M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous rejoignons les analyses de M. le corapporteur et de M. le président de la commission.
Monsieur Leroy, je souhaite revenir sur la motivation qui vous a poussé à déposer cet amendement. En droit pénal, il existe non seulement la légitime défense, mais aussi l’état de nécessité, l’excuse de provocation, toute une série de dispositions permettant de prendre en compte les circonstances de l’infraction. La personne peut ne pas être punissable parce qu’elle est en état de légitime défense ou en état de nécessité. Elle peut également être moins punissable, car elle bénéficie de l’excuse de provocation.
Nous ne partageons pas les propositions extrêmes qui sont les vôtres. Quoi qu’il en soit, je souhaitais compléter votre présentation, en indiquant qu’il existe déjà dans notre législation toute une série de dispositifs permettant de prendre en compte les états que vous évoquez.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 105 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 106 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Joyandet, Charon et Duplomb, Mme Giudicelli, MM. Panunzi et Grosdidier, Mme Vermeillet, MM. Meurant, Paccaud, Laménie, Mandelli et Fouché, Mme A.M. Bertrand, M. J.M. Boyer, Mme Deromedi et MM. Sol, Houpert, D. Laurent et Revet, est ainsi libellé :
Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 122–6 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au 1°, les mots : « de nuit, » sont supprimés ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« …° Pour repousser l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu de travail. »
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Les présomptions de légitime défense sont souvent dévoyées par la jurisprudence. Or une telle position paraît totalement déconnectée des situations de violence et des réalités du terrain.
Cet amendement vise à adapter le droit de la légitime défense aux contingences de la réalité contemporaine, notamment à celles auxquelles sont confrontées les personnes attaquées à leur domicile, de jour comme de nuit, avec la montée en puissance du phénomène ultraviolent dit de home jacking. Il en va de même pour les commerçants, de plus en plus nombreux à être agressés sur leur lieu de travail. Nous sommes au XXIe siècle, nous ne sommes plus au XIXe ni même au XXe siècle !
Ces braquages sont si nombreux que le présent projet de loi de programmation pour la justice envisage la création d’un tribunal criminel, afin de désengorger notamment de ce type de contentieux les cours d’assises.
L’explosion de la délinquance violente et la multiplication des actes de défense excusables imposent de faire évoluer notre droit et d’élargir ainsi les cas de présomption de légitime défense.
Il convient tout d’abord de sanctuariser le domicile. Là où la loi n’offre une présomption de légitime défense que « pour repousser, de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité », il convient de supprimer la référence à la nuit, pour élargir une telle présomption aux entrées diurnes.
Ensuite, les cas de présomption de légitime défense doivent être étendus aux commerçants sur leur lieu de travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons développées sur l’amendement n° 105 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Sur cet amendement, le Gouvernement tient le même raisonnement que précédemment.
S’agissant de la forme, il s’agit d’une disposition pénale de fond. Or ce texte porte sur la simplification de la procédure pénale. Si je n’ai pas l’assurance qu’il s’agit d’un cavalier législatif, j’estime qu’il existe toutefois une forte probabilité.
Sur le fond, une extension de la présomption de légitime défense aux intrusions de jour dans un domicile, avec une conception large du domicile, peut paraître excessive. Si je comprends parfaitement les motivations qui vous conduisent à une telle proposition, je considère qu’elle serait difficile à mettre en œuvre.
En effet, si l’on peut admettre qu’une personne puisse se méprendre, la nuit, sur l’identité de celui ou celle qui commet l’intrusion, une telle méprise paraît plus problématique le jour.
Il paraîtrait ainsi peu opportun qu’une personne qui tire sur des policiers venant perquisitionner son domicile puisse invoquer une présomption de légitime défense, résultant de sa crainte ou sa surprise.
Mon exemple est caricatural, j’en conviens. Je veux simplement dire, monsieur le sénateur, qu’il n’est pas simple d’envisager dans quels cas pourrait jouer réellement la légitime défense.
M. le président. La parole est à M. Henri Leroy, pour explication de vote.
M. Henri Leroy. Par respect pour mes concitoyens des Alpes-Maritimes, qui sont en permanence cambriolés, agressés, violentés, je ne peux pas retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je regarde les choses simplement, avec bon sens. Vous êtes dans votre domicile, de nuit. Un braqueur arrive avec un couteau, il est prêt à vous poignarder. Vous avez la possibilité de vous défendre, conformément à la règle actuelle concernant la légitime défense, qui doit être proportionnée.
Quelle est la différence avec le jour ? De jour, un braqueur entre chez vous avec un couteau, il veut vous poignarder. Et vous n’avez pas le droit de vous défendre, parce que vous n’êtes pas en état de légitime défense ! Je ne savais même pas qu’une telle distinction existait !
Admettons que je possède un fusil. Si un braqueur rentre chez moi, de nuit comme de jour, avant de faire le veau, je ferai d’abord le boucher ! (Protestations.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je veux dire à quel point je suis sensible à la préoccupation de M. Leroy, pour les raisons qu’il a clairement indiquées et que nous connaissons bien.
Monsieur le rapporteur, je ne peux pas être d’accord avec votre position sur cet amendement, qui n’a rien à voir avec l’amendement n° 105 rectifié bis.
J’ai été sensible à l’analyse de M. le président de la commission concernant les états d’excitation, de désarroi, de crainte et de terreur, qui sont susceptibles de poser de vrais problèmes d’interprétation au juge.
Mais, dans le cadre de cet amendement, le contexte est tout à fait différent.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. C’est pareil !
M. André Reichardt. Les termes sont clairs : il s’agit d’effraction, de violence ou de ruse dans un lieu de travail, de jour comme de nuit. À mes yeux, la difficulté d’application d’une telle disposition n’est pas aussi patente que pour ce qui concerne l’amendement précédent.
Je ne peux pas être d’accord avec cette façon de rejeter un amendement obéissant à une considération évidente, par des explications qui n’en sont pas.
Très franchement, cet amendement mérite à tout le moins de la considération. C’est la raison pour laquelle je le voterai.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous parlons ici non pas de légitime défense, mais de présomption de légitime défense, ce qui n’est pas la même chose.
Il y a légitime défense lorsque quelqu’un vient porter atteinte à votre intégrité physique et que vous réagissez de manière immédiate et proportionnée, conformément à l’exemple que vous citiez vous-même : en plein jour, une personne vient vous agresser ; vous êtes surpris et réagissez de manière immédiate et proportionnée. Dans ce cadre, la charge de la preuve reposera sur vous, puisque vous vous êtes défendu et que vous êtes mis en cause.
Or, dans le cadre de cet amendement, il s’agit de présomption de légitime défense visant à faciliter la charge de la preuve, ce qui n’est pas la même chose.
Je voulais simplement apporter une telle précision, relative à la charge de la preuve.
M. André Reichardt. C’est clair !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Que les choses soient claires, il existe, en matière de légitime défense, deux régimes.
Le régime ordinaire, qui ne fait pas l’objet de l’amendement, suppose une réaction proportionnée et immédiate à l’agression, ce qui permet d’être exonéré de sa responsabilité en cas de blessure ou d’homicide.
Si vous punissez votre agresseur le lendemain de l’agression, vous n’êtes bien évidemment pas en état de légitime défense. Il faut également que la réplique soit nécessaire : si vous ne vous étiez pas défendu, vous auriez pu être victime de l’agression et vous ne seriez plus là pour en parler.
Bien évidemment, la personne qui plaide la légitime défense doit réunir ces conditions et le prouver.
Dans sa sagesse, le législateur – c’est-à-dire nous, mes chers collègues ! – a institué dans l’article 122-6 du code pénal un régime de légitime défense simplifié dans les cas où il n’est pas nécessaire de démontrer que la réaction est proportionnée, immédiate et nécessaire. En réalité, c’est cela que l’on appelle la présomption de légitime défense.
M. André Reichardt. C’est ça !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Qui dit présomption dit que vous n’avez pas besoin d’apporter une preuve. Le juge ou votre adversaire devra administrer la preuve contraire alors que, de votre côté, vous n’avez rien à prouver. C’est plus facile.
Je vais reprendre à mon compte le bon sens que notre collègue Laurent Duplomb a très justement exprimé : pourquoi la règle n’est-elle pas la même la nuit et le jour ? C’est parce que le jour on y voit clair et que la nuit on y voit mal ! (Rires.) C’est très simple et c’est du bon sens, mon cher collègue.
M. André Reichardt. Et si on allume la lumière alors ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La nuit, vous ne saviez pas que la personne n’avait pas de couteau ou de pistolet et vous avez tiré : vous êtes dans un cas de présomption de légitime défense. En revanche, le jour, vous étiez en mesure de voir si elle avait un couteau ou un pistolet et, dans l’hypothèse où elle n’en avait pas et où vous avez tiré, vous allez devoir administrer la preuve devant le tribunal ou la cour d’assises que vous étiez bien en situation de légitime défense.
Je crois que c’est assez normal, que notre loi n’est pas si mal faite et que le Parlement, qui a déjà eu l’occasion de délibérer de ces questions à de nombreuses reprises, ne fait pas toujours si mal son travail. Nous ne sommes pas aussi démunis qu’on peut le penser pour faire face aux difficultés.
C’est la raison pour laquelle je suis d’accord pour rechercher le plus possible de nouvelles règles qui nous permettent de mieux lutter contre la délinquance et qui permettent à ceux qui se sont défendus légitimement de faire valoir leurs droits. Là, en revanche, je crois qu’on en arriverait à des situations que vous ne voudriez pas voir opposer à votre fils, à votre frère ou à votre neveu.
Prenons garde à ce que les règles restent bien équilibrées, même si la ligne directrice de notre politique est quand même d’aller vers plus de sécurité et de faire en sorte que les individus puissent se défendre. Simplement, cela ne doit pas se faire à n’importe quel prix ! Je crois qu’il faut être très attentif, au moment de légiférer, à bien peser toutes les conséquences imprévues des textes que nous pourrions adopter.
M. le président. La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Je veux dire à M. Reichardt, qui m’a interpellé tout à l’heure, qu’à mon tour je l’incite à réfléchir sur le sens que peut revêtir l’idée d’inscrire dans la loi une présomption de légitime défense. Dans cette enceinte, nous sommes un certain nombre de juristes. Nous ne le sommes pas tous naturellement, mais nous faisons la loi et, en tous les cas, nous participons activement à son élaboration.
Instaurer dans notre droit positif une présomption de légitime défense revient à ouvrir des champs que l’on ne maîtrisera pas, que l’on ne contrôlera pas, avec des risques extrêmement importants…
M. Laurent Duplomb. Cela existe déjà la nuit !
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Monsieur Duplomb, la jurisprudence et le texte que vous avez évoqués tout à l’heure pour les agressions et les intrusions de nuit sont constants et se sont maintenus au fil du temps. Il n’y a pas de difficulté en la matière. (MM. André Reichardt et Laurent Duplomb protestent.)
Je ne vous ai pas coupé la parole, mes chers collègues. Avec cet amendement, vous créez une difficulté en instaurant une présomption de légitime défense. Nous sommes peu éloignés, en tous les cas à quelques encablures, de donner l’autorisation à n’importe qui de pouvoir utiliser une arme et de tuer.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Voilà ! Je vous le dis comme je le pense. C’est ma conviction, et elle est profonde. Je ne louvoie pas sur un tel sujet, parce qu’il est grave.
Alors, réfléchissez bien avant de vous prononcer sur cet amendement aux conséquences de votre vote. Et je peux vous dire que je ne suis pas laxiste en la matière, mais à un moment il faut quand même savoir où fixer les limites ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour explication de vote.
M. Dany Wattebled. Je veux simplement ajouter qu’il faudrait aussi parler de la notion d’obscurité. En effet, quand la nuit démarre-t-elle vraiment ? Et quand le jour finit-il ? Surtout, imaginons que pour une raison ou une autre, les volets soient fermés ! (Exclamations amusées.) Pour avoir une transaction intelligente entre les deux, parlons plutôt d’obscurité, car le jour peut devenir la nuit, et vice-versa. Si on tombe sur un jour de pleine lune…
Mme Esther Benbassa. Oh là là, que de poésie !
M. Dany Wattebled. … ou sur une éclipse, on est confronté à des situations différentes.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 106 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 107 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Joyandet, Charon et Fouché, Mme Giudicelli, MM. Panunzi et Grosdidier, Mme Vermeillet, MM. Meurant, Paccaud, Reichardt, Laménie et Mandelli, Mmes A.M. Bertrand et Deromedi et MM. Houpert, D. Laurent et Revet, est ainsi libellé :
Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les premier et deuxième alinéas de l’article 720-4 du code de procédure pénale sont abrogés.
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Le présent amendement a pour objet de rendre incompressibles les périodes de sûreté. La période de sûreté prévue par l’article 132-23 du code pénal repose sur l’idée que la cour d’assises, au vu de la gravité des faits, de la personnalité de l’accusé et des risques de récidive, doit pouvoir s’assurer qu’une partie au moins de la peine d’enfermement qu’elle prononce sera exécutée avec certitude, sans aucune libération anticipée possible. Dès lors qu’une marge d’appréciation de la juridiction d’application reste possible pour le restant de la peine prononcée, rien ne justifie que celle-ci puisse également écarter ou réduire la période de sûreté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Je souhaite apporter quelques précisions au sujet de cet amendement.
Celui-ci vise à supprimer la possibilité pour le tribunal de l’application des peines de relever ou de réduire au bout de trente ans la période de sûreté illimitée qui couvre une peine à perpétuité. Des amendements similaires ont déjà été rejetés à propos de la perpétuité réelle applicable aux terroristes dans le cadre de l’examen de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé.
En effet, le fait de supprimer pour le tribunal de l’application des peines la possibilité de relever cette période de sûreté est contraire à notre Constitution, ainsi qu’à la Convention européenne des droits de l’homme. Dans sa décision du 20 janvier 1994, le Conseil constitutionnel a rappelé que l’exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion.
Aussi, si le Conseil n’a pas déclaré la peine de perpétuité incompressible, prévue par les dispositions des articles 221-3 et 221-4 du code pénal, contraire au principe de nécessité des peines, c’est en raison de la procédure prévue justement par les dispositions de l’article 720-4 du code de procédure pénale, qui permet le réexamen de la situation du condamné par le tribunal de l’application des peines à titre exceptionnel et à l’issue d’une période minimale de trente ans, lorsque le condamné manifeste des gages sérieux de réadaptation sociale.
De plus, si l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme n’interdit pas aux États d’infliger des peines perpétuelles aux auteurs d’infractions graves, la Cour européenne, quant à elle, exige que soient prévues la possibilité d’un réexamen et une chance d’élargissement de la peine au moins après trente ans. L’impossibilité d’un réexamen par l’autorité judiciaire de la peine dans la perspective de la commuer, de la suspendre, d’y mettre fin ou de la poursuivre, est contraire aux dispositions de l’article 3 de la convention prohibant les peines et traitements inhumains et dégradants.
Il ne paraît donc pas possible, sous peine de constituer un traitement inhumain et dégradant, de ne pas prévoir un réexamen d’une peine au-delà de trente ans.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri Leroy. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 107 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 32 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa du I de l’article 77-2, les mots : « Dans le cas où une telle demande lui a été présentée, » sont supprimés ;
2° L’article 63-4-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « consulter », sont insérés les mots : « l’entier dossier de la procédure, » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « consulter », sont insérés les mots : « le procès-verbal de notification de ses droits établi en application de l’article 63-1, le certificat médical établi en application de l’article 63-3 ainsi que ses procès-verbaux d’audition et de confrontation outre ».
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Section …
Dispositions améliorant le contradictoire dans l’enquête préliminaire
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement tend à insérer un article additionnel dans le projet de loi, afin de renforcer le contradictoire dans le cadre de l’enquête préliminaire.
Nous faisons en effet le constat d’un droit résiduel en matière d’information de l’avocat pendant la garde à vue. Or, d’une manière générale, l’équité d’une procédure pénale requiert que le suspect jouisse de la possibilité de se faire assister par un avocat dès le moment où il est placé en garde à vue. Ainsi, il s’agit d’améliorer l’accès au dossier dès le début de la procédure, tant pour le prévenu que pour l’avocat.
Cet amendement vise tout d’abord à renforcer les droits de la défense dans l’enquête préliminaire, en imposant au parquet, avant qu’il n’engage des poursuites, l’obligation d’adresser systématiquement un avis à tous les mis en cause, leur signifiant la possibilité de consulter le dossier, d’émettre des demandes ou des observations avant toute décision définitive du ministère public. De manière concrète, le procureur de la République devra aviser les parties de la mise à disposition d’une copie de la procédure et de la faculté de formuler des observations.
Le présent amendement tend également à permettre à l’avocat de disposer de l’accès au dossier de la procédure dès la garde à vue de son client. Il faut le rappeler, le droit d’accès de l’avocat aux pièces du dossier est prévu par l’article 7 de la directive 2012/13/UE du 22 mai 2012, dès lors qu’une personne est arrêtée et détenue à n’importe quel stade de la procédure pénale.
Souhaitant aller vers un droit de la défense plus effectif et un contradictoire plus efficient, nous proposons un amendement dans ce sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Cet amendement a pour objet de renforcer les droits de la défense au stade de la garde à vue et au cours de l’enquête préliminaire. Nous sommes naturellement attachés aux droits de la défense, ainsi que nous l’avons démontré à l’occasion de l’examen de ce texte.
Il faut cependant être attentif à concilier cette préoccupation avec celle de l’efficacité et de la rapidité des enquêtes, en veillant à ne pas dupliquer au stade de l’enquête préliminaire le formalisme prévu dans le cadre des informations judiciaires.
Du point de vue de la commission des lois, l’amendement paraît aller à rebours de l’objectif de simplification. La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
La communication de l’entier dossier de la procédure à l’avocat au cours de la garde à vue constitue, de mon point de vue, une complication importante de la procédure pénale qui, je l’ai dit tout à l’heure, n’est pas exigée par les textes européens et, plus particulièrement, par la directive déjà citée du 22 mai 2012.
Par ailleurs, la modification introduite par votre amendement, madame la sénatrice, conduit à une différence assez peu justifiée entre la personne qui est assistée d’un avocat et qui, dès lors, aurait accès à son entier dossier, et celle qui, n’étant pas représentée, n’aurait accès qu’à certaines pièces de la procédure.
En outre, la systématisation du contradictoire à la clôture de l’enquête ajoute une forme de rigidité et de lourdeur qui s’inscrit à rebours de l’objectif de simplification et d’efficacité qui est recherché.
Alors que dans le souci d’une bonne administration de la justice, le projet de loi que je défends favorise une clôture de l’instruction plus rapide, votre amendement tend au contraire à imposer systématiquement au parquet d’attendre un mois avant d’engager des poursuites lors de toute enquête, et ce alors même que les parties ne souhaiteraient faire aucune observation ou demande d’actes.
Cette lourdeur est d’autant plus inutile, me semble-t-il, que la loi, plus particulièrement l’article 388-5 du code de procédure pénale, permet déjà aux parties de demander tout acte qu’elles estimeraient utile à la manifestation de la vérité après l’engagement des poursuites jusqu’à l’audience.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Section 3
Dispositions propres à l’instruction
Sous-section 1
Dispositions relatives à l’ouverture de l’information
Article 34
I. – L’article 706-104 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« Art. 706-104. – Pour les investigations relatives aux infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1, lorsqu’il requiert l’ouverture d’une information, le procureur de la République peut, si la recherche de la manifestation de la vérité nécessite que les investigations en cours ne fassent l’objet d’aucune interruption, autoriser les officiers et agents de police judiciaire des services ou unités de police judiciaire qui étaient chargés de l’enquête à poursuivre les opérations prévues aux articles 60-4, 77-1-4, 230-32 à 230-35, 706-80, 706-81, 706-95-1, 706-95-20, 706-96 et 706-102-1 pendant une durée ne pouvant excéder quarante-huit heures à compter de la délivrance du réquisitoire introductif. Cette autorisation fait l’objet d’une ordonnance écrite, spéciale et motivée, qui mentionne les actes dont la poursuite a été autorisée.
« Le juge d’instruction peut à tout moment mettre un terme à ces opérations.
« L’autorisation délivrée par le procureur de la République n’est versée au dossier de la procédure qu’en même temps que les procès-verbaux relatant l’exécution et constatant l’achèvement des actes dont la poursuite a été autorisée et qui ont, le cas échéant, été prolongés par le juge d’instruction. »
II. – Le deuxième alinéa de l’article 85 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° À la première phrase, les mots : « trois mois s’est écoulé depuis qu’elle a déposé plainte devant ce magistrat » sont remplacés par les mots : « six mois depuis qu’elle a déposé sa plainte » ;
3° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la victime a exercé son action civile devant une juridiction civile pendant le délai de six mois prévu au présent alinéa, les dispositions de l’article 5 du présent code ne lui interdisent pas de se constituer partie civile devant le juge d’instruction après s’être désistée de l’instance civile. »
III. – Après la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 86 du code de procédure pénale, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque les investigations réalisées au cours de l’enquête effectuée à la suite de la plainte déposée conformément au deuxième alinéa de l’article 85 ont permis d’établir qu’une personne majeure mise en cause pour les faits de nature délictuelle reprochés par la victime pourrait faire l’objet de poursuites, mais que l’action publique n’a pas été mise en mouvement par le procureur de la République, celui-ci peut également requérir du juge d’instruction de rendre une ordonnance de non-lieu à informer, tout en invitant la partie civile à engager des poursuites par voie de citation directe. »
III bis (nouveau). – A la seconde phrase du premier alinéa de l’article 392-1 du code de procédure pénale, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « dernier ».
IV. – Après le deuxième alinéa de l’article 392-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où la citation directe est délivrée par la partie civile à la suite d’une ordonnance du juge d’instruction de refus d’informer prise conformément à la troisième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 86, la consignation qui a pu être versée en application de l’article 88 est considérée comme constituant la consignation prévue au présent article. »
V. – L’article 706-24-2 du code de procédure pénale est abrogé.
VI (nouveau). – À l’avant-dernier alinéa de l’article 173 du code de procédure pénale, la référence : « V » est remplacée par la référence : « IX ».