M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, je salue notre collègue Agnès Canayer, rapporteur, pour tout le travail qu’elle a effectué sur ce texte.
Je pourrais aisément, ce soir, plaider coupable de porter la voix de mon groupe, moi qui suis sénateur d’un département ne comptant, à ce jour, aucune commune nouvelle ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Faute avouée est à moitié pardonnée ! (Sourires.)
M. Mathieu Darnaud. Pourtant, loin de moi l’idée de me sentir coupable !
Nombreux sont les orateurs à l’avoir rappelé, à commencer par notre collègue Jacques Mézard, l’intérêt de ce texte est de ne pas prévoir de fusions autoritaires et d’affirmer que l’initiative doit rester aux élus locaux.
M. Pierre-Yves Collombat. Encore heureux !
M. Mathieu Darnaud. Quelques échos et rumeurs, parfois même quelques esquisses de rapports, donnent à penser que la population de la commune de demain ne saurait être inférieure à un certain seuil. Je le dis avec force, nous ne voulons pas de ce modèle de commune-là !
L’intérêt et les apports de ce texte tiennent à ce qu’il épouse la philosophie de la loi Pélissard, laquelle pose pour principe fondamental de laisser aux élus la liberté de constituer ou non une commune nouvelle.
Je remercie le président de la commission des lois, Philippe Bas, d’avoir, avec le président du Sénat, souhaité la mise en place de la commission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale, dont font partie de nombreux collègues ici présents. Elle permet d’observer en temps réel ce qui se passe sur nos territoires. Cela nous invite à regarder les choses avec lucidité, à réaffirmer que la liberté de choix doit rester aux élus. Il importe, surtout, de faire en sorte que le fait générateur des communes nouvelles soit avant tout l’affectio societatis, ce qui fait sens, le projet de territoire, et non pas les incitations financières ou toute obligation qui pourrait être imposée aux communes.
J’en suis convaincu, si les communes nouvelles peuvent être une avancée et représenter une part de l’esprit communal, les dérogations prévues dans ce texte doivent clairement être limitées dans le temps, avant un retour progressif au droit commun. Je sais que nous nous rejoignons, Mme la rapporteur et moi, pour refuser un système hybride. Je ne sais pas si c’est là la « doctrine Darnaud » dont parlait M. Kerrouche, mais c’est ma conviction : la commune doit rester la commune ; il n’y a pas de modèle hybride, il ne doit pas y avoir de dérogation durable. Je le dis avec force, nous souhaitons que le dispositif de ce texte se borne à 2026, avant un retour progressif au droit commun, afin que demain les communes nouvelles soient des communes comme toutes les autres. Il n’y a pas de bon ou de mauvais modèle, ce qui importe, c’est la volonté du législateur de préserver le rôle de la commune.
Si le rapport que j’ai fait au nom de la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale porte sur la revitalisation de l’échelon communal, c’est parce qu’aujourd’hui tout nous invite à réaffirmer le rôle essentiel de la commune dans l’architecture institutionnelle française. La commune est avant tout l’échelon de base de la démocratie locale, l’échelon de proximité, le lien essentiel entre nos concitoyens et leurs élus, ceux qui les représentent au quotidien.
Les dispositions de cette proposition de loi de notre collègue François Gatel, dont je salue l’initiative, permettent de mettre de l’huile dans les rouages, de faire vivre l’esprit communal en faisant en sorte que, progressivement, les communes nouvelles deviennent de nouvelles communes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. –Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, chers collègues, depuis son institution par l’Assemblée nationale constituante, le 14 décembre 1789, la commune reste la cellule de base de notre organisation territoriale, le socle de l’ensemble de l’architecture locale, l’échelon fondamental du « vivre ensemble ».
La commune est bien plus qu’une collectivité territoriale : c’est le lieu où l’on vit, où l’on puise une part importante de son identité, de ses racines et où l’on développe ses relations sociales.
Plusieurs de nos voisins ont choisi de fusionner les communes de façon plus ou moins autoritaire. La France compte 40 % des communes européennes. Certains y voient un handicap, du fait de la petite taille de nos communes, les trois quarts d’entre elles regroupant moins de 1 000 habitants. J’y vois, pour ma part, une chance, celle de l’engagement de près de 500 000 élus locaux, majoritairement bénévoles. Ils exercent, et c’est particulièrement important dans cette période troublée, un véritable rôle de médiateur traitant les problèmes quotidiens, instaurant du lien social, garantissant une présence publique.
Depuis quelques dizaines d’années, les communes ont connu des évolutions majeures. Elles ont été affectées par de forts mouvements démographiques et sociologiques et, plus récemment, par la montée en puissance de l’intercommunalité, la raréfaction des ressources financières et une complexité administrative croissante.
La petite taille de certaines communes a pu devenir, faute de moyens administratifs, techniques et financiers adéquats, un frein à l’action locale et un nombre croissant d’élus ont donc opté pour un regroupement. Volontairement ou sous la pression de la loi, l’intercommunalité est venue, pour partie, pallier ces difficultés, mais l’augmentation du périmètre de celle-ci a rebattu les cartes.
Ainsi, les communes nouvelles créées en 2010 sont apparues comme un bon moyen de rapprocher les communes sur la base du volontariat. La loi de 2015 a rendu le régime des communes nouvelles plus attractif en levant certains obstacles institutionnels, financiers, voire psychologiques. Elle a amélioré les dispositions organisant les premières années de vie de la commune nouvelle et la place des élus municipaux dans ses institutions, garanti le maintien d’une identité communale, notamment en matière d’urbanisme, assoupli les modalités de rattachement à un EPCI à fiscalité propre et garanti, par un pacte financier, le niveau des dotations budgétaires cumulées des anciennes communes.
Aujourd’hui, les communes nouvelles permettent de redonner aux élus des capacités d’action, de mutualiser les moyens et de renforcer les services offerts à la population, mais aussi de repositionner la commune au sein de son environnement territorial.
On peut ainsi penser que, loin de s’opposer au développement de l’intercommunalité, des communes plus importantes, gérées par des élus enthousiastes, peuvent être plus promptes à collaborer avec leurs voisines, redonnant ainsi du sens à l’idée de communes fortes dans des intercommunalités fortes. C’est pourquoi nous nous réjouissons que cette forme d’organisation se développe.
Toutefois, chers collègues, je tiens à souligner, une fois de plus, qu’une commune nouvelle est une commune à part entière et qu’il n’est pas nécessairement judicieux de multiplier les dérogations au statut communal.
Je veux insister ici sur deux points.
D’une part, à l’heure où nos concitoyens demandent une action publique rationnelle et efficace, notre objectif doit être d’apporter des solutions nouvelles aux élus locaux, sans remettre en cause les qualités démocratiques et la proximité qui caractérisent nos communes actuelles. Une fusion réussie repose sur un projet de territoire librement partagé par des élus volontaires et sur l’expérience du travail en commun.
D’autre part, la création de communes nouvelles ne doit pas constituer un frein à la promotion de l’intercommunalité. En effet, bon nombre d’entre elles ne compteront que quelques milliers d’habitants, voire quelques centaines, et n’auront pas les moyens de se dispenser d’une coopération intercommunale.
C’est à l’aune de ces principes que nous faisons une lecture circonstanciée de la proposition de loi de Mme Gatel, qui marque une approche volontariste et manifeste une attention louable, mais dont la version initiale, par la multiplicité des dérogations, s’écartait du statut de commune.
En ce sens, nous soutenons la proposition faite par Mme la rapporteur à la commission des lois de supprimer l’article 2 et nous ne sommes pas favorables à l’amendement de M. Hervé.
À l’article 3, la rapporteur a proposé une rédaction qui résout les difficultés techniques du texte initial, mais qui valide la possibilité de procéder à l’élection du maire en dépit d’un nombre de vacances pouvant s’élever jusqu’au tiers du conseil municipal ; j’y reviendrai, mais nous considérons que c’est trop.
Par ailleurs, nous voterons les trois articles ajoutés par la commission des lois.
L’article 5 vise à placer les maires délégués immédiatement après le maire dans l’ordre du tableau, au motif qu’ils sont de droit, jusqu’au prochain renouvellement, les maires des anciennes communes. Nous souscrivons à cette disposition, somme toute logique.
L’article 6, quant à lui, limite les effets de seuil qui engendrent de nouvelles obligations. Qu’il s’agisse des contraintes en matière de réalisation de logements sociaux, d’accessibilité, d’accueil des gens du voyage, il ne faut pas que les élus aient devant eux une montagne infranchissable ; il faut qu’ils puissent gravir la pente petit à petit. À cet égard, cet article offre une souplesse utile.
Enfin, nous sommes favorables à l’article 7, qui allège les règles d’établissement de mairies annexes.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes plus que favorables aux communes nouvelles, mais parce que nous croyons en ce modèle, nous ne pensons pas qu’il faille élargir les exceptions. Une commune nouvelle est avant tout une commune. C’est pourquoi nous opterons pour une abstention bienveillante sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ce n’est déjà pas mal !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est mieux qu’une abstention malveillante !
M. le président. La parole est à M. François Calvet. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Calvet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de la proposition de loi de Mme Françoise Gatel visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires. Il s’agit bien, en effet, d’insister sur la notion de « diversité des territoires ».
Je suis le porte-parole d’un territoire de la région Occitanie Pays catalan, qui représente moins d’un dixième des fusions de communes. Mon département, les Pyrénées-Orientales, reste, pour l’instant, peu impliqué dans le mouvement. Cela prouve qu’il ne suffit pas, chers collègues, de mettre en place des incitations financières pour motiver les communes à se regrouper.
Cette situation résulte essentiellement de la configuration géographique de mon département, territoire méditerranéen et pyrénéen, et de sa culture. Ses habitants incarnent très bien le principe de la différenciation territoriale. En effet, s’ils veulent être intégrés sur le plan économique, ils veulent aussi que leurs particularités culturelles soient comprises et respectées. La situation est différente de celle de l’Ille-et-Vilaine, où beaucoup de communes ont voulu très rapidement fusionner pour bénéficier des aides financières, sans réellement prendre conscience des difficultés de mise en application du « vivre ensemble », du « délibérer ensemble » et du « bâtir ensemble », et se retrouvent aujourd’hui confrontées à celles-ci, ainsi qu’à des problématiques financières.
Depuis un an, nous assistons à une stagnation des fusions de communes. Le découragement des élus est lié à la perte de confiance des collectivités territoriales à l’égard de l’État et au manque d’autonomie fiscale, qui s’est accentué cette dernière année. La suppression non compensée de la taxe d’habitation représente une perte importante, tout comme la baisse de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR. S’y ajoutent le poids des normes ou les obligations nouvelles qui constituent des freins importants à la volonté de fusionner.
Nous constatons, bien sûr, les effets positifs de la création des communes nouvelles depuis son lancement en 2015 dans les territoires, grâce aux dispositifs facilitant leur mise en place et suscitant un réel intérêt pour la mutualisation des charges et l’investissement commun. Cela permet à certains gros projets d’aboutir plus rapidement et de faire des économies. D’ailleurs, le ministère de l’intérieur, par la circulaire du 16 mars 2018 adressée aux préfets, a rappelé l’intérêt de la création de communes nouvelles.
Compte tenu du contexte national et des relations du Gouvernement avec les collectivités locales, le texte en question est indispensable en ce qu’il redonne du pouvoir aux élus en termes d’organisation et d’autonomie d’action. Il est aussi indispensable en ce qu’il vise à fluidifier les relations entre élus, en permettant notamment aux plus petites communes d’être mieux représentées, ce qui devrait logiquement les inciter à se rassembler.
Cette proposition de loi devrait également, à moyen terme, dans la perspective des prochaines élections municipales, redonner une impulsion et une dynamique aux communes nouvelles, déjà créées ou à venir.
Maintenant que l’intercommunalité a pris un essor considérable, ce texte permettra d’inciter à la création de communes nouvelles à l’intérieur des intercommunalités et de rééquilibrer le poids des communes nouvelles par rapport à la commune-centre.
Enfin, ce texte répond à l’objectif d’équilibre des territoires en permettant, par l’assouplissement des règles, la prise en compte des spécificités des communes et en donnant ainsi aux élus la possibilité de reprendre leur destin en main. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je veux remercier le ministre de l’engagement qu’il avait pris lors du débat sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et qu’il a renouvelé ce soir de faire inscrire le présent texte, s’il est adopté par le Sénat, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. C’est un point très important.
Je préfère de beaucoup cette démarche, ayant souvenir d’autres textes qui n’ont pas connu un tel sort : je pense notamment à la proposition de loi relative à l’eau et à l’assainissement. Je tenais à remercier publiquement M. Lecornu, car c’est grâce à son action personnelle au sein du Gouvernement que ce texte va pouvoir poursuivre son parcours ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Daniel Gremillet. Très bien !
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires
Article 1er
I. – Le premier alinéa de l’article L. 2113-8 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce nombre ne peut être inférieur au tiers de l’effectif du conseil municipal en exercice lors de la création de la commune nouvelle, arrondi à l’entier supérieur et augmenté d’une unité en cas d’effectif pair. »
II (nouveau). – L’article L. 290-2 du code électoral est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Dans les communes dont le conseil municipal, composé selon les modalités fixées à l’article L. 2113-7 du code général des collectivités territoriales ou à l’article L. 2113-8 du même code, comprend 29 membres ou moins, celui-ci élit parmi ses membres… (le reste sans changement). » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsque la détermination du nombre de délégués est impossible en application du même article L. 284, elle s’opère dans les conditions prévues aux II et III du présent article. » ;
c) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Dans les communes mentionnées au premier alinéa du présent I, sauf dans le cas mentionné au deuxième alinéa, le nombre de délégués ne peut être inférieur à celui auquel aurait droit une commune comptant la même population. » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Dans les communes dont le conseil municipal, composé selon les modalités fixées à l’article L. 2113-7 du code général des collectivités territoriales, comprend plus de 29 membres, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit. En outre, dans les communes de plus de 30 000 habitants, les conseils municipaux élisent des délégués supplémentaires dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 285 du présent code. » ;
b) Au deuxième alinéa, la première occurrence du mot : « ni » et les mots : « , ni être inférieur à celui auquel aurait droit une commune comptant la même population » sont supprimés ;
3° Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Dans les communes dont le conseil municipal, composé selon les modalités fixées à l’article L. 2113-8 du code général des collectivités territoriales, comprend plus de 29 membres, celui-ci élit parmi ses membres un nombre de délégués égal au nombre de conseillers municipaux prévu à l’article L. 2121-2 du même code pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure. En outre, dans les communes de plus de 30 000 habitants, les conseils municipaux élisent des délégués supplémentaires dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 285 du présent code.
« Toutefois, le nombre de délégués ne peut excéder le nombre total de délégués auquel les anciennes communes avaient droit avant la création de la commune nouvelle. »
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, MM. Morisset, Rapin, Brisson et Chaize, Mme Gruny, M. Meurant, Mmes Duranton et Berthet, MM. de Legge, Paccaud, Vogel, Lefèvre, Milon, D. Laurent, Dallier et Revet, Mmes Deromedi, Noël, Bories et Lamure, M. Pierre et Mme Chauvin, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 2113-8 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cet effectif est augmenté d’un nombre égal à celui des communes déléguées lorsque celles-ci existent, et d’une unité supplémentaire si l’effectif en résultant est pair. »
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Je voudrais, à mon tour, remercier Mme Françoise Gatel d’avoir déposé cette proposition de loi qui vise à accompagner la création de communes nouvelles, fait majeur dans notre département, le Maine-et-Loire, comme l’a indiqué ma collègue Catherine Deroche.
Le département de Maine-et-Loire est avant-gardiste à bien des égards en matière de création de communes nouvelles. En effet, le nombre de ses communes est passé de 363 à 181, et bientôt à 178, soit une réduction de l’ordre de 50 %, et certaines de ses communes nouvelles ont épousé le périmètre d’anciennes intercommunalités, pour rassembler quelque 20 000 habitants et se regrouper elles-mêmes en une grande intercommunalité.
La mise en œuvre de la loi NOTRe a parfois été un peu mal vécue, avec des mariages forcés d’intercommunalités. Le dépôt de cet amendement répond à une demande expresse des élus du département de Maine-et-Loire, qui souhaitent voir garantir une représentation suffisante des communes déléguées au sein de la commune nouvelle et, partant, au sein des différents organes des intercommunalités.
Je propose, par cet amendement, un mode de calcul de l’effectif des conseillers municipaux légèrement différent de celui qui était initialement prévu par la proposition de loi : il s’agit simplement d’ajouter un conseiller par commune déléguée. Bien sûr, l’application d’une telle disposition entraînera une hausse de l’effectif des conseillers municipaux, mais moindre que celle qu’emporterait la mise en œuvre de la proposition de la commission. Par exemple, la commune de Segré-en-Anjou Bleu, dans le Maine-et-Loire, compterait 45 conseillers municipaux selon le mode de calcul de la proposition de loi de Mme Gatel, 48 selon le nôtre et 70 selon celui de la commission, ce qui serait excessif et ne correspond pas à la demande des élus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Nous préférons en rester au dispositif adopté par la commission des lois, qui prévoit que l’on ne peut ramener l’effectif du conseil municipal de la commune nouvelle lors du premier renouvellement à un chiffre inférieur au tiers du nombre des conseillers municipaux en exercice lors de la création de la commune nouvelle, sachant qu’un certain nombre de difficultés pourraient se poser pour les communes ayant conclu des accords locaux. Il faudra améliorer le texte sur ce point au cours de la navette.
Nous préférons néanmoins ce dispositif, qui s’appliquera à plus d’une cinquantaine de communes nouvelles : il représente à mon avis un subtil équilibre entre celui de la proposition de loi initiale, qui ne concernait que moins de vingt communes nouvelles, et le vôtre, monsieur Piednoir, qui englobe la totalité des communes nouvelles.
Nous sommes conscients que le Maine-et-Loire est précurseur en la matière et a une grande expérience, mais nous pensons que votre dispositif ne répond pas aux objectifs de retour progressif au droit commun et de lisibilité du mode de désignation des conseillers municipaux dans cette deuxième période.
Pour ces raisons, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement. Sinon, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Piednoir, après avoir parlé de liberté lors de la discussion générale, nous allons maintenant parler de souplesse et de simplification.
Le mode de calcul imaginé par la commission des lois est probablement le plus simple et il permet d’assurer la transition la plus acceptable pour les élus. Il a d’ailleurs fait l’objet d’une concertation avec l’ensemble des associations d’élus.
Vous avez raison, madame la rapporteur, de mettre en exergue le cas où un accord local a été passé. Je me tourne vers les deux sénateurs de l’Eure présents dans l’hémicycle, la commune de Vexin-sur-Epte se trouvant dans ce cas de figure. Il faudra effectivement profiter de la navette pour régler la difficulté, peut-être tout simplement en maintenant le statu quo le temps d’un mandat supplémentaire.
Je demande le retrait de cet amendement, afin de conserver l’équilibre trouvé en commission, en concertation, je le redis, avec les associations d’élus – lorsque le Gouvernement ne les consulte pas suffisamment, on ne manque pas de lui en faire reproche. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Christian Manable, pour explication de vote.
M. Christian Manable. Coauteur, avec Françoise Gatel, du rapport d’information d’avril 2016 de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ayant pour titre « Les communes nouvelles : histoire d’une révolution silencieuse » et, pour sous-titre, « Raisons et conditions d’une réussite », il me semble utile d’établir une distinction entre la philosophie de ce rapport et la proposition de loi qui en découle.
Personnellement, je suis tout à fait favorable aux communes nouvelles : elles offrent une grande souplesse, émanent du terrain, sont l’expression d’une volonté des élus locaux réunis autour d’un projet de territoire, à la différence des tentatives de regroupements de communes qui ont eu lieu au cours de l’histoire de France. On cite toujours la loi Marcellin, qui a donné lieu à des mariages suivis de divorces, mais il est une expérience plus ancienne : la création des municipalités de canton à l’époque du Directoire, entre 1795 et 1797. Cela a été un échec terrible, parce que les moyens faisaient défaut.
Les communes nouvelles présentent l’avantage de sauvegarder le bloc communal et, en même temps, de revitaliser la ruralité, qui souffre considérablement aujourd’hui. Je suis élu du département de la Somme, médaille de bronze en termes de nombre de communes : il en compte 779, dont 115 de moins de 100 habitants, qui ne disposent plus de moyens, tirent la langue et souffrent. Se regrouper est, pour elles, le moyen de s’en sortir. En ce XXIe siècle, le maintien de microcommunes de 50, 20, 5 habitants parfois est-il pertinent ? Aux maires de mon département, je dis que deux solutions s’offrent à eux : mourir seuls ou vivre ensemble…
Je m’inscris en faux contre les propos de mon collègue ardéchois Mathieu Darnaud : à mon sens, la faiblesse de la loi Pélissard de 2015 réside dans l’absence de seuil plancher. Évidemment, dans la mesure où elle donne la primauté à la liberté et à la souplesse, imposer un plancher serait contraire à l’esprit de cette loi. Reste que lorsque l’on fédère de la misère, on génère de la misère : trois communes de 100 habitants réunies, cela ne fait toujours que 300 habitants. L’intérêt de fusionner des communes, c’est de mutualiser les moyens, mais aussi de mettre en place des services de proximité pour la population. (Mme Françoise Gatel applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne pensais pas que la discussion me donnerait raison aussi rapidement ! (Sourires.)
À l’approche de 2020, les propositions de loi ou d’amendement se multiplient ; c’est normal, car les problèmes sont nombreux.
Mme Françoise Gatel. Non !
M. Pierre-Yves Collombat. Il semble qu’un certain nombre de collègues et de maires n’ont pas encore intégré le fait que les représentants d’une commune nouvelle ne représentent pas les anciennes communes ! Dans leur esprit, c’est comme si l’ancien système perdurait sous une autre forme.
Mme Françoise Gatel. Non !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais si ! C’est l’impression que M. Darnaud et moi avons retiré des échanges que nous avons eus sur le terrain, même s’il semble l’avoir oublié. Nous nous sommes alors dit que le réveil risquait d’être un peu difficile en 2020, car beaucoup d’élus locaux croient qu’ils pourront continuer à faire vivre leur ancienne commune sous une autre forme.