M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Au-delà de l’aspect réglementaire du début de votre réponse, je peux vous dire que le sentiment des élus confrontés à un accident, je pense notamment à M. le maire de Chaniers, est loin d’être aussi administratif et technocratique que votre réponse !
Il y a une réalité, je prends évidemment acte de la création du giratoire et je remercie l’État de cette réalisation. Le sujet porte non là-dessus, mais sur le carrefour du Maine-Allain où l’on déplore régulièrement des accidents. Les élus qui doivent se déplacer sur le lieu d’un accident ressentent toujours beaucoup d’émotion, vivant un drame bien sûr sans commune mesure avec celui des familles.
Comme tous les gouvernements en place depuis la présidence de Jacques Chirac, celui auquel vous appartenez a fait de la sécurité routière l’une de ses priorités, ce qui peut être salué.
Je ne reviendrai pas sur des décisions brutales, telles que celle des 80 kilomètres-heure. Nous nous accordons tous sur le fait qu’il faut sauver des vies, comme le Premier ministre l’a rappelé hier encore lors de la restitution du grand débat. Il s’agit bien de cela, de sauver des vies sur la route nationale 141, notamment au carrefour du Maine-Allain.
délai de délivrance des certificats de nationalité française pour les français nés et établis hors de france
M. le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut, auteur de la question n° 711, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Ronan Le Gleut. Madame la secrétaire d’État, trois ans, trois longues années, trente-six mois, eh bien, c’est le délai moyen pour le traitement d’un dossier de demande de certificat de nationalité française, le CNF, par le service de la nationalité des Français nés et établis hors de France, le pôle « monde » du tribunal d’instance de Paris !
Ce délai était de dix-huit mois en 2007 ; on le considérait alors déjà comme anormalement long. Un tel retard trouvait son origine dans la multiplication des demandes injustifiées de CNF. En effet, le nombre de ces demandes était passé, entre 2004 et 2006, de 9 463 à 36 175, sans que les effectifs du tribunal d’instance du premier arrondissement de Paris aient été renforcés pour autant.
Grâce à la désignation de dix nouveaux agents ainsi qu’au regroupement géographique de l’ensemble des tribunaux d’instance parisiens, le délai moyen de délivrance des certificats de nationalité française fut alors réduit à douze mois.
Comme je l’ai mentionné, aujourd’hui, ce délai est en moyenne de trente-six mois.
L’attention de la direction des services judiciaires a été appelée sur la nécessité de renforcer les moyens humains. On annonce l’arrivée de greffiers en renforts. Qu’en est-il, monsieur le secrétaire d’État, et surtout, combien seront-ils ?
D’autres pistes peuvent être explorées pour réduire ce délai inadmissible pour les Français nés et établis hors de France. Il conviendrait notamment de mettre en place un système de filtrage des demandes qui n’ont aucune chance de prospérer, car elles sont nombreuses ! Par ailleurs, où en sommes-nous de la numérisation des dossiers ?
Il est en tout cas impératif de ramener le délai de délivrance des certificats de nationalité française à douze mois, délai atteint il y a dix ans.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Ronan Le Gleut, vous avez attiré l’attention de Mme la garde des sceaux sur les délais de délivrance des certificats de nationalité française ; ne pouvant être présente ici ce matin, elle m’a chargée de vous répondre.
Le pôle de la nationalité du tribunal d’instance de Paris est destinataire des demandes de certificat de nationalité française émanant des personnes domiciliées à l’étranger, ce qui correspond à plus de 30 000 demandes par an ; en deux ans, ce nombre a augmenté de plus de 25 %.
Cette augmentation a provoqué, depuis 2005, un doublement du stock des dossiers en cours, et ce en dépit d’un taux de couverture des demandes relativement constant et, depuis le début de l’année 2019, supérieur à 100 %.
Des moyens, tant organisationnels qu’humains, ont été déployés pour résorber ce stock et réduire en conséquence le délai de traitement des demandes.
Tout d’abord, une rationalisation du traitement des dossiers et, en particulier, l’instauration d’un système de préanalyse ont permis d’opérer un tri utile au sein des demandes de certificat de nationalité française, permettant notamment de distinguer celles qui nécessitent une instruction, ainsi que celles qui sont dépourvues de tout fondement juridique.
Ensuite, une priorisation du traitement des demandes a pour objectif d’apporter immédiatement des réponses aux dossiers dont l’instruction est achevée et de compléter l’instruction des demandes fondées sur des motifs permettant de justifier la délivrance d’un certificat de nationalité française.
Enfin, une réorganisation du service, visant à l’adapter à ses effectifs actuels et prévisibles, a permis d’entamer le stock des dossiers, de telle sorte qu’une réduction du délai de traitement peut raisonnablement être attendue.
Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que les services du ministère de la justice continueront de porter une attention particulière aux modalités de délivrance de ces documents, qui revêtent une importance particulière pour les personnes qui le sollicitent.
M. le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour la réplique.
M. Ronan Le Gleut. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Vous avez évoqué une augmentation de 25 % des demandes depuis deux ans. Peut-être faudrait-il donc, avant de chercher des remèdes, s’interroger sur les causes de ce phénomène. Assiste-t-on à une explosion des demandes ? Si oui, quelles en sont les causes ? L’élargissement des conditions d’attribution de la nationalité française adoptées par le précédent gouvernement n’en est-il pas responsable ?
conséquences des manifestations pour les commerçants
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, auteur de la question n° 620, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Claude Raynal. Monsieur le secrétaire d’État, cela fait vingt et une semaines, soit bientôt six mois, que les « gilets jaunes » contestent, dans nos centres-villes, l’action du Gouvernement ! Le plus long mouvement social de ces quarante dernières années ne suscite toujours pas, à ce jour, de réponse politique, seule à même d’y mettre un terme. En effet, si l’ordre public doit être la règle, la réponse ne saurait être uniquement répressive, d’autant que cette approche a eu des conséquences dramatiques pour nombre de manifestants parfaitement pacifiques.
Bientôt six mois que, chaque samedi, les centres-villes sont désertés ! Au-delà des destructions opérées par des groupuscules de casseurs, ceux des commerçants qui choisissent d’ouvrir leurs boutiques doivent subir des journées « ville morte », quand d’autres, par peur des pillages, gardent leurs rideaux baissés.
Nous le savons bien, le chiffre d’affaires perdu lors de ces journées, qui devraient être les meilleures du point de vue commercial, ne se rattrape jamais. Au fil du temps, le comportement des consommateurs évolue : ils choisissent d’aller dans les centres commerciaux de périphérie, ou de commander par internet, pour ne pas se trouver en ville au moment des manifestations.
Dès lors, l’attractivité future de nos centres-villes est gravement menacée et doit faire l’objet de toute l’attention de l’État comme des collectivités. Quant au fonds de 3 millions d’euros envisagé par le Premier ministre pour des opérations de promotion commerciale, il n’est pas à l’échelle de la problématique.
Concernant le soutien aux commerçants indépendants eux-mêmes, la réponse du Gouvernement est là aussi trop limitée, dans le temps comme dans ses effets, car l’étalement de la dette, qu’elle soit fiscale ou sociale, n’apporte aux entreprises qu’une solution de court terme.
Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances avait, en son temps, ouvert la voie à une possibilité d’exonérations de taxes et cotisations sociales. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, le nombre d’exonérations accordées à ce jour et leur montant total ?
La grande absente des mesures annoncées par le Gouvernement reste la question de la dégradation de la trésorerie de ces sociétés ; on sait qu’elle préfigure souvent des redressements ou des liquidations. En la matière, vos appels incantatoires à la plus haute bienveillance des banques risquent d’être insuffisants.
Sur un autre plan, on entend que les compagnies d’assurance réfléchiraient à demander, à l’avenir, une surprime aux établissements commerciaux de centres-villes, ce qui reviendrait pour ceux-ci à subir une triple peine : réparations, perte de chiffre d’affaires, augmentation des primes d’assurance.
Alors, même si ce gouvernement, depuis vingt et une semaines, ne parvient pas à trouver de sortie à la crise politique, peut-être peut-il répondre aux attentes de nos concitoyens artisans et commerçants indépendants, qui, au fond, en paieront très largement la note !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Raynal, vous avez raison de souligner l’impact du mouvement dit des « gilets jaunes » sur l’activité des commerces de centres-villes et de périphérie.
Permettez-moi, avant de répondre à votre question relative aux modalités d’intervention du Gouvernement, de souligner que cet impact recouvre, évidemment, les charges liées à des sinistres ou à des dégradations, les pertes de chiffre d’affaires, mais aussi les nuisances apportées à l’image et à l’attractivité des centres-villes, ou encore les chocs psychologiques que subissent celles et ceux qui voient disparaître, parfois en quelques minutes, le fruit d’années de travail.
Nous estimons qu’ont eu lieu, depuis le début de ce mouvement, environ 10 000 sinistres, pour des dégâts dont le montant avoisine les 200 millions d’euros ; 5 200 entreprises, employant 74 000 salariés, ont eu recours au dispositif d’activité partielle, qui représente un engagement de l’État à hauteur de 40 millions d’euros ; enfin, 4 400 entreprises ont fait l’objet de mesures fiscales, notamment d’étalement de paiements et de report de délais, et 7 000 délais de paiement ont été accordés, soit sous forme classique, soit sous forme de report de termes d’échéances sociales.
La réponse du Gouvernement s’est faite en trois temps. Dès le mois de novembre 2018, c’est-à-dire dès les premiers jours de la mobilisation, nous avons demandé à l’ensemble de nos services d’être extrêmement bienveillants envers les commerçants et les chefs d’entreprises concernés, notamment par l’octroi de délais de paiement. Cela s’est fait dans le cadre d’une relation bilatérale assez informelle, mais courante en la matière, et nous avons veillé à ce que l’ensemble de nos services appliquent ces instructions.
Nous avons aussi permis l’accès de ces entreprises au dispositif d’activité partielle ; cela a concerné, je l’ai rappelé, 74 000 emplois.
En outre, nous travaillons étroitement avec la Fédération bancaire française et la Fédération française de l’assurance pour accélérer l’indemnisation des sinistres. Nous faisons en sorte, là aussi, que les acteurs du monde de l’assurance et de la banque soient extrêmement attentifs aux difficultés et évitent d’avoir recours aux méthodes que vous avez décrites.
En février dernier, Agnès Pannier-Runacher et moi-même avons renouvelé, sans terme défini, les mesures de bienveillance en matière d’étalement, mais nous avons également mis en place des équipes mobiles, formées par les différents services de l’État et les organismes consulaires, chargées d’aller directement à la rencontre des commerçants et des artisans concernés. En effet, nous avions constaté que beaucoup d’entre eux ne faisaient pas valoir leurs droits et n’avaient pas recours aux mesures que nous avions mises en place, soit pour des raisons de temps, soit du fait de craintes liées à des pratiques ou à des relations habituelles.
Le 6 mars dernier, enfin, nous avons encore reconduit ces dispositifs et mis en place la possibilité d’une remise partielle ou totale d’impôt direct. Je ne peux vous donner un bilan chiffré de cette mesure, monsieur le sénateur, tant elle est récente, mais nous l’avons appuyée sur une déclaration extrêmement simplifiée, mise à disposition tant des commerçants que de leurs associations sur le site du ministère. Les dossiers sont examinés au cas par cas ; nous sommes notamment attentifs à la perte d’activité et au manque de liquidité ou de trésorerie.
Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé, comme vous l’avez rappelé, qu’il mettrait en place un fonds de 3 millions d’euros pour accompagner les associations de commerçants, en liaison avec les collectivités. La ville de Toulouse a ainsi mobilisé un million d’euros, la région Occitanie a elle aussi mobilisé des fonds ; c’est heureux et cela doit nous permettre d’apporter une réponse aussi précise que possible.
Je vous précise enfin, en m’excusant, monsieur le président, de dépasser mon temps de parole, qu’une réunion du comité de suivi avec les associations de commerçants se tiendra de nouveau cet après-midi, comme nous le faisons régulièrement depuis maintenant plusieurs mois.
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, il ne faudrait pas qu’un tel dépassement – quarante secondes ! – se renouvelle à chaque question ; réduire la longueur de vos réponses arrangerait tout le monde !
délégations de service public et remontées mécaniques
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 735, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Cyril Pellevat. Monsieur le secrétaire d’État, en France, la loi donne le statut de service public au transport par remontées mécaniques, y compris pour les remontées à vocation touristique dans le contexte concurrentiel des stations.
Ce choix singulier, que la France est seule à avoir fait parmi ses concurrents dans l’arc alpin, comporte des limites dont il est de plus en plus difficile de s’accommoder sans nuire à l’économie de nos stations.
L’application que nous avons ainsi faite des délégations de service public à l’économie très particulière des domaines skiables est une construction juridiquement instable, comme en atteste l’arrêt du Conseil d’État du 29 juin 2018 relatif à la station de ski du Sauze, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Cet arrêt a provoqué une onde de choc de nature à effrayer les investisseurs privés et les établissements financiers.
Dans ce cas d’espèce, une convention « loi Montagne » avait été rédigée entre la collectivité et l’opérateur privé historique de la station, propriétaire des remontées mécaniques, des autres biens et du foncier. Arrivés au terme du contrat, délégant et délégataire ont appliqué les clauses de rachat prévues au contrat, mais se sont heurtés au contrôle de légalité : ces clauses ont été jugées illégales, alors même qu’elles avaient été rédigées et validées par les conseils juridiques et l’administration.
Depuis l’arrêt du Conseil d’État Commune de Douai du 21 décembre 2012, on savait que les clauses d’indemnisation des biens de retour fixées à des valeurs supérieures à la valeur nette comptable étaient regardées comme non conformes, ce qui pose un problème partout où de telles clauses ont été conclues.
L’arrêt Sauze va plus loin : il fait craindre que ces clauses soient inopérantes en pratique, ce qui modifie l’équilibre économique du contrat. Cela pose aussi la question de l’expropriation des exploitants, que l’arrêt Commune de Douai avait exclue.
De surcroît, l’arrêt Sauze exprime une vision très extensive des biens de retour, qui inclut notamment immeubles et parcs de stationnement ; le Conseil d’État semble considérer que l’ensemble des biens de la concession sont des biens de retour. Cet arrêt constitue un revirement jurisprudentiel, qui affecte, directement ou indirectement, toutes les concessions de remontées mécaniques.
L’impermanence des règles pose un problème de loyauté, dès lors qu’on applique la nouvelle règle à des contrats signés antérieurement à l’arrêt Commune de Douai.
C’est encore plus le cas lorsqu’il s’agit d’exploitants qui étaient propriétaires d’une exploitation antérieurement à leur premier conventionnement et que tout le monde – tant leurs conseillers juridiques que les administrations – poussait à signer des clauses d’indemnisation, jugées illégales trente ans plus tard.
Outre les contentieux qui ne manqueront pas de naître de cette situation invraisemblable, ces changements incessants sont de nature à détourner les investisseurs privés des domaines skiables. Une telle situation n’est bonne ni pour les délégants ni pour les délégataires.
Conscients des difficultés nées de l’application du régime des délégations de service public aux remontées mécaniques, Domaines skiables de France et l’Association nationale des maires des stations de montagne se sont réunis plusieurs fois dans le but de formuler des propositions communes.
Dans l’hypothèse où les évolutions du droit rendraient caduques des dispositions contractuelles conclues antérieurement, l’équilibre économique du contrat doit être maintenu.
Ma question, monsieur le secrétaire d’État, est donc la suivante : comment comptez-vous sécuriser le classement des biens et leur indemnisation tel que stipulé dans les contrats conclus antérieurement aux évolutions du droit ? (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Pellevat, en l’état actuel de la jurisprudence, et sous réserve d’évolutions à venir de la législation, voici les précisions que je peux vous apporter.
Il résulte des articles L. 342–9 et suivants du code du tourisme que les communes, leurs groupements et les départements sont compétents pour les services de remontée mécanique, qu’ils peuvent assurer soit directement, en régie simple ou personnalisée, soit indirectement, à l’aide d’une délégation de service public.
Dans cette seconde hypothèse, l’autorité concédante et son cocontractant sont soumis au régime des biens de retour, tel que cela a été établi par le Conseil d’État. Dans une décision du 21 décembre 2012, Commune de Douai, que vous avez citée, le Conseil a estimé que « l’ensemble des biens meubles ou immeubles, nécessaires au fonctionnement du service public », dont la convention a mis « à la charge du cocontractant les investissements correspondants à la création ou à l’acquisition » constituent une catégorie de biens qui font retour gratuitement à l’autorité concédante à l’issue de la convention.
Dans une autre décision, en date du 29 juin 2018, Ministre de l’intérieur contre communauté de communes de la vallée de l’Ubaye, le Conseil a précisé que ce régime s’appliquait également aux biens qui étaient la propriété du concessionnaire avant le début de la convention.
Cette solution est justifiée par le fait que les biens ainsi acquis ont fait l’objet d’une rétribution au concessionnaire. En effet, d’une part, le concessionnaire peut amortir le coût de ces équipements pendant la durée de la concession, à l’aide du prix payé par les usagers du service ; d’autre part, et à défaut, l’autorité concédante lui doit une indemnité lorsque les biens ne peuvent être amortis, si la durée de la concession est inférieure à celle de l’amortissement, que cela soit décidé ab initio ou que la concession ait été résiliée de manière anticipée, pour faute du cocontractant ou pour motif d’intérêt général.
S’agissant de l’application de ce régime à la situation des concessionnaires de remontées mécaniques qui étaient propriétaires de leurs équipements avant la loi Montagne du 9 janvier 1985, ceux-ci disposaient d’une période transitoire de quatorze ans pour faire le choix soit de la cession onéreuse de leur équipement à la collectivité compétente, soit du régime conventionnel.
Pour ceux qui ont choisi la seconde option, il n’est pas douteux que l’apport des équipements par le concessionnaire a été pris en compte au stade de la négociation du contrat. Dans le cas contraire, et si la situation aboutit à un déséquilibre contractuel, que le consentement du concessionnaire a été vicié, ou bien qu’une évaluation erronée des biens apportés a été faite de bonne foi, alors le concessionnaire est fondé à faire valoir ses droits à indemnité.
Telles sont les précisions que je pouvais vous apporter, monsieur le sénateur.
application de l’article 121 de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 719, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Georges Patient. Monsieur le secrétaire d’État, en Guyane, la gestion du foncier de ce territoire par l’État est vécue comme la survivance d’un fait colonial. Oui, un fait colonial, je persiste et je signe !
Je m’explique : non seulement ce foncier continue d’appartenir, pour 95 %, à l’État, fait unique dans toute la France, mais surtout il est géré de façon jalouse et stérile, comme le dénonçait le Sénat dans un rapport de 2015 : l’État fait fi de ses obligations, malgré les exigences de la loi.
Un cas probant est la non-application de l’article 121 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
Cet article, qui résulte de l’adoption d’un amendement que j’avais déposé sur ce texte, dispose : « Dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, l’évaluation cadastrale des parcelles de forêt exploitées, concédées ou gérées par l’Office national des forêts est réalisée, en vue d’une perception de la taxe foncière sur les propriétés non bâties par les collectivités dès 2018. » Il venait rappeler que l’ONF, gestionnaire pour le compte de l’État, est redevable de cette taxe sur les parties du domaine forestier qu’il exploite et dont le produit des ventes de bois et concessions est affecté à son budget.
Pourtant, à ce jour, soit vingt-quatre mois après la promulgation de la loi, rien n’a été fait ! La perception de la taxe n’a toujours pas lieu ; c’est plusieurs centaines de milliers d’euros qui échappent ainsi aux collectivités de Guyane, dont bon nombre sont déjà exsangues financièrement.
J’ai interpellé le directeur régional des finances publiques de Guyane sur ce sujet, à la suite d’une lettre ouverte d’un agent de son administration se disant sanctionné pour avoir voulu lancer la procédure de recouvrement de cette taxe.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple : qu’en est-il ? Qu’attend le Gouvernement pour assumer ses responsabilités et demander à l’ONF de payer ce qu’il doit aux collectivités ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Patient, vous attirez mon attention sur la mise en œuvre des dispositions de l’article 121 de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi ÉROM, qui prévoit l’évaluation cadastrale des parcelles exploitées, concédées ou gérées par l’Office national des forêts en Guyane, en vue d’une perception, dès 2018, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties y afférant.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que ce sujet retient toute l’attention du Gouvernement et, en particulier, celle de nos services.
Comme vous le savez, ce dossier est extrêmement complexe, du fait de l’étendue de la forêt amazonienne guyanaise et des caractéristiques de cette dernière, très différentes de celles des bois et forêts métropolitains.
Aussi, nos services, en association avec ceux du ministère de l’agriculture, travaillent sur une taxation prenant en compte les spécificités de la forêt amazonienne de la Guyane et, en particulier, sa surface, qui s’élève à 5 millions d’hectares, contre 11,7 millions d’hectares de forêts dans tout l’Hexagone, ainsi que sa rentabilité réelle.
Je vous confirme qu’il sera bien procédé à l’émission d’une taxation des parcelles gérées par l’ONF au titre de la taxe foncière sur les propriétés non bâties de 2018, d’ici à la fin de l’année 2019, conformément aux dispositions évoquées, que vous aviez défendues dans cet hémicycle.
Tels sont les éléments que je pouvais vous apporter en réponse sur ce sujet qui vous tient particulièrement à cœur. Nous veillons en tout cas à la bonne application des dispositions de l’article 121 de la loi ÉROM.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour la réplique.
M. Georges Patient. Monsieur le secrétaire d’État, j’attendrai, puisque votre réponse est conforme à celle du directeur général des finances publiques, mais je voudrais poser de façon globale la question de la forêt guyanaise. Il est, selon moi, grand temps que, conformément à ce qui a pu être fait en France et dans d’autres territoires outre-mer, le foncier de la Guyane revienne aux Guyanais, dans le cadre d’un transfert de compétences.
financement du canal seine-nord europe
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, auteur de la question n° 679, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Jérôme Bascher. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte non pas sur un sujet médiocre, mais sur un projet comme l’Union européenne en reconnaît peu, à savoir le canal Seine-Nord Europe.
L’Union européenne a considéré qu’elle pouvait financer à hauteur de 50 % ce projet, dont le montant total s’élèverait à 4,8 milliards d’euros. Si l’Union accepte de le financer à cette hauteur, c’est que le jeu en vaut la chandelle !
Hélas, il y a les experts français, qui, dans les ministères, depuis de nombreuses années, s’acharnent à ne pas faire aboutir ce projet. Chacun, tour à tour, trouve une excuse. Souvent, c’est dans les ministères parisiens que l’on oublie un peu trop la nature du trafic maritime, du trafic routier, ou encore du trafic ferroviaire dans le nord de l’Europe. Tous les trajets sont aujourd’hui congestionnés !
Il est donc temps d’agir pour permettre, enfin, d’absorber la croissance qui ne manquera pas d’arriver sur cette façade maritime. En effet, si, vue de chez nous, cette façade ne paraît pas forcément si importante, en revanche, depuis la Chine ou les pays du Commonwealth, il s’agit de l’ensemble de la façade maritime de la France.
Si 70 parlementaires, qu’ils soient de droite, de gauche, ou encore « ni de droite ni de gauche », soutiennent ce projet, si trois présidents de la République successifs, l’un de droite, le second de gauche, et le dernier « ni de droite ni de gauche », soutiennent ce projet, alors il manque seulement un acteur : le financement de l’État ! Les collectivités locales se sont engagées. Xavier Bertrand et Nadège Lefebvre ont promis leur contribution.
Alors, monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple : quand allez-vous débloquer cette somme de 1,8 milliard d’euros que l’État doit apporter à ce projet ? Quand allez-vous nous donner accès aux données ?