Mme Nicole Duranton. Très bien !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Certaines dispositions trop rigides ou peu adaptées à la réalité des communes nouvelles compliquent la vie des élus locaux, fragilisent les bases de la commune nouvelle et découragent les élus les moins investis. Il convient de les assouplir.
La question de la vacance des sièges de conseiller municipal pose dans les communes, notamment durant la première période, de grosses difficultés, pour l’élection du maire et des adjoints ou si plus d’un tiers des sièges sont vacants. Les pourvoir sur la base des élections dans chaque commune historique n’est pas possible dans les communes nouvelles.
Écarter strictement pour les communes nouvelles l’application des règles de droit commun nous semble porter une atteinte plus importante que nécessaire au principe de complétude du conseil municipal.
Cependant, quelques aménagements spécifiques sont nécessaires pour remédier à certains blocages. Ainsi, il convient de déroger à la règle de complétude du conseil municipal pour la première élection du maire de la commune. En cas de vacance de plus d’un tiers des sièges au conseil municipal ou de la moitié la dernière année du mandat, des élections intégrales devront être organisées. L’effectif ne sera ramené à celui de droit commun qu’à la date prévue, afin d’éviter les effets d’aubaine ou une réduction trop rapide du nombre de conseillers.
Forts de leur expérience de terrain, plusieurs de nos collègues sénateurs ont déposé des amendements visant à simplifier, à rationaliser ou à mutualiser le fonctionnement des communes nouvelles. Ils sont conformes à l’esprit pragmatique de la proposition de loi, qu’il s’agisse de la suppression de tout ou partie des communes déléguées ou encore de la possibilité de délocaliser le conseil municipal dans les mairies annexes.
Enfin, l’existence de conseils municipaux pléthoriques introduit une certaine lourdeur dans le fonctionnement de la commune nouvelle. La possibilité de déléguer à un collège formé du maire et des adjoints tout ou partie des attributions qui peuvent être déléguées au maire répond à la demande de souplesse des élus des communes nouvelles.
La prise en compte de la diversité des territoires dans l’organisation territoriale est une attente forte des élus locaux. C’est tout l’objet de la « commune-communauté » ou « communauté-commune » issue de l’imagination fertile de l’auteur de la proposition de loi. Si ce modèle n’a pas vocation à s’imposer partout, il autorise les communes nouvelles regroupant toutes les communes d’un ou de plusieurs EPCI à fiscalité propre à ne pas adhérer à un autre EPCI. Ces entités exerceront à la fois les compétences communales et les compétences intercommunales.
Il s’agit non pas de dépecer des intercommunalités existantes, mais de permettre à des communautés de conserver une taille raisonnable, tout en parachevant leur processus d’intégration en se transformant en commune nouvelle. C’est aussi le moyen de simplifier l’architecture institutionnelle locale.
Alexis de Tocqueville affirmait que « la commune est l’école de la liberté, elle la met à la portée du peuple ». La proximité communale constitue toujours le socle de notre démocratie locale. La commune nouvelle est une voie de modernisation de l’échelon communal. La proposition de loi de la sénatrice Françoise Gatel, enrichie des apports de la commission des lois, contribuera par sa recherche de souplesse, d’agilité et d’adaptabilité à pérenniser la commune, en permettant aux élus locaux de faire du sur mesure. Loin des grands bouleversements institutionnels, elle offre la liberté d’une révolution silencieuse en marche ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. En marche, vraiment ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, « révolution silencieuse » : c’est l’expression employée par Mme Françoise Gatel dans son rapport d’information de 2016 pour qualifier la multiplication des communes nouvelles en France. Je la reprends à mon compte, il s’agit bien d’une véritable révolution !
Après l’échec du dispositif « Marcellin » de 1971, les lois des 16 décembre 2010 et 16 mars 2015 ont permis un rapprochement des communes sur une base entièrement volontaire. Au 1er janvier 2018, nous comptions près de 560 communes nouvelles, regroupant environ 1 900 communes et un peu plus de 1,9 million d’habitants. Quel succès en si peu de temps !
Au cours des quarante dernières années, la France a connu plusieurs mouvements de décentralisation. Aujourd’hui, nous souhaitons franchir une étape supplémentaire, en brisant le carcan uniforme hérité de la Révolution. Le Président de la République l’a dit lui-même, nous souhaitons faire du sur mesure, créer un droit à la différence.
Le statut de commune nouvelle s’inscrit parfaitement dans cette dynamique. Créer une commune nouvelle est une faculté ouverte aux élus locaux, en aucun cas une obligation.
Bien entendu, l’État accompagnera les communes qui veulent se regrouper en commune nouvelle. La semaine dernière, le Gouvernement a d’ailleurs émis un avis favorable sur un amendement présenté ici même par la sénatrice Françoise Gatel et tendant à faciliter la création de communes nouvelles. A ainsi été adoptée une mesure permettant de proroger la bonification de DGF de 5 % pour toutes les communes nouvelles créées entre le 2 janvier 2019 et le 1er janvier 2021.
M. Loïc Hervé. C’est Noël !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Mais je veux être clair, car j’ai parfois entendu s’exprimer ici ou là des inquiétudes : l’État ne forcera jamais la main aux élus.
Mme Cécile Cukierman. Un peu quand même, en baissant les dotations !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il s’agit d’un acte de liberté, d’une décision relevant de leur libre administration.
Au cours des dernières années, certains territoires ont été particulièrement avant-gardistes en matière de communes nouvelles. Je pense notamment aux départements du Nord-Ouest, comme le Maine-et-Loire, la Manche, monsieur le président Bas, l’Orne, le Calvados ou l’Eure.
Après ce point de contexte utile sur les communes nouvelles, j’en viens à la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui.
Tout d’abord, j’aimerais rappeler la méthode de travail qui a été retenue, celle de la concertation, et même de la coproduction.
En effet, convaincu de la pertinence d’un tel texte législatif, le Gouvernement a travaillé, en amont de cette séance publique, avec la sénatrice Françoise Gatel et la rapporteur Agnès Canayer pour bâtir des équilibres.
Mme Françoise Gatel. Oui !
M. Sébastien Lecornu, ministre. J’en profite d’ailleurs pour saluer leur investissement personnel sur ce sujet et la démarche bienveillante et constructive qu’elles ont adoptée.
Sachez que, en parallèle, Jacqueline Gourault et moi-même avons souhaité adresser une lettre à l’ensemble des associations d’élus pour recueillir leurs avis et ainsi éclairer nos positions sur cette proposition de loi. Nous avons eu des retours écrits de l’AdCF, Assemblée des communautés de France, de l’AMF, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, et de France Urbaine, ainsi que des échanges directs avec l’AMRF, Association des maires ruraux de France. Cela a considérablement nourri nos réflexions.
Mme Cécile Cukierman. Si même France Urbaine a donné son avis…
M. Sébastien Lecornu, ministre. Bien entendu, tout n’est pas encore parfait, mais la proposition de loi a déjà positivement évolué grâce au travail mené en commission des lois. Je souhaite que cette méthode serve de modèle pour l’élaboration des prochains textes relatifs aux collectivités territoriales et qu’elle continue à prévaloir lors de la navette en ce qui concerne cette proposition de loi.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, je souhaite vraiment que ce texte soit rapidement examiné par l’Assemblée nationale et qu’un travail de co-construction entre les sénateurs et les députés soit conduit en bonne intelligence. En effet, ce texte est conforme à l’esprit qui nous anime depuis maintenant deux mois au ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales : sur mesure, adaptation aux territoires et souplesse, tels sont nos mots d’ordre.
M. Éric Kerrouche. C’est un mouvement récent…
M. Sébastien Lecornu, ministre. Ma nomination est en effet récente, monsieur le sénateur… (Sourires.)
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, l’une des premières commandes passées aux préfets de l’ensemble des départements a été de nous faire remonter les contraintes, parfois injustifiées, auxquelles sont confrontés les élus. Ce travail se poursuivra avec vous et avec des élus directement.
C’est le sens de cette proposition de loi, qui cherche à accompagner les mutations, tout en levant les blocages ou les incohérences qui peuvent exister.
Ainsi, plusieurs dispositions de la proposition de loi vont dans la bonne direction.
Concernant l’article 1er relatif à la composition du conseil municipal, l’objectif est simple : traiter la situation de communes nouvelles qui regroupent beaucoup de communes, mais une population relativement faible.
Actuellement, au cours de la période transitoire, entre le premier et le deuxième renouvellement, le conseil municipal est composé d’un nombre d’élus correspondant à celui de la strate démographique supérieure. Or, dans certains cas, cela amène une chute considérable du nombre de conseillers municipaux. Prenons l’exemple de Livarot-Pays d’Auge, dans le Calvados, qui a été évoqué par Mme la rapporteur : 22 communes fusionnées, une population totale de 6 552 habitants, 234 conseillers municipaux au début, 33 seulement après le premier renouvellement. La proposition qui est faite est de permettre, si cela est plus avantageux, d’avoir un nombre de conseillers municipaux équivalent au tiers des élus du conseil municipal de départ. Ainsi, pour reprendre l’exemple précédent, nous aboutirions à 79 élus au lieu de 33, ce qui permet un lissage important, une transition plus douce. Le Gouvernement est favorable à cette règle du tiers, promue également par l’AdCF, car les communes déléguées doivent être représentées dans les meilleures conditions, sans pour autant que les assemblées délibératives ne soient pléthoriques.
En outre, dans cet article, ont été neutralisées, sur l’initiative de la rapporteur, les conséquences de l’augmentation du nombre de conseillers municipaux sur le nombre de délégués sénatoriaux. Cela est parfaitement logique : rien ne justifie que les communes nouvelles aient un poids excessif dans la désignation des futurs sénateurs. Il s’agit d’un impératif démocratique qui, je le crois, vous touche très directement…
L’article 2 a trait à la création facultative d’une commission permanente. Cette disposition a été supprimée en commission, et je crois que c’est plutôt une bonne chose. On trouve certes de telles instances au sein des conseils départementaux et régionaux, mais je ne suis pas certain qu’il faille créer une structure identique pour les communes nouvelles.
En revanche, le modèle des intercommunalités peut être intéressant à suivre : il s’agit de permettre au conseil municipal, au cours de la période transitoire, de déléguer des compétences non seulement au maire, mais également à un collège réunissant l’ensemble des adjoints. Tant que cela ne porte que sur des matières pouvant faire l’objet d’une délégation du conseil municipal et que les pouvoirs propres du maire, notamment de police, ne sont pas remis en cause, j’y suis favorable. C’est l’objet de l’amendement déposé par le sénateur Hervé au nom du groupe Union Centriste que vous examinerez tout à l’heure.
Le dispositif de l’article 3, qui concerne la complétude du conseil municipal, a le mérite de sécuriser le processus de création d’une commune nouvelle, en évitant que la démission d’un conseiller municipal qui interviendrait entre l’arrêté de création et la nomination du maire de la commune nouvelle ne vienne ébranler le projet dans son ensemble. Cela permet également d’éviter qu’un élu isolé ne prenne en otage un projet soutenu par une très forte majorité. Le Gouvernement est favorable à ce dispositif.
L’article 4 est relatif à la création d’un nouveau statut de « commune-communauté ». La commission des lois a fait un important travail de réécriture de cet article qui crée, nous devons en être conscients, un nouveau type de collectivité. On peut légitimement se demander pourquoi on ne permettrait pas à une commune nouvelle dont le périmètre correspond à celui d’un EPCI de changer de statut pour exercer des compétences à la fois communales et intercommunales.
Cependant, le Gouvernement émet à ce titre deux observations particulières.
Tout d’abord, la « commune-communauté » ne doit pas servir de prétexte au détricotage de la carte intercommunale, comme l’a également rappelé l’AdCF.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Loïc Hervé. On est d’accord !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Dans la rédaction actuelle de la proposition de loi, il est permis aux communes limitrophes d’un EPCI à fiscalité propre souhaitant devenir une « commune-communauté » de le rejoindre. Madame la rapporteur, votre amendement visant à supprimer cette disposition nous satisfait, car nous ne voulons pas fragiliser la carte des EPCI existants, répondant en cela au besoin de stabilité exprimé par les maires.
Ensuite, il faut que soit mesurées, au cours de la navette parlementaire, toutes les conséquences de la création de cette collectivité, commune et intercommunalité à la fois, en matières juridique et institutionnelle, mais aussi, et surtout, en matière financière.
Si la majeure partie des dispositions nous convient, nous avons toutefois noté quelques points qui nous paraissent, en l’état, constituer potentiellement des facteurs de fragilisation des communes nouvelles.
En ce qui concerne tout d’abord les seuils, l’article 6, introduit en commission, vise à en neutraliser de manière temporaire les effets. Ainsi, les communes nouvelles pourraient déroger pendant trois ans à certains seuils, notamment en matière de logements sociaux et d’aires d’accueil des gens du voyage.
L’intention est parfaitement louable et compréhensible, mais une réflexion plus approfondie et une étude d’impact sont nécessaires pour appréhender toutes les conséquences d’une telle mesure en matière de politiques publiques et d’aménagement du territoire.
Prenons l’exemple de la loi SRU, que nous connaissons tous. Le droit actuel prévoit d’ores et déjà que les communes nouvellement soumises au seuil prévu par cette loi soient exonérées de pénalités pendant trois ans. Est-il nécessaire d’aller au-delà ? Je n’en suis pas certain.
Ainsi, la liberté territoriale dans l’organisation institutionnelle et la nécessaire souplesse qu’elle suppose ne peuvent pas constituer un élément de fragilisation d’autres pans de nos politiques publiques.
Par ailleurs, la loi ÉLAN a apporté des adaptations pragmatiques pour les communes nouvelles, sans remettre en cause les fondamentaux de la loi SRU.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je connais, enfin, votre attachement à ce que les communes nouvelles soient traitées comme des communes à part entière. De nombreux sénateurs ont eu l’occasion de le dire lors de débats précédents, notamment lors de l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2019. Mme la rapporteur l’a elle-même rappelé au nom de la commission des lois.
Concernant l’avenir des mairies annexes et la suppression des communes déléguées, l’un des objectifs de la création de communes nouvelles étant de mutualiser des moyens et de réaliser des économies d’échelle, il est pertinent de vouloir réduire le nombre de mairies annexes. Je comprends donc l’esprit des amendements déposés par le président Hervé Maurey, d’ailleurs issus d’une proposition de loi qu’il avait rédigée.
Par ailleurs, il me paraît raisonnable de permettre la suppression de communes déléguées, sur une partie du territoire seulement, si et seulement si le conseil de la commune nouvelle, avec l’accord du maire de la commune déléguée et, le cas échéant, du conseil de la commune déléguée, le décide. Faisons confiance à nos élus locaux pour s’organiser librement et efficacement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, malgré ces quelques remarques, le Gouvernement est largement favorable à cette proposition de loi, qui répond aux attentes des élus locaux désireux de créer des communes nouvelles dans les meilleures conditions et, j’y insiste, librement.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Cécile Cukierman. Mais avec de fortes contraintes !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Au-delà de la discussion que nous allons avoir aujourd’hui, je souhaite que la navette parlementaire soit l’occasion d’un travail partagé, recherchant le bon équilibre entre souplesse territoriale et respect des grands principes qui nous animent. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Mmes Françoise Gatel et Sonia de la Provôté, M. Arnaud de Belenet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, chers collègues, le succès n’a pas été immédiat, mais il est aujourd’hui incontestable : la commune nouvelle est bel et bien une « révolution silencieuse », pour reprendre le titre d’un rapport de nos collègues Christian Manable et Françoise Gatel, et elle intéresse de plus en plus nos collègues élus locaux.
Des chiffres ont été évoqués, je n’y reviendrai pas. Je n’en citerai qu’un : au 1er janvier 2019, c’est encore près de 200 « nouvelles communes nouvelles » qui devraient voir le jour.
Si le succès est là, la création d’une commune nouvelle suscite encore des inquiétudes, des réticences dans les territoires. Certaines de ces réticences portent non pas sur l’aboutissement du projet, mais sur les modalités de la transition.
Notre collègue Françoise Gatel nous propose aujourd’hui non pas seulement de réformer le statut de la commune nouvelle, mais plus simplement de lever les réticences que je viens d’évoquer et que l’on retrouve dans de nombreux territoires et de faciliter la transition.
L’objet de ce texte n’est évidemment pas de contraindre les élus qui ne le voudraient pas à créer des communes nouvelles. Il ne s’agit pas non plus de mettre en place un nouveau mécanisme d’incitations financières. Plusieurs collègues ont d’ailleurs dénoncé, en commission, les dérives auxquelles on a pu parfois aboutir en se focalisant exclusivement sur ces incitations. En effet, si l’on décide de se marier, on ne peut pas le faire uniquement pour l’argent. (Sourires.) C’est aussi simple et vertueux que cela !
Cela ne doit pas nous empêcher de nous réjouir que le Sénat ait adopté, dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », la prolongation pour deux années du « pacte de stabilité financière » dont bénéficient les communes nouvelles. Pourvu, monsieur le ministre, que cette incitation perdure dans la mouture finale du budget de la Nation !
Mais ce coup de pouce financier ne fait pas tout. Pour qu’une commune nouvelle puisse se créer, et surtout pour qu’elle puisse perdurer, il faut, comme pour une intercommunalité qui fonctionne bien, un réel projet commun, une volonté profonde, partagée et non équivoque des élus et de la population.
Certains collègues ont évoqué, en commission, des exemples de communes nouvelles qui ne fonctionnent pas ou mal. C’est vraiment dommage, mais, le plus souvent, l’explication est assez facile à donner : ces communes nouvelles ont fait primer des considérations strictement financières, négligeant le projet commun.
Certains oublient parfois qu’une commune nouvelle, c’est avant tout une seule commune. Oui, il faut avoir le courage de rappeler que cette commune n’a pas vocation, à terme, à déroger au droit commun : un seul maire, un seul conseil municipal avec un nombre « normal » de membres, une seule mairie…
Tout cela est de nature à engendrer des inquiétudes. La première d’entre elles tient souvent à la diminution du nombre de conseillers municipaux, anxiogène pour les élus locaux et la population. La raison en est très simple : souvent, l’effectif prévu lors du premier renouvellement ne permettra pas d’assurer la représentation au sein du conseil municipal de chacune des anciennes communes.
Dans le texte issu des travaux de notre commission des lois, il est prévu que l’effectif du conseil municipal ne pourra pas baisser de plus des deux tiers après le premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle. Cette évolution est de nature à rassurer les élus, en faisant que la baisse – provisoire – du nombre d’élus soit moins violente qu’avec la simple application du droit commun.
Je viens d’évoquer la composition du conseil municipal, mais le fonctionnement de la commune nouvelle peut également susciter des craintes.
Le texte initial de notre collègue Françoise Gatel prévoyait, à son article 2, la possibilité de créer une commission permanente. Cette commission permanente n’aurait concerné que de grandes communes nouvelles et pour une durée limitée, puisqu’elle n’aurait pu être instituée qu’entre la création de la commune nouvelle et le premier renouvellement du conseil municipal. Notre commission des lois a supprimé cet article 2, estimant que le dispositif proposé se heurtait à des difficultés d’ordres juridique et pratique.
Il nous semble qu’il s’agissait pourtant d’une bonne idée, qui, conformément à l’esprit de cette proposition de loi, était de nature à lever certaines inquiétudes et à faciliter la naissance et les premiers mois de vie d’une commune nouvelle. Attentif aux remarques de notre rapporteur, je vous proposerai par amendement, au nom du groupe de l’Union Centriste, de rétablir cet article 2 dans une rédaction revue, avec un dispositif plus souple et plus adapté.
Une dernière inquiétude est de nature à empêcher – à tort – la création d’une commune nouvelle : l’obligation de rattachement à un EPCI.
Cette règle, nous la connaissons tous, mes chers collègues : une commune est forcément rattachée à un EPCI. Demain, une commune nouvelle qui regrouperait l’ensemble des communes membres d’une intercommunalité se verrait donc dans l’obligation d’intégrer un nouvel EPCI. Chacun d’entre nous connaît sans doute un territoire, dans son département, qui est confronté à cette problématique.
Dès lors, on voit très bien à quelles interrogations, sont confrontés les élus qui envisagent la création d’une telle commune nouvelle : à quel EPCI à fiscalité propre devra-t-elle se rattacher ? Comment sera-t-elle représentée au conseil communautaire ?
On comprend que cette obligation soit de nature à bloquer certains projets. Si un territoire fait le choix d’une mutualisation très poussée, d’un projet commun suffisamment fort pour aboutir à la création d’une commune en lieu et place de plusieurs, aura-t-il envie d’être rattaché à un EPCI, situé sans doute dans un autre bassin de vie, avec lequel il n’aurait pas de projet commun immédiat ?
On le comprend, dans ce contexte particulier, la règle du rattachement systématique à une intercommunalité n’a pas de sens. Surtout, quelle serait sa justification ? Inciter les communes à mutualiser ? Pourraient-elles le faire davantage qu’en décidant de ne plus former qu’une seule commune, exerçant à la fois les compétences de la commune et de l’intercommunalité ?
Ne restons donc pas figés sur une règle systématique : non, tous les territoires ne doivent pas forcément avoir la même architecture territoriale. Dessiner un jardin à la française n’est pas une fin en soi. Tel est d’ailleurs, me semble-t-il, l’état d’esprit du Gouvernement, monsieur le ministre, puisque j’ai en mémoire les propositions du Président de la République évoquant devant le Congrès plusieurs réformes en faveur de la différenciation territoriale…
En conclusion, je tiens â saluer le travail de notre rapporteur, Agnès Canayer, qui a su mesurer l’importance des dispositions de cette proposition de loi. Elle a su aussi faire preuve d’ouverture d’esprit, s’agissant notamment de la proposition que j’évoquais à l’instant d’instaurer une « commune-communauté » – en fait, une commune exerçant les prérogatives d’une intercommunalité –, qui a pu, dans un premier temps, susciter des réactions de méfiance, car elle remet en cause notre schéma classique d’organisation territoriale. En bonne intelligence avec Françoise Gatel, dont je salue encore une fois l’initiative, vous avez su, madame la rapporteur, apporter des modifications utiles lors de l’examen du texte en commission.
Sans surprise, le groupe Union Centriste apportera tout son soutien à cette proposition de loi. Nous attendons un appui actif du Gouvernement pour que la discussion de ce texte puisse aboutir dans des délais suffisamment courts afin que certains projets de commune nouvelle puissent voir le jour avant le prochain renouvellement municipal. Dans cette perspective, nous espérons que cette proposition de loi sera rapidement inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, la commune constitue l’échelon local indispensable à la qualité du service public, ainsi qu’à la vitalité de la démocratie de proximité. On sait aussi le rôle d’amortisseur social qu’elle peut jouer dans des crises comme celle que nous vivons actuellement. Le développement des communes nouvelles apparaît comme l’un des moyens – ce n’est pas le seul – de redynamiser la commune.
Le modèle des communes nouvelles connaît un grand succès, bien plus important que celui qui était envisagé à l’origine. Les raisons en sont multiples.
Tout d’abord, grâce à l’instauration de communes déléguées, un juste équilibre a été trouvé entre la création d’une nouvelle commune de plein exercice et la sauvegarde de l’identité des communes historiques.
Ensuite, dans un contexte de baisse des dotations de l’État, le regroupement de plusieurs communes est un moyen de retrouver des marges de manœuvre et de développer l’offre de services aux habitants.
Enfin, le régime des communes nouvelles permet de donner une place importante à l’initiative des élus locaux et de la population.
Si les communes nouvelles ne constituent pas un modèle généralisable, leur création et leur organisation méritent néanmoins d’être perfectionnées, notamment en levant divers freins et en palliant certains dysfonctionnements du régime actuel.
Ainsi, le régime des communes nouvelles, déjà amélioré en 2015, est encore appelé à évoluer pour tenir compte de l’expérience acquise depuis le début de la décennie.
Par ailleurs, il convient de tirer toutes les conséquences de l’essor des communes nouvelles sur l’organisation institutionnelle locale, notamment sur la répartition des rôles entre communes et intercommunalités.
Tel est l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. La commission des lois s’est efforcée d’en perfectionner et d’en compléter le dispositif. À cet égard, je tiens à saluer à cette tribune la qualité des travaux de son rapporteur, notre collègue Agnès Canayer. La commission a ainsi complété le texte ou en a retranché des dispositions soulevant des difficultés juridiques.
Tout d’abord, en ce qui concerne l’effectif du conseil municipal des communes nouvelles, je me réjouis que la commission ait approuvé le principe d’un retour au droit commun plus progressif que ne le prévoit le droit en vigueur, afin notamment de faciliter la représentation de toutes les communes historiques. Elle a ainsi prévu que cet effectif ne pourrait baisser de plus des deux tiers après le premier renouvellement du conseil municipal suivant la création de la commune nouvelle.
Constatant les difficultés rencontrées par les communes nouvelles en cas de démission ou de décès de conseillers municipaux, la commission a également prévu qu’il ne soit dérogé au principe de complétude du conseil municipal que pour la première élection du maire et des adjoints suivant la création d’une commune nouvelle.
Par ailleurs, je me félicite de l’introduction par la commission de dispositions visant à lisser les effets de seuil en accordant aux communes nouvelles un délai de trois ans pour se mettre en conformité avec les obligations nouvelles qui peuvent leur incomber en raison de la taille de leur population.
De même, la commission a souhaité que les maires délégués prennent rang immédiatement après le maire dans l’ordre du tableau du conseil municipal.
Ensuite, soucieuse d’améliorer leur fonctionnement, la commission a adopté une mesure permettant aux communes nouvelles de supprimer et de mutualiser une partie des annexes de la mairie, afin notamment de réduire les frais de fonctionnement afférents.
Enfin, dans sa rédaction initiale, la proposition de loi prévoyait de dispenser une commune nouvelle issue de la fusion de toutes les communes membres d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et, le cas échéant, d’une ou plusieurs autres communes de l’obligation d’adhérer à un autre EPCI à fiscalité propre. Moyennant plusieurs précisions et coordinations, la commission a approuvé cette disposition, qui ouvre la voie à une différenciation des modes d’organisation institutionnelle du bloc communal sans remettre en cause les périmètres de coopération existants.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de l’adoption de cette proposition de loi ainsi modifiée par la commission des lois. (M. le président de la commission des lois applaudit.)