M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, madame la sénatrice, pour les raisons précises que vient d’énoncer M. le rapporteur. Cette partie du texte est évidemment très favorable aux victimes.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Le sujet est techniquement délicat.
Je peux comprendre – et notre rapporteur a raison de le dire – que le tribunal reçoive par voie électronique, peut-être même au début de l’audience, la constitution de partie civile. Il faut permettre au prévenu et à son avocat d’en prendre connaissance et de pouvoir y répondre, notamment parce qu’il s’agit de montants financiers. Peut-être que notre exigence dans la rédaction de l’amendement est trop forte ! On aurait pu prévoir éventuellement un renvoi de l’affaire à une audience sur les intérêts civils.
Aussi, sous réserve de l’avis de Mme Harribey, je serais prêt à dire que nous allons retirer cet amendement. J’entends bien ce que vous dites les uns les autres. Il faut affiner sur le terrain. Peut-être que la rédaction de cet amendement n’est pas complètement satisfaisante. Si nous en sommes d’accord, nous allons le retirer.
M. le président. Madame Harribey, l’amendement n° 131 est-il maintenu ?
Mme Laurence Harribey. Nous allons le retirer, étant entendu que nous est ici proposée une avancée, comme je l’ai souligné, à l’instar du rapporteur. Mais le texte qui nous est présenté ne nous paraissait pas suffisamment sécurisé.
Nous retirons cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 131 est retiré.
Je mets aux voix l’article 26, modifié.
(L’article 26 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 26
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Joyandet, Charon, Fouché et Panunzi, Mme Giudicelli, M. Grosdidier, Mme Vermeillet, MM. Meurant et Paccaud, Mme Lherbier et MM. Laménie, Mandelli, Sol, Houpert et Revet, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 370 est ainsi rédigé :
« Art. 370. – Après avoir prononcé l’arrêt, le président avertit, s’il y a lieu, l’accusé et la partie civile de la faculté qui leur est accordée, selon les cas, d’interjeter appel ou de se pourvoir en cassation et leur fait connaître le délai d’appel ou de pourvoi. » ;
2° Le 4° de l’article 380-2 est complété par les mots : « ou en cas d’acquittement de l’accusé » ;
3° L’article 380-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La cour d’assises statuant en appel sur l’action publique peut, sur le seul appel de la partie civile, soit confirmer le jugement, soit l’infirmer en tout ou partie dans un sens défavorable à l’accusé. » ;
4° Après l’article 380-11, il est inséré un article 380-11-… ainsi rédigé :
« Art. 380-11-… – La partie civile peut se désister de son appel jusqu’à l’interrogatoire de l’accusé par le président prévu par l’article 272. »
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Afin de ne plus considérer la victime comme une demi-partie dans le déroulement du procès pénal, cet amendement prévoit de créer un droit d’appel pour les victimes en cas d’acquittement du criminel par la cour d’assises. Aujourd’hui, ce droit n’existe pas : la victime peut certes faire appel sur ses intérêts civils, mais elle ne peut pas demander la tenue d’un second procès pénal, qui pourrait aboutir à l’établissement de la culpabilité pénale du mis en cause.
Cette situation est souvent vécue comme un second traumatisme pour la victime. Car une décision d’acquittement ne signifie pas seulement que son agresseur présumé est innocenté : aux yeux de la société, c’est la victime elle-même qui devient une menteuse potentielle, ce qui est particulièrement ravageur dans les cas de violences sexuelles, parfois difficiles à prouver matériellement.
Il faut s’imaginer la détresse d’une victime qui voit le ministère public requérir une très lourde peine, puis ne pas faire appel de l’acquittement prononcé par la cour. Et cet exemple n’est pas isolé : entre 2003 et 2005, les cours d’assises d’appel n’ont eu à juger que 76 affaires dans lesquelles un acquittement avait été prononcé, alors que le nombre d’acquittements annuel dépasse les 200 – il était de 250 en 2006. Il ne fait donc pas de doute que la majorité des acquittements n’est pas frappée d’appel par le parquet.
Le droit d’appel de la victime en cas de relaxe serait en outre le prolongement naturel et cohérent des droits dont bénéficient actuellement les victimes. En effet, la victime déclenche l’enquête en portant plainte, peut passer outre un classement sans suite du procureur par une constitution de partie civile et a la capacité de faire appel des ordonnances de non-lieu du juge d’instruction. C’est pourquoi des magistrats éminents, comme Claude Mathon, avocat général près la Cour de cassation, ont pu défendre l’idée que le droit d’appel de la victime en cas de relaxe ou d’acquittement constituerait une mise en cohérence de notre système juridique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. En réalité, l’amendement n° 99 rectifié bis et le suivant, l’amendement n° 98 rectifié bis, ont le même objet, à savoir donner la possibilité à la partie civile d’interjeter appel de la décision rendue par la cour d’assises ou par le tribunal correctionnel, et appellent donc la même réponse : l’avis est défavorable.
La question de permettre à la partie civile d’interjeter appel de la décision pénale rendue est posée régulièrement lors de l’examen d’un texte pénal.
Ce n’est pas l’usage ni la tradition de notre justice pénale, pour une raison simple : celui qui exerce les poursuites et demande la sanction, c’est le procureur de la République ou l’avocat général, donc le ministère public. Au nom de l’État, il demande la sanction et requiert à l’audience. La victime est bien sûr présente à l’audience, mais elle est là pour obtenir réparation civile du dommage qu’elle a subi. Naturellement, elle est prise en compte dans la réparation civile, mais, pour juger de la gravité de l’acte, quel que soit le caractère de gravité, il revient au procureur de porter le procès. Le magistrat, le juge décide évidemment et les possibilités d’appel ne sont alors ouvertes qu’au procureur de la République ou au condamné lui-même, la victime ne pouvant pas elle-même faire appel, ce qui pourrait s’apparenter à certains égards à une forme de justice privée.
Nous connaissons les contentieux difficiles et les moments difficiles que vivent les victimes pendant les audiences, car celles-ci ont souvent été victimes d’agressions dramatiques, mais nous ne pouvons pas prendre le risque que la cour d’assises ou le tribunal correctionnel apparaissent à un moment ou à un autre comme un lieu où la vengeance privée s’exprime. Il est vraiment important de laisser la possibilité d’interjeter appel au ministère public.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’avis du Gouvernement est de même nature que celui que vient d’exprimer M. le rapporteur : il est évidemment défavorable. Aller dans le sens proposé constituerait une véritable révolution juridique, qui n’est en aucun cas conforme à notre droit.
L’article 1er du code de procédure pénale donne à la victime le droit de mettre en mouvement l’action publique, ce qui est logique dans la mesure où ce droit est la contrepartie du pouvoir de classement en opportunité du ministère public. Mais notre droit n’a jamais permis à la victime d’exercer elle-même l’action publique, ce rôle étant évidemment confié aux seuls magistrats du parquet, comme vient de le dire M. le rapporteur.
J’ajoute que, en pratique, le fait de permettre aux victimes de faire appel des acquittements prononcés par les cours d’assises, alors même que le parquet aurait estimé ne pas pouvoir faire appel, ne répondrait évidemment pas aux objectifs.
Comment peut-on imaginer un instant, alors que le ministère public lui-même estimerait l’appel inutile, que les cours d’assises pourraient déclarer l’accusé coupable ? D’ailleurs, en matière d’assises, il est prévu que seul le procureur général puisse faire appel d’un acquittement, ce pouvoir n’étant même pas donné au procureur de la République.
Comme vous le voyez, madame la sénatrice, l’appel doit être interjeté avec beaucoup de discernement. On ne peut donc pas donner un tel pouvoir à la victime elle-même. Les conclusions sont identiques pour l’amendement suivant en matière correctionnelle.
M. le président. J’appelle en discussion l’amendement n° 98 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Joyandet, Charon, Fouché et Panunzi, Mme Giudicelli, M. Grosdidier, Mme Vermeillet, MM. Paccaud et Meurant, Mme Lherbier et MM. Laménie, Mandelli, Sol, Houpert, D. Laurent et Revet, et ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 485 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Après avoir lu le jugement, le président ou l’un des juges avertit, s’il y a lieu, le prévenu et la partie civile de la faculté qui leur est accordée, selon les cas, d’interjeter appel ou de se pourvoir en cassation et leur fait connaître le délai d’appel ou de pourvoi. » ;
2° Le 3° de l’article 497 est ainsi rédigé :
« 3° À la partie civile, quant à ses intérêts civils ou en cas de relaxe du prévenu ; »
3° Le deuxième alinéa de l’article 515 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« La cour peut, statuant sur l’action publique sur le seul appel de la partie civile, soit confirmer le jugement, soit l’infirmer en tout ou partie dans un sens défavorable au prévenu.
« La cour ne peut, sur le seul appel du prévenu, du civilement responsable, de l’assureur de l’une de ces personnes ou de la partie civile quant à ses intérêts civils, aggraver le sort de l’appelant. »
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Madame la garde des sceaux, comme il s’agit de la victime, permettez-moi de vous faire remarquer que je suis sénateur et non pas sénatrice ; je n’ai pas encore changé de sexe…
M. Henri Leroy. Je constate que la commission des lois et la garde des sceaux ne veulent pas évoluer sur ce sujet, qui me paraît pourtant d’actualité. Cette proposition n’est pas le fait du hasard, pas plus qu’elle ne provient d’un courant d’idées, mais elle émane de nombreux magistrats.
Toutefois, dans la mesure où l’on ne veut pas avancer et que l’on veut toujours laisser la victime en demi-partie dans le procès pénal, je retire mes deux amendements.
M. le président. Les amendements nos 99 rectifié bis et 98 rectifié bis sont retirés.
L’amendement n° 70 rectifié bis, présenté par Mmes Micouleau et Di Folco, MM. Le Gleut, Mouiller et Lefèvre, Mmes Garriaud-Maylam et L. Darcos, MM. Schmitz et Danesi, Mme Deromedi, M. Kern, Mmes Delmont-Koropoulis et Sollogoub, MM. Panunzi, Louault et Henno, Mme N. Delattre, MM. Longuet, Cambon et Dallier, Mmes Deroche, Vullien et Procaccia, M. Chasseing, Mme Goy-Chavent, MM. A. Marc, Vogel, Maurey, Savin, Mandelli, Charon, Decool et Détraigne, Mme Berthet, M. Laménie, Mme Jouve, MM. Bonne, Sido, Bazin et Grand, Mme Puissat, MM. Daubresse, H. Leroy, Cardoux, Houpert, Chaize, Kennel, Savary et Bouchet, Mme Gruny, MM. J.M. Boyer, Karoutchi et Brisson et Mmes Bonfanti-Dossat, Imbert, Lamure et A.M. Bertrand, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre XXI du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et de certaines victimes » ;
2° Après l’article 706-63, il est inséré un article 706-63-… ainsi rédigé :
« Art. 706-63-… – Lorsqu’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public est victime, dans l’exercice de ses fonctions, de faits susceptibles de recevoir une qualification délictuelle ou criminelle, elle peut déposer plainte de façon anonyme. Le procès-verbal doit alors comporter, de façon précise, la fonction et le grade éventuel de cette personne, qui est assistée, tout au long de la procédure par un autre membre de son administration, qui signe les procès-verbaux en ses lieux et place.
« L’identité et l’adresse du plaignant sont inscrites dans un procès-verbal signé par l’intéressé, qui est versé dans un dossier distinct du dossier de la procédure. Elles sont également inscrites sur un registre côté et paraphé, qui est ouvert à cet effet au tribunal de grande instance.
« La personne peut se constituer partie civile et solliciter des dommages et intérêts après avoir constitué avocat. Les sommes allouées seront dues à l’avocat, à charge pour lui de les restituer à son client. »
La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement procède d’un constat.
De plus en plus d’agents publics agressés dans le cadre de leur mission renoncent à déposer plainte en leur nom, par crainte de représailles. Aussi, cet amendement vise à modifier le code de procédure pénale.
En effet, si les dispositions des articles 706–57 et suivants du code de procédure pénale organisent selon certaines modalités la protection des témoins, rien n’existe actuellement – je dis bien : rien – pour les victimes d’infractions qui ne souhaitent pas révéler leur propre identité. C’est notamment le cas pour certaines catégories d’agents publics particulièrement exposées aux agressions : le fait de devoir décliner son identité est peu incitatif pour déposer plainte.
L’objet de cet amendement est d’ouvrir la possibilité à l’administration de faire écran entre l’auteur des faits et son agent, permettant ainsi que l’identité de l’agent n’apparaisse pas en tant que telle. Ainsi, les agents publics pourront déposer plainte de façon anonyme lorsqu’ils sont victimes d’agressions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Cet amendement prévoit d’autoriser les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public à déposer plainte anonymement, dans le but de les protéger d’éventuelles représailles.
Le problème soulevé à travers cet amendement est réel ; il n’y a aucun doute sur ce point : des policiers ou des gendarmes notamment, mais aussi des enseignants ou des agents hospitaliers, pour ne citer que ces quelques exemples, peuvent être victimes d’agressions dans le cadre de leurs fonctions, et les craintes de représailles sont réelles.
Cependant, l’anonymat cadre mal avec certaines exigences de la procédure pénale : comment organiser éventuellement une confrontation entre la victime et l’auteur des faits sans dévoiler l’identité de celle-ci ?
Par ailleurs, il est à craindre que la protection apportée par l’anonymat ne soit, dans bien des cas, relative. On peut imaginer de nombreux cas où il sera très facile, pour ne pas dire extrêmement simple, de pouvoir déterminer l’auteur de la plainte. Aussi, l’effet risque d’être inverse à celui qui est recherché.
La solution proposée dans cet amendement ne nous paraît pas totalement satisfaisante sur le plan opérationnel. Il serait sans doute préférable de réfléchir à la manière de mieux protéger les victimes. À cet égard, le dispositif prévu en matière pénale comporte un certain nombre d’instruments : l’interdiction de paraître dans certains lieux ou d’entrer en relation avec certaines personnes, voire le placement en détention provisoire pour les personnes les plus dangereuses.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois souhaiterait, madame Micouleau, le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice – cette fois-ci, je ne me trompe pas… –, comme vient de le souligner M. le rapporteur, cet amendement me paraît pour partie excessif et pour partie satisfait.
Excessif, parce que, d’une manière générale, la qualité de victime permet difficilement de conserver un anonymat dans la procédure, dès lors qu’il s’agit d’une partie qui demande l’exercice d’un droit.
Pour partie satisfait, parce que l’objectif que vous poursuivez au travers de votre amendement trouve déjà des réponses dans le droit positif. Je pense notamment, madame la sénatrice, à l’article 15–4 du code de procédure pénale qui permet déjà aux enquêteurs – policiers, gendarmes et, par assimilation, douaniers – d’être identifiés dans les procès-verbaux d’enquête par un numéro lorsqu’il existe des risques d’atteinte à leur vie privée ou à leur intégrité ou à celle de leurs proches. Cet article permet également à ces enquêteurs, lorsqu’ils ont été autorisés à s’identifier par un numéro, de conserver ce mode d’identification s’ils se constituent parties civiles en raison d’une infraction dont ils auraient été victimes dans l’exercice de leur mission.
C’est la raison pour laquelle je vous propose également, madame la sénatrice, de retirer votre amendement, sinon je me verrai dans l’obligation d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Madame Micouleau, l’amendement n° 70 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Brigitte Micouleau. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 103 rectifié ter, présenté par MM. H. Leroy, Retailleau, Charon, Joyandet et Fouché, Mme Giudicelli, MM. Panunzi, Grosdidier et Meurant, Mme Vermeillet, MM. Paccaud, Laménie, Bonhomme, Cardoux et Mandelli, Mmes A.M. Bertrand et Deromedi et MM. Sol, Houpert et Revet, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3° du IV de l’article 707 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« 3° D’être informée, si elle le souhaite, des modalités d’exécution d’une peine privative de liberté, notamment les conditions de sortie d’incarcération, dans les cas et conditions prévus au présent code ; ».
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Cet amendement vise à permettre l’adoption en France d’un système moderne d’information post-sentencielle des victimes d’agression tel qu’il en existe déjà à l’étranger. Depuis vingt-cinq ans, on développe ce système aux États-Unis, ce qui permet d’y suivre 90 % de la population carcérale.
Ce système offrirait en effet une meilleure information et protection des victimes, une simplification des textes, un allégement des coûts. Cette solution permet à une victime de connaître le statut carcéral de son agresseur pratiquement en temps réel : s’il est incarcéré, s’il est transféré, tout ce qui touche l’application de la sentence. Elle s’inscrit pleinement dans la démarche de modernisation, de simplification et de rationalisation des coûts voulue par le Gouvernement dans le cadre de cette loi de programmation pour la justice. Elle permettrait enfin de pallier une situation génératrice d’angoisse pour les victimes, une situation dénoncée encore récemment par une partie de la doctrine juridique – Léa Castellon, La Place de la victime dans le procès pénal : « […] Lorsque les mesures d’aménagement de peine ne sont pas assorties d’une interdiction d’entrer en relation avec la victime ou la partie civile ne bénéficie que d’un éventuel droit à l’information. […] La décision d’informer la victime est laissée à la libre appréciation des juridictions d’application des peines, la victime ne peut donc pas se plaindre d’un manque d’information. Or, au regard de la sécurité de certaines victimes et du risque de récidive, il est nécessaire que la victime obtienne automatiquement, dès qu’elle en émet le souhait, des informations sur les conditions de sortie du condamné. »
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission des lois est favorable à l’amendement n° 103 rectifié ter, qui a été rectifié, comme nous l’avions demandé.
Cet amendement tend à élargir le droit à l’information des victimes, prévu à l’article 707 du code de procédure pénale, qui vise seulement la fin de l’exécution d’une peine privative de liberté. Les permissions de sortir seront désormais concernées.
Cette amélioration de l’information des victimes nous a paru être une préoccupation légitime.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’avis est défavorable. En effet, cette modification paraît excessive. Il nous semble préférable de maintenir les dispositions actuelles, telles qu’elles sont rédigées dans l’article 712–16–2 du code de procédure pénale, qui prévoit déjà, dans certains cas, l’information de la victime en cas de libération d’un condamné.
En effet, cet article dispose que, si le condamné se trouve en présence de la victime et si, au regard de la nature des faits ou de la personnalité de l’intéressé, il apparaît qu’une telle rencontre doit être évitée, les juridictions de l’application des peines doivent assortir les décisions de libération d’une interdiction d’entrer en relation avec la victime ou la partie civile et, le cas échéant, d’une interdiction de paraître à proximité de son domicile et de son lieu de travail. Le prononcé de cette interdiction est d’ailleurs obligatoire, sauf décision contraire spécialement motivée, lorsque la personne a été condamnée pour des infractions de nature sexuelle ou pour des violences graves, qui sont visées par le code de procédure pénale. La victime est donc avisée de la libération et de cette interdiction de contact, sauf si elle a fait connaître qu’elle ne le souhaitait pas.
Parce que des dispositions sont déjà prévues et me semblent suffisantes, je ne suis pas favorable à l’amendement que vous proposez, monsieur le sénateur.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 26.
L’amendement n° 101 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Joyandet, Charon, Panunzi et Grosdidier, Mmes Giudicelli et Vermeillet, MM. Meurant, Paccaud, Laménie et Mandelli, Mme Deromedi et MM. Sol, Houpert et Revet, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre V du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 712-6 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « , de même que celles de la partie civile ou de son avocat » ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « avocat », sont insérés les mots : « , de même que celui de la partie civile ou de son avocat » ;
2° La première phrase du second alinéa de l’article 712-7 est complétée par les mots : « , de même que celles de la partie civile ou de son avocat » ;
3° La première phrase du premier alinéa de l’article 712-13 est complétée par les mots : « ainsi que, le cas échéant, celles de l’avocat de la partie civile » ;
4° Le troisième alinéa de l’article 712-16-1 est ainsi rédigé :
« Les juridictions de l’application des peines informent, avant toute décision, la victime ou la partie civile, directement ou par l’intermédiaire de son avocat, qu’elle peut présenter ses observations par écrit dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette information. Elles informent également la partie civile qu’elle peut demander, dans ce même délai, à être présente ou représentée lors du débat contradictoire prévu aux articles 712-6, 712-7 et 712-13. Le présent alinéa n’est pas applicable lorsque la victime ou la partie civile, directement ou par l’intermédiaire de son avocat, a expressément demandé à ne pas être informée des mesures d’aménagement de peine visant le condamné. » ;
5° L’avant-dernier alinéa de l’article 730 est supprimé.
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Cet amendement vise à donner une place plus importante aux victimes au stade de l’application de la peine. Parce que la protection physique de la victime est parfois en jeu et que sa reconstruction psychologique passe par l’exécution complète de la peine, il importe que celle-ci puisse être présente, ou représentée, lors de toute décision tendant à libérer le condamné avant la fin de sa peine.
Il est utile de faire participer la partie civile aux débats contradictoires précédant les jugements de première instance des juridictions d’application des peines relatifs aux mesures de placement à l’extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et de suspension de peines, de placement sous surveillance électronique et de libération conditionnelle, mais également aux décisions de relèvement de la période de sûreté.
Ce dispositif permettrait par ailleurs de revenir sur la suppression, en 2009, des dispositions issues de la loi Clément du 12 décembre 2005 aux termes desquelles l’avocat de la victime peut faire valoir son point de vue sur les décisions d’allégement et d’aménagement de peine relevant du tribunal de l’application des peines. Le dispositif proposé est toutefois plus large que les dispositions précitées, car il porte sur toutes les mesures d’aménagement de peine, qu’elles relèvent du juge de l’application des peines, en référence à l’article 712–6 du code de procédure pénale, ou du tribunal de l’application des peines, en vertu de l’article 712–7 du même code.
En outre, l’article 712–13 est modifié afin que l’avocat de la partie civile puisse aussi faire valoir ses observations lors du débat contradictoire dans le cadre de l’appel des décisions des juridictions de l’application des peines. Si la victime ne peut faire appel des décisions des juridictions de l’application des peines, elle se voit toutefois accorder le droit d’y faire valoir ses observations par le biais de son avocat, à l’instar du condamné.
Enfin, dans un souci de coordination, le dernier alinéa de l’article 730, devenu inutile et redondant, est supprimé.