Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le drame de Marseille a été un choc pour tout le monde dans le pays.
Un tel drame paraissait inimaginable dans la France du XXIe siècle. Cet effondrement de plusieurs immeubles, causant la mort de huit personnes et le déplacement de mille habitants, a mis en lumière, au plan national, l’existence de 450 000 logements indignes ou insalubres.
Dans une France qui est la cinquième puissance économique mondiale, cet état de fait nous interpelle et nous oblige à agir. Alors oui, il faut renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des communes et des EPCI en matière de logements insalubres ou dangereux !
L’auteur de ce texte, Bruno Gilles, nous invite à prendre le taureau par les cornes. Mme la rapporteur, Dominique Estrosi Sassone, avec la commission des affaires économiques, a complété ce texte pour s’assurer que les réponses soient juridiquement et techniquement les plus pertinentes.
Bruno Gilles nous propose, dans les zones d’habitat dégradé, de soumettre à autorisation préalable toutes les opérations tendant à diviser un logement en plusieurs, car le droit actuel ne prévoit cette possibilité qu’en cas de travaux. Or le propre des marchands de sommeil, c’est précisément de ne pas réaliser de travaux !
Aussi, il faut détacher l’autorisation préalable de la réalisation de travaux et l’exiger en toutes circonstances.
Ce texte modifie également les conditions de délivrance par le maire ou le président d’EPCI du « permis de louer » un logement lorsque la commune l’a instauré. Actuellement, le silence gardé pendant un mois par le maire sur une demande de « permis de louer » vaut délivrance de cette autorisation. Il n’y a donc pas d’obligation formelle pour l’autorité saisie de s’assurer que le logement appelé à être loué ne présente pas de danger. Il faut inverser le dispositif en remplaçant la décision implicite d’acceptation par une décision implicite de refus.
Le texte vise aussi à permettre au maire ou au président d’EPCI de consulter le casier judiciaire d’une personne qui sollicite un « permis de louer » ou un permis de diviser un logement dans les zones à risques au regard de l’insalubrité.
Il propose encore de simplifier, dans le respect du droit de propriété, l’expropriation en raison de l’insalubrité ou de la dangerosité des immeubles. Actuellement, la loi n’envisage l’insalubrité ou la dangerosité comme une cause d’expropriation que dans des cas très limités. Il faut ajouter à ces cas l’hypothèse des immeubles dans lesquels on peut remédier à l’insalubrité, mais dont le propriétaire ne fait rien.
Il s’agit également d’accélérer les réponses aux situations d’insalubrité et de dangerosité des immeubles.
Ainsi, le texte réduit la durée maximale d’habitation, abaisse de trois mois à un mois le délai imparti pour qu’un agent se rende sur place lorsqu’un citoyen saisit l’administration. Il renforce l’efficacité des sanctions contre les marchands de sommeil et aggrave les sanctions administratives. Bruno Gilles a tiré les conséquences de la forte réticence des occupants des logements loués par des marchands de sommeil. Il complète ainsi la faculté ouverte aux associations de se constituer parties civiles.
Mme la rapporteur, Dominique Estrosi Sassone, dont on connaît l’expertise en matière de logement et le souci d’efficacité et d’efficience, a apporté beaucoup d’améliorations au texte : un diagnostic technique obligatoire pour les copropriétés de plus de quinze ans ; la possibilité pour les syndics de faire des signalements ; la création d’une police spéciale du logement en cas d’insalubrité sur le modèle de celle existant en cas de péril, même si, selon les cas, cette police ne relève pas de la même autorité – maire pour le péril, préfet pour l’insalubrité, mais même procédure –, la présence obligatoire d’un syndic professionnel pour la durée de l’arrêté de péril ou d’insalubrité.
Elle s’est efforcée de renforcer le rôle des collectivités dans cette lutte grâce à plusieurs dispositions : la mise en place d’un droit de priorité au profit des collectivités territoriales pour bénéficier du bien exproprié ; la création d’un nouveau cas d’expropriation ; le versement du produit des amendes prononcées aux collectivités qui assumeront le traitement des demandes du « permis de louer » ; la dispense pour le bailleur de demander un « permis de louer » lorsqu’il aura déjà obtenu une autorisation expresse depuis moins d’un an. Enfin, et surtout, elle a prévu des sanctions plus lourdes contre les marchands de sommeil.
Il ne s’agit pas d’un texte pour se donner bonne conscience après le drame de Marseille. Il s’agit bien d’améliorer la loi pour qu’un tel drame ne se reproduise plus.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. François Grosdidier. Quand un tel drame survient, la presse, l’opinion, mais aussi, hélas, certains élus désignent un responsable, un fautif, un coupable : le maire ! Bouc émissaire, ce dernier subit souvent la frustration de l’impuissance, puis l’injustice de la mise en cause. Alors, donnons au maire les prérogatives lui permettant d’agir, pour ne plus avoir à subir.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Merci, madame la présidente. Je veux juste dire quelques mots avant que nous commencions l’examen de ce texte. Je vous remercie tous, les uns et les autres, du soutien que vous avez exprimé, lors de cette discussion générale, à cette proposition de loi.
Je dois vous dire, monsieur le ministre, que Dominique Estrosi Sassone et moi-même, ainsi que des membres de la commission, avons été reçus, partout sur le territoire, par des élus qui mettent beaucoup de moyens et d’énergie pour lutter contre le logement insalubre, et qui se heurtent parfois à la complexité et la longueur des procédures, les plongeant dans des situations inextricables. Il est temps, aujourd’hui, que nous essayions de détricoter cette complexité.
Je veux également rendre hommage aux services de l’État, qui nous ont reçus partout où nous sommes allés. Eux aussi font véritablement un travail de fourmi. Ils reçoivent parfois 400, 500 signalements, et ne peuvent traiter que 7, 8 ou 9 cas dans l’année, ce qui est déjà une grande victoire. Il faut aussi aider les services de l’État.
Je veux aussi saluer les acteurs du logement social, qui se débattent, même si, nous l’avons constaté, il faudrait les aider à venir en milieu rural, là où il y a seulement 5, 6 ou 7 appartements à rénover, ce que seuls les acteurs du social peuvent financer.
Une de nos obsessions était de voir l’étendue, la diversité des situations. Je me répète, mais je tiens vraiment à remercier tous nos collègues de nous avoir reçus sur leur territoire, à Montfermeil, à Aubervilliers, à Marseille, bien sûr, à Ham, à Sainte-Anne en Guadeloupe, en Martinique. Je remercie tout particulièrement Catherine Conconne de son accueil formidable, chez elle.
Ce soir, monsieur le ministre, sans faire de misérabilisme j’ai une pensée pour Marie-Thérèse, âgée de plus de 90 ans, habitante de Sainte-Anne, en Guadeloupe, qui, depuis 1963, habite un logement insalubre, lequel, pour diverses raisons, est de plus en plus insalubre. On lui a proposé un logement, et elle était enfin d’accord, mais, le problème, c’est qu’il n’y a plus d’APL accession depuis l’année dernière, et cela bloque le système.
Monsieur le ministre, s’il y a une chose que je vous demande ce soir, c’est de vous souvenir de ce cas lors de la préparation du projet de loi de finances, avec toute l’humanité que vous avez en vous, comme nous tous, et de retravailler sur cette APL accession. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Annie Guillemot et Mme Catherine Conconne applaudissent également.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux
Chapitre Ier A
Prévenir les situations d’insalubrité et de dangerosité des immeubles
(Division et intitulé nouveaux)
Article 1er A (nouveau)
I. – L’article L. 731-4 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :
« Le diagnostic technique global prévu à l’article L. 731-1 est obligatoire pour les immeubles construits depuis plus de 15 ans et soumis à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Lorsque l’immeuble mentionné à la première phrase du présent alinéa comporte moins de 50 lots principaux, le diagnostic technique est simplifié et son contenu est défini par décret en Conseil d’État.
« Les diagnostics techniques mentionnés au premier alinéa sont actualisés tous les dix ans. »
II. – Le I du présent article entre en vigueur dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Comme l’a dit notre collègue Annie Guillemot, quand il existe entre 450 000 et 600 000 logements insalubres en France, dont 70 000 dans les outre-mer, la lutte contre l’habitat insalubre est un impératif national. C’est pourquoi nous soutenons les mesures de la proposition de loi, telles que l’accélération des procédures et le renforcement du contrôle et des sanctions.
Je reprends volontiers ses propos pour évoquer la situation du département de l’Aude. Voici ce que relève la direction départementale des territoires et de la mer de mon département : « De nouvelles situations apparaissent : copropriétés récentes à la dérive ; copropriétés anciennes désorganisées ou inorganisées en vue de dégradation ; location de tout et n’importe quoi, à n’importe quel prix, en zones de marché tendu, voire division abusive de logements ou de maisons dans un objectif de rentabilisation maximale. » C’est clair, c’est net, c’est précis.
J’ajouterai que près de 20 000 logements sont potentiellement indignes dans l’Aude, plus de 41 000 personnes étant concernées.
Ce parc de logements indignes est en constante augmentation ; deux ménages sur cinq sont des propriétaires occupants et les ménages de plus de 60 ans sont particulièrement concernés, avec 37 % des logements potentiellement indignes ; près de 5 % des résidences principales dans l’Aude sont dans les catégories cadastrales les plus médiocres, contre 3,8 % dans toute l’Occitanie : pas de WC, absence fréquente de locaux d’hygiène, qualité de construction vétuste. Cela représente près de 8 300 logements, qui constituent le noyau dur que doivent cibler les actions de lutte contre l’habitat indigne. Enfin, 40 % de ces logements sont occupés par des ménages précaires, aux revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Voilà quelques-unes des raisons, madame la présidente, qui font que je soutiendrai volontiers cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les propositions de notre collègue Bruno Gilles et le travail de grande qualité fait par la commission, tout particulièrement par Mme Estrosi Sassone, méritent d’être soutenus.
Pour autant, je ne voudrais pas que nous nous fassions d’illusions excessives, car, vu l’ampleur des problèmes, je crains qu’il ne suffise pas d’améliorer techniquement les dispositifs législatifs existant.
Nous aurons l’occasion de parler, je l’espère, lors de la discussion du projet de loi de finances, des besoins financiers. Mme Estrosi Sassone a justement mis en exergue un certain nombre de décisions qui auraient pu être prises si les procédures parlementaires ne bridaient pas nos initiatives, comme c’est le cas aujourd’hui.
En tout cas, j’y insiste, rien n’est possible sans la volonté politique des élus et sans la persévérante détermination de l’État.
Il se trouve que, en 2002, j’ai signé, au nom du Gouvernement, un protocole d’éradication de l’habitat insalubre avec la ville de Marseille. Était concerné l’îlot Noailles, où se trouve la rue d’Aubagne. Dès 2002, étaient prévues la démolition et la reconstruction, ou la rénovation, de plusieurs immeubles, dont ceux qui sont tombés, hélas, il y a peu.
Alors, je me suis beaucoup interrogée : pourquoi, alors qu’il y avait en 2002 un double engagement de l’État et de la ville, rien ne s’est passé ? En fait, à peine avions-nous signé la convention, ou peut-être un an et demi ou deux ans après, que toutes les procédures mises en œuvre pour veiller à ce que la politique soit menée dans la durée, en particulier pour les « logements passerelles », ont été abandonnées.
Pourquoi les maires ont-ils du mal à dénoncer l’insalubrité ? C’est qu’il faut reloger les gens ! Or ils ont déjà des tas de demandes de logements auxquels ils ne peuvent pas pourvoir et nombre de dossiers DALO en attente.
Toujours est-il que l’État, puisque c’est de sa compétence, n’a pas eu la persévérance de mettre en œuvre le protocole, et la ville de Marseille a manifestement considéré que le problème n’était pas aussi essentiel que cela pour interpeller l’État.
Nous avons besoin d’une détermination de l’État pour que la responsabilité des uns et des autres soit engagée en cas de défaillance, lorsque des politiques publiques sont mises en œuvre.
J’ai désormais la conviction que, sans vigilance citoyenne – par des comités de suivi, des associations de locataires ou des associations de droit au logement qui doivent être institutionnalisés et pérennes, car eux seuls permettent de passer à l’action –, améliorer la loi sera toujours insuffisant.
Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, sur l’article.
Mme Samia Ghali. Je n’ai pas eu le temps dans la discussion générale de remercier M. le ministre et l’État du travail qui a été mené à Marseille et de l’accompagnement dont ont bénéficié les Marseillais – il faut le souligner.
Marie-Noëlle Lienemann a bien montré que la loi n’aurait pu empêcher ce qui s’est passé rue d’Aubagne, alors même que des outils existent.
Je ne voudrais pas que l’on se cache derrière cette proposition de loi, même si elle est nécessaire et permet d’améliorer les choses. Mme la présidente de la commission et Mme la rapporteur ont accompli un travail exceptionnel. Tant mieux ! En matière de logement, on n’en fera jamais assez.
Aujourd’hui encore, des habitants attendent d’être relogés et se trouvent dans des hôtels, meublés ou non ; des enfants sont séparés de leurs parents. Cela a été chaotique sur le plan scolaire : comment réussir lorsque l’on vit dans une chambre d’hôtel de dix mètres carrés ? Comment retrouver une vie familiale ?
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Samia Ghali. Certains se sont retrouvés dans une situation inacceptable et insupportable.
Monsieur le ministre, le travail n’est pas terminé ; il nous faut rester vigilants. Aujourd’hui, à Marseille, 34 000 logements sont vides : ils ne sont pas loués et attendent des locataires. Dans le même temps, des Marseillais attendent un logement décent !
C’est aussi une question de volonté politique. L’État peut mettre en œuvre tous les outils possibles : sans volonté politique de territoire, on n’y arrive pas. On parle beaucoup de sanctionner les propriétaires. Là aussi, tant mieux ! C’est important, mais il faut faire preuve de la même intransigeance envers les maires et les collectivités locales qui ont une autorité en la matière et qui n’agissent pas, en faisant semblant de ne pas voir les problèmes.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, vous n’êtes pas responsable de cette situation. Le problème du logement insalubre se pose depuis des décennies et, sans vous faire injure, vous ne serez plus ministre que nous y serons malheureusement toujours confrontés.
Comment faire pour le réduire ? Évidemment, nous voterons cette proposition de loi, mais, pour nous, il y a deux trous dans la raquette.
Premier trou dans la raquette : la question du logement insalubre touche à de nombreuses autres questions – familles extrêmement précarisées, santé, accès à l’emploi. Le logement est le symptôme de nombreux autres problèmes : des réponses en matière de logement ne suffiront pas, seule une politique globale y parviendra. De ce point de vue, votre gouvernement est responsable de l’accroissement des inégalités pour beaucoup de familles populaires.
Qui va payer ? Les situations sont diverses : logement collectif, copropriétés privées et logement individuel. En réalité, le logement insalubre concerne de plus en plus le logement individuel. Il va falloir un véritable plan Marshall si l’on veut résorber la question du logement insalubre en France.
Second trou dans la raquette : pour mettre fin au logement insalubre, il faut répondre à la question du relogement. Dans cette matière, l’État est le premier responsable ! Les collectivités ne peuvent pas agir seules. Aujourd’hui, on manque considérablement de logements d’urgence, mais aussi de mises en construction de logements sociaux. Là, vous avez une grande part de responsabilité.
Cette proposition de loi est la première pierre de l’édifice, mais il faudra encore beaucoup de réflexions et de textes – notamment des projets de loi de finances – pour résorber ce problème.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le sénateur Gay, selon vous, je ne suis pas responsable de cette situation. Pourtant, aujourd’hui, j’ai la responsabilité…
M. Fabien Gay. Pour une fois que je vous exonère ! (Sourires.)
M. Julien Denormandie, ministre. Je revendique ma responsabilité ! (Nouveaux sourires.)
Nous avons eu l’occasion d’en débattre à de nombreuses reprises, mais on ne peut pas me reprocher de ne pas avoir, dès le début, fléché ce fléau pour faire en sorte que des solutions nouvelles soient trouvées et que les exemples cités par Marie-Noëlle Lienemann ne se reproduisent pas.
Ironie tragique de l’histoire, j’ai annoncé le grand plan de lutte contre les copropriétés dégradées trois semaines avant le drame de la rue d’Aubagne, à Marseille.
Ce plan a été établi avec les élus locaux. D’un montant de 3 milliards d’euros, il prévoit des instruments totalement innovants pour résoudre le problème des copropriétés dégradées de grande ampleur, qui touchent Marseille, mais aussi d’autres territoires. J’ai eu l’occasion de lancer des comités de pilotage de résorption à de nombreux endroits.
Pour lutter contre les marchands de sommeil, nous avons considérablement renforcé les sanctions. Dans les six départements où elles ont été mises en œuvre de façon accélérée, les dernières décisions de justice tiennent enfin compte des dispositions de la loi ÉLAN, notamment la réquisition obligatoire du bien du marchand de sommeil.
M. Fabien Gay. Et à Bobigny ?
M. Julien Denormandie, ministre. À Bobigny, c’est également le cas.
Voilà plus de quatre mois, la garde des sceaux et moi-même, nous nous sommes rendus à Pierrefitte, sur le site d’un marchand de sommeil. Or, alors que les caméras étaient présentes – vous connaissez le tralala qui entoure les déplacements de ministres –, le marchand de sommeil débarque ! Mesurez le sentiment d’impunité de ces individus !
Dans le XVIIIe arrondissement de Paris, à Marx Dormoy, la mairie a dû verser 6,7 millions d’euros à un marchand de sommeil condamné à une amende de plusieurs centaines de milliers d’euros, dans le cadre d’une procédure d’expropriation. Dans quel monde vit-on ?
Grâce à la loi ÉLAN, c’est fini ! De telles situations ne seront plus possibles. Nous avons tapé très fort. (Mme Annie Guillemot acquiesce.)
Le sentiment d’impunité des marchands de sommeil doit cesser. Il faut les considérer comme de vrais trafiquants de drogue.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Fabien Gay. On est d’accord !
M. Julien Denormandie, ministre. C’est tout le sens des mesures prises dans le cadre de la loi ÉLAN, que nous sommes aujourd’hui en train de mettre en œuvre.
Vous avez raison, il fallait que le ministère de la ville et du logement et le ministère de la justice travaillent main dans la main. C’est fait : la garde des sceaux et moi-même avons cosigné les instructions. Pour autant, tout ne changera pas du jour au lendemain. Il faut aller encore plus vite. J’ai cette responsabilité chevillée au corps et nous nous battrons pour y arriver.
Il faudrait un plan Marshall des copropriétés, selon vous. Qui paiera ? Il faut faire intervenir l’ANAH ; le dispositif en vigueur ne peut pas marcher autrement.
Que se passe-t-il lorsque la mairie prend un arrêté pour imposer à une copropriété des travaux d’office, mais que cette dernière n’est pas en mesure de les financer, comme cela a été le cas à Marseille ? Les copropriétaires attendent, font traîner et l’on se retrouve avec un immeuble sur le point de s’effondrer, voire qui s’effondre.
Dans les six départements concernés par la mise en œuvre accélérée des dispositions de la loi ÉLAN, notamment le département de Mme la rapporteur, j’ai proposé que l’État supplée les carences des copropriétés et finance 100 % des travaux et non plus 50 %. Il faut aller à fond dans cette voie.
Est-ce un plan Marshall ? Je ne sais pas, mais nous nous donnons les moyens.
Je rappelle que les six territoires concernés par cette mise en œuvre accélérée sont les Bouches-du-Rhône, les Alpes-Maritimes, l’Essonne, le Val-de-Marne, le Nord, la Seine-Saint-Denis.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié quinquies, présenté par MM. Decool, Chasseing, Guerriau, A. Marc, Longeot et Louault, Mme N. Delattre, M. Bonnecarrère, Mmes L. Darcos et Gruny, MM. Kern, Houpert et Moga, Mme Goy-Chavent, M. Lefèvre, Mmes Bories, Lherbier et Kauffmann, MM. D. Dubois, Malhuret et Lagourgue, Mme Mélot et M. Capus, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer le nombre :
15
par le nombre :
20
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement, cosigné par vingt-quatre sénateurs, a pour objet le diagnostic technique global, qui est un bon dispositif, puisqu’il permet d’informer les copropriétaires sur la situation générale de l’immeuble et d’envisager d’éventuels travaux mis en œuvre dans le cadre d’un plan pluriannuel.
Il est préférable de prévoir un diagnostic technique global obligatoire pour les immeubles construits depuis plus de vingt ans et soumis à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Cela semble plus pertinent, compte tenu de l’évolution normale des immeubles construits depuis moins de vingt ans, ne nécessitant pas de nouveaux travaux importants sur un temps aussi court.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Nous avons eu l’occasion de discuter de cette question en commission. Moi-même, je me suis interrogée sur le périmètre des immeubles pouvant être concernés par l’obligation du diagnostic technique global. J’ai finalement opté pour des immeubles de plus de quinze ans soumis aux règles de copropriété.
Cet amendement ne me semble pas opportun en la matière, parce que ce report conduira, de fait, à différer le moment où seront réalisés des travaux. Or il importe de mieux sensibiliser les copropriétés pour qu’elles soient le plus à même de réaliser des travaux dans les délais les plus courts possible.
Par conséquent, la commission a prévu de rendre obligatoire le diagnostic technique global pour les immeubles de plus de quinze ans et non de plus de vingt ans.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Decool, l’amendement n° 1 rectifié quinquies est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Decool. Qui peut le plus peut le moins ! Vous avez presque réussi à me convaincre, madame la rapporteur. (Sourires.)
Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié quinquies est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er A.
(L’article 1er A est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er A
Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié quater, présenté par Mme Guillemot, MM. Daunis et Iacovelli, Mmes Conconne, Ghali et Artigalas, MM. M. Bourquin, Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La troisième phrase du septième alinéa de l’article L. 445-1 du code de la construction et de l’habitation est complétée par les mots : « et un état descriptif de l’état du bâti et des équipements mentionnant les gros travaux réalisés les cinq dernières années et les travaux d’amélioration que l’organisme prévoit le cas échéant d’engager ».
La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. La loi ÉLAN prévoit une massification de la vente de logements sociaux, voire d’immeubles entiers.
Le plan de mise en vente annexé à la convention d’utilité sociale, la CUS, vaut autorisation de vendre pendant six ans, sans autre encadrement ultérieur.
Vous avez ouvert aux organismes vendeurs la possibilité de mettre en place un dispositif de mise en copropriété différée. C’est une bonne chose pour sécuriser les accédants. Toutefois, nous pensons qu’il faut aller plus loin.
La vente des logements sociaux ne doit pas mettre en danger la situation financière des ménages ou la qualité du bâti vendu ni produire de nouvelles copropriétés dégradées, alors que c’est cela même que nous tentons de combattre dans ce texte.
Pour cela – en ce sens, notre amendement rejoint celui que notre collègue Valérie Létard présentera dans un instant –, il faut prendre des mesures de prévention des risques de dégradation des copropriétés. C’est pourquoi il est proposé que les plans de vente comprennent les données relatives au bâti. En effet, la seule condition minimale d’habitabilité et de performance liée au seul logement ne paraît plus suffisante.
Ainsi, le plan de vente prévu par la CUS pourrait comporter, pour chaque immeuble destiné à la vente, un état descriptif de l’état du bâti et des équipements mentionnant les gros travaux réalisés les cinq dernières années et les travaux d’amélioration que l’organisme prévoit d’engager le cas échéant.
Cette mesure de transparence nous paraît essentielle pour éclairer toutes les parties prenantes de la vente de logements sociaux et prévenir la dégradation de copropriétés nouvelles.
Je profite de cet amendement, monsieur le ministre, pour vous demander de mettre en place un comité de suivi et de veille des ventes de logements sociaux et d’y associer les élus locaux et les parlementaires.
Permettez-moi de revenir sur un point précédent. Pour l’avoir vécu, je peux témoigner que l’opération de Bron Terraillon, achevée dans les années 1960, a été presque en état de sauvegarde au milieu des années 1970. Il faut donc agir beaucoup plus rapidement, car les dégradations vont malheureusement très vite.