M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après plusieurs mois de débats à l’Assemblée nationale et au Sénat, nous nous apprêtons à nous prononcer sur la proposition de loi pour une école de la confiance. La CMP a abouti à un accord entre nos deux chambres.
Si je me réjouis, avec l’ensemble des membres du groupe socialiste, que le travail réalisé par le Sénat ait permis plusieurs modifications importantes auxquelles nous tenions, ce texte comporte encore des points problématiques sur lesquels je souhaite revenir.
Mais, avant toute chose, je veux souligner un point positif majeur, démontrant à mon sens, encore une fois, combien le travail que nous effectuons ici au Sénat, en portant la voix de nos territoires, est d’une grande importance.
Je pense bien sûr à la suppression de l’article 6 quater et à l’abandon des établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, les EPLESF. Ces établissements XXL risquaient d’entraîner des bouleversements profonds dans la structure du système scolaire et auraient eu de lourdes conséquences pour les élèves, leurs familles, les personnels et les territoires, notamment ruraux.
Cette suppression est une victoire pour les élus et pour tous les acteurs de la communauté éducative qui s’étaient fortement mobilisés contre la mesure. Pendant l’examen du texte au Sénat, notre appel à la responsabilité pour sauvegarder nos écoles et, avec elles, nos territoires, avait été entendu par mes collègues. Je me réjouis que nous ayons ensuite su porter cela conjointement, avec la détermination nécessaire. La CMP a fait preuve de sagesse en maintenant cette suppression, et je veux saluer le travail collectif, mené en bonne intelligence et de toute part sur cette question. C’est ce qui permet d’aboutir à ce résultat.
Le texte sorti du Sénat comportait quelques autres améliorations notables : nous sommes satisfaits que le Gouvernement, conformément à l’engagement pris le 8 février dernier à Rennes, ait apporté son soutien à l’article 6 ter A. Ce dernier traduit les conclusions de la conférence territoriale de l’action publique, ou CTAP, de Bretagne s’agissant des langues régionales.
En revanche, je regrette que les modifications de l’article 4, qui avaient ouvert à toutes les communes la compensation financière liée à l’abaissement de l’âge de la scolarisation obligatoire à 3 ans, aient été supprimées par la CMP : il s’agissait d’une réponse importante donnée aux inquiétudes de nombreux maires. Nous sommes certainement nombreux, dans cet hémicycle, à regretter que les députés de la majorité aient empêché cette évolution.
Malgré quelques apports positifs du Sénat, l’examen du texte par la chambre haute a été marqué par une forte droitisation. Je pense, par exemple, à la suppression des allocations familiales pour les parents d’élèves absentéistes, que nous avions supprimée en 2013 et que le Sénat a réintroduite. Cette mesure aurait pénalisé particulièrement les familles les plus précaires, notamment les familles monoparentales. Fort heureusement, la CMP ne l’a pas conservée.
Surtout – je l’ai déjà dit devant vous –, de nombreux points qui, dans la rédaction initiale, posaient problème n’ont pas, ou n’ont que trop peu évolué.
Pourtant, convaincus que nous aurions pu introduire dans ce texte une autre vision de l’éducation, et animés par la volonté de travailler collectivement sur un sujet aussi important que l’avenir des enfants de notre pays, les élus du groupe socialiste et républicain avaient déposé de nombreux amendements. Quelques-uns, malheureusement trop peu nombreux, avaient été adoptés par le Sénat ; et ces rares améliorations ont finalement été supprimées par la CMP. Nous le regrettons profondément.
Ainsi, malgré la suppression de l’article 6 quater et quelques autres modifications, le texte sorti du Sénat présentait encore beaucoup trop de similitudes avec le projet de loi d’origine. Il n’est donc pas surprenant que nous retrouvions dans ce texte final, issu de la CMP, un grand nombre de points qui reflètent une vision de l’éducation obéissant d’abord à une logique comptable, qui n’est pas la nôtre.
Ce texte ne répond en aucune façon aux véritables problèmes actuels du système éducatif : le manque de moyens financiers et matériels, la crise des vocations, l’épuisement du personnel de l’éducation nationale et la reproduction des inégalités sociales.
Monsieur le ministre, malgré nos mises en garde répétées, vous n’avez pas voulu entendre que l’inscription du devoir d’exemplarité des enseignants, au travers de l’article 1er, n’est ni utile ni souhaitable. Cette mention laisse planer, sur l’ensemble des membres de la communauté éducative, une suspicion qui n’est pas de nature à restaurer un climat de confiance.
Nous craignons aussi pour l’avenir de l’accompagnement des élèves en situation de handicap : les AESH sont désormais inscrits dans des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les PIAL. Ce dispositif entérine une mutualisation des moyens qui sera menée au détriment de l’accompagnement personnalisé des élèves et dans des conditions d’exercice très difficiles pour les personnels concernés.
Au sujet de l’article 8, nos réserves persistent quant à l’annualisation des heures d’enseignement et l’orientation des élèves. Les expérimentations ne doivent pas être entreprises au détriment des élèves.
Je le dis et je le répète : nous ne pouvons accepter de voir se substituer à de nécessaires créations de postes la naissance, via l’article 14, d’un nouveau statut incertain et précaire pour des étudiants sans diplôme ni formation pédagogique. Ces derniers se verront confier des missions d’enseignement sans réelles garanties de ne pas se retrouver seuls trop tôt devant une classe.
En outre, nous nous inquiétons du rôle qui sera assumé par les missions locales, du fait de l’obligation de formation pour les jeunes entre 16 et 18 ans : imposer ce travail aux missions locales, qui sont déjà surchargées et en mal de financement, ne semble pas pertinent.
Nous ne comprenons pas non plus votre obstination à supprimer le Cnesco. Cette instance fonctionne, avec une grande indépendance d’esprit, notamment grâce à sa composition. Elle met en avant les travaux de la recherche scientifique et permet ainsi de sortir de débats souvent stériles. Les quelques modifications apportées dans la composition de votre nouveau conseil ne changent pas grand-chose sur le fond. Elles illustrent surtout votre politique de reprise en main de l’institution scolaire par le ministère et par vous-même.
Malgré les quelques améliorations permises par la CMP, les membres du groupe socialiste et républicain ne peuvent donc pas se satisfaire du résultat obtenu. D’ailleurs, cette CMP est-elle vraiment conclusive ?
Mes chers collègues, il ne vous aura pas échappé que nous venons d’examiner le projet de loi de transformation de la fonction publique. Notre rapporteur a saisi cette occasion pour y réintroduire, par l’intermédiaire de plusieurs amendements, plusieurs mesures précédemment écartées. Or deux d’entre elles ont été adoptées : l’une porte sur l’annualisation du temps de service des enseignants, l’autre permet d’associer le chef d’établissement à l’affectation des enseignants.
Il s’agit de dispositions pour le moins problématiques, et cette manière de les réintroduire doit nous interroger, surtout quand leur auteur est le rapporteur d’un texte sur lequel un compromis a été trouvé…
Pour en revenir au texte qui nous intéresse aujourd’hui, je réaffirme que le mécontentement des enseignants doit être entendu. S’ils, si elles se mobilisent, c’est bien parce qu’ils et elles tremblent pour l’avenir de notre éducation nationale !
Ce projet de loi vient conclure un cycle de réformes, avec la mise en place de Parcoursup, la réforme du lycée, y compris celle du lycée professionnel, et du bac, en passant par les suppressions de postes aux concours et la modification de certains programmes. C’est la défiance qui règne au sein de la communauté éducative : la confiance ne se décrète pas, elle se construit, et ce n’est malheureusement pas le chemin que vous empruntez.
Le présent texte s’inscrit donc dans la suite logique d’une réforme de l’enseignement qui aggrave les inégalités. Une fois de plus, vous préférez réduire les coûts de fonctionnement au lieu de prendre le temps de la consultation et, ce faisant, trouver collectivement des solutions pour améliorer notre modèle éducatif.
Je l’ai déclaré à plusieurs reprises : ce choix ne correspond pas à notre vision de l’école de la République.
Nous voulons une école qui forme les citoyennes et les citoyens de demain, en leur donnant les moyens de penser par eux-mêmes, une école qui permette de s’extraire du déterminisme social et qui donne le temps à chacune et à chacun de se former suffisamment pour pouvoir choisir la vie qu’elle ou il souhaite mener, une école qui est au cœur de la vie des territoires, comme elle le fut sous la IIIe République, grâce à ses « hussards noirs », une école qui soit un véritable lieu d’émancipation et qui permette de croire que, demain, nos enfants auront les outils pour bâtir une société meilleure.
Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, parce que, à nos yeux, cette réforme ne répond pas aux enjeux actuels de l’éducation nationale, parce qu’elle risque de fragiliser notre système éducatif, les élus du groupe socialiste et républicain voteront contre ce texte ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Stéphane Piednoir. C’est bien décevant !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie notre rapporteur, Max Brisson, de la qualité de son travail, des améliorations qu’il a su apporter, de sa pondération, mais aussi de ses apports majeurs sur la formation des enseignants. Je salue également le dialogue constructif qui a eu lieu avec M. le ministre pendant les débats au Sénat.
« Oui, la République est un grand acte de confiance et un grand acte d’audace », déclarait Jean Jaurès dans son discours d’Albi. « C’est proclamer que des milliers d’hommes sauront tracer eux-mêmes la règle commune de leur action ; qu’ils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et l’ordre. » Jaurès défendait une idée de la société et un courage d’esprit que l’école se doit de transmettre ; un idéal, certes, mais qu’il faut toujours et encore cherche à atteindre, a fortiori en période de crise du lien social.
On a pu dire que l’obligation scolaire à 3 ans ne changera pas les choses. Je suis persuadée du contraire : elle fera entrer dans le creuset de l’intégration les enfants de notre pays et fabriquera de la transitionnalité entre la famille et la vie sociale au sein d’un groupe qui, déjà, fait société.
Le revers de cette réforme, c’est l’absence de compensation en faveur des communes, qui finançaient déjà l’école maternelle privée.
M. Loïc Hervé. Eh oui !
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est un classique !
Mme Françoise Laborde. Disons-le d’emblée : il s’agit là du point noir de ce projet de loi, à l’aune duquel j’ai finalement jugé ses apports et ses équilibres.
L’obligation de formation jusqu’à 18 ans me paraît être le bon objectif, à la condition évidente de développer les formations d’avenir vers les savoir-faire à la française, la transition numérique, la transition écologique, et de structurer davantage le service public de la formation.
M. Loïc Hervé. Tout à fait !
Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre, votre objectif est le bon, mais il reste beaucoup de travail à accomplir. Le contrôle de cette obligation ne saurait reposer sur les seules missions locales. L’ensemble des acteurs de la formation tout au long de la vie doivent y concourir. Nous attendons aussi beaucoup, d’ici à 2022, de la structuration des campus d’excellence dans nos régions, capables de dynamiser la filière professionnelle et de susciter les vocations dans notre pays.
Si la formulation du devoir d’engagement et d’exemplarité des enseignants m’a laissé un temps perplexe, je reprendrai les mots prononcés par Ferdinand Buisson, dans son discours du 19 janvier 1910 à la Chambre des députés : « Laissons à l’instituteur la responsabilité de sa conduite, c’est la meilleure garantie que nous puissions avoir qu’elle soit irréprochable. »
Le compromis trouvé au Sénat et conservé en CMP a finalement permis de construire en miroir une obligation de respect due aux professeurs, attendue de tous.
À la suite d’un amendement déposé au Sénat, l’opinion publique s’est saisie d’une autre question : l’application du principe de neutralité religieuse aux accompagnateurs scolaires, qui a suscité un riche débat. Sur ce sujet, l’avis émis en 2013 par le Conseil d’État élude à mon sens la question, en posant le principe de non-soumission à la neutralité religieuse auquel le directeur d’école peut déroger par des recommandations au cas par cas.
Le bon sens exige de ne plus laisser au directeur la responsabilité de s’exposer et le risque de provoquer des troubles au vu de recommandations qui pourraient être reçues comme une atteinte personnelle.
M. Jean-Pierre Corbisez. Exact !
Mme Françoise Laborde. C’est au législateur de prendre cette responsabilité. La règle du cas par cas est, selon moi, trop lâche. Il est urgent d’édicter une règle générale, connue et respectée de tous !
Si la commission mixte paritaire a écarté cette disposition, elle a retenu l’interdiction des propos prosélytes.
Longtemps, la seule disposition de droit interne relative au prosélytisme figurait à l’article 31 de la loi de 1905. L’encadrement juridique du prosélytisme, à géométrie variable depuis plusieurs années, impliquera désormais de porter une appréciation quant aux notions de pression sur les croyances et de tentative d’endoctrinement. Monsieur le ministre, la surveillance aux abords de tous les établissements ne sera pas aisée pour autant !
Je ne reviendrai pas sur l’article qui créait les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, lequel a été retiré du texte. Je vous remercie simplement d’avoir su écouter les arguments du Sénat, et je remercie mes collègues du débat enrichissant que nous avons eu.
Oui, il faut resserrer le maillage territorial et renforcer l’innovation pédagogique, tout en redonnant la main aux élus. La solution doit venir des territoires.
En matière d’évaluation, nous avons regretté la suppression du Cnesco et la disparition de sa fonction de recherche au sein du futur conseil d’évaluation de l’école. Bien sûr, nous serons très attentifs à ce que les moyens transférés à cette nouvelle structure au titre du projet de loi de finances pour 2020 permettent aux nouvelles activités d’évaluation des établissements scolaires de voir le jour.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie d’avoir défendu avec conviction l’un des apports majeurs du Sénat, sur lequel je me dois d’insister : la formation des enseignants.
Je pense notamment à l’inscription de l’obligation de formation continue des enseignants, que le groupe du RDSE avait proposée et qui constitue un progrès considérable. Jusqu’à présent, l’obligation de formation continue était prévue pour les professeurs des écoles, et non pour leurs collègues du second degré. Grâce à ce projet de loi, la formation devient un droit et un devoir de tous nos enseignants.
Je pense à la formation dite « continuée », qui est aussi une belle victoire de la chambre haute. Préconisée dans le rapport du Sénat, elle me semble essentielle pour garantir la bonne adaptation des nouveaux enseignants à leur métier.
Je pense enfin au dispositif de préprofessionnalisation, qui permet de confirmer le choix du métier d’enseignant avant de présenter le concours. Il s’inspire, lui aussi, des recommandations du Sénat.
Monsieur le ministre, vous nous avez déjà détaillé un certain nombre de garanties qui entoureraient le dispositif, et qui sont venues me rassurer : un temps de travail limité à huit heures par semaine en établissement, l’accompagnement réel de l’assistant d’éducation par un tuteur, ainsi que la progressivité des missions. Les textes d’application devront en prendre la mesure.
Je voterai en faveur du projet de loi pour une école de la confiance, au regard de ses apports pour l’attractivité du métier d’enseignant et parce que je crois à l’extension de la scolarité obligatoire et de l’obligation de formation comme leviers d’émancipation des jeunes générations.
Les élus du RDSE, dans leur grande diversité, voteront le texte ou s’abstiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Lafon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, après un long travail préparatoire et plusieurs semaines de discussions, parfois passionnées, dans cet hémicycle, comme à l’Assemblée nationale, ainsi que sur le terrain, au contact des acteurs locaux : élus, personnel de l’éducation et, évidemment, parents.
Le Sénat et l’Assemblée nationale ont réussi à s’accorder sur une rédaction commune du texte en commission mixte paritaire, ce dont nous nous félicitons.
Monsieur le ministre, à cette occasion, je tiens à vous adresser mes remerciements pour la qualité de nos échanges en séance tout au long de ces travaux.
Je souhaite également remercier, de nouveau, le rapporteur, Max Brisson, et la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly, ainsi que l’ensemble des sénateurs de leur implication dans la conduite de nos débats.
En 1870, disait-on, la France avait été vaincue par l’instituteur prussien. L’institution scolaire était effectivement restée un parent pauvre de l’action publique depuis le début du XIXe siècle : peu d’enfants allaient à l’école, malgré la loi Guizot de 1833, qui prévoyait l’ouverture d’une école primaire de garçons dans chaque commune.
La République s’est donc mise à l’école allemande : l’instruction est devenue obligatoire et le système français s’est doté d’un corps d’enseignants compétents formés dans les écoles normales.
Jules Ferry n’invente pas l’école, mais il crée celle de la République et la dote de fonctionnaires aux qualifications et à l’autorité reconnues. Aussi le « lire, écrire, compter » devient-il une réalité. Un mythe national est né : celui d’un enseignement creuset de la République, porteur de ses valeurs de patriotisme, de laïcité et d’égalité des chances.
En 2019, Patrick Artus relève dans une note qu’il y a 17 % de jeunes de 15 à 29 ans sans diplôme, ni formation, ni emploi. Il rappelle le constat de l’enquête PISA : l’école française est peu performante pour les enfants des milieux modestes ; elle accroît les inégalités sociales entre les générations ; elle se contente de comptabiliser les décrocheurs, qui ne sont que trop rarement récupérés pour être remis dans le système. Notons enfin que ce chiffre n’inclut pas les bacheliers qui échouent au début de leur premier cycle universitaire.
Nos travaux relatifs au présent texte s’inscrivent dans cette réalité contemporaine. Il était important de le rappeler. Vous-même, monsieur le ministre, avez présenté ce projet de loi comme « une nouvelle étape de cette épopée glorieuse de l’école depuis la fin du XIXe siècle ».
L’examen de ce texte a été l’occasion pour notre assemblée de jouer pleinement son rôle de représentant des collectivités territoriales, en introduisant un certain pragmatisme, indispensable à la nécessaire application de la réforme sur le terrain.
Je pense notamment aux mesures concernant la formation initiale et continue des enseignants, à la composition du futur conseil d’évaluation de l’école, qui sera à même de garantir son indépendance et donc sa crédibilité, ou encore à la lutte contre le prosélytisme et, plus généralement, à la défense des valeurs fondamentales de l’école, qui se trouvent renforcées.
Si nous regardons plus en détail le texte final, nous nous satisfaisons également des dispositions relatives à l’obligation d’instruction à 3 ans, même si nous regrettons que l’ensemble des communes ne bénéficient pas d’une compensation financière intégrale, compte tenu des charges que cette réforme induit.
Si l’objectif du Gouvernement est louable, le Sénat a très justement prévu, au titre de cette mesure, des aménagements utiles pour les familles et les professionnels. Il en est ainsi de l’obligation d’assiduité en petite section, mais aussi de l’extension à cinq ans, au lieu de deux, de la dérogation accordée aux jardins d’enfants pour accueillir des enfants d’âge scolaire. Ainsi, l’on pourra faciliter l’adaptation de ces structures au nouveau cadre législatif.
Enfin, la CMP a avalisé la position adoptée par le Sénat sur l’article 6 quater. En instituant les fameux établissements publics des savoirs fondamentaux, destinés à réunir école et collège, cet article avait suscité les débats que l’on connaît. Nous nous réjouissons de l’engagement du Gouvernement à approfondir la réflexion sur ce sujet.
Le groupe que j’ai l’honneur de représenter aujourd’hui n’est pas en reste concernant les avancées présentes dans le texte. Ainsi, c’est sur l’initiative d’Hervé Maurey et de Catherine Morin-Desailly que les objectifs de l’éducation au développement durable et de l’enseignement numérique prévus dans le code de l’éducation ont été redéfinis et renforcés dans leur ambition, pour faire des enfants des acteurs de la transition écologique et numérique.
De même, notre collègue Françoise Gatel a permis que l’État dispose d’un droit de regard sur l’évolution des établissements hors contrat, une fois accomplies les formalités d’ouverture.
Je pense à la suppression de l’article 16 bis, demandée par Jocelyne Guidez afin de rassurer nos infirmiers scolaires. J’ai également en tête plusieurs avancées importantes, que nous souhaitions depuis longtemps, pour l’organisation du temps de travail des enseignants ou encore l’intégration des enjeux territoriaux dans la répartition des moyens.
Enfin j’aborderai la question de la mobilité sociale à l’école, un sujet qui nous est cher et sur lequel j’ai souhaité agir concrètement dans la conduite de nos travaux.
En France, la mobilité sociale est faible : notre société manque de fluidité et de concurrence, grâce auxquelles les plus méritants, d’où qu’ils viennent, peuvent réussir. L’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, l’a récemment montré : il faut six générations pour qu’une famille du bas de l’échelle sociale atteigne la moyenne.
Les élites sont coupables non pas de réussir, mais de ne pas agir pour autoriser le succès des autres. Trop souvent, l’école ne favorise pas assez de destins communs ; à l’inverse, elle trace des devenirs parallèles. C’est un scandale moral et une faillite économique, contre lesquels nous devons lutter. C’est aussi un péril politique : comment une démocratie saine peut-elle durer sur ces bases, en excluant de la réussite toute une partie de la population ?
Les statistiques sont malheureusement assez claires : dans les milieux modestes, très peu d’élèves feront des études supérieures, et presque aucun n’accédera aux formations les plus prestigieuses. Ces enfants n’auront donc pas accès aux emplois qualifiés et seront confrontés au risque du chômage de masse.
À l’inverse, les enfants de l’élite réussiront : s’ils n’intègrent pas les meilleurs établissements, ils partiront étudier à l’étranger et auront de bonnes chances de s’en sortir, forts du capital parental.
Pour relever les défis du nouveau siècle, la France a besoin de repenser la formation de sa jeunesse. On peut parier qu’elle ne la rendra efficace que si elle la décloisonne, c’est-à-dire si elle s’ouvre à plus de mixité sociale tout en œuvrant à plus de synergie entre les différents acteurs, agissant de concert et, oserais-je dire, en confiance.
Nous en sommes convaincus : cette lutte pour la mixité sociale et la réussite éducative passent par une plus forte collaboration avec les collectivités territoriales, qui doivent devenir de véritables interlocuteurs des recteurs dans la définition des politiques publiques dans l’ensemble du pays. La restitution prochaine des travaux de la mission d’information relative aux nouveaux territoires de l’éducation sera l’occasion d’enrichir encore ce débat de nouvelles propositions.
Monsieur le ministre, en confiant ses souvenirs de la rue de Grenelle, l’un de vos prédécesseurs avouait s’être rapidement aperçu de la grande relativité du pouvoir. Les choses auraient-elles totalement changé aujourd’hui ? En tout cas, nous espérons que, à notre contact, vous appréciez votre position différemment. (M. le ministre sourit.)
En effet, vous pourrez compter sur notre sagesse, vous le savez, pour que l’école de la confiance, que nous appelons de nos vœux, continue de faire l’objet d’un véritable travail approfondi, dans un climat apaisé. Ainsi, nous serons à même d’écouter et de satisfaire les différentes parties prenantes de notre système scolaire.
Mes collègues et moi-même voterons ce projet de loi, parce qu’il répond bien à cet état d’esprit ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot. (MM. Daniel Chasseing et Arnaud de Belenet applaudissent.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ce qui concerne ce projet de loi, nous voici arrivés au terme d’un processus législatif, avec les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 13 juin dernier.
Avant tout, j’adresse mes félicitations à notre collègue Max Brisson, rapporteur, pour la qualité de son travail, ainsi qu’à l’ensemble des parlementaires qui ont œuvré de façon collégiale à l’amélioration des dispositions qui s’appliqueront bientôt à l’ensemble de la communauté éducative et des élèves scolarisés en France.
Dans sa version finale, ce projet de loi est un texte de compromis, aboutissement de longues discussions au sein des deux assemblées et hors les murs. Il s’articule autour de mesures phares, que les élus de notre groupe ont soutenues.
L’abaissement de l’âge obligatoire de scolarité à 3 ans s’inscrit dans un ensemble plus large de mesures visant à réduire les inégalités sociales de réussite scolaire. Le résultat des études PISA, conduites par l’OCDE, traduit la situation alarmante de la France, qui, malgré notre modèle de réussite fondé sur le mérite, compte parmi les pays les plus reproducteurs d’inégalités sociales à la naissance.
En outre, l’obligation de formation de 16 à 18 ans permettra de mieux lutter contre le décrochage scolaire et d’améliorer l’insertion des jeunes dans la société.
De même, qu’il s’agisse des élèves ou des établissements scolaires, l’effort d’évaluation sera renforcé par la création du conseil d’évaluation de l’école. L’indépendance de cette instance envers le ministère a été renforcée, comme le proposait le Sénat.
Enfin, l’ouverture à l’international de notre système scolaire se matérialise par le développement prochain des établissements publics locaux d’enseignement international, contribuant à la fois au rayonnement de la France et à la modernisation de notre système scolaire.
Nos deux assemblées se sont accordé un certain nombre de concessions mutuelles. La CMP a permis de lever des incertitudes et de dépasser plusieurs points de blocage.
Nous saluons la suppression de l’article 6 quater, créant les établissements publics locaux des savoirs fondamentaux. Cette mesure, organisant la fusion entre écoles et collèges au sein d’un même groupement, aurait été lourde de conséquences pour notre système scolaire.
Or, tant sur le fond que sur la forme – elle avait été introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, sans étude d’impact préalable –, cette réforme alimentait de vives inquiétudes parmi les élus locaux et au sein de la communauté éducative. À mon sens, cette réforme était prématurée, mais la réflexion pourra être poursuivie sur les écoles en milieu rural.
Par ailleurs, nous saluons le renforcement de la qualité de la formation de nos enseignants, qui est extrêmement importante. Je pense notamment à l’introduction d’une formation complémentaire des jeunes enseignants, afin de mieux les accompagner à l’exercice de leurs nouvelles responsabilités ; à l’enrichissement du contenu de leur formation, qui comprendra désormais un volet d’éducation au développement durable ; ou encore à l’obligation d’une formation continue pour les professeurs.
Le cadre législatif garantissant la laïcité et protégeant la liberté de conscience des élèves au sein des écoles publiques françaises a également été renforcé, ce que nous ne pouvons que saluer.
Quant à la possibilité d’aménager l’obligation d’assiduité pour les enfants scolarisés en petite section de maternelle, elle contribuera à l’application en toute intelligence de cette réforme.
Nous saluons également l’adoption définitive de certaines propositions introduites par l’Assemblée nationale, notamment la disposition visant à lutter contre le harcèlement scolaire, dont l’actualité nous en rappelle l’urgence ; le renforcement de l’inclusion scolaire des élèves porteurs d’un handicap,…