M. Dany Wattebled. Cet amendement vise à pouvoir considérer juridiquement les données issues d’objets connectés dans le cadre d’une enquête judiciaire, au titre de l’accusation ou de la défense.
Il fait suite à la loi du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation et à l’affaire américaine dite du « bracelet Fitbit », bracelet connecté qui avait permis la résolution d’un meurtre en mai 2017.
De nombreux objets connectés permettent en effet de connaître la géolocalisation, le rythme cardiaque, ou encore l’utilisation des appareils électroniques d’un lieu donné. Il est donc nécessaire que ces éléments matériels puissent être mobilisés devant une cour, dans le cadre d’une accusation ou d’une défense.
En droit français, le principe est que la preuve admissible est libre en matière civile – à l’exception d’actes tels que des contrats –, administrative et pénale, ce qui offre aux avocats ou aux procureurs la possibilité de produire de telles données devant un tribunal à l’appui de leurs demandes.
Ils peuvent aussi solliciter du juge une ordonnance judiciaire pour obtenir des prestataires les données collectées concernant la partie adverse ou un tiers au procès, si de telles données peuvent éclairer le tribunal.
Dans le cadre des enquêtes policières, la loi précitée prévoit déjà la possibilité pour la police judiciaire d’utiliser « tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel », ce qui avait été clairement établi lors des débats, comme la possibilité de géolocaliser n’importe quel objet connecté, soit directement par ses coordonnées GPS, s’il en émet, soit par le truchement des réseaux fixes ou mobiles auxquels il est connecté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Par principe, la commission des lois n’est pas très favorable aux rapports en tout genre.
Toutefois, en l’espèce, eu égard à la particularité du sujet, elle émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Par principe, le Gouvernement n’est pas très favorable aux rapports en tout genre ; en l’espèce, il ne l’est pas non plus à l’amendement. (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 32.
Sous-section 2
Dispositions diverses de simplification
Article 33
I. – Après la première phrase du second alinéa de l’article 43 du code de procédure pénale, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Si la personne en cause est en relation avec des magistrats ou fonctionnaires de la cour d’appel, le procureur général peut transmettre la procédure au procureur général près la cour d’appel la plus proche, afin que celui-ci la transmette au procureur de la République auprès du tribunal de grande instance le plus proche. »
II. – Après la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article 60 du code de procédure pénale, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ces personnes peuvent également, en le mentionnant dans leur rapport, replacer sous scellés les objets examinés, et placer sous scellés les objets résultant de leur examen ; en particulier, les médecins requis pour pratiquer une autopsie ou un examen médical peuvent placer sous scellés les prélèvements effectués. »
III. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 234-4 est ainsi modifié :
a) Les deux occurrences du mot : « et » sont remplacées par le mot : « ou » ;
b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « À cette fin, l’officier ou l’agent de police judiciaire peut requérir un médecin, un interne, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine à titre de remplaçant ou un infirmier pour effectuer une prise de sang. » ;
1° bis (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 234-5, les deux occurrences du mot : « et » sont remplacées par le mot : « ou » ;
2° L’article L. 234-9 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « officiers », sont insérés les mots : « ou agents » et les mots : « de ceux-ci, les agents de police judiciaire et » sont remplacés par les mots : « des officiers de police judiciaire, » ;
b) (nouveau) Au troisième alinéa, les deux occurrences du mot : « et » sont remplacées par le mot : « ou » ;
3° L’article L. 235-2 est ainsi modifié :
a) Au quatrième alinéa, après le mot : « officiers », sont insérés les mots : « ou agents » et les mots : « de ceux-ci, les agents de police judiciaire et » sont remplacés par les mots : « des officiers de police judiciaire, » ;
b) Le cinquième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « À cette fin, l’officier ou l’agent de police judiciaire peut requérir un médecin, un interne, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine à titre de remplaçant ou un infirmier pour effectuer une prise de sang. »
M. le président. L’amendement n° 53 rectifié bis, présenté par Mme Lherbier, MM. Allizard, Babary, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mme Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mme Duranton, M. Émorine, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles et Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Grand et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houpert, Hugonet et Huré, Mmes Imbert et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Magras, Mme Malet, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon et de Montgolfier, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Priou, Mme Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin, Retailleau, Revet, Savary, Savin, Schmitz, Segouin, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vogel, Vaspart et Paccaud, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
peut transmettre
par le mot :
transmet
La parole est à Mme Marie Mercier.
Mme Marie Mercier. L’article 33 prévoit la possibilité de dépaysement d’une enquête devant le tribunal le plus proche d’une cour d’appel la plus proche quand est en cause une personne en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la cour d’appel.
Cet amendement tend à transformer cette possibilité de dépaysement en obligation, afin d’éviter tout risque de conflit d’intérêts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
Il s’agit en effet d’introduire un élément de rigidité, là où il convient de préserver une certaine souplesse dans l’appréciation au cas par cas des relations qui peuvent exister entre la personne mise en cause et les magistrats susceptibles de juger l’affaire ou les fonctionnaires de la cour d’appel. Le dépaysement doit pouvoir être décidé seulement si les relations apparaissent comme étant de nature à remettre en cause l’impartialité de la cour. Il convient donc de conserver une approche factuelle de la situation, le dépaysement ne devant pas être un principe absolu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 53 rectifié bis est-il maintenu, madame Mercier ?
Mme Marie Mercier. Je ne retire pas cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 68 rectifié bis, présenté par Mme M. Mercier, MM. Babary et Bazin, Mme Berthet, MM. Bizet, Bonhomme et Bonne, Mme Bories, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mme Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mme Duranton, M. Émorine, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Hugonet, Huré et Husson, Mmes Imbert et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mme Micouleau, MM. Milon, de Montgolfier, Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Priou, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin, Retailleau, Revet, Savary, Savin, Schmitz, Segouin, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vogel, Vaspart et Paccaud, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après la première phrase du quatrième alinéa de l’article 114 du code de procédure pénale, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Toutefois l’avocat missionné par le représentant d’un enfant victime peut s’en faire délivrer copie dès sa constitution de partie civile. »
La parole est à Mme Marie Mercier.
Mme Marie Mercier. La spécialisation de la justice pénale des mineurs implique de tout mettre en œuvre pour tenir compte de cette spécificité, notamment pour assurer une défense adaptée à l’enfant. C’est pourquoi les auteurs de cet amendement souhaitent apporter des garanties spécifiques de procédure, en adaptant les règles applicables aux majeurs au droit des mineurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, estimant que le droit positif satisfait ses auteurs. Le conseil de la victime peut parfaitement avoir accès au dossier, il n’existe aucune difficulté particulière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement. À défaut, il se verra contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 68 rectifié bis est-il maintenu, madame Mercier ?
Mme Marie Mercier. Cet amendement étant satisfait, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 68 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 169 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Pellevat, Courtial, Savary et Bascher, Mmes Berthet, Imbert et de Cidrac, MM. Milon, Laménie, Cuypers, Bonhomme, Dallier, H. Leroy et Lefèvre, Mme Lherbier et M. Revet, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 10
Remplacer ces alinéas par seize alinéas ainsi rédigés :
1° Au premier alinéa de l’article L. 234-3, les mots : « et, sur l’ordre et sous la responsabilité desdits officiers de police judiciaire, » sont remplacés par le mot : « ou » ;
2° L’article L. 234-4 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou les agents de police judiciaire adjoints » ;
b) Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Lorsque la vérification réalisée par un agent de police judiciaire adjoint fait apparaître un des délits prévus à l’article L. 234-1, il rend compte immédiatement de la concentration d’alcool dans le sang à tout officier… » ;
c) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
- les deux occurrences du mot : « et » sont remplacés par le mot : » ou » ;
- est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « À cette fin l’officier ou l’agent de police judiciaire peut requérir un médecin, un interne, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine à titre de remplaçant, ou un infirmier pour effectuer une prise de sang. » ;
…° Au premier alinéa de l’article L. 234-5, les deux occurrences du mot : « et » sont remplacées par le mot : « ou » ;
…° L’article L. 234-9 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- après le mot : « officiers », sont insérés les mots : « ou agents » et après le mot : « compétents », sont insérés les mots : « ou les agents de police judiciaire adjoints » ;
- les mots : « et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints » sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou les agents de police judiciaire adjoints » ;
c) Au troisième alinéa, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou les agents de police judiciaire adjoints » et les deux occurrences du mot : « et » sont remplacées par le mot : « ou » ;
d) Le dernier alinéa est ainsi rédigé : « Lorsque la vérification réalisée par un agent de police judiciaire adjoint fait apparaître un des délits prévus à l’article L. 234-1, il rend compte immédiatement de la concentration d’alcool dans les conditions prévues à l’article L. 234-4 du présent code. » ;
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Le présent article modifie le code de la route, afin de simplifier les procédures de dépistage des conducteurs en matière d’alcoolémie ou d’usage de stupéfiant, en permettant qu’elles soient effectuées par des agents de police judiciaire ou par des infirmiers.
En tant qu’agents de police judiciaire adjoints, ou APJA, les policiers municipaux ne peuvent aujourd’hui que constater l’existence d’un état alcoolique, sous la responsabilité d’un OPJ, sans pouvoir procéder aux vérifications destinées à établir la preuve de l’état alcoolique par la mesure précise de la concentration d’alcool dans le sang.
En cas de présomption de l’existence d’un état alcoolique, ils doivent en rendre compte immédiatement à tout OPJ territorialement compétent, qui peut ordonner la présentation sur-le-champ de la personne concernée.
Ils doivent ainsi transporter l’individu auprès d’un OPJ. En pratique, ils se voient confier par l’OPJ les vérifications du taux d’alcoolémie. Ainsi, ils peuvent donc être mobilisés plusieurs heures pour la procédure.
Il est par conséquent proposé d’élargir la simplification prévue par le projet de loi aux APJA, tout en prévoyant l’intervention de l’OPJ en cas de taux délictuel supérieur à 0,8 gramme. Entre 0,5 gramme et 0,8 gramme, les APJA pourraient directement établir l’amende.
Il s’agit là d’une véritable simplification permettant de mieux lutter contre l’alcool au volant.
M. le président. L’amendement n° 150, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Après les mots :
l’officier ou
insérer les mots :
, sur l’ordre et sous la responsabilité de celui-ci,
II. – Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
IV. – Alinéa 13
Après les mots :
l’officier ou
insérer les mots :
, sur l’ordre et sous la responsabilité de celui-ci,
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. L’article 33 du projet de loi comporte trois mesures de simplification de l’enquête.
Concernant les règles relatives aux contrôles d’alcoolémie et d’usage de stupéfiants sur les conducteurs, il prévoit de confier aux agents de police judiciaire, les APJ, la possibilité de prendre seuls l’initiative d’un contrôle.
En l’état du droit, l’initiative des contrôles d’alcoolémie ou d’usage de stupéfiants sur les conducteurs est prise soit sur instructions du procureur de la République, soit sur l’initiative d’un officier de police judiciaire. Le contrôle peut alors être effectué par des APJ ou des agents de police judiciaire adjoints, sur les instructions et sous la responsabilité de l’officier de police judiciaire.
La mesure proposée par l’article 33 du projet de loi n’est pas neutre. Elle permettrait notamment à un élève gendarme ou à un policier stagiaire de prendre seul, sans supervision ni contrôle d’un professionnel de plein exercice, l’initiative de contrôles routiers d’alcoolémie.
Le fait de confier l’initiative de ces contrôles aux APJ, qui justifient d’un niveau de formation procédurale moindre et font l’objet d’un contrôle plus réduit, risque de fragiliser la qualité procédurale des opérations menées.
Nous estimons donc qu’il convient d’en rester au niveau de garantie assuré par le droit en vigueur, les agents de police judiciaire pouvant d’ores et déjà être chargés de la réalisation concrète des opérations. Seuls l’initiative et le contrôle d’un officier de police judiciaire sont requis par la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission des lois est défavorable à ces deux amendements, dont les objets sont différents.
Le projet de loi permet l’accroissement des mesures de simplification en matière d’enquête.
L’amendement n° 169 rectifié bis vise à élargir un peu plus les dispositions proposées, en donnant plus de pouvoirs aux officiers municipaux en matière de contrôle de conduite en état d’ivresse. C’est d’ores et déjà possible, puisque les policiers municipaux peuvent intervenir sur ordre ou sous la responsabilité d’un OPJ.
Quant à l’amendement n° 150, il tend à restreindre les dispositions introduites par le projet de loi.
La commission estimant le texte équilibré, elle émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
L’amendement n° 150 vise à supprimer les dispositions du projet de loi permettant de reconnaître la compétence des agents de police judiciaire pour réaliser ces dépistages. À l’inverse, l’amendement n° 169 rectifié bis tend à aller au-delà de ces dispositions, en étendant cette compétence aux agents de police judiciaire adjoints, donc à la police municipale.
Permettre que les procédures de dépistage des conducteurs en matière d’alcoolémie ou d’usage de stupéfiants soient effectuées par des agents de police judiciaire constitue une simplification extrêmement attendue par l’ensemble des acteurs de terrain. Elle a même fait l’unanimité lors de la consultation des praticiens dans le cadre des chantiers de la justice, comme l’ont d’ailleurs relevé MM. Beaume et Natali, qui ont rédigé le rapport auquel il a été fait plusieurs fois allusion.
Pour autant, le Gouvernement ne souhaite pas, comme il est proposé par l’amendement n° 169 rectifié bis, étendre cette compétence aux agents de police judiciaire adjoints et, donc, à la police municipale. En effet, il est du rôle non pas de la police municipale, mais de la police nationale ou de la gendarmerie nationale de réaliser ces dépistages.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 169 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 33, modifié.
(L’article 33 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 33
M. le président. L’amendement n° 105 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Joyandet et Charon, Mme Giudicelli, MM. Panunzi et Grosdidier, Mme Vermeillet, MM. Meurant, Paccaud, Laménie, Mandelli et Fouché, Mmes A.M. Bertrand et Deromedi et MM. Sol, D Laurent et Revet, est ainsi libellé :
Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 122-5 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« N’est pas pénalement responsable la personne qui, en repoussant une agression, a excédé les limites de la légitime défense, en raison d’un état excusable d’excitation, de désarroi, de crainte, de terreur ou de saisissement causé par l’agression. »
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Le droit français est aujourd’hui dominé par une interprétation extrêmement restrictive des conditions d’admission de la légitime défense, allant parfois jusqu’à dénaturer les textes applicables. La position qui prédomine repose sur une appréciation purement générale et abstraite des critères de la légitime défense. Or elle paraît totalement déconnectée des situations de violence et des réalités du terrain.
Plusieurs droits étrangers privilégient au contraire une conception plus pragmatique et réaliste du droit de la légitime défense, en considérant l’état dans lequel se trouvait la victime quand elle a riposté.
En Allemagne, la notion de peur est prise en compte. L’article 33 du code pénal allemand énonce que « si par désarroi, crainte ou terreur, l’auteur dépasse les limites de la légitime défense, il n’est pas puni ». En Suisse, l’article 16 du code pénal helvétique prévoit que la victime n’a pas agi de manière coupable, si, en repoussant une attaque, elle a excédé les limites de la légitime défense dans « un état excusable d’excitation ou de saisissement causé par l’attaque ».
Cet amendement vise à adapter le droit de la légitime défense aux contingences de la réalité contemporaine, notamment à celles que connaissent les commerçants agressés sur leur lieu de travail. L’explosion de la délinquance violente et la multiplication des actes de défense excusables imposent de faire évoluer notre droit et de prendre en compte, parmi les critères d’évaluation de la légitimité des actes de défense, l’état de la victime causé par la nécessité de se défendre en situation vitale.
Le présent amendement vise donc à insérer à l’article 122-5 du code pénal, parmi les critères d’évaluation de la légitimité des actes de défense, la prise en compte de l’état de la victime au moment de sa riposte. Modernisons-nous un peu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Je le dis très clairement, la commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement.
Elle considère en effet que celui-ci vise à étendre de façon très importante le champ d’application de la légitime défense, dont la définition est aujourd’hui très stricte, puisque la riposte à l’attaque doit être à la fois immédiate et proportionnée. Il est difficile de renoncer à ces critères, qui sont des critères objectifs. Introduire les références évoquées dans cet amendement, telles qu’un état excusable d’excitation ou de saisissement causé par l’attaque paraît ainsi très compliqué. On l’imagine aisément, les conséquences juridiques seraient particulièrement complexes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, pour les raisons indiquées par M. le rapporteur.
Par ailleurs, je le souligne, il s’agit d’introduire une disposition de droit pénal de fond, alors que ce projet de loi a pour objet la simplification de la procédure pénale.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Naturellement, nous sommes obligés de respecter la motivation de nos collègues qui ont déposé cet amendement, parce que le sujet est réel. Le policier, la personne des forces de l’ordre placée dans une situation d’agression et de réplique immédiate, peut commettre une maladresse, notamment un tir mal dirigé, entraînant des conséquences qui ne relèveraient pas, en pur droit, de la légitime défense.
Tout comme je me méfie toujours des sanctions automatiques dans le droit pénal, les dispositions en question me paraissent s’apparenter à une absolution automatique. Le plus simple est de faire confiance au juge.
Si une situation dramatique empêche le policier ou le gendarme de calibrer sa réplique, le juge tiendra compte de ce facteur atténuant. Quand on observe ce qui se passe devant les tribunaux correctionnels pour de tels drames, la justice est, me semble-t-il, juste.
M. le président. La parole est à M. Henri Leroy, pour explication de vote.
M. Henri Leroy. Je ne pensais pas aux forces de l’ordre, mais aux commerçants, qui se font écharper dans leurs commerces, ainsi qu’aux personnes qui se font attaquer de jour comme de nuit à leur domicile, qui se font rouer de coups, bâillonner et maltraiter, ce qui les rend parfois infirmes.
Pourquoi les Allemands et les Suisses ont-ils adopté de telles mesures, alors que nous restons bloqués dans un système en inadéquation avec l’évolution de la délinquance et de la violence ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Comme mon collègue Alain Richard, je comprends très bien la préoccupation de notre collègue Henri Leroy, qui est membre de la commission des lois. Toutefois, je veux appeler son attention sur les conséquences d’un tel amendement. Mettons-nous dans la situation de quelqu’un en état de crainte, de peur, état qui peut concerner, à un moment donné, chacun d’entre nous.
Quand un tel état sera-t-il excusable ? Qui détermine ce qui est excusable et ce qui ne l’est pas ? Même s’il est excusable d’avoir peur, de quelle agression s’agit-il ? Quelqu’un a-t-il menacé de le tuer ? A-t-il utilisé une arme à feu pour répondre à un délinquant qui l’agressait à mains nues ? A-t-il tué, pour faire face à une agression dans son commerce ? Est-il légitime de tuer soi-même un délinquant, alors qu’il n’y a pas de proportionnalité entre la réplique et l’acte d’agression ?
Il y a là de nombreuses incertitudes. Jusqu’à présent, la notion de responsabilité pénale est plutôt réservée aux criminels atteints de graves affections psychiques, qui sont exonérés de leur responsabilité. Or il n’est pas fait ici mention d’un état psychique abolissant le discernement de la personne en cause et empêchant une réaction proportionnée à l’agression.
En réalité, l’adoption de cet amendement, dont je partage pourtant les motivations, aboutirait à un résultat tellement disproportionné que je ne vois pas un seul juge de France faire application d’une telle disposition, tant ses effets seraient disproportionnés par rapport aux fins poursuivies.
C’est pourquoi nous avons longuement débattu, mes collègues, sur la nécessité de ne pas donner aux procureurs de pouvoirs excessifs. Nous devons en effet respecter un certain nombre de principes fondamentaux de notre République. Je crains fort qu’un tel amendement, s’il était adopté, s’il passait le cap de l’examen du Conseil constitutionnel, ne parvienne pas à remplir l’objectif poursuivi. En effet, les magistrats seraient enclins à souligner la disproportion entre l’agression et la réplique, considérant l’état de la personne agressée comme inexcusable. Ils appliqueraient ainsi les autres articles du code pénal et renverraient chacun à sa propre responsabilité. Dans notre pays, on ne se fait pas justice soi-même !