M. André Reichardt. Très bien !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Enfin, deux sujets concomitants au transfert des routes et essentiels pour les Alsaciens soulèvent quelques inquiétudes.
Il s’agit d’abord de la création d’une écotaxe, prévue dans l’habilitation, qui reste extrêmement vague et qui pose de nombreuses questions quant à sa nature, à son assiette… Au regard des enjeux locaux, la commission des lois n’a pas souhaité supprimer cette potentielle création d’une écotaxe alsacienne, mais elle sera très vigilante sur sa mise en œuvre, ainsi que sur la continuité des engagements de l’État sur l’A355.
Le présent texte doit aussi être l’occasion d’autoriser l’Alsace à expérimenter de nouvelles compétences pour favoriser l’attractivité économique de son territoire. Reprenant les dispositions adoptées dans le cadre de la proposition de loi de Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud sur l’équilibre territorial et la vitalité démocratique, la commission des lois a souhaité permettre à la collectivité d’octroyer des aides aux entreprises sur délégation de la région.
Enfin, elle a réintroduit dans le texte plusieurs dispositions électorales, afin de sécuriser ces procédures.
Chers collègues, Alsaciens, élus du Grand Est ou du reste de la France, en adoptant ce projet de loi attendu par de nombreux Alsaciens, le Sénat remplira parfaitement son rôle de chambre des territoires.
Entendant le « désir d’Alsace », la Haute Assemblée a souhaité amplifier les compétences reconnues au nouveau département fusionné, afin de lui donner les véritables moyens de les exercer.
Mais le Sénat a aussi entendu la volonté légitime des autres départements de voir leurs spécificités territoriales reconnues au nom de la différenciation. C’est dans cet esprit que nous vous proposons d’adopter ce projet de loi, largement modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par M. Grosdidier, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En l’application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace (n° 413, 2018-2019).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. François Grosdidier, pour la motion.
M. François Grosdidier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi est une mauvaise réponse, inconstitutionnelle, à de bonnes questions.
La question, c’est d’abord celle du « désir d’Alsace ». Cela étant, ce sentiment est partagé par tant de Français, dont les identités territoriales ou régionales ont été malmenées, bafouées, niées, rayées de la carte, balayées du revers de la main par la création de grandes régions sur un coin de table, en une journée, à l’Élysée, sous la présidence de François Hollande.
M. André Reichardt. Tout à fait !
M. François Grosdidier. La question, c’est aussi celle du besoin de plus de décentralisation, de subsidiarité, de circuits courts dans les décisions publiques.
Ce n’est pas une bonne réponse que le Gouvernement apporte aux Français ni même aux Alsaciens, qui vont, je le crains, vite se sentir bernés.
Le régime institutionnel français, dans les faits, est non pas une démocratie parlementaire, mais une forme de césarisme technocratique. Ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui, même si les one man shows présidentiels du grand débat ou le dernier remaniement ministériel confirment la tendance – tendance qui n’est pas la vôtre, madame la ministre, vous qui appartenez à une tradition centriste, parlementaire et décentralisatrice.
M. Pierre-Yves Collombat. Le marais !
M. François Grosdidier. Le mouvement des « gilets jaunes » a révélé de façon éclatante cette crise de la démocratie représentative. Non que les représentants soient mauvais, mais ils ne sont pas écoutés.
La crise de la démocratie représentative, c’est d’abord une démocratie parlementaire entravée quand l’Assemblée nationale est une chambre d’enregistrement et que le rôle du Sénat est contesté par l’exécutif.
C’est aussi une démocratie locale corsetée sur un plan réglementaire et étouffée sur un plan financier.
C’est enfin une démocratie sociale bloquée qui n’a jamais bien fonctionné dans notre pays.
Montent des territoires un besoin de reconnaissance d’identité, de considération et une soif de libertés et de décentralisation. Tous les territoires sont concernés, mais il est vrai que les Alsaciens, qui ont une identité culturelle plus forte, le disent plus haut que les autres.
On le sait en Moselle depuis 1918, depuis notre retour à la France après une annexion qui avait, sur les plans administratif et universitaire, beaucoup plus pénalisé la Moselle que l’Alsace. Mais Paris a toujours davantage entendu les protestations bruyantes des Alsaciens que les pâles suppliques des Mosellans. (Exclamations.)
M. Bruno Sido. Ce n’est pas normal ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Il n’y a de ma part aucune critique des Alsaciens, je leur dis même mon admiration. Ces revendications étaient légitimes et ils avaient le mérite de les porter plus fort.
Aujourd’hui, ces justes revendications relayées par les Alsaciens sont partagées par tous les Français. Le Gouvernement ne peut satisfaire seulement ceux qui parlent plus fort en frustrant les autres. Cette inégalité de droit serait d’ailleurs anticonstitutionnelle. Satisfaire cette revendication dans un texte de portée générale exigerait, en l’état, au moins un renvoi à la commission.
De quoi s’agit-il ? S’il s’agit de permettre la fusion du Bas-Rhin et du Haut-Rhin en un seul département d’Alsace, la loi le permet déjà. Il n’est nul besoin de ce projet de loi.
Le Gouvernement appelle « collectivité européenne » ce qui n’est qu’un département, comme l’a rappelé le Conseil d’État. Il fait croire que subsistent deux départements, ce qui est faux si l’on considère la collectivité. Ce n’est vrai que si l’on parle des circonscriptions administratives de l’État, mais cela ne durera qu’un temps…
À une époque où l’État cherche à fermer le maximum de sous-préfectures et à regrouper les administrations techniques, Colmar ne restera pas préfecture éternellement !
Mme Catherine Troendlé. C’est ce que nous verrons !
M. François Grosdidier. D’ailleurs, nos collègues alsaciens du groupe Les Républicains ne s’y trompent pas quand ils demandent que l’Alsace soit érigée non pas en département, mais, à défaut de redevenir région, en collectivité à statut particulier, ce qui est constitutionnellement impossible.
Certes, il existe en France métropolitaine, comme Paris et Lyon, des collectivités à statut particulier, mais reposant sur un critère démographique. De même pour la Corse, mais sur un critère physique – c’est une île !
M. André Reichardt. Et alors ?
M. François Grosdidier. La différenciation ne peut se fonder sur un critère subjectif comme la culture. Les Bretons, les Basques et bien d’autres pourraient alors demander la même chose.
Mme Catherine Troendlé. Exactement !
M. François Grosdidier. La Constitution ne permet pas une différenciation assise sur le critère culturel.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas plus de libertés pour les Alsaciens. Cela signifie qu’il en faut plus pour tout le monde. La bonne réponse, juste à la fois juridiquement et politiquement, est donc d’en donner plus à tout le monde.
Ce statut particulier n’est pas possible. La commission des lois prévoit d’octroyer des prérogatives au département d’Alsace qu’elle n’accorde pas aux autres départements, même s’il s’agit de compétences optionnelles. Une telle rupture d’égalité des droits entre départements ne serait pas davantage conforme à la Constitution.
Il ne s’agit pas que d’une question conceptuelle. Cette inégalité peut emporter de graves conséquences sur la Moselle, qui est, à bien des égards, dans la même situation que l’Alsace : culturellement, par le bilinguisme et cette histoire singulière ; juridiquement, par le droit local ; géographiquement, par leur position frontalière et ces territoires étant l’un et l’autre traversés par un corridor européen nord-sud.
En Moselle, 100 000 salariés franchissent la frontière tous les jours pour aller travailler au Luxembourg, en Sarre ou en Rhénanie-Palatinat.
L’adoption de ce texte transférerait à l’Alsace la compétence des routes nationales et des autoroutes non concédées. Certains s’inquiètent de la non-compensation financière. En fait, ce transfert sera compensé, comme celui de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations – ou Gemapi – aux EPCI, par une taxe nouvelle.
L’Alsace pourrait donc mettre en place une écotaxe poids lourds que le Gouvernement n’a pas souhaité permettre dans le projet de loi Mobilités que nous avons adopté cet après-midi même !
Or il nous faut l’écotaxe, que nos voisins allemands et suisses ont déjà instaurée, déviant ainsi tout le transit international nord-sud de l’Europe sur l’A35 et sur l’A31, deux autoroutes qui sont aussi les boulevards urbains des métropoles alsaciennes et lorraines.
En autorisant l’écotaxe en Alsace, et pas en Lorraine, le Gouvernement va provoquer le déport du trafic de l’A35 sur l’A31, réglant le problème sur l’A35, à la satisfaction des Alsaciens, mais l’aggravant d’autant sur l’A31, déjà à saturation, au détriment des Lorrains.
M. Jean-Marc Todeschini. Eh oui !
M. François Grosdidier. La circulation sur l’A31 vers le Luxembourg est déjà plus difficile que sur l’A4, à l’entrée de Paris !
Et même sans le déport de l’A35, on sait déjà que ce sera pire à l’avenir, en raison des investissements sur les plateformes multimodales de Bettembourg au Luxembourg. La route de la soie arrive au port de Rotterdam. Elle se prolonge par le fer à Bettembourg. De là, les camions descendent par l’A31. C’est juste impossible !
Le respect du principe républicain d’égalité n’est pas qu’une question conceptuelle ; c’est bien une question concrète. La violation de ce respect va entraîner des désordres considérables sur le terrain. Je viens de vous en donner un exemple.
Tous les territoires de la République française veulent plus de liberté, mais sans rupture d’égalité. Je le dis fraternellement à mes collèges alsaciens.
Il faut donner cette liberté dans l’égalité des droits. Je suis d’ailleurs convaincu, madame la ministre, que vous n’attendez que de pouvoir défendre cette égalité. Cela suppose un texte de portée générale, respectueux des principes de la République. Ce n’est pas le cas de ce projet de loi, générateur d’inégalités et, à ce titre, anticonstitutionnel. (MM. Daniel Gremillet, Jean-Marie Mizzon et Pierre-Yves Collombat applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, contre la motion.
Mme Jacky Deromedi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, la présente motion vise à opposer l’exception irrecevabilité au projet de loi relatif aux compétences de la nouvelle collectivité territoriale réunissant les deux départements alsaciens.
Selon le raisonnement suivi par François Grosdidier, le texte prévoit d’accorder au nouveau département alsacien des compétences spécifiques de manière injustifiée et inopérante, d’une façon contraire à la Constitution.
Toutefois, il semblerait que cette interprétation excessivement restrictive de la Constitution ne nous conduise qu’à dessaisir notre chambre d’un texte intéressant de très près les collectivités territoriales.
Comme notre collègue le rappelle dans l’objet de sa motion, l’Alsace ne serait certainement pas le premier territoire à se voir doter de compétences dérogatoires du droit commun. Sans même avoir à porter nos regards vers l’outre-mer, la Corse, Paris et Lyon sont autant d’exemples métropolitains…
La Constitution laisse en effet au législateur une certaine latitude dans l’ajustement des missions et compétences des collectivités. Son article 34 le charge de déterminer les principes fondamentaux de « la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ».
Et si l’article 72 prévoit que la loi peut créer des collectivités à statut particulier et toute autre collectivité territoriale, il n’exclut pas pour autant l’ajustement de certaines compétences des collectivités de droit commun, dont les départements.
En effet, le Conseil constitutionnel a reconnu, dans une décision de 1991, que le principe constitutionnel d’égalité ne s’oppose pas au règlement différent de situations différentes, pour des raisons d’intérêt général.
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
Mme Jacky Deromedi. Certes, le choix du Gouvernement dans la présentation de son projet pour l’Alsace n’est pas le plus intuitif et le Conseil d’État a relevé, dans son avis, certaines problématiques dont nous aurons sans aucun doute l’occasion de discuter. Il n’a toutefois pas souligné de risque d’inconstitutionnalité.
Le processus législatif ne fait que commencer et ces points auront donc, si le législateur le juge utile, l’occasion d’être revus et corrigés. S’interdire de le faire dès le départ serait excessif.
De même, si je comprends que l’on puisse regretter que la situation de l’Alsace ne soit pas discutée à l’aune d’une réforme plus globale des collectivités, l’absence d’une telle réforme n’interdit pas, sur le plan constitutionnel, une loi d’une portée plus limitée. Là encore, rejeter le simple examen du texte n’est pas la réponse la plus mesurée.
Enfin, concernant les justifications concrètes des compétences différenciées du nouveau département, le transfert de compétences relatives au transport ne constitue pas une entorse à l’unité et à l’indivisibilité de la République.
Compte tenu de la situation particulière du corridor rhénan, principal axe de transport fluvial de notre continent, l’exercice de ces compétences sur le plan local mérite au moins d’être débattu.
Je n’entends pas me prononcer ici pour ou contre cet aspect particulier des compétences de la collectivité alsacienne, mais je veux souligner qu’en discuter devant le Parlement est légitime et conforme à la Constitution. S’il faut en débattre, débattons-en !
Il s’ensuit qu’en adoptant aujourd’hui cette motion, nous courrons le risque d’écarter le Sénat de l’élaboration d’un texte important pour l’avenir de l’Alsace et des collectivités territoriales de l’Hexagone en général.
En effet, le décret instituant la collectivité d’Alsace ayant déjà été adopté, nous ne pouvons ignorer cette situation par principe.
M. Jean-Marc Todeschini. Et pourquoi cela ?
M. Pierre-Yves Collombat. Autrement dit, nous ne servons à rien !
Mme Jacky Deromedi. Et cela, peu importe la position que nous avons sur le fond de la question.
Il est préférable de prendre aujourd’hui le temps d’y travailler, de discuter de la forme de cette collectivité alsacienne et de faire entendre la voix du Sénat, au service de l’Alsace et de toutes nos collectivités.
Pour ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à rejeter cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Comme vient de le souligner Mme Deromedi, le Sénat remplit sa mission de chambre des territoires en adoptant un texte mesuré sur les compétences du nouveau département d’Alsace, lequel est certes un département « plus », mais, encore une fois, pas plus que cela.
La Constitution n’interdit pas au législateur de confier des compétences différentes à des collectivités territoriales appartenant à la même catégorie juridique, pourvu que ces différences soient justifiées par une différence de situation ou par un motif d’intérêt général – c’est le cas en l’espèce, le Conseil d’État ayant reconnu les particularités de l’Alsace – et qu’elles restent limitées – c’est aussi le cas.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le sénateur François Grosdidier, vous vous interrogez sur la constitutionnalité de l’octroi de compétences supplémentaires à la Collectivité européenne d’Alsace. Il s’agit d’un point de droit évidemment très important que le Gouvernement a pris pleinement en compte.
Il a ainsi saisi le Conseil d’État de la question, à Constitution constante, de la différenciation de la répartition des compétences entre collectivités d’une même catégorie.
Dans son avis du 7 décembre 2017, le Conseil d’État a considéré que certaines différences dans la répartition des compétences étaient possibles, à condition de présenter un caractère restreint, dans les limites fixées par le principe d’égalité tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel.
Ce dernier a jugé, dans sa décision du 6 mai 1991 sur la loi instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, que le principe constitutionnel d’égalité applicable aux collectivités territoriales « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit ».
Or telle est précisément la situation de l’Alsace : les compétences supplémentaires que le projet de loi vise à confier à la Collectivité européenne d’Alsace sont justifiées par l’intérêt général et par la situation propre au territoire alsacien.
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État l’a parfaitement reconnu en ce qui concerne la question des routes. Il a également estimé que les deux départements alsaciens étaient, en matière de langue et de culture régionales, dans une situation particulière.
De manière générale, l’avis du Conseil d’État ne mentionne en aucune manière une inconstitutionnalité des compétences spécifiques qu’il s’agit d’attribuer à la Collectivité européenne d’Alsace.
Vous indiquez par ailleurs, monsieur le sénateur, que certaines dispositions du projet de loi ne seraient pas normatives. Selon le Gouvernement, il est cependant important que le législateur reconnaisse les spécificités de la situation alsacienne.
Enfin, vous considérez que rien ne s’oppose à ce que les autres départements frontaliers ou ceux qui sont fortement marqués culturellement bénéficient de compétences similaires à celles qui sont confiées à la Collectivité européenne d’Alsace. Vous vous demandez pourquoi la situation de ces autres départements n’est pas réglée dans le cadre de ce projet de loi.
C’est pour une raison simple : le Gouvernement considère que l’exercice de compétences supplémentaires doit répondre à la demande et à la volonté des collectivités concernées. En outre, le présent projet de loi s’inscrit dans le cadre du regroupement de deux départements.
La révision constitutionnelle offrira des possibilités plus larges pour attribuer à une collectivité territoriale des compétences dont ne disposent pas toutes les autres collectivités territoriales de la même catégorie. Elle proposera donc d’autres possibilités de différenciation.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.
Mme Laurence Harribey. Entre Jacky et Didier, mon cœur balance ! Il s’agit, on le voit bien, d’une histoire régionale et territoriale, qui divise un groupe. Cela dit, si la raison du cœur pose problème, il est préférable de s’en tenir à la raison. Or, d’un point de vue juridique, cette motion pose problème.
En effet, si l’on se réfère à son objet, le projet de loi viserait à « confier spécifiquement au futur département des compétences exorbitantes du droit commun ». Toutefois, il est également précisé que « l’attribution de nouvelles compétences ne semble pas être, selon le Conseil d’État, réellement dotée de portée normative ».
Si le texte comporte certaines affirmations incantatoires, sans véritable portée juridique – nous y reviendrons au cours de la discussion générale –, cela ne saurait justifier à nos yeux les termes « compétences exorbitantes ».
Ce projet de loi est la traduction incontournable d’un décret, afin d’inscrire dans la loi ce qui revient à la loi. Il n’existe donc pas de problème d’irrecevabilité. En conséquence, nous voterons contre cette motion.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention expliquera mon vote sur cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, mais aussi sur la motion tendant à opposer la question préalable et la motion tendant au renvoi à la commission. Ainsi, je n’aurai parlé qu’une fois et nous aurons gagné du temps.
Monsieur Grosdidier, je comprends tout à fait que vous ayez déposé une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, à telle enseigne que je m’étais posé, à titre personnel, la question de savoir si j’allais utiliser un tel instrument de procédure, qu’il s’agisse d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, la question préalable ou tendant au renvoi à la commission, tant ce texte me paraît éloigné de ce que souhaitent les Alsaciens.
Ces derniers, dans leur immense majorité – j’aurai l’occasion de le dire souvent –, ont demandé non pas une Collectivité européenne d’Alsace, mais des choses très simples. Ainsi, 80 % à 90 % d’entre eux – je citerai des chiffres précis ultérieurement – souhaitent retrouver une collectivité territoriale dotée des compétences d’une région, et ce hors de la région Grand Est.
Je ne voterai pas en faveur de cette motion, pas plus que des deux autres. En effet, nous devons à tout le moins mener une discussion pour enrichir le texte qui nous est présenté, en prévoyant suffisamment de compétences, afin de répondre, le cas échéant, à ce « désir d’Alsace » dont nous avons parlé précédemment.
Je fais là un acte de foi. Je souhaite vivement qu’à la suite du grand travail réalisé par Mme la rapporteur et la commission des lois, qui ont intégré quelques-uns de nos amendements, nous puissions encore enrichir ce texte, pour répondre, je le répète, au désir des Alsaciens, sans pour autant, vous l’avez compris, signifier un congé à nos amis lorrains ou champardennais.
À titre personnel, j’aurais préféré que l’on remette à plat la loi NOTRe, que l’on remette sur le métier le périmètre des régions, pour répondre aux attentes de tous les territoires concernés.
Le texte qui nous est soumis n’est pas du fait des Alsaciens. Cela n’interdit pas d’essayer d’en faire le laboratoire des travaux à venir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je veux dire que j’ai beaucoup de sympathie pour les Alsaciens, singulièrement pour les sénateurs alsaciens. Pour autant, il arrive que, en certaines circonstances, je ne les rejoigne pas. Je leur rappellerai, s’agissant du « désir d’Alsace », une phrase bien connue dont j’ai oublié l’auteur : « L’amoureux qui espère ressent plus de bonheur que l’amoureux qui a obtenu. » Sachez donc être patients ! (Sourires.)
Je ne me placerai pas sur le terrain juridique, puisque nous pourrons le faire tant cette nuit et que la nuit prochaine. J’évoquerai les dégâts collatéraux. Les territoires sont las de toutes les réformes territoriales qui se sont succédé. Ils nous demandent une chose – je le dis en français et non pas en alsacien : arrêtez de nous embêter ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
François Grosdidier a évoqué la mobilité. Il s’agit du trafic parasite que l’on observe aujourd’hui, côté français, sur la rive gauche du Rhin, visant à échapper à une taxe qu’il faut payer sur la rive droite du Rhin. Demain, ce trafic cheminera dans le sillon lorrain : vous n’aurez donc réglé aucun problème !
Peut-être vous serez-vous donné bonne conscience ce soir. Je vous demande donc de garder cet aspect à l’esprit, car il serait dommage de ne pas le faire avant d’aller plus loin dans l’examen du texte. Je vous le rappelle, le fond doit toujours l’emporter sur la forme. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Masson, d’une motion n° 159.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace (n° 413, 2018-2019).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la motion.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je soutiens à 100 % les aspirations des Alsaciens qui veulent retrouver leur région. Si nous sommes ici divisés, c’est la faute du Gouvernement, qui ne répond pas à leurs souhaits. Je reproche à Mme la rapporteur de faire semblant de croire que tout va bien et qu’on a apporté une réponse aux Alsaciens. C’est un mensonge ! Les Alsaciens veulent retrouver leur région.