M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Laurent Lafon, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, qui est actuellement aux côtés du Président de la République au conseil des ministres franco-allemand.
Vous l’avez rappelé, une question prioritaire de constitutionnalité a été déposée auprès du Conseil constitutionnel à la suite de l’examen d’une requête par le Conseil d’État.
Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le vendredi 11 octobre, selon laquelle le principe de gratuité de l’enseignement supérieur s’applique. Pour autant, des droits d’inscription différenciés peuvent intervenir, dans la mesure où ils restent « modiques ».
Le Conseil a également rappelé que le financement de l’enseignement supérieur devait principalement – mais pas exclusivement – être assuré par l’impôt et qu’il convenait de prendre en compte la situation financière de chaque étudiant.
Le ministère a pris acte de cette décision. Désormais, il reviendra au Conseil d’État de statuer ultérieurement sur le fond de ce litige.
Vous le savez, le plan Bienvenue en France et, de façon plus générale, les enjeux de financement de l’enseignement supérieur font l’objet d’une réflexion collective, dont vous avez rappelé certains tenants et aboutissants.
Pour ce qui concerne le plan Bienvenue en France, la commission de la culture a étudié le sujet en détail voilà quelques mois. Il s’agit de nous donner les moyens d’accueillir mieux un plus grand nombre d’étudiants internationaux. Nous devons améliorer leurs conditions d’accueil, de logement, de suivi de cours de français. Il convient de construire une politique ambitieuse, grâce aux exonérations et aux bourses, parce qu’il s’agit d’un enjeu de rayonnement de la France.
Ce plan conjugue ainsi des droits différenciés, qui sont, il faut le souligner, plafonnés au tiers du coût réel d’une formation, et le triplement des bourses, sans compter les exonérations qui peuvent être décidées directement par les universités – elles ont d’ailleurs été nombreuses à le faire cette année –, dans le cadre du principe d’autonomie que vous avez rappelé.
Chacun pourra le constater, les deux critères dégagés par le Conseil constitutionnel, à savoir la prise en compte des situations individuelles et le financement à titre principal par l’impôt, sont respectés, ce qui peut nous rendre optimistes pour la suite.
Je le rappelle, 324 000 étudiants étrangers poursuivent actuellement leur cursus en France. Notre objectif, c’est de porter ce nombre, en 2027, à 500 000. Les universités du monde se mobilisent, nous devons en faire tout autant, c’est un enjeu essentiel pour la France. Il s’agit d’atteindre le chiffre de 2 % d’étudiants internationaux.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Le Conseil d’État tranchera dans les prochains mois. Sa décision répondra définitivement aux interrogations qui demeurent à ce stade. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
pacte productif
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Julien Bargeton. Le Président de la République a annoncé en avril un pacte productif, qui a été présenté hier par plusieurs ministres. Il doit fonder un new deal économique, écologique et technologique.
L’industrie française dispose d’atouts, à commencer par ses talents, mais rencontre aussi un certain nombre d’obstacles qui ont été identifiés depuis plusieurs années, comme en témoignent les difficultés anciennes du commerce extérieur.
Si le chômage diminue,…
M. Rachid Temal. Ah ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe SOCR.)
M. Julien Bargeton. … pour atteindre 8,5 %, et si l’investissement repart dans les entreprises,…
M. Rachid Temal. Ah ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
M. Julien Bargeton. … avec 30 milliards d’euros en deux ans, la bataille de la compétitivité est loin, toutefois, d’être gagnée. Des emplois industriels se créent, mais des sites sont menacés.
Le mérite de ce pacte est de ne pas minimiser les enjeux auxquels nous devons faire face pour répondre à la demande mondiale. Certains secteurs clés doivent devenir exportateurs nets.
Quels sont, selon vous, les leviers principaux pour renforcer notre industrie ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SOCR. – Allo ! Allo ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Ont été évoqués, notamment, les impôts de production, qui sont l’un des sujets à traiter, puisqu’ils représentent – c’est une spécificité française – 70 milliards d’euros. Mais ce n’est pas le seul sujet. Comment l’industrie peut-elle participer au retour au plein emploi à l’horizon de 2025 ? Ce n’est pas une utopie ! En effet, ce sont les salariés qui rendent possible une nation productive.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. Allo ! Allo !
M. Julien Bargeton. Quelles sont les actions prioritaires, la méthode envisagée et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Julien Bargeton, je vous remercie de votre question (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.), et je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, qui est retenu à Toulouse pour le conseil des ministres franco-allemand.
Vous avez eu l’occasion de le dire, effectivement, l’économie française se porte mieux depuis quelques années. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est ce que disent les chiffres : nous avons aujourd’hui 500 000 chômeurs de moins ; notre croissance est meilleure que celle de nos voisins, notamment de l’Allemagne. (Les exclamations ironiques redoublent.)
C’est particulièrement vrai dans l’industrie, puisque – je suis heureux que votre assemblée le salue –, pour la première fois depuis dix ans, l’investissement est au plus haut et, pour la première fois depuis dix ans, mesdames, messieurs les sénateurs, nous recréons des emplois industriels. Est-ce suffisant ? Non ! C’est tout l’objet du pacte productif porté par Bruno Le Maire.
Nous vivons aujourd’hui une révolution technologique et industrielle, laquelle, comme les autres révolutions technologiques et industrielles, fera des gagnants et des perdants. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Mme Sophie Taillé-Polian. Et les perdants de l’intérieur, vous en faites quoi ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Tout l’enjeu, c’est de faire en sorte que l’Europe et la France soient au rang des gagnants, notamment dans le domaine numérique, que je connais bien et qui est aujourd’hui en partie dominé par les Américains et les Chinois, même si nous avons des leaders comme Athos Aéronautique ou Dassault Systèmes qui tirent leur épingle du jeu.
Grâce au pacte productif, qui rassemble les collectivités territoriales, les assemblées, les organisations syndicales et patronales, nous voulons travailler sur les stratégies et les leviers qui nous permettront de répondre à la compétition internationale. Ces leviers sont multiples : la fiscalité, avec la question de la baisse des impôts de production ; la nécessité, pour notre pays, de répondre présent dans un certain nombre de secteurs technologiques clés, en particulier l’intelligence artificielle et l’ordinateur quantique ; la formation, question sur laquelle nous travaillons avec Muriel Pénicaud.
Je le répète, l’objectif du pacte productif, en dernier ressort, est de faire en sorte que l’industrie française soit au rendez-vous de la compétition mondiale. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
port du voile
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous interroger à partir de mon expérience, celle d’une élue qui a vu progresser dans nos quartiers le communautarisme (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.), qui a vu les jeunes femmes se mettre à porter le voile sous la pression, alors que leurs mères s’en étaient libérées.
Le voile, en 2019, n’est pas anodin, et nous aurions tort de considérer qu’il n’est que l’expression d’une pratique religieuse. D’ailleurs, beaucoup de femmes musulmanes, dans notre pays, ne le portent pas.
Le voile est trop souvent le symbole d’un islam politique, qui considère la femme comme un « objet soumis » plus que comme un « individu émancipé », pour reprendre un qualificatif cher au Président de la République. Nous aurions tort de baisser les yeux et de ne pas voir que le port de signes religieux ostentatoires dans le cadre des sorties scolaires est un instrument de prosélytisme et parfois même de provocation. L’école de la République doit montrer aux petites filles qu’elle ne transige pas avec les principes de laïcité et d’égalité.
Or, sur cette question centrale du respect de la laïcité et de la neutralité religieuse des adultes intervenant dans le cadre de l’école hors les murs, la majorité et le Gouvernement se divisent.
Vous avez tenté, monsieur le Premier ministre, de désamorcer les querelles au sein de votre majorité, mais, une fois de plus, vous avez, en définitive, baissé les bras. Vous ne cessez de dire qu’il faut lutter contre le communautarisme et, en même temps, vous ne cessez de renoncer à agir. Ce n’est pas l’ambiguïté qui contribuera au réarmement moral de notre pays (Exclamations sur des travées des groupes SOCR et CRCE.) et au respect des principes qui font la France et qui unissent les Français.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire exactement ce que le Gouvernement compte faire vraiment pour lutter contre la communautarisation de notre société et faire respecter les principes de notre République laïque et indivisible ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Attendez le débat sur votre proposition de loi !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Eustache-Brinio, je vous remercie de votre question, qui porte sur un sujet important : la République. Nous sommes tous très heureux, me semble-t-il, d’avoir en commun l’héritage républicain ; il est ce qui nous unit tous ensemble et ce qui fonde notre contrat social. Nous sommes aussi tous très heureux du principe de laïcité. C’est un trésor qui nous vient de la IIIe République. Cet héritage est extrêmement précieux, d’autant plus qu’il est un outil pour le XXIe siècle.
La laïcité est on ne peut plus moderne ; elle nous est très utile : dans la société d’aujourd’hui, en effet, nous avons besoin d’une République une, de citoyens égaux. Ce point est très important – c’est ce qui nous différencie d’autres pays, y compris de pays voisins. La société anglaise, par exemple, est une société communautariste, avec les dangers que cela représente.
Oui, vous avez raison, donc : la République et la laïcité sont nos outils d’organisation.
Sur le sujet particulier que vous évoquez, qui n’est pas le seul sujet à traiter, tant s’en faut, en matière de laïcité – beaucoup de gens insistent sur celui-là de manière privilégiée, alors que d’autres sont plus importants (Mme Patricia Schillinger applaudit.) –, on doit d’abord éviter la confusion. Je retrouve mélangées, dans le débat public, des choses très différentes.
D’abord, il y a la radicalisation, contre laquelle le Gouvernement lutte. C’est un sujet très important, sur lequel le Président de la République s’est exprimé en des termes fermes, vous le savez.
Ensuite, il y a la lutte contre le communautarisme, ce dont je viens de parler : l’enjeu républicain d’une société de citoyens égaux veillant en particulier à l’égalité entre les hommes et les femmes.
Enfin, il y a la laïcité, qui s’applique évidemment à toutes les religions et qui est notre bien précieux, parce qu’elle nous permet à tous de vivre ensemble. L’école est la matrice de cette laïcité, et nous devons à chaque enfant, dans sa vie quotidienne, la neutralité politique et religieuse.
La question des sorties scolaires est un enjeu hybride, parce qu’il y va de l’enfant en dehors de l’école, mais dans un cadre qui, en effet, est scolaire. Je l’ai dit, nous ne souhaitons pas une loi, parce qu’une loi créerait plus de problèmes que de solutions : elle serait contre-productive, y compris eu égard à l’enjeu républicain qui consiste à scolariser tous les enfants et à faire en sorte que tous les parents se sentent bienvenus à l’école de la République. En revanche, je l’ai dit aussi, et c’est le sens de l’expression que j’ai utilisée, le voile n’est pas souhaitable. Nous ne souhaitons pas que ce soit un élément qui puisse être interprété comme du prosélytisme dans ces sorties scolaires.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ça, le prosélytisme !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Et nous sommes capables de mettre en œuvre cette exigence concrètement. (MM. Jean Bizet et Bruno Sido s’exclament.)
Tout cela me rappelle un adage latin, qui nous vient de la République romaine : in medio stat virtus.
M. le président. Il va falloir conclure !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. On peut traduire « virtus » de deux façons : c’est la vertu, mais c’est aussi le courage. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je n’ai rien entendu de très concret, mais je ne peux pas croire que, aujourd’hui, vous puissiez rater une occasion de faire montre d’une réelle volonté de lutter contre les velléités de l’islamisme en France, alors que deux Français sur trois sont prêts à soutenir la proposition de loi interdisant le port du voile pendant les sorties scolaires. Franchement, je trouve qu’il y a là un manque de courage ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
attaques contre le vivre ensemble
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jérôme Durain. Ma question s’adresse au Premier ministre.
Il règne dans ce pays une atmosphère irrespirable.
M. Philippe Pemezec. À cause de vos ambiguïtés et de votre manque de courage !
M. Jérôme Durain. Vendredi dernier, en séance du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, le président d’un groupe qui n’a rien de républicain a fait dégénérer les échanges, en accusant d’abord les agents de la région d’être touchés par la radicalisation et le communautarisme islamiste, en tweetant ensuite sur la perte d’appétit que provoque chez lui une exposition consacrée à Martin Luther King, en agressant verbalement, enfin, une femme voilée. Des enfants venus découvrir les institutions républicaines sont repartis dans le tumulte et une maman accompagnatrice sous la menace « de l’arrivée des Russes ».
M. Philippe Pemezec. Allons !
M. Jérôme Durain. Certains ont vu dans ces événements une interrogation sur la laïcité. J’y vois surtout la triste expression du racisme. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
Que nous croyions au ciel ou que nous n’y croyions pas, nous avons la responsabilité de dénoncer le climat malsain qui règne dans ce pays. Les musulmans, pour ce qu’ils sont, sont pointés du doigt. M. Zemmour, récemment condamné, a son rond de serviette sur les plateaux de télévision. (Applaudissements sur des travées des groupes SOCR et CRCE. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Dans les universités, des fichages tendancieux commencent à apparaître.
Nous ne tomberons pas dans les pièges tendus par les provocateurs de tous bords.
M. Philippe Pemezec. Vous y tombez tout seuls !
M. Jérôme Durain. Notre boussole, c’est la concorde républicaine. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Le Président Macron et vous-même, monsieur le Premier ministre, avez rappelé l’état du droit en ce qui concerne la laïcité. Hier encore, quatre-vingt-dix personnalités ont lancé un appel au Président pour condamner les événements de vendredi. Que comptez-vous faire pour endiguer la libération de la parole raciste dans ce pays ? (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE. – Mme Patricia Schillinger et M. Richard Yung applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Une nouvelle fois, notre pays, notre société, cette assemblée se passionnent et se divisent autour d’une question, en l’occurrence celle du voile. Je ne méconnais en rien l’importance de ce sujet, mais, face à ces passions, je me permets de vous répondre, monsieur le sénateur, que ma boussole à moi est le droit et mon cap la lutte contre le communautarisme et la radicalisation.
Le droit est posé depuis longtemps : c’est l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et c’est la loi de 1905, qui prévoit deux principes extrêmement exigeants, celui de la neutralité absolue des pouvoirs publics et des agents publics et celui de la liberté de nos concitoyens à croire ou à ne pas croire et à exercer leur culte dans le respect de la loi. Ces principes ne sont pas des petites choses ! Ils sont au cœur de la façon dont nous avons choisi de vivre, et nous y sommes attachés ! Bien entendu, sur ces principes, il arrive que nous ayons des différences d’appréciation.
Nous avons déjà fait évoluer le cadre juridique. En 2004, le Parlement a choisi d’aller plus loin en matière de laïcité, en interdisant le port de signes religieux distinctifs, en l’occurrence du voile, dans les enceintes scolaires : à l’école, au collège et au lycée. Cette loi a été jugée constitutionnelle. C’est donc un principe qui nous oblige. Mais cette loi n’a pas dit que le voile était interdit à l’université, elle n’a pas dit que le voile était interdit lorsque des parents accompagnent bénévolement, volontairement, une sortie scolaire. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. Dommage !
M. Olivier Paccaud. Il faut changer la loi !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle la loi, et la jurisprudence constante qui s’y applique ne dit pas autre chose. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.) Or il me semble que rappeler la loi de façon précise dans l’hémicycle du Sénat n’est pas inutile et certainement pas critiquable ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants, SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire,…
Mme Catherine Troendlé. Bien sûr !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … dans le respect de la Constitution et des principes à valeur constitutionnelle.
J’ai bien compris qu’un certain nombre d’entre vous portait l’idée d’une modification de la loi ; le Parlement aura vocation à en débattre.
La boussole ayant été définie – c’est le droit tel qu’il est aujourd’hui –, le cap me semble devoir être celui de la lutte contre la radicalisation et contre le communautarisme.
M. Victorin Lurel. Et contre le racisme !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Or il me semble que, en matière de lutte contre la radicalisation et le communautarisme, il y a des choses incroyablement plus efficaces à faire, incroyablement plus productives, que de légiférer sur l’interdiction du voile lors des sorties scolaires. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants, SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Je me permets, ce faisant, d’exprimer ma ligne : faire en sorte, suivant ce que le Sénat a proposé par la voie d’une proposition de loi portée par Mme la sénatrice Gatel, d’exercer un contrôle beaucoup plus strict sur les écoles hors contrat au moment de leur création (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants et SOCR, ainsi que sur des travées du groupe UC.) ; faire en sorte aussi, grâce à la loi portée par M. le ministre de l’éducation nationale, d’exercer un contrôle beaucoup plus strict sur les enfants déscolarisés, sur les raisons de leur déscolarisation et sur le contenu de l’éducation qu’ils reçoivent à domicile. Voilà des sujets bien plus importants, bien plus porteurs, que ne l’est la proposition de loi qui a été évoquée !
Voici ma position : lutte contre la radicalisation, lutte politique contre le communautarisme, lutte à tous les instants, soutien aux enseignants, création des instruments nécessaires. Telle est la position du Gouvernement, la boussole que nous avons choisie, le cap que nous suivons ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants et SOCR, ainsi que sur des travées des groupes UC et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.
M. Jérôme Durain. Il y a ce que vous avez dit, monsieur le Premier ministre ; il y a aussi une forme de racisme, qu’il faut dissiper.
Des vents mauvais soufflent sur notre société. Il faut dissiper la confusion, apaiser les tensions et ramener tous nos concitoyens vers la République. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
situation des pompiers
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour le groupe Les Républicains.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Monsieur le Premier ministre, c’était au tour des pompiers professionnels, hier, de manifester contre le manque de réponse du Gouvernement. En grève depuis des mois parce qu’ils assurent des missions qui ne sont plus leur cœur de métier, avec une forte augmentation des incendies, ils joignent leurs revendications à celles des personnels des hôpitaux, eux-mêmes débordés par l’explosion de l’ensemble des services hospitaliers, notamment des urgences.
Toutes les professions au cœur des grandes missions de l’État sont en crise profonde.
Les policiers vous ont exprimé récemment leur colère ; le suicide récent d’une directrice d’école, la tentative de suicide d’une principale montrent que l’éducation nationale n’est pas épargnée.
Cette colère généralisée exprime avant tout une crise de l’autorité de l’État, vertu capitale pour une société.
Ces professions qui enseignent, qui soignent, qui nous protègent en ont assez des grands discours qui ponctuent une situation en incessante dégradation, assez de leurs conditions de travail, assez de la violence croissante dont ils sont victimes parce qu’ils représentent l’État.
Lorsque l’on touche à un pompier ou à un enseignant, lorsque l’on insulte un médecin, c’est la République que l’on défie. Cette année, 1 272 agressions de pompiers ont déjà été recensées, et 312 pompiers ont été blessés.
Nous avons le sentiment que vous assistez en spectateur à une situation qui vous échappe. Pourtant, c’est bien une décomposition de l’État républicain qui se produit sous nos yeux – les événements d’hier en témoignent parfaitement. L’État régalien n’assure plus sereinement, comme il le devrait, ses grandes missions de service public.
Comptez-vous, monsieur le Premier ministre, répondre à la colère et aux angoisses des agents qui rendent service au public ? Qu’avez-vous à dire aux pompiers, aux personnels soignants, aux enseignants, aux policiers, dont la situation se dégrade de manière accélérée ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Les sapeurs-pompiers étaient en effet dans la rue hier,…
M. David Assouline. Ils se sont fait arroser !
M. Martial Bourquin. Ils en ont pris plein la tête !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. … pour une manifestation qui visait à exprimer les difficultés qu’ils rencontrent dans l’exercice de leurs missions. Ces difficultés, le Gouvernement les connaît parfaitement, et, vous le savez, madame la sénatrice, nous y travaillons, en concertation avec les organisations syndicales concernées.
Vous avez évoqué la question importante des agressions dont sont victimes les sapeurs-pompiers, souvent du fait même des personnes qu’ils vont secourir, parce qu’elles ont des difficultés psychologiques ou sont sous l’emprise de l’alcool. Il existe bien une montée des violences ; nous la prenons en compte, dans le cadre de conventions de coordination passées avec les policiers et avec les gendarmes et destinées à mieux encadrer l’intervention des sapeurs-pompiers. Comme vous l’avez souhaité, ces derniers interviennent désormais munis de caméras-piétons, et nous allons approfondir ce dispositif afin de faire baisser le niveau des agressions.
Je précise que cette action est menée dans le cadre d’une grande concertation avec les organisations syndicales de sapeurs-pompiers. Celles-ci ont été reçues par le ministre de l’intérieur en marge du congrès de Vannes, puis, hier, au cabinet du ministre. Nous allons poursuivre cette discussion dans les jours qui viennent : des réunions importantes auront lieu les 6 et 14 novembre, réunissant le ministre de l’intérieur, les organisations syndicales et les collectivités employeuses pour traiter, par exemple, la question de la prime de feu ou celles ayant trait au recrutement.
De manière générale, soyez assurée, madame la sénatrice, que ce gouvernement met tout en œuvre pour que l’action des services régaliens, qu’il s’agisse, évidemment, de la sécurité civile, des sapeurs-pompiers, mais aussi de nos policiers et de nos gendarmes, s’effectue dans les meilleures conditions possible. Je pense aux efforts que nous faisons en matière de recrutement, en matière d’équipement, en matière budgétaire, en matière indemnitaire, en direction tant des sapeurs-pompiers que des policiers et des gendarmes. Notre attention est totalement portée vers eux, afin qu’ils puissent exercer leurs missions dans des conditions de sécurité optimales. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour la réplique.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. J’entends votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, mais il y a urgence à agir efficacement pour garantir l’unité de la France. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
coopération antiterroriste avec la grande-bretagne
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. Elle est aux confins de deux sujets que nous avons déjà évoqués : le Brexit et le terrorisme.
Le Brexit, avec ou sans accord, se traduira par un recul significatif de la coopération policière et judiciaire entre les pays de l’Union européenne et la Grande-Bretagne et par une fragilisation de l’acquis des leviers d’action que nous avions mis en place ces dernières années au service de notre sécurité. Une faille majeure est ainsi créée dans la sécurité européenne, d’autant que le Royaume-Uni est l’un des pays les plus touchés par le terrorisme. Il est le deuxième pays occidental, après la France, s’agissant du phénomène des filières syriennes, qui revient au cœur de l’actualité.
Le Royaume-Uni ne pourra plus utiliser le système d’information Schengen, qui permet notamment d’alerter sur les déplacements. Fini également l’accès au PNR, au système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages ou à la base de données qui répertorie les empreintes digitales de tous les demandeurs d’asile et immigrés illégaux. De la même façon, il n’y aura plus de mandat d’arrêt européen pour le Royaume-Uni.
Ma question est simple : quelles dispositions sont-elles prévues pour combler les failles qui vont immanquablement résulter du Brexit ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)