M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !
Mme Muriel Jourda. Nous nous trouvons dans une situation qui est acquise : la fusion existe ; elle a été acceptée par les présidents des conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, et par le président du conseil régional ; le décret a été pris ; tous les accords ont été négociés avec l’État. Nous sommes aujourd’hui en situation de discuter des compétences, nous sommes aussi en situation – ce point n’a pas été évoqué, car il fait consensus – de discuter de la migration des personnels et des moyens du transfert des compétences. C’est ici et maintenant qu’il faut le faire, c’est ici et maintenant que nous devons en traiter !
C’est ce que nous ferons, sauf si le Sénat ne joue pas son rôle, qui est de traiter les difficultés des collectivités territoriales !
Bien sûr, nous ne pouvons que partager l’opinion de notre collègue lorsqu’il indique qu’il convient de ne pas multiplier anarchiquement les statuts spécifiques. Néanmoins, dans la mesure où nous sommes devant un fait accompli puisque le décret a été pris, nous devons considérer ce projet de loi comme une mesure ad hoc visant à prendre en compte le « désir d’Alsace » tel qu’il a été exprimé par les Alsaciens et maintes fois évoqué ce soir.
Ce texte vise aussi à prendre en considération le compromis trouvé par le Gouvernement avec les élus locaux et à intégrer la nécessité d’adapter dès aujourd’hui la situation de cette nouvelle collectivité. Cela ne signifie pas que la question d’un approfondissement de la décentralisation est illégitime, bien au contraire. Sur ce point, nous partageons tous l’opinion qui a été émise à de nombreuses reprises. Mais ce n’est pas le sujet ce soir.
Ce soir, prenons le temps de discuter de ce projet de loi dont le manque d’ambition a été relevé par nombre d’entre nous. Prenons le temps de l’améliorer. Prenons le temps d’offrir aux Alsaciens des solutions qui ne sont certes pas idéales, mais qui seront un premier pas du Sénat vers eux. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à ne pas adopter cette motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission est défavorable à cette motion pour des raisons déjà longuement évoquées. Comme vient de le souligner à juste titre Mme Jourda, ce texte est un premier pas en faveur des Alsaciens. Il est basé sur un compromis que le travail en commission a déjà largement amplifié et que nous contribuerons à agrémenter encore au cours des débats. Il convient non pas de le renvoyer en bloc, mais bien d’en discuter.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. De nombreux sénateurs et sénatrices ont salué l’excellent travail réalisé par la commission et par Mme la rapporteure. Cela suffit à témoigner du fait qu’il est inutile de renvoyer ce texte à la commission.
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n’est pas adoptée.)
Mme la présidente. En conséquence, nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif aux compétences du département d’alsace
Articles additionnels avant l’article 1er
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 44 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Masson et Reichardt et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi n’entre en vigueur qu’après que les pouvoirs publics ont organisé une consultation des électeurs du département d’Alsace. Cette consultation, dans une logique de référendum local, a pour objet de demander aux Alsaciens s’ils souhaitent le rétablissement d’une région Alsace de plein exercice.
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Dans son avis, le Conseil d’État a souligné à très juste titre que la Collectivité européenne d’Alsace n’est ni plus ni moins qu’un département créé par la fusion des deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin.
Cet amendement vise à mettre en œuvre une consultation des électeurs du département d’Alsace, qui, dans une logique de référendum local, a pour objet de demander aux Alsaciens s’ils souhaitent ou non le rétablissement d’une région d’Alsace de plein exercice.
Compte tenu des trois sondages que j’ai évoqués, il serait souhaitable – même si l’on nous dit que ce ne sont que des sondages ! – de passer à un exercice pratique et d’organiser un référendum.
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par MM. Masson et Reichardt et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi, une consultation dans une logique de référendum est organisée dans le ressort territorial du département d’Alsace. Son objet est de permettre aux électeurs concernés de dire s’ils souhaitent que le territoire de cette collectivité sorte de la région Grand Est à compter du 1er janvier 2021.
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Cet amendement se justifie par son texte même. Cette fois, la consultation concerne le souhait de sortir de la région Grand Est.
Mme la présidente. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Masson et Reichardt et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une consultation est organisée dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi afin que les électeurs inscrits sur les listes électorales du département d’Alsace donnent leur avis sur le rétablissement de l’Alsace en tant que région de plein exercice avec corrélativement sa sortie de la région Grand Est.
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements, puisqu’ils visent à recourir au référendum pour la sortie de l’Alsace du Grand Est – soit avant, soit après l’entrée en vigueur de la loi – alors même que le département d’Alsace n’existe pas encore. Redécouper les nouvelles régions alors qu’elles ne sont pas encore stabilisées et recourir de nouveau au référendum n’est pas selon moi une solution.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Les auteurs de ces amendements veulent refaire le référendum de 2013 au motif qu’il n’y avait pas assez de votants !
M. André Reichardt. Pas du tout !
M. Pascal Savoldelli. Mais quel élu se plaint d’avoir été élu malgré une faible participation et demande de refaire un tour ? (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Acceptez le débat, mes chers collègues : nous n’allons pas écouter uniquement M. Grosdidier toute la nuit ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Personne ne s’en plaint ! (Sourires.)
M. Pascal Savoldelli. Nous, nous respectons le vote des Alsaciens en 2013. Quoi qu’il en soit, même si vous souhaitez qu’un référendum donne un autre résultat, nous voterons en faveur de ces amendements, mais pour que les citoyens puissent donner leur avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Ah, le voilà enfin !
M. Jean Louis Masson. J’étais présent, arrêtez de dire n’importe quoi ! Je n’ai simplement pas voulu interrompre mon collègue André Reichardt dans la présentation des amendements ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. Un peu de calme, mes chers collègues !
M. Jean Louis Masson. Monsieur Savoldelli, en 2013, la question portait sur la fusion des départements. Il ne s’agissait pas de supprimer la région Alsace !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais on ne la supprime pas ce soir !
M. Jean Louis Masson. Dire que les Alsaciens ont déjà voté en 2013 sur ce point, c’est une déformation de la vérité, voire un mensonge !
Pour ma part, il me paraît évident qu’il y a un « désir d’Alsace ». Ce texte est donc un minuscule pas non en ce sens, mais pour faire quelque chose…
Je comprends malgré tout ceux qui nous disent : finalement, ce texte est mieux que rien, votons-le ! Certes, mais rien ne nous empêche de surcroît de demander l’avis des Alsaciens par référendum.
Parmi ceux qui affirment qu’il faut adopter ce texte, il existe deux catégories.
Il y a tout d’abord ceux qui sont honnêtes et qui pensent que ce projet de loi est véritablement un pas en avant. Pourquoi seraient-ils alors opposés à ce que l’on demande l’avis des Alsaciens puisque le Gouvernement ne veut rien savoir et qu’il s’obstine, malgré les sondages, à prétendre que les Alsaciens ne souhaitent pas retrouver une vraie région Alsace autonome ?
Il y a ensuite ceux qui sont de mauvaise foi. Ils veulent adopter ce texte en prétendant qu’il s’agit d’un petit pas, mais avec l’idée d’en rester là !
Je le dis très clairement : si l’amendement n° 30 rectifié n’est pas adopté, cela signifie, chers collègues, que vous voulez majoritairement étouffer l’Alsace !
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. En aucun cas nous ne voulons refaire le référendum de 2013 ! En 2013, M. Kennel l’a rappelé, le référendum portait sur la possibilité de créer un conseil d’Alsace par fusion des deux départements et de la région. Rien de tel en l’espèce !
M. Pierre-Yves Collombat. Le référendum initial était encore mieux que celui-là !
M. André Reichardt. Il s’agit uniquement de poser aux Alsaciens une question très simple : voulez-vous retrouver votre région telle qu’elle existait préalablement ?
M. Pierre-Yves Collombat. Oui, mais c’est nul !
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Il faut garder à l’esprit que la région Grand Est a été constituée contre l’avis majoritaire d’un certain nombre de sénateurs et de députés. Il faut aussi penser à ceux qui sont associés à cette région.
J’aurais pu être tenté de voter l’amendement n° 30 rectifié, car l’Alsace l’avait réclamé. D’ailleurs, au moment de l’examen du projet de loi NOTRe, j’ai soutenu l’idée – certains s’en souviennent – que nous n’avions nul besoin d’une grande région compte tenu de l’existence d’une métropole européenne telle que Strasbourg ou Lille. La métropole et une petite région auraient suffi à garantir l’attractivité du territoire et à assurer sa renommée.
Mes arguments contre la mise en place de la grande région Grand Est étaient les suivants : 100 habitants au kilomètre carré pour la Champagne-Ardenne ou la Lorraine contre 220 habitants au kilomètre carré pour l’Alsace ; des PIB équivalents en Champagne-Ardenne et en Lorraine et un PIB beaucoup plus important en Alsace ; un taux de chômage équivalent en Champagne-Ardenne et en Lorraine pour un taux de chômage nettement inférieur en Alsace, ce qui n’a pas changé, car le territoire est tourné plus volontiers vers l’Est. Cette grande région a néanmoins été mise en place, avec les incohérences que l’on sait.
J’habite une commune située à 100 kilomètres de Paris et ma capitale régionale, imposée par vote à la demande de l’Alsace, est Strasbourg ! Le Grand Est est la seule région qui n’a pas eu le choix de sa capitale, dont acte !
Je pourrais donc être tenté de voter cet amendement, mais je ne le ferai pas. Pourquoi demander l’avis des Alsaciens et non celui des Champardennais ou des Lorrains ? Sont-ils d’accord pour que l’Alsace quitte la région Grand Est ? Nous aussi, après tout, nous l’avons subie cette grande région ! Elle s’est maintenant forgée. Quel sens cela a-t-il de remettre sans arrêt en cause le découpage territorial ? Il est essentiel d’avancer !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Pour ma part, je suis partisan d’un référendum dans chacune des régions pour savoir si les habitants veulent ou non un retour à l’ancien découpage. L’aberration a été de concevoir de grandes régions qui n’ont aucun sens, aucune solidarité interne et qui sont démesurément étendues.
C’est une gigantesque erreur, même si tout le monde ici fait semblant de ne pas s’en rendre compte et affirme que c’est très bien. Je le dis haut et fort : c’est faux !
Demandez à nos concitoyens : ils ne savent même pas qui sont leurs conseillers régionaux et ne connaissent pas leur rôle ! Il y a un décalage total par rapport à la réalité des territoires : les gens viennent nous demander à qui ils doivent s’adresser à l’échelon régional pour relayer leurs préoccupations !
J’avais d’ailleurs préparé un amendement visant à proposer un référendum dans chacune des régions, afin de savoir si celles-ci souhaitaient être rétablies dans leurs limites précédentes, mais il a été frappé d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution. Il reste donc les amendements dont nous discutons, qui sont rédigés un peu différemment.
Contrairement au précédent, l’amendement n° 6 rectifié bis ne subordonne pas la mise en œuvre de la loi à l’organisation d’un référendum, mais tend simplement à imposer la tenue d’une telle consultation.
Indépendamment du fait qu’il me semblerait bienvenu de prendre l’avis des deux autres anciennes régions, cet amendement est important pour l’Alsace, car ce référendum permettrait de savoir si le Gouvernement a raison d’affirmer que tout va bien ou s’il se moque du monde et prend les Alsaciens pour des imbéciles en prétendant régler leurs problèmes tout en sachant très bien qu’il n’en est rien.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. L’amendement n° 29 rectifié est très semblable au précédent.
Je constate que, dans cette enceinte, peu nombreux sont les sénateurs qui sont disposés à permettre l’expression du suffrage universel ! C’est intéressant pour les « gilets jaunes »,… (Exclamations agacées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Troendlé. Cela n’a rien à voir !
M. Jean Louis Masson. … qui demandent la possibilité d’organiser des référendums d’initiative citoyenne, des RIC.
Ils ont raison, selon moi ! Si l’on permettait l’organisation de référendums à la demande d’une partie de la population, le Parlement ne pourrait plus étouffer ainsi l’expression de la démocratie.
M. Pierre-Yves Collombat. Il n’y est pas obligé ; il pourrait aussi faire son travail !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 29 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
I. – Le titre III du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« TITRE III
« DÉPARTEMENT D’ALSACE
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 3431-1. – Sans préjudice des articles L. 1111 -8, L. 1111 -9 et L. 1111-9-1, et dans le respect des engagements internationaux de la France, le département d’Alsace est chargé d’organiser, en qualité de chef de file, sur son territoire, les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en matière de coopération transfrontalière.
« À ce titre, le département d’Alsace élabore un schéma alsacien de coopération transfrontalière. Il associe à son élaboration notamment l’État, la région Grand Est, l’eurométropole de Strasbourg et les autres collectivités concernées, ainsi que leurs groupements.
« Ce schéma comporte un volet opérationnel sur des projets structurants. Il comporte également un volet relatif aux déplacements transfrontaliers et identifie les liaisons routières et ferroviaires pour lesquelles le département d’Alsace est associé à l’élaboration des projets d’infrastructures transfrontalières.
« Art. L. 3431-2. – Le schéma alsacien de coopération transfrontalière doit être compatible avec le volet transfrontalier du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Le schéma de coopération transfrontalière de l’eurométropole de Strasbourg mentionné au deuxième alinéa du VIII de l’article L. 5217-2 doit être compatible avec le schéma alsacien de coopération transfrontalière.
« Art. L. 3431-3. – I. – Le département d’Alsace est chargé d’organiser les modalités de mise en œuvre du schéma alsacien de coopération transfrontalière, dans le respect des compétences des autres catégories de collectivités territoriales ou de leurs groupements. À ce titre, le volet opérationnel du schéma alsacien de coopération transfrontalière définit les modalités de sa mise en œuvre de la manière suivante :
« 1° Il énumère les projets qu’il propose de réaliser ;
« 2° Il identifie, pour chaque projet, la collectivité ou le groupement chargé de sa réalisation, les compétences concernées des collectivités et groupements et, si besoin, prévoit les conventions de délégation de compétences qu’il leur est proposé de conclure.
« II. – Pour la mise en œuvre du volet opérationnel, lorsque celle-ci nécessite de recourir à la délégation de compétences :
« 1° Chaque projet fait l’objet d’une convention de délégation de compétences distincte ;
« 2° Chaque convention définit précisément les compétences ou parties de compétences déléguées, nécessaires à la réalisation du projet ;
« 3° Chaque convention définit librement sa durée en fonction de celle du projet concerné, ainsi que ses modalités de résiliation par ses signataires ;
« 4° Un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut déléguer au département d’Alsace les compétences qu’il s’est vu transférer par ses communes membres.
« Sous réserve du présent II, ces conventions sont soumises à l’article L. 1111 -8 lorsqu’elles sont conclues entre collectivités territoriales ou entre le département d’Alsace et un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, et à l’article L. 1111-8-1 lorsqu’elles sont conclues entre une collectivité territoriale et l’État.
« Art. L. 3431-4. – L’État et le département d’Alsace prévoient, dans la convention prévue à l’article L. 312-10 du code de l’éducation, les recrutements complémentaires, y compris par contrat, des personnels chargés de dispenser un enseignement en langue et culture régionales. Sont prévues également, selon les mêmes modalités, la formation de ces derniers, l’ouverture de classes bilingues ou d’immersion, et l’évaluation de la mise en œuvre de cet enseignement.
« Art. L. 3431-5. – Le département d’Alsace a un rôle de chef de file dans la promotion de la langue régionale (allemand standard et dialectes alsaciens). Il définit un plan de soutien à la langue régionale, en concertation avec les autres autorités concernées.
« Art. L. 3431-6 (nouveau). – I. – Le département d’Alsace peut créer un conseil de développement.
« Le conseil de développement est consulté sur le projet de schéma alsacien de coopération transfrontalière mentionné à l’article L. 3431-1. Il peut être consulté par le président du conseil départemental sur tout autre projet d’acte. Il contribue à l’évaluation et au suivi des politiques publiques du département d’Alsace.
« II. – La composition du conseil de développement, les conditions de nomination de ses membres ainsi que la date de son installation sont déterminées par délibération du conseil départemental.
« Ses membres ne sont pas rémunérés et aucun frais lié au fonctionnement de ce conseil ne peut être pris en charge par une personne publique.
« Le conseil de développement comprend des représentants des milieux économiques, sociaux, culturels, éducatifs, scientifiques, environnementaux et associatifs du périmètre du département d’Alsace.
« Lorsqu’un organisme est appelé à désigner plus d’un membre du conseil, il procède à ces désignations de telle sorte que l’écart entre le nombre des hommes désignés, d’une part, et des femmes désignées, d’autre part, ne soit pas supérieur à un. La même règle s’applique à la désignation des personnalités qualifiées.
« Les conseillers départementaux ne peuvent être membres du conseil de développement.
« III. – Le conseil de développement établit son règlement intérieur.
« IV. – Le conseil de développement établit un rapport d’activité, qui est examiné et débattu par le conseil départemental du département d’Alsace. »
II. – Le premier schéma alsacien de coopération transfrontalière mentionné au I du présent article est élaboré dans un délai de deux ans à compter du 1er janvier 2021.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Ça faisait longtemps !
M. Jean Louis Masson. Mes chers collègues, nous ne sommes pas nombreux à défendre ces positions, il est donc normal que nous intervenions souvent ! Nous avons le droit de nous exprimer sur les articles.
Cet article 1er est emblématique, parce que son sort va déterminer la suite de la discussion. Ne nous faisons pas d’illusions : ce qui sera voté en l’espèce va définir le positionnement du Sénat.
Je ne me berce pas d’illusions moi-même, mais il me semble bon de recadrer ce qui nous est proposé. Rappelons que l’on avait initialement indiqué que l’État devait transférer des compétences à ce pseudo grand département, à cette pseudo-collectivité européenne d’Alsace – chacun peut qualifier cette entité comme il l’entend –, et que la région Grand Est devait faire de même. C’était cela qui était prévu au départ.
Or la région Grand Est a refusé de transférer quoi que ce soit, ce que je comprends : il n’y a aucune raison de mettre en place deux régimes différents dans la même région.
Toujours est-il que, au départ, le grand département d’Alsace devait récupérer des compétences issues à la fois de l’État et de la région Grand Est. Le refus de la région prouve bien que cette collectivité restera sous la même tutelle régionale qu’auparavant !
Il s’agit donc d’un étouffement de l’Alsace, que je ne cautionnerai pas parce que la population alsacienne – je ne parle pas des élus – se bat courageusement sur ce sujet, mais aussi parce que ce que l’on fait à l’Alsace, on le fait aussi aux autres départements de la région Grand Est.
Je l’ai dit à la tribune : la région Grand Est, c’est la chienlit, c’est un désastre pour les départements et pour les territoires qui en font partie. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet article 1er.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.
M. Max Brisson. Comme Frédérique Espagnac, je suis élu d’un département très éloigné de l’Alsace, dans lequel, il y a quatre ans, 5 000 personnes – j’en faisais partie, avec une majorité d’élus de toutes tendances politiques – manifestaient dans les rues de Bayonne pour demander une collectivité à statut particulier.
Nous n’avons pas obtenu satisfaction : à la place de cette collectivité, on nous a octroyé la communauté d’agglomération Pays basque rassemblant 158 communes avec 238 délégués.
M. François Bonhomme. Olé !
M. Max Brisson. Bref, on a répondu à une situation particulière par un statut de droit commun non dérogatoire et inadapté.
Or certains territoires rencontrent des problématiques spécifiques : une situation transfrontalière avec pour voisins des collectivités dotées d’une grande autonomie, le dynamisme d’une langue et d’une culture qui façonnent leur caractère particulier.
La création d’un département unique d’Alsace est nécessaire, tant la refonte de la carte régionale a balayé d’un revers de main l’histoire et la géographie et a donné naissance à des ensembles monstrueux sans identité.
M. François Bonhomme. Ah ça !
M. Max Brisson. Comment imaginer que l’Alsace, rayée d’un trait de plume, n’allait pas réagir ?
La création d’un département sans compétence nouvelle est toutefois un trompe-l’œil. En ce sens, l’octroi de compétences dans le domaine de la politique linguistique ou du tourisme demeure limité. J’étais sensible à l’amendement présenté par mon collègue André Reichardt visant à créer une véritable collectivité à statut particulier, avec un statut clair : celui de l’article 72 de la Constitution.
À défaut, donnons au moins à ce département unique d’Alsace de réelles compétences en matière d’éducation, de politique linguistique, de culture, de mobilité ou de gestion transfrontalière, faute de quoi nous créerions un ersatz et beaucoup de désillusions.
Le Sénat étant la chambre des territoires, répondons à leurs attentes ! Nous le savons, ils ont besoin de liberté et certains d’entre eux, qui doivent affronter des questions spécifiques, d’un statut particulier, qui n’altérera en rien leur intégration dans la communauté nationale et dans la République. (Mme Frédérique Espagnac et MM. René Danesi et André Reichardt applaudissent.)