M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, cher Mathieu Darnaud, c’est vrai qu’il faut parfois savoir changer d’avis.
La Conférence nationale des territoires est un lieu de dialogue très important. Je sais que le Sénat n’y a jamais été très favorable,…
Mme Sophie Primas. La première a eu lieu au Sénat !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … mais il est nécessaire que l’ensemble des élus locaux et, bien sûr, le Sénat y participent.
En matière de fiscalité, je tiens à rappeler que nous avons tout de même consacré cette année 180 millions d’euros à la péréquation en faveur des quartiers en difficulté et de la ruralité, où la DGF a fortement augmenté dans la mesure où elle ne subit plus de plein fouet, comme l’année dernière, les modifications de la carte intercommunale. Je suppose que vous l’avez vu sur la carte interactive disponible sur le site de la DGCL.
Par ailleurs, je connais bien le travail sur le statut de l’élu local qui a été réalisé, sous la présidence de Jean-Marie Bockel, par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, avec laquelle mon ministère et moi avons beaucoup travaillé. Nous allons bien sûr intégrer les propositions du Sénat, sans aucune difficulté.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous avons fait un travail permanent et constructif. Nous sommes bien sûr ouverts pour travailler avec vous sur bien d’autres sujets.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je souhaiterais que nous n’oubliions pas les Français établis hors de France. Ils sont plus de 3 millions à vivre dans tous les pays du monde, ce chiffre augmentant de 3 % à 4 % par an.
Ces Français ont participé au grand débat, ce qui n’a pas toujours été facile pour eux. Quand vous habitez à Conakry, c’est évidemment plus difficile que lorsque vous vivez en banlieue parisienne. Ils ont ainsi fourni 1 500 contributions écrites et participé à 300 réunions organisées dans près de 80 pays à travers le monde.
M. Rachid Temal. Bravo !
M. Richard Yung. C’est un travail collectif, je n’ai aucun mérite particulier.
Ils ont donné leur opinion sur les quatre grands thèmes du débat. Vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’ils ont placé les questions fiscales et les questions de transition écologique en tête de leurs souhaits. Ils demandent en particulier à être traités de manière égale et juste en matière fiscale.
Je soulèverai à cet égard un point particulier. La CSG a été supprimée pour celles et ceux qui adhèrent à un régime d’assurance maladie dans un pays membre de l’espace économique européen et en Suisse. Ils cotisaient en effet à la CSG de façon inutile, puisqu’ils étaient déjà couverts par un système de sécurité sociale.
M. le président. Il faut penser à conclure !
M. Richard Yung. Je conclus, monsieur le président.
Le gouvernement précédent a appliqué une décision de la Cour de justice de l’Union européenne et supprimé la CSG pour les ressortissants établis à l’intérieur de l’Union, mais il ne l’a pas fait pour les Français vivant en dehors de l’Union. Il s’agit là d’un traitement différencié et injuste.
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Richard Yung, il existe en effet des différences de traitement entre les Français établis au sein et en dehors de l’Union européenne. Cette différence résulte de traités européens, qui garantissent un certain nombre de droits. Pour les résidents européens, ces droits sont la libre circulation des personnes et des marchandises dans l’Union. Il n’y a rien d’anormal à ce que les traités créent des régimes juridiques différents pour les résidents européens et extra-européens.
En l’occurrence, la différence de traitement que vous mentionnez trouve une traduction en matière sociale avec l’exonération de la CSG et de la CRDS sur les revenus du capital, qui ne concerne en effet que les résidents de l’Union européenne. Il faut toutefois préciser que, en l’espèce, c’est non pas le critère de résidence qui joue, mais celui de l’affiliation. L’assujettissement aux cotisations et aux contributions sociales dépend du système social d’affiliation. Toutes les personnes affiliées au système français de sécurité sociale sont soumises aux mêmes règles. Inversement, la coopération européenne et la coordination en matière de sécurité sociale imposent que les affiliés aux autres systèmes sociaux européens puissent n’être soumis qu’aux règles de ces autres systèmes.
Ces garanties existent entre systèmes européens en raison d’objectifs convergents et comme contrepartie à la coordination qui existe entre eux. En dehors de l’Union européenne, il est normal que le principe de territorialité s’applique en l’absence de coordination entre les systèmes sociaux, sauf lorsqu’il existe des conventions spécifiques.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Les Français ont fait surgir la santé dans le grand débat. Il n’y a rien de surprenant à cela. Nos concitoyens vivent en effet douloureusement la destruction conjuguée des deux piliers de notre système d’accès aux soins que sont la médecine de ville – les déserts médicaux progressent de manière très inquiétante – et l’hôpital public, lequel est aujourd’hui à l’os et ne tient plus que grâce à l’exceptionnel engagement de ses personnels.
Personne n’acceptera que l’examen de la loi Santé se poursuive comme si de rien n’était. Personne n’acceptera qu’après avoir fait les questions de ce grand débat, vous en fassiez aussi les réponses !
Le conventionnement sélectif des médecins doit être décidé pour commencer à corriger au plus vite la démographie médicale en dissuadant de nouvelles implantations dans des zones surdotées. Des propositions ont été travaillées ici même en ce sens, elles peuvent rapidement voir le jour. Le système libéral étant incapable de se réguler, il est nécessaire que la puissance publique intervienne pour développer les unités employant des médecins salariés. Il faut donc aussi soutenir les centres de santé, portés notamment par les collectivités locales.
Il est enfin urgent non seulement de mettre fin aux fermetures de maternités et d’hôpitaux de proximité, mais également de rouvrir un certain nombre d’entre eux.
Comptez-vous prendre en compte ces propositions ? Si vous ne le faisiez pas, je pense que les Français ne croiraient définitivement plus à la sincérité de votre démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Céline Brulin, je connais vos positions sur le système de santé français. Il se trouve que ce cri des territoires, je l’ai entendu dès mon arrivée au ministère. La loi Santé répond exactement à la demande et aux besoins des Français aujourd’hui. Elle coordonne et structure une médecine et des hôpitaux de proximité. Telle est exactement la démarche que j’ai suivie. La seule question que je me suis posée est : comment rendre service à nos concitoyens, qui, aujourd’hui, s’inquiètent de ne pas trouver de médecin ?
Vous proposez une solution simpliste, toujours la même : la coercition des médecins.
Mme Cécile Cukierman. Il n’y a qu’à faire le tour des hôpitaux pour se rendre compte qu’elle n’est pas simpliste !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je rappelle que seuls 15 % des médecins veulent s’installer en libéral aujourd’hui…
Mme Cécile Cukierman. Et quand on dit que les femmes ne peuvent plus accoucher dans les maternités, c’est simpliste aussi ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Nous aurons l’occasion d’en débattre.
Il est certain qu’il n’y a plus de zones surdotées en France. J’aimerais savoir quel sénateur ici accepterait de se départir d’un médecin…
Il nous faut organiser le territoire en imaginant une autre solution que celle qui consiste à déshabiller Paul pour habiller Pierre. Or c’est malheureusement la seule solution que vous proposez.
Mme Cécile Cukierman. Allez visiter les hôpitaux !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Enfin, j’ai bien augmenté le budget des hôpitaux cette année. Pour la première fois depuis dix ans, leurs budgets et leurs tarifs sont en hausse. Je redonne du souffle à nos hôpitaux publics.
M. Fabien Gay. On ne vit pas sur la même planète !
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. En matière de transition écologique comme de volontarisme institutionnel, on attendait du Gouvernement des propositions plus éclatantes que le recyclage du conseiller territorial, avec ses justifications managériales d’efficacité et d’économies. Encore une incompréhension majeure sur ce que doit véritablement être la démocratie de proximité !
Recentrons-nous plutôt sur une fonction curieusement absente du grand débat : la fonction présidentielle.
Je comprends bien qu’affaiblir les assemblées, cultiver l’antiparlementarisme, supprimer les contre-pouvoirs, des corps intermédiaires jusqu’aux représentants du personnel, offre un confort incomparable. C’est d’ailleurs ainsi que l’ultralibéralisme produit mécaniquement des dérives autoritaires, sous couvert de neutralité technicienne.
En dépit de ce qu’on essaie de faire dire aux Français après le grand débat par un exercice de ventriloquie déconcertant de candeur, ce n’est pas ce qu’ils attendent pour la France ni d’ailleurs pour l’Europe.
Ma question porte sur cet angle mort que l’exécutif n’aborde pas, malgré quatre-vingt-dix heures – quatre-vingt-dix heures ! – de contribution présidentielle au grand débat : celle de la place de la fonction présidentielle dans notre édifice démocratique.
Monsieur le Premier ministre, comment entendez-vous prendre en considération le grand débat dans le cadre d’une révision institutionnelle sans cesse reportée ? Allez-vous transformer ce qui est un projet de technocratie plébiscitaire et de domestication du Parlement en une opportunité pour rééquilibrer notre architecture institutionnelle en faveur d’une meilleure représentation des citoyens et des corps intermédiaires ? Allez-vous accepter de mettre en place de nouveaux mécanismes délibératifs…
M. le président. Il faut conclure !
M. Éric Kerrouche. … et représentatifs pour revitaliser une Ve République épuisée par une présidentialisation excessive ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, votre question est assez paradoxale. Le Premier ministre l’a dit, le grand débat a fait émerger des questions fortes, il a également été marqué par un certain nombre de thématiques qui n’étaient pas abordées – on pense au chômage, à la mondialisation –, mais personne n’a évoqué la place de la présidence de la République dans notre architecture institutionnelle.
M. Rachid Temal. Personne ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Non ! Cette question n’a pas été abordée au cours du grand débat. Personne n’a remis en cause l’article 5 de la Constitution, qui prévoit que le Président de la République « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics », ni notre architecture institutionnelle.
M. Rachid Temal. Ah bon ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne crois donc pas qu’il y ait lieu de le repositionner.
En revanche, je vous rejoins assez aisément lorsque vous soulignez une demande d’évolution de la démocratie telle qu’elle s’exerce aujourd’hui pour y introduire, je le disais, des éléments de démocratie participative. C’est une demande forte à laquelle nous devrons répondre. Le Président de la République s’est engagé à apporter des réponses puissantes sur ces sujets.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. C’est ce qu’il fera. Dans les textes qui suivront ce grand débat, des éléments de réponse permettront, aux niveaux national et local, de répondre à cette demande accentuée de démocratie participative.
M. Rachid Temal. Quel suspense !
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Genest. La crise des « gilets jaunes » a été le cri de colère et de désespoir des territoires ruraux méprisés, voire ignorés par le pouvoir technocratique parisien. Ce cri correspondait à la fracture territoriale illustrée par les problèmes de mobilité, l’absence de services publics, la fiscalité, les 80 kilomètres à l’heure, le pouvoir d’achat et des revenus « inadmissiblement » bas. Dans ma commune comme ailleurs, la moyenne mensuelle des retraites agricoles est inférieure à 600 euros. La France devrait avoir honte.
Cependant, le problème le plus dangereux pour la survie de la ruralité est la santé, très souvent citée dans le grand débat. Les médecins généralistes arrivent à la retraite et ne sont pas remplacés. Pour une visite chez un spécialiste, il faut attendre un an et parcourir cent kilomètres aller-retour en voiture en l’absence de transports en commun. La ruralité attirait de plus en plus de retraités lassés de la ville, mais ceux-ci ne viendront plus sur un territoire sans médecin, sans dentiste, avec la pharmacie fermée et les cabinets d’infirmiers partis.
Dans ma question d’actualité du 30 octobre dernier, j’appelais l’attention sur le mouvement du 17 novembre. Bien entendu, le Gouvernement n’avait pas compris et il a été sourd à cet appel au secours. On a vu la suite… M. de Rugy n’a d’ailleurs toujours pas compris !
Les propositions homéopathiques contenues dans la loi Santé ne changeront rien, comme tout ce qui a été fait depuis de très nombreuses années. Il convient de prendre des décisions énergiques, autoritaires et en partie coercitives pour ne pas laisser sans soins des millions de Français. Les ruraux ne veulent pas de soins palliatifs, mais des soins curatifs. La ruralité a la jaunisse,…
M. le président. Votre question !
M. Jacques Genest. … vous ne la soignerez pas avec un cachet d’aspirine et des belles paroles.
Madame la ministre de la santé, que comptez-vous faire pour que des millions de Français puissent encore se faire soigner ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Genest, j’entends votre question. J’ai pris le problème à bras-le-corps, et il est faux de dire que la loi Santé ne contient que des mesures homéopathiques : c’est une loi extrêmement structurante qui va être débattue par votre assemblée en juin.
Cette loi vise à structurer la médecine de proximité en donnant une nouvelle responsabilité aux professionnels de santé en dehors de la responsabilité de leur patientèle : la responsabilité territoriale. Tous les professionnels de santé d’un territoire s’engagent à s’organiser en groupe pour couvrir une population donnée et permettre l’accès aux soins, à un médecin traitant, à des soins non programmés, à la prévention. Des organisations nouvelles vont se mettre en place dans les territoires.
Nous allons doubler les maisons de santé et les centres de santé pluriprofessionnels, car c’est l’avenir de la médecine. C’est ce qui se fait dans tous les pays du monde aujourd’hui. La médecine en cabinet isolé est vouée à disparaître, parce qu’elle n’est plus adaptée pour soigner les pathologies chroniques.
Nous allons structurer des hôpitaux de proximité qui rendront un service de proximité autour de la gériatrie, de la médecine polyvalente, de plateaux techniques. Nous allons réinvestir dans ces hôpitaux. Nous allons y favoriser des consultations avancées de spécialistes, comme dans les maisons de santé. C’est ce qui se passe dans les GHT, où des professionnels de santé spécialistes…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Agnès Buzyn, ministre. … dispensent du temps médical.
Cette loi structurante va rapprocher notre système de santé des besoins des territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. À la suite du grand débat, au-delà des réformes structurelles dont la mise en œuvre prendra nécessairement du temps, nos concitoyens attendent du Président de la République et du Gouvernement des mesures concrètes susceptibles d’avoir une traduction effective à court terme. Dans l’esprit des Français, il s’agit essentiellement de mesures à caractère fiscal et en faveur du pouvoir d’achat.
Le Premier ministre a lui-même évoqué « une immense exaspération fiscale », mais si cette exaspération porte sur le niveau global des prélèvements, elle s’adresse aussi à la répartition de l’effort fiscal. Pouvez-vous imaginer une réforme fiscale sans que celle-ci concerne aussi la TVA ? L’institution d’une TVA à taux zéro sur certains produits de première nécessité, les produits alimentaires non transformés par exemple, et l’application d’un taux réduit à une gamme plus large de produits incluant en particulier des produits d’hygiène concourant à des objectifs de santé publique sont une réponse en termes de pouvoir d’achat.
Je connais les objections récurrentes du ministère de l’économie et des finances sur de telles propositions. L’argument selon lequel le différentiel de TVA serait capté par une majoration de la marge des producteurs et des distributeurs me paraît infondé, car nous sommes bien dans une économie de marché, donc concurrentielle, et cela prouverait par l’absurde que les taux intermédiaires et réduits de TVA actuellement en vigueur n’ont aucune incidence sur le prix TTC, donc aucune utilité.
La deuxième objection concerne la directive européenne sur la TVA, mais dont il est sans doute possible d’utiliser les souplesses dérogatoires ou d’obtenir quelques révisions à la marge.
La troisième objection est le coût budgétaire de telles mesures, mais ce manque à gagner ne pourrait-il pas être compensé, au moins partiellement, par l’instauration de droits d’accises sur certains produits de luxe ?
Fiscalité et pouvoir d’achat étant intimement liés,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Marc Gabouty. … la modulation des taux de TVA est-elle une option envisageable par le Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur, votre interpellation porte sur la fiscalité, largement abordée dans les contributions de nos concitoyens. Qu’il s’agisse des débats, des cahiers de doléances, des interrogations, des envois de courriers ou des contributions sur la plateforme, la question de la fiscalité est arrivée en premier.
Évidemment, il y a beaucoup d’impôts en France, de nature très différente entre les ménages et les entreprises.
Le Président de la République souhaite baisser la fiscalité. Je me suis permis de faire passer à votre collègue sénatrice un petit graphique assez révélateur de la montée de la fiscalité, parfois qualifiée d’overdose fiscale, composée par deux gouvernements. Nous devons effectivement répondre à cette baisse de la fiscalité souhaitée par nos compatriotes. La question est de savoir où, avec des comptes publics que vous savez dégradés.
Il appartient au Président de la République de choisir les impôts qu’il proposera éventuellement à la représentation nationale et à la population de baisser. La question de la TVA est posée. Vous savez bien qu’elle soulève un problème de recettes, puisque c’est l’impôt, non social, qui rapporte le plus d’argent dans les caisses de l’État.
La TVA applicable aux produits de première nécessité fait l’objet d’interrogations. Il est vrai, comme l’a dit M. le ministre de l’économie et des finances, que ceux-ci sont déjà soumis à un taux très réduit de 5 %. Faut-il aller plus loin ? La Commission européenne répond « non », mais nous pourrions tout à fait négocier avec elle. En tout cas, ce ne sera pas automatique et immédiat, contrairement à d’autres impôts que nous maîtrisons totalement.
Par ailleurs, il convient de prendre en compte le rôle du distributeur. La baisse de la TVA sur la restauration n’a pas créé autant d’emplois que nous le pensions tous, même si elle a sans doute permis d’en créer une part et d’augmenter les marges,…
M. le président. Il faut penser à conclure !
M. Gérald Darmanin, ministre. … comme l’ont démontré les rapports du Parlement et de l’Inspection générale des finances. Elle représente des pertes de recettes fiscales et, pour autant, peu de pouvoir d’achat donné à nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Philippe Bonnecarrère. Le grand débat, à mon sens réussi, apporte une preuve supplémentaire de la volonté des Français de participer à la décision publique. La manière de décider a changé : nous sommes passés d’une légitimité de position à une légitimité de décision, à une « démocratie délibérative », pour reprendre les termes de M. le Premier ministre.
Le Sénat a fait, sous votre autorité, monsieur le président, dix propositions pour une démocratie plus participative renforçant la démocratie représentative et sans s’y substituer. Ces propositions portent sur le renforcement du référendum local, une rénovation du droit de pétition, à travers un droit de tirage citoyen, un droit d’initiative législative, un mécanisme de questions posées par des citoyens et, enfin, un assouplissement du référendum d’initiative partagée.
Ma question porte sur ce dernier point : l’exécutif a-t-il le projet de reprendre la révision constitutionnelle ? Si oui, le fera-t-il par la voie parlementaire ? Proposerez-vous un nouveau texte ou comptez-vous sur le Parlement pour l’enrichir, notamment sur le référendum d’initiative partagée, qui pourrait ainsi s’inscrire dans la République contractuelle évoquée par M. le Premier ministre ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, votre question reflète bien ce qui ressort clairement des résultats du grand débat. Je ne prétends pas à moi seule les interpréter, mais sous le chapitre « mieux associer les citoyens à la décision publique », quatre items ressortent prioritairement : le référendum, qu’il s’agisse du référendum national, mais surtout local, comme vous le disiez vous-même dans votre propos ; repenser le rôle des élus et des institutions, avec plus de disponibilité et plus d’exemplarité, cela vaut d’ailleurs également pour le Gouvernement ; développer la participation citoyenne et faire évoluer le système électoral. Le fait de mieux mobiliser les corps intermédiaires et la société civile vient plus loin.
Ces résultats disent évidemment que nous ne pourrons pas reprendre la révision constitutionnelle telle qu’elle était écrite,…
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … encore qu’elle comprenait des éléments allant vers davantage de démocratie participative, de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. Il me semble néanmoins que ce serait ne pas entendre ce qui a été dit dans le grand débat que de laisser les choses en l’état. Il appartiendra au Président de la République de préciser la manière dont il entend travailler sur ce sujet. En tout cas, et c’est essentiel, il ne s’agit absolument pas de substituer la démocratie participative à la démocratie représentative…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … ni même d’ailleurs de créer de la confusion entre l’une et l’autre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Lundi, le Premier ministre a présenté la synthèse du grand débat national. Pour ce qui concerne la fiscalité, un constat s’est imposé : l’exaspération est à son comble. Les Français ont ainsi appelé de leurs vœux une baisse massive de la fiscalité. Cette baisse devra concerner les particuliers autant que les entreprises, avec un objectif clair : augmenter le pouvoir d’achat de tous nos concitoyens.
Cette baisse globale de la pression fiscale, pour concerner tous les Français, ne devra pas laisser de côté les outre-mer. Certes, des dispositions spécifiques existent déjà. Pourtant, elles se révèlent encore insuffisantes pour combler le différentiel de compétitivité de ces territoires par rapport à la métropole et à leur environnement géographique.
Comment la baisse massive et rapide des impôts concernera-t-elle les outre-mer, notamment les entreprises ? Qu’est-ce que le Gouvernement prévoit d’apporter aux dispositifs existants, notamment pour ce qui concerne les TPE et les PME ? Le Gouvernement envisage-t-il d’élargir les aménagements fiscaux propres à certains secteurs d’activité à l’ensemble des entreprises ultramarines ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué « l’exaspération » fiscale et l’attente fortement exprimée par les Français, en métropole comme dans les outre-mer, de voir diminuer cette pression fiscale. C’est ce à quoi nous nous employons : nous avons comme objectif de diminuer le taux global de prélèvements obligatoires de 1 point de PIB à l’échelle du quinquennat.
Cette baisse doit profiter à tous les territoires. Elle doit aussi être l’occasion d’améliorer la lisibilité de notre système fiscal. Nous aurons à travailler sur la fiscalité locale dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation ; ce sera très certainement l’occasion d’améliorer cette lisibilité. Nous aurons à travailler sur les impôts des ménages, comme sur ceux des entreprises. Vous savez les débats qui animent tant le Sénat que l’Assemblée nationale en matière de rationalisation des niches fiscales, de recherche d’économies et de lisibilité. Nous aurons à veiller à ce que les territoires ultramarins bénéficient, comme la métropole, des mêmes dispositifs d’exonération. La baisse de l’impôt sur les sociétés mise en œuvre par le Gouvernement profite d’ailleurs à l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur localisation.
Concernant la fiscalité plus spécifique des outre-mer, ces dispositifs dérogatoires ou particuliers de fiscalité qui peuvent d’ailleurs varier d’un territoire ultramarin à l’autre, je puis vous assurer que Mme la ministre des outre-mer, en liaison avec Gérald Darmanin et moi-même, veillera à ce qu’elle soit adaptée dans le même sens qu’en métropole et sur l’ensemble des territoires.