changer les couleurs ici et mettre un crépi là. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Victorin Lurel applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. Ce n’est pas vrai !
M. Jacques Mézard, ministre. C’est la réalité que nous avons vécue, que cela fasse plaisir ou non ! Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’il n’y a pas de doctrine en la matière.
M. le président. Il faudrait conclure, monsieur le ministre.
M. le président. Sans doute, mais nous avons beaucoup d’amendements à examiner, donc nous y reviendrons.
M. Jacques Mézard, ministre. Je le sais. Nous y reviendrons aussi longtemps qu’il le faut, mais il était nécessaire que je dise ce que nous voulons faire et pourquoi nous voulons le faire. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)
M. Alain Fouché. Vous avez dit la vérité !
M. le président. Mes chers collègues, il y a un grand nombre d’amendements et j’ai encore quatre demandes de prise de parole sur l’article. Beaucoup d’éléments ont été apportés au débat ; je vais accorder la parole aux quatre orateurs concernés, puis nous aborderons l’examen des amendements.
La parole est à M. Patrick Chaize, sur l’article.
M. Patrick Chaize. Tout d’abord, je veux dire que j’adhère complètement à ce que vient dire M. le ministre.
Ensuite, je souhaite ajouter une autre vision. À la fin de l’examen de projet de loi, nous aurons à discuter de l’accélération de l’installation du numérique. Or je suis persuadé que, sur toutes les travées, on demandera la même chose : que les choses s’accélèrent pour que, demain, le plus rapidement possible, chacun dans notre pays puisse accéder aux services de téléphonie mobile et de fibre optique. Eh bien, pour cela, il faudra trouver des mesures de simplification, d’accélération, et la proposition figurant à cet article en constitue une.
Je rejoins M. le ministre, on ne remet pas en cause l’ABF.
M. Patrick Chaize. D’ailleurs, il ne faut pas le remettre en cause. En revanche, on doit trouver les moyens d’aller plus vite. Quand on constate que l’on met vingt-quatre mois à construire une antenne en France, tandis qu’il en faut six en Allemagne et huit au Royaume-Uni, c’est cette question qu’il faut se poser : voulons-nous accélérer le déploiement du réseau de téléphonie mobile ou non ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, sur l’article.
Mme Laure Darcos. Ce que j’entends est aussi caricatural dans l’autre sens.
N’accusez pas les ABF de tous les maux. Ce n’est pas à cause d’eux qu’il y a des quartiers insalubres dans nos centres-villes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur les travées du groupe socialiste et républicain.) On n’est plus à l’époque de Prosper Mérimée, même si je l’aime beaucoup et que l’un de mes proches en a fait une très belle biographie (Sourires.). Les architectes des Bâtiments de France ne sont pas des gens poussiéreux, même s’ils restent souvent un peu trop dans leur bureau. Pour en avoir vu quelques-uns au cours des dernières semaines, venus de différents coins de France, je peux vous affirmer qu’ils ont la frousse de tout ce qui leur arrive. En tout cas, tout cela aura eu un aspect très positif : certains remettront peut-être en question la façon dont ils travaillent et se rendront un peu plus sur le terrain.
Donc, arrêtons ! Il s’agit de personnes qui utilisent des matériaux des plus modernes, parce qu’ils ont des avis d’architectes et de personnes sortant d’école. Ils ne sont pas enfermés dans un carcan, ils ne sont pas que fonctionnaires.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Vous semblez en avoir de bons, dans l’Essonne !
Mme Laure Darcos. Je connais des maires qui, au contraire, y recourent comme assistance à maîtrise d’ouvrage, et heureusement qu’ils sont là !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Ils seront toujours là avec l’avis simple !
Mme Laure Darcos. Vous évoquez l’Allemagne ; je suis entièrement d’accord avec vous, mon cher collègue, sur la téléphonie et sur le numérique, mais, par rapport aux autres pays, nous avons la chance d’avoir ce patrimoine, cette culture. On ne va pas faire passer le droit au logement avant le droit au patrimoine et à la culture ! On travaille dans l’intérêt national et, dans n’importe quelle petite ville, n’importe quelle petite commune, que nous défendons tous, j’en suis entièrement d’accord, les maires ont besoin d’être guidés, je vous l’assure.
Pour vous répondre, monsieur le ministre, je dirai que l’avis conforme protège de dérives. Vous avez beau dire que l’on s’arrêtera à ces deux dérogations, cela n’est pas vrai. S’il y a une telle bronca, cela signifie qu’il y aura autre chose ensuite. On passe à un avis simple, puis à un avis consultatif, puis il n’y aura plus d’avis du tout pour aller beaucoup plus vite (Mme Marta de Cidrac applaudit.), et ce sera vraiment une tragédie.
S’il y a eu une telle bronca, cela signifie aussi qu’il y a danger pour notre patrimoine et pour notre culture. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, sur l’article.
M. Alain Houpert. Pour ma part, je n’ai pas peur de rentrer dans mon département pour défendre l’ABF. M. le ministre disait que, lors d’un changement d’ABF, il y a quelquefois des drames ; mais il y a aussi des changements d’élus qui peuvent être destructeurs de patrimoine. On a parlé de deux prérogatives ; il y en a une dont on ne parle pas, celle de la délimitation du périmètre de protection.
Les Allemands disent « heureux comme Dieu en France ». Arrêtons d’opposer l’ABF à l’élu !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais oui !
M. Alain Houpert. Les ABF ont changé,…
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Alain Houpert. … ils ont fait l’école de Chaillot. Quel est l’enjeu, l’architecte ou la conservation du patrimoine ? Qu’est-ce qu’un architecte ? C’est d’abord un artiste, celui qui dessine et, accessoirement, celui qui suit le chantier. Or j’ai l’impression que l’on veut, au travers de ce projet de loi, qu’il soit d’abord un technicien et, accessoirement, un artiste.
Ce qui est grave dans ce texte, mes chers collègues, c’est que nous allons revenir sur ce que nous avons voté à l’unanimité dans cet hémicycle, voilà quelques mois.
Mme Anne-Catherine Loisier. Tout à fait.
M. Alain Houpert. Là, nos électeurs, nos concitoyens, parleront des palinodies des politiques.
Chers amis, chers collègues, les civilisations ont une durée de vie, et le grand Cioran disait que tout effort humain est voué à l’archéologie. Donc, ne détruisons pas notre patrimoine. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste et sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, sur l’article.
M. Laurent Lafon. J’ai eu la chance d’être, pendant quinze ans, maire d’une ville dont la dimension historique et patrimoniale est assez importante, la ville de Vincennes. Pendant quinze ans, cela semble être une exception vu ce que disent certains de mes collègues, je dois avouer avoir travaillé en partenariat, et non en opposition, avec l’ABF.
Une chose m’a frappé dans mon ressenti de maire : sur certains dossiers de construction, à propos de l’habitat indigne ou des antennes relais, le maire est souvent très seul. Un PLU, comme tout autre document d’urbanisme, ne règle pas toutes les questions et, dans un projet de permis, il y a forcément une part de subjectivité ; c’est même là toute la difficulté. Cela peut expliquer que, par moments, les interprétations ne soient pas les mêmes dans le temps ; il y a forcément une dimension humaine dans l’appréciation que l’on peut porter sur un projet de construction.
Contrairement à ceux qui voient une opposition systématique ou très fréquente entre les ABF et les maires, je pense pour ma part que les ABF, à condition que les orientations qui leur sont données par leur ministère de tutelle soient claires et constantes dans le temps, peuvent être des protections pour les maires. (Mme Marta de Cidrac applaudit.) En effet, notamment face aux associations qui introduisent systématiquement des recours, on est souvent très fragile. J’imagine le maire qui, demain, fera face au recours d’une association dans sa commune, et qui sera allé à l’encontre de l’avis simple de l’ABF ; il se retrouvera seul, sans possibilité de s’appuyer sur cet avis pour justifier sa position, et il y aura forcément eu, dans sa décision, une part de subjectivité – aucun autre élément, j’espère.
Contrairement à ce qu’un certain nombre de mes collègues ont dit, je pense que, pour les maires, un ABF représente aussi une protection, un appui et un partenaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. L’amendement n° 597, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme M. Filleul, M. Daunis, Mme Guillemot, M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Je propose, au travers de cet amendement, la suppression de l’article 15, et ce n’est pas seulement pour le symbole ni pour des raisons corporatistes ou de défense des intérêts d’une profession particulière.
Je m’inquiète que, au détour de diverses lois, on entame sans cesse davantage la capacité d’intervention des ABF. Je le sais, il peut y avoir des situations de blocage entre les élus et les ABF, mais je suis sincèrement inquiète pour notre patrimoine. Sa pérennité, la transmission de ce qui constitue l’héritage commun artistique, historique ou naturel de tous les Français doit être notre préoccupation majeure.
Nous avons la chance d’avoir réussi, depuis cinquante ans, à arrêter son érosion et sa destruction, grâce à la volonté politique forte de certains locataires illustres de la rue de Valois. Le régime d’aménagement et de travaux dans les zones protégées en France a été revu et simplifié, voilà tout juste deux ans – nous sommes plusieurs à l’avoir dit –, par la loi LCAP. On a maintenu les avis liants de l’ABF là où ils avaient encore cours, tout en renforçant les différentes instances de dialogue et de concertation du secteur.
Aujourd’hui, on profite d’un texte sur la construction pour soumettre à un avis simple de l’ABF certains travaux – certains, seulement, il est vrai – réalisés en zone patrimonialement protégée : l’installation d’antennes de téléphonie mobile ou de matériel de diffusion du très haut débit par voie hertzienne, et l’habitat indigne, insalubre et menaçant ruine avec arrêté de péril.
La vérité est que l’on ouvre la boîte de Pandore. Une fois la légitimité de l’ABF entamée, il sera plus facile de continuer à l’éroder pour d’autres types de travaux. L’avis dit « conforme » ne sera ainsi bientôt qu’un vieux souvenir, et le patrimoine disparaîtra ou tombera en ruine.
Dans cet article, plusieurs autres dispositions nous posent problème. Dans le cadre du projet de décision que l’autorité compétente pourrait proposer à l’ABF pour une autorisation de travaux, la rapporteur au fond de la commission des affaires économiques a substitué un simple avis consultatif à l’accord de l’ABF prévu par le projet de loi initial.
Autre disposition qui nous gêne : le silence du préfet de région vaudra désormais acceptation de la décision de l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation de travaux, alors que, actuellement, il vaut rejet. Cette inversion est également de nature à fragiliser la capacité d’intervention des ABF, puisqu’il faudra une décision explicite du préfet pour valider son avis négatif sur un projet de travaux.
Pour toutes ces raisons, je demande la suppression de l’article 15. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission a voulu soutenir le texte adopté par l’Assemblée nationale, qui instaure l’avis simple des ABF dans les deux cas exposés précédemment, l’habitat indigne et les antennes relais. En supprimant la totalité de cet article, vous supprimez en même temps, de façon indiscriminée, un certain nombre de mesures adoptées par l’Assemblée nationale qui vont aussi dans le bon sens, selon nous. Je pense en particulier à celles qui instaurent en amont un dialogue entre les ABF et les maires.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. L’avis est évidemment défavorable, eu égard à ce que je viens d’exposer.
Vous voulez revenir totalement à la situation antérieure, madame la sénatrice, en faisant un procès tout à fait excessif à notre position. Encore une fois, il ne s’agit ni de supprimer les ABF ni de supprimer leur avis. En outre, considérer que les maires seraient tellement irresponsables qu’ils ne tiendraient strictement aucun compte des avis des ABF ne paraît pas correspondre à la réalité.
Le sénateur Patrick Chaize l’a justement rappelé, s’il est nécessaire, pour deux sujets, d’accélérer les procédures et d’améliorer la fluidité des dossiers qui ont besoin de rapidité, cela se fera toujours avec des avis. Voilà la réalité.
Par ailleurs, le fait qu’un avis soit émis, qu’il soit public, le fait que le maire, s’il signe ensuite un permis en contradiction avec cet avis, doive assumer sa responsabilité en cas de recours, tout cela doit être pris en considération. Ce débat montre que l’on est vraiment face à des positions très dogmatiques. L’immense majorité des élus a aujourd’hui conscience de la nécessité de préserver le patrimoine, mais il faut aussi, même si ce n’est malheureusement plus forcément le cas depuis un certain nombre d’années, que l’on puisse construire la ville sur la ville, que l’on ne gèle pas notre patrimoine. Toutes les générations ont apporté leur pierre à l’édifice – c’est le cas de le dire – et, lorsque l’on gèle constamment la capacité d’innovation et de création – une des caractéristiques de ceux qui dessinent, les architectes –, je ne suis pas sûr que l’on aille toujours dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. On pourrait être tenté, mes chers collègues, d’approuver cet amendement de suppression, mais il ne faut pas le faire, car il y a dans la suite de l’article des éléments qui représentent, Mme la rapporteur l’a indiqué, des progrès par rapport à ce que nous demandons. Je préférerais donc, madame Monier, que vous vous ralliiez à l’amendement n° 392, que je proposerai tout à l’heure. Mon amendement tend effectivement à éliminer les dérogations apportées à l’avis conforme des ABF, mais il permet de sauvegarder des éléments de l’article relatifs à la coopération entre le maire et l’ABF.
Je veux rappeler que ce dernier n’intervient que dans deux cas : d’une part, dans les sites patrimoniaux remarquables, soit dans un peu plus de huit cents communes de France, et, d’autre part, dans le périmètre des abords des monuments historiques, qui sont un peu plus de trente-quatre mille. Le territoire concerné par la proposition est donc important, il s’agit d’une surface très grande.
On dit par ailleurs que cela ne concerne que deux ou trois cas – je réponds ici à M. le ministre et à Mme la présidente de la commission –, mais les cas prévus ne sont pas du tout anodins ! Si l’on devait détruire ou considérer comme inintéressants les immeubles d’habitation insalubres ou en péril, c’est toute l’architecture de la loi Malraux qui tomberait, car elle avait été créée pour cela ! Il y a huit cents cas d’habitat indigne en cours d’instruction par l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, ce n’est donc pas anodin du tout.
Par conséquent, dans cette relation, qui est un peu, certes, un rapport de force, mais qui est nécessaire pour aboutir à une synthèse, faisons confiance aux ABF et aux maires pour trouver la juste voie.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’ai eu à émettre pendant longtemps, en tant que conservateur du patrimoine, un avis simple. J’ai souhaité, dans plusieurs dizaines de cas, au moins une trentaine, que des vestiges soient conservés. J’y suis parvenu une fois. C’est ça, un avis simple… Avec un avis simple, la décision du technicien l’emporte très rarement, parce qu’il prend une décision en fonction de référentiels nationaux ou internationaux, sur lesquels il est très difficile de communiquer. Et je comprends parfaitement que les élus aient des difficultés à comprendre que le site qui est sur leur territoire est exceptionnel et que l’on n’en trouve pas de pareil ailleurs.
Par ailleurs, je veux le répéter, nous parlons de l’avis conforme des ABF, mais il n’existe déjà plus d’avis conforme, c’est fini, puisqu’il y a un recours possible. On a déjà reculé par le passé.
M. Alain Richard. Un avis conforme est toujours susceptible de recours !
M. Pierre Ouzoulias. L’avis conforme existait il y a quinze ans, aujourd’hui il n’existe plus.
Le paradoxe de la situation est que vous sortez certains cas du ressort de l’avis conforme de l’ABF, donc, sur ces cas, il n’y aura plus de capacité de recours ; vous diminuez ainsi la capacité de recours contre les avis de l’ABF.
Par ailleurs, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes deux ce soir. Il manque une personne : Mme la ministre de la culture. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Tout à fait !
M. Pierre Ouzoulias. J’aurais aimé qu’elle nous explique ce qu’elle veut faire pour permettre d’instaurer, demain, de meilleures relations entre les services départementaux, les directions régionales des affaires culturelles des grandes régions, qui sont ingérables, vous le savez, et les élus.
Aujourd’hui, le plan de la ministre concernant le patrimoine, vous le connaissez, c’est la destruction des services déconcentrés pour confier l’ensemble de leurs missions au Centre des monuments nationaux.
Voilà un sujet d’importance qui mériterait plus de débats que ceux que nous avons sur l’avis conforme de l’ABF. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Je voudrais revenir sur le cas d’arrêtés de péril en site protégé.
Le maire peut demander la nomination par le tribunal administratif d’un expert chargé de dresser un rapport et de constater l’urgence des travaux. Nous le savons, les experts désignés par les tribunaux administratifs ne sont pas toujours spécialisés dans le patrimoine ancien et ne savent donc pas toujours juger.
Les rapports de ces experts – en tout cas dans la Drôme – étant très variables pour une même situation – par exemple, l’un va demander la dépose des vitres des fenêtres pour éviter les chutes de verre, tandis que l’autre va demander la démolition de l’immeuble –, l’avis conforme aide les maires, non pas pour se décharger de leurs responsabilités, mais bien pour avoir l’assurance que la décision prise est circonstanciée et éclairée.
Les services municipaux n’ont généralement pas, eux non plus, de compétences en structures anciennes.
Le rôle de l’ABF, par son avis conforme, permet d’apporter des solutions souvent essentielles face à une situation de péril.
Je me permets de vous citer deux exemples drômois.
À Valence, en 2017, rue Bouffier, l’expert conclut à la démolition totale de l’édifice. En réalité, il s’avère que l’immeuble peut être sauvé, et il sera donc réhabilité par une personne privée.
À Romans-sur-Isère, en 2016, rue du Mouton, un immeuble classé monument historique, témoignage rare d’une maison de riche commerçant des XIIIe et XIVe siècles, a fait l’objet de nombreux arrêtés de péril sans solution. L’ABF est intervenu sur l’arrêté de péril en demandant l’intervention d’un ingénieur spécialiste en bâtiments médiévaux. Le nouvel arrêté de péril pris par la ville a permis de réaliser d’office les 160 000 euros de travaux nécessaires. Aujourd’hui, l’immeuble est sauvé et va être réhabilité. C’est un bijou de notre patrimoine, et l’on ne compte qu’une dizaine de bâtiments de cette qualité en France. Sans un avis conforme de l’ABF, rien n’aurait pu se faire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 65 rectifié bis, présenté par MM. Houpert et Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Cuypers, de Nicolaÿ, Guerriau, Longeot, Morisset et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Schmitz, Mme L. Darcos, M. Laménie et Mme Keller, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Alain Houpert.
M. Alain Houpert. Cet amendement a pour objet de maintenir l’une des prérogatives essentielles des ABF : l’initiative de délimiter un périmètre de protection.
En effet, l’alinéa 1 confère cette initiative à l’autorité d’urbanisme en ne donnant à l’ABF qu’un pouvoir d’avis simple sur celle-ci.
Mes chers collègues, comment peut-on défendre et préserver le patrimoine en supprimant cette prérogative ?
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 391 est présenté par M. Leleux, au nom de la commission de la culture.
L’amendement n° 471 rectifié est présenté par Mmes Férat, Morin-Desailly, Gatel et de la Provôté, MM. Détraigne et Longeot, Mme Vullien, MM. Lafon, Janssens et Bonnecarrère, Mmes Billon et Létard et M. Delcros.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
I A. – Le premier alinéa de l’article L. 621-31 du code du patrimoine est ainsi modifié :
1° Après les mots : « sur proposition de l’architecte des Bâtiments de France », sont insérés les mots : « ou de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale » ;
2° Après les mots : « de la ou des communes concernées », la fin est ainsi rédigée : « . Lorsque la proposition émane de l’architecte des Bâtiments de France, elle est soumise à l’accord de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale. Lorsque la proposition émane de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale, elle est soumise à l’accord de l’architecte des Bâtiments de France. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 391.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement, qui vise à répondre à une demande formulée à l’occasion de la réunion de la commission des affaires économiques par Mme le rapporteur, tend à ce qu’il soit clairement indiqué à l’article L. 621-31 du code du patrimoine que le maire ou le président de l’EPCI pourront, au même titre que l’ABF, proposer un tracé de périmètre intelligent. À mon sens, c’est une initiative qui peut être légitimement conférée au maire et à son conseil municipal, sous réserve de l’avis conforme de l’ABF.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 471 rectifié.
Mme Françoise Férat. Les deux amendements précédents ont été brillamment défendus. Pour ma part, j’aimerais insister sur un point qui est au cœur de toutes les interventions que j’ai entendues ce soir.
Les élus et les ABF ont tous pour objectif de protéger le patrimoine, les uns grâce à leur finalité politique et les autres de par leurs compétences techniques. Dans le cadre de l’élaboration des périmètres des abords, il paraît légitime que les élus et les ABF dialoguent. Et ce dialogue prend tout son sens, parce que c’est là que tout peut commencer.
Par cet amendement, nous proposons de partager cette initiative du tracé du périmètre entre l’ABF et le maire ou le président de l’EPCI.
M. le président. L’amendement n° 782, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I A. – Au premier alinéa de l’article L. 621-31 du code du patrimoine, après le mot : « proposition », sont insérés les mots : « ou après avis ».
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Par cet amendement, nous demandons le rétablissement de l’avis consultatif de l’ABF quand c’est la collectivité qui est à l’initiative de la délimitation du périmètre des abords des monuments historiques.
Prévoir un accord plutôt qu’un avis de l’ABF, comme l’a proposé la commission, c’est faire perdre tout son sens à la démarche. Il s’agit plutôt d’encourager les collectivités à se saisir directement des enjeux patrimoniaux sur leur territoire, en favorisant un dialogue constructif avec l’ABF, qui restera bien évidemment associé à la définition de ces périmètres délimités.
Je reviendrai d’ailleurs par la suite sur cette question de la délimitation des périmètres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Sur l’amendement n° 65 rectifié bis, l’avis sera défavorable. Je rappelle, comme vient de le faire à l’instant M. le ministre et même si cette mesure ne lui convient pas, que la commission a d’ores et déjà modifié le texte issu de l’Assemblée nationale pour prévoir l’accord et non l’avis de l’ABF.
En revanche, il est utile de prévoir une initiative partagée, validée par l’ABF, afin de faciliter et d’accélérer la mise en œuvre de ces périmètres de protection. Sur les amendements identiques nos 391 et 471 rectifié, l’avis de la commission est donc favorable. En effet, les précisions proposées sont utiles à la lisibilité du texte. Il est ainsi mentionné de façon explicite que l’accord de la commune et de l’ABF sera nécessaire. L’initiative est ainsi élargie et le consensus est préservé.
Enfin, sur l’amendement n° 782 du Gouvernement, la commission a estimé, comme je viens de le dire à l’instant, qu’il est nécessaire de préserver la validation de l’ABF sur la délimitation de ce périmètre, puisque l’initiative peut désormais être prise par la commune. L’accord double qui est prévu par les deux amendements identiques précédents permet à l’ABF et à la commune d’agir par consensus et le dialogue ainsi mis en place participe de fait à la fluidité des procédures. Donc, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Sur l’amendement n° 65 rectifié, qui vise à supprimer l’initiative offerte aux collectivités locales de proposer un périmètre délimité des abords des monuments historiques, j’émets évidemment un avis défavorable. Retirer aux collectivités locales cette possibilité d’initiative serait un comble ! Quel respect vis-à-vis du pouvoir municipal ! On nous reproche suffisamment de toucher au pouvoir des maires ; là, on atteint le summum !
L’avis est également défavorable sur les amendements identiques nos 391 de la commission de la culture et 471 rectifié de Mme Férat, qui tendent à prévoir l’accord de l’ABF lorsque la collectivité propose le périmètre délimité des abords des monuments historiques. Je l’ai déjà dit, nous souhaitons que cet avis soit consultatif.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je veux d’abord saluer la volonté exprimée, de part et d’autre, de trouver des solutions intelligentes. On peut toujours trouver une solution en supprimant le problème !
Monsieur le ministre, j’ai une autre proposition à vous faire : il nous arrive parfois, en tant qu’élus locaux, d’être contrariés par les avis que rendent les préfets, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement ou l’Institut national de recherches archéologiques préventives. Tant qu’à faire, si l’on pouvait, dans un Grand Soir, considérer tous ces avis comme des avis simples, sans doute feriez-vous le plus grand bonheur de tous les élus ! Je ne plaisante pas, je suis extrêmement sérieuse.
En tant qu’élus, nous avons notre légitimité, nous avons tous connu des situations de forte contrariété qui font fantasmer autour de l’ABF comme d’autres fantasment autour du DREAL. Moi, je connais des tas d’élus qui souhaitent être accompagnés, comme l’a dit Laurent Lafon, par un protecteur, à savoir l’ABF. Cela n’empêche pas un dialogue exigeant.
Comme vous, j’ai tellement confiance dans les élus locaux que je considère qu’ils ne sont pas des mous, qu’ils sont capables de mener un dialogue exigeant et efficace qui ne soit pas porteur d’un regard « congelé » sur le patrimoine, afin de trouver des solutions. D’ailleurs, l’Association des maires de France n’a nullement demandé qu’on supprime cet avis conforme.
Mme Catherine Morin-Desailly. Tout à fait !
Mme Françoise Gatel. Monsieur le ministre, je comprends et salue votre volonté et celle des rapporteurs d’aller plus vite. Mais expliquez-moi quel délai vous comptez gagner sur une opération d’urbanisme. Par ailleurs, voilà bien longtemps, le Sénat a eu une idée de génie, issue des propositions formulées par le groupe de travail « simplification législative du droit de l’urbanisme, de la construction et des sols », présidé par Rémy Pointereau et dont Marc Daunis était l’un des deux rapporteurs, et auquel j’ai participé. Ce problème qui vous donne la migraine, monsieur le ministre, c’est celui qui survient quand, à la faveur d’un changement d’ABF, le nouvel arrivant veut faire peindre tous les encadrements de fenêtre en vert ou en bleu, ce qui est juste insupportable. C’est pourquoi le groupe de travail avait proposé qu’au moment de la révision du PLU, y soit annexé un document élaboré avec l’ABF et validé par le conseil municipal fixant un cahier des charges très strict de leurs préconisations. Ainsi, quand quelqu’un achèterait une maison ou voudrait installer une éolienne, il saurait précisément à l’avance ce qui peut être fait.
Comme l’a dit notre collègue Pierre Ouzoulias, monsieur le ministre, ce serait bien que, dans les territoires, les services de l’État permettent vraiment cet accompagnement des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Bories, pour explication de vote.
Mme Pascale Bories. Je suis moi-même élue d’une commune qui, dit-on souvent, est celle qui compte le plus grand nombre de monuments historiques au mètre carré, outre son secteur sauvegardé. Nous avons donc nous-mêmes été confrontés à ce type de problématique, notamment lorsqu’il s’est agi d’implanter des antennes de téléphonie mobile.
Oui, cela a été compliqué, mais je peux vous assurer que, en tant qu’élue chargée de ces dossiers, j’ai été ravie d’être accompagnée par un architecte des Bâtiments de France. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
La difficulté pour un élu, c’est qu’il doit et peut seulement s’appuyer sur une réglementation : soit celle relative au secteur sauvegardé, soit, à défaut, celle qui est issue du PLU. Et je le rappelle, un PLU porte essentiellement sur les hauteurs, les largeurs, les distances, mais très rarement sur les aspects esthétiques, à moins qu’une phrase n’évoque éventuellement cet aspect des choses à des fins de blocage.
Aussi, comment l’élu, le maire, peut-il s’opposer à la délivrance d’un permis dès lors que l’opération en question est conforme à la réglementation ? Dans ce cas, un refus ferait forcément l’objet d’un recours. C’est pourquoi nous sommes bien heureux d’être accompagnés par l’architecte des Bâtiments de France et de pouvoir, comme l’a dit notre collègue, nous référer à son avis conforme. Dans ces cas-là, je suis ravie de cet avis conforme sur des opérations envisagées à proximité de monuments historiques.
Nous sommes confrontés à la question de l’implantation en secteur sauvegardé des antennes afin d’assurer la couverture numérique de nos territoires. Les élus doivent aussi le prévoir dans la réglementation pour une meilleure intégration esthétique de ces installations.
Quoi qu’il en soit, quand on nous propose l’installation d’une antenne se réduisant à un simple pylône, je suis bien heureuse que l’architecte des Bâtiments de France impose par exemple un faux arbre.
Oui, il faut avancer en matière de téléphonie mobile, mais dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Ce projet de loi, qui veut diminuer le pouvoir de l’ABF, me fait penser à la réforme constitutionnelle, que nous allons prochainement examiner, qui entend diminuer les pouvoirs du Parlement. Eh bien, j’espère que, dans quelques mois, nous trouverons également des dispositions intelligentes.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Je rappelle que cet alinéa concerne le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou les abords des monuments historiques. J’en profite pour faire remarquer que ces périmètres de la carte communale ou territoriale ne tombent pas du ciel : ce sont deux documents élaborés par la municipalité et l’ABF. Cela signifie que pour acter l’un de ces deux documents faisant appel à l’avis de l’ABF, le conseil municipal doit l’accepter. Le maire y est donc associé dès le départ.
Je retiens la suggestion qui vient d’être faite : ajouter à ce moment-là les points de difficultés qui feraient qu’un jour l’ABF puisse émettre un avis favorable, compte tenu de ce que je viens de dire.
Personnellement, je vous invite à voter cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 391 et 471 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 782 n’a plus d’objet.
Je suis saisi de douze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 392 est présenté par M. Leleux, au nom de la commission de la culture.
L’amendement n° 472 rectifié bis est présenté par Mmes Férat et Morin-Desailly, M. Longeot, Mmes Gatel, de la Provôté et les membres du groupe Union Centriste.
L’amendement n° 530 rectifié ter est présenté par MM. Houpert, Guerriau et de Nicolaÿ, Mme M. Mercier, MM. Laménie et Chasseing et Mme Keller.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéas 2 et 12 à 20
Supprimer ces alinéas.
II. - Alinéa 5, première phrase
Supprimer les mots :
, sous réserve de l’article L. 632-2-1,
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 392
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement est sans doute le plus délicat de cette soirée ; j’espère que nous n’y passerons pas trois heures.
M. le président. Nous lèverons la séance avant, monsieur le rapporteur pour avis ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Il vise à empêcher que seul un avis simple de l’ABF puisse être requis dans certains cas.
D’une part, les dérogations au principe de l’avis conforme de l’ABF ne sont pas forcément justifiées au regard du faible nombre d’avis conformes défavorables rendus par les ABF, soit 6,6 %.
D’autre part, ces dérogations, même limitées à seulement quatre cas, pourraient déjà se traduire par des dégradations importantes pour notre patrimoine, pourtant si précieux pour nos territoires.
En effet, il ne s’agit pas de cas anodins : les dérogations pour faciliter les opérations de lutte contre l’habitat indigne, insalubre ou en péril touchent au fondement même des politiques patrimoniales telles qu’elles sont conçues depuis plus de cinquante ans, puisque l’objectif de la loi Malraux était justement d’empêcher la destruction d’immeubles très dégradés dans des zones présentant un caractère historique ou esthétique.
La dérogation pour les opérations de l’ANAH pourrait être potentiellement dévastatrice : elles sont nombreuses dans les espaces protégés, y compris dans les zones qui peuvent être considérées comme des joyaux de notre pays. Je veux parler des sites inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, dont trente-neuf sont concernés par le plan de gestion aux termes duquel l’État français a souscrit des engagements de protection.
J’ajoute que l’avis simple privera l’ABF de leviers pour entrer en négociation avec les porteurs de projet afin de trouver la solution la plus équilibrée possible compte tenu des différents intérêts en présence.
Rappelons que les procédures de délimitation du périmètre intelligent des abords ou d’élaboration des documents de protection des sites patrimoniaux remarquables font systématiquement intervenir l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme pour accord, au début.
Dès lors, il apparaît que, si une certaine souplesse devait être permise avec certains immeubles, c’est au moment de la délimitation du périmètre des abords et de l’élaboration du document de protection de sites patrimoniaux remarquables que le dialogue se noue naturellement entre le maire et l’ABF, occasion d’identifier lesdits immeubles qui pourraient en faire l’objet.
En aucun cas il ne faut remettre en cause l’avis conforme, qui est un instrument de protection nationale de notre patrimoine sur tout le territoire. (M. Jean-Pierre Sueur et Mme Françoise Gatel applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 472 rectifié bis.
Mme Françoise Férat. Cet amendement a été parfaitement défendu.
Si vous me le permettez, je voudrais à cet instant vous faire part de mon ressenti.
J’ai eu l’honneur d’être la rapporteur, en juillet 2016, de la loi LCAP. Je ne vous cache pas que, lors des auditions que nous avons alors menées, le sujet des ABF a été largement abordé, et les débats que nous avons ce soir, nous les avons eus évidemment à ce moment. Mais la loi a été votée à la quasi-unanimité de notre hémicycle et d’ailleurs, monsieur le ministre, vous étiez présent et j’ai apprécié les échanges que nous avons eus ensemble.
Mes chers collègues, je me pose la question : que nous arrive-t-il ce soir ? Depuis cette date, au fil de certains textes, l’envie de « détricoter » l’équilibre auquel nous étions parvenus ne cesse de se manifester. Allons-nous nous déjuger, alors que tous, ici, vous avez voté cette loi ?
Je ne prône pas l’angélisme, évidemment, je connais des situations qui peuvent être difficiles, mais elles sont minoritaires, quelques cas seulement. Maire pendant vingt-cinq ans, j’ai rencontré plusieurs ABF, n’en doutez pas, et j’ai dû montrer que j’étais déterminée sur les sujets dont nous avions à débattre.
Cette expérience me permet d’affirmer que l’ABF est un conseil et un soutien pour les élus et, parfois, pour les pétitionnaires.
Monsieur le ministre, à ce moment me vient à l’esprit une question. Nous avons débattu tout l’après-midi sur la loi Littoral, et il n’a nullement été question de prévoir des dérogations. Or, ce soir, tout semble plus facile, les dérogations semblent devoir être acceptées autant que faire se peut. De grâce, monsieur le ministre, les élus de proximité dialoguent en permanence avec les ABF, que ce soit pour l’élaboration des documents, en amont des décisions d’urbanisme, pour confronter les points de vue patrimoniaux, techniques et de développement territorial dans la délimitation des périmètres. Chaque ABF a sa personnalité, chaque maire ou président d’EPCI a une sensibilité certaine sur le patrimoine, mais tous ont un objectif commun.
En outre, il n’y a aucune suspicion entre les uns et les autres : il existe une complémentarité entre le projet de l’élu et le soutien de l’ABF.
On oublie un mot dans cette affaire : le mot confiance, celle qui règne entre les uns et les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour présenter l’amendement n° 530 rectifié ter.
M. Alain Houpert. Il a été admirablement défendu par nos collègues.
Pendant toutes ces discussions s’est manifestée une opposition entre la passion et la raison. Je citerai une phrase de l’apôtre de la raison, Descartes, qui disait que « les plus belles villes sont celles qui ont été dessinées par un seul architecte plutôt que par les hasards et les caprices du temps ».
M. le président. Les trois amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 67 rectifié bis est présenté par MM. Houpert et Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Cuypers, de Nicolaÿ, Guerriau, Longeot, Morisset et Schmitz, Mmes Bruguière et L. Darcos, MM. Laménie et Bansard et Mmes Renaud-Garabedian et Keller.
L’amendement n° 152 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 706 rectifié quater est présenté par Mmes de Cidrac et Micouleau, MM. Milon et Laugier, Mmes Perrot, Bories, Lassarade et Lanfranchi Dorgal, M. Gilles, Mme Vullien et M. Hugonet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 5, première phrase
Supprimer les mots :
, sous réserve de l’article L. 632-2-1,
II. - Alinéas 12 à 18
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Alain Houpert, pour présenter l’amendement n° 67 rectifié bis.
M. Alain Houpert. Si l’accès au numérique sur l’ensemble du territoire constitue une priorité, la conservation du patrimoine architectural de nos centres-villes ne doit pas être sacrifiée.
L’avis de l’architecte des Bâtiments de France est indispensable avant d’autoriser « l’installation d’antennes relais de radiotéléphonie mobile, de leur système d’accroche au sol et de leurs locaux et installations techniques » sur des monuments historiques ou à leurs abords.
De même, l’avis conforme de l’ABF est tout autant nécessaire dans les cas de déclarations de péril et d’insalubrité, compte tenu de l’impact que peut avoir une démolition sur l’identité et le patrimoine d’une commune.
Dans les sites protégés, les décisions des ABF sont généralement peu contestées – 1 % des cas, comme l’a rappelé Mme Darcos – et ne sont donc pas un obstacle au bon déroulement des procédures d’autorisation d’urbanisme. Au contraire, elles participent à la revitalisation des centres-villes et à la conservation du patrimoine bâti, vecteur du développement touristique.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 152.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement, comme les précédents, a pour objet de supprimer toutes les dérogations permettant de contourner les avis conformes des architectes des Bâtiments de France.
Il est impensable de menacer ainsi notre patrimoine architectural. Si l’aménagement numérique de l’ensemble du territoire constitue une priorité, la richesse et la qualité de nos centres-villes historiques ne doivent pas être sacrifiées. Par conséquent, il n’est pas concevable d’autoriser l’installation d’antennes relais particulièrement peu esthétiques sur des monuments historiques ou à leurs abords sans l’accord de l’ABF.
Il en est de même concernant les déclarations de péril et d’insalubrité : il n’est pas envisageable de démolir un bâtiment au caractère patrimonial avéré sans accord de l’ABF.
L’argument d’efficacité économique ne tient pas. La vitalité de nos villes moyennes est indissociable de leur attractivité touristique. En préservant nos centres-villes historiques de projets peu respectueux, l’ABF joue un rôle essentiel dans leur revitalisation et dans celle des villes moyennes.
Notons enfin le caractère nul et non avenu de ce dispositif. Cécile Cukierman en a parlé : les décisions des ABF ne sont quasiment pas contestées. Les élus ont bien compris l’intérêt de cet avis conforme. Ainsi, le ministère de la culture précise que sur 400 000 dossiers instruits chaque année par les ABF, moins d’une centaine ont fait l’objet d’un recours administratif.
Il n’est donc ni nécessaire ni opportun de vouloir court-circuiter les ABF.
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour présenter l’amendement n° 706 rectifié quater.
Mme Marta de Cidrac. Cet amendement identique à celui de mes collègues a déjà été bien défendu. Je rappelle juste que les ABF et les élus ne sont pas en opposition : ils peuvent parfaitement travailler main dans la main.
En outre, comme l’ont dit d’autres collègues avant moi, les ABF peuvent être de merveilleux garde-fous et protègent souvent nos élus dans les territoires et notre patrimoine, objectif commun à tous.
M. le président. L’amendement n° 1036 rectifié, présenté par MM. Guillaume, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Gold, Mme Guillotin et MM. Léonhardt, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
est, sous réserve de l’article L. 632-2-1, subordonnée à l’accord de l’architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées
par les mots :
et à l’article L. 621-32 est donnée après avis simple et motivé de l’Architecte des Bâtiments de France
II. – Alinéa 6
Remplacer le mot :
accord
par les mots :
avis simple et motivé
III. – Alinéas 12 à 18
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Il n’y a pas, d’un côté, la passion et, de l’autre, la raison ; il n’y a pas, d’un côté, ceux qui voudraient faire des ABF l’alpha et l’oméga de l’urbanisme de nos villes et, de l’autre, ceux qui voudraient les supprimer. Ce n’est absolument pas l’objet du débat.
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Didier Guillaume. Nous avons passé des heures cet après-midi à envisager des dérogations à la loi Littoral. Mais une loi est faite pour être modifiée, au bout d’un an, au bout de deux ans, peu importe.
Mme Catherine Morin-Desailly. Et la stabilité juridique ?
M. Didier Guillaume. Comme le disait excellemment M. Daunis cet après-midi, si l’on s’aperçoit, en toute objectivité, que des choses doivent évoluer, eh bien faisons-les évoluer ! Les positions des uns et des autres sont parfaitement respectables.
En quoi le fait de prévoir un avis simple de l’ABF menacerait-il nos centres-villes, remettrait-il en cause notre urbanisme, défigurerait-il nos villes ? Ce sont des mots qu’ont utilisés certains dans leurs argumentations.
Vous l’aurez compris, cet amendement est un amendement d’appel sur lequel, je n’ai aucun doute à ce sujet, et la commission et le Gouvernement émettront un avis défavorable. Mais c’est une question de principe sur laquelle nous avons débattu au sein de notre groupe.
Je n’ai aucun problème avec l’architecte des Bâtiments de France de mon département. Aucun ! Mais je ne vois pas au nom de quoi il ne serait pas possible de prévoir systématiquement, de la part de l’ABF, un avis simple, argumenté, motivé, rendu public auprès de tous, à charge pour le maire et les conseillers municipaux de prendre ensuite leurs responsabilités. Est-ce un crime de lèse-majesté que de dire cela ? Est-ce s’attaquer à notre histoire patrimoniale que de dire cela ? Est-ce mettre en cause tout ce qui s’est passé au cours de ces cinquante dernières années ? Non !
J’ai entendu les références à des périodes passées. Mais enfin, il y a cinquante ans, tout était à construire dans notre pays. Évidemment, cela aurait pu se faire en l’absence de toute règle, dans n’importe quelles conditions. Aujourd’hui, il y a tellement de règles, tellement de carcans, tellement de normes qu’un maire n’a guère la possibilité de se livrer à quelque dénaturation que ce soit.
Et franchement, si l’on veut développer le numérique, il existe une multitude de possibilités pour installer des antennes qui ne ressemblent pas à des antennes ! J’en ai érigé une dans ma ville à côté d’un bâtiment classé, avec l’accord de l’architecte des Bâtiments de France. (Alors ! sur les travées du groupe Union Centriste.)
Je veux simplement que, par principe, nous fassions confiance aux élus locaux.
Toujours est-il que je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 1036 rectifié est retiré.
Les amendements nos 393 et 474 rectifié sont identiques.
L’amendement n° 393 est présenté par M. Leleux, au nom de la commission de la culture.
L’amendement n° 474 rectifié est présenté par Mmes Férat, Morin-Desailly, Gatel et de la Provôté, MM. Détraigne et Longeot, Mme Vullien, MM. Lafon, Janssens et Bonnecarrère, Mmes Billon et Létard et MM. Moga et Delcros.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Tout avis défavorable de l’architecte des Bâtiments de France rendu dans le cadre de la procédure prévue au présent alinéa comporte une mention informative sur les possibilités de recours à son encontre et les modalités de celui-ci.
II. - Alinéa 8 et 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 393.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement de clarification rédactionnelle vise à préciser que les avis conformes défavorables de l’ABF qui sont envoyés au maire comportent une mention informative sur les possibilités de recours, informant celui-ci des modalités selon lesquelles peut être exercé ce droit.
Un grand nombre de maires n’étant pas encore informés de cette faculté de recours qui leur est offerte, il faut qu’ils le soient pleinement.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 474 rectifié.
Mme Françoise Férat. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 601, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme M. Filleul, M. Daunis, Mme Guillemot, M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 12 à 18
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement de suppression de l’article 15.
S’agissant de l’installation des antennes de téléphonie mobile, il faut savoir que les opérateurs sollicitent l’ABF presque systématiquement – d’ailleurs, un accord est intervenu entre l’ANABF et Orange. Les refus de l’ABF sont très rares.
De plus, spontanément, les opérateurs recherchent des emplacements plutôt éloignés des espaces bâtis du fait de l’augmentation de l’opposition des habitants face aux risques électromagnétiques. Certains propriétaires forment même des recours du fait de la perte de valeur de leur propriété à la suite d’une implantation d’une antenne près de celle-ci. De nombreux jugements ont été rendus en la matière.
Je ne m’attarderai pas dans une discussion stérile entre les types de travaux qui pourraient justifier d’un avis simple pour des raisons sociales, économiques ou patrimoniales. Le champ dérogatoire envisagé par cet article me semble assez important pour que l’on s’inquiète de cette brèche ouverte, de plus en plus grande, dans ce texte. En effet, un amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 15 que nous allons bientôt examiner prévoit d’ajouter d’autres possibilités de dérogations. Et comme nous le disons depuis le début, si l’on commence à entrouvrir la porte, de nombreuses autres dérogations seront accordées.
M. le président. L’amendement n° 1010 rectifié, présenté par MM. Labbé et Dantec, Mme N. Delattre, M. Guérini et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement prévoit également de maintenir l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France en ce qui concerne l’installation d’antennes relais, au sein des périmètres relevant de sa compétence. Le développement du haut débit est un objectif qui ne doit pas mettre à mal une politique ambitieuse de protection du patrimoine.
M. le président. L’amendement n° 411, présenté par M. Bascher, n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Sur les amendements nos 392, 472 rectifié bis, 530 rectifié ter, 67 rectifié bis, 152 et 706 rectifié quater, la commission émet un avis défavorable, car les modalités d’avis simple qui ont été introduites par le projet de loi à l’Assemblée nationale sont proportionnées, dans la mesure où elles sont bien circonscrites à deux cas que nous avons largement exposés : l’habitat indigne et la couverture numérique.
De plus, les mécanismes additionnels qui ont été ajoutés dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, visant en particulier à encourager le dialogue entre les maires et l’ABF, vont dans le bon sens.
Enfin, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, les maires pourront toujours s’appuyer sur l’expertise et les conseils des ABF. Ils disposeront librement et en connaissance de cause, sur ces projets nécessaires au développement économique et démographique de leur commune, de cette expertise et de ces conseils, en particulier en milieu rural, dans les centres-villes et les centres-bourgs.
La commission émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 393 et 474 rectifié.
Elle est en revanche défavorable à l’amendement nos 1010 rectifié, pour les mêmes raisons que précédemment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Permettez-moi de formuler quelques observations pour répondre à Mme Férat. Ce texte prévoit deux dérogations. Sur la loi Littoral, nous avons accepté des dérogations mineures. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) Absolument : je les ai qualifiées d’adaptations mineures. Honnêtement, je n’ai pas ressenti totalement, sur la loi Littoral, le même appétit de préservation du patrimoine.
Il peut donc y avoir deux poids, deux mesures en fonction des opinions, ce qui est tout à fait logique.
M. Patrick Chaize. Exactement !
M. Jacques Mézard, ministre. C’est la stricte réalité. Il y a patrimoine et patrimoine…
Je tenais à le dire, car nous avons voulu, avec M. le secrétaire d’État, trouver des solutions qui ne bouleversaient pas les choses, mais permettaient un équilibre par rapport à l’objectif fondamental qui est le nôtre dans ce dossier. Je remercie à cet égard Mme le rapporteur d’avoir redit que nos propositions étaient équilibrées.
Je le répéterai jusqu’au terme de ce débat, il n’était pas question de supprimer les ABF ni la nécessité, pour les maires, d’obtenir des avis sur la préservation du patrimoine. Il s’agissait simplement, sur ces deux points, de passer de l’avis conforme à l’avis simple, ce qui me paraît tout à fait équilibré.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. J’ai écouté tous les débats qui ont eu lieu cet après-midi sur les herbes folles du Mont-Saint-Michel, les moutons de pré-salé, les éoliennes, etc. J’entends en effet des positions très contradictoires, monsieur le ministre.
Je sais que notre assemblée est souveraine. Malgré tout, peut-on penser que le Gouvernement et la majorité à l’Assemblée nationale aient introduit ces deux mesures dans le but manifeste d’empêcher la sauvegarde d’un patrimoine auquel nous tenons tous, de ne pas protéger les bâtiments en péril qui méritent protection, de défigurer notre pays ?
Dans le même temps, j’entends chaque année aux assemblées des maires, tel ou tel élu intervenir devant M. le préfet pour témoigner de son incompréhension totale face à des ABF dont les avis sont variables en fonction des personnes ou du temps, parfois pour des choses insignifiantes.
Comment croire que le Gouvernement ait voulu remettre en cause le rôle des élus ? Il s’agit simplement, sur deux points bien précis, dont l’internet de demain, sur lesquels nous intervenons régulièrement les uns et les autres, d’assouplir quelques normes dans cette assemblée. Or vous vous insurgez précisément contre le trop-plein de normes et de contraintes, contre le pouvoir excessif de l’État, contre le manque de confiance envers les élus.
C’est la raison pour laquelle je voterai, avec Didier Guillaume et un certain nombre de nos collègues, contre l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Tout d’abord, monsieur Patriat, c’est vrai que je ne fais pas confiance à la majorité de l’Assemblée nationale. (Mme Catherine Conconne applaudit.) Donc, ce n’est pas parce qu’elle a décidé quelque chose que je vais la suivre.
Ensuite, monsieur le ministre, vous nous dites qu’il n’est pas du tout question de remettre en cause les ABF. Or le débat que nous avons ici ce soir est révélateur de ce qui se passe dans notre pays et, je l’ai dit, des relations qu’entretiennent notamment les élus locaux avec les ABF. Ces relations sont parfois tendues ou difficiles, d’un côté comme de l’autre, pour les diverses raisons qui ont été évoquées.
Néanmoins, revenir sur la question de l’avis conforme – même si cela ne porte que sur deux exceptions, diront certains – donne le sentiment que, finalement, sur ces questions, on pourrait s’adapter. Puis, année après année, les possibilités d’exceptions passeraient de deux à trois, de trois à quatre, puis de quatre à cinq.
Puisqu’un scrutin public est imminent, notre groupe votera ces différents amendements. L’enjeu n’est pas de remettre en question la confiance envers les élus… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Richard. Vous l’avez démontré.
Mme Cécile Cukierman. Je le réaffirme, je le dis très fort, je peux même le crier…
M. Jacques Grosperrin. Vous criez tout le temps…
Mme Cécile Cukierman. Cette question est compliquée et nous y sommes confrontés au quotidien.
Au travers du débat de ce soir et au-delà de l’issue du vote sur les amendements, je vous interpelle très sérieusement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, sur le véritable débat dans notre pays, qui porte sur les moyens de préserver notre patrimoine. Quels fonctionnaires va-t-on mandater pour aider les élus locaux dans le cadre d’une loi de décentralisation ?
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, il ne s’agit pas de refaire une loi Malraux qui répondait, à l’époque, à l’absence de décentralisation. La préservation du patrimoine demain dans notre pays ne peut pas être simplement le « loto Bern » qui profite seulement à quelques-uns. Il y a là un véritable enjeu de société qui méritera de nouvelles discussions.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’évoquerai juste un argument juridique. Parmi les exceptions que vous prévoyez, je l’ai dit tout à l’heure, mais je n’ai pas eu le temps de finir ma démonstration, figurent notamment les immeubles à usage d’habitation déclarés insalubres par le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, le CODERST, qui peut demander au préfet la démolition de l’immeuble sur des critères liés uniquement à la santé.
Imaginez le conflit de législation où le préfet aurait à arbitrer une divergence entre l’avis de conservation de l’ABF et l’avis de démolition du CODERST rendu sur des critères liés uniquement à la santé.
Dans le système actuel, les élus sont impliqués dans le recours par le biais de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture dans laquelle ils siègent. Or le dispositif que vous nous demandez de voter entraîne un paradoxe, puisque les élus seront privés de tout avis, la totalité du pouvoir discrétionnaire étant donnée au préfet de département. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Comme disait Mme Férat, ce n’est pas la première fois que nous avons des débats aussi passionnés autour des ABF. Je trouverais vraiment regrettable, au moment où nous allons passer à un vote important, que les différents compromis que nous avons trouvés lors de l’examen de la loi LCAP et lors de la discussion de la proposition de loi de nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin sur l’initiative de notre rapporteur pour avis, M. Leleux,…
M. Rémy Pointereau. Très bon exemple !
Mme Sylvie Robert. … soient remis en question par ce vote. C’est aussi une question de responsabilité collective et de conscience de l’importance de ce que nous votons au Sénat.
En outre, s’il était aussi simple de supprimer l’avis conforme au bénéfice de l’avis simple, cela se saurait ! On nous dit que ce n’est pas grave, car l’ABF aura toujours la possibilité d’éclairer le maire. Si la question était aussi simple, nous n’aurions pas ces débats aussi passionnés. On sait très bien que, derrière, c’est l’autorité de l’ABF, au sens non pas autoritaire du terme, mais du point de vue de son expertise, de sa formation, qui est remise en question.
L’ABF représente l’intérêt général, comprenant notamment la préservation du patrimoine qui est un bien public. Cette autorité serait forcément mise à mal, ou du moins fragilisée. Non, il n’est pas si simple de transformer un avis conforme en avis simple !
Enfin, on pourrait se dire que cette proposition ne porte pas à conséquence, car elle porte seulement sur deux objets. Toutefois, soyons conscients que nous ouvrons la boîte de Pandore. Nous avons déjà eu ces débats, je pense que c’est une responsabilité, parce que la question du patrimoine, aujourd’hui, et je vous rejoins, madame Cukierman, est un enjeu de société fondamental, qui concerne tous nos concitoyens. C’est pourquoi nous devons faire très attention à ce que nous allons voter.
Les amendements proposés par nos collègues non seulement garantissent cette préservation, mais nous permettent de dire aux ABF – ils nous écoutent sûrement – que, même si des instances de dialogue ont été mises en place pour les associer aux décisions, nous sommes aussi soucieux d’appliquer d’autres méthodes de travail,…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Sylvie Robert. … qui sont à l’œuvre aujourd’hui avec une autre génération d’ABF dans nos territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Ce qu’on entend, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est que la France est belle, exceptionnelle, peut-être le plus beau pays du monde. La France n’est-elle pas le pays le plus visité au monde ? Le ressenti des touristes est que les paysages sont fabuleux, avec une diversité foisonnante, et un patrimoine qui s’enchâsse si bien dans cette exception, un patrimoine restauré et entretenu.
Quelqu’un disait : « Les Français vivent au paradis et s’imaginent vivre en enfer ». Notre loi a protégé tout cela jusqu’à présent, elle a joué un rôle que nous ne soupçonnons peut-être pas les uns et les autres, en proposant un cadre. C’est notre responsabilité de permettre que cela continue.
Il ne s’agit pas de geler quoi que ce soit, mais il faut garder la place des experts que sont les architectes des Bâtiments de France, dont les avis sont très éclairés et éclairants, comme l’a rappelé Marie-Pierre Monier. Les ABF permettent de sauver des bâtiments avec des solutions inattendues pour les non-experts que nous sommes.
Tablons sur la confiance mutuelle : élus, architecte, chacun joue son rôle. Je conclurai par cette citation : « Qui n’a pas de passé n’a pas d’avenir. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de la Provôté. Il ne faut pas confondre le rôle et la mission des ABF, on l’a dit à plusieurs reprises, avec une tendance, pour certains, à être parfois acariâtre ou rigide. En d’autres termes, ce n’est pas parce que certains ABF n’ont pas la souplesse de caractère ou la capacité de travailler sereinement avec les élus sur un projet, qu’il faut se priver de leur mission, de leur compétence et de leur avis conforme.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ce n’est pas ça !
Mme Sonia de la Provôté. Oui, tous les ABF ne sont pas de désagréables bloqueurs de projets, bien au contraire ! J’aimerais, ce soir, que l’on entende aussi la parole de ces élus locaux heureux avec leur formidable ABF qui les aide à ne pas mettre leur ville sous cloche, à la moderniser et à progresser, tout en respectant et en mettant en valeur leur patrimoine.
Un ABF a vocation à permettre de nouveaux projets – il faut le réaffirmer, car c’est vraiment son rôle –, même dans un cadre patrimonial contraint. Et l’avis conforme, tous ceux qui ont été maire ici peuvent le confirmer, qu’est-ce qu’il est utile pour éviter la construction d’une horreur qui risque de défigurer la ville, même si elle est autorisée par le PLU ! Pour pouvoir refuser un permis de construire, cet avis conforme nous sert. Dans ce cas, on est bien content que l’ABF se concerte avec l’élu.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ce n’est pas le sujet !
Mme Sonia de la Provôté. Mais si !
Un recours est possible grâce à la loi LCAP et au travail du Sénat qui, dans toute sa sagesse, a su allier la conviction du rôle important de l’ABF et le besoin de dialogue avec les maires et les porteurs de projets. Pourquoi remettre en cause ce qui avait été décidé ici ?
Là où la communication pèche, trouvons les moyens de la médiation et du dialogue, y compris, et là je m’adresse évidemment à M. le ministre et à M. le secrétaire d’État, en améliorant la formation.
Améliorons, mais ne brisons pas ! Les dérogations ne sont ni une solution ni la bonne approche, même pour des antennes ou l’habitat insalubre. Dans tous les cas, chacun peut trouver une solution, je vous l’assure, nous en sommes tous convaincus ici, avec son ABF dont l’avis sera conforme avec le meilleur projet, parce qu’il aura été concerté.
Déroger, c’est ensuite ouvrir de nouvelles dérogations, et c’est une brèche. Plus moderne, plus accueillante, plus belle la ville : cet objectif peut être atteint avec un avis conforme de l’ABF. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Certes, monsieur Guillaume, tous les avis sont respectables, mais, ce qui me trouble, c’est qu’ils puissent changer en si peu de temps.
La loi LCAP a été votée à la quasi-unanimité voilà moins de deux ans. Compte tenu du délai nécessaire pour sa mise en route, qui nécessite notamment des décrets d’application, elle n’a été ni expertisée ni évaluée. A-t-on constaté dans le même temps une inflation des difficultés rencontrées avec les ABF qui auraient justifié un changement de la loi ? Je tiens aussi à rappeler que cette loi a été adoptée au terme de deux lectures dans chaque chambre, ce qui n’est pas le cas des textes que nous votons en ce moment, pour lesquels nous avons à peine le temps d’approfondir la réflexion au cours de la navette.
Tout cela aboutit à de l’instabilité juridique. Comme nous le disent nos collègues élus, ils souffrent non seulement du nombre excessif de normes, mais aussi de leur instabilité. Il est important de le souligner.
Monsieur le ministre, je regrette que ne soient pas présents à vos côtés Mme la ministre de la culture et M. le ministre de l’équipement, les deux ministres de tutelle chargés de ces questions.
Cela étant, je le rappelle, lors de l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, M. Blanquer est bien venu au banc à côté de Mme Pénicaud quand il s’agissait d’articles le concernant. M. le secrétaire d’État Mounir Mahjoubi a fait de même pour le règlement général sur la protection des données, aux côtés de Mme Belloubet. Je regrette le silence des ministres concernés.
En leur absence, je me tournerai vers la personne qui semble avoir la confiance du Gouvernement, puisque le Président de la République lui a confié une mission importante sur le patrimoine : Stéphane Bern.
Lors d’une réunion importante sur le patrimoine qui a eu lieu récemment à l’Élysée, Stéphane Bern a bien redit l’importance de l’avis conforme. Il s’est exprimé aussi dans la presse sur ce sujet. Je suivrai donc son avis, qui correspond d’ailleurs à celui de notre rapporteur pour avis et de Mme Férat, qui était corapporteur dans le cadre de la loi LCAP.
Je suivrai finalement l’avis de l’Association des maires de France, dont le représentant, que nous avons auditionné lors d’une table ronde sur l’architecture et les ABF, nous a affirmé que son association n’avait jamais demandé et ne demanderait pas la suppression de l’avis conforme ou des dérogations à l’avis conforme.
Il faut s’inscrire dans une cohérence d’action, de réflexion. Nous devons tout simplement prendre nos responsabilités. Comme l’a rappelé à juste titre M. le rapporteur pour avis, c’est précisément pour ne pas laisser partir en gravats ces sites délabrés qu’André Malraux a fait voter, en 1962, la loi qui prit son nom, sauvant de la démolition les plus beaux centres-villes de France. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. François Patriat a dit tout à l’heure que, finalement, les architectes des Bâtiments de France pouvaient avoir des appréciations différentes. Mon cher collègue, nous sommes dans un champ qui est celui de l’humain, de l’appréciation. Voudriez-vous que les ABF fonctionnent de manière mathématique, militaire, qu’ils obéissent à des consignes qui seraient données par je ne sais qui, sur des situations patrimoniales distinctes les unes des autres ? (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
Dire que les ABF peuvent avoir des appréciations différentes n’a pas de sens, à moins de décréter que l’architecture n’est pas une œuvre de création dans laquelle ceux qui exercent cette magnifique profession mettent chacun le meilleur d’eux-mêmes.
Enfin, mes chers collègues, je refuserai toujours de considérer que le pouvoir des élus et la décentralisation seraient en quelque sorte antinomiques du pouvoir de l’État républicain. Sinon, ce n’est pas la peine de se doter d’un ministère de la culture ! Or l’État détient certaines missions régaliennes.
Vous le savez bien, André Malraux a pris la tête d’un mouvement qui a duré des décennies, pour protéger le patrimoine de la République française. C’est une démarche que nous admirons tous, mais dont l’esprit transcende les situations locales, même si les élus doivent les prendre en compte.
Par conséquent, cette opposition n’a pas de sens. La question est la suivante : l’État et, en l’espèce, son représentant, l’architecte des Bâtiments de France, doivent-ils avoir une prérogative ou pas ? C’est l’enjeu fondamental de l’amendement de M. Leleux dont je tiens à saluer la sagesse, car ce débat de fond va bien au-delà de quelques rares dérogations. Il engage notre culture, et pour longtemps, mes chers collègues !
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. André Malraux était un grand ministre de la culture qui, en son temps, a réalisé un inventaire de tout le patrimoine français, en particulier le petit patrimoine. Actuellement, il n’en reste plus qu’un tiers, le reste étant passé sous le broyeur à cailloux et la tronçonneuse…
Il ne faut pas avoir peur des architectes des Bâtiments de France et de leurs avis, car il suffit de les rencontrer pour constater que ce sont des hommes de dialogue. Il existe néanmoins des exemples où l’avis de l’ABF est foulé aux pieds. C’est le cas des paysages.
Mes chers collègues, nous avons parlé tout à l’heure des éoliennes, ce qui était peut-être totalement hors sujet, mais la plupart d’entre elles ont fait l’objet d’un avis défavorable de l’architecte des Bâtiments de France et de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture. Pourtant, ces éoliennes continuent à être installées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je suis étonné que tout le monde défende passionnément le même point de vue sur ce sujet. Je pensais que le Sénat était une assemblée où l’on faisait confiance avant tout aux élus.
M. Laurent Duplomb. Tout à fait !
M. Jean-Marc Gabouty. Si je fais la synthèse de tout ce que j’ai entendu ce soir, certains propos m’ont semblé pour le moins curieux.
Par exemple, l’ABF serait un artiste détenteur de la défense de l’intérêt général. Certes, les élus locaux ne sont pas nécessairement des artistes, mais, en ce qui concerne la défense de l’intérêt général, ils sont, pour la grande majorité d’entre eux, les mieux placés.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Très bien !
M. Jean-Marc Gabouty. Effectivement, les élus locaux sont susceptibles de faire des erreurs, de procéder à de mauvaises appréciations, de ne pas prendre en compte certains aspects du problème. Les ABF, si j’ai bien compris, sont des êtres vénérés et totalement infaillibles. Je n’avais pas envisagé la question sous cet angle, mais leur rôle a été magnifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Des recours sont possibles !
M. Jean-Marc Gabouty. C’est vrai, monsieur Sueur, mais aussi contre les décisions du maire. Pourquoi cela se produirait-il toujours dans le même sens ? (M. Laurent Duplomb applaudit.) Une décision du maire, si elle n’est pas opportune, peut faire l’objet de recours. J’avoue que je suis très surpris.
Ensuite, notre assemblée va demander moins de normes, plus de souplesse,…
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Jean-Marc Gabouty. … s’élever contre le pouvoir centralisateur. J’y vois une certaine contradiction, je le dis à certains de mes collègues dont je ne partage pas du tout les propos. Le débat de ce soir au Sénat me paraît assez décalé, alors qu’un tel décalage, dans la mesure où il s’agit des collectivités locales et des élus locaux, aurait plutôt été attendu à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, voici à peu près une heure et quart que nous discutons sur ce problème des ABF. La discussion a été riche et chacun a pu exprimer sa position dans un sens ou dans un autre. J’en appelle à votre raison, d’autant qu’un scrutin public a été demandé sur les amendements.
Sans vouloir empiéter sur les prérogatives de M. le président, je pense qu’il serait souhaitable, à cette heure tardive, que nous clôturions ce débat. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Madame la présidente, je partage votre point de vue, car les différentes sensibilités se sont largement exprimées, parfois avec des redites. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Monsieur le président, comme l’a appelé de ses vœux M. Sueur, je pense qu’il faut conserver le pouvoir régalien de l’État, auquel je suis très attaché. Toutefois, j’en ai conclu qu’il trouvait normal que l’État, au travers de l’ABF qui en est l’émanation, impose sa volonté aux collectivités locales. Nous aurons l’occasion d’en reparler dans la suite des débats.
M. le président. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous allons prolonger la séance jusqu’à une heure et demie. Nous pourrions accélérer le rythme de nos débats, dans la mesure où l’article 15 a déjà fait l’objet de nombreuses prises de parole et d’échanges.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 392, 472 rectifié bis et 530 rectifié ter.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 222 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 168 |
Contre | 173 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. François Patriat applaudit également.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 67 rectifié bis, 152 et 706 rectifié quater.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 393 et 474 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1038 rectifié, présenté par MM. Guillaume, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes et MM. Gold, Guérini, Léonhardt, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. On voit bien la direction dans laquelle le Sénat avance, et comment l’article 15 pourra évoluer.
Dans cet esprit, nous proposons à travers cet amendement de supprimer la procédure de coconstruction de l’avis, introduite par l’Assemblée nationale. À nos yeux, cette procédure allonge inutilement les délais et dégrade, de fait, les fonctions de maire ou de président d’EPCI. Il faut faire confiance à ces derniers.
Bien sûr, le but est louable : associer les maires et les présidents d’EPCI saisis d’une demande d’autorisation d’urbanisme à la formation de l’avis de l’architecte des Bâtiments de France. Mais ce n’est pas la direction dans laquelle veut aller le Sénat.
De plus, en pratique, l’avis donné par les maires et les présidents d’EPCI au titre de cette nouvelle procédure n’aurait aucune portée prescriptive : il serait simplement consultatif, et la décision finale resterait du ressort de l’ABF. Il s’agit donc, en réalité, d’une simple procédure de dialogue, et non de construction.
Par homothétie, dès lors que l’avis conforme de l’ABF n’est pas supprimé sur tous les sujets, cette nouvelle concertation n’est pas justifiée. Elle pourrait laisser croire aux maires que leurs propositions seront de nature à faire évoluer la position de l’ABF. Mais, compte tenu des votes émis, tel ne sera pas le cas.
En outre, je le répète, cette procédure allongerait inutilement les délais d’instruction des dossiers.
Enfin, elle place les maires dans une position de conseil à l’égard des ABF, soit l’opposé de ce dont nous débattons depuis près de deux heures.
En conséquence, nous proposons la suppression de cette procédure introduite par l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 473 rectifié, présenté par Mmes Férat, Morin-Desailly, Gatel et de la Provôté, MM. Détraigne et Longeot, Mme Vullien, MM. Lafon, Janssens et Bonnecarrère, Mmes Billon et Létard et MM. L. Hervé et Moga, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’autorité compétente pour délivrer l’autorisation peut rédiger le projet d’avis de l’architecte des Bâtiments de France, et le lui soumet pour validation. L’architecte des Bâtiments de France l’entérine, ou l’adapte pour garantir le respect des critères mentionnés au premier alinéa du présent I, le cas échéant après examen conjoint du dossier. » ;
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Le maître mot de notre action sur ce point est : « simplification ». Nous sommes très attachés aux remontées du terrain, qui traduisent les volontés locales.
Nous avons déposé cet amendement afin que le maire puisse donner son avis, pour qu’un dialogue s’instaure entre l’ABF et lui. Ainsi, il serait possible d’anticiper l’avis conforme de l’ABF, lequel aurait le soin d’entériner le projet défini ou de le modifier en fonction des échanges effectués.
Cette procédure permettrait de répondre aux inquiétudes exprimées par certains de nos collègues. Elle devrait faciliter l’instauration d’un dialogue entre les élus et les ABF tout en assurant un gain de temps. Cette proposition va dans le sens des conclusions du groupe de travail consacré, au début de cette année, aux relations entre les élus et les ABF, auxquelles l’Assemblée nationale a donné corps en introduisant dans le présent texte la disposition dont il s’agit.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 478 est présenté par M. Leleux, au nom de la commission de la culture.
L’amendement n° 714 rectifié bis est présenté par MM. Houpert, Guerriau, Henno, de Nicolaÿ et Bascher, Mme M. Mercier et MM. Laménie et Chasseing.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’autorité compétente pour délivrer l’autorisation peut rédiger le projet d’avis de l’architecte des Bâtiments de France, qu’il lui soumet pour validation. L’architecte des Bâtiments de France l’entérine, ou l’adapte pour garantir le respect des critères mentionnés au premier alinéa du présent I, le cas échéant après examen conjoint du dossier. » ;
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 478.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement vise à revenir sur la procédure adoptée par la commission des affaires économiques, et qui consiste à prévoir une phase consultative entre le maire et l’ABF autour du projet de décision du maire.
Un tel mécanisme ne paraît pas propice à accélérer les délais de procédure : quoi qu’il en soit, il faudra que le maire consulte de nouveau l’ABF, pour qu’il rende son avis conforme lors d’une phase ultérieure.
En outre, cette procédure ne permet pas de répondre au souci, maintes fois exprimé dans cet hémicycle, que l’ABF soit plus à l’écoute des préoccupations des maires. En effet, selon ce mécanisme, c’est le maire qui soumet son projet de décision à l’ABF ; puis, ce dernier remet son avis.
Au contraire, cet amendement vise à donner au maire la possibilité de rédiger, au début de l’instruction, l’avis conforme de l’ABF. Dès lors, un dialogue s’instaurerait entre eux, et l’ABF aurait le soin, soit d’entériner ce texte, soit de l’adapter ou de le modifier, en fonction des échanges qui auront eu lieu sur ce dossier.
Le but est de favoriser l’instauration d’un dialogue entre les élus et les ABF tout en apportant, pour ce qui concerne les délais d’examen, un véritable gain de temps.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour présenter l’amendement n° 714 rectifié bis.
M. Alain Houpert. Ces dispositions viennent d’être admirablement défendues par M. Leleux. Il s’agit de favoriser le dialogue entre les maires et les ABF, via la rédaction d’un pré-projet en amont, par l’élu. De surcroît, cet amendement tend à réduire les délais d’examen des dossiers.
M. le président. L’amendement n° 599, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme M. Filleul, M. Daunis, Mme Guillemot, M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Remplacer les mots :
émet un avis consultatif sur le projet de décision et peut proposer des modifications
par les mots :
donne son accord ou demande la modification de ce projet de décision
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Je rappelle que le II de l’article que nous examinons modifie l’article L. 632-2 du code du patrimoine, lequel fixe les modalités d’autorisation de travaux dans les sites patrimoniaux remarquables, les SPR. Il s’agit d’ouvrir à l’autorité compétente, pour autoriser les travaux, la possibilité de « proposer un projet de décision à l’architecte des Bâtiments de France », en amont de la procédure, afin de faciliter son accord ultérieur. Cette idée figurait du reste dans la proposition de loi de notre collègue Marc Daunis.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait que cet éventuel projet de décision devait, s’il était élaboré, faire l’objet d’un accord de l’ABF.
La commission des affaires économiques a fait un pas en arrière en prévoyant, à la place de cet accord, un simple avis consultatif de l’ABF. Je ne comprends pas bien ce raisonnement. En effet, pour les élus, il s’agit là d’une faculté et non d’une obligation. Elle leur permettra, s’ils le souhaitent, de dialoguer avec l’ABF et de mieux se concerter avec ce dernier avant qu’il ne remette son accord définitif valant autorisation de travaux. En cas de désaccord, ce texte sera soumis au préfet. C’est la procédure dite « d’avis conforme ».
En l’occurrence, un avis consultatif n’aurait aucun sens, alors que la concertation facultative est justement proposée pour accélérer la procédure en favorisant un accord préalable entre les élus et l’ABF.
Si, dans le cadre de cette consultation facultative, l’avis consultatif devait être défavorable, il augurerait fort mal de la suite de la procédure. Nous souhaitons donc revenir, par cet amendement, à l’accord voulu par l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’amendement n° 1038 rectifié vise à revenir sur la procédure de dialogue entre les maires et l’ABF, instaurée par l’Assemblée nationale.
Je rappelle que cette procédure est facultative et qu’elle n’a pas de portée contraignante : elle ne force la main ni de l’ABF ni des maires. De plus, contrairement à ce qu’avance M. Guillaume, elle me semble de nature à raccourcir les délais : elle permet de mieux identifier les points de désaccord en amont, le plus rapidement possible. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Sur les amendements nos 473 rectifié, 478 et 714 rectifié bis, nous émettons également un avis défavorable. Les procédures proposées, notamment, par Jean-Pierre Leleux au nom de la commission de la culture, risquent de créer une confusion des rôles. Le maire est compétent pour rédiger les décisions d’autorisation ; l’ABF, pour rédiger son avis. Il ne paraît pas opportun que le maire fasse le travail de l’ABF. J’ajoute qu’une telle méthode pouvait être contre-productive, en soumettant les maires et les ABF à davantage de pressions.
À l’inverse, la rédaction issue des travaux de la commission est de nature à créer une culture de coopération constructive entre l’ABF et le maire pour favoriser l’autorisation des projets. Cette procédure facultative permettrait aux ABF d’indiquer en amont, aux maires, les difficultés à résoudre, afin que ces derniers ne soient pas soudainement placés face à un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 599 a pour objet une procédure en amont, facultative et non contraignante. Toutefois, je rappelle à ses auteurs que l’ABF rend toujours, à la fin du processus, son avis ou accord selon la loi en vigueur. Or, dans les deux cas précis dont nous avons largement débattu, la rédaction proposée revient sur l’avis simple, à laquelle la commission est favorable. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 1038 rectifié, défavorable à l’amendement n° 473 rectifié, défavorable aux amendements identiques nos 478 et 714 rectifié bis et défavorable à l’amendement n° 599.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Madame la rapporteur, vous vous êtes exprimée excellemment, comme à votre habitude ! Mais, précisément, pour éviter les écueils que vous évoquez quant au dialogue entre l’ABF et le maire, et quant aux positions exprimées par ce dernier, mieux vaut supprimer l’alinéa 7 : dès lors, les problèmes dont il s’agit seront résolus.
Nous n’opérons pas le même choix, mais nos deux propositions convergent, et elles aboutissent à la même solution.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 478 et 714 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 600, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme M. Filleul, M. Daunis, Mme Guillemot, M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Par cet amendement, nous souhaitons revenir sur une modification du droit actuel opérée par cet article.
L’article 15 inverse la signification du silence du préfet de région ; celui-ci vaudra désormais approbation de la décision de l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation de travaux.
Actuellement, je le rappelle, aux termes du II de l’article L. 632-2 du code du patrimoine, le silence du préfet vaut rejet de la décision visant à passer outre le refus d’un ABF de valider une opération susceptible de dégrader le patrimoine de la zone dans laquelle cette opération est projetée.
Bref, actuellement, le silence du préfet confirme l’avis négatif de l’ABF sur un projet d’aménagement ou de travaux. L’inversion de sa signification va fragiliser le rôle des ABF, puisqu’il faudra une décision explicite du préfet pour valider son avis négatif sur un projet.
Les préfets auront-ils le temps nécessaire, dans tous les cas, pour expliquer un refus d’autorisation ? Ici encore, on complique les conditions de travail des ABF, et à quelle fin ? C’est le patrimoine qui est en jeu, et non un prétendu pouvoir qui entamerait outre mesure celui des aménageurs.
Par cet amendement, nous demandons donc le maintien de la règle en vertu de laquelle le silence du préfet vaut rejet du projet de décision de l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation de travaux.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 394 est présenté par M. Leleux, au nom de la commission de la culture.
L’amendement n° 475 rectifié est présenté par Mmes Férat, Morin-Desailly, Gatel et de la Provôté, MM. Détraigne et Longeot, Mme Vullien, MM. Lafon, Janssens et Bonnecarrère, Mmes Billon et Létard et MM. Moga et Delcros.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° La seconde phrase du II est ainsi rédigée : « L’autorité administrative fait connaître sa décision, qui est rendue publique. » ;
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 394.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Faut-il, tous les deux ans, changer la valeur du silence ? Je ne le pense pas. Nous avons débattu de cette question lors de l’examen du projet de loi LCAP, et nous avons donné au silence une valeur précise, que l’on veut inverser aujourd’hui.
Cet amendement vise à obliger le préfet à se prononcer systématiquement lorsqu’il examine les recours formés par un élu à l’encontre de l’avis défavorable d’un ABF. En outre, il tend à imposer que sa décision soit publiée. Le préfet est arbitre, il décide, il doit donc indiquer clairement son choix.
En effet, la nécessité d’un référentiel et d’un corpus juridiques est régulièrement avancée : il convient de mieux encadrer, de mieux comprendre le travail des ABF, dont les décisions, aujourd’hui, sont souvent perçues comme arbitraires – ce constat a été rappelé à plusieurs reprises. Une décision claire du préfet dans le cadre des recours faciliterait donc la construction d’une jurisprudence qui viendrait nourrir un tel corpus juridique.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 475 rectifié.
Mme Françoise Férat. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Aujourd’hui, les maires sont pénalisés lorsque les services de la préfecture, qui peuvent être engorgés, ne répondent pas aux recours qu’ils ont formés contre l’avis d’un ABF. À nos yeux, il convient donc d’obliger le préfet à se prononcer : faute de quoi, nombre de projets seront rendus impossibles, du fait, tout simplement, d’un non-examen du recours. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 600.
En revanche, la commission est favorable aux amendements identiques nos 394 et 475 rectifié. La mesure dont il s’agit, laquelle est notamment proposée par M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture, nous semble à même de garantir la transparence : le maire pourra anticiper davantage l’issue des recours et mieux comprendre les motifs qui justifient la décision prise.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. L’amendement n° 600 vise à revenir au silence valant rejet pour ce qui concerne les recours contre les avis de l’ABF. À mon sens, la solution que nous préconisons est parfaitement logique et conforme à l’appréciation habituelle du silence. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
De même, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 394 et 475 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 394 et 475 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 48 rectifié est présenté par MM. Morisset, Mouiller et de Nicolaÿ.
L’amendement n° 389 rectifié bis est présenté par MM. Genest, Darnaud, D. Laurent, Bascher et Lefèvre, Mme Deromedi, MM. Bouchet, Laménie, H. Leroy, J.M. Boyer et Duplomb et Mmes Lamure et Garriaud-Maylam.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 11
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après le III, sont insérés deux paragraphes ainsi rédigés :
« … – Si le pétitionnaire en fait la demande, une phase de concertation entre le pétitionnaire et l’architecte des Bâtiments de France a lieu avant que ce dernier ne prenne sa décision.
« … – Les décisions de l’architecte des Bâtiments de France sont rendues publiques. »
La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié.
M. Jean-Marie Morisset. Mes chers collègues, je n’insisterai pas sur l’importance des missions qu’exercent les ABF dans nos territoires : nous en avons débattu assez longuement.
Cela étant, l’avis des ABF, quand il est conforme, donc quand il lie la décision du maire, peut apparaître comme un droit de veto. Pour éviter tout risque d’incompréhension, les porteurs de projet, les entrepreneurs du bâtiment et les élus ont besoin de connaître clairement les critères appliqués par les ABF ; et ils ont besoin qu’un dialogue s’instaure avec les architectes des opérations.
À cette fin, cet amendement tend à prescrire aux ABF une obligation de concertation avec l’architecte de l’opération, dès lors que celui-ci la demande. En outre, il vise à rendre publics les choix esthétiques et d’urbanisme opérés par les ABF lorsqu’ils affectent nécessairement le cahier des charges des entrepreneurs, faute de précisions dans des documents comme le PLU.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour présenter l’amendement n° 389 rectifié bis.
M. Laurent Duplomb. M. Morisset a parfaitement présenté le principe suivi. Il convient d’ouvrir la concertation entre l’architecte porteur du projet et l’architecte des Bâtiments de France, ne serait-ce que pour pousser les ABF à dire toujours à peu près la même chose. Les exigences ne peuvent pas continuer à varier à chaque changement de titulaire…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission estime qu’il n’y a pas lieu d’imposer de nouvelles obligations aux ABF, dont la charge de travail nuit déjà lourdement à la célérité des avis.
De surcroît, une obligation de concertation avec les porteurs de projet serait, à nos yeux, de nature à soumettre plus facilement les ABF à des pressions qui pourraient nuire à la sérénité de leurs travaux.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 rectifié et 389 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 15, modifié.
(L’article 15 est adopté.)
Article additionnel après l’article 15
M. le président. L’amendement n° 371 rectifié bis, présenté par MM. Fouché, Guerriau et Panunzi, Mme Procaccia et MM. Bouloux et Chasseing, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le II de l’article L. 632-2 du code du patrimoine, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Par dérogation au I, pour une liste de travaux définie par décret en Conseil d’État dont la réalisation n’affecte pas de manière substantielle l’aspect du bâtiment, l’avis de l’architecte des Bâtiments de France est consultatif. En l’absence de décision de l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, le permis de démolir, d’aménager, l’absence d’opposition à déclaration préalable, la demande est, à l’issue du délai d’instruction prévu à l’article L. 423-1 du code de l’urbanisme, réputée rejetée. »
II. – Après l’article L. 632-2 du code du patrimoine, il est inséré un article L. 632-… ainsi rédigé :
« Art. L. 632-…. – Par dérogation à l’article L. 632-2, pour une liste fixée par décret en Conseil d’État de travaux dont la réalisation n’affecte pas de manière substantielle l’aspect du bâtiment, tout travail ayant pour effet de modifier l’état des immeubles est soumis à permis de construire ou à déclaration, dans les conditions prévues au présent titre, après consultation de l’architecte des Bâtiments de France.
« En l’absence de décision du maire ou de l’autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire, le permis d’aménager ou le permis de démolir à l’issue du délai d’instruction, la demande est réputée rejetée. »
III. – Le premier alinéa de l’article L. 424-2 du code de l’urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, un permis tacite ne peut être acquis pour des travaux nécessitant la consultation de l’architecte des Bâtiments de France prévue au II bis de l’article L. 632-2 du code du patrimoine. »
La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Naturellement, je ne mets pas en doute le rôle essentiel que jouent les ABF et, à ce sujet, j’ai beaucoup apprécié les interventions de M. Guillaume et de M. le ministre : tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir. Mais un certain nombre de procédures sont excessives, et il convient de les modifier.
J’ai moi-même été, pendant plus de vingt ans, maire d’une ville médiévale comptant cinq châteaux forts. Je les ai restaurés, grâce aux crédits apportés par M. Lang – à l’époque, il y avait de l’argent… J’ai donc eu l’occasion de travailler avec les architectes des monuments historiques et les architectes des Bâtiments de France.
Monsieur le ministre, si des lenteurs sont à déplorer, c’est parce que les ABF ne sont pas assez nombreux : le département dont je suis l’élu compte 430 000 habitants, il regorge de monuments classés, et il ne dispose que de deux ABF !
En outre, s’il n’y a pas de recours, c’est parce que les maires ont peur : ils redoutent un certain nombre de sanctions.
Or la richesse du patrimoine architectural et paysager est l’un des atouts majeurs de notre pays, et sa protection est un véritable enjeu de politique culturelle.
Certes, les architectes des Bâtiments de France jouent un rôle majeur, à la fois comme experts techniques des matériaux et comme protecteurs du patrimoine. Mais ils sont parfois conduits à rendre un avis défavorable à la réalisation de certains travaux dont la portée sur l’aspect extérieur reste très limitée et dont la réalisation présente un intérêt majeur, pour le développement durable comme pour l’environnement, ainsi qu’une utilité réelle pour l’habitat.
Aussi, le présent amendement tend à faciliter les procédures. À nos yeux, pour certains travaux n’ayant qu’un impact limité sur l’aspect extérieur des bâtiments – il s’agit par exemple des portes, des volets, des coffrets de volets intégrés ou des aménagements d’isolation thermique –, l’avis de l’ABF ne doit plus être que consultatif. Il appartiendrait à l’autorité compétente, à savoir, le plus souvent, le maire, d’autoriser ou non la modification demandée. Afin d’assurer un contrôle effectif des autorisations d’urbanisme, l’absence de réponse après expiration du délai d’instruction vaudrait refus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Monsieur Fouché, l’assouplissement que vous proposez nous paraît bien trop grand. D’ailleurs, nous ne voulons pas ouvrir de nouvelles dérogations. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. En votant ces dispositions, on ouvrirait très largement les dérogations, d’autant que la liste des travaux concernés serait fixée par décret en Conseil d’État : on s’engagerait dès lors dans un processus assez difficile à maîtriser.
Par cohérence avec la position qu’il défend depuis l’origine, le Gouvernement entend réserver l’avis simple aux deux points cités dans le présent texte. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Mon seul but, c’est d’assurer la rapidité des procédures, et, à mon sens, les maires ont la capacité de prendre les décisions dont il s’agit.
Il y a quelques instants, nous avons débattu des éoliennes. J’ai rappelé qu’à ce titre l’avis de l’ABF n’était pas imposé pour tous les projets d’éoliennes proches de sites patrimoniaux. Toutefois, la mesure que j’ai proposée a été refusée.
Mes chers collègues, je peux vous citer d’autres exemples.
Dans une ville classée du département dont je suis l’élu, une dame âgée veut remplacer ses volets en bois par des volets en PVC. Elle habite dans une rue qui n’est pas du tout visible depuis les châteaux. Pour mener ces travaux, l’avis de l’ABF est nécessaire, alors qu’il n’est pas requis pour ce qui concerne les éoliennes…
De même, dans un village non loin de la centrale nucléaire de Civaux – il s’agit, vous vous en doutez, d’un bâtiment énorme –, centrale dont René Monory a permis la construction, un particulier a creusé une piscine : l’architecte des Bâtiments de France lui a demandé de remplacer le liner bleu par un liner noir, au motif que l’effet n’était pas esthétique vu d’avion…
J’insiste : les pouvoirs dont disposent les ABF sont parfois excessifs. À mon sens, il est nécessaire de simplifier les procédures, et cette profession demande à être réglementée. Enfin, il faudrait éviter que les ABF ne travaillent pour les collectivités territoriales : en pareil cas, on s’expose à des conflits d’intérêts.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Ce que nous venons d’entendre illustre bien ce qui va se passer : maintenant qu’on a commencé à autoriser un certain nombre de dérogations, on en demandera de plus en plus, au nom de la rapidité ou pour telle ou telle autre raison. Et, petit à petit, tout risque de se déliter…
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Je conviens que l’amendement de M. Fouché peut ouvrir la boîte de Pandore, mais il faut être conscient que, dans de nombreuses communes, on arrive à une situation ubuesque : sachant qu’ils n’obtiendront pas l’autorisation de l’architecte des Bâtiments de France, les gens réalisent des travaux sans la solliciter.
Je pourrais vous citer des rues entières de Beauvais où des huisseries ont été changées en PVC, ce qui n’est d’ailleurs pas moche, mais où les propriétaires n’auraient jamais obtenu l’autorisation. Une personne l’a sollicitée et ne l’a pas obtenue. Résultat : tous les habitants de la rue s’en sont passés… Soyons bien conscients qu’on aboutit à l’effet totalement inverse !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 371 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 16
L’article L. 423-1 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le dossier joint à ces demandes et déclarations ne peut comprendre que les pièces nécessaires à la vérification du respect des règles relatives à l’utilisation des sols et à l’implantation, à la destination, à la nature, à l’architecture, aux dimensions et à l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords ainsi que des dispositions relatives à la salubrité ou à la sécurité publique ou relevant d’une autre législation dans les cas prévus au chapitre V du présent titre. » ;
2° (Supprimé)
3° (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque des pièces complémentaires qui ne font pas partie du contenu légal exigé sont demandées en dehors de celles qui sont régulièrement prévues, cette décision de l’autorité compétente ne peut avoir pour effet d’interrompre le délai d’instruction et de faire obstacle au bénéfice d’une autorisation ou d’une déclaration tacite, sans qu’il soit nécessaire de saisir la juridiction administrative de cette illégalité. »
M. le président. L’amendement n° 340, présenté par M. Morisset, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Un projet modificatif peut être déposé pour un permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables dès lors que l’intérêt dudit projet le nécessite. Celui-ci est alors instruit dans les mêmes termes que le projet initial tout en repartant de celui-ci et en montrant ce en quoi le projet évolue, les affectations qu’il induit. Il ne doit pas aller à l’encontre de la cohérence du projet initial notamment en vue de sa modification si celui-ci est en cours de réalisation, et donc respecter un caractère de compatibilité. Dans le cas inverse la décision initiale est abrogée et un nouveau dossier est déposé.
« Toute modification substantielle du projet autorisée emporte de facto l’évolution fiscale correspondante.
La parole est à M. Jean-Marie Morisset.
M. Jean-Marie Morisset. Cet amendement porte sur les projets modificatifs pour les permis de construire.
Un projet peut être amené à évoluer raisonnablement et doit pouvoir trouver une issue dans l’instruction de l’acte réglementaire clairement définie.
Si la jurisprudence définit, par exemple, la possibilité de faire évoluer un permis de construire, voire une déclaration de travaux, il apparaît nécessaire de donner plein droit à cette possibilité, tout en veillant à ce que cette demande de modification satisfasse les mêmes termes juridiques dans son examen que le projet initial et soit cohérente avec celui-ci.
Dans le cas contraire, il est évident qu’une nouvelle procédure doit être engagée par le porteur du projet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. S’il est vrai que le permis modificatif est actuellement une construction jurisprudentielle et qu’il y aurait un réel intérêt à l’inscrire dans la loi, les termes de cet amendement nous semblent beaucoup trop flous et de nature à créer à une insécurité juridique. Je pense en particulier aux notions d’intérêt du projet, d’affectations et de cohérence du projet initial. Pour cette raison, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Monsieur le sénateur, vous soulevez un problème réel, mais le dispositif d’origine jurisprudentielle qui existe est souple et reconnu à la fois par les porteurs de projet et les services instructeurs. Je considère donc que votre amendement est satisfait dans la pratique. En conséquence, je vous suggère de le retirer.
M. le président. Monsieur Morisset, l’amendement n° 340 est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Morisset. J’ai pris bonne note qu’il faudrait pour la prochaine fois améliorer la rédaction de cet amendement. Dans l’immédiat, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 340 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 361 rectifié bis, présenté par M. Théophile, Mme Schillinger et MM. Dennemont et Karam, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le dossier joint à ces demandes de déclaration, localisées sur des espaces classés N ou A, doit comprendre les pièces visées à l’article précédent et les documents complémentaires requis dont la liste est établie par le règlement intérieur des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. » ;
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Selon l’Observatoire national de la biodiversité, près de 67 000 hectares par an en moyenne ont été détruits par artificialisation au cours de la dernière décennie.
Au regard de ce constat, la création ces dernières années des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, les CDPENAF, a permis d’éviter le mitage des terres agricoles et naturelles via l’avis conforme rendu sur les demandes de permis de construire localisées sur ces espaces.
Afin de s’assurer que les demandes et déclarations n’obèrent pas l’activité agricole et/ou les fonctions écologiques des sites concernés, il est indispensable d’accéder à des documents complémentaires tels que le statut du demandeur – agriculteur ou non – et les détails du projet renseignant sur sa viabilité technico-économique.
Il est important de ne pas sous-estimer les effets du mitage qui, de facto, réglementairement, réduisent les capacités d’épandage et le développement des filières d’élevage. Sur certains territoires restreints, ce mitage obère donc à court terme les capacités d’adaptation de l’agriculture.
C’est pourquoi nous souhaitons rendre possible et même nécessaire la demande de pièces complémentaires pour les demandes et déclarations localisées sur les espaces agricoles et naturels.
M. le président. L’amendement n° 696 rectifié bis, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, M. Lurel, Mmes Conway-Mouret, Monier et Grelet-Certenais et MM. Duran, Tourenne, Lalande et Kerrouche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après le mot :
déclarations
insérer les mots :
, localisées sur des espaces classés U ou à AU,
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le dossier joint à ces demandes et déclarations, localisées sur des espaces classés N ou A, doit comprendre les pièces mentionnées à l’alinéa précédent et les documents complémentaires requis dont la liste est établie par le règlement intérieur des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. » ;
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Cet amendement et le suivant ont un objet rigoureusement identique à celui de l’amendement qui vient d’être présenté.
M. le président. L’amendement n° 697 rectifié bis, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, MM. Lurel, Duran, Tourenne et Lalande, Mmes Conway-Mouret, Monier et Grelet-Certenais et M. Kerrouche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
après les mots :
demandes et déclarations
insérer les mots :
, localisées sur des espaces classés U ou à AU,
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’article 16 a pour objectif de sécuriser au plan législatif une liste limitative de pièces exigibles. Renvoyer à un règlement intérieur des CDPENAF, comme le proposent les auteurs des amendements nos 361 rectifié bis et 696 rectifié bis, va donc à l’encontre de l’esprit du texte.
Par ailleurs, si les pièces visées servent bien à la vérification du respect des règles relatives à l’utilisation des sols et à l’implantation, les amendements me semblent satisfaits par le dispositif actuel.
L’amendement n° 697 rectifié bis est sensiblement identique aux précédents. Il ne convient pas, à mon sens, de réserver cette sécurité aux seuls projets localisés en zone urbanisée ou à urbaniser. D’autre part, l’amendement me semble satisfait par la rédaction actuelle de l’article.
L’avis est donc défavorable sur les trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. L’objectif du projet de loi est de clarifier encore le droit applicable. En fait, il s’agit d’essayer de mettre fin aux demandes injustifiées de pièces complémentaires. Souvent utilisé, ce processus a pour conséquence de rallonger de manière injustifiée les procédures d’instruction.
C’est pourquoi le projet de loi prévoit que ne peuvent être jointes à la demande de permis de construire que les pièces permettant réellement de contrôler le respect des règles d’urbanisme. De ce point de vue, l’article 16 tend à limiter le pouvoir réglementaire.
Les auteurs de ces trois amendements proposent, à mon avis par erreur, de supprimer l’alinéa précisant la nature des pièces pouvant être jointes à la demande de permis de construire. Je pense que leur intention était plutôt de le compléter en ce qui concerne les déclarations préalables en zones A et N.
De plus, nous considérons qu’on ne peut pas laisser à l’appréciation des commissions départementales visées la composition du dossier de déclaration préalable. Outre qu’il s’agit d’une prérogative du pouvoir réglementaire, cela irait totalement à l’encontre de l’harmonisation des pratiques souhaitée par les pétitionnaires.
Le Gouvernement est donc défavorable aux trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 361 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 696 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 697 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 386 est présenté par MM. Genest et Darnaud.
L’amendement n° 880 est présenté par Mme Létard, M. D. Dubois et les membres du groupe Union Centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une demande de pièce complémentaire illégale n’a pas pour effet de prolonger le délai d’instruction. » ;
L’amendement n° 386 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 880.
Mme Dominique Vérien. Les pièces à joindre à une demande d’autorisation d’urbanisme sont limitativement énumérées par le code de l’urbanisme, ce qui interdit normalement aux services instructeurs de réclamer aux pétitionnaires des documents ne figurant pas expressément dans le code.
Or, en pratique, bon nombre de pétitionnaires ont constaté que l’établissement de listes limitatives n’a pas empêché certains services instructeurs de réclamer des documents complémentaires de manière illégale. Cette dérive présente pour l’administration l’intérêt de prolonger le délai dont elle dispose pour examiner la demande d’autorisation, puisque le délai d’instruction court à compter de la réception en mairie d’un dossier complet. Le Conseil d’État, dans une décision du 9 décembre 2015, a jugé que, même illégale, une demande de pièces complémentaires prorogeait le délai d’instruction.
Il convient de mettre un terme à cette dérive en prévoyant qu’une demande de pièces complémentaires illégale n’a pas pour effet de remettre en cause la constitution exhaustive du dossier de demande et, de ce fait, ne proroge pas le délai d’instruction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 880 ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement est satisfait par une disposition que la commission a adoptée et qui a exactement le même objectif. J’en sollicite donc le retrait et j’y serai défavorable s’il est maintenu.
Mme Dominique Vérien. Nous le retirons donc !
M. le président. L’amendement n° 880 est retiré.
L’amendement n° 1098, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Rédiger ainsi ces alinéas :
3° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’autorité compétente en matière de délivrance du permis demande la transmission de pièces ne faisant pas partie des pièces mentionnées au deuxième alinéa du présent article, le délai d’instruction n’est pas interrompu. Ladite demande ne peut faire obstacle à l’obtention d’une autorisation tacite, sans qu’il soit nécessaire que le juge administratif soit saisi. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel et de précision juridique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 16, modifié.
(L’article 16 est adopté.)
Article 16 bis AAA (nouveau)
L’article L. 424-5 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le dépôt successif sur une même unité foncière de plusieurs demandes de permis ou de déclarations préalables n’est pas remis en cause par l’alinéa précédent et ne nécessite pas l’obligation de demander le retrait des autorisations précédemment délivrées. Il n’a pas non plus pour effet de rapporter implicitement et nécessairement le ou les permis déjà éventuellement accordés. »
M. le président. L’amendement n° 554, présenté par M. Daunis, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. La commission des affaires économiques a adopté un amendement visant à maintenir le bénéfice de permis successifs sur une même unité foncière.
J’ai fait observer en commission que ce nouvel article 16 bis AAA allait à l’encontre d’une jurisprudence bien établie, selon laquelle la délivrance d’un nouveau permis a implicitement, mais nécessairement, pour effet de rapporter le permis de construire accordé antérieurement.
Par ailleurs, le projet de loi comporte plusieurs dispositions qui faciliteront la régularisation des permis en cours d’instance.
J’ai déposé cet amendement, avec les collègues de mon groupe, pour supprimer l’article introduit par la commission et conserver le droit existant. Mme la rapporteur ayant déposé un amendement qui précise utilement les choses, nous retirons le nôtre pour nous rallier au sien.
M. le président. L’amendement n° 554 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 388 rectifié, présenté par MM. Genest, Darnaud, D. Laurent, Bascher, Lefèvre, Cornu et Vaspart, Mme Deromedi, MM. Bouchet et Morisset, Mme Lherbier, M. Laménie, Mme Garriaud-Maylam, MM. H. Leroy, J.M. Boyer, Duplomb et Sido et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 424-5 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 424-5. - La décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l’objet d’aucun retrait.
« Le permis de construire, d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s’il est illégal et dans le délai de deux mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. »
La parole est à M. Jean-Marie Morisset.
M. Jean-Marie Morisset. Cet amendement vise à simplifier le droit applicable au retrait des autorisations d’urbanisme en agissant sur deux leviers.
Le premier consiste à supprimer le droit de retrait de l’administration pour les déclarations préalables.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi ALUR, le 27 mars 2014, le droit de retrait de l’administration est étendu aux décisions de non-opposition à déclaration préalable. En conséquence, une décision expresse ou tacite de non-opposition à une déclaration préalable irrégulière peut désormais être retirée par l’autorité qui l’a délivrée dans un délai de trois mois suivant la date de cette décision, sans préjudice des possibilités de recours ouvertes à tout tiers lésé pendant les deux mois de l’affichage de l’autorisation. Il faut donc un mois supplémentaire pour que la décision de non-opposition soit purgée de tout recours ou retrait, ce qui retarde d’autant l’exécution des travaux prévus.
Cette exception était légitimement justifiée par le fait que les demandes de déclaration préalable ne sont requises que pour les ouvrages de faible importance et pour lesquels la possibilité de retrait aurait été source de délais supplémentaires inutiles.
La loi ALUR est revenue sur cette exception, sans que l’on apporte de justifications convaincantes à cette nouvelle lourdeur administrative. Il conviendrait de revenir au droit antérieur en supprimant ce droit de retrait.
Le second levier que nous proposons d’actionner consiste à aligner le délai de retrait des autorisations d’urbanisme sur celui du recours contentieux.
En vertu de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme, les décisions de non-opposition à déclaration préalable et les permis de construire, d’aménager ou de démolir, tacites ou explicites, peuvent être retirés par l’autorité qui les a délivrés si celle-ci s’aperçoit de leur illégalité, dans un délai de trois mois suivant la date de ces décisions. En cas de décision explicite, la date de déclenchement du délai de retrait est celle de la signature de la décision de non-opposition ou du permis. Pour les décisions tacites, le délai de retrait court à compter de la date d’échéance du délai implicite d’acceptation.
S’agissant du délai de recours contentieux à l’encontre de ces autorisations d’urbanisme, il est réglementairement fixé à deux mois. Par ailleurs, l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme prévoit que, à l’égard des tiers, ce délai court à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain de l’autorisation.
Il résulte de la combinaison de ces deux dispositions que le titulaire d’un permis ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable doit, avant d’être certain du caractère définitif de son autorisation, être attentif à deux risques, le retrait et le recours, soumis à deux délais distincts, dont les points de départ sont différents. Pour des raisons évidentes de simplification, il serait judicieux d’aligner les deux procédures sur le même délai de deux mois.
Tout cela est un peu technique, mais les mesures que nous proposons seront source de simplification.
M. le président. L’amendement n° 745 rectifié, présenté par M. Babary, Mme Deromedi, MM. J.M. Boyer, Duplomb et H. Leroy et Mmes Garriaud-Maylam et Lamure, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 424-5 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 424-5 – La décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l’objet d’aucun retrait.
« Le permis de construire, d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s’il est illégal et dans le délai de deux mois suivant la date de notification de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. »
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement, en partie identique au précédent, vise à aligner le délai de retrait sur le délai de recours contentieux, soit deux mois.
M. le président. L’amendement n° 1099, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 424-5 du code de l’urbanisme est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’une autorisation d’urbanisme a été délivrée sur un terrain donné, l’autorisation existante ne fait pas obstacle au dépôt d’une nouvelle demande d’autorisation visant le même terrain. Le dépôt d’une nouvelle demande d’autorisation ne nécessite pas d’obtenir le retrait de l’autorisation précédemment délivrée, et n’emporte pas retrait implicite de cette dernière.
« La délivrance d’une nouvelle autorisation d’urbanisme sur ce même terrain rapporte l’autorisation précédemment délivrée. »
La parole est à Mme la rapporteur, pour présenter l’amendement n° 1099 et donner l’avis de la commission sur les amendements nos 388 rectifié et 745 rectifié.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement, auquel M. Daunis a fait référence, vise à clarifier la rédaction de l’article en précisant que, si le dépôt d’une nouvelle demande d’urbanisme n’emporte pas le retrait de la précédente, la délivrance de l’autorisation, elle, a pour effet de la retirer. Il s’agit de mettre le dispositif en cohérence avec la jurisprudence du Conseil d’État.
La commission est défavorable aux amendements nos 388 rectifié et 745 rectifié, parce que le délai de retrait permet aux maires, lorsqu’ils ont délivré une autorisation illégale, de faire cesser cette illégalité. Supprimer cette possibilité ou réduire le délai, comme le suggère Élisabeth Lamure, entraînerait un report de ces situations directement vers le juge, ce qui serait source de contentieux, surtout si les travaux ont déjà commencé. Pour nous, la possibilité de retrait représente donc une véritable sécurité pour les projets.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est également défavorable aux amendements nos 388 rectifié et 745 rectifié, pour les mêmes raisons.
Interdire le retrait des décisions de non-opposition à déclaration préalable empêcherait de fait les élus de revenir sur des décisions illégales. Tout litige trouverait alors son issue devant un tribunal administratif, la responsabilité de la commune risquant de surcroît d’être engagée.
Limiter le délai de retrait des permis à deux mois priverait les maires de la possibilité de revenir sur une décision illégale. En effet, tout retrait devant être précédé d’une procédure contradictoire, un délai de deux mois serait extrêmement difficile à respecter en pratique.
J’ajoute que le délai de trois mois actuellement applicable aux autorisations d’urbanisme est déjà plus court que celui prévu dans le droit commun des actes administratifs, qui est de quatre mois.
Quant à l’amendement n° 1099 de la commission, nous y sommes favorables.
Mme Élisabeth Lamure. Nous retirons l’amendement n° 745 rectifié !
M. le président. L’amendement n° 745 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 1099.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 16 bis AAA est ainsi rédigé, et l’amendement n° 365 rectifié n’a plus d’objet.
Cet amendement n° 365 rectifié, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - Au deuxième alinéa de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux ».
Article 16 bis AA (nouveau)
Le cinquième alinéa de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans ce cas, le certificat d’urbanisme indique explicitement les motifs qui justifient, au regard de l’état d’avancement des études, la prise d’une telle décision fondée sur les dispositions de l’article L. 424-1. »
M. le président. L’amendement n° 1100, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’avant-dernier alinéa de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le certificat d’urbanisme précise alors expressément laquelle ou lesquelles des circonstances prévues par les deuxième à sixième alinéas de l’article L. 424-1 permettraient d’opposer le sursis à statuer. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique et rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l’article 16 bis AA est ainsi rédigé.
Article 16 bis A
L’article L. 425-14 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 425-14. – Sans préjudice du second alinéa de l’article L. 181-30 du code de l’environnement, lorsque le projet est soumis à autorisation environnementale, en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du même code, ou à déclaration, en application de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II dudit code, le permis ou la décision de non-opposition à déclaration préalable ne peut pas être mis en œuvre :
« 1° Avant la délivrance de l’autorisation environnementale mentionnée à l’article L. 181-1 du même code ;
« 2° Avant la décision d’acceptation, pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à déclaration en application du II de l’article L. 214-3 du même code. » – (Adopté.)
Article 16 bis
I. – Après le premier alinéa de l’article 15 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Il peut être dérogé, afin d’autoriser l’état provisoire du projet, aux exigences définies au premier alinéa de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme, à l’exception de l’application des règles relatives à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques et sous réserve du respect de ces exigences par l’état définitif du projet. Dans ce cas, le permis de construire ou d’aménager indique les prescriptions auxquelles il est dérogé et les motifs justifiant cette dérogation au regard de l’objet de la règle en cause et de l’utilisation provisoire de la construction ou de l’aménagement.
« Le bénéficiaire du permis de construire ou d’aménager dispose d’un délai maximal de cinq ans à compter de la date de la cérémonie de clôture des jeux Paralympiques pour réaliser le projet dans son état définitif. À défaut, ce bénéficiaire, ou son ayant droit, doit procéder, sans indemnité, dans un nouveau délai d’un an, à l’enlèvement de la construction ou à la suppression de l’aménagement et remettre, à ses frais, le terrain en l’état. En cas d’inobservation par le bénéficiaire, ou son ayant droit, de ce second délai, les peines prévues au premier alinéa de l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme lui sont applicables. Les articles L. 480-1, L. 480-5 à L. 480-9, L. 480-12 et L. 480-14 du même code sont également applicables. »
II (nouveau). – L’article 15 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est applicable aux projets de construction et d’aménagement nécessaires à la préparation, à l’organisation ou au déroulement des championnats du monde de ski alpin 2023. – (Adopté.)
Article 17
I. – Le chapitre III du titre II du livre IV du code de l’urbanisme est complété par des articles L. 423-2 et L. 423-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 423-2. – Les pièces des dossiers des demandes de permis et des déclarations préalables sont mises à la disposition de l’administration à des fins de contrôle, de traitement des taxes d’urbanisme, de suivi des changements relatifs aux propriétés bâties dans le cadre de l’assiette de la fiscalité directe locale, de mise en œuvre et de suivi des politiques publiques basées sur la construction neuve et de statistiques.
« Les modalités et conditions dans lesquelles l’autorité mentionnée à l’article L. 422-1 transmet aux autorités administratives compétentes les informations contenues dans ces demandes et déclarations sont précisées par le décret prévu à l’article L. 426-1.
« Art. L. 423-3. – Les communes dont le nombre total d’habitants est supérieur à 3 500 disposent d’une téléprocédure spécifique leur permettant de recevoir et d’instruire sous forme dématérialisée les demandes d’autorisation d’urbanisme déposées à compter du 1er janvier 2022. Elles peuvent mutualiser l’outil de gestion de cette téléprocédure au sein de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres.
« Un arrêté pris par le ministre chargé de l’urbanisme définit les modalités de mise en œuvre de cette téléprocédure. »
II. – (Non modifié) La seconde phrase de l’article L. 426-1 du code de l’urbanisme est supprimée.
III (nouveau). – L’article L. 422-8 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une collectivité peut avoir recours à un prestataire de droit privé pour assurer des missions liées à l’instruction des demandes visées ci-dessus, dès lors que celles-ci ne sont pas constitutives de l’instruction proprement dite, notamment la rédaction des actes. Cette possibilité s’exerce selon des modalités clairement précisées et à la condition de respecter les principes du non-intéressement du prestataire à l’instruction du permis ou de la déclaration déposée. »
M. le président. L’amendement n° 614, présenté par MM. Lurel, Daunis et Iacovelli, Mme Guillemot, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey et Lienemann, MM. P. Joly, Jomier et Kerrouche, Mmes Lubin, Monier et S. Robert, MM. Roger et Sueur, Mme Taillé-Polian, M. Temal, Mme Tocqueville, MM. Tourenne, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Remplacer le nombre :
3 500
par le nombre :
7 500
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Généraliser la dispense de téléprocédure créerait une inégalité qui nous paraît trop forte entre les habitants des petites et des moyennes villes, d’autant qu’un grand nombre de communes françaises ont moins de 7 500 habitants. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Cet amendement a pour objet de porter à 7 500 habitants le seuil à partir duquel les communes devront disposer d’une téléprocédure pour recevoir et instruire sous forme dématérialisée les demandes d’autorisation d’urbanisme.
L’article 17 instaure une téléprocédure obligatoire pour le traitement des demandes d’autorisation à compter du 1er janvier 2022, ce qui laisse tout de même beaucoup de marge. Cette disposition a vocation à s’appliquer aux communes dont le nombre d’habitants est supérieur à 3 500. Porter ce seuil à 7 500 habitants exonérerait un trop grand nombre de communes de l’obligation.
La dématérialisation vise évidemment à accélérer les procédures. Nous avons déjà parlé des demandes de pièces complémentaires qui sont en fait un moyen de retarder les procédures. Passer à la dématérialisation avec une liste de pièces très claire permettra de gagner du temps et facilitera beaucoup l’instruction. Les communes y ont intérêt. Je sais que c’est un investissement, que cela demande une préparation, mais nous laissons le délai nécessaire.
L’avis est donc défavorable sur l’amendement.
M. Victorin Lurel. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 614 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 356 rectifié bis, présenté par MM. Théophile, Dennemont et Karam, est ainsi libellé :
Alinéa 4, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Pour les communes qui ont moins de 3 500 habitants, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres ont obligation d’assurer en leur nom l’outil de gestion de cette téléprocédure.
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Alors que plus des trois quarts des communes comptent moins de 3 500 habitants, le présent amendement vise à éviter une rupture d’égalité entre les territoires dans la République numérique. Nous proposons que, pour les communes de moins de 3 500 habitants, la gestion de l’outil de dématérialisation soit déléguée à l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres.
M. le président. L’amendement n° 910 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 4, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Cette téléprocédure peur être mutualisée au travers du service en charge de l’instruction des actes d’urbanisme.
La parole est à Mme Dominique Vérien.
Mme Dominique Vérien. Il s’agit de rectifier les champs de services mutualisés afin de se conformer aux textes en vigueur et aux pratiques locales pour permettre une mutualisation de l’instruction des demandes entre les communes. Cet amendement rejoint le précédent, à ceci près qu’il n’y est question que de mutualisation, sans référence spécifique à l’EPCI.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 356 rectifié bis, car elle ne souhaite pas faire de la mutualisation au niveau de l’EPCI une obligation. La compétence d’instruction des permis appartient, dans la majorité des cas, aux communes. Une remontée forcée de la téléprocédure au niveau de l’EPCI risquerait de complexifier la situation.
En revanche, nous sommes favorables à l’amendement n° 910 rectifié, parce qu’il est utile de préciser que l’instruction des autorisations ne se réalise pas uniquement au niveau de la commune ou de l’EPCI. Contrairement à l’amendement n° 356 rectifié bis, qui tend à créer une obligation, celui-ci ménage la souplesse nécessaire pour s’adapter à la nouvelle obligation de téléprocédure, au niveau soit de la commune, soit de l’EPCI.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Nous sollicitons le retrait de l’amendement n° 356 rectifié bis et y serons défavorables s’il est maintenu. Les communes de moins de 3 500 habitants peuvent parfaitement réaliser une mutualisation avec l’intercommunalité, mais nous ne souhaitons pas que cela soit obligatoire.
La mutualisation se fera naturellement. On constate d’ailleurs déjà de nombreux transferts d’instruction d’autorisations relevant du droit des sols aux intercommunalités, sans qu’une obligation légale soit nécessaire. Il faut laisser ces petites communes libres de se doter d’outils informatiques, si elles le souhaitent, ou de mutualiser.
En ce qui concerne l’amendement n° 910 rectifié, l’avis est favorable.
M. le président. Monsieur Théophile, l’amendement n° 356 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Dominique Théophile. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 356 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 910 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 555 est présenté par M. Daunis, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 919 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec, Gabouty et Guérini et Mme Laborde.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Marc Daunis, pour présenter l’amendement n° 555.
M. Marc Daunis. La commission des affaires économiques a autorisé les collectivités à confier des missions liées à l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme.
Les auteurs de l’amendement adopté en commission font référence à la décision du tribunal administratif de Lyon du 4 mai 2017. Les conclusions du rapporteur public au tribunal administratif de Lyon rappellent qu’aucune disposition n’interdit à une collectivité d’avoir recours à un prestataire extérieur pour assurer des missions bien délimitées, dès lors que celles-ci ne sont pas constitutives de l’instruction proprement dite.
Il nous a paru utile de préciser le dispositif adopté en commission. Il s’avère que Mme la rapporteur a déposé un amendement visant à apporter cette précision. Notre groupe retire donc son amendement et votera celui de la rapporteur.
M. le président. L’amendement n° 555 est retiré.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 919 rectifié.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 7 et 8 de l’article 17, par lesquels la commission a consacré dans la loi la possibilité pour les collectivités de recourir à un prestataire privé afin d’assurer les missions liées à l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme, à condition qu’elles ne soient pas constitutives de l’instruction.
Cette mission constitue pour nous un service public administratif qu’il n’est pas souhaitable d’externaliser. La délimitation entre l’instruction à proprement parler et les missions liées n’est pas suffisamment précisée.
Toutefois – et pour bien finir… –, je retire cet amendement au profit de celui de la commission.
M. le président. L’amendement n° 919 rectifié est retiré.
L’amendement n° 1101, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Toute collectivité ou groupement de collectivités peut recourir à un prestataire de droit privé pour assurer des missions liées à l’instruction des demandes de permis ou de déclaration préalable, sans que les missions ainsi confiées puissent être constitutives de l’instruction elle-même. Les conditions dans lesquelles ces missions peuvent être confiées à un prestataire de droit privé dans le respect du principe de non-intéressement du prestataire à la délivrance des autorisations sont déterminées par un décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement rédactionnel renvoie à un décret en Conseil d’État pour la fixation des modalités du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié bis, présenté par MM. Paccaud, Babary et Bazin, Mme Bonfanti-Dossat, M. Brisson, Mmes Bruguière et Chain-Larché, MM. Charon et Cuypers, Mmes L. Darcos, Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Deseyne et Eustache-Brinio, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam, F. Gerbaud, Imbert et Lassarade, M. Lefèvre, Mme Lherbier, M. Longuet, Mme Lopez, MM. Meurant, Morisset, Pellevat, Perrin, Pierre, Priou, Raison, Rapin, Revet, Savin, Savary et Sido, Mme Thomas et M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - L’article L. 112-10 du code des relations entre le public et l’administration est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’elles n’ont pas les moyens suffisants, les articles L. 112-8 et L. 112-9 ne s’appliquent pas aux communes de moins de 500 habitants en matière d’urbanisme. »
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Par une ordonnance d’octobre 2015, l’administration a mis en place des téléservices réservés à l’accomplissement de certaines démarches administratives, notamment en matière d’urbanisme.
Le législateur a ainsi mis sur un même pied l’ensemble des communes. Or nous savons tous que les petites communes n’ont pas toutes les moyens de répondre à ces exigences, en termes de matériels, mais aussi, pour beaucoup d’entre elles, parce qu’elles sont malheureusement enclavées et privées d’une transmission de qualité.
C’est pourquoi cet amendement vise à permettre aux communes de moins de 500 habitants de déroger à la saisine obligatoire par voie électronique des autorisations en matière d’urbanisme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission a dispensé les communes de moins de 3 500 habitants de la mise en place de la procédure de réception et d’instruction des demandes. Cet amendement est donc satisfait et j’en sollicite le retrait.
M. Olivier Paccaud. Il est retiré !
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 17, modifié.
(L’article 17 est adopté.)
Article additionnel après l’article 17
M. le président. L’amendement n° 1016 rectifié, présenté par MM. Vall, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre et MM. Gabouty, Gold, Guérini, Guillaume, Menonville, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 422-8 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’instruction des demandes d’urbanisme a fait l’objet d’une redevance pour service rendu à la charge de la commune, celle-ci peut répercuter tout ou partie de ces frais au demandeur de l’autorisation d’urbanisme dans les conditions fixées par décret. »
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’avis est défavorable, parce que la commission ne souhaite pas mettre à la charge des administrés le coût de l’instruction de leur demande de projet. Le projet de loi vise à augmenter l’offre de logements et à dynamiser la construction. Faire supporter de nouveaux coûts aux promoteurs et aux administrés n’irait pas dans ce sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 135 amendements au cours de la journée ; il en reste 755.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 19 juillet 2018 :
À dix heures trente :
Une convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :
Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie relatif à l’emploi salarié des conjoints des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à l’emploi salarié des personnes à charge des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie relatif à l’exercice d’une activité rémunérée des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le conseil des ministres de la République d’Albanie relatif à l’emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre (n° 521, 2017-2018) ;
Rapport de Mme Hélène Conway-Mouret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 655, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 656, 2017-2018).
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (n° 567, 2017-2018) ;
Rapport de Mme Dominique Estrosi Sassone, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 630, 2017-2018) ;
Avis de M. Marc-Philippe Daubresse, fait au nom de la commission des lois (n° 604, 2017-2018) ;
Avis de M. Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 606, 2017-2018) ;
Avis de M. Patrick Chaize, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 608, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 631, 2017-2018).
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir : suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (n° 567, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 19 juillet 2018, à une heure trente.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD