Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Yves Daudigny, Mme Patricia Schillinger.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Jean-Claude Requier ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.
offensive turque contre les kurdes en syrie
M. Pierre Laurent ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Rémi Féraud ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Rémi Féraud.
M. Franck Menonville ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Christian Cambon ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.
décision du conseil constitutionnel sur la gratuité dans l’enseignement supérieur public (I)
M. Laurent Lafon ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Julien Bargeton ; M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
attaques contre le vivre ensemble
M. Jérôme Durain ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Jérôme Durain.
Mme Isabelle Raimond-Pavero ; M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; Mme Isabelle Raimond-Pavero.
coopération antiterroriste avec la grande-bretagne
Mme Nathalie Goulet ; M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; Mme Nathalie Goulet.
impact de la réforme des retraites sur les femmes
Mme Florence Lassarade ; M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
M. Dominique Théophile ; Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer.
fermeture d’une usine michelin en vendée
M. Didier Mandelli ; M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique ; M. Didier Mandelli.
décision du conseil constitutionnel sur la gratuité dans l’enseignement supérieur public (II)
Mme Sylvie Robert ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Sylvie Robert.
M. Jean Louis Masson ; Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement ; M. Jean Louis Masson.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
4. Candidatures à une commission spéciale
5. Création du Centre national de la musique. – Discussion des conclusions d’une commission mixte paritaire
Discussion générale :
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
6. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
7. Création du Centre national de la musique. – Suite de la discussion et adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire
Discussion générale (suite) :
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
Adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
Suspension et reprise de la séance
8. Mise au point au sujet d’un vote
9. Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois
Articles additionnels après l’article 13
Amendement n° 581 rectifié de M. Henri Leroy. – Rejet.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
M. Sébastien Lecornu, ministre
Amendement n° 561 rectifié de M. Rachid Temal. – Retrait.
Amendement n° 773 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 14
Amendement n° 689 rectifié de M. Hervé Maurey. – Retrait.
Amendement n° 546 rectifié de Mme Catherine Conconne. – Retrait.
Amendement n° 634 rectifié bis de M. Patrick Chaize. – Retrait.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 612 rectifié de M. François Bonhomme. – Retrait.
Amendement n° 774 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 15 rectifié de Mme Christine Lavarde. – Retrait.
Amendement n° 775 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 582 rectifié bis de Mme Patricia Schillinger. – Adoption.
Amendement n° 740 rectifié de Mme Annie Guillemot. – Adoption.
Amendement n° 120 rectifié de M. Philippe Dallier. – Rejet.
Amendement n° 122 rectifié de M. Philippe Dallier. – Retrait.
Amendement n° 121 rectifié de M. Philippe Dallier. – Adoption.
Amendement n° 65 rectifié ter de Mme Sylvie Vermeillet. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 15
Amendement n° 703 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Rejet.
Amendement n° 741 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 92 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rectification.
Amendement n° 19 rectifié de Mme Laure Darcos. – Retrait.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
10. Candidatures à une commission d’enquête
11. Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 15 (suite)
Amendement n° 727 rectifié ter de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 728 rectifié ter de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Devenu sans objet.
Amendement n° 453 rectifié de M. André Reichardt. – Retrait.
Amendement n° 883 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier. – Retrait.
Amendement n° 429 de M. Olivier Jacquin. – Retrait.
Amendements nos 194 et 196 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenus.
Amendement n° 560 rectifié de M. Rachid Temal. – Rejet.
Amendement n° 209 rectifié ter de M. Joël Labbé. – Non soutenu.
Amendement n° 843 rectifié de M. Patrick Chaize. – Retrait.
Amendement n° 597 rectifié de M. Henri Leroy. – Retrait.
Amendement n° 731 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet par scrutin public n° 6.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 691 rectifié de M. Hervé Maurey. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 15 bis
Amendement n° 719 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Article 15 ter (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 742 rectifié de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 964 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 713 rectifié de M. Jacques Grosperrin. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article 15 quinquies (nouveau)
Amendement n° 813 rectifié de M. Philippe Bonnecarrère. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 362 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 965 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 15 sexies
Amendement n° 363 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 966 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 364 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 15 octies
Amendement n° 229 rectifié de M. Éric Gold. – Rejet.
Amendement n° 231 rectifié de M. Éric Gold. – Retrait.
Amendement n° 230 rectifié de M. Éric Gold. – Retrait.
Amendement n° 967 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 571 de M. Éric Kerrouche. – Retrait.
Amendement n° 652 rectifié de M. Henri Leroy. – Retrait.
Amendement n° 805 rectifié de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
M. Roger Karoutchi ; M. Sébastien Lecornu, ministre.
Amendement n° 968 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 16
Amendement n° 917 de M. Arnaud de Belenet. – Retrait.
Amendement n° 245 rectifié de M. Henri Cabanel. – Retrait.
Amendement n° 311 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 901 rectifié bis de M. Patrick Chaize. – Retrait.
Amendement n° 312 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 806 rectifié de M. Philippe Bonnecarrère. – Rejet.
Amendement n° 585 de M. Arnaud de Belenet. – Rejet.
Amendement n° 425 rectifié de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 144 rectifié bis de M. Patrice Joly. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Renvoi de la suite de la discussion.
12. Ordre du jour
Nomination de membres d’une commission spéciale
Nomination de membres d’une commission d’enquête
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Yves Daudigny,
Mme Patricia Schillinger.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun de vous à être attentif au respect de son temps de parole – j’espère que ce n’est pas une incantation rituelle – et au respect des uns et des autres.
intervention turque en syrie
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. Depuis une semaine, les regards du monde sont une nouvelle fois tournés, hélas ! vers la Syrie depuis que l’armée turque a lancé son offensive contre les forces kurdes des YPG. Officiellement, Ankara souhaite établir le long de sa frontière une zone de sécurité en installant au moins 1 million de réfugiés et en construisant, en un temps record, villes et infrastructures. Mais, dans les faits, ce sont à nouveau des milliers de civils qui sont pris dans l’étau d’une guerre civile qui déchire, depuis 2011, ce pays martyr, avec des conséquences humanitaires terribles : on parle de près de 160 000 déplacés, d’exactions, de règlements de compte nourris par des haines longuement mûries.
L’offensive turque, qui suit le retrait des troupes américaines, s’inscrit dans ce que l’ancien ambassadeur de France en Syrie, Michel Duclos, appelle « la géopolitique des nouveaux autoritaires ». Ou quand la volonté de puissance intérieure et extérieure des dirigeants turcs, russes ou iraniens a fait de la Syrie le terrain de jeu mortifère de leurs ambitions.
Ne nous y trompons pas : ce qui se passe met gravement en cause la stabilité régionale et internationale, avec en toile de fond le retour en force de Bachar al-Assad, le spectre de la résurgence de Daech, que les forces kurdes ont combattu, mais qui, comme l’hydre, n’a jamais totalement disparu, la pantomime pathétique d’une OTAN déchirée, le spectacle désolant d’une Europe militairement impuissante – et nous reconnaissons l’engagement du Président de la République en faveur d’une armée européenne.
Oui, la France entretient des liens d’amitié profonds et anciens avec le peuple turc ! Mais le chantage de ses dirigeants est insupportable. Il appelle de notre part la plus grande fermeté.
Monsieur le Premier ministre, que va faire la France pour faire cesser l’offensive turque et le drame humanitaire qui s’annonce ? Comment agira-t-elle pour empêcher la fuite des djihadistes français aujourd’hui détenus ? Quelles sont nos marges de manœuvre pour tenter de stabiliser cette région ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes LaREM, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Requier, vous avez rappelé les faits. Je veux les confirmer dans une certaine mesure.
Le 9 octobre dernier, comme nous le savons tous, la Turquie a décidé, de manière unilatérale – je le dis clairement –, de lancer une offensive en Syrie contre les forces démocratiques syriennes. Cette offensive est d’une ampleur considérable tant par les moyens qu’elle mobilise, avec le soutien massif de supplétifs syriens de l’armée nationale syrienne, que par le périmètre et la profondeur de l’offensive terrestre. Les frappes aériennes se sont étendues à l’ensemble de la frontière, notamment à l’extrême nord-est, très au-delà de la zone d’incursion terrestre réalisée.
Le 13 octobre, les États-Unis ont décidé, là encore de manière unilatérale, de retirer leur dispositif militaire du nord-est syrien.
Ces deux décisions unilatérales emportent des conséquences très lourdes pour nos partenaires kurdes, qui se sont battus à nos côtés contre Daech, hommes et femmes réunis, et à qui je veux rendre une nouvelle fois hommage en notre nom à tous. (Applaudissements.)
Conséquences très lourdes aussi pour notre sécurité : après cinq années de lutte, le risque d’une résurgence des effectifs et des forces de Daech est quasiment avéré. L’idée que l’État islamique puisse reprendre pied de façon organisée, que ce soit au nord-est syrien ou, le cas échéant, à travers la déstabilisation de la région, au nord-ouest irakien fait peser un risque sécuritaire sur l’ensemble de la région et sur l’ensemble de nos pays pour les raisons que nous n’ignorons pas.
Conséquences très lourdes encore sur le plan humanitaire : 700 000 civils se trouvent aujourd’hui dans cette zone, des familles entières ont pris la route pour fuir les combats. Depuis le début de l’offensive, on dénombre 150 000 déplacés et, bien évidemment, de premières victimes civiles.
Conséquences très lourdes, enfin, sur la recherche d’une solution pérenne dans la région : l’offensive militaire et les menaces de la Turquie de réinstaller, de force, les réfugiés syriens en Turquie, dans la zone des trente kilomètres qui longe la frontière entre la Syrie et la Turquie, ne vont pas faciliter l’avènement d’une solution politique dans la région.
Monsieur le président Requier, vous posez la question de la réaction de la France. Nous avons pris un très grand nombre d’initiatives.
D’abord, la France a, de la façon la plus claire et la plus ferme, condamné cette opération militaire. Nous l’avons dit à l’ambassadeur de Turquie en France, par l’intermédiaire du Quai d’Orsay. Le Président de la République a eu l’occasion de s’entretenir avec le Président Erdogan : il lui a dit clairement quelle était la position de la France et lui a signifié notre condamnation de cette opération militaire.
Nous avons ensuite cherché à mobiliser dans les enceintes internationales, et partout où le multilatéralisme a du sens, l’ensemble de nos partenaires : c’est vrai du Conseil de sécurité de l’ONU, qui s’est réuni en urgence ; c’est vrai de l’Europe, qui s’est exprimée d’une seule voix ; c’est vrai aussi de la coalition. N’oublions pas que la décision unilatérale des États-Unis, au regard de leur importance au sein de la coalition, empêche les autres pays membres de continuer de peser sur le terrain.
Face à l’impact de cette opération militaire sur la sécurité européenne, nous avons décidé, avec d’autres pays, de suspendre nos exportations d’armes vers la Turquie. C’est une décision commune de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Finlande et du Royaume-Uni. Le Canada a pris la même décision.
Nous souhaitons, avec nos partenaires de l’Union européenne, continuer de prendre toutes les initiatives possibles en vue de conduire la Turquie à mettre un terme à cette opération. Toutefois, compte tenu des décisions turques et de l’unilatéralisme dont ce pays a fait preuve, ne nous voilons pas la face : demander, condamner, inciter, nous le ferons ; obtenir, ce sera beaucoup plus difficile – ce le sera d’autant plus en raison de la décision unilatérale des États-Unis.
Sans jeter l’opprobre sur qui que ce soit, monsieur le président Requier, les conséquences de cette décision unilatérale seront très lourdes : pour les États-Unis, sans doute ; pour la région, c’est certain ; et probablement même pour la façon dont nous nous envisageons les relations avec nos partenaires sur des théâtres d’opérations compliqués. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Simon Sutour applaudit également.)
offensive turque contre les kurdes en syrie
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. L’offensive de la Turquie contre les forces kurdes et démocratiques syriennes soulève l’indignation. Cette agression est un crime contre la paix, contre les combattants kurdes qui se sont battus contre Daech et contre l’expérience d’un Rojava démocratique. Elle offre une opportunité inespérée à Daech de reconstruire ses forces.
Nous avions alerté à de nombreuses reprises sur les risques de voir la Turquie franchir le pas, sur les ambiguïtés de la coalition et sur le rôle trouble joué par la Turquie en son sein. Aujourd’hui, les masques tombent. La Turquie fait la guerre aux Kurdes, et à personne d’autre, au mépris de la sécurité du monde. Et cette guerre a été autorisée par le Président des États-Unis !
La France doit parler d’une voix claire, forte, indépendante, qui ne s’étouffe pas aussitôt dans les coulisses du renoncement. La France doit agir.
Premièrement, au-delà de l’embargo annoncé sur les armes, à quelles sanctions économiques, financières et politiques fortes la France est-elle prête ? La Turquie est un important partenaire commercial, nous avons donc les moyens d’agir.
Deuxièmement, la France continue-t-elle d’agir pour aboutir à la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne ? Et comment ?
Troisièmement, que répond la France à l’appel lancé par quinze organisations humanitaires ? Quelle est notre stratégie pour obtenir un cessez-le-feu qui protège le travail humanitaire, qui garantisse son accès en tout lieu, qui protège les populations civiles par l’interdiction de l’utilisation des armes explosives en zones peuplées, qui permette de rapatrier les enfants français détenus dans les camps de prisonniers ?
Enfin, puisque les États-Unis et la Turquie sont au cœur de cette affaire et qu’ils sont membres de l’OTAN, n’est-il pas temps de convoquer un débat parlementaire d’urgence interrogeant le rôle de l’OTAN, notre rôle dans cette alliance et notre place au sein de son commandement intégré ? Le Gouvernement est-il prêt à convoquer d’urgence ce débat parlementaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. La semaine dernière, la Haute Assemblée appelait déjà l’attention du Gouvernement sur ce qui se préparait. J’avais alors eu l’occasion de répondre à Christine Prunaud.
Depuis lors, non seulement la pression militaire n’a pas faibli, mais elle s’est considérablement accrue. L’émotion n’a pas faibli non plus : elle s’est aussi considérablement accrue, avec la mobilisation de toutes et de tous et les initiatives prises par un certain nombre d’entre vous – je pense notamment à votre proposition de résolution.
Comme le Premier ministre vient de le souligner, la France s’est mobilisée fortement, dans toutes les enceintes. Elle a demandé urgemment, la semaine dernière, la réunion du Conseil de sécurité, lequel reste saisi de cette question et se réunit très régulièrement sur la situation en Syrie.
La France est intervenue activement au sein du Conseil des ministres des affaires étrangères, lundi dernier. C’est parce qu’une voix forte s’y est exprimée, celle de Jean-Yves Le Drian, qu’une condamnation unanime, je crois, a été prononcée ; condamnation que le prochain Conseil européen, nous l’espérons, viendra consacrer.
Vous évoquez les outils économiques, monsieur le sénateur Pierre Laurent. Sachez qu’une commission mixte économique avec la Turquie devait se réunir début décembre. Nous avons fait savoir que sa tenue était impossible dans le contexte actuel.
Soyez sûr que la France a condamné cette intervention dans les termes les plus fermes. Le Président de la République l’a d’ailleurs dit au Président Erdogan.
La France continuera à être mobilisée pour obtenir la cessation de l’offensive turque contre les Kurdes le plus rapidement possible. Ce sujet nous engage chaque heure, chaque jour, chaque semaine, tant que cette situation perdurera. (M. François Patriat applaudit.)
situation des kurdes (I)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Rémi Féraud. Ma question porte également sur l’agression militaire de la Turquie dans le nord-est syrien.
L’ensemble des groupes de cette assemblée demande au gouvernement de réagir plus fortement, plus fermement, plus rapidement. Il y va de la fidélité à nos alliés kurdes, bien évidemment, et à nos valeurs, mais aussi de notre propre sécurité, comme le Premier ministre l’a lui-même souligné.
Chacun sait le rôle exceptionnel des combattants kurdes, aux côtés de la coalition internationale, dans l’éradication du califat de Daech. Chacun sait que, les attaquer aujourd’hui, c’est permettre la résurgence du terrorisme islamiste jusque sur notre sol.
Le Président de la République a appelé la société française à faire bloc contre le terrorisme. Or cette lutte est globale : faire bloc en France sera illusoire si nous laissons les djihadistes reprendre pied dans le nord-est syrien.
Vous venez de nous dire, monsieur le secrétaire d’État, que la France agit. C’est vrai ! Mais nous vous disons qu’elle agit trop tard et insuffisamment pour être efficace. Cessons d’intérioriser un sentiment d’impuissance et d’isolement largement exagéré. L’invasion par la Turquie du canton d’Afrin, livré ensuite aux milices djihadistes et où les Kurdes ont été victimes d’un véritable nettoyage ethnique, était un avertissement auquel nous n’avons pas su réagir.
La France va-t-elle enfin se mobiliser à la hauteur des sacrifices réalisés pour nous par les combattants kurdes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – MM. Bruno Retailleau et Michel Savin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Oui, vous avez raison, monsieur le sénateur Rémi Féraud, le rôle joué par les combattants des forces démocratiques syriennes, les FDS, qui sont notamment composées de Kurdes, a été déterminant dans la défaite territoriale de Daech, avec l’appui de la coalition internationale et de la France. Le courage de ces femmes et de ces hommes appelle notre reconnaissance.
Cette reconnaissance doit naturellement continuer de s’exprimer dans les faits. Il n’y a pas de dosage dans la façon dont nous cherchons à mobiliser tout le monde. Notre engagement est total pour mobiliser la communauté internationale dans toutes les enceintes.
Dès que l’armée turque a franchi cette frontière, nous avons appelé à une réunion du Conseil de sécurité. Nous n’avons pas ménagé notre peine. Les décisions unilatérales évoquées par le Premier ministre sont graves, très graves. Leurs auteurs portent naturellement une responsabilité devant l’histoire.
Monsieur le sénateur, je vous sais très impliqué sur la question kurde, à l’image de la Haute Assemblée et de sa commission des affaires étrangères, qui, ce matin, a auditionné l’ambassadeur de Turquie. Je veux saluer la proposition de résolution qui appelle à un engagement résolu de la France en faveur de toute initiative. Sachez que nous rejoignons complètement cet appel et qu’il en est question en ce moment même, lors du conseil des ministres franco-allemand, à Toulouse. Les prochaines heures, les prochains jours seront également très importants au sein du Conseil européen.
La situation humanitaire étant ce qu’elle est, nous nous préparons d’ores et déjà à une réponse avec notre centre de crise et de soutien. Un afflux de réfugiés risque de se produire au Kurdistan irakien. Une demande d’aide internationale a été formulée pour pouvoir gérer cette situation. Nous devrons être également présents au rendez-vous pour ces frères d’armes dans la lutte contre le terrorisme que sont les Kurdes. (MM. François Patriat et Richard Yung applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour la réplique.
M. Rémi Féraud. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Nous appelons les autorités françaises à s’engager davantage et à sortir de la posture défensive dans laquelle nous nous sommes nous-mêmes placés. Rappelons-nous la phrase de Charb : « Contre le cynisme et la mort, aujourd’hui, il y a le peuple kurde. » Il est de notre devoir et de notre intérêt d’être à ses côtés ; nous serons à vos côtés pour prendre des initiatives beaucoup plus fortes dans les jours qui viennent. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
brexit
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Franck Menonville. Malgré l’annonce de l’imminence d’un possible accord la nuit dernière entre l’Union européenne et le Royaume-Uni concernant le Brexit, la pression qui pèse sur le Conseil européen de demain reste importante.
Dans ce contexte particulièrement mouvementé et incertain, pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, où en sont les négociations sur un accord de sortie du Royaume-Uni ? Que pouvons-nous attendre des prochains jours ?
En effet, pour l’heure – faut-il le rappeler ? –, le Royaume-Uni fait encore partie de l’Union européenne, et les interrogations quant aux relations futures ne cessent de grandir. Ce fut notamment le cas lorsque, le 3 juin dernier, le Président américain, Donald Trump, tweetait : « Un grand accord commercial est possible une fois que le Royaume-Uni se sera débarrassé de ses chaînes. » Il a été très clair quant à ses intentions de créer une future relation privilégiée avec le Royaume-Uni. Un accord bilatéral, dans le cadre du Cloud Act américain, a d’ailleurs été conclu le 3 octobre dernier, non sans remous.
La Commission européenne, saisie de cette question, doit se pencher sur la conformité de tels accords avec le droit communautaire. Beaucoup d’incertitudes demeurent encore, et elles sont plus fortes encore pour nos entreprises.
Nous entendons les craintes et les inquiétudes de nos concitoyens et de nos PME dans nos territoires. Quelles mesures concrètes comptez-vous mettre en place pour préparer l’après-Brexit, à la fois en termes économiques, mais aussi politiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. La France et l’Union européenne se préparent au Brexit depuis plusieurs mois. Vous le savez, monsieur le sénateur Franck Menonville, des textes ont été adoptés par les assemblées, des ordonnances ont été prises pour nous permettre de faire face au mieux à la situation, qu’il y ait ou non un accord. Les préparatifs ont continué à se faire de façon intensive sous la houlette du Premier ministre, qui réunit très régulièrement tous les ministères concernés.
S’agissant des entreprises, dont vous évoquez les inquiétudes, nous avons conduit une action très proactive à leur égard, y compris en appelant individuellement chacune des entreprises exportatrices françaises vers le Royaume-Uni, pour préparer toutes les procédures en cas de non-accord.
Verrons-nous, au cours des heures et jours prochains, un éventuel accord aboutir ? Michel Barnier a estimé la semaine dernière que des garanties suffisantes existaient pour une reprise pleine et entière des négociations, mais l’heure tourne ! Aujourd’hui, nos préoccupations concernant les positions britanniques sur l’Irlande et l’Irlande du Nord n’ont pas tout à fait disparu, il faut le dire. Je pense notamment à l’intégrité du marché unique de l’union douanière ou au maintien des conditions d’une concurrence loyale.
L’Union européenne se montre clairement ouverte à la négociation. Elle est constructive dans les discussions. Mais encore faut-il que le Premier ministre britannique donne l’impulsion politique nécessaire. Son cabinet doit se réunir dans les prochaines heures, nous dit-on. Quelle que soit l’évolution, nous sommes prêts à faire face à tous les scénarios, y compris à celui d’un retrait sans accord. Nous avons adopté des cadres juridiques très complets, la sensibilisation a été conduite, et nous avons organisé une coordination très active avec tous les pays voisins.
Au-delà du 31 octobre prochain, tout restera à faire pour bâtir une relation future. L’histoire est là, la géographie est là : le Royaume-Uni reste un pays européen, au sens large du terme, et nous devrons bâtir une relation qui reste proche, compte tenu de ces liens. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM, RDSE et Les Indépendants.)
situation des kurdes (II)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Comme les intervenants précédents l’ont souligné, le Levant est de nouveau en feu. L’offensive massive que la Turquie a lancée au nord-est de la Syrie anéantit d’un seul coup tous les efforts menés par la coalition, dont la France est le deuxième contributeur. C’est évidemment un signe très positif pour Daech, qui n’en attendait pas tant.
Le bilan est accablant : déjà près de 1 000 morts à l’heure où nous parlons, 160 000 civils jetés sur les routes, le retour de Daech et le risque, peut-être pire encore, d’évasion de djihadistes, qui viendront faire payer très cher à l’Europe son engagement.
Enfin, les Kurdes, nos alliés, nos amis, qui se sont battus avec tant d’héroïsme pour notre propre sécurité, ce peuple sans patrie, trahi une fois de plus, sont contraints d’appeler au secours leurs ennemis d’hier.
Les Américains ont cru défendre leurs intérêts, mais quelle confiance accordera-t-on demain à leur parole ?
Monsieur le Premier ministre, mes questions sont simples : comment l’OTAN peut-elle rester sans réagir ? Nous étions un certain nombre dimanche dernier à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. À nos questions, fortes – nous avons fait entendre la voix de la France –, le secrétaire général Stoltenberg n’a jamais daigné répondre.
Par ailleurs, que comptez-vous faire face aux milliers de djihadistes qui menacent notre sécurité ? Le départ de M. le ministre des affaires étrangères pour l’Irak a été annoncé. Qu’espère-t-il obtenir là-bas ? Surtout, que comptez-vous faire, ici, en France, pour assurer la sécurité des Français ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Simon Sutour applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je n’ai rien à retrancher ou à ajouter au constat que vous venez de dresser, monsieur le président Cambon, s’agissant du caractère unilatéral des décisions qui ont été prises par la Turquie et les États-Unis, s’agissant des conséquences très lourdes sur le plan de la sécurité – je les ai évoquées, mais je me retrouve entièrement dans ce que vous avez vous-même formulé – de la résurgence probable de Daech liée à la déstabilisation, s’agissant de l’impossibilité, ou de la très grande difficulté, à trouver une solution politique dès lors que cette intervention se déroule.
Vous soulevez deux questions distinctes, bien qu’elles soient un peu liées.
La première est relative à l’OTAN. La Turquie, la France, les États-Unis, ainsi qu’un grand nombre – pas tous – de partenaires de la coalition internationale en sont membres.
Vous avez évoqué les questions posées par un certain nombre de parlementaires français à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN et l’absence de réponse à laquelle ils ont été confrontés, qui me semble traduire un très grand trouble, pour dire les choses de façon posée. Regardons ce trouble en face.
Si le principe d’une alliance est de permettre à des partenaires de travailler ensemble, les décisions unilatérales ou celles qui s’entrechoquent les unes avec les autres ne me paraissent pas relever d’un bon fonctionnement. Regardons la situation en face et travaillons sérieusement avec nos partenaires. Quiconque prétendrait que l’OTAN fonctionne comme elle a toujours fonctionné – « circulez, il n’y a rien à voir », pardon de le dire trivialement – se tromperait.
Votre seconde question est relative à la sécurité en France, qui se traduit de deux façons. Tout d’abord, il y a la reconstitution d’un espace géographique maîtrisé par Daech, lequel serait propice à l’organisation d’actions à l’extérieur de ce territoire. Nous n’en sommes pas là, même si le risque n’est pas nul. En effet, les détenus sont toujours détenus et les prisons sont situées assez loin, voire très loin, de la zone où ont lieu les combats. Les camps où sont parqués, si j’ose dire, un certain nombre de gens qui s’étaient échappés après les derniers combats, notamment à Baghouz, dans le sud de la région, subsistent encore.
Nous devons évidemment avoir en tête que la résurgence de Daech est possible. Nous devons discuter avec nos partenaires de la région, qui ont les mêmes intérêts que nous, pour éviter la reconstitution de Daech. La discussion s’avérera compliquée, car la situation est profondément déstabilisée.
Qui peut dire, compte tenu de la décision américaine, que nous pourrons compter, demain, sur nos alliés kurdes ?
Quant à la question des retours vers le territoire national, monsieur le président Cambon, l’ensemble du dispositif est prêt. Nous sommes bien évidemment prêts à judiciariser tous ceux qui, s’étant rendus sur zone, se sont rendus complices des actions criminelles qui ont été conduites sur place.
Autrement dit, une grande vigilance s’impose sur le territoire métropolitain, dans l’hypothèse où certains voudraient revenir. Pour autant, nous le savons, un certain nombre de personnes, si elles devaient échapper au contrôle de nos alliés kurdes, ne chercheraient pas forcément à revenir, mais iraient se battre.
Par ailleurs, nous devons travailler avec les pays voisins, notamment avec l’Irak. Vous l’avez dit, monsieur le président Cambon, M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères se rendra dès ce soir en Irak, pour discuter avec son homologue irakien des mesures à mettre en place et, éventuellement, d’un accompagnement en matière de coopération judiciaire. En effet, un certain nombre de ceux qui sont détenus en Syrie par les Kurdes ayant commis des crimes en Irak, ils pourraient, le cas échéant, être judiciarisés sur place. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
décision du conseil constitutionnel sur la gratuité dans l’enseignement supérieur public (I)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Laurent Lafon. Vendredi dernier, le Conseil constitutionnel a jugé que les droits d’inscription appliqués à l’université seraient contraires aux prescriptions du préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel « l’organisation de l’enseignement public gratuit à tous les degrés est un devoir de l’État ». Seuls des tarifs modiques seraient autorisés.
Le jugement répond à une question prioritaire de constitutionnalité sur la possibilité donnée aux universités d’augmenter significativement les droits d’inscription pour les étudiants étrangers, dans le cadre du plan Bienvenue en France, plan pour l’application duquel la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat avait demandé un moratoire. Cependant, la portée de cette décision dépasse la simple question des tarifs appliqués aux étudiants étrangers et s’applique aux droits d’inscription de l’ensemble des étudiants, français et étrangers, dans l’ensemble des établissements publics, universités ou écoles.
Ce jugement, que le Conseil constitutionnel qualifie lui-même d’inédit, crée des incertitudes juridiques, tant il est difficile à ce jour d’en mesurer toutes les conséquences. Il pose un certain nombre de questions qui pourraient avoir un impact sérieux sur le financement de nos établissements.
Le principe d’autonomie financière n’est-il pas atteint par cette décision, qui remet en cause la possibilité pour les établissements de fixer eux-mêmes leurs droits d’inscription ?
La gratuité est-elle réellement un moyen efficace pour garantir l’égal accès aux études supérieures ? Penser que, parce que c’est gratuit, c’est accessible à tous n’est-il pas un leurre ?
Est-il pertinent de financer entièrement par l’argent public, et donc par l’impôt, la formation des étudiants étrangers, qui repartent, pour un grand nombre d’entre eux, dans leurs pays d’origine, une fois leurs études terminées ?
Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous partager avec nous la lecture que fait le Gouvernement de ce jugement ? Quel en sera l’impact sur le financement des établissements de l’enseignement supérieur ? Quelles conséquences entraîne-t-il sur la hausse des frais universitaires pour les étudiants étrangers, décidée dans le cadre du plan Bienvenue en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Laurent Lafon, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, qui est actuellement aux côtés du Président de la République au conseil des ministres franco-allemand.
Vous l’avez rappelé, une question prioritaire de constitutionnalité a été déposée auprès du Conseil constitutionnel à la suite de l’examen d’une requête par le Conseil d’État.
Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le vendredi 11 octobre, selon laquelle le principe de gratuité de l’enseignement supérieur s’applique. Pour autant, des droits d’inscription différenciés peuvent intervenir, dans la mesure où ils restent « modiques ».
Le Conseil a également rappelé que le financement de l’enseignement supérieur devait principalement – mais pas exclusivement – être assuré par l’impôt et qu’il convenait de prendre en compte la situation financière de chaque étudiant.
Le ministère a pris acte de cette décision. Désormais, il reviendra au Conseil d’État de statuer ultérieurement sur le fond de ce litige.
Vous le savez, le plan Bienvenue en France et, de façon plus générale, les enjeux de financement de l’enseignement supérieur font l’objet d’une réflexion collective, dont vous avez rappelé certains tenants et aboutissants.
Pour ce qui concerne le plan Bienvenue en France, la commission de la culture a étudié le sujet en détail voilà quelques mois. Il s’agit de nous donner les moyens d’accueillir mieux un plus grand nombre d’étudiants internationaux. Nous devons améliorer leurs conditions d’accueil, de logement, de suivi de cours de français. Il convient de construire une politique ambitieuse, grâce aux exonérations et aux bourses, parce qu’il s’agit d’un enjeu de rayonnement de la France.
Ce plan conjugue ainsi des droits différenciés, qui sont, il faut le souligner, plafonnés au tiers du coût réel d’une formation, et le triplement des bourses, sans compter les exonérations qui peuvent être décidées directement par les universités – elles ont d’ailleurs été nombreuses à le faire cette année –, dans le cadre du principe d’autonomie que vous avez rappelé.
Chacun pourra le constater, les deux critères dégagés par le Conseil constitutionnel, à savoir la prise en compte des situations individuelles et le financement à titre principal par l’impôt, sont respectés, ce qui peut nous rendre optimistes pour la suite.
Je le rappelle, 324 000 étudiants étrangers poursuivent actuellement leur cursus en France. Notre objectif, c’est de porter ce nombre, en 2027, à 500 000. Les universités du monde se mobilisent, nous devons en faire tout autant, c’est un enjeu essentiel pour la France. Il s’agit d’atteindre le chiffre de 2 % d’étudiants internationaux.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Le Conseil d’État tranchera dans les prochains mois. Sa décision répondra définitivement aux interrogations qui demeurent à ce stade. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
pacte productif
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Julien Bargeton. Le Président de la République a annoncé en avril un pacte productif, qui a été présenté hier par plusieurs ministres. Il doit fonder un new deal économique, écologique et technologique.
L’industrie française dispose d’atouts, à commencer par ses talents, mais rencontre aussi un certain nombre d’obstacles qui ont été identifiés depuis plusieurs années, comme en témoignent les difficultés anciennes du commerce extérieur.
Si le chômage diminue,…
M. Rachid Temal. Ah ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe SOCR.)
M. Julien Bargeton. … pour atteindre 8,5 %, et si l’investissement repart dans les entreprises,…
M. Rachid Temal. Ah ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
M. Julien Bargeton. … avec 30 milliards d’euros en deux ans, la bataille de la compétitivité est loin, toutefois, d’être gagnée. Des emplois industriels se créent, mais des sites sont menacés.
Le mérite de ce pacte est de ne pas minimiser les enjeux auxquels nous devons faire face pour répondre à la demande mondiale. Certains secteurs clés doivent devenir exportateurs nets.
Quels sont, selon vous, les leviers principaux pour renforcer notre industrie ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SOCR. – Allo ! Allo ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Ont été évoqués, notamment, les impôts de production, qui sont l’un des sujets à traiter, puisqu’ils représentent – c’est une spécificité française – 70 milliards d’euros. Mais ce n’est pas le seul sujet. Comment l’industrie peut-elle participer au retour au plein emploi à l’horizon de 2025 ? Ce n’est pas une utopie ! En effet, ce sont les salariés qui rendent possible une nation productive.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. Allo ! Allo !
M. Julien Bargeton. Quelles sont les actions prioritaires, la méthode envisagée et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Julien Bargeton, je vous remercie de votre question (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.), et je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, qui est retenu à Toulouse pour le conseil des ministres franco-allemand.
Vous avez eu l’occasion de le dire, effectivement, l’économie française se porte mieux depuis quelques années. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est ce que disent les chiffres : nous avons aujourd’hui 500 000 chômeurs de moins ; notre croissance est meilleure que celle de nos voisins, notamment de l’Allemagne. (Les exclamations ironiques redoublent.)
C’est particulièrement vrai dans l’industrie, puisque – je suis heureux que votre assemblée le salue –, pour la première fois depuis dix ans, l’investissement est au plus haut et, pour la première fois depuis dix ans, mesdames, messieurs les sénateurs, nous recréons des emplois industriels. Est-ce suffisant ? Non ! C’est tout l’objet du pacte productif porté par Bruno Le Maire.
Nous vivons aujourd’hui une révolution technologique et industrielle, laquelle, comme les autres révolutions technologiques et industrielles, fera des gagnants et des perdants. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Mme Sophie Taillé-Polian. Et les perdants de l’intérieur, vous en faites quoi ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Tout l’enjeu, c’est de faire en sorte que l’Europe et la France soient au rang des gagnants, notamment dans le domaine numérique, que je connais bien et qui est aujourd’hui en partie dominé par les Américains et les Chinois, même si nous avons des leaders comme Athos Aéronautique ou Dassault Systèmes qui tirent leur épingle du jeu.
Grâce au pacte productif, qui rassemble les collectivités territoriales, les assemblées, les organisations syndicales et patronales, nous voulons travailler sur les stratégies et les leviers qui nous permettront de répondre à la compétition internationale. Ces leviers sont multiples : la fiscalité, avec la question de la baisse des impôts de production ; la nécessité, pour notre pays, de répondre présent dans un certain nombre de secteurs technologiques clés, en particulier l’intelligence artificielle et l’ordinateur quantique ; la formation, question sur laquelle nous travaillons avec Muriel Pénicaud.
Je le répète, l’objectif du pacte productif, en dernier ressort, est de faire en sorte que l’industrie française soit au rendez-vous de la compétition mondiale. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
port du voile
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous interroger à partir de mon expérience, celle d’une élue qui a vu progresser dans nos quartiers le communautarisme (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.), qui a vu les jeunes femmes se mettre à porter le voile sous la pression, alors que leurs mères s’en étaient libérées.
Le voile, en 2019, n’est pas anodin, et nous aurions tort de considérer qu’il n’est que l’expression d’une pratique religieuse. D’ailleurs, beaucoup de femmes musulmanes, dans notre pays, ne le portent pas.
Le voile est trop souvent le symbole d’un islam politique, qui considère la femme comme un « objet soumis » plus que comme un « individu émancipé », pour reprendre un qualificatif cher au Président de la République. Nous aurions tort de baisser les yeux et de ne pas voir que le port de signes religieux ostentatoires dans le cadre des sorties scolaires est un instrument de prosélytisme et parfois même de provocation. L’école de la République doit montrer aux petites filles qu’elle ne transige pas avec les principes de laïcité et d’égalité.
Or, sur cette question centrale du respect de la laïcité et de la neutralité religieuse des adultes intervenant dans le cadre de l’école hors les murs, la majorité et le Gouvernement se divisent.
Vous avez tenté, monsieur le Premier ministre, de désamorcer les querelles au sein de votre majorité, mais, une fois de plus, vous avez, en définitive, baissé les bras. Vous ne cessez de dire qu’il faut lutter contre le communautarisme et, en même temps, vous ne cessez de renoncer à agir. Ce n’est pas l’ambiguïté qui contribuera au réarmement moral de notre pays (Exclamations sur des travées des groupes SOCR et CRCE.) et au respect des principes qui font la France et qui unissent les Français.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire exactement ce que le Gouvernement compte faire vraiment pour lutter contre la communautarisation de notre société et faire respecter les principes de notre République laïque et indivisible ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Attendez le débat sur votre proposition de loi !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Eustache-Brinio, je vous remercie de votre question, qui porte sur un sujet important : la République. Nous sommes tous très heureux, me semble-t-il, d’avoir en commun l’héritage républicain ; il est ce qui nous unit tous ensemble et ce qui fonde notre contrat social. Nous sommes aussi tous très heureux du principe de laïcité. C’est un trésor qui nous vient de la IIIe République. Cet héritage est extrêmement précieux, d’autant plus qu’il est un outil pour le XXIe siècle.
La laïcité est on ne peut plus moderne ; elle nous est très utile : dans la société d’aujourd’hui, en effet, nous avons besoin d’une République une, de citoyens égaux. Ce point est très important – c’est ce qui nous différencie d’autres pays, y compris de pays voisins. La société anglaise, par exemple, est une société communautariste, avec les dangers que cela représente.
Oui, vous avez raison, donc : la République et la laïcité sont nos outils d’organisation.
Sur le sujet particulier que vous évoquez, qui n’est pas le seul sujet à traiter, tant s’en faut, en matière de laïcité – beaucoup de gens insistent sur celui-là de manière privilégiée, alors que d’autres sont plus importants (Mme Patricia Schillinger applaudit.) –, on doit d’abord éviter la confusion. Je retrouve mélangées, dans le débat public, des choses très différentes.
D’abord, il y a la radicalisation, contre laquelle le Gouvernement lutte. C’est un sujet très important, sur lequel le Président de la République s’est exprimé en des termes fermes, vous le savez.
Ensuite, il y a la lutte contre le communautarisme, ce dont je viens de parler : l’enjeu républicain d’une société de citoyens égaux veillant en particulier à l’égalité entre les hommes et les femmes.
Enfin, il y a la laïcité, qui s’applique évidemment à toutes les religions et qui est notre bien précieux, parce qu’elle nous permet à tous de vivre ensemble. L’école est la matrice de cette laïcité, et nous devons à chaque enfant, dans sa vie quotidienne, la neutralité politique et religieuse.
La question des sorties scolaires est un enjeu hybride, parce qu’il y va de l’enfant en dehors de l’école, mais dans un cadre qui, en effet, est scolaire. Je l’ai dit, nous ne souhaitons pas une loi, parce qu’une loi créerait plus de problèmes que de solutions : elle serait contre-productive, y compris eu égard à l’enjeu républicain qui consiste à scolariser tous les enfants et à faire en sorte que tous les parents se sentent bienvenus à l’école de la République. En revanche, je l’ai dit aussi, et c’est le sens de l’expression que j’ai utilisée, le voile n’est pas souhaitable. Nous ne souhaitons pas que ce soit un élément qui puisse être interprété comme du prosélytisme dans ces sorties scolaires.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ça, le prosélytisme !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Et nous sommes capables de mettre en œuvre cette exigence concrètement. (MM. Jean Bizet et Bruno Sido s’exclament.)
Tout cela me rappelle un adage latin, qui nous vient de la République romaine : in medio stat virtus.
M. le président. Il va falloir conclure !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. On peut traduire « virtus » de deux façons : c’est la vertu, mais c’est aussi le courage. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je n’ai rien entendu de très concret, mais je ne peux pas croire que, aujourd’hui, vous puissiez rater une occasion de faire montre d’une réelle volonté de lutter contre les velléités de l’islamisme en France, alors que deux Français sur trois sont prêts à soutenir la proposition de loi interdisant le port du voile pendant les sorties scolaires. Franchement, je trouve qu’il y a là un manque de courage ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
attaques contre le vivre ensemble
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jérôme Durain. Ma question s’adresse au Premier ministre.
Il règne dans ce pays une atmosphère irrespirable.
M. Philippe Pemezec. À cause de vos ambiguïtés et de votre manque de courage !
M. Jérôme Durain. Vendredi dernier, en séance du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, le président d’un groupe qui n’a rien de républicain a fait dégénérer les échanges, en accusant d’abord les agents de la région d’être touchés par la radicalisation et le communautarisme islamiste, en tweetant ensuite sur la perte d’appétit que provoque chez lui une exposition consacrée à Martin Luther King, en agressant verbalement, enfin, une femme voilée. Des enfants venus découvrir les institutions républicaines sont repartis dans le tumulte et une maman accompagnatrice sous la menace « de l’arrivée des Russes ».
M. Philippe Pemezec. Allons !
M. Jérôme Durain. Certains ont vu dans ces événements une interrogation sur la laïcité. J’y vois surtout la triste expression du racisme. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
Que nous croyions au ciel ou que nous n’y croyions pas, nous avons la responsabilité de dénoncer le climat malsain qui règne dans ce pays. Les musulmans, pour ce qu’ils sont, sont pointés du doigt. M. Zemmour, récemment condamné, a son rond de serviette sur les plateaux de télévision. (Applaudissements sur des travées des groupes SOCR et CRCE. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Dans les universités, des fichages tendancieux commencent à apparaître.
Nous ne tomberons pas dans les pièges tendus par les provocateurs de tous bords.
M. Philippe Pemezec. Vous y tombez tout seuls !
M. Jérôme Durain. Notre boussole, c’est la concorde républicaine. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Le Président Macron et vous-même, monsieur le Premier ministre, avez rappelé l’état du droit en ce qui concerne la laïcité. Hier encore, quatre-vingt-dix personnalités ont lancé un appel au Président pour condamner les événements de vendredi. Que comptez-vous faire pour endiguer la libération de la parole raciste dans ce pays ? (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE. – Mme Patricia Schillinger et M. Richard Yung applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Une nouvelle fois, notre pays, notre société, cette assemblée se passionnent et se divisent autour d’une question, en l’occurrence celle du voile. Je ne méconnais en rien l’importance de ce sujet, mais, face à ces passions, je me permets de vous répondre, monsieur le sénateur, que ma boussole à moi est le droit et mon cap la lutte contre le communautarisme et la radicalisation.
Le droit est posé depuis longtemps : c’est l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et c’est la loi de 1905, qui prévoit deux principes extrêmement exigeants, celui de la neutralité absolue des pouvoirs publics et des agents publics et celui de la liberté de nos concitoyens à croire ou à ne pas croire et à exercer leur culte dans le respect de la loi. Ces principes ne sont pas des petites choses ! Ils sont au cœur de la façon dont nous avons choisi de vivre, et nous y sommes attachés ! Bien entendu, sur ces principes, il arrive que nous ayons des différences d’appréciation.
Nous avons déjà fait évoluer le cadre juridique. En 2004, le Parlement a choisi d’aller plus loin en matière de laïcité, en interdisant le port de signes religieux distinctifs, en l’occurrence du voile, dans les enceintes scolaires : à l’école, au collège et au lycée. Cette loi a été jugée constitutionnelle. C’est donc un principe qui nous oblige. Mais cette loi n’a pas dit que le voile était interdit à l’université, elle n’a pas dit que le voile était interdit lorsque des parents accompagnent bénévolement, volontairement, une sortie scolaire. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. Dommage !
M. Olivier Paccaud. Il faut changer la loi !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle la loi, et la jurisprudence constante qui s’y applique ne dit pas autre chose. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.) Or il me semble que rappeler la loi de façon précise dans l’hémicycle du Sénat n’est pas inutile et certainement pas critiquable ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants, SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire,…
Mme Catherine Troendlé. Bien sûr !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … dans le respect de la Constitution et des principes à valeur constitutionnelle.
J’ai bien compris qu’un certain nombre d’entre vous portait l’idée d’une modification de la loi ; le Parlement aura vocation à en débattre.
La boussole ayant été définie – c’est le droit tel qu’il est aujourd’hui –, le cap me semble devoir être celui de la lutte contre la radicalisation et contre le communautarisme.
M. Victorin Lurel. Et contre le racisme !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Or il me semble que, en matière de lutte contre la radicalisation et le communautarisme, il y a des choses incroyablement plus efficaces à faire, incroyablement plus productives, que de légiférer sur l’interdiction du voile lors des sorties scolaires. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants, SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Je me permets, ce faisant, d’exprimer ma ligne : faire en sorte, suivant ce que le Sénat a proposé par la voie d’une proposition de loi portée par Mme la sénatrice Gatel, d’exercer un contrôle beaucoup plus strict sur les écoles hors contrat au moment de leur création (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants et SOCR, ainsi que sur des travées du groupe UC.) ; faire en sorte aussi, grâce à la loi portée par M. le ministre de l’éducation nationale, d’exercer un contrôle beaucoup plus strict sur les enfants déscolarisés, sur les raisons de leur déscolarisation et sur le contenu de l’éducation qu’ils reçoivent à domicile. Voilà des sujets bien plus importants, bien plus porteurs, que ne l’est la proposition de loi qui a été évoquée !
Voici ma position : lutte contre la radicalisation, lutte politique contre le communautarisme, lutte à tous les instants, soutien aux enseignants, création des instruments nécessaires. Telle est la position du Gouvernement, la boussole que nous avons choisie, le cap que nous suivons ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants et SOCR, ainsi que sur des travées des groupes UC et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.
M. Jérôme Durain. Il y a ce que vous avez dit, monsieur le Premier ministre ; il y a aussi une forme de racisme, qu’il faut dissiper.
Des vents mauvais soufflent sur notre société. Il faut dissiper la confusion, apaiser les tensions et ramener tous nos concitoyens vers la République. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
situation des pompiers
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour le groupe Les Républicains.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Monsieur le Premier ministre, c’était au tour des pompiers professionnels, hier, de manifester contre le manque de réponse du Gouvernement. En grève depuis des mois parce qu’ils assurent des missions qui ne sont plus leur cœur de métier, avec une forte augmentation des incendies, ils joignent leurs revendications à celles des personnels des hôpitaux, eux-mêmes débordés par l’explosion de l’ensemble des services hospitaliers, notamment des urgences.
Toutes les professions au cœur des grandes missions de l’État sont en crise profonde.
Les policiers vous ont exprimé récemment leur colère ; le suicide récent d’une directrice d’école, la tentative de suicide d’une principale montrent que l’éducation nationale n’est pas épargnée.
Cette colère généralisée exprime avant tout une crise de l’autorité de l’État, vertu capitale pour une société.
Ces professions qui enseignent, qui soignent, qui nous protègent en ont assez des grands discours qui ponctuent une situation en incessante dégradation, assez de leurs conditions de travail, assez de la violence croissante dont ils sont victimes parce qu’ils représentent l’État.
Lorsque l’on touche à un pompier ou à un enseignant, lorsque l’on insulte un médecin, c’est la République que l’on défie. Cette année, 1 272 agressions de pompiers ont déjà été recensées, et 312 pompiers ont été blessés.
Nous avons le sentiment que vous assistez en spectateur à une situation qui vous échappe. Pourtant, c’est bien une décomposition de l’État républicain qui se produit sous nos yeux – les événements d’hier en témoignent parfaitement. L’État régalien n’assure plus sereinement, comme il le devrait, ses grandes missions de service public.
Comptez-vous, monsieur le Premier ministre, répondre à la colère et aux angoisses des agents qui rendent service au public ? Qu’avez-vous à dire aux pompiers, aux personnels soignants, aux enseignants, aux policiers, dont la situation se dégrade de manière accélérée ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Les sapeurs-pompiers étaient en effet dans la rue hier,…
M. David Assouline. Ils se sont fait arroser !
M. Martial Bourquin. Ils en ont pris plein la tête !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. … pour une manifestation qui visait à exprimer les difficultés qu’ils rencontrent dans l’exercice de leurs missions. Ces difficultés, le Gouvernement les connaît parfaitement, et, vous le savez, madame la sénatrice, nous y travaillons, en concertation avec les organisations syndicales concernées.
Vous avez évoqué la question importante des agressions dont sont victimes les sapeurs-pompiers, souvent du fait même des personnes qu’ils vont secourir, parce qu’elles ont des difficultés psychologiques ou sont sous l’emprise de l’alcool. Il existe bien une montée des violences ; nous la prenons en compte, dans le cadre de conventions de coordination passées avec les policiers et avec les gendarmes et destinées à mieux encadrer l’intervention des sapeurs-pompiers. Comme vous l’avez souhaité, ces derniers interviennent désormais munis de caméras-piétons, et nous allons approfondir ce dispositif afin de faire baisser le niveau des agressions.
Je précise que cette action est menée dans le cadre d’une grande concertation avec les organisations syndicales de sapeurs-pompiers. Celles-ci ont été reçues par le ministre de l’intérieur en marge du congrès de Vannes, puis, hier, au cabinet du ministre. Nous allons poursuivre cette discussion dans les jours qui viennent : des réunions importantes auront lieu les 6 et 14 novembre, réunissant le ministre de l’intérieur, les organisations syndicales et les collectivités employeuses pour traiter, par exemple, la question de la prime de feu ou celles ayant trait au recrutement.
De manière générale, soyez assurée, madame la sénatrice, que ce gouvernement met tout en œuvre pour que l’action des services régaliens, qu’il s’agisse, évidemment, de la sécurité civile, des sapeurs-pompiers, mais aussi de nos policiers et de nos gendarmes, s’effectue dans les meilleures conditions possible. Je pense aux efforts que nous faisons en matière de recrutement, en matière d’équipement, en matière budgétaire, en matière indemnitaire, en direction tant des sapeurs-pompiers que des policiers et des gendarmes. Notre attention est totalement portée vers eux, afin qu’ils puissent exercer leurs missions dans des conditions de sécurité optimales. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour la réplique.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. J’entends votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, mais il y a urgence à agir efficacement pour garantir l’unité de la France. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
coopération antiterroriste avec la grande-bretagne
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. Elle est aux confins de deux sujets que nous avons déjà évoqués : le Brexit et le terrorisme.
Le Brexit, avec ou sans accord, se traduira par un recul significatif de la coopération policière et judiciaire entre les pays de l’Union européenne et la Grande-Bretagne et par une fragilisation de l’acquis des leviers d’action que nous avions mis en place ces dernières années au service de notre sécurité. Une faille majeure est ainsi créée dans la sécurité européenne, d’autant que le Royaume-Uni est l’un des pays les plus touchés par le terrorisme. Il est le deuxième pays occidental, après la France, s’agissant du phénomène des filières syriennes, qui revient au cœur de l’actualité.
Le Royaume-Uni ne pourra plus utiliser le système d’information Schengen, qui permet notamment d’alerter sur les déplacements. Fini également l’accès au PNR, au système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages ou à la base de données qui répertorie les empreintes digitales de tous les demandeurs d’asile et immigrés illégaux. De la même façon, il n’y aura plus de mandat d’arrêt européen pour le Royaume-Uni.
Ma question est simple : quelles dispositions sont-elles prévues pour combler les failles qui vont immanquablement résulter du Brexit ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, je vous sais très au fait de ces questions. Comme vous le savez, la coopération en matière de lutte antiterroriste est aussi une coopération entre les services de renseignement intérieur.
Cette coopération entre tous les services de renseignement intérieur au sein de l’Union européenne, mais en dehors du cadre de l’Union européenne, a été accentuée depuis les attentats qui nous ont frappés en 2015 ; elle est extrêmement productive et va évidemment se poursuivre. Elle s’exerce à la fois dans un cadre bilatéral, directement entre les services français et britanniques, et dans un cadre multilatéral, mais informel. J’insiste bien : cette coopération se déroule en dehors du cadre du traité de l’Union européenne – aucune difficulté, donc, de ce point de vue – et elle se pratique tous les jours.
Il est tout à fait exact – vous avez raison de le souligner – que, pour partie, cette coopération utilise des outils prévus par des textes européens. Vous avez cité notamment le PNR et le système d’information Schengen, qui comprend notamment un fichier des personnes recherchées. Le Brexit aura nécessairement une conséquence sur l’utilisation de ces outils.
Néanmoins, une sortie sans accord ou avec accord ne dépend pas uniquement de nous. Si accord il doit y avoir, il est bien évident que celui-ci comportera un volet afin de continuer à utiliser ces outils européens. S’il devait ne pas avoir d’accord, nous ouvririons des discussions.
À ce stade, madame la sénatrice, il ne nous appartient pas de nous prononcer sur des décisions qui nous sont imposées. Dans le cadre d’un accord, il y aura un volet sur la sécurité intérieure, mais je ne peux pas vous faire d’autre réponse que de vous renvoyer à nos partenaires britanniques. (M. Olivier Cadic applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
La délégation parlementaire au renseignement a rendu il y a quelques semaines un rapport alarmiste sur la situation, notamment en ce qui concerne la sécurité et les conséquences du Brexit. Très souvent, dans ce genre de situation, nous sommes dans l’ex post. N’attendons pas le 31 octobre !
Je sais très bien que les services continuent à travailler, mais il devient important de prendre des mesures urgentes. Il faut faire une évaluation des besoins.
Le problème des mandats européens est extrêmement sérieux. Nous risquons d’importantes déconvenues judiciaires avec un certain nombre de personnes indésirables sur notre territoire que nous ne pourrons plus poursuivre faute d’outils. Je vous demande donc de prendre les dispositions qui s’imposent avant qu’il ne soit trop tard.
impact de la réforme des retraites sur les femmes
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. La réforme des retraites proposée dans votre rapport, monsieur Delevoye, inquiète les femmes mères de famille. Actuellement, les mères de famille valident huit trimestres dans le secteur privé par enfant né ou adopté et quatre trimestres dans le public. C’est ce qu’on appelle la majoration de durée d’assurance.
La réforme envisagée vise à supprimer les dispositifs actuels pour les remplacer par une majoration retraite de 5 % par enfant dès le premier enfant. Cette bonification pourra éventuellement être transférée au père ou partagée avec lui.
La retraite des femmes est actuellement inférieure de 38 % à celle des hommes. C’est en grande partie dû à la maternité, qui conduit un grand nombre de femmes à prendre du temps pour leur enfant, à renoncer à une promotion, à prendre un temps partiel ou un congé parental. Pour beaucoup de mères n’ayant pas des carrières complètes, l’attribution d’une retraite qui soit le strict reflet de leurs périodes d’activité sera défavorable par rapport au système actuel.
Il est particulièrement injuste de bonifier la retraite d’un parent en pourcentage, en lésant les mères dont les carrières sont incomplètes, mais aussi celles ayant de petits salaires. Il serait particulièrement inéquitable que la réforme des retraites accroisse l’écart de niveau de retraites au détriment des mères.
Monsieur le haut-commissaire, cette majoration de 5 % se substituera-t-elle à la majoration de durée d’assurance, pénalisant ainsi les femmes ayant élevé plusieurs enfants ?
Par ailleurs, cette loi aura-t-elle un effet rétroactif en supprimant les droits acquis par les femmes ayant eu des enfants avant l’entrée en vigueur de la réforme en 2025 ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux retraites.
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Chère madame, je sais tout l’intérêt qu’il faut porter à la situation des femmes dans le futur système universel des retraites. Notre cap est clair : les mêmes règles pour tous, l’universalité et la recherche de l’équité.
Vous l’avez souligné, quand vous êtes maman dans le secteur public ou dans le secteur privé, vous ne bénéficiez pas de la même majoration de durée. C’est injuste ! Par ailleurs, s’il y a une majoration de durée dans le système actuel, il n’y a aucune majoration de pension pour le premier enfant, pour le deuxième enfant, pour le quatrième enfant et pour le cinquième enfant.
Le dispositif a été créé pour compenser les préjudices de carrière. Vous l’avez souligné à juste titre, l’Insee, en 2019, a indiqué qu’il existait une perte de 25 % des revenus salariaux des femmes. Le taux d’activité des hommes et des femmes au troisième enfant avant que celui-ci n’ait trois ans est de 70 % pour les hommes, contre 30 % pour les femmes. Résultat : ce dispositif bénéficie aujourd’hui à deux tiers des hommes !
Nous avons décidé de compenser ce phénomène par une majoration proportionnelle dès le premier enfant, de façon à ce que l’écart de 40 % des pensions entre les hommes et les femmes, qui tombe à 25 % avec la réversion, puisse, dans nos simulations, sur les générations 80-90, augmenter les pensions en moyenne des femmes de 5 % à 10 %.
M. Ladislas Poniatowski. Je n’ai rien compris ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bruno Retailleau opine.)
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire. Nous avons réalisé des simulations : nous parlerons chiffres contre chiffres, simulations contre simulations, et nous ne nous contenterons pas de slogans !
Enfin, nous augmentons le minimum contributif à 1 000 euros, ce qui apportera une amélioration pour les femmes, notamment celles à temps partiel.
Le Conseil d’orientation des retraites a indiqué que le dispositif que nous mettions en place était favorable aux carrières heurtées et courtes. Il concerne donc, notamment, les femmes.
M. Bruno Retailleau. Et les huit trimestres ?
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire. Voyez-vous, nous avons la prétention d’aller vers davantage de redistribution en faveur des femmes dans le système universel ! (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
quotidien france-antilles
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Dominique Théophile. Ma question s’adresse à la ministre des outre-mer.
En Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, le journal France-Antilles ou France-Guyane appartient à un groupe de presse en cessation de paiement. L’unique quotidien régional sera bientôt, peut-être dans un mois et demi, en liquidation.
Ces territoires doivent pouvoir conserver une presse vivante et pluraliste, une presse qui a contribué au développement de la citoyenneté, de la liberté d’opinion et de la démocratie dans nos îles. Les mutations technologiques des réseaux sociaux et les changements dans les habitudes de consommation mettent cependant en cause la survie de ce journal. Sa disparition signifierait la perte cumulée de deux cent cinquante-trois emplois à haut niveau de qualification en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. Ces emplois sont occupés en grande partie par des originaires. Leur niveau de spécialisation rendra leur réembauche difficile, voire impossible en cas de liquidation.
Ce quotidien est aujourd’hui constitutif du patrimoine de ces territoires. Depuis plus de cinquante-trois ans, il rythme notre vie quotidienne, il doit être à ce titre préservé. C’est pourquoi il est nécessaire de mobiliser l’ensemble des aides au pluralisme de la presse périodique régionale.
Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont consacré, dans leur jurisprudence, la valeur constitutionnelle du pluralisme de la presse écrite. Ils ont également admis qu’un soutien public accru devrait être apporté à la presse d’information politique et générale. Je vous prie, madame la ministre, de nous faire connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour maintenir une presse quotidienne régionale vivante, ainsi que les nombreux emplois, si importants pour des territoires touchés par un chômage de masse qui en dépendent. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Théophile, vous avez raison, la presse écrite quotidienne en outre-mer connaît malheureusement des difficultés, qu’il s’agisse des Antilles, de la Guyane ou de La Réunion. Cela nous impose de repenser ensemble deux choses : d’abord, le modèle économique du secteur ; ensuite, le renouvellement de l’offre aux lecteurs, dont les pratiques évoluent, nous le savons tous. Il est nécessaire d’envisager la question de l’adaptation dans les territoires d’outre-mer.
Le groupe France-Antilles est l’éditeur du premier quotidien de presse en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. Concrètement, 285 salariés sont répartis entre ces trois territoires – idem à La Réunion pour deux quotidiens.
Le groupe France-Antilles a été placé en redressement judiciaire le 25 juin. Le tribunal de commerce de Fort-de-France se prononcera à la fin du mois de novembre. Des offres de reprise sont d’ores et déjà déposées. Le Gouvernement est mobilisé depuis quelques mois sur ce sujet et a pris trois décisions.
Premièrement, une inspection IGA-IGAC doit formuler des propositions avant la fin de l’année sur le soutien à apporter à ce secteur.
Deuxièmement, des outils pour faciliter la trésorerie sont prévus. Nous avons notamment décidé d’échelonner dans le temps les dettes sociales et fiscales de certains de ces organismes.
Troisièmement, je l’ai défendu devant le CIOM, le comité interministériel des outre-mer, le comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI, qui a pour mission d’aider les entreprises en difficulté avec des solutions définies entre actionnaires et créanciers, doit agir sur ces questions. Le Premier ministre l’a acté et validé. C’est aujourd’hui chose faite. Ces trois engagements seront tenus !
M. le président. Il faut conclure !
Mme Annick Girardin, ministre. Comme vous l’avez souligné, le dynamisme d’une presse régionale est fondamental dans nos territoires d’outre-mer comme partout. C’est le droit à l’information, et c’est bien sûr aussi la vie démocratique qu’il nous faut défendre ! (MM. Jean-Marc Gabouty et François Patriat applaudissent.)
fermeture d’une usine michelin en vendée
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli. Ma question s’adresse à la fois au ministre de l’économie et à la ministre du travail.
Le 10 octobre dernier, le groupe Michelin, fleuron industriel français, leader mondial du pneumatique, a annoncé la fermeture définitive du site de La Roche-sur-Yon. Après Joué-lès-Tours en 2013 et 730 emplois supprimés, cette décision met fin à la production de pneus destinés aux poids lourds en France.
Six cent dix-neuf hommes et femmes hautement qualifiés sont concernés et vont perdre leur emploi. La moyenne d’âge des salariés est de trente-neuf ans, et beaucoup ont été recrutés ces cinq dernières années dans le cadre du plan Skipper, qui prévoyait 100 millions d’euros d’investissement et 200 recrutements. Ce sont 70 millions qui ont été investis. Des femmes et des hommes ont consenti beaucoup d’efforts pour améliorer la productivité du site. Cela n’a apparemment pas suffi, et le couperet est tombé brutalement.
Michelin propose 120 millions d’euros pour accompagner la reconversion de l’usine, suggère la mobilité interne pour des personnes qui ont construit leur vie familiale et professionnelle en Vendée, pour certains depuis plus de trente ans. C’est une vue de l’esprit !
La présidente de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais, et Bruno Retailleau ont obtenu le remboursement des aides régionales accordées à Michelin. Est-ce que l’État fera la même démarche pour une part du CICE ? L’État sera-t-il présent aux côtés des salariés et des élus locaux, dont le maire de La Roche-sur-Yon, Luc Bouard, et le président du département, Yves Auvinet, pour obtenir toutes les garanties et amortir les conséquences de ce drame économique et humain à long terme ?
Cette malheureuse actualité illustre les travers de notre économie. Plus généralement, comment l’État entend-il œuvrer pour préserver et développer l’industrie dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Mandelli, votre question jette une lumière assez vive sur la question posée précédemment par le sénateur Bargeton concernant l’urgence d’un pacte productif.
Le problème de Michelin à La Roche-sur-Yon, c’est l’émergence des concurrents chinois. Ceux-ci émergent dans le numérique, dans l’industrie, mais aussi dans des secteurs comme les pneus, où la France comptait pourtant des entreprises parmi les meilleures du monde. Il est donc nécessaire de mener des actions défensives, mais également des actions offensives pour pouvoir nous battre à la hauteur de la compétition mondiale.
S’agissant du site de La Roche-sur-Yon, le président de Michelin s’est engagé à accompagner l’ensemble des salariés. Je puis vous assurer que, avec Bruno Le Maire et Muriel Pénicaud, nous ferons en sorte de veiller à ce que chacun des 619 salariés du site Michelin soit accompagné jusqu’à ce qu’il trouve un emploi.
M. Philippe Bas. C’est la moindre des choses !
M. Bruno Retailleau. C’est la loi !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Le site de La Roche-sur-Yon est un bassin d’emplois industriels dynamique. J’ai eu l’occasion, quand j’étais dans l’industrie, de travailler sur le sujet. Il faut donc que chaque salarié retrouve un emploi dans les semaines et les mois à venir. Le Gouvernement y sera très attentif.
Enfin, monsieur le sénateur, il est aberrant de constater que des pneus moins chers, mais aussi moins durables, se vendent mieux et évincent des technologies françaises plus durables et plus écologiques. C’est également un sujet sur lequel le Gouvernement souhaite se mobiliser. Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher ont demandé un contrôle express à la DGCCRF. Nous voulons porter ce débat au niveau européen pour faire respecter à la fois nos ambitions industrielles et nos objectifs écologiques. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Dans le projet de loi Économie circulaire, nous avons intégré l’obligation d’inclure dans la commande publique des pneus issus des filières qualitatives françaises.
Plus généralement, je n’ai pas à être convaincu ou pas par votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Ce sont les salariés qui doivent l’être. Nous le leur demanderons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Très bien !
décision du conseil constitutionnel sur la gratuité dans l’enseignement supérieur public (II)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Sylvie Robert. Par sa décision du 11 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a tiré du treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 l’exigence constitutionnelle selon laquelle « la gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public ». Des frais d’inscription « modiques » peuvent néanmoins être perçus, en tenant compte des « capacités financières des étudiants ».
À travers cette décision, qui fait suite à la volonté du Gouvernement d’augmenter brutalement et de manière importante les droits d’inscription pour les étudiants extracommunautaires, il est rappelé que l’égal accès devant l’instruction, aux fondements du projet émancipateur de la République, ne s’arrête pas aux portes de l’enseignement supérieur public et que ce principe ne peut être entravé pour des motifs pécuniaires.
Dans l’attente de la décision du Conseil d’État, Mme la ministre de l’enseignement supérieur a dit « vouloir garder la stabilité du système d’enseignement supérieur public ». Très bien ! Mais, comme le dit le poète, « être patient, ce n’est pas attendre, c’est agir en attendant ». Comment allez-vous anticiper ces décisions, monsieur le ministre ? Envisagez-vous, par exemple, de revenir sur l’arrêté ministériel relatif aux frais d’inscription différenciés des étudiants étrangers hors Union européenne ? Plus globalement, comment comptez-vous sécuriser et assurer la pérennité du financement de l’enseignement supérieur public, qui risque, on le sait, d’être profondément bouleversé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Sylvie Robert, je répondrai encore une fois en lieu et place de Mme la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, et je terminerai l’explication de texte de ce que j’ai commencé tout à l’heure.
N’oubliez pas que j’étais auparavant un professeur de droit constitutionnel. Je n’ignore donc pas la non-contradiction entre la décision du Conseil constitutionnel et le dispositif que le Gouvernement a voulu mettre en place, avec l’approbation du Parlement. En effet, les deux principes que j’ai rappelés tout à l’heure sont parfaitement respectés : d’une part, le principe d’individualisation, qui vise à tenir compte de la situation sociale de chaque étudiant ; d’autre part, le principe de financement prioritairement par l’impôt de l’enseignement supérieur.
En revanche, il existe un besoin de précision. C’est pourquoi nous devons attendre la future jurisprudence du Conseil d’État. Néanmoins, nous sommes sereins, car le terme utilisé par le Conseil constitutionnel est celui de « modique ». Or nous sommes modiques dans nos perspectives, puisque nous avons limité à un tiers le plafond de ce qu’un étudiant étranger pourrait payer. N’oublions pas que, si ce n’est pas l’étudiant qui paye, c’est le contribuable français. Il est légitime que nous soyons attentifs à ce point.
Quoi qu’il en soit, nous respectons le principe de gratuité dès lors que la somme demandée est modique, ce qui est bien le cas. Le Conseil d’État appréciera la chose de façon précise et qui fera autorité. Nous avons donc tout lieu d’être sereins, d’autant que, sur le plan social – j’aurais peut-être une différence de point de vue avec vous –, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, la ministre a lancé le plan Bienvenue en France. Ce plan nous permet d’être plus accueillants et d’avoir plus d’étudiants : c’est un enjeu pour la France, pour sa force et sa puissance. Il importe de le faire dans les meilleures conditions.
Aussi bien quantitativement que qualitativement, notre proposition conduit à des améliorations et à plus de justice fiscale. Elle cumule beaucoup d’avantages. Voilà pourquoi nous sommes sereins par rapport à la future jurisprudence. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty et Mme Françoise Gatel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.
Mme Sylvie Robert. Nous avons bien compris que le débat, même s’il est plus large, tournera autour du terme « modique ». C’est votre prisme. Mais la question doit être également examinée au regard de l’exigence de gratuité et d’égalité. Je ne suis pas certaine que payer plus de 2 000 euros de frais d’inscription pour une formation soit une somme modique pour les étudiants et leur famille.
M. Rachid Temal. Eh oui !
Mme Sylvie Robert. Nous souhaitons un vrai débat parlementaire, car il s’agit de l’enjeu et du financement de notre enseignement supérieur public demain. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
politique gouvernementale
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. (Ah ! sur diverses travées.)
M. Jean Louis Masson. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, par le passé, les immigrés qui venaient en France voulaient s’intégrer dans notre société. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.) Aujourd’hui, les flux migratoires sont différents. Ils conduisent à des noyaux communautaristes qui rejettent notre façon de vivre. Or les terroristes musulmans (Oh ! sur les mêmes travées.) trouvent leur vivier de recrutement dans le communautarisme radicalisé. Cette radicalisation recrute elle-même dans le communautarisme ordinaire. Il est urgent de réagir.
J’approuve la ministre des collectivités territoriales, qui suggère d’interdire le port du voile islamique dans les assemblées des collectivités territoriales. J’approuve aussi la position du ministre de l’éducation nationale, qui ne souhaite pas que les parents qui accompagnent les sorties scolaires portent le voile islamique. Cependant, au Gouvernement, d’autres ministres disent le contraire et soutiennent le communautarisme islamique (Exclamations sur les travées du groupe LaREM.), au risque de favoriser le terrorisme. De son côté, le Président de la République se complaît dans l’ambiguïté.
Monsieur le Premier ministre, oui ou non êtes-vous favorable au port du voile islamique dans les assemblées des collectivités territoriales ? Oui ou non êtes-vous favorable au port du voile islamique par les parents qui accompagnent les enfants dans les écoles ?
Mme Christine Herzog. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je crois comprendre, aux murmures qui se sont élevés sur ces travées, que vous êtes manifestement habitué à toutes les formes d’outrance. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il est important, comme le Premier ministre l’a fait, de rappeler quels sont les fondements de notre République et la manière dont le fait religieux est encadré dans l’espace de la République française. La loi de 1905, le Premier ministre l’a rappelé, fixe ce cadre et détermine le fait que, en France, c’est l’État qui est laïque et non pas la société. Cela signifie que l’État laïque a un devoir de neutralité, qui s’incarne dans les agents de la fonction publique. C’est la raison pour laquelle un professeur ne peut pas porter la kippa ou le voile à l’école.
Ce cadre juridique a été complété il y a quelques années, en 2004, afin que l’école soit un espace sacré, si j’ose dire, un espace de protection, qui permette aux enfants d’être éduqués dans les valeurs de notre pays. Voilà pourquoi les signes religieux ostentatoires sont interdits pour les élèves mineurs à l’école.
Le législateur de 2004 a également fait le choix d’autoriser le voile pour les parents accompagnateurs de sorties scolaires dans la mesure où ces adultes ne font pas de prosélytisme à l’égard des élèves. Comme le Premier ministre l’a souligné, nous sommes extrêmement résolus à lutter contre toutes les formes de communautarisme religieux et contre toutes les formes de radicalisation religieuse.
Nous sommes, monsieur le sénateur, tout aussi fermes pour dénoncer toutes les stigmatisations à l’intention de nos compatriotes en raison de leur appartenance à une religion, en particulier à la religion musulmane. Nous sommes une nation ouverte, mais une nation ferme dans ses principes et qui lutte sans relâche contre la radicalité et le communautarisme. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réplique.
M. Jean Louis Masson. C’est aux gens qui viennent dans notre pays de s’adapter à nos règles de vie et non à nous de subir les leurs ! (Vives exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Rachid Temal. On parle de Français !
M. Jean Louis Masson. Je trouve scandaleux que mes petits-enfants ou les vôtres puissent être amenés à faire des sorties scolaires entourés par des femmes complètement voilées. (Protestations sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.) Voilà où nous en sommes ! C’est la négation de la laïcité !
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean Louis Masson. Selon moi, le conseiller régional du Rassemblement national qui a posé le problème mériterait une décoration, car il a raison ! (Mme Christine Herzog applaudit. – Protestations sur diverses travées.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 23 octobre, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Mon rappel au règlement concerne le déroulement des réunions en commission.
Il arrive que les délais prévus pour débattre au sein des commissions ne soient pas suffisants. Ainsi m’a-t-on dit ce matin lors d’une de ces réunions – ce n’est pas la première fois que ça arrive, raison pour laquelle je soulève le problème – que, l’ordre du jour étant très long, ce n’était pas la peine que je défende des amendements, car je pourrai le faire lors de la séance publique.
Si des réunions en commission sont prévues, c’est bien pour qu’on puisse y défendre des amendements, et non pour qu’on nous dise de le faire en séance ! J’ai quitté cette réunion de la commission des lois, considérant que ce n’était pas correct.
Je voudrais qu’on veille à ce que, comme le règlement du Sénat nous y oblige, les dossiers à l’ordre du jour soient traités complètement lors des réunions en commission et que nous ne soyons pas tributaires de telle ou telle contrainte liée à l’ordre du jour ou aux délais de discussion !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Masson.
4
Candidatures à une commission spéciale
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des 37 membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique.
En application de l’article 8 bis, alinéa 3, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
5
Création du Centre national de la musique
Discussion des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique (texte de la commission n° 725 [2018-2019], rapport n° 724 [2018-2019]).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour donner la touche finale à la proposition de loi créant le Centre national de la musique, qui, plus qu’attendu, était espéré par toute la profession depuis 2011, date à laquelle un certain député Franck Riester l’avait évoqué pour la première fois dans un rapport. Il aura fallu attendre que ce député accède à la fonction de ministre de la culture pour que ce véritable serpent de mer englué dans les sables politiques et administratifs voie enfin le jour. Comme quoi, la persévérance et la continuité paient !
Il a cependant été nécessaire – je tiens à le rappeler – de joindre à vos efforts, monsieur le ministre, ceux de l’Assemblée nationale. La proposition de loi déposée par Pascal Bois et plusieurs députés, elle-même précédée d’un important travail d’analyse mené avec Émilie Cariou, à laquelle je voudrais également rendre hommage, a permis à ce projet de trouver enfin une forme concrète, précise, et de vaincre les scepticismes et les oppositions, et ils furent nombreux.
Le Sénat, qui a toujours soutenu la filière musicale et les artistes, notamment du côté de sa commission de la culture, a bien volontiers choisi de jouer le jeu. C’est donc très naturellement que notre commission a travaillé, consciente de la fragilité des équilibres atteints avec la profession, mais déterminée à faire progresser les thèmes qui lui sont chers.
Je veux citer comme étant des apports fondamentaux de notre assemblée : l’inscription des notions d’égale dignité des répertoires ainsi que celle, si importante pour nous et notre présidente Catherine Morin-Desailly, de droits culturels au sein même du corpus de règles qui doivent présider au fonctionnement du CNM ; le renforcement de la mission transversale de développement territorial, en octroyant au CNM la possibilité de conclure des contrats et de nouer des partenariats avec les collectivités territoriales et les acteurs de la filière musicale ; l’élargissement de la composition du conseil professionnel à l’ensemble des organisations concernées par l’action du CNM, afin de permettre aux collectivités territoriales et aux structures publiques de la musique en régions d’y siéger.
Le très large accord recueilli en commission, puis en séance publique au Sénat, sur la proposition de loi permettait d’espérer une commission mixte paritaire conclusive. Celle-ci s’est réunie le 17 septembre dernier, et je suis heureux de dire qu’elle s’est achevée assez rapidement par un accord qui conserve l’intégralité des apports du Sénat. Il semble d’ailleurs, depuis quelque temps, régner en matière culturelle une heureuse convergence de vue entre les deux assemblées. Cela marque, j’en suis intimement persuadé, que, en matière de création et de soutien aux artistes, les députés et les sénateurs sont liés par une vision commune et, surtout, partagée de l’intérêt général. Je suis d’ailleurs heureux de pouvoir souligner la qualité de nos échanges avec Pascal Bois, auteur de la proposition de loi et rapporteur, ainsi qu’avec vous-même et vos services, monsieur le ministre : vous avez contribué à faire de cette proposition de loi de l’Assemblée nationale un texte qui nous rassemble.
Maintenant, nous n’allons pas nous contenter d’avoir adopté une belle loi bien écrite. Derrière le texte, il y a la réalité de cette structure à créer et à faire vivre au service de la musique. Il reste encore quelques écueils sur le chemin, et pas des moindres.
Premier écueil : la question des moyens, et tout d’abord ceux attribués par l’État.
Le projet de loi de finances pour 2020 a levé une partie des doutes, en affectant 7,5 millions d’euros au CNM, auxquels il faut ajouter un demi-million d’euros en provenance du CNV.
Sans déflorer un débat budgétaire que nous aurons dans quelques semaines, et qui sera mené par notre rapporteure Françoise Laborde, je tiens, à titre personnel, à exprimer ma satisfaction quant à ce montant, qui correspond à environ un tiers de l’objectif cible de 20 millions d’euros. Cette somme devrait permettre au CNM d’amorcer ses travaux lors de sa première année de fonctionnement. Ainsi, le CNM ne devrait pas passer du statut peu enviable de serpent de mer à celui, encore moins enviable, de coquille vide !
Ma satisfaction est toutefois tempérée, car je ne trouve nulle trace d’un quelconque engagement pour les années à venir. Et si les mots ont un sens, leur absence est parfois tout aussi éloquente…
Sachez donc, monsieur le ministre, que nous serons vigilants à ce que l’État assume bien sa part au long cours et dans des proportions propres à susciter l’enthousiasme et joue un rôle incitatif à l’égard des financeurs privés.
Parlons-en, justement, des opérateurs privés.
Certaines craintes ont été émises sur la capacité et la volonté des organismes de gestion collective à abonder le CNM. Le conflit, maintenant porté devant les tribunaux, qui oppose deux d’entre eux – et pas des moindres – pourrait menacer a minima les premiers pas du Centre.
Je regrette personnellement ce conflit qui oppose, pour schématiser, « petits producteurs » et « majors », au moment même où la maison commune qu’est le CNM se constitue. Sur cette affaire, monsieur le ministre, je serai heureux d’avoir votre sentiment.
Après la question des moyens, le second écueil est la participation des professionnels.
Nous le savons, tout n’est pas dans la loi. Tout le monde attend avec intérêt – avec angoisse, devrais-je dire – la parution du fameux décret prévu à l’article 2 sur la composition du conseil d’administration et du conseil professionnel. Je sais que les concertations ont d’ores et déjà été lancées, mais il ne faut pas que le délai entre l’accord en CMP et l’adoption définitive du texte accentue la méfiance. En la matière, il vous faudra aller vite au risque de peiner certains, pour ne pas lester de rancœur la création du CNM.
Cette question est d’autant plus sensible que, je le rappelle, les acteurs de la filière musicale sont aujourd’hui globalement majoritaires dans la composition des conseils d’administration des cinq organismes qui devraient disparaître au profit du CNM. Il est absolument essentiel que les différents acteurs de la filière musicale n’aient pas le sentiment d’un marché de dupes en intégrant cette maison commune, faute de quoi le risque serait que certaines des associations de droit privé refusent in fine de rejoindre le CNM, ce qui ferait perdre beaucoup de son intérêt au projet.
De même, je vous invite à prendre tout particulièrement en considération la place éminente des collectivités territoriales, qui sont directement intéressées par l’action du Centre.
Les défis sont donc nombreux !
Le futur CNM pourra cependant s’appuyer sur la mission confiée à Catherine Ruggeri, qui me paraît tout à fait en ligne avec les ambitions élevées que nous nourrissons, que vous nourrissez, monsieur le ministre, pour le Centre. Catherine Ruggeri effectue un travail remarquable de rassemblement de tous. Je tiens à saluer ici son engagement et à souhaiter que ses compétences ainsi que ses qualités de diplomatie et d’indépendance puissent continuer à bénéficier au secteur.
Pour conclure, je voudrais donner les trois orientations qui, selon moi, devraient présider à la naissance du CNM.
Première orientation : l’unité. Cette maison doit être celle de toutes les musiques, de tous les musiciens, et ne pas hésiter au passage à aller vers un monde amateur si riche et vivant.
M. Julien Bargeton. Absolument !
Mme Maryvonne Blondin. Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Or, comme nous le savons, l’unité est un combat qui suppose, pour être remporté, de l’écoute – d’autant plus en matière musicale – et le respect des autres. J’adresse donc solennellement aux futurs responsables du CNM et à ses grands acteurs un avertissement : le succès sera celui de tous ! Si échec il y a, il sera lourd de conséquences pour tous, car l’effort que fait aujourd’hui l’État pourrait ne pas se retrouver avant plusieurs longues années.
Deuxième orientation : la conscience des défis à venir. Le CNM devra rapidement se saisir des lourds dossiers qui préoccupent la filière musicale. Je veux en citer trois qui me paraissent particulièrement d’actualité.
Il s’agit, tout d’abord, de la défense de la conception européenne du droit d’auteur, régulièrement attaquée, pour lui substituer la notion anglo-saxonne de copyright et le partage de la valeur entre les différents intervenants. Le futur projet de loi audiovisuel sera, je pense, l’occasion pour nous de réaffirmer notre vision et, pour le Centre, d’élaborer avec la profession une position commune.
Vient, ensuite, la concentration dans le secteur de la musique. Sur ce point, qui relève aujourd’hui davantage de l’intuition, nous avons cruellement besoin de données. C’est l’une des raisons pour lesquelles la création du CNM était si importante, car elle devrait enfin permettre le lancement de l’observatoire de l’économie de la musique, prévu par la loi LCAP, mais jamais mis en place depuis. Cet observatoire permettra enfin d’avoir une meilleure connaissance du secteur, une connaissance que je juge indispensable pour définir des politiques publiques plus adaptées, comme le souhaite l’ensemble des acteurs de la filière musicale.
N’oublions pas que les questions de concentration agitent aujourd’hui particulièrement le secteur des festivals musicaux. C’est une question urgente si nous voulons préserver le dynamisme de nos festivals, déjà mis à mal par la hausse des coûts de sécurité et des normes en la matière de plus en plus élevées.
Enfin, le dernier dossier de cette liste, bien entendu non exhaustive, est l’impact sur la diversité culturelle des algorithmes mis en œuvre par les services de streaming.
Ce dernier point, et le nécessaire dialogue qui devra se nouer avec les plateformes, nécessitera la capacité d’expertise du Centre et son rôle de relais des positions de la filière.
Troisième orientation : l’enthousiasme. Au-delà de ce qui vient d’être évoqué, des écueils, des craintes, nous devrions tous nous réjouir sincèrement d’assister à la naissance de ce « CNM à la française », promis à un grand avenir. Cet enthousiasme doit infuser dans le milieu professionnel, qui ne pourra pas dire que l’État, gouvernement et parlement réunis, a été sourd à leurs demandes.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je suis déjà dans « l’après » et dans ces beaux défis que nous abordons avec bonheur, lucidité et détermination. En attendant, je vous propose d’adopter ce texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. Longue vie au Centre national de la musique ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, chère Catherine Morin-Desailly, monsieur le rapporteur, cher Jean-Raymond Hugonet, mesdames, messieurs les sénateurs, rassurez-vous, il n’y a pas eu de remaniement ministériel dans la nuit, pas plus que d’initiative quasiment gaulliste visant à me nommer ministre en charge du Sénat, comme cela s’était produit au début de la Ve République. Je représente simplement mon collègue et ami Franck Riester, qui est actuellement en déplacement avec le Président de la République dans le cadre du conseil des ministres franco-allemand, qui se tient en ce moment même à Toulouse. J’ai bien sûr accepté, étant depuis une semaine en résidence avec vous,…
M. André Gattolin. En résidence d’artistes !
M. Sébastien Lecornu, ministre. … d’assurer la présence du Gouvernement lors du débat consacré aux conclusions de cette commission mixte paritaire attendue et, si j’ai bien compris, conclusive.
Conformément à l’article 45 de la Constitution, le Gouvernement soumet à votre approbation la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique. Je me réjouis, au nom du Gouvernement, de l’obtention de cet accord trouvé par les députés et les sénateurs.
Les membres de la commission mixte paritaire ont apporté deux clarifications qui assurent une meilleure intelligibilité de la loi.
En premier lieu, la disposition qui prévoit un conseil professionnel adjoint au conseil d’administration a été modifiée afin d’éviter une confusion possible avec la notion d’instance représentative du personnel, reconnue en tant que telle par le code du travail. Or, au cas d’espèce, il s’agit bien de faire du conseil professionnel une instance réunissant des représentants des organisations concernées par l’action de l’établissement.
En second lieu, il est apparu plus pertinent de mentionner les « données », plutôt que la « donnée », en ce qui concerne l’observatoire du Centre national de la musique. Vous savez combien l’enjeu de la connaissance et de la transparence du secteur est primordial, que ce soit pour mieux comprendre les mutations à l’œuvre ou bien pour améliorer les dispositifs de soutien ou la régulation du secteur.
Le Gouvernement soutient ces modifications.
Cet accord témoigne des attentes extrêmement fortes concernant la création d’un établissement public dont la mission principale est de soutenir le secteur de la musique.
Le ministre de la culture l’a rappelé ici même devant vous, durant l’examen du texte en première lecture, la création du CNM intervient à un moment crucial pour le secteur de la musique : après la « crise » des années 2000, le retour de la croissance et notamment ses effets pour les créateurs et les entreprises en France ne sont pas acquis de manière définitive. En effet, le marché est mondial, très compétitif et marqué par les rapidités de l’innovation, en particulier la transition numérique.
Or la musique est un écosystème fragile en perpétuelle mutation, qui se heurte à certains phénomènes de concentration préoccupants. Le soutien et l’accompagnement de ce secteur par la puissance publique sont donc fondamentaux.
Le CNM doit par conséquent contribuer à améliorer et adapter l’action publique en faveur de la musique.
La musique est la première pratique culturelle des Françaises et des Français, la deuxième industrie culturelle du pays. L’absence d’un opérateur unique capable de fédérer les acteurs de la musique, d’accompagner et de soutenir les professionnels, d’encourager la création relevait de l’étrangeté. Le texte qui est soumis à votre approbation y remédie. C’est pourquoi la première de ces adaptations est la création du CNM.
Un tel accord a été rendu possible par le dialogue nourri et fécond auquel le texte a donné lieu, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Le Gouvernement se félicite de l’enrichissement du texte, qui a été substantiellement modifié lors de son examen par le Parlement. Outre de nombreuses évolutions rédactionnelles, celui-ci a renforcé les missions et le rôle du CNM, ce qui traduit un sens du dialogue et de l’écoute qu’il convient de souligner. J’en suis témoin sur un autre texte, en cours d’examen…
La responsabilité sociale de l’établissement a été renforcée, que ce soit en faveur de l’environnement et du développement durable, ou encore de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le CNM a ainsi désormais pour mission de favoriser un égal accès des femmes et des hommes aux professions musicales. En outre, la parité au sein de ses instances de gouvernance est pleinement consacrée. On ne peut que s’en réjouir collectivement.
Par ailleurs, les missions du CNM ont été élargies. Je pense à l’ajout explicite de la création musicale, en faisant référence à la composition, l’interprétation et la production, qui est pleinement conforme à la volonté du ministre de la culture de placer les artistes au cœur du projet du CNM et, plus largement, de l’action gouvernementale en matière de culture.
Ce centre devra être consacré au service de l’ensemble de la filière musicale dans toutes ses nuances et tourné vers les créateurs. Les soutiens économiques qu’il mettra en œuvre seront conçus de manière à promouvoir la diversité culturelle et à favoriser l’innovation. Il placera la dimension territoriale au cœur de son action.
Je pense également à la mission de valorisation du patrimoine musical dont les Français sont fiers. Il s’agit là d’un aspect important de la politique culturelle en faveur de la musique, en lien avec les missions de rayonnement et de transmission.
Concernant l’enjeu essentiel de la connaissance du secteur et de ses mutations, des avancées notables ont été acquises. On peut ainsi saluer le renforcement des missions d’observation du CNM, que ce soit en matière de recueil des informations utiles – notamment commerciales et financières – et de diffusion de l’information économique et statistique.
Enfin, le CNM a été inscrit dans une démarche de concertation permanente, notamment en prévoyant la création d’un conseil professionnel auprès du conseil d’administration. Cette instance de gouvernance est de nature à favoriser le rassemblement, le dialogue et la concertation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en adoptant la proposition de loi qui est soumise à votre vote aujourd’hui, vous permettez la création du Centre national de la musique et, avec lui, la mise en œuvre d’une politique ambitieuse en faveur de la musique. Je n’ignore pas que ce travail de réflexion et de documentation est le fruit d’une concertation avec l’ensemble des acteurs de la filière.
Parallèlement à la future loi, une mission de préfiguration travaille activement, en lien avec les structures qui doivent rejoindre le CNM, leurs salariés et les professionnels du secteur – entreprises, organismes de gestion collective, associations, syndicats –, en vue de faire aboutir les chantiers qui assureront le bon fonctionnement de l’établissement. Cette méthode et le calendrier qui lui est associé vous ont été présentés, je crois, par le ministre de la culture.
Afin de concrétiser les ambitions portées par le Gouvernement, le budget du ministère de la culture, qui sera prochainement soumis au Parlement dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, comprend 7,5 millions d’euros de moyens nouveaux pour lancer le Centre en 2020. Il affecte également au CNM les ressources autrefois dédiées au CNV et aux autres organismes et dispositifs qui ont vocation à rejoindre le nouvel établissement, dont les recettes de la taxe sur les spectacles de variétés, portant le total des ressources publiques mises à la disposition du CNM à 50 millions d’euros.
Telles sont les informations que le Gouvernement souhaitait porter à votre attention. (Mme la présidente de la commission et M. André Gattolin applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici au bout d’un long cheminement.
Edvard Grieg, compositeur et pianiste norvégien, disait que, si les mots ont parfois besoin de musique, la musique, elle, n’a besoin de rien. Nous ferons tout de même œuvre utile en créant, enfin, une maison commune à la filière musicale, dont le chiffre d’affaires global est supérieur dans notre pays à celui de la filière cinématographique.
Le secteur musical, animé par une multitude de chapelles, est aujourd’hui encore profondément éclaté. Dans sa grande sagesse, la Haute Assemblée s’évertue généralement à reconnaître les mérites de chacun. Il convient donc de rendre un légitime hommage à l’implication constante et profonde de M. le ministre de la culture, tout d’abord comme législateur, puis désormais comme membre de l’exécutif, dans l’aboutissement de ce projet.
Nous ne doutons pas que ce dévouement indéfectible à la cause du CNM continuera de l’animer dans les prochaines semaines, lorsque les deux grands « silences » de cette proposition de loi devront faire l’objet de réponses.
Comme l’a rappelé en première lecture ma collègue Françoise Laborde, qui est aujourd’hui à Toulouse avec M. le ministre de la culture, la présente proposition de loi, même si elle a été enrichie dans le cadre de la navette parlementaire, comporte tout de même des zones d’ombre significatives sur le fonctionnement du futur établissement public : tout d’abord, en termes de gouvernance ; ensuite, en termes de financement disponible et d’un éventuel abondement de l’État. De ces deux points dépendent très largement la présence et l’engagement des acteurs concernés au sein de la future structure et la réussite du projet.
Sans revendiquer l’ambition budgétaire de 100 millions d’euros du premier projet bâti en 2011, dont on connaît le sort funeste, nous souhaitons voir mobilisées des ressources « modernes ». Le CNM peut en effet légitimement s’appuyer sur des modes de financement innovants, notamment issus du numérique, comme la taxe YouTube ou la taxe Copé.
Constitué à partir du futur ex-CNV le 1er janvier prochain, le CNM se verra ensuite consolidé par sa fusion avec l’IRMA – le Centre d’information et de ressources sur les musiques actuelles –, le Bureau export de la musique française, le Fonds pour la création musicale et le Calif, le Club action des labels et des disquaires indépendants français.
Même si les cellules constitutives du Centre national de la musique sont plutôt issues du monde des musiques actuelles, le CNM devra être la maison commune de toutes les musiques. Cette structure ne saurait limiter son intérêt aux secteurs marchands les plus pertinents. Il ne s’agit pas d’arroser là où il pleut déjà !
Profondément affectée par la révolution numérique – la musique enregistrée a vu son chiffre d’affaires divisé par trois entre 2002 et 2015 –, la filière a su se réinventer. Le CNM devra participer de la consolidation de ce nouveau modèle, qu’il soit économique ou productif.
Mes chers collègues, attaché à la création d’une maison commune et à la structuration de la filière musicale en France, le groupe du RDSE soutiendra le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur la plupart des travées.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous nous apprêtons à célébrer en fanfare, si j’ose dire, les soixante ans d’existence du ministère de la culture, l’approbation après la commission mixte paritaire conclusive du 17 septembre dernier de cette proposition de loi ouvrant création du Centre national de la musique est particulièrement bienvenue. Je pourrais dire qu’elle tombe à point s’il n’avait fallu attendre pas moins de huit années pour que ce projet puisse enfin prendre forme. Il faut saluer ici l’opiniâtreté du Gouvernement, en particulier de l’actuel ministre de la culture, Franck Riester, qui a finalement porté sur les fonts baptismaux ce que d’autres, avant, avaient promis, mais n’avaient pu ou su mettre en œuvre…
Le Centre national de la musique verra donc le jour le 1er janvier prochain, et ceux qui, il y a encore quelques semaines, émettaient des réserves quant à la volonté de l’État d’y mettre les moyens verront – je l’espère – leur scepticisme viscéral, surtout lorsqu’ils sont dans l’opposition, apaisé par les annonces budgétaires très concrètes contenues dans le projet de loi de finances que nous étudierons très prochainement.
Nous réparons, par cet acte, par cette création, une anomalie qui sévissait jusque-là parmi nos instruments, pourtant nombreux, de la politique culturelle de l’État. La musique est en effet de tous les arts notre première muse, notre muse quotidienne ; celle qui fait, comme le chantait Charles Trenet, que « longtemps après que les poètes ont disparu leurs chansons courent encore dans les rues »…
On l’oublie souvent, mais c’est la musique qui fut historiquement la première pierre de l’édifice de toutes les politiques publiques de la culture mises en œuvre dans notre pays. C’est en effet Louis XIV, « patron des arts », qui, tout juste après l’avoir fait naturaliser, nomma le jeune et brillant musicien florentin Jean-Baptiste Lully, en 1661, au titre très exceptionnel de surintendant de la musique du roi. Un véritable ministère de la culture musicale avant l’heure… Par la volonté du Roi-Soleil, la musique devenait ainsi plus qu’un simple divertissement privé au service du roi ; elle était désormais élevée au rang d’instrument public de diffusion de la splendeur de son règne, et accessoirement de la France, par l’entremise de la Cour, sur tout le territoire français de l’époque.
Pourtant, au fil des siècles, l’État, en France, contrairement à nombre de nos pays voisins, s’est trop peu préoccupé de politique publique en matière de musique. Là où les Allemands, les habitants des ex-pays de l’Est et ceux des pays scandinaves encensent leurs grands compositeurs et favorisent sans limites la pratique amateur de la musique, notre pays a toujours donné la priorité à ses écrivains et à la lecture publique, à ses cinéastes et à la fréquentation des salles. Les politiques en faveur de la musique ont surtout été le fruit de l’attention toute particulière – ce n’est pas le ministre chargé des collectivités territoriales qui me contredira –…
M. André Gattolin. … portée par nos villes et nos collectivités locales.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Exactement !
M. André Gattolin. À la différence du cinéma et du livre, qui ont pu, dès 1946, bénéficier de la création quasi concomitante du Centre national de la cinématographie et de la Caisse nationale des lettres, ancêtre du Centre national du livre, il manquait jusqu’à présent une grande institution nationale consacrée à la promotion de la musique et de la chanson sous toutes leurs formes.
Je parlais à l’instant des soixante ans du ministère de la culture. L’impulsion donnée par André Malraux au développement des politiques publiques dans le domaine des arts et de la culture fut déterminante. Mais, il faut bien le constater, il aura fallu attendre plus de sept ans après la création du ministère pour que celui-ci se dote enfin d’une direction de la musique, confiée à l’excellent compositeur altoséquanais et boulonnais Marcel Landowski, et deux ans supplémentaires avant que ne soit annoncé en 1969 son fameux plan décennal pour la musique, visant à doter chacune des vingt-deux régions de l’époque de son conservatoire, son orchestre et son théâtre lyrique. Pour Marcel Landowski, il s’agissait, d’une part, de « former des musiciens de haut niveau » et, d’autre part, de « rendre l’enseignement musical accessible à tous ».
Cette volonté résonne encore aujourd’hui quand le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, veut développer l’apprentissage de la musique dans les établissements scolaires en faisant en sorte qu’il y ait des chorales dans toutes les écoles et tous les collèges et en encourageant les pratiques instrumentales.
Cette incitation est indispensable, mais si nous voulons que l’industrie musicale française puisse se développer et son poids économique, actuellement estimé à 8,7 milliards d’euros et à quelque 240 000 emplois, augmenter, il est nécessaire qu’elle parle d’une seule voix. Le Centre national de la musique sera cette voix, en regroupant en son sein le CNV, le FCM et l’IRMA. Le Bureau export, le fameux « Burex », et le Calif devraient d’ailleurs très prochainement le rejoindre.
Alors, oui, ce qui est fait là aurait dû l’être il y a déjà bien longtemps. C’est cette évidence, laquelle a pourtant eu bien du mal à s’imposer, qui fait sans doute que nous sommes aujourd’hui presque unanimes pour saluer la création du Centre national de la musique. Alors, ne boudons pas notre plaisir ! C’est pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous annonce, sans fausse note, que le groupe La République En Marche votera bien évidemment en faveur de ce texte. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM, Les Indépendants et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs orateurs l’ont dit, cela fait maintenant bien des années qu’une large partie des acteurs du secteur réclame la création d’une maison commune de la musique ou, à tout le moins, une clarification des dispositifs existants.
Notre groupe soutiendra, comme il l’a fait en première lecture, cette proposition de loi de création du Centre national de la musique.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. C’est beau !
Mme Céline Brulin. Je suis surprise de votre étonnement, madame la présidente de la commission. Nous soutenons toujours les initiatives qui vont dans le bon sens.
M. André Gattolin. Bravo !
Mme Céline Brulin. Mais, à mon tour, je souhaiterais faire part de plusieurs inquiétudes ou réserves.
La première concerne la place du ministère de la culture dans le processus. Celui-ci se met lui-même en retrait de son cœur de mission. S’engager économiquement pour promouvoir le secteur et sécuriser ses professionnels est évidemment une bonne chose, mais, si vous m’y autorisez, monsieur le ministre, signer le chèque ne suffit pas à parler d’engagement ferme dans le secteur de la création.
Pour ne prendre qu’un exemple, l’abandon de la mission d’agrément, ouvrant droit à des crédits d’impôt, est préjudiciable et prête le flanc aux mêmes débats sur l’objectivité des aides attribuées que ceux qui touchent aujourd’hui le Centre national du cinéma.
En outre, ce désengagement risque d’entraîner une perte du contrôle parlementaire sur les stratégies déployées par le Centre national de la musique.
La deuxième réserve tient justement au fonctionnement du CNM, réserve par ailleurs renforcée par les craintes d’une partie des organisations professionnelles d’être exclues ou sous-représentées dans sa gouvernance.
Cette question de la représentation a été l’objet de débats en première lecture, mais il me semble que nous n’avons pas encore trouvé de solution parfaitement satisfaisante. La même question se pose d’ailleurs pour les collectivités – je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous y serez attentif –,…
Mme Céline Brulin. … dont il est assuré qu’elles auront une place dans le conseil d’administration et dans le conseil professionnel, sans en préciser pour autant l’importance. C’est là un enjeu central sur lequel – soyez-en certain – nous resterons vigilants.
Les premiers échos que nous avons concernant la stratégie voulue par le comité opérationnel de lancement du CNM interrogent aussi.
L’objectif à court terme et la réponse absolue à la crise de la musique seraient le développement du streaming pour l’écoute et les concerts. Il s’agirait donc de reproduire la stratégie du choc qui avait présidé au règlement de la crise de la fin des années soixante-dix, résolue par la généralisation du CD. Il me semble cependant qu’il faut réinterroger ce modèle, qui conduit concrètement à la concentration des moyens de la musique entre les mains de quelques artistes stars en asséchant progressivement le nombre d’artistes et de ventes.
Le choix du streaming rend en effet difficile l’émergence de nouveaux artistes. Il crée en outre une dépendance vis-à-vis de plateformes qui restent financièrement instables et qui généralisent un modèle de rémunération extrêmement faible des artistes, en éliminant par là même une grande partie d’entre eux dont la musique ne serait pas jugée « rentable ».
Le streaming exclut également de fait une partie importante des artistes qui ne produisent pas de musique directement commercialisable, comme c’est le cas des œuvres accompagnant les supports cinématographiques, et affaiblit plus généralement les artistes éloignés du monde des musiques actuelles.
Notre troisième réserve concerne évidemment – vous n’en serez pas surpris, et d’autres intervenants l’ont déjà évoqué – le financement.
Il y a quelques mois, on nous laissait entendre que ce financement serait de l’ordre de 78 millions d’euros, répartis entre des crédits d’impôt, des taxes, des dotations et des subventions. Vous venez d’évoquer le chiffre de 50 millions d’euros, monsieur le ministre. En termes d’apport de l’État, le montant de 20 millions d’euros avancé par notre commission ne sera pas au rendez-vous, puisque le projet de loi de finances prévoit des chiffres très différents qui nous inquiètent.
On doit en effet s’attendre à ce que le CNM ne soit pas pleinement opérationnel dès sa création si, comme nous le croyons, il bénéficie d’un apport de moins de 8 millions d’euros, ce qui est beaucoup trop faible pour permettre un démarrage correct. Pourtant, le recrutement d’agents pour arriver à 111 personnes, contre 35 au CNV, augurait d’une ambition bienvenue.
J’espère que nos craintes seront apaisées et, surtout, que les professionnels du secteur et les élus locaux seront rassurés.
Comme je le disais en préambule, au regard de l’urgence, nous voterons cette proposition de loi. Mais il faudra évidemment par la suite améliorer considérablement le fonctionnement du CNM. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Maryvonne Blondin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’ici à quelques mois, le Centre national de la musique verra le jour, fédérant l’ensemble des acteurs de la filière musicale française. Je me réjouis de l’écoute du Gouvernement, en particulier du ministre de la culture et de son implication dans ce dossier.
La commission mixte paritaire s’est mise d’accord sur un texte volontairement général. La gouvernance de l’établissement sera précisée par décret, et son financement de 50 millions d’euros sera prévu par le prochain projet de loi de finances.
Il s’agit d’accompagner à la fois le développement des forces institutionnelles, des lieux de musique et le rayonnement des artistes, qui interprètent et enrichissent un vaste répertoire, classique ou moderne. Il s’agit aussi de promouvoir toutes les formes de musique, dont la chanson française, qui n’est pas assez mise en valeur. Elles constituent un patrimoine musical dont nous pouvons être fiers !
Cette première sphère d’artistes et de créateurs est accompagnée de maisons de disque, de journalistes, de professeurs, d’ingénieurs du son, de luthiers, de facteurs de pianos et d’orgues, sans lesquels aucun disque, aucune représentation, ne pourrait voir le jour.
La diversité et la complémentarité entre les structures permettront à chaque musicien de trouver les ressources dont il a besoin pour développer sa carrière.
Il s’agit, aussi, de réduire les fractures géographiques, sociales, culturelles au travers de la diffusion de la musique, sous toutes ses formes, sur l’ensemble du territoire.
L’accès à la pratique musicale dès le plus jeune âge est toujours une réussite. C’est ce que j’ai fait dans ma ville, monsieur le ministre !
M. Alain Fouché. Je vous le dis, car c’est important.
Le « plan de dix ans » élaboré par André Malraux a permis la création d’un réseau d’institutions décentralisées poursuivant cet objectif de rendre la musique accessible à tous. Jack Lang a poursuivi cette politique de démocratisation. Aujourd’hui, pas une région n’est sans orchestre, sans festival, sans salle de concert.
La vitalité de la scène musicale exerce une force d’attraction sur les plus grands artistes étrangers. Les services culturels des ambassades sont une vitrine de la création musicale française. Je prendrai l’exemple de l’année culturelle France-Égypte, lancée à l’opéra du Caire en début d’année. Autre exemple : La Folle journée de Nantes, qui accueille plus de 130 000 visiteurs chaque année, s’est exportée en Espagne, au Japon, en Russie. La politique des quotas de diffusion, renforcée en juillet 2016, est une réussite.
Un renouveau de la politique musicale s’est manifesté avec l’ouverture de la philharmonie de Paris en 2015 et la signature d’un protocole d’accord pour un développement équitable de la musique en ligne.
La filière reste fragile, malgré une récente reprise de la croissance du secteur de la production musicale. Le streaming représente désormais plus de 50 % des ventes globales…
L’accompagnement de la numérisation de la filière est un enjeu majeur pour assurer la compétitivité de l’économie de la musique à l’échelle mondiale. C’est une mission essentielle du futur Centre national de la musique.
Cette excellente proposition de loi est un premier jalon des discussions parlementaires et des décisions gouvernementales qui vont se poursuivre avec deux temps forts.
Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, notre groupe soutiendra le financement du Centre national de la musique tel qu’annoncé par le ministre de la culture, ainsi que la préservation du crédit d’impôt en faveur de la production phonographique.
Enfin, le projet de loi sur l’audiovisuel est très attendu par les acteurs de la filière, avec notamment le renforcement de la lutte contre le piratage.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ouverture de la culture au plus grand nombre reste au cœur des préoccupations qui animent la rue de Valois et le Sénat. Par conséquent, le groupe Les Indépendants soutient ce projet.
Charles Trenet, qui a été évoqué précédemment, était un grand artiste. Je me remémore une de ses chansons (M. Alain Fouché se met à chanter.) :
Je chante, je chante soir et matin
Je chante sur mon chemin…
M. Joël Guerriau. Bravo ! Quelle voix !
M. Alain Fouché. Je m’arrête là, car le cachet n’est pas suffisant. (Sourires et applaudissements.)
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de l’Assemblée nationale d’Arménie, conduite par M. Vladimir Vardanyan, président du groupe d’amitié Arménie-France, président de la commission des lois. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, se lèvent.) Elle est accompagnée par notre collègue Gilbert-Luc Devinaz, président du groupe d’amitié France-Arménie.
Cette visite s’inscrit dans le cadre des échanges interparlementaires approfondis entre nos deux assemblées. Elle intervient alors que l’Arménie est engagée dans un vaste champ de réformes, notamment dans le domaine de la justice.
Outre des entretiens organisés au Sénat, la délégation se déplacera pour rencontrer des élus locaux et divers spécialistes de l’aménagement local.
Nous souhaitons à nos amis arméniens un séjour et des échanges fructueux, en formulant le vœu que cette visite réponde utilement à leurs préoccupations. Nous leur souhaitons la bienvenue au Sénat français ! (Applaudissements.)
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Création du Centre national de la musique
Suite de la discussion et adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Sonia de la Provôté.
Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen de cette proposition de loi dont l’adoption permettra la naissance, le 1er janvier prochain, du Centre national de la musique. Les deux assemblées sont logiquement parvenues à s’accorder sur ce texte, qui est resté un projet pendant plus de huit ans. La musique va enfin avoir sa maison commune !
Dans l’idéal, le CNM a vocation à fédérer les structures de la filière afin de soutenir les professionnels du secteur musical sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Il doit répondre aux attentes de la filière et être un outil efficace, une instance de dialogue et de cohésion entre les acteurs du secteur de la musique et des variétés dans un contexte de révolution numérique. Il aidera aussi à porter notre musique dans le monde demain, mieux qu’aujourd’hui en tout cas. Il sera aussi un lieu d’observation privilégié qui nous fait aujourd’hui cruellement défaut. Bref, il devra apporter de l’harmonie à ce qui représente actuellement la première pratique culturelle des Français et la deuxième industrie culturelle de notre pays.
En effet, le monde de la musique avait face à lui de nombreux organismes – cinq principalement. Leur séparation nuisait à la lisibilité de nos politiques publiques, était source de complexité pour les professionnels et limitait les interactions créatrices entre des secteurs jusqu’à présent artificiellement séparés. Cependant, la fusion en une seule et unique instance ne doit pas être synonyme de concentration – nous l’avons dit en première lecture –, alors que les inégalités culturelles sont nombreuses, trop nombreuses, en France.
C’est ainsi que, toujours dans un cadre idéal, l’accompagnement des initiatives locales et des collectivités territoriales devra être renforcé par l’intermédiaire du CNM, afin de garantir les droits culturels. Le Sénat a d’ailleurs substantiellement enrichi la proposition de loi de l’Assemblée nationale, en particulier avec l’inscription de l’égale dignité des répertoires et des droits culturels comme principes de fonctionnement du CNM.
Ainsi, le ton est donné : le Centre aura pour mission d’assurer le respect des droits culturels, la liberté et la diversité de l’expression musicale ainsi que de ses acteurs, professionnels comme amateurs et leur intégrale accessibilité. En tant qu’établissement public, le futur CNM sera, et devra toujours être, au service de l’intérêt général.
Il faudra au moins maintenir la vie, et la développer au mieux, des labels indépendants qui font la vie de nos territoires, mais aussi l’effervescence liée aux festivals qui ne présentent pas seulement des blockbusters. Tous les territoires et tous les genres musicaux doivent avoir leur place au sein du Centre national de la musique, et c’est ce à quoi nous avons veillé avec notre formidable rapporteur Jean-Raymond Hugonet et la non moins formidable présidente de la commission Catherine Morin-Desailly, que je remercie chaleureusement, tout au long du parcours législatif de ce texte.
Diversité sur le territoire, diversité des acteurs et diversité culturelle : c’est uniquement avec cette volonté que le CNM pourra devenir une véritable « maison commune de la musique » bien orchestrée.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Tout à fait !
Mme Sonia de la Provôté. Je souhaite cependant, de nouveau, appeler votre attention sur la problématique du financement de ce nouveau centre national.
Les documents budgétaires rendus publics par le ministère prévoient que 7,5 millions d’euros seront mobilisés l’an prochain sur le programme 334, sommes qui viendront s’ajouter aux moyens publics déjà consacrés au secteur. Un bémol cependant : nous voyons bien que nous sommes encore loin de la somme de 20 millions d’euros supplémentaires nécessaires au nouveau centre pour la bonne conduite de ses missions, telle que préconisée par le rapport Bois-Cariou et sur laquelle s’accordent l’ensemble des acteurs. Nous touchons là la corde sensible du projet. Nous serons donc très vigilants sur ce point lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020.
Les modalités de l’administration des crédits d’impôt en faveur de la production phonographique et du spectacle vivant ne me paraissent pas non plus tout à fait résolues, tout comme le devenir du Fonpeps, le Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle. Ces deux sujets sont loin d’être superfétatoires et sont source de beaucoup d’inquiétude et d’insécurité.
Au-delà, la dotation du CNM met en exergue les contradictions du financement de la musique en France, dans lequel les grandes plateformes, qui sont quasiment des monopoles, sont celles qui recueillent le plus fort taux d’écoute sans pour autant être taxées pour financer la création musicale. Le CNM devra les mettre à contribution.
Enfin, je veux saluer le travail effectué par notre chambre pour renforcer la mission transversale de développement territorial du CNM, en lui octroyant la capacité de conclure des contrats et de nouer des partenariats avec les collectivités territoriales et les acteurs de la filière musicale. Renforcer les actions de développement dans les territoires marque une véritable avancée.
Dans la même mesure, conformément au vœu du Sénat, nous souhaitons élargir la composition du conseil professionnel aux collectivités territoriales. Cet élément est essentiel : le CNM a besoin de ces dernières pour déployer toutes ses compétences, et ce dans tous les territoires.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Très bien !
Mme Sonia de la Provôté. Pour bien connaître sa partition, le nouveau centre devra agir de concert avec ceux-ci.
M. Ladislas Poniatowski. Excellent !
Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le ministre, je vous laisse dire à votre collègue de la culture, qui, je le sais, y est particulièrement attentif, que la création du Centre national de la musique est une avancée importante pour la vitalité culturelle, et pas uniquement musicale, de notre pays. Nous lui sommes reconnaissants d’avoir ainsi porté, avec tant d’autres, ce projet, de l’avoir mené à la baguette, d’abord comme député puis aujourd’hui comme ministre.
Il reste cependant encore du chemin à parcourir pour que cette structure soit pleinement efficiente. C’est pourquoi nous n’irons pas plus vite que la musique : la mise en place effective du CNM dans les mois qui viendront fera l’objet de toute notre vigilance. Nous avancerons pas à pas avec les musiciens et les acteurs qui composeront le CNM. Nous suivrons attentivement sa mise en œuvre.
Le groupe Union Centriste soutiendra donc les conclusions de la commission mixte paritaire pour la création du Centre national de la musique. Vive la musique et vive sa maison commune ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « enfin ! », serais-je tentée de dire… Après une décennie à esquisser les ébauches d’une maison commune de la musique, ses fondations sortent finalement de terre. Il reste des questionnements substantiels à régler, en particulier son financement et sa gouvernance, mais nous aurons l’occasion d’en débattre prochainement.
En attendant, réjouissons-nous que tous les acteurs de la filière, dans leur entière diversité, puissent échanger, partager leurs analyses et réfléchir collectivement aux mutations constantes qui traversent le secteur au sein d’un même forum. Au regard des changements qui bouleversent le monde de la musique, établir un espace de dialogue commun était devenu impérieux.
Dès lors, le Sénat a pleinement œuvré à ce projet. D’ailleurs, presque la totalité des apports validés en première lecture ont été confirmés au cours de la commission mixte paritaire. Je voudrais remercier notre rapporteur, qui, dans un esprit constructif, a effectué un important travail et a permis de dégager une unanimité autour de cette proposition de loi.
Ainsi, le texte a été enrichi à de multiples endroits. Je ne ferai pas une liste à la Prévert, mais j’aimerais néanmoins insister sur plusieurs points.
En premier lieu, dans la continuité de la loi NOTRe et de la loi LCAP, la mention des droits culturels et le renvoi à la convention de l’ONU me paraissent fondamentaux. Outre l’accent mis sur la promotion de la diversité culturelle, il s’agit aussi de reconnaître le rôle émancipateur de la musique par la pratique et la participation de toutes et tous à la sphère musicale.
En deuxième lieu, il était inconcevable que l’artiste soit complètement invisible dans cette proposition de loi. Au travers du « soutien à l’écriture, à la composition et à l’interprétation », qui figure désormais à l’alinéa 4 de l’article 1er, nous revenons aux sources de la création et marquons notre profond attachement aux auteurs, compositeurs et interprètes sans qui nulle création musicale ne serait possible.
Vous savez que, à titre personnel, j’aurais aimé aller plus loin, en proposant une expérimentation, via un fonds de soutien. J’espère que cela se fera plus tard.
Enfin, le numérique impactant massivement le secteur musical, la prise en compte des usages et de la valeur de la donnée est essentielle. À cet égard, la mission de l’observatoire de l’économie sera décisive, car elle favorisera l’innovation et l’adaptation permanente des acteurs aux mutations socio-économiques, mais aussi aux comportements des usagers.
Maintenant que le CNM devient réalité, plusieurs paramètres me semblent cardinaux afin de garantir sa réussite.
Tout d’abord, sa représentativité, à tous niveaux, doit être assurée. Je pense singulièrement au conseil professionnel, « instance réunissant des représentants des organisations directement concernées par l’action du Centre national de la musique », en vertu de l’article 2. Cette représentativité doit également intégrer des critères de nature et de taille des structures, incluant des entités publiques comme privées, certaines de taille modeste, d’autres constituant un réseau plus important. En somme, elle doit témoigner de la diversité du secteur. En parallèle, la représentativité fait écho à la pluralité des esthétiques, soulignée par la très belle expression d’« égale dignité des répertoires » qui composeront nécessairement le futur CNM.
Par ailleurs, comme je l’ai spécifié précédemment, je crois que les missions du CNM doivent dépasser les attributions originelles du CNV, sous peine de manquer le changement d’envergure que nous prônons collectivement. Par-delà la fonction de soutien financier au secteur musical, des préoccupations « d’intérêt général » devraient l’animer – d’ailleurs, cette conception se reflète dans ses missions.
Sans aucunement se substituer à l’action menée par le ministère de la culture, le CNM n’en demeure pas moins une enceinte où l’État sera majoritaire et garant de cette mission de service public. Par conséquent, nous attendons de l’État qu’il joue un rôle actif, qu’il soit force de propositions à destination de la filière, mais aussi très mobilisateur sur les dossiers épineux du moment et stratège sur les grands enjeux.
Finalement, le CNM sera ce que les acteurs du secteur décideront d’en faire. Ces derniers se l’approprieront, établiront leurs priorités, feront émerger des problématiques nouvelles et renforceront probablement son action sur certaines questions majeures. Je pense au soutien à la diversité musicale, à l’émergence de nouveaux artistes, au partage de la valeur, à la mise en œuvre du pass culture, à l’égalité entre les femmes et les hommes ou encore à la formation professionnelle.
En outre, la place et le positionnement du CNM seront déterminés par les coopérations qu’il entendra mener avec ses différents partenaires. Je souhaite que celles-ci, ouvertes par l’alinéa 15 de l’article 1er, qui dispose qu’il « associe les collectivités territoriales et leurs groupements à l’exercice de ses missions », soient le plus larges possible. La possibilité de conclure des contrats et de nouer des partenariats avec les collectivités est un formidable levier pour conférer un ancrage territorial au CNM.
Au final, la concrétisation du CNM arrive à point nommé. Nombreux sont les chantiers qui l’attendent. J’en citerai quelques-uns, et d’abord le soutien public à la production et à la création musicales, à travers la pérennisation et la montée en charge des crédits d’impôt production phonographique et spectacle vivant. M. le ministre de la culture devra s’assurer que, contrairement à l’année dernière, il n’y ait pas de tentative de rabotage sur ces deux crédits d’impôt, dont l’impact social et économique est extrêmement positif, car ils participent de la vitalité et de la structuration de notre paysage musical.
Mme Maryvonne Blondin. Tout à fait !
Mme Sylvie Robert. Une autre réflexion qui me tient à cœur porte sur le statut de l’artiste-auteur, en lien avec la mission confiée à Bruno Racine et en complément de celle-ci. Aujourd’hui, le paradoxe entre la reconnaissance témoignée par la société à l’égard de l’artiste-auteur et la paupérisation croissante de ce dernier est à la fois saisissant et insupportable. Si nous plaçons la culture au cœur de notre projet sociétal et éducatif, nous ne pouvons tolérer cet état de fait. Je pense que le CNM devra apporter sa contribution au sujet.
Pour finir, j’évoquerai un problème vital – M. le rapporteur l’a déjà abordé –, qui me tient à cœur : le phénomène de concentration dans le secteur musical. Si nous en percevons nettement les contours, si nous en pressentons l’emprise, nous avons encore besoin de l’objectiver. Nous avons besoin de comprendre ses origines et ses ramifications. Il convient d’imaginer les instruments d’une éventuelle régulation par la puissance publique, à laquelle pourraient prendre part les acteurs de la filière, afin d’éviter tout abus de position dominante et en vue de contrecarrer les effets pervers qui se font déjà sentir en termes de diversité musicale.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, au fond, ce qui est implicitement en jeu, c’est une forme d’identité culturelle revendiquée par la France dans le monde, une « marque de fabrique », dans la droite ligne de notre exception culturelle, si je puis m’exprimer ainsi. Je ne doute pas que le CNM sera de cette bataille, porteur, pour paraphraser le titre d’un célèbre roman de Romain Gary, de sa propre « promesse de l’aube ». (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que l’idée d’une maison commune de soutien à la création musicale, véritable serpent de mer de la politique culturelle française, puisse enfin se concrétiser dans le texte que nous allons adopter aujourd’hui. En effet, si la musique est la première pratique culturelle et la deuxième industrie culturelle dans notre pays, elle sera la dernière filière artistique à disposer d’un centre national.
Je rappelle que le projet a été lancé par le Président Sarkozy, à l’issue d’une mission dont l’actuel ministre de la culture était le rapporteur, au moment où l’industrie musicale traversait le plus fort d’une crise liée aux nouveaux modes d’écoute, au développement du streaming et au piratage de masse. L’alerte était lancée alors que le chiffre d’affaires de la filière avait baissé de 60 % en quinze ans. On comprend donc l’inquiétude qui fut celle des acteurs concernés lorsque le projet a été délaissé sous le quinquennat de François Hollande.
Depuis, l’industrie musicale connaît un nouvel essor. Les acteurs français ont finalement su tirer parti du streaming et la fréquentation des concerts a augmenté. Toutefois, cet équilibre reste fragile. La crise a bien montré le danger, pour l’industrie musicale, de demeurer une filière morcelée. Il est aujourd’hui essentiel que celle-ci puisse défendre ses intérêts collectifs, dans une stratégie de long terme. À cet égard, ce texte est particulièrement attendu.
Le Centre national de la musique jouera un rôle important d’observation du fonctionnement de la filière, afin de déterminer les actions politiques à mener. Il pourra justifier auprès de l’administration l’impact de concours financiers bien souvent remis en cause. Son rôle sera majeur en matière de diversité culturelle.
Je me réjouis que la Haute Assemblée ait pu préciser et élargir ses missions lors de l’examen de la proposition de loi. Je citerai notamment le rôle du CNM dans la collecte d’informations économiques et statistiques au sein de la filière musicale, le soutien qu’il apportera à l’exportation des productions françaises et à la mobilité des artistes ou encore l’introduction du « respect de l’égale dignité des répertoires ».
Surtout, en tant que représentants des territoires, nous nous sommes attachés à mieux reconnaître la place des collectivités dans la mise en œuvre de la politique musicale : il est mentionné expressément qu’elles pourront conclure des contrats et nouer des partenariats avec le CNM et qu’elles seront associées au comité professionnel.
Je tiens à remercier le rapporteur Jean-Raymond Hugonet de son travail constructif et de son investissement personnel sur cette proposition de loi.
Un texte commun ayant été élaboré avec l’Assemblée nationale, le CNM devrait être juridiquement fonctionnel au 1er janvier 2020.
Il restera cependant plusieurs points à préciser pour l’avenir : d’abord, la gouvernance du Centre national, qui sera définie dans un décret statutaire, en cours de préparation, dont nous souhaitons qu’il respecte la présence des différents acteurs de la filière ; ensuite, le budget alloué au CNM pour mener à bien ses missions, qui devra comporter des moyens nouveaux.
Je rappelle que ceux-ci ont été estimés par la mission de préfiguration à 20 millions d’euros en année pleine. Par conséquent, monsieur le ministre, je m’associe aux préoccupations exprimées par notre rapporteur concernant la somme de 7,5 millions d’euros qui a été annoncée pour 2020.
Le CNM sera le fer de lance et la vigie de la diversité musicale. Encore faut-il qu’on lui en accorde les moyens…
Je veux, pour terminer, évoquer la question du piratage. Si une enquête de la Fédération internationale de l’industrie phonographique a relevé une progression de la consommation de musique, 27 % des consommateurs utilisent des moyens frauduleux. L’écosystème illicite se complexifie, avec l’apparition d’une pluralité d’acteurs intervenant en amont ou en aval des pratiques de piratage pour mieux les organiser et le perfectionnement des mesures de contournement.
Dans ce contexte, il faut revoir notre système de protection. J’espère que nous aurons prochainement des précisions sur les mesures envisagées par le Gouvernement, puisqu’une fusion du CSA et de la Hadopi a été annoncée dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel, sans que nous connaissions les aménagements que cette décision induira pour la protection des droits d’auteur.
La musique est un secteur particulièrement soumis aux évolutions technologiques. Dans ce contexte, le législateur doit savoir adapter rapidement notre droit. La présente proposition de loi contribuera à garantir l’équilibre de la filière.
En dehors des points de vigilance que j’ai indiqués, les membres de notre groupe adhèrent bien évidemment aux dispositions de ce texte et lui apporteront tout leur soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
proposition de loi relative à la création du centre national de la musique
Article 1er
Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture et dénommé Centre national de la musique.
Dans le cadre d’un processus permanent de concertation avec l’ensemble du secteur, il exerce, dans le domaine de la musique et des variétés, sous formes d’enregistrement et de spectacle vivant, les missions suivantes :
1° Soutenir l’ensemble du secteur professionnel, dans toutes ses pratiques et dans toutes ses composantes, et en garantir la diversité, dans le respect de l’égale dignité des répertoires et des droits culturels énoncés par la convention de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005 ;
2° Soutenir l’écriture, la composition, l’interprétation, la production, l’édition, la promotion, la distribution et la diffusion de la musique et des variétés sous toutes leurs formes et auprès de tous les publics, aux niveaux national et territorial, en complémentarité des dispositifs directement déployés par le ministère chargé de la culture ;
2° bis (Supprimé)
3° Favoriser le développement international du secteur de la musique et des variétés, en accompagnant et en soutenant l’exportation des productions françaises, le rayonnement des œuvres et la mobilité des artistes ;
3° bis Favoriser un égal accès des femmes et des hommes aux professions musicales ;
3° ter Favoriser la contribution du secteur de la musique et des variétés à la politique de l’État en matière de protection de l’environnement et de développement durable ;
4° Gérer un observatoire de l’économie et des données de l’ensemble du secteur et, à ce titre, recueillir toutes informations utiles, notamment commerciales et financières, et diffuser une information économique et statistique, dans le respect des législations relatives à la protection des données à caractère personnel et au secret des affaires ;
5° Assurer une fonction d’information pédagogique, d’orientation et d’expertise sur le secteur ;
6° Assurer un service de formation professionnelle à destination des entrepreneurs ou des porteurs de projets du secteur ainsi qu’une fonction d’ingénierie en formation professionnelle s’appuyant sur une activité de prospective, d’innovation et de développement des compétences ;
7° Assurer une veille des technologies et des usages et soutenir l’innovation en accompagnant le secteur dans ses transformations ;
8° Valoriser le patrimoine musical ;
9° Participer au développement de l’éducation artistique et culturelle dans son champ de compétences, en complément du rôle joué par l’État et les collectivités territoriales en la matière.
Il associe les collectivités territoriales et leurs groupements à l’exercice de ses missions. Il peut conclure des contrats et nouer des partenariats avec ces collectivités et groupements ainsi qu’avec les différents acteurs de la filière musicale.
Le ministre chargé de la culture peut confier au Centre national de la musique, par convention, l’instruction et la gestion de dispositifs d’aides pour la sécurité des sites et manifestations culturelles du spectacle vivant, y compris ceux n’entrant pas dans son champ de compétences.
Article 2
Le Centre national de la musique est administré par un conseil d’administration dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Il est dirigé par un président nommé par décret sur proposition du ministre chargé de la culture. Les modalités de désignation des membres du conseil d’administration assurent l’égale représentation des femmes et des hommes.
Il est adjoint au conseil d’administration un conseil professionnel, instance réunissant des représentants des organisations directement concernées par l’action du Centre national de la musique, dans des conditions fixées par décret. Les modalités de désignation des membres du conseil professionnel assurent l’égale représentation des femmes et des hommes.
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Article 4 bis
Les organismes de gestion collective peuvent verser une partie des sommes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 324-17 du code de la propriété intellectuelle au Centre national de la musique. L’établissement utilise alors ces sommes en conformité avec les objectifs mentionnés au premier alinéa du même article L. 324-17.
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Articles 8 bis et 8 ter
(Supprimés)
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M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Au terme de son parcours législatif, je veux exprimer ma grande satisfaction de voir cette proposition de loi sur le point d’être votée. Voilà dix ans que nous attendions ce moment ! Nous sommes très heureux d’avoir pu contribuer à la concrétisation de ce projet, qui a connu une parenthèse législative, grâce à l’excellent travail de notre rapporteur Jean-Raymond Hugonet, mais aussi à la mobilisation de l’ensemble des groupes, qui ont été très actifs dans la recherche du meilleur texte possible pour faire émerger l’outil ambitieux que doit être le CNM.
Monsieur le ministre, pourrez-vous répéter à M. le ministre de la culture – je sais qu’il est en train de nous écouter – que les acteurs de la filière, les artistes, les publics sont dans l’attente d’une concrétisation réelle de l’ambition affichée ?
Le Sénat aura pour rôle de suivre l’application de la loi et de ses décrets d’application, la mise en place du conseil d’administration et du conseil professionnel, mais aussi, et surtout, le vote de la loi de finances, car d’aucuns craignent que ce nouvel outil ne soit qu’une coquille vide. Nous aurons, mes chers collègues, à veiller de manière très précise et très concrète à ce que ce ne soit pas le cas.
Enfin, comme je l’ai déjà dit dans mon propos conclusif lors de l’examen du texte en première lecture, je souhaite aussi que nous veillions ensemble à ce que la totalité de la filière musicale soit prise en compte dans le cadre de cette ambition pour la politique musicale : orchestres installés et indépendants, établissements d’enseignement artistique, scènes, théâtres, opéras, salles de concert… Ces acteurs ont été quelque peu abandonnés ces dernières années. Je tiens absolument à ce que cela change !
Je conclurai par une citation d’Oscar Wilde, qui, je le crois, correspond assez bien à l’état d’esprit ayant présidé à nos travaux : « La musique met l’âme en harmonie avec tout ce qui existe. » De fait, c’est bien la recherche d’harmonie qui nous a guidés. Nous ne pouvons que nous en réjouir, mes chers collègues. Je vous remercie de votre investissement aux côtés de notre rapporteur.
Merci, monsieur le ministre, d’avoir participé à ce petit bout de travail législatif, qui va se concrétiser par un vote dont nous allons tous ici nous satisfaire. (Applaudissements sur la plupart des travées.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements, sauf sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Monsieur le président, je souhaite que soit consigné au compte rendu que je soutenais l’amendement n° 399 rectifié, examiné hier après-midi.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue.
9
Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, modifié par lettre rectificative, relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (projet n° 677 rectifié [2018-2019], texte de la commission n° 13, rapport n° 12).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois, pour un rappel au règlement.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Ce matin, la commission des lois a adopté un amendement très important, visant à ce qu’une personne handicapée qui devient maire ne perde pas le bénéfice de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH.
Pensant à la grande loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, les membres de la commission des lois se sont étonnés que cette mesure n’ait pas été prise plus tôt. En réalité, ce n’est qu’en 2018 qu’une circulaire a prévu qu’il fallait traiter l’indemnité du maire ou de l’adjoint comme un revenu et donc en tenir compte dans l’attribution de l’AAH.
La situation est tout de même très singulière, alors que nous tous pensons de bonne foi que les personnes handicapées ne devraient pas être dissuadées de devenir maire – vous le premier, monsieur le ministre, qui ne faites pas mystère de vos convictions humanistes. Ainsi, vous avez déclaré, dans un entretien paru dans l’édition de Ouest-France datée du 15 juillet dernier, qu’il fallait « faire en sorte que les futurs conseils municipaux ressemblent à ce qu’est la société aujourd’hui, avec des élus plus jeunes, des femmes, des personnes en situation de handicap… ». Je ne vous fais donc pas de procès d’intention.
Notre amendement présente la caractéristique de ne pas avoir de coût. Cependant, son adoption empêcherait l’État de réaliser une économie, les élus handicapés ne pouvant plus se voir supprimer tout ou partie de leur AAH. Ce motif ne nous paraît pas suffisant pour justifier son rejet, mais, fidèle à son devoir, la commission des finances a opposé à notre amendement l’irrecevabilité financière prévue par l’article 40 de la Constitution. Je ne saurais lui en vouloir.
Néanmoins, monsieur le ministre, je me tourne vers vous : j’attends du Gouvernement qu’il lève l’article 40 pour que nous puissions conforter l’engagement citoyen des personnes handicapées à l’approche des élections municipales, en leur évitant l’application de la regrettable interprétation qui prévaut depuis 2018 et à laquelle il faut couper le cou. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) Je suis sûr qu’il n’y a aucune matière à tension entre nous sur un sujet aussi évident, simple et de bon sens.
M. le président. Mes chers collègues, je vois plusieurs mains se lever pour demander la parole. Or, dans le cadre d’un rappel au règlement, il ne peut pas y avoir de débat. Si vous voulez intervenir sur le sujet, il faudra le faire en vous inscrivant sur un article, par exemple. Je ne donnerai donc la parole qu’à ceux qui veulent faire un rappel au règlement et non à ceux qui veulent prolonger le débat, que M. le président de la commission des lois a soulevé à juste titre.
Mme Cécile Cukierman. Rappel au règlement !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.
Mme Cécile Cukierman. Par ce rappel au règlement, je veux dire que je souscris aux propos de M. le président de la commission des lois.
Je ne reviendrai pas maintenant sur ce que nous pouvons penser de l’article 40 et de son application. Nous savons que certains peuvent parfois trouver celle-ci abusive, quand d’autres la considèrent comme tout à fait respectueuse de notre règlement.
En tout état de cause, on peut d’abord légitimement s’interroger sur la réalité de la dépense supplémentaire qu’engendrerait le vote d’un tel amendement. Le maire handicapé bénéficiait déjà de l’AAH. Il ne fait que conserver son droit. L’interprétation de la commission des finances ne me paraît pas fidèle à la logique de l’article 40.
Quoi qu’il en soit, j’appelle le Gouvernement à lever le gage pour que l’amendement puisse être débattu et adopté.
En outre, nous enverrions un très mauvais signal aux personnes handicapées, dont nous souhaitons tous ici l’inclusion, ainsi que le montrent nos initiatives législatives et nos interventions, dans cet hémicycle comme dans nos circonscriptions, en permettant que, demain, des personnes handicapées s’interdisent de candidater à la plus belle fonction qui puisse être, celle de maire, pour des considérations matérielles légitimes, qui engagent leur quotidien.
Pour ces raisons, je m’associe à la demande, exprimée par M. le président de la commission des lois, que vous puissiez faire en sorte, monsieur le ministre, que cet amendement soit débattu.
M. le président. Madame Cukierman, votre intervention ne constituait pas un rappel au règlement, mais, comme je ne vous ai pas interrompue, je suis désormais obligé de donner la parole à tous ceux qui l’ont demandée.
Je rappelle que nous sommes totalement en dehors du cadre du rappel au règlement, mais, compte tenu des circonstances, si vous en êtes d’accord, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, je laisserai intervenir ceux qui ont demandé la parole sur le sujet.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Je vais être très brève, parce que je ne vais pas répéter ce que viennent de dire le président de la commission et ma collègue. Je veux simplement appuyer leur demande.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Après tout, monsieur le président, il me paraît normal qu’un rappel au règlement soit effectué par tous les groupes.
Il est vrai que nous ne comprenons pas pourquoi le Gouvernement ne lève pas le gage sur cet amendement, évincé au nom de l’article 40. Nous sommes en 2019, bientôt en 2020. Nous ne pouvons pas comprendre que des personnes en situation de handicap exerçant une fonction municipale rencontrent des problèmes matériels parce que leur AAH aurait été supprimée. Je trouve cette situation complètement anormale et vraiment déplorable. J’espère que nous allons la corriger.
M. le président. Je le répète, il ne s’agit toujours pas d’un rappel au règlement.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Je veux à mon tour, au nom du groupe Les Républicains, insister sur le rappel au règlement effectué par M. le président de la commission.
Je tiens à rappeler un certain nombre de grands débats que nous avons eus dans cet hémicycle, notamment sur le droit de vote des personnes handicapées. Je me souviens notamment des interventions de Mme la garde des sceaux, de Mme Agnès Buzyn et de Mme Sophie Cluzel, qui estimaient que la prochaine étape après cette avancée fondamentale devait être la mobilisation des personnes handicapées dans la perspective des élections à venir.
Je crois en la constance de la parole du Gouvernement, et je sais, monsieur le ministre, que vous trouverez une solution pour aller au bout de la démarche, au moment même où nous discutons d’un texte concernant l’engagement des élus.
Très concrètement, comme cela a été expliqué en commission ce matin, l’élu d’une commune de 1 000 à 1 500 habitants perçoit, au titre de ce mandat, une indemnité de 770 euros. S’il est handicapé, l’AAH dont il est bénéficiaire est diminuée du même montant. Autrement dit, il ne perçoit aucune indemnité liée à sa fonction d’élu, alors que celle-ci a justement pour objet de compenser les frais liés à ses missions. J’estime, comme M. le président de la commission des lois, que cette situation est incohérente. Si le manque à gagner reste modique, l’occasion nous est offerte d’envoyer un signe important. La mobilisation des membres de cet hémicycle doit être constante.
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance des solutions que vous trouverez à ce problème.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Mon rappel au règlement concerne l’application de l’article 40 et le filtre opéré par la commission des finances.
Pour ma part, j’avais déposé un amendement relatif à un autre type de handicap. Il a lui aussi été écarté par la commission des finances au titre de l’article 40.
Cet amendement concernait les maires qui sont agriculteurs dans les zones présentant des handicaps naturels. Une grande partie de ces élus perdent le bénéfice de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels en raison de leurs indemnités, qui sont intégrées dans leurs revenus. Cette situation aura pour conséquence de diminuer encore le nombre de maires agriculteurs, alors qu’il n’y en a déjà plus beaucoup…
Vous devez, monsieur le ministre, régler ce problème.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Je m’associe aux intervenants précédents sur ce rappel au règlement, qui n’en est pas un.
Sur ce sujet extrêmement important qu’est l’engagement des personnes en situation de handicap, il est étrange que le gage ne soit pas levé par le Gouvernement, alors que, de facto, la situation est anormale. Cela ne rend pas justice à l’engagement dont font preuve ces élus, voire cela les pénalise davantage. Or, depuis le début de ce texte, nous sommes réunis pour favoriser l’engagement.
Je souhaite donc que le Gouvernement puisse trouver la meilleure solution pour faciliter l’engagement des élus en situation de handicap.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Comme l’a indiqué le président Bas, j’ai déposé cet amendement pour résoudre ce problème. Il me semble que cela s’inscrit dans les grands objectifs de ce projet de loi qui veut favoriser l’engagement.
Cela a été dit, une personne en situation de handicap qui siège dans un conseil municipal en tant qu’adjointe est la seule à ne pas percevoir d’indemnité. Or il faut favoriser la place des handicapés, leur engagement et leur citoyenneté. Le fait de percevoir une allocation de handicap l’empêche de bénéficier de ce qui n’est qu’une indemnité visant à compenser les frais liés à l’exercice de son mandat : elle se trouve donc pénalisée à une certaine hauteur de revenus qui n’a rien de scandaleux.
L’adjoint que je connais se demande s’il ne va pas quitter ses fonctions. Il vit cette situation comme une discrimination et, du fait de son handicap, ne se sent pas reconnu comme un citoyen à égalité avec les autres. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement, qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40, ce dont je suis très déçue.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher.
M. Jérôme Bascher. Je suis très attentif à l’article 40, et je ne suis pas considéré comme un dépensier fou. (Sourires.) Cependant, monsieur le ministre, je suis sûr qu’un coup de fil à un ami,…
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Qui vous veut du bien !
M. Jérôme Bascher. … au ministre de l’action et des comptes publics, permettrait qu’un amendement du Gouvernement puisse être déposé. Cela vous honorerait et vous pourriez en récolter les fruits. Ainsi, on ne violerait pas l’article 40 tout en agissant en faveur de l’inclusion.
M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez.
Mme Vivette Lopez. Je tiens à remercier le président de la commission des lois, M. Philippe Bas, de ce rappel au règlement. J’ai moi-même déposé un amendement allant dans le même sens. C’est pourquoi je partage tout ce qui vient d’être dit.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Au nom de mon groupe, je remercie moi aussi Philippe Bas de cette heureuse initiative. Un maire handicapé n’a pas à subir une double peine. Je soutiens entièrement cette démarche.
Je ne serai pas plus long, mes chers collègues, car je vous rappelle qu’il nous reste 324 amendements à examiner !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je remercie également le président Bas de nous permettre, alors même que nos débats sont un peu longs, d’avoir ce moment particulier, extrêmement grave, qui est un moment d’humanité où nous traitons de l’une de nos valeurs, l’égalité de tous les citoyens.
Monsieur le ministre, moi non plus, je ne vous ferai pas de procès d’intention. Nous avons eu l’occasion de parler de cet amendement, et je suis empreinte tout à la fois de gravité et d’espérance, car je ne doute pas que, pendant que nous poursuivrons la discussion des amendements, le Gouvernement trouvera une solution qui l’honorera, d’autant qu’il défend et prône une société de l’inclusion.
Au moment où je m’adresse à vous, j’ai entre les mains la lettre d’Alain Lacorne, maire des Brulais, commune de mon département qui compte 500 habitants. Au mois de septembre dernier, il m’écrivait ceci : « Ma requête est simple, madame la sénatrice : » – je dirai à mon tour : ma requête est simple, monsieur le ministre – « alors que, le Gouvernement comme nous tous, nous nous inquiétons pour 2020 d’un manque de volontaires pour prendre des responsabilités, souvent dans nos petites communes, cette loi, qui s’appelle Engagement, est l’occasion de donner la chance à tous les citoyens qui le souhaitent de pouvoir jouer un rôle important dans la cité.
« Par ailleurs, quelle place veut-on donner aux personnes handicapées ? Elles ont toute leur place parmi nous. »
Je vous remercie, monsieur le ministre, d’œuvrer pour que nous trouvions avant la fin de nos débats une solution dont nous serions tous fiers.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Je vous remercie, monsieur le président de la commission des lois de cette prise de parole. Reste que nous nous sommes quittés hier à une heure du matin après une discussion sur les pouvoirs de police des maires, à l’occasion de l’examen des amendements à l’article 13. Or les questions que vous soulevez correspondent aux articles 26 à 36. Je le précise, car nous assistons à une succession de non-rappels au règlement – je découvre le Sénat –, qui sont en quelque sorte des rappels au règlement d’appel, qui peuvent être un appel à toute autre chose, non pas à un ami, mais plutôt au Gouvernement.
Ces non-rappels au règlement portent sur un amendement qui n’a pas pu être déposé…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Si !
M. Sébastien Lecornu, ministre. … en séance pour les raisons que vous avez indiquées, monsieur le président de la commission – c’est d’ailleurs l’objet même de votre intervention –, et qui porte sur un article que nous n’examinerons ni tout de suite, ni certainement ce soir, puisqu’il nous reste beaucoup d’amendements et qu’il est plus de dix-huit heures, ni même demain matin.
J’en viens au fond. Je vois bien l’emballement que suscite ce sujet, mais je veux qu’on le règle dans le calme, car il est grave.
Dans la discussion générale – c’est-à-dire, comme nous passons nos journées et nos nuits tous ensemble, voilà plus d’une semaine –, j’ai évoqué cette question. Je me tourne d’ailleurs vers le sénateur Kerrouche, parce que nous avons travaillé ensemble sur un point très précis de ce problème, à savoir les frais de déplacement, notamment dans les intercommunalités.
Lors de la discussion générale, j’ai indiqué deux choses.
D’une part, tel qu’il était rédigé, l’amendement du sénateur Kerrouche sur les frais de déplacement était un bon amendement, dont je permettais la discussion. Je crois d’ailleurs, monsieur le sénateur Kerrouche, que vous avez pu le déposer. Voilà le premier cas de figure très précis et très concret.
D’autre part, sur le second cas de figure, la question de l’AAH, j’ai dit à la tribune – je me le rappelle d’autant plus que j’avais noté sur un petit papier les points que je devais aborder en plus du discours que j’avais préparé – qu’il fallait me laisser du temps, au mieux jusqu’à la fin de la discussion de ce texte au Sénat, au pire jusqu’à l’Assemblée nationale.
Je sais que Sophie Cluzel se trouvait ici hier matin pour répondre à vos questions orales, je l’ai croisée salle des conférences. Nos services respectifs continuent de se parler pour vous proposer un amendement gouvernemental qui, au-delà de l’opportunité, soit sérieux dans sa rédaction juridique, mais aussi, puisque nous en avons parlé à l’instant en aparté, monsieur le président Bas, à même de bien cibler la seule question des revenus liés aux indemnités. Disons les choses : d’autres groupes d’intérêt nous interpellent aussi pour ouvrir cette question à d’autres types de revenus et pour aller au-delà. Or c’est la question des indemnités qui est ici posée.
Après ces non-rappels au règlement ou rappels au règlement d’appel, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose de continuer l’examen des amendements.
Monsieur le sénateur Marc, vous êtes allé un peu loin ! Vous me connaissez, nous avons travaillé ensemble sur votre proposition de loi et vous commencez maintenant à saisir la manière dont je travaille avec le Sénat, j’y prends d’ailleurs beaucoup de plaisir. Vous entendre me dire que, tout d’un coup, il y aurait une intention du Gouvernement, pour être honnête avec vous, je le prends à moitié bien. Je pense être attentif et à l’écoute de tous les groupes depuis le début de la discussion.
Si vous me faites confiance, à défaut de faire confiance au Gouvernement, au sens politique et juridique du terme, c’est-à-dire si vous faites confiance à l’homme qui le représente devant vous, je vous propose de continuer la discussion des amendements et de vous soumettre un amendement gouvernemental d’ici à la fin de l’examen de ce texte. J’aimerais vraiment pouvoir le présenter d’abord au Sénat – je dois faire attention à ce que je dis. Je veux que l’on puisse avancer sur cette question qui me tient à cœur.
Monsieur le président de la commission des lois, vous avez rappelé mes propos dans Ouest-France. Vous avez de bonnes et saines lectures normandes, je vous reconnais bien là ! (Sourires.) Je le répète, je souhaite avancer sur cette question. Il faut la traiter au calme, avec un amendement robuste et sérieux, qui montre bien ce que nous souhaitons faire. Permettez que je travaille en temps masqué avec l’Assemblée nationale pour être sûr que la navette parlementaire soit fructueuse et que l’on aboutisse à un large consensus sur ce sujet qui n’appelle aucune forme d’opposition politique. Merci de votre bienveillance sur cette question fondamentale !
M. Arnaud de Belenet. Très bien !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je demande la parole !
M. le président. Non, monsieur le président de la commission, ce n’était pas un rappel au règlement. Nous reprenons maintenant l’examen du texte de la commission.
Articles additionnels après l’article 13
M. le président. L’amendement n° 581 rectifié, présenté par MM. H. Leroy, Meurant, Laménie et Frassa, Mmes Deromedi, Sittler et Bruguière et M. Guerriau, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2212-2-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2212-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2212-2-… – Le maire est chargé de la protection de l’environnement et des populations et peut, à ce titre, édicter des mesures de police spéciale environnementale destinées à limiter toute forme de pollution.
« Dans ce cadre, le maire est autorisé à édicter des mesures spéciales destinées à limiter les nuisances environnementales générées par la circulation des véhicules ainsi que des navires mouillant dans les baies maritimes. »
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Voici ce que vous aurait dit mon collègue Henri Leroy, qui est le premier signataire de cet amendement.
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Le 2 septembre 2002, l’ancien Président de la République Jacques Chirac, à qui nous avons rendu hommage, prononçait ces mots au sommet de la Terre à Johannesburg.
Dix-sept ans après, les Français mesurent tous l’importance du défi environnemental. Il est de notre responsabilité, dans cette assemblée, de nous préoccuper de la terre que nous voulons transmettre à nos enfants et aux générations futures.
En la matière, nous avons beaucoup à attendre des chefs d’État, à commencer par notre Président de la République, et nous devons à leur égard être exigeants.
Reste que préserver notre environnement et notre planète commence d’abord devant sa porte. C’est l’affaire de chaque Français, de chaque élu.
Mes chers collègues, nous devons donner aux maires de nouveaux pouvoirs, pour qu’ils puissent, à l’échelon territorial le plus élémentaire, participer à la sauvegarde de notre planète. C’est pourquoi cet amendement vise à autoriser le maire à édicter des mesures spéciales destinées à limiter les nuisances environnementales générées par la circulation des véhicules ainsi que par les navires mouillant dans les baies maritimes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je reprends la discussion sous le même angle que celui sous lequel nous avons conclu celle d’hier.
Cet amendement est, dans l’esprit comme au sens de la loi, satisfait. Je l’ai dit hier à Henri Leroy, qui a déposé des amendements sur d’autres polices spéciales du maire. Le droit actuel suffit, puisque le maire bénéficie de plusieurs pouvoirs de police lui permettant de prendre des mesures destinées à prévenir les atteintes à l’environnement.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Laménie, l’amendement n° 581 rectifié est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. Dans la mesure où notre collègue tient particulièrement à cet amendement, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le président, j’ai souhaité mettre un peu de souplesse dans nos travaux et n’ai donc pas insisté pour prendre la parole au moment où je l’ai demandée, mais je rappelle que le règlement prévoit que, quand le président de la commission qui est au banc demande la parole, il doit la prendre.
Monsieur le ministre, je vous donne acte de votre propos. Pour autant, nous ne laisserons pas sortir le texte du Sénat sans que ce problème ait été résolu. Vous demandez la confiance à l’égard du Gouvernement. Je demande la confiance à l’égard du Sénat. En d’autres termes, si vous n’êtes pas sûr que notre amendement remplisse toutes les conditions pour être validé, nous préférons néanmoins qu’il soit adopté et transmis à l’Assemblée nationale, ce qui vous laissera largement le délai nécessaire pour lever tous les éventuels inconvénients que vous redoutez.
Il me paraît très important que, à défaut d’une réponse du Gouvernement sur le fond d’ici à l’examen de l’article 28 de ce projet de loi, le Gouvernement prenne l’engagement de lever l’article 40, ce qui, naturellement, ne l’engage pas définitivement dans la suite du processus législatif. Si cette disposition avait besoin d’être améliorée, nous serions à l’écoute du Gouvernement pour agir en ce sens jusqu’à la commission mixte paritaire.
Sortir du Sénat sans avoir réglé ce problème au moins à titre conservatoire, alors que c’est une demande générale et que vous en partagez, je crois, l’intention, monsieur le ministre, serait tout simplement pour notre assemblée inacceptable. Si vous voulez que la confiance soit réciproque, vous devez accepter cette exigence, qui n’est nullement exorbitante. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le président de la commission des lois, je me suis engagé devant vous, avant même que ce texte ne débute, à m’inspirer des travaux du Sénat et à faire acte de coproduction.
Je l’ai fait d’autant plus que nous nous connaissons depuis longtemps et que, avant de nous retrouver sur ces bancs, nous avons eu une autre vie, notamment comme présidents de nos départements respectifs.
Je l’ai fait, parce que j’ai donné ma parole à Gérard Larcher.
Je l’ai fait lorsque j’ai reçu tous les présidents de groupe du Sénat – un certain nombre d’entre eux sont présents et peuvent en témoigner, notamment Bruno Retailleau. À chaque fois, je me suis engagé à tendre vers la solution la plus consensuelle possible. Je pense en avoir fait la démonstration depuis le début, même si je ne suis pas d’accord avec tout – preuve en est, il m’arrive d’être encore plus ruraliste que le Sénat !
Monsieur le président de la commission des lois, pour avoir occupé des fonctions éminentes comme secrétaire général de l’Élysée et comme ministre de la santé, vous savez que, lorsque l’on n’est pas ministre en titre d’une question ou chef de file, la dimension interministérielle entre en ligne de compte. Quand bien même on n’a pas d’expérience de cette nature, on peut deviner comment cela fonctionne : il faut faire travailler la machine interministérielle. L’ancien ministre Karoutchi et, quelle que soit leur place dans les travées, ceux qui ont été membres d’un gouvernement savent qu’il faut consolider un certain nombre de dispositions ou de dispositifs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne vous en êtes pas rendu compte – ce n’est pas votre affaire, et vous avez bien raison –, mais, la semaine dernière, à la suite d’un certain nombre d’interventions, j’ai complètement changé les avis du Gouvernement, parce que nous étions sur une matière dont j’étais le chef de file politique et que le Président de la République et le Premier ministre m’ont confié la responsabilité des collectivités territoriales. En tant que chef de mon administration, il est de ma responsabilité de donner la parole du Gouvernement sur des sujets liés à l’intercommunalité, au code général des collectivités territoriales.
Or nous parlons là d’une matière à la fois sociale et fiscale. D’ailleurs, c’est bien pour cela que la Constitution et les règlements des assemblées prévoient un certain nombre de dispositifs qui peuvent entraver ; vos rappels au règlement d’appel sur ce sujet en attestent.
Je travaille actuellement à l’échelon interministériel à une solution que je vous proposerai.
Que tout monde y mette du cœur est une bonne chose, mais ne doutez pas de ma sincérité ! Lever ou non le gage sur l’article 40 n’a rien à voir. Je tiens à le dire, car je pense l’avoir exprimée à de nombreuses reprises depuis le début de la semaine dernière.
Pour ma part, ce que je veux sur ce sujet important, c’est que le Gouvernement se présente devant vous avec une proposition que vous amenderez à votre guise et vous voterez ou non. Je le dis à l’ancien ministre de la santé : sur cette question importante, je trouve juste que le Gouvernement se présente avec une proposition qui, dans l’économie globale de ce projet de loi, sera le fruit d’une coproduction entre, d’un côté, l’Assemblée nationale et le Sénat et, de l’autre, dans une autre mesure et à leur place, les associations d’élus, quand elles ont bien voulu nous aider, et le Gouvernement.
Je n’ai qu’un seul vœu, c’est d’aboutir à un résultat.
J’espère que mes propos auront rassuré l’ensemble des membres du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 561 rectifié, présenté par MM. Temal et Iacovelli, Mmes Ghali et Conway-Mouret, MM. Joël Bigot et M. Bourquin, Mme Lepage, MM. Vaugrenard, Manable, Todeschini et P. Joly, Mme Blondin et M. Daudigny, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 11° de l’article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … La constatation des infractions définies aux articles R. 632-1 et R. 635-8 du code pénal. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Les dépôts sauvages coûtent tous les ans entre 340 millions et 420 millions d’euros aux contribuables. Cela concerne non seulement leur retrait, mais aussi la dépollution. C’est énorme !
À Boissy-l’Aillerie, ville située dans le département de Rachid Temal, qui est à l’origine de cet amendement, ce sont 4 500 mètres cubes de déchets ménagers et gravats qui ont dû être retirés. La remise en état du terrain agricole aura coûté pas moins de 320 000 euros à la commune.
Avec cet amendement, il est proposé de faire le choix de la sécurité juridique pour les maires qui font déjà un usage répressif de la vidéoprotection au titre de la protection des bâtiments et installations publics et leurs abords. À cette occasion, il s’agit d’assurer nos communes du soutien que nous leur apportons dans la guerre qu’elles mènent contre les dépôts sauvages.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Le dispositif prévu par cet amendement va dans le bon sens, d’autant plus que, dans le cadre des pouvoirs de police et des pouvoirs d’amende qui lui sont confiés, le maire doit démontrer le caractère récurrent ou la continuité de l’infraction. Cela améliore donc le constat.
Pour autant, un dispositif totalement similaire a été voté dans le projet de loi Économie circulaire, et nous ne souhaitons pas que cet amendement vienne concurrencer ce texte.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, qui paraît largement satisfait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Iacovelli, l’amendement n° 561 rectifié est-il maintenu ?
M. Xavier Iacovelli. Nous avions une petite idée de la position de la commission et du Gouvernement sur cet amendement, mais nous attendions l’engagement du Gouvernement que nous n’aurons pas à revenir en deuxième lecture sur l’amendement adopté par la grande majorité du Sénat lors de l’examen du projet de loi Économie circulaire. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons déposé cet amendement.
Si M. le ministre me confirme que l’Assemblée nationale ne proposera pas la suppression de cette disposition, nous retirons l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 561 rectifié est retiré.
Article 14
Le titre VIII du livre IV du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions relatives aux contrôles, aux sanctions et aux mesures administratives » ;
2° Au début, il est ajouté un chapitre préliminaire intitulé : « Constat des infractions et sanctions pénales et civiles » qui comprend les articles L. 480-1 à L. 480-17 ;
3° Il est ajouté un chapitre Ier ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER
« Mise en demeure, astreinte et consignation
« Art. L. 481-1. – I. – Lorsque des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ainsi que des obligations mentionnées à l’article L. 610-1 ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable et qu’un procès-verbal a été dressé en application de l’article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l’infraction constatée, l’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 peut, après avoir invité l’intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure, dans un délai qu’elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d’autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation.
« L’autorité compétente peut également mettre en demeure l’intéressé de suspendre la réalisation de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux qui font l’objet d’un procès-verbal établi en application de l’article L. 480-1.
« II. – Le délai imparti par la mise en demeure est fonction de la nature de l’infraction constatée et des moyens d’y remédier. Il peut être prolongé, pour une durée qui ne peut excéder un an, par l’autorité compétente pour tenir compte des difficultés que rencontre l’intéressé pour s’exécuter.
« III. – L’autorité compétente peut assortir la mise en demeure d’une astreinte au plus égale à 500 € par jour de retard.
« L’astreinte peut également être prononcée, à tout moment, après l’expiration du délai imparti par la mise en demeure, le cas échéant prolongé, s’il n’y a pas été satisfait, après avoir invité l’intéressé à présenter ses observations.
« Son montant est modulé en tenant compte de l’ampleur des mesures et travaux prescrits et des conséquences de la non-exécution.
« Le montant total des sommes demandées ne peut être supérieur à 25 000 €.
« Art. L. 481-2. – I. – L’astreinte court à compter de la date de la notification de l’arrêté la prononçant et jusqu’à ce qu’il ait été justifié de l’exécution des opérations nécessaires à la mise en conformité ou des formalités permettant la régularisation. Le recouvrement de l’astreinte est engagé par trimestre échu.
« II. – Les sommes dues au titre de l’astreinte sont recouvrées, dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux, au bénéfice de la commune sur le territoire de laquelle est implanté l’immeuble ayant fait l’objet de l’arrêté. Dans le cas où l’arrêté a été pris par le président d’un établissement public de coopération intercommunale, l’astreinte est recouvrée au bénéfice de l’établissement public concerné.
« III. – L’autorité compétente peut, lors de la liquidation trimestrielle de l’astreinte, consentir une exonération partielle ou totale de son produit si le redevable établit que la non-exécution de l’intégralité de ses obligations est due à des circonstances qui ne sont pas de son fait.
« Art. L. 481-3. – I. – Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque la mise en demeure prévue à l’article L. 481-1 est restée sans effet au terme du délai imparti, l’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 peut obliger l’intéressé à consigner entre les mains d’un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l’intéressé au fur et à mesure de l’exécution des mesures prescrites.
« Pour le recouvrement de cette somme, il est procédé comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine et l’État bénéficie d’un privilège de même rang que celui prévu à l’article 1920 du code général des impôts.
« II. – L’opposition à l’état exécutoire pris en application d’une mesure de consignation ordonnée par l’autorité compétente devant le juge administratif n’a pas de caractère suspensif. »
M. le président. L’amendement n° 773 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer le nombre :
500
par le nombre :
200
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Par cet amendement, nous restons cohérents avec deux de nos amendements précédents, en refusant d’augmenter le montant du plafond de l’astreinte pouvant être donnée par les autorités compétentes, dont le maire, en cas de constructions irrégulières. En effet, dans le projet de loi initial, ce montant était fixé à 200 euros ; la commission des lois l’a porté à 500 euros.
Comme nous l’avons déjà expliqué, nous ne souhaitons pas faire de ce texte un moyen de consacrer des mesures trop répressives, dont l’efficacité reste douteuse, et qui ajoutent bien des responsabilités sur le dos des élus locaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Il ne faut confondre répressif et dissuasif. Ce sont deux notions différentes.
L’augmentation de 200 à 500 euros de l’astreinte, étant entendu que nous avons prévu un plafond – cette astreinte ne peut pas s’appliquer à l’infini –, est de nature à avoir un caractère dissuasif, sans tomber dans le tout-répressif.
J’en suis certain, nous aurons ce débat à plusieurs reprises dans cet hémicycle, ce soir : nous donnons aux maires qui le souhaitent les moyens d’agir. C’est une capacité et non une obligation. J’insiste sur ce point, sinon on va s’opposer toujours les mêmes arguments. Tel est le but de ce texte.
J’entends votre crainte, madame Gréaume : l’objectif n’est surtout pas de mettre le maire devant des responsabilités excessives ou de l’exposer davantage encore. Il s’agit seulement de proposer un dispositif un peu plus dissuasif sur certains sujets.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Sur le fond, je ne peux pas être contre cet amendement, parce que c’est la rédaction initiale du Gouvernement, mais je comprends ce que la commission a voulu faire. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. J’interviens à titre personnel, n’ayant pas eu de débat avec mon groupe sur ce sujet.
Je suis extrêmement dérangé par ce genre de mesure. Lors de l’examen de la loi ALUR, nous avons eu une véritable discussion sur les questions d’habitats alternatifs, d’habitats précaires, yourtes, etc. Il y a ceux qui les choisissent et ceux qui les subissent, mais il y a aussi une partie grandissante de la population qui estime que notre modèle de société nous emmène dans le mur – et on le sait ! – et qui choisit un habitat alternatif respectueux de la ressource, du climat et de la biodiversité.
Dans ces conditions, donner aux maires la possibilité de sanctionner plus lourdement est tout simplement incompréhensible et incompatible avec l’air du temps, même s’il faut bien régler certaines situations.
Il faudrait entreprendre un vrai travail de fond sur ce sujet pour avancer, car ces mesures sont en somme absolument incompréhensibles, d’autant que la population qui fait des choix alternatifs va aller grandissant.
Évidemment, je ne parle pas de l’habitat sauvage sur des terrains privés, mais, dès l’instant qu’il y a accord du propriétaire ou que le terrain est en propriété, on se doit de se poser différemment la question.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je redis ce que j’ai déjà dit.
Nous partageons tous l’idée qu’il faut faire confiance à l’élu. D’ailleurs, la philosophie de ce texte, c’est de remettre l’élu au cœur de la prise de décision, en lui donnant les moyens de traiter les questions qui se posent à lui. Certes, certains les utiliseront peut-être de façon abusive, mais on ne pourra jamais avancer sur ces questions si on n’accorde pas un minimum de confiance.
Monsieur Labbé, il s’agit surtout de ne pas parvenir à ce que vous décrivez. Nous sommes ici pour faire le droit et nous sommes avant tout animés par la volonté de répondre aux problèmes dont nous avons largement évoqué les impacts négatifs pour les maires lors des préconisations et du bilan de la consultation engagée par le Sénat et la commission des lois sur les atteintes à la sécurité des élus et des maires. Certaines situations, à l’instar de celles que nous venons d’évoquer, sont de nature à leur poser des problèmes au quotidien.
Je le répète, je ne voudrais pas que la question de l’astreinte ou de l’amende soit systématiquement interprétée comme une volonté abusive de la part du Sénat de porter atteinte à un mode de vie. En effet, vous l’avez rappelé, des règles existent, qui tiennent au droit de la propriété et à certains usages.
Sans entrer dans ce débat, je crois que l’on doit admettre un principe fondamental, c’est la confiance que nous devons avoir dans les élus et dans leur capacité de discernement face à ce type de problème.
M. le président. Je mets aux voix l’article 14.
(L’article 14 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 14
M. le président. L’amendement n° 686 rectifié, présenté par MM. Maurey, Longeot, L. Hervé, Cigolotti, Médevielle et Capo-Canellas, Mmes Morin-Desailly, Perrot et Billon, M. Prince, Mmes Sollogoub et Vérien, M. Mandelli, Mme Duranton, MM. Mizzon, de Nicolaÿ et Canevet, Mme de la Provôté, M. Lefèvre, Mmes Ramond et Vermeillet, M. Guerriau, Mme Sittler et MM. Duplomb et H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 332-6 est complété par six alinéas ainsi rédigés :
« 6° La cession gratuite, à l’autorité qui délivre un permis de construire ou un permis d’aménager portant sur un lotissement, de terrains destinés à être affectés à l’élargissement, au redressement ou à la création des voies publiques.
« Cette cession ne peut porter que sur la superficie strictement nécessaire à la réalisation de ces opérations et ne peut représenter plus de 10 % de la surface du terrain faisant l’objet de la demande.
« L’autorité publique bénéficiaire notifie au titulaire du permis de construire ou du permis d’aménager la demande de cession à titre gratuit ainsi que les parcelles et la superficie faisant l’objet de cette cession.
« En cas de désaccord, les parcelles et la superficie de terrain cédés à titre gratuit sont fixées par un juge désigné, pour chaque département, parmi les magistrats du siège appartenant à un tribunal de grande instance.
« En l’absence de saisine du juge dans les deux mois suivants la notification, la cession à titre gratuite est réputée être acceptée.
« Toutefois, cette possibilité de cession gratuite est exclue lorsque le permis de construire concerne un bâtiment agricole autre qu’un bâtiment d’habitation » ;
2° Au troisième alinéa de l’article L. 331-15, après les mots : « rectificative pour 2014, », sont insérés les mots : « ainsi que le 6° de l’article L. 332-6 ».
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement de bon sens, qui a été déposé par Hervé Maurey et cosigné par un grand nombre de collègues, vise à réintroduire la possibilité pour les communes de bénéficier à titre gratuit de la cession de terrains par les bénéficiaires d’autorisations de construire. Un permis de construire peut en effet être accordé à un propriétaire en contrepartie de la cession à la commune d’une bande de terrain afin d’y effectuer un certain nombre d’aménagements, le plus souvent d’ordre sécuritaire.
Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, non pour la disposition en elle-même, mais au motif que le législateur a méconnu sa propre compétence.
Il apparaît opportun d’autoriser à nouveau cette facilité bien connue et appréciée des élus. Elle permet de libérer du foncier pour réaliser les travaux d’aménagement d’une voirie dans un lotissement sans pour autant créer une taxe.
L’amendement vise à tirer les conclusions de la décision du Conseil constitutionnel en précisant de manière claire les usages publics des terrains cédés à titre gratuit aux communes et en encadrant cette pratique. Je rappelle que cette disposition avait été adoptée par le Sénat en 2012, dans le cadre du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, puis supprimée par l’Assemblée nationale.
J’espère que le bon sens l’emportera aujourd’hui et que nous répondrons à l’attente légitime des élus, qui souhaitent améliorer la sécurité dans leur collectivité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je n’ai nullement l’intention de contester le bon sens de cet amendement. À titre personnel, j’y suis en fait assez favorable.
Pour autant, vous le savez, et il en ira de même pour d’autres amendements, nous veillons à avoir une approche fine de ces sujets. Or il n’est pas toujours aisé d’expertiser les effets secondaires ou les effets de bord de ce type d’amendement. Pour cette raison, nous nous en remettons à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je comprends l’intérêt de cet amendement. Néanmoins, de notre point de vue, le risque de censure constitutionnelle demeure, en dépit de la rédaction proposée.
Par ailleurs, lorsque l’on attribue un permis de lotir, une fiscalité est prélevée.
Je demande donc le retrait de cet amendement, craignant les effets de bords réels auxquels le rapporteur Darnaud a fait référence. Ce qui était possible avant ne l’est plus du fait de la censure. On sait désormais où se situe la limite.
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Je regrette de ne pas avoir cosigné cet amendement, mais je vais me rattraper en le votant !
Je m’aperçois en lisant l’amendement en détail que j’ai été hors la loi pendant les dix ans durant lesquels j’ai présidé le syndicat d’électricité de mon département, que vous connaissez un peu, monsieur le ministre. (Sourires.) J’avais besoin de terrains pour y installer des transformateurs. Il m’arrivait de temps en temps de les acheter. Très souvent, les communes m’en donnaient quand elles en étaient propriétaires. Des particuliers m’en faisaient don également, et heureusement, car lorsque nous effectuons des renforcements électriques, c’est non pas pour le plaisir de construire, mais pour apporter de l’électricité dans les lotissements, dans les maisons, chez les commerçants, dans les PME.
J’ai eu recours à cette pratique sans interruption, sans jamais rencontrer de problème. Or je découvre en lisant l’objet de l’amendement que le Conseil constitutionnel considère qu’elle est illégale.
Monsieur le ministre, j’ai bien compris vos observations, mais je pense qu’il faut tout de même voter cet amendement. Allons-y ! On verra bien…
Nous parlons de pratique, de gestion quotidienne. Cet amendement vise ainsi typiquement la voirie. Pour la voirie, il faut des bordures de 1 ou 2 mètres de profondeur et de 40, 50 ou 60 mètres de longueur. On est bien content que des particuliers ou des communes jouent le jeu et fassent don de terrains à la communauté de communes, parfois au département. Le conseil général que vous présidiez alors – votre département est aussi le mien – était ainsi bien content de pouvoir bénéficier de rétrocessions de terrains. J’aimerais bien que cela continue.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le sénateur de l’Eure, alors que nous examinons un amendement de Hervé Maurey, lui aussi sénateur de l’Eure, je vous remercie de mettre en lumière mon conflit d’intérêts dans cette affaire. (Sourires.)
Lorsque vous présidiez ce syndicat d’électricité, j’étais en effet président du conseil départemental, et nous bénéficions de rétrocessions de terrains. Dès lors, je me retire sur la pointe des pieds, sans émettre d’avis.
Je vous l’ai dit, je comprends l’intérêt de cet amendement, dont on me dit qu’il pourrait ne pas être constitutionnel. Puisque j’en ai la possibilité en tant que ministre, je m’en remets totalement à la sagesse du Sénat. (Sourires et applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui viennent d’être avancés, que je partage. Nous avons tous une expérience sur le terrain au sein d’un exécutif ou d’un autre.
Le Sénat serait bien sage d’adopter cette mesure de bon sens. Le groupe Les Indépendants soutiendra cet excellent amendement.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Nous voterons également cet amendement, qui concerne notre pratique de tous les jours. On a tous eu besoin de cette facilité pour telle voirie ou telle voie verte. Il s’agit donc ici de simplifier la tâche des élus et de leur permettre de faire des choses.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Sagesse favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 689 rectifié, présenté par MM. Maurey, Longeot, L. Hervé, Cigolotti, Médevielle et Capo-Canellas, Mmes Morin-Desailly, Perrot et Billon, M. Prince, Mme Sollogoub, M. Mandelli, Mme Duranton, MM. Mizzon, Joyandet, de Nicolaÿ, Canevet et P. Martin, Mmes de la Provôté et Létard, M. Lefèvre, Mme Ramond, M. Delcros, Mme Vermeillet, M. Guerriau, Mme Sittler et MM. Chasseing, Duplomb et H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 2212-2-2 du code général des collectivités territoriales, les mots : « des voies communales » sont remplacés par les mots : « de la voie ou du domaine public ».
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement porte sur les pouvoirs de police du maire en matière d’élagage.
La possibilité pour une commune d’effectuer elle-même les travaux d’élagage est appréciée par les élus. C’est un dispositif efficace, qui permet en outre d’assurer la sécurité. Obtenir de certains administrés qu’ils coupent leurs haies qui débordent sur la route nécessite des mesures administratives longues.
Le pouvoir de police des maires était limité aux chemins ruraux, il a été étendu aux voies communales dans le cadre de la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, par voie d’amendement, reprenant une proposition de loi déposée par M. Maurey. Une telle disposition pour la voirie départementale avait été adoptée par les deux assemblées lors du vote de la proposition de loi relative à la simplification du fonctionnement des collectivités territoriales en 2013, mais ce texte n’a jamais été définitivement adopté.
M. le président. L’amendement n° 690 rectifié, présenté par MM. Maurey, Longeot, L. Hervé, Cigolotti, Médevielle et Capo-Canellas, Mmes Morin-Desailly, Perrot et Billon, M. Prince, Mmes Sollogoub et Vérien, M. Mandelli, Mme Duranton, MM. Mizzon, Joyandet, de Nicolaÿ et Canevet, Mmes de la Provôté et Létard, M. Lefèvre, Mme Ramond, M. Delcros, Mme Vermeillet, M. Guerriau, Mme Sittler et MM. Chasseing, Duplomb et H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 2212-2-2 du code général des collectivités territoriales, le mot : « communales » est remplacé par les mots : « sur lesquelles il exerce la police de la circulation en application de l’article L. 2213-1 ».
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Puisque nous nageons dans le bon sens, nous sommes plutôt favorables à l’amendement n° 690 rectifié, dont la rédaction nous paraît plus appropriée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le sénateur Longeot, je vous invite à retirer l’amendement n° 689 rectifié, au profit de l’amendement n° 690 rectifié, dont la rédaction me paraît plus solide d’un point de vue juridique et sur lequel j’émets un avis favorable.
M. le président. Monsieur Longeot, l’amendement n° 689 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Non, je le retire : je partage tout à fait le point de vue du ministre et du rapporteur.
M. le président. L’amendement n° 689 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 690 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14.
L’amendement n° 546 rectifié, présenté par Mme Conconne, MM. Antiste, Todeschini, Lalande et Vaugrenard, Mme G. Jourda, M. Montaugé, Mmes Conway-Mouret, Perol-Dumont, Ghali et Artigalas et MM. Manable, Daudigny et Raynal, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 2243-2 et L. 2243-3 du code général des collectivités territoriales sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le bien concerné fait l’objet d’une procédure de péril imminent telle que définie à l’article L. 511-3 du code de la construction et de l’habitation, le délai mentionné au premier alinéa du présent article est réduit à un mois. »
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. Une fois de plus, je vais tenter de faire adapter au mieux les dispositions de la loi aux territoires que je connais le mieux, en particulier au mien.
Nous avons adopté ici il y a quelques mois une proposition de loi issue de l’Assemblée nationale sur l’indivision. Pour la première fois, une loi était votée pour les seuls pays d’outre-mer, afin de répondre à une situation particulière – c’est le cas dans beaucoup de secteurs – qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.
Je tiens à vous faire part, et c’est l’une des conséquences de l’indivision, de la difficulté des maires aujourd’hui à faire adopter des arrêtés de péril ou des arrêtés d’abandon manifeste, compte tenu du nombre de dossiers à traiter et de la longueur des procédures.
Pendant toute la durée de la procédure, qui est encadrée par la loi – et c’est tant mieux, car il faut respecter le droit de propriété, qui est l’un des piliers de la République –, la gêne, le trouble continuent, et c’est le maire qui est pointé du doigt. Ce sont des balcons, des murs qui s’effondrent, des maisons qui deviennent insalubres, qu’envahissent les salissures, les déchets variés, et qu’on livre aux squatteurs.
Les procédures sont longues. Vous savez bien que, pour faire adopter un arrêté d’abandon manifeste, il faut emprunter un véritable labyrinthe. Au final, la décision du tribunal arrive beaucoup trop lentement, souvent trop tard.
Les maires que nous avons réunis avant l’examen du présent projet de loi nous ont fortement priés de relayer leur demande : ils souhaitent que le délai de publication du procès-verbal définitif constatant l’état d’abandon, qui est actuellement de trois mois, soit réduit à un mois, compte tenu du nombre de maisons et d’immeubles concernés et de la longueur des procédures par la suite.
Qui peut le plus peut le moins : il serait bien d’accélérer également les procédures en amont et de réduire à un mois le délai de réalisation du procès-verbal provisoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je comprends tout à fait les motivations de notre collègue Conconne. Cela étant, on touche là au droit de propriété, et je ne parlerai même pas du caractère inconstitutionnel d’une telle mesure, compte tenu de l’audace dont nous pouvons parfois faire preuve dans cet hémicycle. (Sourires.)
En l’espèce, même si je comprends votre préoccupation et si je mesure l’importance de ce sujet pour votre territoire, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. La situation m’est connue, vous aviez d’ailleurs eu la gentillesse de m’en parler lorsque j’étais venu dans votre département.
Même si le président Bas nous a invités la semaine dernière à braver la censure constitutionnelle de manière parfois très courageuse, je dois bien avouer qu’il n’est pas utile ici, à mon avis, de tenter l’aventure concernant le droit de propriété. Depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le droit de propriété a été consacré dans bien des textes fondamentaux et dans de nombreuses décisions.
Il nous faut donc trouver d’autres solutions que celle que tend à proposer votre amendement. J’en demande donc le retrait.
M. le président. Madame Conconne, l’amendement n° 546 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Conconne. Je le retire, la mort dans l’âme.
Il ne faut pas oublier que la France est le pays des procédures, des procédures longues, et de la paperasserie. Or, aujourd’hui, avec les moyens dont nous disposons, en particulier les moyens numériques et ceux que nous offre internet pour accélérer les procédures, nous pourrions réduire les délais à un mois sans porter atteinte au droit de propriété.
J’ai été adjointe au maire à la sécurité et à la tranquillité publiques pendant quatorze ans. Je peux vous dire qu’il m’est souvent arrivé d’avoir à forcer le temps pour accélérer un certain nombre de procédures dans des cas qui posaient lourdement problème.
La paperasserie nous envahit et devient une sorte de tradition. Le président de la commission des lois nous a dit tout à l’heure qu’il fallait oser braver la Constitution. On appelait chez nous ceux qui osaient braver la Constitution des « nègres marrons ». Pour ma part, je n’aurai pas la chance aujourd’hui d’être une négresse marron. (Mme Lana Tetuanui s’esclaffe et applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 546 rectifié est retiré.
L’amendement n° 634 rectifié bis, présenté par MM. Chaize et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, M. Daubresse, Mme Deroche, MM. Lefèvre et Mouiller, Mmes Ramond et Deromedi, MM. D. Laurent, Saury, de Nicolaÿ et Genest, Mme Lassarade, M. Piednoir, Mmes Sittler, Morhet-Richaud et Gruny, MM. Bascher et Sido, Mmes Duranton et Bories, MM. Savary, Vaspart, Charon, Mandelli, Chevrollier, Laménie, Bonhomme, Rapin et Bonne, Mmes A.M. Bertrand, Chain-Larché et Thomas et MM. Bouloux, Gremillet et Poniatowski, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code de la sécurité intérieure est complétée par un article L. 132-7-… ainsi rédigé :
« Art. L. 132-7-…. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 512-1, des communes recourant à un système de vidéoprotection régi par le titre V du livre II peuvent, dans le respect des conditions de fonctionnement prévues aux articles L. 252-1 à L. 252-7, confier le visionnage des images pour l’ensemble de leurs territoires à une ou plusieurs personnes qu’elles emploient en commun ou dans le cadre d’une mise à disposition de ces personnes par la commune qui les emploie.
« Une convention, conclue entre l’ensemble des communes intéressées, précise les modalités d’organisation et de financement de l’emploi en commun ou de la mise à disposition de ces personnes et, le cas échéant, des équipements de vidéoprotection.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement vise à favoriser la mutualisation en personnels et en équipements des missions de vidéosurveillance.
Aujourd’hui, une commune qui met en place sur son territoire un dispositif de vidéosurveillance mandate un officier habilité à exercer ce rôle de surveillance. Chaque commune peut effectuer cette démarche, mais il n’y a pas de possibilité de mutualisation des agents et des équipements.
Par cet amendement, une personne habilitée sur une commune à assurer la surveillance pourrait le faire pour le compte d’autres communes dès lors que les élus le décideraient, par convention ou par mandat. Dans le même esprit, les équipements pourraient eux aussi être mutualisés.
Une telle mesure permettrait de réaliser des économies substantielles en centralisant l’exercice de la mission de surveillance sur plusieurs communes. Plusieurs départements ayant des projets de cette nature sont bloqués pour des motifs juridiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. L’amendement de notre collègue Patrick Chaize est doublement satisfait par le droit en vigueur. Cette mutualisation est tout à fait possible.
Depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, les groupements de communes peuvent ainsi mettre en œuvre des systèmes de vidéoprotection et les mettre à disposition de leurs communes membres.
Par ailleurs, comme le rappelle une circulaire du ministre de l’intérieur du 12 mars 2009, plusieurs communes « peuvent, par voie de convention, charger l’une d’elles de gérer le centre de supervision urbaine pour le compte de chacune d’entre elles ».
Je ne vois pas l’intérêt qu’il y aurait à légiférer de nouveau sur ce sujet. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je demande également le retrait de cet amendement, qui est satisfait.
Sachez néanmoins que le ministre de l’intérieur réfléchit actuellement sur ce sujet. Certains présidents de conseil départemental l’ont saisi, et m’ont saisi, sur l’opportunité de créer des syndicats départementaux afin de traiter de toutes les questions de sécurité, qu’il s’agisse de la police municipale ou de la vidéoprotection. L’enjeu est toujours le même : mutualiser les moyens. Nous ne sommes bien sûr pas favorables aux délégations des pouvoirs de police des maires. Il faut en rester au périmètre de la commune, sur lequel le maire est compétent pour donner des instructions.
Tout cela ne se crée pas en droit en cinq minutes. Le Livre blanc sur la sécurité est en cours de mise à jour. Les questions territoriales seront au cœur de cette démarche.
M. le président. Monsieur Chaize, l’amendement n° 634 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Patrick Chaize. Non, je le retire, même si je ne suis pas convaincu par la réponse du rapporteur, qui me dit qu’on peut mutualiser les moyens au sein d’un même groupement. Ma question portait plus précisément sur la mutualisation des moyens par plusieurs communes ne faisant pas forcément partie d’un même groupement.
Plusieurs départements importants ont engagé une réflexion sur ce sujet, mais n’ont malheureusement pas les réponses juridiques leur permettant de mettre en œuvre leurs projets. Je pense aux départements des Yvelines, de l’Oise et à d’autres. Or une mutualisation pourrait à mon sens être tout à fait intéressante d’un point de vue à la fois économique et opérationnel.
M. le président. L’amendement n° 634 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 94 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l’article L. 341-4 du code forestier, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité administrative compétente de l’État notifie dès sa réception le dépôt de toute demande d’autorisation au maire de la commune sur laquelle se situe le terrain dont le défrichement est envisagé. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Le défrichement, qui est la destruction de l’état boisé d’un terrain, est réglementé par la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Les permis sont délivrés par les préfets, qui ne consultent pas les maires des communes concernées et ne leur notifient même pas leurs décisions, sauf lorsque les projets dépassent 0,5 hectare et que l’autorité environnementale exige une étude d’impact. Une consultation est alors lancée, qui fait l’objet d’un affichage sur les lieux du projet et dans les mairies des communes dont le territoire est censé être affecté. C’est le plus souvent de cette façon que nos maires sont informés. Ce n’est pas normal !
Cet amendement vise à impliquer le maire dans le processus de décision et de consultation en créant un droit d’information pour ce dernier. L’amendement a été rectifié en lien avec la commission des lois. Il vise donc finalement à prévoir que le maire doit être informé lorsqu’une demande d’autorisation de défrichement est déposée auprès de l’autorité compétente de l’État par l’un des administrés de sa commune. Ce droit s’exercerait avant que l’autorisation ne soit octroyée, puisque la notification au maire interviendrait à la réception par l’autorité compétente de la demande d’autorisation, et non à l’issue de son instruction, comme c’est le cas aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je suis un peu ennuyé, car, même si je comprends bien le sens de l’amendement, je trouve qu’il alourdirait la procédure. Il faut l’avoir en tête.
N’ayant pas envie de vous être désagréable, madame la sénatrice, j’émettrai un avis de sagesse défavorable. Encore une fois, l’idée est sympathique et heureuse, mais l’exécution pourrait à mon avis se révéler un peu délicate.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. La procédure serait lourde pour les préfets, mais le but est que les maires soient informés, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, qu’un défrichement va être effectué dans leur commune, alors que, bien souvent, ils ne sont pas d’accord avec cette mesure.
Alors, oui, la procédure serait alourdie pour les préfets, mais elle serait une grande avancée pour l’information des maires !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 15
I. – L’article L. 2212-2-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rétabli :
« Art. L. 2212-2-1. – I. – Dans les conditions prévues au II, peut donner lieu à une amende administrative d’un montant maximum de 500 €, lorsqu’il présente un risque pour la sécurité des personnes, tout manquement à un arrêté du maire :
« 1° En matière d’élagage et d’entretien des arbres et des haies, donnant sur la voie ou le domaine public ;
« 2° Ou ayant pour effet de bloquer ou d’entraver la voie ou le domaine public, en y installant ou en y laissant sans nécessité ou sans autorisation tout matériel ou objet, ou en y déversant toute substance ;
« 3° Ou consistant, au moyen d’un bien mobilier, à occuper la voie ou le domaine public soit sans droit ni titre lorsque celui-ci est requis en application de l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, soit de façon non conforme au titre délivré en application du même article L. 2122-1, lorsque cette occupation constitue un usage privatif de ce domaine public, excédant le droit d’usage appartenant à tous.
« II. – Le manquement mentionné au I du présent article est constaté par procès-verbal d’un officier de police judiciaire, d’un agent de police judiciaire ou d’un agent de police judiciaire adjoint.
« Le maire notifie par écrit à la personne intéressée les faits qui lui sont reprochés, les mesures nécessaires pour faire cesser le manquement ainsi que les sanctions pénales et administratives encourues. Cette notification mentionne la possibilité de présenter des observations, écrites ou orales, dans un délai de quinze jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix. Une copie du procès-verbal d’infraction et de cette notification est transmise au procureur de la République.
« À l’expiration de ce délai de quinze jours, si la personne n’a pas pris les mesures nécessaires pour faire cesser le manquement, le maire la met en demeure de se conformer à la réglementation dans un nouveau délai qui ne peut être inférieur à quinze jours.
« À défaut d’exécution des mesures prescrites dans le délai fixé par la mise en demeure et en l’absence de notification par le procureur de la République de son souhait d’engager des poursuites pénales, le maire peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours, prononcer l’amende administrative prévue au I. Le montant de l’amende est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés, de la personnalité et de la situation personnelle de l’auteur des faits.
« La décision du maire prononçant l’amende est notifiée par écrit à la personne intéressée. Elle mentionne les modalités et le délai de paiement de l’amende. Cette décision est soumise aux dispositions de l’article L. 2131-1.
« Le recours formé contre la décision prononçant l’amende est un recours de pleine juridiction.
« L’amende administrative est recouvrée au bénéfice de la commune dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux.
« Le délai de prescription de l’action du maire pour la sanction d’un manquement mentionné au I du présent article est d’un an révolu à compter du jour où le manquement a été commis.
« III. – L’action publique est éteinte par le prononcé, par le maire, d’une amende administrative en application du présent article. »
II. – Le deuxième alinéa du 2° de l’article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « , à l’exception des sanctions prises en application de l’article L. 2212-2-1 ».
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, sur l’article.
Mme Christine Lavarde. L’article 15 et les articles suivants ajoutés par la commission des lois visent à donner de nouveaux pouvoirs ou de nouvelles facultés aux élus locaux, notamment pour réglementer différents dispositifs en matière d’occupation et d’encombrement du domaine public.
À ce titre, je souhaiterais formuler deux remarques. Tout d’abord, je regrette que le dispositif de l’article 15 quinquies ne puisse pas s’appliquer aux établissements publics territoriaux, l’article L. 512-2 du code de la sécurité intérieure permettant aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de recruter des agents pour verbaliser ou constater des infractions sur le domaine public ne s’appliquant pas, par nature, aux établissements publics territoriaux, puisque ces derniers ne sont pas dotés de la fiscalité propre.
Pour autant, l’article L. 5219-5 du code général des collectivités territoriales pose le principe d’une compétence des EPT en matière de gestion des déchets ménagers et assimilés. Ainsi, les EPT ont pu élaborer un règlement de collecte, mais ils ne peuvent pas le faire appliquer, en raison de l’absence d’agents compétents pour constater et réprimer les infractions aux dispositions des articles R. 632-1, R. 633-6, R. 635-8 et R. 644-2 du code pénal. Aujourd’hui, seul le Gouvernement pourrait corriger cette imperfection de la loi NOTRe, nos amendements ayant subi le couperet de l’article 40.
Le ministre va me répondre que la métropole du Grand Paris et les établissements publics territoriaux feront l’objet d’un prochain texte de loi. En l’espèce, il ne s’agit pas de revenir sur le partage des compétences, mais uniquement de leur donner un pouvoir qu’ils auraient pu avoir si, au moment de la rédaction de la loi NOTRe, cette petite subtilité concernant la compétence en matière de gestion des déchets avait été relevée.
Enfin, je suggère au Gouvernement d’étendre par la voie réglementaire les pouvoirs des agents de surveillance de la voie publique, les ASVP, au constat et à la verbalisation des infractions d’abandon de déchets ou de matériaux. Cette possibilité existe déjà pour les gardes champêtres et les agents de surveillance de Paris. Pourquoi ne pas la donner aux ASVP, qui sont déjà agréés par le procureur de la République pour constater, en application des dispositions de l’article L. 130-4 du code de la route ou de l’article L. 1312-1 du code de la santé publique, certaines contraventions tant au code de la route qu’à la propreté de l’espace public ?
M. le président. L’amendement n° 612 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Sido et H. Leroy, Mme Deromedi et MM. Mandelli, Laménie, Saury, Piednoir, Mouiller et Houpert, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 2212-2-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rétabli :
« Art. L. 2212-2-1. – I. – Dans les conditions prévues au II, peuvent donner lieu à une amende administrative d’un montant maximum de 500 € les manquements à un arrêté du maire :
« 1° En matière d’élagage et d’entretien des arbres et des haies, donnant sur la voie ou de domaine public ;
« 2° Ou ayant pour effet de bloquer ou d’entraver la voie ou le domaine public, en y installant ou en y laissant sans nécessité tout matériel ou objet, ou en y déversant toute substance ;
« 3° Ou ayant pour effet, au moyen d’un bien mobilier, d’occuper la voie ou le domaine public sans droit ni titre lorsque celui-ci est requis, ou de façon non conforme au titre délivré sur le fondement de l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, et lorsque l’occupation constitue un usage privatif de ce domaine public, excédant le droit d’usage appartenant à tous.
« II. – Ces manquements sont constatés par procès-verbal d’un officier de police judiciaire, dont le maire, d’un agent de police judiciaire ou d’un agent de police judiciaire adjoint.
« Le maire notifie à la personne intéressée les faits qui lui sont reprochés, les mesures nécessaires pour faire cesser le manquement, les sanctions encourues ainsi que la possibilité de présenter des observations, écrites ou orales, dans un délai de quinze jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix. Il met également en demeure le contrevenant d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai de quinze jours débutant au lendemain du délai contradictoire susmentionné.
« Le maire informe le contrevenant qu’à l’expiration de cette procédure contradictoire, il ordonne le versement d’une amende administrative dont le montant, le délai de paiement et ses modalités sont précisés dans la mise en demeure.
« Si le contrevenant met en œuvre l’intégralité des opérations prescrites avant la fin du délai fixé dans la mise en demeure, il doit produire un document justifiant que les opérations ont été réalisées en conformité avec la réglementation en vigueur. À défaut un rapport des services techniques compétents constatant la réalisation de ces opérations et leur date d’achèvement permet de prononcer la mainlevée de l’arrêté. Seuls ces justificatifs peuvent permettre l’interruption de la procédure de sanctions administratives.
« À l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, si les opérations prescrites n’ont pas été réalisées ou si elles l’ont été partiellement, le maire ordonne le versement d’une astreinte journalière jusqu’à mise en œuvre de l’intégralité des opérations exigées par la mise en demeure.
« Si l’inaction du contrevenant est à l’origine d’un trouble du bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la salubrité, le maire fait procéder à l’exécution d’office des opérations prescrites par la mise en demeure, aux frais du contrevenant. Le montant mis à la charge du contrevenant est calculé, à la convenance de la commune, soit sur la base des frais réels, soit par application de forfaits établis en fonction la quantité et de la difficulté des travaux.
« Le recouvrement des frais engagés par la collectivité s’effectuera par l’émission d’un titre de recette auprès du comptable public.
« Le recours formé contre la décision prononçant ces sanctions est un recours de pleine juridiction.
« Le délai de prescription de l’action du maire pour la sanction d’une méconnaissance ou d’un manquement mentionné au premier alinéa est d’un an révolu à compter du jour où le premier manquement a été commis ou la méconnaissance a été constatée dans les conditions du cinquième alinéa. »
II. – Le deuxième alinéa du 2° de l’article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « , à l’exception des sanctions prises en application de l’article L. 2212-2-1 ».
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Dans le cadre de l’exercice de leurs pouvoirs de police, les maires se trouvent souvent démunis pour sanctionner le non-respect de la réglementation. La voie pénale n’est pas toujours adaptée, notamment en raison des classements sans suite, et n’apporte aucune solution pour la réparation des dommages. Or, dans le cas des manquements aux pouvoirs de police du maire, il est nécessaire d’intervenir assez rapidement, l’absence de sanction pendant une longue période, en raison notamment de la durée de la procédure, confirmant les contrevenants dans leur sentiment d’impunité.
C’est pourquoi l’amendement tend à supprimer la condition selon laquelle le comportement doit être répétitif ou continu, et complète le mécanisme de l’amende administrative par celui des astreintes et de l’exécution d’office, aux frais du contrevenant.
Concernant l’exécution d’office, plutôt que d’opter pour la consignation d’une somme entre les mains du comptable public avant l’exécution d’office, l’amendement prévoit que les travaux soient réalisés et que la somme soit ensuite réclamée aux contrevenants. Cette procédure présente l’avantage d’être plus rapide et plus adaptée à des montants de travaux susceptibles d’être réglés par des particuliers. La consignation préalable relève davantage de dommages et de travaux importants. L’amendement permet donc de mieux graduer la sanction administrative dans le temps, tout en préservant les droits des contrevenants à présenter des observations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Notre collègue François Bonhomme, dont je comprends les motivations, propose une nouvelle rédaction de l’article 15 qui soulève deux difficultés majeures.
Il nous paraît tout d’abord disproportionné de supprimer la condition relative au risque pour la sécurité des personnes, qui reste un élément essentiel et permet de limiter la procédure de l’amende aux manquements les plus graves.
Par ailleurs, l’ajout d’une procédure d’astreinte et d’exécution d’office n’apparaît pas utile en l’espèce, car le maire dispose d’un pouvoir d’exécution d’office en matière d’élagage et de dépôts sauvages.
C’est pourquoi la commission formule une demande de retrait. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale et encore hier soir, nous expérimentons un renforcement des pouvoirs de police administrative des maires, soit en leur transférant un certain nombre de prérogatives du préfet au maire, soit en facilitant l’exécution, en relevant les seuils ou en augmentant les amendes pour des pouvoirs qu’ils détiennent déjà.
Lors de nos travaux préparatoires, y compris sur le terrain juridique, il nous a fallu fixer un cadre. Le système ne peut ainsi fonctionner s’il n’y a une séparation claire entre police administrative et police judiciaire. Le maire peut constater en tant qu’officier de police judiciaire, mais il n’engage pas la procédure, sauf en matière de contravention.
Telle que nous l’avons travaillée avec le Conseil d’État, la mention en apparence anodine du caractère continu ou répétitif des faits borne le pouvoir des maires, pour le rendre acceptable socialement. Vous n’êtes pas sans savoir, en effet, qu’une partie des élus sont inquiets de ce renforcement de ce pouvoir. L’encadrer, c’est le rendre effectif et solide en cas de recours devant les juridictions administratives.
La rédaction initiale permettait d’écarter les contrevenants de bonne foi, pour ne viser que les récalcitrants. Je n’emploie pas la notion de récidive, qui a un caractère judiciaire.
L’équilibre est important. La référence au caractère continu ou répétitif des faits devrait permettre d’éviter certaines dérives. J’ajoute que nous ne savons pas qui seront les maires de demain… C’est pourquoi certains encadrements que nous proposons méritent selon moi d’être regardés avec bienveillance. Dans quelques années, il faudra peut-être aller plus loin, mais l’équilibre que nous avons trouvé, même si je milite en faveur du renforcement des pouvoirs de police des maires, est le gage de l’acceptabilité sociétale du dispositif par nos concitoyens et par les maires eux-mêmes, qui ne veulent pas apparaître comme des shérifs. Les dispositions que nous avons prévues sont marquées par une certaine audace, mais elles apportent une protection juridique.
C’est donc une demande de retrait que je formule à l’égard de votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. Monsieur Bonhomme, l’amendement n° 612 rectifié est-il maintenu ?
M. François Bonhomme. Je comprends les arguments du rapporteur et du ministre, mais le point d’équilibre proposé n’est pas satisfaisant. J’entends que certains maires pourraient peut-être, à l’avenir, abuser de ces prérogatives nouvelles. Pour autant, monsieur le ministre, vous n’avez de cesse de répéter qu’il faut faire confiance aux élus…
Admettant la fragilité juridique de mon dispositif, je retire l’amendement, mais la situation actuelle appelle d’autres réponses.
M. le président. L’amendement n° 612 rectifié est retiré.
Je suis saisi de six amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 774 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le montant :
500 €
rédiger ainsi la fin de l’alinéa :
les manquements à un arrêté du maire présentant un risque pour la sécurité des personnes et ayant un caractère répétitif et continu :
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Par cet amendement, nous souhaitons revenir sur la suppression, en commission des lois, de la possibilité pour le maire de sanctionner par des amendes des manquements aux arrêtés municipaux.
Nous proposons de prévoir que les manquements aux arrêtés du maire visés par le présent article devront avoir un caractère répétitif et continu pour pouvoir être sanctionnés par une amende administrative. En effet, s’il nous paraît légitime de donner au maire des outils plus efficaces pour faire respecter les arrêtés pris en vertu de ses pouvoirs de police, il nous semble nécessaire d’encadrer cette nouvelle possibilité afin de limiter et de proportionner son caractère répressif.
M. le président. L’amendement n° 831 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
, lorsqu’il présente un risque pour la sécurité des personnes, tout manquement à un arrêté du maire
par les mots :
tout manquement à un arrêté du maire présentant un risque pour la sécurité des personnes et ayant un caractère répétitif ou continu
II. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
ou sans autorisation
III. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Ou ayant pour effet, au moyen d’un bien mobilier, d’occuper la voie ou le domaine public, sans droit ni titre lorsque celui-ci est requis, ou de façon non conforme au titre délivré sur le fondement de l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, et lorsque l’occupation constitue un usage privatif de ce domaine public, excédant le droit d’usage appartenant à tous.
IV. – Alinéa 7
1° Première phrase
Supprimer les mots :
pénales et administratives
2° Dernière phrase
Supprimer cette phrase.
V. – Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« À l’issue de ce second délai et à défaut d’exécution des mesures prescrites, le maire peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours, prononcer l’amende administrative prévue au premier alinéa. Le montant de l’amende est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés.
VI. – Alinéas 13 et 14
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai de prescription de l’action du maire pour la sanction d’un manquement mentionné au premier alinéa est d’un an révolu à compter du jour où le premier manquement a été commis. »
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale du projet de loi, modifiée cependant par le sous-amendement de Mme Schillinger, auquel je suis favorable.
Des associations particulièrement investies dans la promotion du droit au logement ou la protection des personnes sans abri ont saisi mon collègue Julien Denormandie et moi-même pour nous faire part de leur crainte, légitime, que la disposition ne permette à un maire de prendre un arrêté contre les sans-abri. Je me suis engagé sur ce point en indiquant que la rédaction initiale du Gouvernement, par la référence à la nécessité d’un caractère « répétitif ou continu » des faits, pose une première borne juridique. Je m’empresse de préciser que Droit au logement et les autres associations n’avaient pas encore alerté le Sénat et le Gouvernement sur le sujet lorsque la commission a établi son texte.
Le sous-amendement n° 956 de Mme Schillinger complète le dispositif d’amende administrative proposé par le Gouvernement en précisant qu’il ne pourra sanctionner que les actes d’occupation sans titre du domaine public ayant des fins commerciales. Par exemple, avec cette rédaction, le maire pourra intervenir en cas d’abus de droit de terrasse, mais il ne pourra en aucun cas s’agir de s’en prendre à des personnes, sans abri ou non.
Je vous demande instamment d’adopter l’amendement du Gouvernement et le sous-amendement, parce que l’audace dont nous faisons preuve pour renforcer les pouvoirs de police des maires ne saurait souffrir d’une ambiguïté ou d’une équivoque quant aux intentions des maires de France. Il ne faut pas que les arrêtés illégaux et inhumains pris par un ou deux maires entretiennent le doute. Avec cette rédaction, on a un dispositif robuste sur le plan juridique, qui nous permettra d’aider les maires à avancer et rassurera les associations et, plus largement, toutes les personnes ayant des convictions humanistes. Ce sujet a fait l’objet de nombreuses discussions hors cet hémicycle.
M. le président. Le sous-amendement n° 956, présenté par Mme Schillinger, MM. de Belenet, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, MM. Richard, Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Amendement n° 831, alinéa 11
Après le mot :
d’occuper
insérer les mots :
, à des fins commerciales,
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. M. le ministre a été très éloquent. J’ajouterai simplement qu’il peut s’agir d’un élagage ou d’un entretien des arbres qui dure et empiète vraiment sur la voie publique, du dépôt de détritus, de gravats ou d’encombrants.
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Lavarde, MM. Rapin et Guerriau, Mmes N. Goulet et Eustache-Brinio, MM. Meurant, Lefèvre, Karoutchi, Piednoir, D. Laurent, Savary et Mandelli, Mmes Malet, Sittler et Lamure, MM. Pemezec, Capus, Grosperrin et Husson, Mme Noël, MM. Savin et Chasseing, Mmes Lassarade et Garriaud-Maylam, MM. Poniatowski, Perrin et Raison, Mmes M. Mercier et Imbert et MM. Le Gleut, H. Leroy et Laménie, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après le mot :
sécurité
insérer les mots :
ou une atteinte à la tranquillité
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Ou ayant pour effet de porter atteinte à la tranquillité publique lors de regroupement ou d’attroupement de manière répétée sur le domaine public, excédant le droit d’usage appartenant à tous.
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Cet amendement vise également à donner le pouvoir au maire de sanctionner des occupations sans titre du domaine public par des personnes. J’ai en tête l’exemple d’une école privée hors contrat qui n’a pas de cour de récréation et dont les élèves, tous les jours, passent la récréation dans un parc public. Manifestement, il s’agit là d’une occupation abusive du domaine public à des fins commerciales et, aujourd’hui, il n’y a aucun moyen de pouvoir la sanctionner.
Si la commission ou le Gouvernement me dit que cet amendement est satisfait par l’amendement n° 831 rectifié, je le retirerai.
M. le président. L’amendement n° 775 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. L’article 15 prévoit, dans sa rédaction actuelle, de sanctionner d’une amende de 500 euros les entraves ou les occupations du domaine public. Cela ouvre la possibilité de sanctionner des personnes sans-abri qui installent leur tente ou leur abri de fortune sur la voie publique ou le domaine public, par exemple sur le trottoir ou dans un square, ou qui stockent leurs biens dans un recoin ou les transportent dans un chariot. Au passage, je rappelle qu’aujourd’hui nous n’avons pas suffisamment d’hébergements d’urgence.
Nous nous opposons à ce que le maire puisse sanctionner par des amendes des blocages, entraves ou occupations du domaine public, car cela ouvre la voie à l’aggravation de la répression, notamment envers les personnes sans domicile fixe, les gens du voyage et, surtout, les participants à des mouvements comme celui des « gilets jaunes ». Il est à noter que cette disposition pourrait également viser les tentes distribuées par les associations humanitaires, les manifestations déclarées, toute personne sans-logis habitant un véhicule immobilisé.
Néanmoins, j’ai entendu, monsieur le ministre, votre proposition. Elle peut en effet répondre à notre préoccupation.
M. le président. L’amendement n° 582 rectifié bis, présenté par Mme Schillinger, M. Buis, Mme Cartron, MM. Gattolin, Lévrier et Marchand, Mme Rauscent et M. Yung, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
occuper
insérer les mots :
à des fins commerciales,
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
M. le président. L’amendement n° 740 rectifié, présenté par Mme Guillemot, MM. Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé, Courteau, Daunis, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Ne peut faire l’objet de l’amende administrative prévue au premier alinéa du I le fait pour une personne sans domicile fixe d’avoir installé sur la voie ou le domaine public les objets nécessaires à la satisfaction de ses besoins élémentaires. »
La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. Nous maintiendrons cet amendement, parce que celui du Gouvernement ne nous convient pas tout à fait. Monsieur le ministre, les maires qui prennent des arrêtés illégaux et inhumains continueront à le faire. L’ajout de la mention « à des fins commerciales » ne nous rassure pas. Certains maires prétendront que la mendicité est une forme d’activité commerciale, par exemple. Nous avons beaucoup travaillé sur cet amendement avec la Fondation Abbé Pierre et Droit au logement.
Concernant la lutte contre la pauvreté, j’indique que les associations sont vent debout contre l’inclusion de l’AAH et des APL dans le revenu universel d’activité, le RUA. Il faut mener une réflexion sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. L’amendement n° 774 rectifié vise à rétablir le caractère continu ou répété pour les manquements pouvant être sanctionnés d’une amende administrative. Notre commission a jugé nécessaire de supprimer cette condition, qui lui paraissait difficile à caractériser pour le maire. L’avis est défavorable.
On peut comprendre les motivations des auteurs de l’amendement n° 15 rectifié, qui tend à étendre le périmètre de la procédure de l’amende administrative en vue de sanctionner les regroupements ou attroupements répétés sur le domaine public, mais nous devons, me semble-t-il, veiller à ce que cette procédure ne s’applique qu’à des faits objectifs facilement caractérisables pour le maire et ne pouvant donner lieu à interprétation. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Monsieur le ministre, nous sommes animés du même humanisme. Il serait à mon sens préférable de retirer l’amendement n° 582 rectifié bis au profit de l’amendement n° 740 rectifié, plus explicite et plus complet. Cependant, ce dernier mériterait d’être récrit, car sa rédaction actuelle pose un problème juridique. À cette condition, l’avis est favorable. La vérité est à mi-chemin entre les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous sommes tous d’accord sur le fond, mais il faut déterminer la rédaction adéquate.
Je demande le retrait de l’amendement n° 774 rectifié au profit des suivants.
Le caractère répétitif et continu des manquements ne constitue pas du tout une entrave pour les maires ; au contraire, c’est une protection. Qu’il ne soit pas mentionné dans votre amendement me gêne, madame Guillemot. Il faut aussi garder la mention des fins commerciales.
Madame Lavarde, le dispositif de l’amendement n° 15 rectifié risque de porter atteinte à la liberté constitutionnelle d’aller et venir. En l’absence de risque avéré pour la sécurité des personnes, il est difficile de suspendre cette liberté, y compris d’ailleurs pour l’autorité préfectorale. Je le dis avec prudence, mais cet amendement pourrait la remettre en cause de manière excessive. En tout cas, c’est l’avis de nos juristes.
L’avis est défavorable sur l’amendement n° 775 rectifié, car celui-ci est déjà satisfait, de même que l’amendement n° 582 rectifié bis.
Madame Guillemot, la notion de personne sans domicile fixe n’existe pas vraiment en droit. L’inscrire dans la loi aurait le mérite de clarifier les choses : les bonnes âmes ne pourront faire de procès d’intention au Sénat ou au Gouvernement. Cependant, je le redis, je tiens à ce que l’on conserve le caractère répétitif et continu. Je propose d’adopter l’amendement du Gouvernement, le sous-amendement de Mme Schillinger et votre amendement, madame Guillemot ; nous améliorerions ensuite l’écriture du dispositif au cours de la navette.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je voudrais repréciser que nous sommes favorables aux amendements nos 582 rectifié bis et 740 rectifié, et défavorables à l’amendement du Gouvernement et au sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Comme la notion de personne sans abri n’existe pas en droit, je suis attaché au maintien du caractère répétitif et continu des faits. Un jeune garçon ou une jeune fille qui fugue peut être amené à dormir une nuit dans la rue, mais il ou elle n’est pas pour autant sans domicile fixe.
Je ne veux pas partir à l’aventure sur ces questions, qui ne sont pas simples. C’est la raison pour laquelle je maintiens l’amendement du Gouvernement. On pourra s’il le faut le récrire au cours de la navette, mais, j’y insiste, le dispositif constitué par cet amendement, celui de Mme Guillemot et le sous-amendement fonctionne juridiquement. Je le dis à l’adresse des associations qui nous regardent.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous retirons les amendements nos 774 rectifié et 775 rectifié.
M. le président. Les amendements nos 774 rectifié et 775 rectifié sont retirés.
La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, pourriez-vous demander à vos services juridiques d’apporter une réponse aux élus qui sont confrontés à la situation concrète que j’ai évoquée ? Quand les faits se produisent cinq jours par semaine, trente-six semaines dans l’année, ils présentent bien un caractère répétitif et continu. Cela étant dit, je retire mon amendement.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la sénatrice, je m’engage à ce que mes services prennent contact avec vous dans la semaine ou en début de semaine prochaine pour regarder ce point.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je crois que les attentes des associations sont totalement satisfaites, même au-delà. Il y a un petit problème de rédaction. Je fais confiance au ministre et à la navette pour le régler. Nous sommes d’accord sur le fond, mais l’adoption de l’amendement du Gouvernement aurait pour effet de supprimer l’autre partie du dispositif. C’est un problème rédactionnel. La solution envisagée au travers de l’amendement n° 740 rectifié me semble satisfaire tout le monde.
Mme Patricia Schillinger. Pourquoi compliquer ainsi les choses au lieu d’adopter l’amendement du Gouvernement modifié par mon sous-amendement ? C’est une censure politique ! Je ne le supporte pas !
M. le président. L’amendement n° 120 rectifié, présenté par MM. Dallier, Bascher et Bazin, Mme Berthet, M. Bonhomme, Mme Boulay-Espéronnier, M. Brisson, Mme Bruguière, MM. Cambon, Chaize, Courtial et Danesi, Mme L. Darcos, MM. Daubresse, de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Deroche et Deromedi, M. Dufaut, Mme Eustache-Brinio, M. Grosperrin, Mme Gruny, M. Husson, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre et Longuet, Mme Malet, MM. Mandelli, Milon et Mouiller, Mme Noël, MM. Paul, Pellevat, Piednoir, Savary, Savin, Schmitz et Sol, Mme Troendlé, MM. Charon et del Picchia, Mmes Garriaud-Maylam et Imbert, MM. Karoutchi et H. Leroy, Mmes Procaccia et Chain-Larché, M. Cuypers, Mme Duranton, MM. B. Fournier, Gilles, Guené, Hugonet et Laménie, Mme Lamure, MM. Rapin et Segouin, Mmes Thomas et Delmont-Koropoulis et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° En matière de non-respect d’un arrêté de restrictions horaires pour la vente d’alcool à emporter sur le territoire de la commune, au sens de l’article L. 2213-34 du présent code.
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Cet amendement vise à étendre le pouvoir des maires en matière d’amende administrative aux cas de non-respect des horaires d’interdiction de vente d’alcool à emporter arrêtés par la commune.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Cette nouvelle procédure ne nous semble pas totalement adaptée aux cas visés par notre collègue.
Le prononcé d’une amende sera conditionné à l’existence d’un risque pour la sécurité des personnes. Or, selon nous, il sera quasiment impossible au maire d’établir que le non-respect des restrictions horaires imposées par un arrêté est de nature à créer un risque pour la sécurité des personnes. Il s’agit d’un enjeu de tranquillité publique.
En outre, le fait de contrevenir à la réglementation, y compris municipale, en matière de vente d’alcool peut d’ores et déjà être puni par une amende forfaitaire. Cela garantit une réponse pénale immédiate.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Concernant les amendements précédents, je prends l’engagement devant Mmes Assassi, Cukierman et Schillinger – cela figurera au Journal officiel – d’affiner le dispositif au cours de la navette.
Certes, les associations verront que le texte adopté par le Sénat fait référence aux personnes « sans domicile fixe » du fait de l’adoption de l’amendement n° 740 rectifié. Mais les professionnels du droit, eux, noteront que la rédaction retenue ne produit pas les effets juridiques escomptés et n’empêchera pas un maire de s’en prendre, le cas échéant, à des sans-abri. À ce stade, le texte voté par la Haute Assemblée n’atteint pas les objectifs annoncés.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 120 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 122 rectifié, présenté par MM. Dallier, Bascher et Bazin, Mme Berthet, M. Bonhomme, Mme Boulay-Espéronnier, M. Brisson, Mme Bruguière, MM. Cambon, Chaize, Courtial et Danesi, Mme L. Darcos, MM. Daubresse, de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Deroche et Deromedi, M. Dufaut, Mme Eustache-Brinio, M. Grosperrin, Mme Gruny, M. Husson, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre et Longuet, Mme Malet, MM. Mandelli, Milon et Mouiller, Mme Noël, MM. Paul, Pellevat, Piednoir, Savary, Savin, Schmitz et Sol, Mme Troendlé, MM. Charon et del Picchia, Mme Imbert, MM. Karoutchi et H. Leroy, Mme Chain-Larché, MM. Cuypers, B. Fournier, Gilles, Guené, Hugonet, Laménie et Rapin, Mmes Thomas et Delmont-Koropoulis et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 7, deuxième phrase
Supprimer les mots :
ou orales
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Cet amendement vise à supprimer la possibilité, pour le contrevenant, d’émettre des observations à la notification de son infraction de manière orale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Une telle modification ne nous semble pas souhaitable. Les dispositions légales générales applicables aux décisions administratives prévoient que le principe du contradictoire doit pouvoir s’exercer soit de manière écrite, soit de manière orale. C’est le cas pour toutes les mesures de sanction administrative. Il n’y a pas ici de raison d’introduire une exception.
Par ailleurs, dans la mesure où l’amende administrative constitue une décision ayant valeur de sanction, il convient de lui appliquer les principes du droit pénal, notamment en matière de droits de la défense. Dans ce contexte, limiter les conditions du contradictoire présente un risque sur le plan constitutionnel.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il y a de grands fondamentaux dans la définition du contradictoire, qui doit pouvoir s’exercer à l’oral comme à l’écrit. Si nous acceptons une telle restriction, pourquoi ne pas en accepter également d’autres, par exemple s’agissant des procédures judiciaires ?
Au demeurant, tous nos concitoyens n’écrivent pas forcément. Il faut la souplesse que permet l’oral. Ne changeons pas le droit.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement.
Mme Christine Lavarde. Nous le retirons.
M. le président. L’amendement n° 122 rectifié est retiré.
L’amendement n° 121 rectifié, présenté par MM. Dallier, Bascher et Bazin, Mme Berthet, M. Bonhomme, Mme Boulay-Espéronnier, M. Brisson, Mme Bruguière, MM. Cambon, Chaize, Courtial et Danesi, Mme L. Darcos, MM. Daubresse, de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Deroche et Deromedi, M. Dufaut, Mme Eustache-Brinio, M. Grosperrin, Mme Gruny, M. Husson, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, Longuet et Mandelli, Mme Malet, MM. Milon et Mouiller, Mme Noël, MM. Paul, Pellevat, Piednoir, Savary, Savin, Schmitz et Sol, Mme Troendlé, MM. Charon et del Picchia, Mmes Garriaud-Maylam et Imbert, MM. Karoutchi et H. Leroy, Mmes Procaccia et Chain-Larché, MM. Cuypers, B. Fournier, Gilles, Guené, Hugonet et Laménie, Mme Lamure, MM. Rapin et Segouin, Mmes Thomas et Delmont-Koropoulis et M. Gremillet, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 7, deuxième phrase
Remplacer le mot :
quinze
par le mot :
dix
II. – Alinéa 8
1° Remplacer les mots :
de quinze
par les mots :
de dix
2° Remplacer les mots :
qui ne peut être inférieur à quinze jours
par les mots :
de dix jours
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Dans sa rédaction actuelle, l’article 15 donne quinze jours au contrevenant pour formuler des observations à la notification qu’il a reçue du maire. Une fois ce délai passé, le maire met en demeure le contrevenant qui doit se conformer dans un nouveau délai de quinze jours. Ainsi, si un individu ne prête pas attention aux demandes du maire, il pourra se passer un mois avant que l’amende ne lui soit infligée. Cet amendement vise donc à réduire chacun de ces deux délais à dix jours.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Cette fois, le contradictoire est tout à fait respecté, et cet amendement nous paraît aller dans le bon sens. L’avis de la commission est donc favorable.
M. Philippe Mouiller. Bravo !
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 65 rectifié ter, présenté par Mme Vermeillet, MM. Joyandet, Cuypers, Lefèvre, L. Hervé, Bouchet et Piednoir, Mme Férat, M. Janssens, Mmes N. Goulet et Ramond, MM. Cigolotti, Mandelli et Médevielle, Mme A.M. Bertrand, MM. Laménie, Houpert, Chasseing, Bonhomme, Karoutchi et Vanlerenberghe, Mme Billon, MM. Longeot et Détraigne, Mme Saint-Pé, MM. Maurey, H. Leroy et Henno, Mmes Létard et Vullien, MM. de Nicolaÿ, Paccaud, Canevet, Lafon et Laurey, Mmes C. Fournier, Berthet, Vérien et Sollogoub, MM. Fouché, Grosperrin, Panunzi, Louault, Le Nay, P. Martin et Bonne et Mme Bories, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 222-13 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Conformément aux articles L. 2122-24 et L. 2122-31 et dans les conditions prévues à l’article L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, pour le délit prévu au premier alinéa du présent article, lorsque l’infraction est commise à l’encontre d’un maire ou d’un de ses adjoints dans des circonstances prévues au 4° du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 800 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 640 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 600 euros. » ;
2° L’article 322-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Conformément aux articles L. 2122-24 et L. 2122-31 et dans les conditions prévues à l’article L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, pour le délit prévu au deuxième alinéa du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 330 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 300 euros. » ;
3° L’article 322-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Conformément aux articles L. 2122-24 et L. 2122-31 et dans les conditions prévues à l’article L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, lorsque l’infraction définie aux premier et deuxième alinéas de l’article 322-1 du présent code est commise dans des circonstances prévues au 8° du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 800 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 640 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 600 euros. » ;
4° L’article 322-3-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Conformément aux articles L. 2122-24 et L. 2122-31 et dans les conditions prévues à l’article L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, pour le délit prévu au premier alinéa et lorsque l’infraction est commise dans des circonstances prévues aux 3° et 4° du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 800 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 640 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 600 euros. » ;
5° L’article 433-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Conformément aux articles L. 2122-24 et L. 2122-31 et dans les conditions prévues à l’article L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, pour le délit prévu au premier alinéa et commis dans les circonstances prévues au deuxième alinéa du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 330 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 300 euros. »
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement, cosigné par de très nombreux collègues, répond à une demande forte des maires.
Partout en France, ces élus éprouvent le même sentiment de ras-le-bol face à la multiplication des incivilités et des agressions verbales ou physiques dont ils font l’objet dans l’exercice de leur mandat.
Les maires, premiers représentants de l’État dans nos communes, doivent être mieux protégés dans leurs fonctions, tout particulièrement dans les territoires ruraux.
En tant qu’officier de police judiciaire, un maire ou un adjoint au maire peut disposer d’un carnet à souche d’amendes forfaitaires, afin de verbaliser lui-même les contraventions susceptibles d’être sanctionnées par le système de l’amende forfaitaire.
Toutefois, les maires sont impuissants lorsqu’il s’agit de réprimer des infractions ne relevant pas de la simple contravention auxquelles ils sont pourtant directement confrontés ou dont ils sont les victimes : violences physiques, violences verbales, outrages, destruction, dégradation ou détérioration de biens appartenant au domaine public mobilier ou immobilier.
Ces délits sont actuellement uniquement réprimés par une peine de prison ou une forte amende. On le sait, les peines sont peu prononcées, donc peu dissuasives. Il y a un décalage entre l’arsenal théoriquement très répressif et une réponse pénale concrètement peu dissuasive, qui ne permet pas d’enrayer la progression des incivilités.
Cet amendement vise donc à donner aux maires la possibilité de sanctionner ces infractions directement dans le cadre de leur pouvoir de police par une procédure d’amende forfaitaire d’un montant de 500 euros ou 800 euros, selon la nature du délit. La mise en place d’amendes forfaitaires délictuelles permet une réponse plus rapide, plus effective, donc plus dissuasive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je comprends parfaitement les motivations des auteurs de cet amendement, mais le dispositif proposé présente un danger majeur.
Une telle mesure pourrait se révéler totalement contre-productive, car elle conduirait à exclure le prononcé d’une peine d’emprisonnement, aboutissant à l’extinction de l’action publique, ce qui peut être grave s’agissant de tels délits.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je demande le retrait de cet amendement, qui porte sur du droit pénal. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour explication de vote.
Mme Sylvie Vermeillet. Je maintiens mon amendement. En effet, comme les sanctions pénales ne sont pas prononcées, les maires, qui n’ont aucune autre solution, ne sont pas respectés et continuent d’être agressés.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je ne suis pas sûr qu’un carnet à souche permette d’éviter les coups de mitraillette !
M. le président. Je mets aux voix l’article 15, modifié.
(L’article 15 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 15
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 93 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand, Cabanel, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall.
L’amendement n° 611 rectifié est présenté par MM. Bonhomme, Sido et H. Leroy, Mme Deromedi et MM. Mandelli, Laménie, Bonne et Piednoir.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 581-24 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 581-24-… ainsi rédigé :
« Art. L. 581-24-…. – Nonobstant l’application des articles L. 581-29 et L. 581-31, lorsque l’auteur de la publicité ou du marquage au sol a délibérément procédé à l’apposition ou l’installation d’une publicité, enseigne ou préenseigne sur un immeuble, un mobilier urbain ou au sol, le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés peut, sur requête de la commune dans laquelle est située la publicité irrégulièrement apposée ou marquée sur l’immeuble, le sol ou le mobilier urbain, condamner le contrevenant au paiement d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par préenseigne, publicité ou enseigne illicitement apposée.
« Lorsque le contrevenant est une personne morale ayant une activité commerciale le montant de l’amende prononcée peut atteindre 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France, lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel la publicité a été apposée ou installée.
« Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est installée la publicité. »
La parole est à M. Éric Gold, pour présenter l’amendement n° 93 rectifié.
M. Éric Gold. Un régime de contraventions pénales et d’amendes administratives est aujourd’hui prévu pour lutter contre les publicités ne respectant pas la réglementation, mais ces sanctions sont rarement appliquées.
Pour plus d’efficacité, il est proposé d’instituer un système d’amendes civiles en matière de publicité sauvage sur le mobilier urbain et sur le sol. Prononcée par le préfet, l’amende civile pourrait, par son coût plus élevé, avoir un caractère plus dissuasif que le dispositif actuel. La procédure s’en trouverait aussi simplifiée. Contrairement à la contravention pénale, l’amende civile ne nécessite pas l’intervention du parquet pour diligenter les poursuites.
Cet amendement vise donc à doter les communes d’un véritable outil de lutte contre de telles pratiques par le prononcé d’une amende civile.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 611 rectifié.
M. Marc Laménie. L’amende civile est prononcée par une juridiction judiciaire pour des faits qui ne sont pas constitutifs d’une infraction pénale et ne requièrent donc pas l’intervention du parquet pour diligenter les poursuites. Si notre amendement est adopté, les communes pourront agir pour obtenir le prononcé d’une telle amende.
M. le président. L’amendement n° 703 rectifié, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 581-24 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 581-24-… ainsi rédigé :
« Art. L. 581-24-…. – Nonobstant l’application des articles L. 581-29 et L. 581-31, lorsque l’auteur de la publicité ou du marquage au sol a délibérément procédé à l’apposition ou l’installation d’une publicité, enseigne ou préenseigne sur un immeuble, un mobilier urbain ou au sol, le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés peut, sur requête de la commune dans laquelle est située la publicité, condamner le contrevenant au paiement d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par préenseigne, publicité ou enseigne illicitement apposée.
« Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est installée la publicité. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Dans le même esprit que les précédents, cet amendement vise à mettre en place un système d’amende civile pour lutter contre l’affichage publicitaire ne respectant pas la réglementation.
M. le président. L’amendement n° 741 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Féraud, Assouline, Jomier, Kerrouche, Durain, Marie, Kanner, Jacques Bigot et Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé, Courteau, Daunis, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 581-24 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 581-24-… ainsi rédigé :
« Art. L. 581-24-…. – Sans préjudice des articles L. 581-29 et L. 581-31, lorsque l’auteur de la publicité ou du marquage au sol a délibérément procédé à l’apposition ou l’installation d’une publicité, enseigne ou préenseigne sur un immeuble, un mobilier urbain ou au sol, le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés peut, sur requête de la commune dans laquelle est située la publicité, l’enseigne ou la préenseigne condamner le contrevenant au paiement d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 3 500 € par préenseigne, publicité ou enseigne illicitement apposée, et 7 500 € lorsque le contrevenant est une personne morale ayant une activité commerciale.
« Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune concernée. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Notre amendement est un peu différent de ceux qui viennent d’être présentés, même si nous partageons l’objectif de sanctionner plus efficacement les contrevenants.
Nous proposons un dispositif moins coûteux pour les contrevenants : l’amende serait de 3 500 euros par infraction, ce montant étant porté à 7 500 euros lorsqu’il s’agit d’une personne morale. Nous savons bien, en effet, que les entreprises incluent dans leur budget le coût éventuel d’une sanction.
L’amende civile est plus efficace, puisque les parquets ne poursuivent pas. Quel que soit l’amendement adopté, il importe que l’amende civile soit à la diligence de la commune.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Les auteurs de ces quatre amendements proposent un mécanisme assez innovant, intéressant sur le fond, mais, d’un point de vue juridique, la répression d’une faute relève quasi exclusivement d’une amende pénale. C’est d’ailleurs pourquoi le recours à la procédure de l’amende civile est aujourd’hui limité à certains contentieux dans lesquels les fautes commises sont très lucratives, principalement en matière de pratiques restrictives de concurrence et d’atteinte au droit de la propriété incorporelle.
L’extension de l’amende civile devrait être à l’ordre du jour de la réforme annoncée de la responsabilité civile. Dans l’attente, il n’apparaît pas souhaitable de l’étendre au cas par cas à des infractions de plus faible ampleur sans vision d’ensemble.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Il y a, me semble-t-il, une confusion dans l’esprit de M. le rapporteur et de M. le ministre.
Si nous avons fait le choix de réduire le montant envisagé de l’amende civile – dans un premier temps, nous proposions de le fixer à la même hauteur que les auteurs des autres amendements –, c’est précisément pour ne pas encourir le reproche d’être dans le champ de la sanction pénale.
Par ailleurs, M. le rapporteur a indiqué que la répression relevait « quasi exclusivement » de l’amende pénale. Tout est dans le « quasi ». Il peut y avoir amende civile lorsque l’infraction est en lien avec une activité lucrative. C’est le cas en l’espèce : les publicités sont réalisées aux frais de la collectivité ; elles ne coûtent donc rien à leurs bénéficiaires, mais sont très lucratives.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. M. le rapporteur a fait référence à la réflexion sur la réforme de responsabilité civile qui est en cours à la Chancellerie. En réalité, cette réflexion est très critiquée, tant par les entreprises que par le Syndicat de la magistrature.
Il me paraît donc inutile d’attendre les conclusions de ces travaux pour instituer une amende civile. Mieux vaut tenter aujourd’hui cette option sur un sujet précis. Les juges n’ont pas l’habitude de prononcer de telles amendes. Cela pourrait être un premier pas. Mettons dès aujourd’hui en place ce mécanisme, dont nous approuvons tous, semble-t-il, le principe, et nous verrons bien quelle sera la pratique.
Nous devons répondre aux attentes des maires et de nos concitoyens face aux abus qui ont été évoqués.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 93 rectifié et 611 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 610 rectifié est présenté par MM. Bonhomme, Sido et H. Leroy, Mme Deromedi et MM. Mandelli et Laménie.
L’amendement n° 702 rectifié est présenté par M. Karoutchi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 581-27 et au premier alinéa de l’article L. 581-28 du code de l’environnement, les mots : « quinze jours » sont remplacés par les mots : « quarante-huit heures ».
La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 610 rectifié.
M. Marc Laménie. Le délai de quinze jours prévu pour enlever des affichages et marquages nuisant au paysage urbain va à l’encontre de l’objectif de célérité. Nous proposons donc de le réduire à quarante-huit heures.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 702 rectifié.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement vise à ramener de quinze jours à quarante-huit heures le délai d’application d’un arrêté ordonnant la suppression ou la mise en conformité de dispositifs publicitaires.
M. le président. L’amendement n° 726 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Féraud, Assouline, Jomier, Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme Harribey, MM. Leconte, Fichet, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé, Courteau, Daunis, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 581-27, à la première phrase de l’article L. 581-28 et à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 581-30 du code de l’environnement, le mot : « quinze » est remplacé par le mot « cinq ».
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Dans le cadre des échanges comme toujours très intéressants que nous avons eus en commission, il est apparu qu’un délai de quarante-huit heures – que nous avions également envisagé dans un premier temps – était trop bref et ne permettait pas l’exercice du contradictoire. Nous proposons donc un délai de cinq jours. Je suis certaine que cela emportera la conviction de la commission et – qui sait ? – de la majorité du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 92 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 581-27 et à la première phrase de l’article L. 581-28 du code de l’environnement, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « cinq ».
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Le groupe RDSE avait proposé un délai de cinq jours. Or c’est le consensus qui s’est dégagé en commission. Nous avons visiblement convaincu nos collègues du groupe socialiste !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Nous avons ici la preuve que des échanges nourris peuvent permettre de convaincre la commission. Nous étions sur un délai de dix jours, mais nous avons entendu l’impérieuse nécessité qu’il y avait à réduire ce délai, pour des raisons que chacun ici comprendra. Pour autant, nous voulions garantir le respect du contradictoire. Chacun a fait un pas en direction de l’autre.
J’émets donc un avis de sagesse très favorable sur l’abaissement du délai à cinq jours, en sollicitant le retrait des amendements identiques nos 610 rectifié et 702 rectifié au profit de cette solution.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je n’ai pas assisté aux travaux de la commission des lois, mais je me rattrape en rejoignant M. le rapporteur : avis favorable sur les amendements tendant à ramener le délai à cinq jours et demande de retrait des deux autres amendements. La convergence proposée par la commission me semble être une bonne chose.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je retire mon amendement au nom de la convergence démocratique, afin que les socialistes cessent de nous croire sectaires ! (Exclamations amusées.)
M. le président. L’amendement n° 702 rectifié est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 610 rectifié, monsieur Laménie ?
M. Marc Laménie. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 610 rectifié est retiré.
Je signale que l’adoption de l’amendement n° 726 rectifié aurait pour effet de rendre sans objet l’amendement n° 92 rectifié.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Je souhaite savoir quelle rédaction, la mienne ou celle de Mme de la Gontrie, est la meilleure. Je suis prête à retirer mon amendement dans le second cas.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. À nos yeux, la meilleure rédaction est celle qui est proposée au travers de l’amendement n° 726 rectifié. Je propose donc d’adopter cet amendement.
M. le président. Madame Delattre, souhaitez-vous rectifier votre amendement pour le rendre identique à celui de Mme de la Gontrie ?
Mme Nathalie Delattre. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 92 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Requier et Roux, et ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 581-27, à la première phrase de l’article L. 581-28 et à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 581-30 du code de l’environnement, le mot : « quinze » est remplacé par le mot « cinq ».
Je mets aux voix les amendements identiques nos 726 rectifié et 92 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15.
L’amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, MM. Bascher et Bazin, Mme Berthet, MM. Bizet et Bonnecarrère, Mme Boulay-Espéronnier, M. Brisson, Mme Bruguière, MM. Cambon et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Courtial, Cuypers, Dallier, Daubresse, Decool et Delahaye, Mme Deromedi, M. Dufaut, Mmes Dumas, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Genest, Mme N. Goulet, MM. Grosdidier et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guerriau, Husson, Karoutchi, Kennel, Kern et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Lherbier et Lopez, MM. Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon et Moga, Mme Noël, MM. Paccaud, Pellevat, Pemezec, Perrin et Pierre, Mmes Procaccia et Puissat, MM. Raison, Rapin, Regnard, Savary, Savin, Schmitz, Sido et Sol, Mme Thomas et MM. Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du II de l’article L. 541-46 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de constatation de l’infraction mentionnée au 4° du I du présent article, le maire et les adjoints peuvent, avec l’autorisation préalable du procureur de la République donnée par tout moyen, faire procéder à l’immobilisation et à la mise en fourrière du véhicule. En cas de condamnation prononcée pour l’infraction mentionnée au même 4°, le véhicule n’est restitué au condamné qu’après sa remise en liberté ou le paiement de l’amende. Les frais d’enlèvement et de garde en fourrière sont à la charge de ce dernier. »
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. La lutte contre les dépôts sauvages de déchets est devenue une priorité des élus locaux, de plus en plus confrontés à ce type d’incivilités, qui portent non seulement atteinte à l’environnement, mais pèsent également lourdement sur les budgets des collectivités locales.
Le présent amendement vise à autoriser les maires et les adjoints, qui ont la qualité d’officier de police judiciaire, conformément à l’article 16 du code de procédure pénale, à faire procéder, après autorisation du procureur de la République, à l’immobilisation et à la mise en fourrière du véhicule ayant servi à transporter les déchets, matériaux et autres objets abandonnés, jetés ou déversés illégalement.
Monsieur le ministre, j’ai entendu vos déclarations sur un amendement de M. Temal relatif à l’économie circulaire. Pour ma part, j’ai fait adopter un amendement en la matière prévoyant une confiscation en cas de récidive après condamnation à une amende. Le dispositif que je propose ici n’est pas redondant ; il est au contraire complémentaire : je souhaite donner au maire le pouvoir de police pour saisir un véhicule et le mettre en fourrière avant décision de justice.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Cet amendement, dont nous approuvons totalement les objectifs, nous semble déjà satisfait par le droit actuel. L’article R. 635-8 du code pénal et l’article L. 325-1-1du code de la route permettent aux officiers de police judiciaire et aux agents de police judiciaire d’immobiliser et de mettre en fourrière, après accord du procureur, un véhicule ayant servi à réaliser un dépôt sauvage d’ordures. Or le maire et ses adjoints ont un statut d’officier de police judiciaire.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Darcos, l’amendement n° 19 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Non, monsieur le président : à la déception générale des cosignataires, je le retire. Je suis très heureuse qu’il soit satisfait !
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.)
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
10
Candidatures à une commission d’enquête
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête afin d’évaluer l’intervention des services de l’État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen.
En application de l’article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
11
Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
Articles additionnels après l’article 15 (suite)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 727 rectifié ter, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Kerrouche, Durain, Marie, Antiste, Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Éblé et Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier, Monier et Préville, M. Raynal, Mmes S. Robert et Rossignol, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini et Tourenne, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du IV de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La commune peut décider par délibération de fixer une limite inférieure à 120 jours, qui ne peut être inférieure à 30 jours au cours d’une même année civile. »
L’amendement n° 729 rectifié ter, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Kerrouche, Durain, Marie, Antiste, Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Éblé et Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier, Monier et Préville, M. Raynal, Mmes S. Robert et Rossignol, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini et Tourenne, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du IV de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La commune peut décider par délibération de fixer une limite inférieure à 120 jours, qui ne peut être inférieure à 60 jours au cours d’une même année civile. »
L’amendement n° 728 rectifié ter, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Kerrouche, Durain, Marie, Antiste, Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Éblé et Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier, Monier et Préville, M. Raynal, Mmes S. Robert et Rossignol, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini et Tourenne, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du IV de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La commune peut décider par délibération de fixer une limite inférieure à 120 jours, qui ne peut être inférieure à 90 jours au cours d’une même année civile. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour présenter ces trois amendements.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ces amendements ont vocation à donner aux maires des pouvoirs de modulation de la durée maximale de location des meublés de tourisme.
Aujourd’hui, la loi fixe cette limite à 120 jours, soit quatre mois, ce qui encourage souvent les propriétaires à se détourner des modes de location classiques. La loi impose également un processus d’enregistrement pour les communes de plus de 200 000 habitants.
Cette limite de quatre mois est finalement fort peu contraignante. Je parle en tant qu’élue de Paris, mais les échanges que j’ai eus avec mes collègues, notamment en commission des lois, m’ont confirmé que toutes les grandes villes et toutes les villes touristiques sont concernées. Des propriétaires décident de ne plus offrir à la location « classique » leur bien et préfèrent le proposer sur des plateformes de location de courte durée, de type Airbnb – il en existe des dizaines d’autres du même genre. En conséquence, un grand nombre de logements sont retirés du marché locatif classique. À Paris, par exemple, entre 20 000 et 30 000 logements sont ainsi détournés.
En commission des lois a été évoquée, à propos de ces amendements, une éventuelle atteinte au droit de propriété. La Cour de cassation, saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité, a écarté ce moyen, considérant que, dès lors que l’intérêt général était poursuivi, il n’y avait pas d’atteinte au droit de propriété.
Au travers de ces trois amendements, nous proposons que les communes puissent fixer elles-mêmes le plafond de durée de location. L’amendement n° 727 rectifié ter prévoit qu’il soit compris entre 30 et 120 jours. J’ai compris, lors des échanges en commission des lois, que certains estimaient trop courte une durée de 30 jours et ne voulaient pas laisser autant de latitude aux maires. C’est pourquoi nous avons déposé deux amendements de repli, fixant la limite inférieure l’un à 60 jours, l’autre à 90 jours.
Voulons-nous donner aux maires la possibilité de délibérer pour que, dans leur ville, on ne puisse pas louer sur ce type de plateformes plus de 30 jours, 60 jours ou 90 jours, ou au contraire laisser partout la limite à cent vingt jours, au risque que les habitants « réels » des grandes métropoles et des communes touristiques ne trouvent plus à se loger ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Nous avons eu l’occasion de débattre de ce sujet en commission, et au-delà. Élu d’un département touristique, je sais l’importance de ce sujet.
Ces trois amendements tendent à permettre aux communes de moduler la période maximale pendant laquelle il est possible de louer sa résidence principale en tant que meublé touristique, en particulier sur une plateforme de type Airbnb.
Le minimum prévu par les trois amendements est respectivement de trente, de soixante et de quatre-vingt-dix jours. La législation actuelle est complexe. Comme nous l’avons souligné en commission, il serait sans doute pertinent de laisser le temps à la loi ÉLAN produire ses effets. Elle a permis d’atteindre un équilibre entre le droit de propriété et la lutte contre les pénuries de logements, en durcissant les règles applicables. Tous les décrets d’application n’ont pas encore été pris et il semble trop tôt pour modifier ce dispositif.
Ma chère collègue, la mesure que vous proposez porte forcément atteinte au droit de propriété, puisqu’elle limite la possibilité de percevoir des revenus immobiliers. Le juge évalue si cette atteinte est proportionnée au motif d’intérêt général recherché. En l’occurrence, ce n’est pas le cas. En effet, ce dispositif n’aura pas d’incidence sur la pénurie de logements, car il s’applique aux résidences principales, qui, par définition, sont occupées huit mois dans l’année par leurs propriétaires.
En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Même avis que la commission.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. C’est argumenté, ça !
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je tiens à insister sur le fait que la possibilité de louer sa résidence principale en tant que meublé de tourisme déstructure le marché locatif classique dans les zones touristiques. J’habite moi-même une commune littorale où les effets de l’activité de ces plateformes de location se manifestent. Certains biens immobiliers sont achetés spécifiquement aux fins de les louer dans ce cadre. Des gens ne trouvent plus à se loger faute d’offre locative classique. Si l’on ne prend pas des mesures drastiques, les difficultés risquent de devenir de plus en plus grandes en la matière pour la population dans certaines parties du territoire, sachant que le logement social est atteint par ricochet.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Nous partageons tous l’objectif de réduire ce mode de location qui diminue les possibilités de se loger dans les grandes villes, ainsi que dans les villes touristiques.
Je souscris aussi aux propos du rapporteur sur la loi ÉLAN. Elle a apporté des améliorations significatives, qui doivent encore prospérer, mais qui devraient permettre de mieux réguler les locations de type Airbnb.
Les amendements que nous examinons ne prennent en compte que le critère de la durée de location. Ils ne prévoient pas la possibilité, pour un maire, de définir un zonage en délimitant, au sein de sa commune, les endroits où ce type de locations ferait l’objet de restrictions particulières. À Paris, par exemple, les situations peuvent être différentes selon les arrondissements. Surtout, ces amendements ne font pas de différence entre les particuliers et les professionnels. Or les abus tiennent avant tout au fait que des professionnels de l’immobilier ont acheté des logements, voire des immeubles entiers, aux fins de les louer en tant que meublés de tourisme, ce qui constitue un véritable détournement de la réglementation. En revanche, certains particuliers, appartenant notamment aux classes moyennes, louent leur logement parce qu’ils ont réellement besoin de s’assurer un complément de revenu.
Ne pourrait-on travailler pour affiner encore le dispositif ? En matière de durée de location, il faut sans doute se pencher à la fois sur le plafond et le plancher. Les questions de la distinction entre professionnels et particuliers et du zonage, notamment pour les grandes communes, se posent également.
Je partage l’objectif des auteurs de ces amendements, mais, pour les raisons que je viens d’exposer, je ne pourrai pas les voter en l’état.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Il faut attendre, paraît-il, que la loi ÉLAN produise ses effets… On risque de devoir attendre un moment !
À Paris, mais aussi dans certaines autres villes d’Île-de-France ou dans certaines zones touristiques, de nombreux quartiers sont devenus morts. Ils ne sont plus animés que par des gens de passage. Il n’y a plus de vrais habitants, de vrais commerces du quotidien : ce ne sont plus de vraies villes !
Un plafond de soixante jours me paraît raisonnable. D’aucuns estiment que plafonner ainsi la durée de location porterait atteinte au droit constitutionnel de propriété. Mais dans ce cas, la limite de 120 jours prévue aujourd’hui par la loi constitue déjà une atteinte au droit de propriété ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe SOCR.)
M. Julien Bargeton. Bien sûr !
M. Roger Karoutchi. Il ne s’agit que de donner aux maires une faculté : ils ne seront nullement obligés de l’utiliser. Il ne me semble pas insensé de prévoir qu’un maire dont le cœur de ville est en train de mourir faute d’habitants permanents puisse limiter la durée de ces locations à soixante jours !
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Il est difficile d’intervenir après Roger Karoutchi, qui vient d’exposer les arguments les plus pertinents en faveur de ces amendements. Leur dispositif est très modéré et n’introduit aucune rupture de principe par rapport à la réglementation actuelle.
On a évoqué le droit constitutionnel de propriété : je rappelle que le droit au logement est lui aussi un droit constitutionnel, remis en question par l’éviction du marché des vrais habitants de nos grandes villes et des zones touristiques.
J’entends l’argument de Julien Bargeton sur la différence entre professionnels et particuliers. Cela étant, la possibilité, pour les particuliers, de louer leur logement jusqu’à 120 jours par an a des effets inflationnistes importants sur les prix de l’immobilier. On le voit bien dans le centre de Paris.
Nous avons saisir l’occasion d’avancer et de fixer une règle supplémentaire.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Paris et l’Île-de-France ne sont pas les seules zones concernées. Strasbourg l’est également, par exemple.
La location sur Airbnb a évolué pour devenir un vrai business. Aujourd’hui, des promoteurs immobiliers en font un argument de vente : trois mois de location sur Airbnb à un tarif proche de celui de la nuitée hôtelière, c’est plus intéressant et moins contraignant qu’une location classique. De telles stratégies contrecarrent les efforts des élus pour créer du logement, ce qui est toujours difficile, nos concitoyens ayant du mal à accepter la construction de nouveaux immeubles. Or ce sont précisément les élus locaux qui sont compétents pour définir la politique du logement. Laissons-leur le soin de moduler la durée maximale de location en meublé de tourisme en fonction de la situation.
On parle beaucoup de la libre administration des collectivités territoriales : ces amendements lui donnent une portée concrète !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 727 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15, et l’amendement n° 728 rectifié ter n’a plus d’objet.
L’amendement n° 453 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Daubresse, Perrin, Lefèvre, Milon, de Legge, Cuypers, del Picchia, Schmitz, D. Laurent et Grand, Mmes Di Folco et Gruny, M. Piednoir, Mme Bories, MM. Laménie, Mandelli, Raison et Rapin, Mmes Lamure et Deroche, M. H. Leroy, Mme Goy-Chavent, M. Frassa, Mme Bruguière, MM. Calvet, Bockel, Karoutchi, Sol et Mouiller, Mmes N. Goulet, Thomas et Chain-Larché, M. Henno, Mmes Billon, Deromedi et Lassarade, M. Kern, Mme Férat, M. Kennel, Mme Troendlé, MM. Saury, Bazin et Pierre, Mme Lopez et MM. Moga, Louault, Chaize et Longeot, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 51 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’affichage électoral apposé en dehors des emplacements prévus au présent article, le maire ou à défaut le préfet peut, après une mise en demeure, procéder à la dépose d’office des affiches. Si le candidat ou les candidats en cause ne parviennent pas à apporter la preuve de leur absence de responsabilité, le coût du nettoyage de cet affichage est imputé sur le remboursement des dépenses de propagande électorale prévu au second alinéa de l’article L. 167. Un décret fixe les modalités de mise en demeure, de calcul et de remboursement. »
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. La première partie de cet amendement a déjà été adoptée par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral. La seconde partie n’aurait pas été retenue, semble-t-il, parce que la jurisprudence reconnaît déjà la possibilité d’imputer sur les deniers personnels du candidat le coût de l’enlèvement des affiches sauvages. C’est du moins l’explication qui a été avancée par le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale.
Je souhaiterais connaître la position du rapporteur de la commission des lois et du Gouvernement sur ce sujet, avant le cas échéant de retirer l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Mon cher collègue, je me souviens vous avoir entendu évoquer votre traversée du pays, qui vous a permis de constater que l’affichage électoral sauvage était omniprésent !
Nous sommes bien évidemment très sensibles à ce problème, qui empoisonne la vie de beaucoup d’élus, mais il nous semble relever plutôt des propositions de loi relatives au droit électoral déposées par notre collègue Alain Richard, en cours d’examen devant le Parlement. Je note d’ailleurs que l’Assemblée nationale a conservé une partie de votre dispositif, monsieur Reichardt, en prévoyant la dépose d’office des affiches sauvages. En revanche, l’imputation du nettoyage sur les comptes de campagne du candidat est une question plus délicate, l’affichage sauvage pouvant notamment résulter de l’action isolée d’un militant, voire d’un adversaire.
La commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je sollicite également le retrait de cet amendement. Le sujet est réel, mais certains pourraient être tentés de détourner un tel dispositif lors des campagnes électorales, au détriment de la liberté d’expression.
M. le président. Monsieur Reichardt, l’amendement n° 453 rectifié est-il maintenu ?
M. André Reichardt. On m’indique que la jurisprudence permet d’ores et déjà de demander au candidat le remboursement sur ses deniers personnels des frais d’enlèvement des affiches litigieuses. Est-ce bien exact ? Si oui, mon amendement est entièrement satisfait et je pourrai le retirer.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. C’est bien exact, monsieur Reichardt. J’espère que le Gouvernement confirmera ce point la semaine prochaine à l’Assemblée nationale.
M. André Reichardt. Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 453 rectifié est retiré.
L’amendement n° 883 rectifié, présenté par Mme Loisier et M. Longeot, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le montant des contraventions pour dépôt sauvage d’objet est reversé à la collectivité émettrice.
Un décret précise les modalités d’application du présent article.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Les collectivités territoriales dressent des contraventions pour les dépôts sauvages sur leur territoire. Le montant de ces contraventions est jusqu’à présent reversé au budget de l’État. Pour plus de cohérence, cet amendement vise à ce que ce montant soit reversé directement à la collectivité émettrice.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Nous n’avons pas pu expertiser suffisamment le dispositif. Ce sujet est très complexe. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je rappelle la position d’équilibre que nous avions collectivement trouvée. Le produit des amendes pénales revient à l’État, une partie pouvant, par exception, aller aux collectivités locales – je pense notamment au produit des amendes de police.
La belle innovation introduite par ce texte, sur laquelle le Gouvernement et la commission sont tombés d’accord, consiste à attribuer au budget des communes le produit des amendes administratives lié aux procès-verbaux dressés par le maire. Pour le reste, il me semble préférable de ne pas réformer nuitamment le circuit financier des amendes pénales…
En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Longeot, l’amendement n° 883 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Non, je le retire, monsieur le président. J’attire toutefois l’attention sur le fait que les élus prennent des responsabilités : une partie du produit des amendes pourrait, à ce titre, revenir au budget des collectivités.
M. le président. L’amendement n° 883 rectifié est retiré.
L’amendement n° 429, présenté par MM. Jacquin, Joël Bigot, Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé, Courteau et Daunis, Mmes Préville et Taillé-Polian, MM. Jomier, Lurel, P. Joly, Houllegatte et Vaugrenard, Mmes Lepage et Jasmin, M. M. Bourquin, Mme Ghali, M. Tourenne, Mme Conway-Mouret, M. Manable, Mme G. Jourda, M. Devinaz, Mme Meunier, M. Tissot, Mme Perol-Dumont, MM. Antiste et Daudigny, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2212-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2212-2-…. – Lorsque le maire constate la présence d’un dépôt sauvage dont l’auteur est identifié, il avise le contrevenant des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu’il encourt. Il l’informe également de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de quarante-huit heures. À l’expiration de cette procédure contradictoire, le maire ordonne le versement d’une amende administrative et met le contrevenant en demeure d’effectuer les opérations nécessaires au respect de la réglementation relative aux déchets, en précisant le délai dans lequel ces opérations devront être effectuées.
« Si le contrevenant met en œuvre l’intégralité des opérations prescrites avant la fin du délai fixé dans la mise en demeure, il doit produire un justificatif établissant que les opérations ont été réalisées en conformité avec la réglementation en vigueur. Seule la production de ce justificatif interrompt la procédure des sanctions administratives.
« À l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, si les opérations prescrites n’ont pas été réalisées ou si elles l’ont été partiellement, le maire ordonne le versement d’une astreinte journalière jusqu’à la mise en œuvre de l’intégralité des opérations exigées par la mise en demeure.
« Si l’inaction du contrevenant est à l’origine d’un trouble du bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la salubrité, le maire fait procéder à l’exécution d’office des opérations prescrites par la mise en demeure, aux frais du contrevenant. Le montant mis à la charge du contrevenant est calculé, à la convenance de la commune, soit sur la base des frais réels, soit par application de forfaits établis en fonction de la quantité et de la difficulté des travaux.
« Le recouvrement des frais engagés par la collectivité s’effectue par l’émission d’un titre de recette auprès du comptable public. »
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Cet amendement vise à lutter contre les dépôts sauvages. Dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs de police, le maire se trouve démuni pour sanctionner le non-respect de la réglementation en la matière. La voie pénale n’est pas toujours adaptée, notamment en raison des classements sans suite, très fréquents. Elle n’apporte de surcroît aucune solution pour la réparation des dommages. La voie administrative est rarement employée alors qu’elle permet, à travers la procédure de l’exécution d’office des travaux, de remédier aux désordres constatés.
La procédure administrative courante, définie à l’article L. 541-3 du code de l’environnement, s’applique à tous les manquements relatifs à la réglementation sur la gestion des déchets, depuis la décharge illégale de plusieurs hectares jusqu’au mètre cube de gravats abandonnés au bord d’un chemin. Dans les faits, elle est surtout adaptée aux procédures mises en œuvre par les services de l’État. Introduire une procédure plus adaptée aux besoins des maires dans le code général des collectivités territoriales permettrait de distinguer la procédure pour les atteintes majeures à l’environnement, qui relèvent plutôt des services de l’État, et la lutte contre les dépôts sauvages, qui relève de la compétence des maires.
Dans le cas de la lutte contre les dépôts sauvages, il est nécessaire d’intervenir assez rapidement, car l’absence de sanctions pendant une durée longue – le temps de la procédure – confirme les contrevenants dans le sentiment de leur impunité et incite d’autres contrevenants à déposer des déchets sur le dépôt existant. C’est pourquoi l’amendement proposé inverse l’exécution d’office et le versement du montant des travaux.
Plutôt que la consignation d’une somme entre les mains du comptable public avant l’exécution d’office, l’amendement prévoit la réalisation des travaux, suivie du recouvrement de la dépense auprès des contrevenants. Cette dernière procédure est plus rapide et plus adaptée à des montants de travaux susceptibles d’être réglés par des particuliers. La consignation préalable relève davantage de dommages et de travaux importants.
L’amendement proposé précise les conditions de mise en œuvre de l’exécution d’office et, surtout, permet de mieux graduer la sanction administrative dans le temps, tout en préservant les droits du contrevenant à présenter des observations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
La procédure d’amende administrative prévue par l’article 15 du projet de loi couvrira les dépôts sauvages sur le domaine public. L’amendement me paraît donc satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je sollicite également le retrait de cet amendement, pour une autre raison encore.
Comme vous le savez, nous avons engagé la fusion de deux opérateurs, l’Agence française pour la biodiversité et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS. À la faveur de la création du nouvel Office français de la biodiversité, nous avons renforcé certains pouvoirs de police en la matière. En particulier, votre demande de réduction de certains délais a été satisfaite par la loi promulguée en juillet dernier, monsieur le sénateur.
M. le président. Monsieur Jacquin, l’amendement n° 429 est-il maintenu ?
M. Olivier Jacquin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 429 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 482 est présenté par M. Kern.
L’amendement n° 630 est présenté par M. Bonhomme.
L’amendement n° 812 rectifié bis est présenté par MM. Bonnecarrère et Henno, Mme Vullien, MM. Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Canevet, Mmes Morin-Desailly, Billon et Saint-Pé et MM. Delahaye et Moga.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 15
Insérer un article ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa du A est supprimé ;
2° Est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Sans préjudice de l’article L. 2212-2 et par dérogation à l’article L. 2224-16, lorsqu’un groupement de collectivités est compétent en matière de collecte des déchets ménagers, les maires des communes membres de celui-ci ou membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre membre du groupement de collectivités transfèrent au président de ce groupement les attributions lui permettant de réglementer cette activité. »
La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 482.
M. Claude Kern. J’avais déjà présenté cet amendement lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. La commission et le Gouvernement l’avaient trouvé intéressant et m’avaient suggéré de le représenter lors de l’examen du présent projet de loi.
Le transfert du pouvoir de police du maire au président de l’EPCI pour la réglementation de la collecte des déchets ménagers et assimilés est automatique, sauf opposition du maire dans un délai de six mois après l’élection du président de l’intercommunalité.
La compétence collecte étant exercée par l’échelon intercommunal, il est logique que la réglementation de celle-ci le soit par ce même échelon. C’est pourquoi je propose, à travers cet amendement, de lier la compétence collecte des déchets ménagers et assimilés et le pouvoir de police associé.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° 630.
M. François Bonhomme. Il s’agit de mettre en cohérence et de clarifier l’exercice des pouvoirs de police pour la réglementation de la collecte des déchets ménagers et assimilés.
Il arrive encore que des maires s’opposent au transfert du pouvoir de police à l’intercommunalité, alors même que cette compétence relève exclusivement de l’EPCI sur le plan opérationnel depuis la loi NOTRe. Il me paraît logique d’empêcher qu’une mairie puisse conserver le pouvoir de police en la matière.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour présenter l’amendement n° 812 rectifié bis.
M. Philippe Bonnecarrère. Le Sénat a déjà évoqué la question des dépôts sauvages de déchets à propos d’un autre texte. Avec ces amendements, nous nous situons non pas sur le terrain répressif, mais sur celui de la police administrative.
Comment est organisée la collecte des déchets dans les collectivités ? Nous savons tous que la première étape consiste à définir un règlement de collecte, qui constitue la règle du jeu pour nos concitoyens. Cette compétence relevant maintenant de l’échelon intercommunal, on ne peut pas imaginer des règles de gestion différant selon les communes, par exemple en termes d’horaires de collecte. Les exigences d’efficacité, de cohérence et de qualité du service rendu aux usagers supposent qu’un règlement unique de collecte soit adopté à l’échelle de l’intercommunalité. Je le répète, nous nous plaçons ici sur le terrain de la police administrative des déchets, pas sur celui de la répression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Au nom de la cohérence, nos collègues appellent de leurs vœux un transfert obligatoire du pouvoir de police en la matière à l’intercommunalité. Je peux comprendre l’argument, mais il contrevient au sacro-saint principe de la libre administration des collectivités territoriales et il ne nous paraît pas opportun d’interdire à un maire de s’opposer à un tel transfert. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je comprends l’objectif, mais le mieux est l’ennemi du bien. Nous ne devons pas oublier que, depuis une semaine, nous nous efforçons de trouver un juste équilibre entre les compétences des intercommunalités et le rôle du maire.
Si nous décidons un transfert automatique de plein droit des pouvoirs de police administrative du maire en matière de collecte des déchets à l’autorité gestionnaire de cette compétence, c’est-à-dire à l’intercommunalité, nous créerons une forme de jurisprudence. On amputera un pouvoir de police du maire. Le Sénat, comme le Gouvernement, s’y est toujours refusé jusqu’à présent à propos d’autres sujets. Je comprends bien sûr les motivations liées aux aspects pratiques de l’organisation du service de collecte, mais ce serait un premier pas qui pourrait ouvrir la voie au transfert à l’intercommunalité d’autres pouvoirs de police du maire.
M. Laurent Duplomb. Déjà qu’il ne lui reste pas grand-chose…
M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est un sujet sérieux, monsieur le sénateur Duplomb ! Nous devons faire attention à ce que nous faisons. Alors que ce texte a été conçu pour redonner du pouvoir au maire, l’adoption de ces amendements transfèrerait un pan entier de ses pouvoirs de police à l’intercommunalité. C’est ce que certains ont reproché au Gouvernement de vouloir faire en matière d’eau et d’assainissement… En outre, cela créerait une asymétrie en matière de pouvoirs de police – je le dis sous le contrôle des rapporteurs et du président de la commission des lois. Aujourd’hui, le maire dispose d’agents assermentés pour exercer ses pouvoirs de police : la police municipale, les agents de surveillance de la voie publique, ou ASVP, les gardes champêtres. Si l’on procède au transfert proposé, ces agents pourront constater les infractions en matière de dépôt de déchets, mais c’est à l’intercommunalité qu’il appartiendra de les sanctionner.
Encore une fois, je comprends l’objectif et l’idée est bonne, mais je pense que nous devons nous y prendre autrement. Comme je le disais tout à l’heure au sénateur Chaize, il faut continuer à réfléchir à une mutualisation des forces et des outils par exemple des polices municipales à l’échelle de l’intercommunalité – tout en maintenant la décorrélation entre compétences et pouvoirs de police. La problématique concerne aussi l’urbanisme : on pourrait imaginer que les communautés de communes ou d’agglomération ayant pris cette compétence exercent également le pouvoir de police en la matière. Si l’on prévoit le transfert automatique du pouvoir de police en matière de collecte des déchets à l’intercommunalité, pourquoi s’y opposerait-on pour l’urbanisme ? Je crois que nous devons faire très attention aux décisions que nous prenons sur ce sujet. Je ne voudrais pas que, au détour de l’examen de ces amendements, on revienne sur le principe qui fonde ce texte, à savoir redonner du pouvoir aux maires. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez comme moi : les pouvoirs de police, c’est souvent l’essentiel de ce qu’il reste aux maires ruraux… Par conséquent, transférer une partie de ces pouvoirs aux intercommunalités sans précaution particulière ni concertation en amont ne me semble pas opportun. C’est pourquoi je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable. J’espère vraiment vous avoir convaincus !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. En adoptant ces amendements, nous mettrions en effet le doigt dans un engrenage ! Transférer des pouvoirs de police à l’intercommunalité – je ne peux que penser à la métropole de Montpellier – serait une aliénation des pouvoirs du maire et nuirait à l’efficacité de ce que nous avons mis en place au fil du temps. Rien n’empêcherait ensuite d’aller plus loin.
Par ailleurs, comment cela pourrait-il fonctionner ? Les policiers municipaux constateraient les infractions, mais quid de la mutualisation sur le plan financier ? Par expérience, je suis totalement opposé à la mise en place de polices municipales intercommunales. Cela peut peut-être fonctionner pour une petite communauté de communes rurale, mais pas à l’échelon des grandes agglomérations. À Montpellier, les policiers municipaux ne travaillent pas le dimanche et ne montent pas dans les tramways, contrairement à ceux de ma commune, Castelnau-le-Lez…
Nous devons donc bien réfléchir avant d’avancer sur cette voie.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je veux bien que l’on rejette ces amendements, mais alors comment régler le problème ?
L’article L. 2224-16 du code général des collectivités territoriales dispose que le maire peut régler la présentation et les conditions de la remise des déchets en fonction de leurs caractéristiques et qu’il fixe notamment les modalités de collectes sélectives et impose la séparation de certaines catégories de déchets, en particulier du papier, des métaux, des plastiques et du verre, pour autant que cette opération soit réalisable sur le plan technique.
Si la communauté de communes exerce la compétence de gestion des déchets, c’est elle qui va fixer les règles. Je ne vois pas comment un maire pourrait réglementer différemment l’organisation de la collecte des déchets sur le territoire de sa commune. En réalité, il peut donc exister une situation d’impasse entre le maire et l’établissement intercommunal : comment fait-on dans un tel cas ? Ces amendements visent à apporter une réponse à ce type de problème. Ils concernent un pouvoir de police très particulier, celui qui est lié à l’organisation de la collecte, compétence confiée à la communauté de communes. Ils me paraissent donc pleinement justifiés.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Cette question est essentielle et, en ce qui me concerne, je pense que les pouvoirs de police doivent rester entre les mains du maire, pour plusieurs raisons. D’abord, on ne peut pas les détacher les uns des autres. Même si l’intercommunalité exerce la compétence en matière de collecte des déchets, le plus gros problème aujourd’hui pour les maires, c’est celui des dépôts sauvages.
M. Jacques Bigot. Cela n’a rien à voir !
M. Martial Bourquin. Mais si ! Je pense que les maires doivent garder leurs pouvoirs de police, tout en travaillant en harmonie avec l’agglomération. Sinon, ce sera le début de la fin du pouvoir des maires ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Je crois que ces amendements ont été mal compris ! Philippe Bonnecarrère l’a très bien expliqué, ils concernent non pas le volet répressif, mais uniquement la réglementation de la collecte des déchets. Comment chaque maire pourrait-il édicter son propre règlement de la collecte, alors que c’est l’intercommunalité qui organise le service ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Il faut faire attention à ne pas aller trop loin. Nous sommes tous attachés au principe de libre administration des collectivités locales, mais nous parlons ici d’une compétence qui a été confiée à l’intercommunalité et je ne connais pas un EPCI où les maires demandent à la récupérer.
Concrètement, la collecte des déchets est gérée à l’échelon intercommunal. Il faut bien qu’il y ait un règlement de collecte ! L’intercommunalité organise le service, négocie avec les agents chargés de son exécution les jours et horaires de travail. Si par exemple le maire d’une commune veut une collecte le dimanche alors que cela n’a pas été prévu, on aboutit à une situation de blocage. Il faut tout de même faire preuve d’un minimum de bon sens, et aussi penser à l’usager ! Pour lui rendre un service organisé et de qualité, il est nécessaire de mutualiser et de fixer des règles communes. Sinon, le système devient ingérable. Ces amendements relèvent du sens pratique !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je remercie les sénateurs Kern et Bonnecarrère d’avoir précisé leurs intentions. Le problème est qu’il existe une légère dissonance avec le dispositif juridique des amendements. Ils prévoient que « les maires des communes membres […] transfèrent au président de ce groupement les attributions lui permettant de réglementer cette activité ». Cette formulation est floue et son champ pourrait aller de l’organisation du service public de collecte des déchets au pouvoir de police, mentionné au début de l’objet des amendements.
Je n’ai pas d’avis sur la question du transfert de l’organisation du service public, mais si j’avais perçu plus tôt ce flou concernant le pouvoir de police, j’aurais proposé un sous-amendement pour lever le doute. Il ne serait pas glorieux de renvoyer au juge administratif le soin de le faire… Je demande donc le retrait de ces amendements et je vous propose de travailler durant la navette avec mon cabinet à une rédaction levant l’ambiguïté quant aux pouvoirs de police. Je ne voudrais pas que, à la suite de nos débats, l’on puisse dire que le Sénat a voté un transfert partiel à l’intercommunalité des pouvoirs de police du maire.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Nous avons une obligation de cohérence. Il existe beaucoup de compétences communautaires obligatoires, au-delà de la gestion des déchets. La question n’est pas de savoir si c’est une bonne chose que la réglementation en matière de collecte de déchets soit liée à la compétence ; nous serons tous d’accord pour dire que c’est mieux ainsi. La question est de savoir si cela doit être obligatoire ou facultatif.
Nous sommes nombreux ici à avoir une expérience de terrain et nous savons que les cas où des problèmes se posent sont très rares. Or, pour régler de tels cas très minoritaires, nous nous apprêtons à mettre en œuvre une obligation de transfert à l’intercommunalité du pouvoir de police, sans que le maire puisse s’y opposer. Si nous faisons cela, je ne vois pas pourquoi nous ne le ferions pas pour les autres compétences obligatoires des communautés de communes.
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Cela voudrait dire qu’à nos yeux la compétence de police administrative, c’est-à-dire de réglementation, est liée à la compétence de gestion. Il est certainement préférable que les choses fonctionnent ainsi, mais est-il opportun, alors que nous ressentons tous l’ardente nécessité de rétablir un meilleur équilibre entre communes et intercommunalités, de créer une obligation de transfert qui hypothèquerait la liberté des maires ? J’observe d’ailleurs qu’ils font bon usage de cette liberté puisque, la plupart du temps, les communautés de communes mettent en place par accord ce que nous voulons imposer par la loi !
M. Laurent Duplomb. Et ça se passe bien !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La grande vertu du présent texte est de privilégier l’accord plutôt que l’obligation : restons cohérents et suivons cette ligne directrice tout au long de nos débats.
C’est la raison pour laquelle, sans nier qu’il soit bon que la réglementation aille de pair avec la compétence de gestion, je préfère que ce soit décidé par un accord, gage du bon exercice ultérieur de la compétence en termes tant de réglementation que de gestion. Pourquoi abandonnerions-nous notre philosophie sur ce point particulier ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Si nous adoptons ces amendements, nous mettons le pied dans la porte en matière de transfert à l’intercommunalité des pouvoirs de police du maire ! La compétence de collecte des déchets peut se déterminer dans le cadre de la conférence des maires, comme pour l’eau et l’assainissement ou la fourrière, mais les pouvoirs de police doivent rester aux maires. Nous essayons justement de leur redonner du pouvoir et de leur permettre d’exercer pleinement leurs fonctions. Si nous acceptons ce transfert de compétence à l’intercommunalité, les pouvoirs de police du maire suivront naturellement et nous risquons de créer une situation inextricable et incompréhensible pour les maires.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je respecte tout à fait ces amendements, mais nous devons partir de notre expérience de terrain. À l’époque où nous sénateurs encore la chance de pouvoir être maires, nous avons tous travaillé sur les questions de collecte des déchets ménagers et de tri sélectif. Même si l’intercommunalité exerce la compétence, c’est encore souvent le maire ou les agents municipaux qui disposent les différents bacs nécessaires au tri sélectif, et pas le président de la communauté de communes ou ses services ! La collecte est assurée non pas tous les jours en zone rurale, mais une fois par semaine, voire tous les quinze jours pour le tri sélectif. Malheureusement, beaucoup de personnes ne jouent pas le jeu du tri sélectif et n’ont guère l’esprit civique.
Dans les intercommunalités, notamment en zone rurale, les maires et les conseillers municipaux restent pour la population les élus de base, les interlocuteurs de proximité. Je ne vois pas comment on pourrait déléguer à l’intercommunalité ce qui concerne à l’évidence l’échelon communal ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Il importe d’être précis. Il existe deux types de pouvoirs de police : la police administrative générale et les polices spéciales. Les pouvoirs de police spéciale peuvent d’ores et déjà être délégués au président de l’intercommunalité, par exemple pour la voirie ou l’accueil des gens du voyage.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Oui, mais pas de manière obligatoire !
M. Éric Kerrouche. Tout à fait, monsieur le rapporteur, ce n’est pas automatique ; c’est une faculté. En l’espèce, même si je suis partisan de l’intercommunalité, je pense que le transfert du pouvoir de police dont nous parlons doit demeurer une faculté. Pour autant, le pouvoir de police générale du maire n’est en aucune façon concerné.
M. le président. Monsieur Kern, l’amendement n° 482 est-il maintenu ?
M. Claude Kern. Nous avons bien entendu les explications de M. le ministre et son engagement à travailler sur cette question durant la navette. C’est pourquoi, dans notre grande sagesse (Sourires.), nous retirons l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 482 est retiré.
Monsieur Bonhomme, l’amendement n° 630 est-il maintenu ?
M. François Bonhomme. Non, je le retire, monsieur le président. M. le ministre nous a éclairés sur un aspect du sujet dont nous n’avions pas nécessairement mesuré la portée.
M. le président. L’amendement n° 630 est retiré.
Monsieur Bonnecarrère, l’amendement n° 812 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Philippe Bonnecarrère. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 812 rectifié bis est retiré.
Les amendements nos 194 et 196 ne sont pas soutenus.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 306 rectifié bis est présenté par M. Karoutchi, Mmes M. Mercier, Deroche et Deromedi, MM. Sido, Brisson et D. Laurent, Mme Dumas, MM. Lefèvre, Laménie et Kennel, Mmes Bruguière et Micouleau et MM. Mandelli et Bouloux.
L’amendement n° 777 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mme Gréaume, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 774-2 du code de justice administrative, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour le domaine public défini à l’article L. 5337-3-1 du code des transports, les autorités désignées aux articles L. 3113-1 et L. 3113-3 du code général de la propriété des personnes publiques sont compétentes concurremment avec le représentant de l’État dans le département. »
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 306 rectifié bis.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement tend à attribuer au président de la collectivité territoriale ou de son groupement un pouvoir de police de conservation du domaine public fluvial appartenant à la collectivité territoriale ou à son groupement, concurremment à celui du représentant de l’État dans le département.
M. le président. La parole est Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 777.
Mme Cécile Cukierman. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 587 rectifié quinquies, présenté par Mme L. Darcos, M. Bascher, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Cambon, Charon, Courtial, Dallier, Daubresse, de Nicolaÿ et Hugonet, Mme Lamure, MM. H. Leroy, Longuet et Mouiller, Mmes Noël et Sittler et M. Sol, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 774-2 du code de justice administrative, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour le domaine public fluvial défini aux articles L. 2111-7 à L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publiques appartenant aux collectivités territoriales et à leurs groupements, le président de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement est compétent concurremment avec le représentant de l’État dans le département. »
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. En commission, nous avons eu un débat nourri sur ce sujet. Nous étions initialement plutôt défavorables à ces amendements. Depuis, nous avons cheminé et nous sommes désormais favorables à l’amendement n° 587 rectifié quinquies. Nous proposons aux auteurs des deux autres amendements de les rectifier pour les rendre identiques à celui-ci.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Ces trois amendements qui concernent le domaine public fluvial répondent au même objectif, mais les formulations sont différentes. Dans ceux de M. Karoutchi et de Mme Cukierman, on voit bien l’empreinte de la Seine. (Sourires.) L’amendement n° 587 rectifié quinquies, tel qu’il a été rectifié en lien avec mes services – je le dis en toute transparence –, me semble plus satisfaisant, notamment en ce qui concerne les ports maritimes. C’est pourquoi je demande le retrait des amendements nos 306 rectifié bis et 777 à son profit.
M. le président. Monsieur Karoutchi, acceptez-vous de rectifier votre amendement pour le rendre identique à l’amendement n° 587 rectifié quinquies ?
M. Roger Karoutchi. Soit. Mais j’observe, monsieur le ministre, que certains sénateurs ont le privilège de travailler avec vos services !
M. Roger Karoutchi. Nos liens vont en souffrir… (Rires.)
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 306 rectifié ter, présenté par M. Karoutchi, Mmes M. Mercier, Deroche et Deromedi, MM. Sido, Brisson et D. Laurent, Mme Dumas, MM. Lefèvre, Laménie et Kennel, Mmes Bruguière et Micouleau et MM. Mandelli et Bouloux, et ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 774-2 du code de justice administrative, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour le domaine public fluvial défini aux articles L. 2111-7 à L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publiques appartenant aux collectivités territoriales et à leurs groupements, le président de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement est compétent concurremment avec le représentant de l’État dans le département. »
Madame Cukierman, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le même sens ?
Mme Cécile Cukierman. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 777 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mme Gréaume, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 774-2 du code de justice administrative, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour le domaine public fluvial défini aux articles L. 2111-7 à L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publiques appartenant aux collectivités territoriales et à leurs groupements, le président de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement est compétent concurremment avec le représentant de l’État dans le département. »
Je mets aux voix les amendements identiques nos 306 rectifié ter, 777 rectifié et 587 rectifié quinquies.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15.
L’amendement n° 560 rectifié, présenté par MM. Temal et Iacovelli, Mmes Ghali et Conway-Mouret, M. M. Bourquin, Mme Lepage, MM. Vaugrenard et Todeschini, Mme Meunier, M. P. Joly, Mme Blondin et M. Duran, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé : I. – À la première phrase du premier alinéa, au deuxième alinéa, au cinquième alinéa du I et au IV de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « administrative », sont insérés les mots : « ou le maire ».
II. – Au 5° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « épizooties », sont insérés les mots : « , les produits phytopharmaceutiques ».
La parole est à M. Martial Bourquin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Il s’agit d’une prérogative du seul ministre chargé de l’agriculture et il ne semble pas pertinent de conférer aux maires un pouvoir concurrent. Cela ouvrirait la porte à une hétérogénéité des pratiques selon les territoires, ce qui n’est pas souhaitable. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Cet amendement vise à autoriser le maire à prendre un arrêté anti-pesticides pour protéger des écoles, des habitations ou encore des captages d’eau potable. C’est uniquement cela. Nous voulons faire en sorte que les terrains concernés restent à vocation agricole, notamment maraîchère. Nous connaissons des exemples de communes qui les utilisent pour fournir la restauration collective en produits biologiques.
M. le président. L’amendement n° 209 rectifié ter n’est pas soutenu.
L’amendement n° 843 rectifié, présenté par MM. Chaize et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, M. Daubresse, Mme Deroche, MM. Lefèvre et Mouiller, Mmes Ramond et Deromedi, MM. D. Laurent, Saury, de Nicolaÿ et Genest, Mme Lassarade, M. Piednoir, Mmes Sittler, Morhet-Richaud et Gruny, MM. Bascher et Sido, Mmes Duranton et Bories, MM. Savary, Vaspart, Charon, Mandelli, Chevrollier, Laménie, Bonhomme et Bonne, Mmes A.M. Bertrand, Chain-Larché et Thomas et MM. Bouloux et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Sans préjudice des dispositions en matière de police spéciale le prévoyant, la police municipale peut être exercée dans des propriétés privées lorsque l’intervention est rendue nécessaire par un péril grave et imminent ou à la demande du propriétaire. »
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement vise à étendre le pouvoir de police du maire sur des parcelles privées, lorsque l’intervention est rendue nécessaire par un péril grave et imminent ou à la demande du propriétaire. M. le ministre a porté hier un regard bienveillant sur un amendement analogue…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Cet amendement nous semble satisfait par la législation en vigueur. C’est pourquoi nous demandons son retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le pouvoir de police administrative générale du maire est déjà prévu par l’article L. 2212-2 du CGCT. En cas de péril grave et imminent ou, dans les autres cas, avec l’accord du propriétaire, le maire peut intervenir d’office sur des propriétés privées, en application de l’article L. 2122-4 du CGCT. Un complément de jurisprudence lui reconnaît cette possibilité. De notre point de vue, l’amendement est satisfait.
M. le président. Monsieur Chaize, l’amendement est-il maintenu ?
M. Patrick Chaize. La difficulté, c’est quand plusieurs terrains sont concernés. Il faut alors recueillir l’accord de l’ensemble des propriétaires, ce qui prend du temps, certains d’entre eux étant parfois difficilement joignables. La procédure peut alors se trouver bloquée. L’idée était que l’on puisse se dispenser de cet accord de l’ensemble des propriétaires pour pouvoir intervenir. Néanmoins, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 843 rectifié est retiré.
L’amendement n° 597 rectifié, présenté par MM. H. Leroy, Laménie, Meurant et Frassa, Mme Deromedi, M. Guerriau et Mmes Bruguière et Sittler, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 2212-2-2 du code général des collectivités territoriales, sont insérés deux articles L. 2212-2-3 et L. 2212-2-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 2212-2-3. – Le représentant de l’État dans le département communique au maire qui en fait la demande l’identité des personnes résidant dans sa commune et inscrites au fichier des personnes recherchées dans les conditions définies au 8° du III de l’article 2 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées. Le maire ne peut utiliser les informations ainsi transmises que dans le cadre de ses attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui lui sont confiées.
« Art. L. 2212-2-4. – Aux fins de sécurité publique, le maire peut délivrer les informations mentionnées à l’article L. 2212-2-3 au responsable de la police municipale de sa commune. »
II. – Après l’article 11-2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 11-… ainsi rédigé :
« Art. 11-…. – Le maire détenteur des informations mentionnées à l’article L. 2212-2-3 du code général des collectivités territoriales est tenu au secret dans les conditions et sous les peines prévues à l’article 226-13 du code pénal. Cette obligation s’applique dans les mêmes termes au responsable de la police municipale mentionné à l’article L. 2212-2-4 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Cet amendement a pour objet de permettre au maire qui en fait la demande de se voir communiquer par le préfet l’identité des personnes résidant dans sa commune et inscrites au fichier des personnes recherchées.
Il est également prévu que le maire puisse délivrer ces mêmes informations au responsable de la police municipale de sa commune. En contrepartie, le maire est tenu au secret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. S’il nous paraît, dans certains cas, légitime que le maire puisse être destinataire d’informations des services de l’État sur la radicalisation de certaines personnes – j’observe que le ministre de l’intérieur a diffusé, le 13 novembre 2018, une instruction enjoignant aux préfets de transmettre lesdites informations aux maires –, il ne nous semble pas souhaitable d’aller plus loin, au risque de nuire à la confidentialité des informations contenues dans le fichier. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Laménie, maintenez-vous l’amendement ?
M. Marc Laménie. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 597 rectifié est retiré.
L’amendement n° 731 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Féraud, Assouline, Jomier, Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme Harribey, MM. Fichet, Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Courteau, Montaugé, Daunis, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « et, à Paris, par des fonctionnaires recrutés à cet effet dans les conditions fixées par les statuts particuliers prévus par l’article 118 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes et mentionnés aux articles L. 531-1 et L. 532-1 suivants du présent code ».
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement vise essentiellement à aligner les pouvoirs de police des « agents de la Ville de Paris chargés d’un service de police », qui exercent actuellement les compétences de police municipale, sur le droit commun des agents de police municipale.
On le sait, la plupart des communes sont aujourd’hui dotées d’une police municipale, mais, en raison du statut spécifique de Paris, de son histoire, les pouvoirs de police y sont essentiellement exercés par l’État, c’est-à-dire le préfet de police, et en partie seulement par le maire de Paris.
Nous proposons aujourd’hui de faire entrer dans le droit commun des agents de police municipale les agents de la Ville de Paris que j’ai évoqués, qui ne bénéficient pas, à l’heure actuelle, de compétences aussi larges. De ce fait, ils ne peuvent pas, par exemple, sanctionner des infractions routières, recourir à des caméras-piétons, bénéficier de formation continue ou professionnelle. C’est une normalisation qui est proposée ici.
Pour éclairer l’ensemble de nos collègues, je tiens à dire que le sujet a été évoqué entre élus parisiens. Tous les maires d’arrondissement, y compris ceux qui sont membres du parti Les Républicains, sont favorables à cet amendement. Frédéric Péchenard, qui est une autorité dans ce domaine, l’est également, ainsi que toutes les personnalités engagées dans la vie politique à Paris.
Selon les chiffres publiés hier, la délinquance a augmenté de 8 % à 9 % à Paris en un an. Ce n’est pas une surprise, tant la lutte contre le terrorisme et les manifestations qui se sont succédé semaine après semaine depuis le mois de décembre ont accaparé les forces de l’ordre.
Il s’agirait, pour les agents de la Ville de Paris, de travailler en complémentarité avec ceux de l’État, de sorte que les incivilités, comme on les appelle désormais, puissent être prises en compte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Votre rapporteur a, dans une autre vie, été rapporteur d’un autre texte intitulé « Statut de Paris et aménagement métropolitain ».
À l’époque, certains, qui sont présents ici ce soir, avaient proposé un dispositif à peu près similaire, quoique mieux rédigé, si je puis me permettre… (Mme Marie-Pierre de la Gontrie s’esclaffe.) Nous avions alors interrogé Mme Hidalgo, maire de Paris, sur ses intentions, puisque, disons les choses très clairement, au-delà de l’alignement du statut des agents de la Ville de Paris sur le droit commun des policiers municipaux, il s’agissait de la création d’une police municipale à Paris. Appelons un chat un chat, madame de la Gontrie, c’est ainsi que vous nous l’aviez présenté. Il faut se dire les choses ! À l’époque, la maire de Paris avait opposé un refus.
Si nous ne remettons pas en cause le bien-fondé de l’idée, il n’en demeure pas moins qu’il y a un important travail préalable d’écriture à fournir pour aboutir à aligner le statut de ces agents de la Ville de Paris sur le droit commun des policiers municipaux. Comme je l’ai déjà dit en commission, il ne semble pas que, en l’état, le régime juridique proposé puisse conduire à un équilibre satisfaisant. Le ministère de l’intérieur et toutes les personnes qualifiées sont également de cet avis.
En effet, l’alignement des missions des agents de la Ville de Paris sur celles des agents de police municipale ne saurait se faire sans un alignement des conditions de recrutement et de formation. C’est pourquoi, par exception aux règles applicables à la fonction publique parisienne, nous estimons indispensable que le statut de ces agents soit défini par un décret en Conseil d’État.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Celles et ceux qui participent à ce débat depuis le début ont accepté, à ma demande, de repousser l’ensemble des amendements ayant trait aux polices municipales hors de Paris. En effet, nous sommes convenus d’attendre le texte sur la sécurité qui sera présenté en 2020, les concertations en vue de l’élaboration du Livre blanc ayant juste démarré. Frédéric Péchenard a eu l’occasion de travailler sur un tel document quand il occupait d’autres fonctions. En ce moment, le ministre de l’intérieur et son secrétaire d’État lancent un certain nombre de concertations sur l’ensemble des questions liées à la police municipale. À cet égard, un certain nombre de conseils départementaux veulent pouvoir s’engager dans la création de syndicats à l’échelle départementale pour la vidéoprotection ou la mutualisation d’un certain nombre de polices municipales. Quoi qu’il en soit, le traitement de ces questions est renvoyé à un texte ad hoc, sachant que cette problématique comporte un volet relatif à la police judiciaire alors que, dans le présent texte, nous nous en tenons à la police administrative.
Si j’ai renvoyé au projet de loi à venir le traitement des questions de police municipale pour toutes les communes de France, ce n’est pas pour faire une exception pour Paris. Néanmoins, conscient que cet argument ne suffit pas, madame la sénatrice, j’en ajouterai un autre. Tel qu’il est rédigé, votre amendement ne saurait être complet. Vous l’avez rappelé, l’histoire de Paris est très particulière. Sans même aborder les considérations politiques, auxquelles je suis étranger, créer une police municipale à Paris demande à l’évidence un important travail technique sur un certain nombre de thèmes : la formation, la nomination et l’agrément, la carte professionnelle, la tenue et les équipements, l’armement, les conventions de coordination entre la police municipale et les forces de sécurité de l’État – la situation de Paris est très spécifique à cet égard, puisque le schéma d’organisation de sécurité intérieure y est différent de ce qu’il est sur le reste du territoire français –, la représentation à la commission consultative des polices municipales, bref autant de sujets qui ne sont pas à prendre à la légère.
Pour toutes ces raisons, il me paraît difficile de donner un avis favorable à votre amendement. J’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’un dossier ancien, qui peut attendre la discussion prochaine d’un texte ad hoc. Les avis ont pu évoluer, mais ce n’est pas une raison pour précipiter la création de cet outil, qu’il convient, à mon avis, d’introduire dans la sphère administrative et juridique avec beaucoup de précautions.
Je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Voilà que la question de la création d’une police municipale parisienne s’invite au Sénat, à cette heure tardive, au détour de l’examen d’un texte dont ce n’est pas l’objet. L’histoire de cet amendement est celle d’un revirement politique : la maire de Paris, Anne Hidalgo, a changé d’avis sur la création d’une police municipale, sans que l’on sache d’ailleurs vraiment pourquoi. Tout d’un coup, il faudrait se précipiter et voter un amendement mal rédigé, même moins bien qu’une version antérieure.
De quoi voulez-vous vous faire pardonner, chers collègues ? Je le dis très clairement, le zèle des récents convertis vous pousse à déposer un amendement contre lequel vous auriez voté s’il avait été présenté voilà ne serait-ce que six mois. Or cette précipitation calendaire trouve une traduction sur le fond : on voit bien que toute une série de questions n’ont pas été prises en compte. Il manque le renvoi à un décret en Conseil d’État pour l’application du dispositif. Il n’y a rien sur l’agrément, l’armement, la formation, etc. Bref, il manque trop de choses, alors même que d’autres véhicules législatifs viendront bientôt, notamment la future loi de décentralisation et le texte sur la sécurité intérieure, un Livre blanc étant en préparation.
Cet hémicycle ne doit pas être une chambre d’écho des revirements, des volte-face, des difficultés de la majorité municipale parisienne !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Les Parisiens sont les citoyens français qui bénéficient le moins de la protection d’une police municipale.
M. Loïc Hervé. Il y a la police nationale !
M. Philippe Dominati. Cet état de fait est lié à l’histoire de la capitale, à l’enchevêtrement des compétences de la police nationale et de ce qui fait fonction de police municipale à Paris. En réalité, il y a une coresponsabilité dans la situation actuelle.
Il y a d’abord la responsabilité de la mairie de Paris. Cet amendement est intéressant en ce qu’il traduit une évolution de la position de la majorité municipale actuelle sur la création d’une police municipale, après trois mandatures et dix-huit ans d’hostilité manifeste. Seule l’opposition municipale propose cette solution, depuis des années, parce qu’elle a constaté une déficience non pas des hommes, mais de l’organisation et des structures de la police à Paris, celle-ci se consacrant essentiellement aux missions régaliennes. Tous les fonctionnaires, du plus bas au plus haut de l’échelle, sont totalement mobilisés par ces missions et délaissent le citoyen parisien.
Ensuite, il y a la responsabilité de l’État. Depuis un an, à Paris, tout le monde s’aperçoit que les commerces peuvent brûler, que les Champs-Élysées peuvent être saccagés, que l’Arc de Triomphe peut être détérioré, ces événements provoquant le limogeage du préfet de police. Bref, les choses ne vont pas.
M. Loïc Hervé. Je ne vois pas ce qu’une police municipale y aurait changé.
M. Philippe Dominati. Le Gouvernement marque de la distance, voire de l’indifférence, tandis que la municipalité s’aperçoit enfin que le système actuel ne peut pas perdurer. C’est une évolution intéressante, qui intervient évidemment de manière opportune… Le problème ne peut pas se régler en une nuit, subrepticement, à la faveur du présent débat, mais il faudra s’y attaquer. C’est tout de même la première fois, sous la Ve République, qu’un Président de la République délaisse la région-capitale sur le plan des institutions. Le périmètre actuel de la préfecture de police ne correspond pas à la métropole du Grand Paris. Un certain nombre de réformes institutionnelles devaient être faites, mais on attend… Pendant ce temps, à l’approche des élections municipales, les Parisiens voient que la question de la sécurité à Paris n’est traitée ni par l’État ni par la municipalité.
Je me félicite donc du dépôt d’un tel amendement, qui marque une évolution de la majorité municipale sur ce sujet, mais je préférerais encore que la majorité municipale change ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Pour notre part, nous sommes convaincus de longue date de l’utilité de créer une police municipale.
M. Loïc Hervé. C’est déjà la campagne électorale !
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. N’invitons pas la campagne municipale parisienne dans cet hémicycle. (Exclamations amusées.)
M. Julien Bargeton. C’est gonflé !
M. Rémi Féraud. Il reviendra aux Parisiens de se prononcer dans quelques mois.
Essayons plutôt de travailler pour l’intérêt général. Philippe Dominati a rappelé que cette question s’inscrivait dans une histoire longue. À la fin de 1994, Jacques Chirac, alors maire de Paris, se déclarait contre la création d’une police municipale à Paris. Avec Bertrand Delanoë, puis Anne Hidalgo, nous nous sommes nous aussi inscrits dans cette histoire, qui est l’histoire des rapports entre Paris et l’État.
M. le rapporteur a rappelé la discussion du texte sur le statut de Paris et l’aménagement métropolitain. J’étais d’ailleurs des élus municipaux parisiens qui ont été auditionnés à l’époque. En 2016-2017, nous n’avons pas souhaité avancer sur la voie de la création d’une police municipale à Paris. Si ma mémoire est bonne, M. Bargeton était alors adjoint à la maire de Paris… (Sourires.) Je suis sûr qu’il l’assume pleinement !
M. Julien Bargeton. J’étais déjà pour !
M. Rémi Féraud. Il est vrai que nous avons évolué. Aujourd’hui, une très large majorité des élus parisiens se sont prononcés en faveur d’une police municipale, qui est en train de se créer dans les faits et pour laquelle nous avons besoin de véritables policiers municipaux.
J’entends bien tous les arguments techniques ou juridiques avancés par le rapporteur ou le ministre, mais de tels arguments nous ont déjà été opposés lors de la discussion sur le statut de la fonction publique. Or tout le monde dit qu’il y a urgence à avancer sur la constitution d’une véritable police municipale à Paris. En effet, nous le voyons bien, confrontée depuis un an à des difficultés considérables en matière d’ordre public, la police nationale s’est désengagée, à Paris, des quartiers et des missions de sécurité du quotidien, d’où une explosion des chiffres de la délinquance. C’est de la responsabilité du Gouvernement.
Notre amendement est peut-être imparfait, mais la situation actuelle n’est pas acceptable et il nous faut avancer.
M. Julien Bargeton. Quel opportunisme !
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Il y a de drôles de retournements de l’histoire ! Voilà trois ou quatre ans, MM. Dominati, Charon et Pozzo di Borgo avaient déposé une proposition de loi, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, sur la création d’une police municipale à Paris. À l’époque, à la suite de la dépénalisation du stationnement à Paris, nous avions proposé que certains personnels soient réorientés, après formation, vers des missions de police d’accompagnement. Toutes nos propositions avaient été rejetées catégoriquement par Mme Hidalgo.
Je suis très content de constater que l’on évolue aujourd’hui vers la création d’une police municipale, mais nous ne pouvons pas traiter une telle question au détour d’un amendement. Une proposition ou un projet de loi serait un meilleur véhicule ; M. le ministre a aussi parlé d’un décret. En tout cas, la création d’une police municipale à Paris mérite mieux qu’un amendement. (M. Pierre Charon applaudit.)
M. Julien Bargeton. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le sénateur Dominati, vous nous avez rejoints ce soir. Cela fait plus d’une semaine et demie que nous traitons des questions d’organisation des pouvoirs en France, en présence d’un certain nombre d’élus d’Île-de-France, comme MM. Karoutchi, Lafon et Pemezec…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. On n’est pas là pour distribuer les bons points !
M. Sébastien Lecornu, ministre. J’ai ma liberté de parole, madame la sénatrice, et j’ai le droit de constater qu’un certain nombre de parlementaires sont présents depuis le début de la discussion ! C’est un fait ; il ne s’agit pas de délivrer de bons ou de mauvais points.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Quel rapport avec ce qui nous occupe ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. La semaine dernière, nous avons examiné des dizaines d’amendements portant sur la métropole du Grand Paris. Ils ont été repoussés pour différentes raisons, que je ne reprendrai pas. Je suis ministre chargé de ce dossier, une aventure tout à fait intéressante pour quelqu’un de l’Eure… (Sourires.) Les choses sont plus simples chez nous ; Mme Duranton et M. Maurey peuvent en témoigner !
Cette affaire de la métropole du Grand Paris dure maintenant depuis des années. Quoi que l’on pense du Président de la République, comment peut-on soutenir sérieusement que l’évolution de l’organisation des pouvoirs politiques dans la région-capitale est bloquée par sa seule faute ? L’argument me paraît d’une facilité fabuleuse !
Si Mme Pécresse, M. Devedjian, M. Bédier, M. Ollier,…
M. Loïc Hervé. C’est la litanie des saints…
M. Sébastien Lecornu, ministre. … Mme la maire de Paris, bref tous les grands chefs, se mettaient d’accord pour faire une proposition un tant soit peu cohérente au Gouvernement, peut-être n’en serions-nous pas là !
Nous pouvons au moins tous nous accorder sur le fait que la situation est complexe et qu’il n’y a pas de consensus. Ce n’est même pas un problème d’opposition entre droite et gauche, monsieur Dominati, puisque c’est au sein d’une même famille politique que l’essentiel des dissensions se manifeste.
M. Philippe Dominati. Non !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Mais si ! J’ai reçu tout le monde et j’ai pu constater qu’il y avait de vraies divergences de fond sur l’organisation de la métropole du Grand Paris entre un certain nombre d’élus. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
M. Philippe Dominati. Il n’y a plus de concertation !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cela ne signifie pas pour autant, madame Lienemann, que le Gouvernement ne prendra pas ses responsabilités. J’ai indiqué que, dans le projet de loi qui sera présenté par Jacqueline Gourault l’année prochaine, un titre sera consacré spécifiquement aux métropoles. On ne peut pas faire beaucoup mieux ! Il serait vraiment injuste…
M. Philippe Pemezec. Cela ne vous est pas imputable !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le sénateur Dominati a reproché au Président de la République de ne pas avancer sur le Grand Paris : à l’en croire, c’est à cause de lui que le dossier est en panne. Eh bien non ! Ou alors il faut me le démontrer et je prendrai la nuit pour l’entendre ! Sur ce sujet, je peux tenir des heures ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je ne veux pas que, par facilité, on commence à faire de la politique sur ce dossier parisien. En tant que représentant de l’État et du Gouvernement, vous ne m’avez pas beaucoup entendu faire de politique partisane depuis la semaine dernière… (Nouvelles exclamations ironiques sur les mêmes travées.) Je n’ai fait que défendre des convictions.
M. Loïc Hervé. Défendre des convictions, c’est faire de la politique.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je réunirai l’ensemble des parlementaires, mais donnez-moi acte, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce n’est pas le Gouvernement qui a ralenti l’évolution de l’organisation métropolitaine. Il sera difficile de soutenir le contraire ! (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote. (Marques d’impatience sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Rassurez-vous, je ne serai pas longue. Je mesure que prolonger le débat sur Paris pourrait lasser certains de nos collègues.
La question de la police municipale à Paris est ancienne. Rémi Féraud, notamment, a rappelé l’évolution de la position de Jacques Chirac sur le sujet.
Oui, la position de la majorité de gauche à Paris a évolué. Oui, les événements gravissimes de 2015 ont amené les forces de l’ordre à se concentrer sur la menace terroriste, au détriment d’autres missions. Oui, nous souhaitons désormais que des agents de la Ville de Paris puissent avoir une compétence de police pleine et entière.
On me parle de campagne électorale. Vous le savez tous, lorsque nous sommes maires, nous le sommes du premier au dernier jour. Cela fait un an que nous parlons du sujet de la police municipale à Paris au Conseil de Paris ; cela fait des mois que la maire de Paris l’a évoqué avec le ministre de l’intérieur et le Premier ministre.
Je tiens donc à dissiper une impression : il s’agit non pas d’un simple amendement présenté au détour d’un texte, mais d’une disposition que nous avons travaillée avec le ministère de l’intérieur, le Premier ministre, le secrétaire d’État Olivier Dussopt…
M. Julien Bargeton. C’est faux !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je n’ose pas imaginer que cet amendement pourrait être repoussé pour des raisons électorales !
M. Julien Bargeton. C’est grandiose !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu rappeler que les candidats à la mairie de Paris sont favorables à la création d’une police municipale.
Tout à l’heure, nous allons voter, et nous verrons bien ce que chacun décidera. Aujourd’hui, à des mois de l’élection municipale, nous devons agir de façon responsable pour faire en sorte que la sécurité des Parisiens puisse s’améliorer un peu grâce à une extension marginale de la compétence des agents municipaux de la Ville de Paris.
M. Julien Bargeton. Opportunisme !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le ministre, le Président de la République nous étonne depuis quelque temps. Lorsque le bureau du Sénat a été reçu à l’Élysée, voilà un an et demi ou deux ans, il nous avait dit qu’il était sur le point d’arbitrer sur l’avenir de la métropole du Grand Paris et des départements franciliens. Manifestement, il a dû considérer qu’il n’y avait pas suffisamment de consensus local et il laisse la situation en suspens, ce qui n’est pas souhaitable.
Parlons plus précisément de la question de la police.
Personnellement, j’ai l’intime conviction que l’on ne peut plus considérer que la préfecture de police de Paris doit rester une structure spécifique, une sorte d’État dans l’État, même si la formule est excessive. En effet, la métropole parisienne ne peut pas continuer à être organisée, en matière policière, comme elle l’est aujourd’hui, Paris constituant un îlot au sein du reste de l’agglomération soumis aux règles générales de la police nationale. Il faut donc repenser complètement le dispositif de la police nationale sur l’ensemble de la métropole.
Par ailleurs, nous allons avoir à discuter une loi de sécurité intérieure. Je la souhaitais depuis longtemps. Je l’avais d’ailleurs demandée au précédent gouvernement, parce qu’il faut redonner du sens, de la hiérarchie et de l’efficacité à l’ensemble de nos dispositifs. Comme l’a dit Mme de la Gontrie, la question du terrorisme est toujours devant nous, et elle appelle des réponses particulières. Néanmoins, il y a également des problèmes d’ordre public : ces derniers mois ont été marqués par des manifestations ayant donné lieu au déchaînement d’une violence jamais connue auparavant dans notre pays, avec des blessés tant chez les policiers que chez les manifestants.
Enfin, je m’étonne que plus personne ne parle de la progression de la délinquance dans ce pays. Le nombre des cambriolages et autres délits continue pourtant d’augmenter. Quand c’est un gouvernement de gauche qui est au pouvoir, la montée de la délinquance est le drame du siècle ! Les problèmes de sécurité demeurent. Pour y remédier, il faut redéployer les moyens.
Pour ma part, madame de la Gontrie, je trouve votre proposition quelque peu prématurée. Comme vous le savez, la création d’une police municipale ne fait pas l’unanimité au sein du conseil municipal de Paris.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je m’abstiendrai sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour explication de vote.
M. Philippe Pemezec. Je voudrais réagir aux propos de M. le ministre.
La situation très particulière de la région d’Île-de-France tient non pas à une question de personnes, mais à un empilement de textes – loi ALUR, loi Maptam, loi NOTRe, j’en passe et des meilleures – venus créer une superposition de strates et instaurer la division.
J’ai envie de vous faire confiance et de croire à vos paroles, parce que vous aussi vous êtes un élu. Avant d’être sénateur, je suis maire ; je suis passionné par mon travail de maire. Or, depuis que toutes ces lois, et particulièrement la loi NOTRe, ont été votées, nous, élus, sommes malheureux. Nous souhaitons avant tout agir de façon efficace au service de nos populations. Pour cela, nous avons besoin de récupérer un certain nombre de prérogatives. Comment voulez-vous qu’un maire puisse faire avancer les choses dans sa commune s’il n’a plus la compétence en matière d’urbanisme, plus de pouvoirs de police, plus de pouvoirs en matière d’attribution de logements ?…
J’ai envie d’efficacité, de simplification. Quand il y avait trois strates en région d’Île-de-France – région, départements, communes –, on trouvait déjà que c’était trop. Maintenant, nous en avons cinq ! J’ai hâte que le texte annoncé vienne en discussion ; il est urgent de simplifier l’organisation. Encore une fois, ce n’est pas un problème de personnes, c’est une question d’efficacité. Merci d’être à notre écoute et de travailler avec nous sur ce sujet, monsieur le ministre.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 731 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Je vous invite, mes chers collègues, à vérifier que votre carte de vote est bien insérée dans votre terminal.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent les résultats du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 6 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 300 |
Pour l’adoption | 72 |
Contre | 228 |
Le Sénat n’a pas adopté.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes, par courtoisie pour le Gouvernement… (Sourires.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures dix, est reprise à vingt-trois heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
L’amendement n° 691 rectifié, présenté par MM. Maurey, Longeot, L. Hervé, Cigolotti et Médevielle, Mmes Morin-Desailly et Billon, MM. Prince et Delahaye, Mme Sollogoub, M. Mandelli, Mme Duranton, MM. Mizzon, de Nicolaÿ, Canevet et P. Martin, Mmes Férat et Ramond, MM. B. Fournier et Delcros, Mme Vermeillet, M. Guerriau, Mme Sittler et MM. Duplomb, Poniatowski et H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 512-1 du code de la sécurité intérieure, après les mots : « d’un seul tenant », sont insérés les mots : « ou répondant à des conditions fixées par le décret prévu au dernier alinéa du présent article ».
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Nous quittons Paris pour revenir en milieu rural, mais, veuillez m’en excuser monsieur le ministre, je vais encore parler de police municipale…
Comme cela a déjà été souligné, la mutualisation des polices municipales va dans le bon sens, surtout en milieu rural, où beaucoup de communes ne sont pas en mesure de supporter seules le coût d’un tel service.
Cet amendement vise à assouplir le critère de continuité territoriale pour favoriser la mise en place de polices municipales. Il ne s’agit évidemment pas de mutualiser des polices municipales entre des communes éloignées les unes des autres, mais simplement d’en permettre la création si la discontinuité n’excède pas quelques centaines de mètres. L’amendement renvoie la définition des modalités précises à un décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. La commission comprend l’esprit de cet amendement. Pour autant, la notion de distance raisonnable est un peu floue. Où placer la limite ? Même si vous renvoyez la définition des modalités à un décret en Conseil d’État, il nous semble que cet amendement aurait mérité d’être plus étayé.
En outre, la commission a fait le choix de privilégier la mutualisation au sein de l’intercommunalité. Cela lui semble plus pertinent au regard des pouvoirs de police désormais susceptibles d’être transférés aux présidents d’EPCI.
Pour ces raisons, monsieur Maurey, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission, même si je pense qu’il faudra se montrer, dans le texte sur la sécurité intérieure à venir, plus souple et imaginatif.
La difficulté de définir un seuil raisonnable a été relevée. En outre, un tel dispositif suppose de mener une large concertation. C’est à mes yeux un amendement d’appel.
Il s’agit d’un vrai sujet. Certaines mutualisations ne se font pas en raison d’une discontinuité territoriale. Il suffit qu’une commune ne souhaite pas la mutualisation pour que se crée une telle discontinuité. C’est un peu dommage, j’en conviens, mais nous sommes ici dans l’art d’exécution juridique d’une matière qui n’est pas simple, d’autant que les représentants syndicaux des métiers de la police municipale sont attentifs aux évolutions législatives les concernant…
Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur Maurey. Il est dans l’esprit de ce que souhaite faire le Gouvernement en matière de police municipale. Je sensibiliserai Laurent Nunez à cette question.
M. le président. Monsieur Maurey, l’amendement n° 691 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Si j’ai renvoyé la définition de la distance raisonnable à un décret, c’est que cette question me semble davantage relever du domaine réglementaire que de celui de la loi.
Cet amendement s’inspire d’un cas concret observé dans mon département, l’Eure. Je vais le retirer, sachant que nous reviendrons sur cette question lors de l’examen du projet de loi sur la sécurité intérieure.
Par ailleurs, j’avais déposé, en commission, un amendement d’appel qui a été rejeté au titre de l’article 40 et qui visait à permettre aux maires de bénéficier du concours des forces de l’ordre pour faire appliquer leur réglementation. Un tel dispositif est très attendu des maires, et pas seulement ceux de l’Eure, qui ont souvent le sentiment de prendre des arrêtés pour rien, faute de police municipale ou intercommunale pour les faire exécuter. Les forces de l’ordre étant très mobilisées par ailleurs, ces arrêtés restent souvent lettre morte. J’espère que ce point pourra également être abordé lors de l’examen du texte évoqué par le ministre.
M. le président. L’amendement n° 691 rectifié est retiré.
Article 15 bis (nouveau)
La section 3 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement est ainsi modifiée :
1° L’article L. 541-21-3 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le véhicule concerné présente un risque pour la sécurité des personnes ou constitue une atteinte grave à l’environnement, la décision de mise en demeure peut prévoir que le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule est redevable d’une astreinte par jour de retard en cas de non-exécution des mesures prescrites. » ;
c) Au début du deuxième alinéa, est ajoutée la mention : « II. – » ;
d) Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Si la personne concernée ne s’est pas conformée aux mesures prescrites dans le délai imparti par la mise en demeure et que celle-ci a prévu le paiement d’une astreinte en cas de non-exécution, le titulaire du certificat d’immatriculation est redevable d’une astreinte d’un montant maximal de 50 € par jour de retard. Son montant est modulé en tenant compte de l’ampleur des conséquences de la non-exécution des mesures prescrites.
« L’astreinte court à compter de la date de notification de la décision la prononçant et jusqu’à exécution complète des mesures prescrites. Le recouvrement des sommes est engagé par trimestre échu.
« Le maire peut, lors de la liquidation trimestrielle de l’astreinte, consentir une exonération partielle ou totale de son produit si le redevable établit que la non-exécution de l’intégralité de ses obligations est due à des circonstances qui ne sont pas de son fait.
« Le montant total des sommes demandées ne peut être supérieur au montant de l’amende pénale encourue en cas d’abandon, en un lieu public ou privé, d’une épave.
« L’astreinte est recouvrée dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux.
« L’application de l’astreinte et sa liquidation ne font pas obstacle à la mise en fourrière ou à l’évacuation d’office du véhicule dans les conditions prévues au II. » ;
2° L’article L. 541-21-4 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La décision de mise en demeure peut prévoir que le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule est redevable d’une astreinte par jour de retard en cas de non-exécution des mesures prescrites. » ;
c) Au début du deuxième alinéa, est ajoutée la mention : « II. – » ;
d) Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Si la personne concernée ne s’est pas conformée aux mesures prescrites dans le délai imparti par la mise en demeure et que celle-ci a prévu le paiement d’une astreinte en cas de non-exécution, le titulaire du certificat d’immatriculation est redevable d’une astreinte d’un montant maximal de 50 € par jour de retard. Son montant est modulé en tenant compte de l’ampleur des conséquences de la non-exécution des mesures prescrites.
« L’astreinte court à compter de la date de notification de la décision la prononçant et jusqu’à exécution complète des mesures prescrites. Le recouvrement des sommes est engagé par trimestre échu.
« Le maire peut, lors de la liquidation trimestrielle de l’astreinte, consentir une exonération partielle ou totale de son produit si le redevable établit que la non-exécution de l’intégralité de ses obligations est due à des circonstances qui ne sont pas de son fait.
« Le montant total des sommes demandées ne peut être supérieur au montant de l’amende pénale encourue en cas d’abandon, en un lieu public ou privé, d’une épave.
« L’astreinte est recouvrée dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux.
« L’application de l’astreinte et sa liquidation ne font pas obstacle à la mise en fourrière ou à l’évacuation d’office du véhicule dans les conditions prévues au II. »
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, mon groupe se félicite de l’introduction de cet article par la commission des lois. Dans mon département, la Loire, et dans bien d’autres, la gestion des épaves et véhicules usagés constitue un problème important et difficile à résoudre pour les élus. Je tenais à féliciter le rapporteur, qui est pour beaucoup dans l’élaboration de cet article, que nous voterons.
M. le président. Je mets aux voix l’article 15 bis.
(L’article 15 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 15 bis
M. le président. L’amendement n° 577 rectifié, présenté par M. Luche, Mme Billon, MM. Bonhomme et Bouloux, Mme Bruguière, M. Capus, Mme Chain-Larché, MM. Chasseing, Chevrollier, Decool et Delahaye, Mme N. Delattre, M. Delcros, Mme Duranton, MM. de Nicolaÿ, Fouché et Gabouty, Mme Gruny, MM. Henno, Husson, Lefèvre, Longeot, Mandelli et A. Marc, Mmes Morhet-Richaud et Perrot, M. Prince et Mmes Saint-Pé, Sollogoub, Thomas, Vérien et Vermeillet, est ainsi libellé :
Après l’article 15 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 583-3 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 583-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 583-3-…. – Pour prévenir ou limiter les dangers ou trouble excessif aux personnes et à l’environnement causés par les émissions de lumière artificielle et limiter les consommations d’énergie, le maire d’une commune peut procéder à l’extinction partielle ou totale de l’éclairage public existant.
« Le maire fixe par arrêté les plages horaires et les jours de l’extinction de l’éclairage public. »
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Les dispositions de cet amendement, déposé sur l’initiative de mon collègue Luche, répondent à une attente forte des maires et viennent combler un vide juridique.
Quelque 4 000 communes procèdent déjà à l’extinction totale ou partielle de l’éclairage public, mais, selon l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, en cas d’accident, la responsabilité du maire pourrait être engagée au titre de ses pouvoirs de police en matière d’éclairage.
Cet amendement vise à permettre aux maires de faire éteindre l’éclairage public sans mise en cause de leur responsabilité en cas d’accident. En effet, si cette disposition n’est pas inscrite dans la loi, le maire pourrait se trouver exposé aux recours de personnes procédurières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. J’avoue avoir du mal à comprendre cet amendement, dont je ne partage pas l’objectif. Il est de la responsabilité du maire, au titre de son pouvoir de police générale, de réglementer tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, en particulier en s’assurant de l’éclairage public. Il lui appartient donc, au cas par cas, d’évaluer les possibilités de procéder à l’extinction de l’éclairage public, tout en tenant compte des risques pour la sécurité. Il serait, à mon sens, tout à fait déraisonnable d’introduire dans ce texte une telle disposition, susceptible de mettre en péril la sécurité de nos concitoyens.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Sollogoub, l’amendement n° 577 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nadia Sollogoub. C’est tout le contraire, monsieur le rapporteur. Les pouvoirs de police du maire lui permettent de prendre des dispositions concernant la sécurité, mais il s’agit ici de l’extinction de l’éclairage public pour réaliser des économies d’énergie.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. J’avais bien compris, madame la sénatrice.
Mme Nadia Sollogoub. Or le maire pourrait être mis en cause en cas d’accident ou de cambriolage. C’est là qu’il y a un vide juridique. Je maintiens l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Je voterai cet amendement. Si nous ne l’adoptons pas, il faudra alors avoir le courage de dire clairement qu’il est interdit à un maire d’éteindre l’éclairage la nuit, pour les raisons de sécurité que le rapporteur vient d’évoquer.
Actuellement, la sécurité juridique des maires n’est pas garantie en cas d’extinction de l’éclairage public pour des raisons environnementales ou d’économie. Soit on leur donne cette sécurité en adoptant cet amendement, soit le Gouvernement dit clairement qu’il ne faut plus éteindre l’éclairage public.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je note combien le combat pour les libertés locales, même sur des sujets importants, est difficile… D’un côté, cette maison pousse, à juste titre, à plus de décentralisation, et, de l’autre, dès que nous décentralisons des compétences, vous nous demandez de légiférer pour mieux normer les choses ! Je ne vous en fais pas reproche, mais je souligne de nouveau la difficulté de trouver un équilibre entre égalité et liberté.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15 bis.
L’amendement n° 719 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Cabanel, Mme M. Carrère et MM. Gabouty, Gold, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 15 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2212-2-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2212-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2212-2-…. – Dans l’hypothèse où le maire ou l’officier de police judiciaire territorialement compétent procède à la mise en fourrière, le retrait de la circulation et, le cas échéant, l’aliénation ou la livraison à la destruction d’un véhicule, dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 et L. 417-1 du code de la route, et si le propriétaire du véhicule n’est pas identifiable, l’autorité chargée de réaliser le recouvrement forcé a accès directement au système d’immatriculation des véhicules. Le dernier détenteur de la carte grise du véhicule s’acquitte de l’avance sur frais de la collectivité couvrant les charges relatives à la mise en fourrière, le retrait de la circulation, l’aliénation ou la livraison à la destruction du véhicule. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Nous abordons ici le problème récurrent, pour les mairies, des épaves de voiture abandonnées dans l’espace public.
S’il n’existe aucune définition juridique de l’épave de voiture, plusieurs dispositions législatives permettent aux autorités publiques, au premier rang desquelles le maire, de procéder à l’enlèvement des véhicules hors d’usage.
Ainsi, le maire peut mettre en demeure le titulaire du certificat d’immatriculation de remettre le véhicule en état et recourir à un expert automobile pour déterminer si le véhicule est réparable ou non. S’il ne l’est pas, le maire peut alors procéder à sa mise en fourrière ou à son évacuation d’office vers un centre agréé de collecte des véhicules hors d’usage.
Toutefois, le problème de la prise en charge du financement de l’ensemble de ces opérations lorsque le propriétaire du véhicule en question est injoignable ou inconnu reste entier. Le droit en vigueur est muet sur ce point. L’amendement des rapporteurs adopté en commission permet seulement de prononcer une astreinte journalière d’un montant maximal de 50 euros jusqu’à exécution des mesures prescrites si le propriétaire est connu.
À Bordeaux, le traitement de ces situations représente un coût de 226 euros par véhicule. Le maire de Coutras, en Gironde, est dépité : il ne peut s’acquitter de cette charge et sa ville en pâtit sérieusement.
Pour que le recouvrement des frais puisse être effectif, nous proposons que le dernier propriétaire de la carte grise du véhicule soit obligé de s’acquitter de cette charge. Pour ce faire, il faut donner à la direction générale des finances publiques un accès direct à la plateforme SIV – système d’immatriculation des véhicules – utilisée par la police et la gendarmerie, et non un simple droit de transmission de ces informations, comme c’est le cas actuellement. La DGFiP pourrait ainsi procéder au recouvrement des avances sur frais et soulager, en termes de procédure et de financement, nos communes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Cet amendement nous paraît tout à fait satisfait par les dispositions du code de la route qui prévoient que les informations contenues dans le SIV sont communiquées, au moyen d’un accès direct, aux agents habilités de l’administration des finances publiques pour l’exercice de leurs compétences.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, ma chère collègue ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Delattre, l’amendement n° 719 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 719 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 15 ter (nouveau)
I. – Le chapitre II du titre Ier du livre V du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 512-4 est ainsi modifié :
a) Aux premier et second alinéas, le mot : « cinq » est remplacé, deux fois, par le mot : « trois » ;
b) Au premier alinéa, les mots : « et le représentant de l’État dans le département, après avis du procureur de la République » sont remplacés par les mots : « le représentant de l’État dans le département et le procureur de la République territorialement compétent » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les conventions de coordination établies en application du présent article font l’objet d’une évaluation annuelle établie conjointement par le maire de la commune, le président de l’établissement public de coopération intercommunale le cas échéant, le représentant de l’État dans le département et le procureur de la République. » ;
2° À l’article L. 512-5, les mots : « et le ou les représentants de l’État dans le département, après avis du ou des procureurs de la République territorialement compétent » sont remplacés par les mots : « , le ou les représentants de l’État dans le département et le ou les procureurs de la République territorialement compétents » ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 512-6 est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée : « La convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’État précise les missions prioritaires, notamment judiciaires, confiées aux agents de police municipale ainsi que la nature et les lieux de leurs interventions, eu égard à leurs modalités d’équipement et d’armement. » ;
b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « Elle précise la doctrine d’emploi du service de police municipale. »
II. – Les communes soumises à l’obligation de conclure une convention de coordination en application du I du présent article, pour lesquelles le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale n’a pas conventionné avant l’entrée en vigueur de la présente loi, sont tenues de s’y conformer dans un délai maximal de deux ans à compter de cette entrée en vigueur. – (Adopté.)
Article 15 quater (nouveau)
Les deuxième et avant-dernier alinéas de l’article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure sont ainsi rédigés :
« Le maire est informé par le procureur de la République des classements sans suite, des mesures alternatives aux poursuites, des poursuites engagées, des jugements devenus définitifs ou des appels interjetés lorsque ces décisions concernent des infractions mentionnées au premier alinéa ou signalées par lui en application du deuxième alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale.
« Il est également informé, à sa demande, par le procureur de la République, des suites judiciaires données aux infractions constatées, sur le territoire de sa commune, par les agents de police municipale en application de l’article 21-2 du même code. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 742 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Courteau, Montaugé, Daunis, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1 et 2
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 3, au début
Insérer les mots :
Le deuxième alinéa de l’article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure est complété par une phrase ainsi rédigée :
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Sur proposition des rapporteurs, la commission des lois a adopté un nouvel article 15 quater dont le dispositif systématise l’information du maire par le parquet concernant les suites judiciaires et décisions de justice relatives aux infractions commises sur le territoire de la commune. Jusqu’à présent, cette information est transmise sur demande du maire.
Systématiser l’obligation d’information des maires soulève, selon nous, plusieurs difficultés. Tout d’abord, cela créera deux régimes distincts d’information, ce qui est injustifié au regard de la nature des infractions susceptibles d’intéresser le maire. Ensuite, cette obligation d’information alourdira excessivement tant la charge de travail des procureurs de la République que celle des maires qui devront traiter les informations transmises. Enfin, il est nécessaire de préserver le respect des droits des personnes dont la condamnation ne nécessite pas systématiquement une information du maire de la commune.
Pour ces raisons, nous proposons de supprimer les alinéas 1 et 2 de l’article 15 quater tout en en conservant l’alinéa 3. Il paraît en effet légitime que le maire soit informé des désordres qui se produisent sur le territoire de sa commune. L’extension de l’information des maires, à leur demande, aux suites judiciaires données aux infractions constatées par les agents de la police municipale paraît tout à fait justifiée.
M. le président. L’amendement n° 964, présenté par M. Darnaud et Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
premier alinéa
insérer les mots :
du présent article
La parole est à M. le rapporteur, pour le présenter et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 742 rectifié.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Il s’agit ici d’un amendement de précision. La commission est défavorable à l’amendement n° 742 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 742 rectifié et s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 964.
M. le président. L’amendement n° 713 rectifié, présenté par MM. Grosperrin, D. Laurent et Joyandet, Mme Vullien, MM. Cambon, Panunzi et Vaspart, Mmes Noël et Chauvin, M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Decool et Mandelli, Mme Deroche, M. Longeot, Mmes Deromedi et L. Darcos, MM. Chevrollier, H. Leroy et de Nicolaÿ, Mme Vermeillet, M. Guerriau, Mmes Gruny et Imbert, MM. Savary et Laménie, Mme Lamure, MM. Fouché, Perrin, Raison et Bonne et Mme Duranton, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
Il est également informé, à sa demande, par le procureur de la République,
par les mots :
Le procureur de la République informe systématiquement le maire
La parole est à Mme Marie-Christine Chauvin.
Mme Marie-Christine Chauvin. Par cet amendement, il s’agit de rendre automatique la transmission des informations du procureur au maire concernant les affaires en cours sur la commune.
En effet, de nombreux maires regrettent de n’être pas régulièrement informés des suites judiciaires données aux infractions constatées sur le territoire de leur commune.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Nous comprenons les motivations de cet amendement, qui vise à prévoir la transmission automatique au maire des informations sur les suites judiciaires données aux infractions constatées par la police municipale.
Une telle modification ne nous paraît cependant pas souhaitable, car elle risquerait d’entraîner un engorgement des parquets. Je note d’ailleurs que les maires, s’ils demandent à être informés des suites judiciaires données aux infractions ayant causé un vrai trouble à l’ordre public, ne souhaitent pas pour autant se voir transmettre les données relatives aux manquements de plus faible gravité.
La commission vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 713 rectifié est-il maintenu, madame Chauvin ?
Mme Marie-Christine Chauvin. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 713 rectifié est retiré.
La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote sur l’article 15 quater.
M. Hervé Maurey. Je voterai bien sûr cet article, mais je souhaite appeler l’attention de M. le ministre sur l’information des maires sur les délits ou crimes commis sur le territoire de leur commune.
L’article 15 quater vise l’information des maires sur des procédures judiciaires, mais rien n’est prévu pour améliorer l’information des maires en cas de commission de crimes ou de délits sur le territoire de leur commune. Dans le département de l’Eure, récemment, le maire des Barils, une commune de 270 habitants, a appris par la radio qu’un meurtre avait été commis dans sa commune. Ce n’est évidemment pas admissible. Le Gouvernement devrait donner des instructions pour que ce type d’événements soit porté à la connaissance du maire par d’autres moyens que les médias.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voudrais plaider ici pour la séparation des pouvoirs.
Tout à l’heure, un amendement, qui heureusement a été retiré, visait à ce que les maires soient informés de la présence dans leur commune de personnes inscrites sur le registre des personnes recherchées. Je me souviens du débat important que nous avions eu sur les fiches S. À l’époque, le groupe de travail de la commission des lois, présidé par François Pillet, avait tenu bon face aux nombreuses demandes de maires d’être informés de la présence dans leur commune de personnes faisant l’objet d’une fiche S.
Soyons très attentifs à cette question. En effet, on risque d’aboutir à une véritable dérive. Il revient à la justice de s’occuper de la justice ; il revient aux services de renseignement de lutter contre le terrorisme. Si le maire devient dépositaire de toutes ces informations, il sera immédiatement mis en cause s’il n’agit pas…
Le ministre de l’intérieur a eu raison de le souligner, les maires peuvent jouer un rôle dans la lutte contre la radicalisation. C’est d’ailleurs également vrai pour les éducateurs, les responsables des clubs sportifs, les enseignants, les personnels de l’action sociale… Pour autant, veillons à ne pas tout mélanger ! En retour, il pourrait y avoir des conséquences qui ne seraient pas conformes à nos principes républicains et qui pourraient mettre les maires en grande difficulté.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote sur l’article.
M. Jacques Bigot. Selon toute vraisemblance, l’article 15 quater sera adopté. Une fois de plus, on va donner des illusions aux maires. Aujourd’hui, les procureurs de la République sont débordés, ils ne sont pas assez nombreux. Par ailleurs, les systèmes informatiques sont défaillants. Si on avait présenté à Mme la ministre de la justice, lors de l’examen du texte de réforme de la justice, une telle disposition, elle aurait certainement répondu qu’elle n’était pas matériellement applicable.
Par conséquent, en adoptant cet article, on va mettre des procureurs en difficulté, parce qu’ils ne pourront pas répondre aux demandes des maires.
M. le président. Je mets aux voix l’article 15 quater, modifié.
(L’article 15 quater est adopté.)
Article 15 quinquies (nouveau)
Au V de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « code de la sécurité intérieure », sont insérés les mots : «, les agents de police municipale des communes membres mis à disposition par convention à cet effet ».
M. le président. L’amendement n° 813 rectifié, présenté par MM. Bonnecarrère et Henno, Mme Vullien, MM. Capo-Canellas, Vanlerenberghe, Kern et Canevet, Mmes Morin-Desailly, Billon et Saint-Pé et MM. Delahaye et Moga, est ainsi libellé :
I. – Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le I de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un C ainsi rédigé :
« C. – Sans préjudice de l’article L. 2212-2, lorsqu’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou son groupement est compétent en matière collecte des déchets des ménages et des déchets assimilés, les maires des communes membres de celui-ci peuvent transférer au président de cet établissement ou du groupement les attributions définies à l’article L. 541-3 du code de l’environnement. »
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. Dans le cas prévu au C du I, dans un délai de six mois suivant la date de l’élection du président de l’établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales, le président de l’établissement ou du groupement peut s’opposer au transfert des pouvoirs de police. À cette fin, il notifie son opposition aux maires président. Dans ce cas, le transfert des pouvoirs de police prend fin à compter de cette notification. »
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Cet amendement concerne la réunification des compétences de police administrative en matière de collecte des déchets. Je le retire, eu égard à la discussion que nous avons eue tout à l’heure.
M. le président. L’amendement n° 813 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 15 quinquies.
(L’article 15 quinquies est adopté.)
Article 15 sexies (nouveau)
L’article L. 512-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :
« Art. L. 512-2. – I. – Dans les conditions prévues aux deuxième et dernier alinéas du présent I, le président d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut recruter, à son initiative ou à la demande des maires de plusieurs communes membres, un ou plusieurs agents de police municipale, en vue de les mettre en tout ou partie à disposition de l’ensemble des communes et d’assurer, le cas échéant, l’exécution des décisions qu’il prend au titre des pouvoirs de police qui lui ont été transférés en application de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales.
« Le recrutement est autorisé par délibérations concordantes de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et de deux tiers au moins des conseils municipaux des communes représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou de la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population.
« Le conseil municipal de chaque commune membre dispose d’un délai de trois mois, à compter de la notification au maire de la délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale, pour se prononcer sur la décision de recrutement proposée. À défaut de délibération dans ce délai, sa décision est réputée favorable.
« II. – Les agents de police municipale recrutés en application du I mis à disposition des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale exercent, sur le territoire de chaque commune où ils sont affectés, les compétences mentionnées à l’article L. 511-1, sans préjudice des compétences de police judiciaire qui leur sont dévolues par le code de procédure pénale et par les lois pénales spéciales.
« Leur nomination en qualité de fonctionnaires stagiaires ne fait pas obstacle à leur mise à disposition des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale.
« Pendant l’exercice de leurs fonctions sur le territoire d’une commune, ils sont placés sous l’autorité du maire de cette commune.
« Une convention conclue entre l’établissement public de coopération intercommunale et chaque commune concernée fixe les modalités d’organisation et de financement de cette mise à disposition des agents et de leurs équipements.
« III. – Lorsqu’ils assurent, en application du V de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, l’exécution des décisions du président de l’établissement public de coopération intercommunale, les agents de police municipale sont placés sous l’autorité de ce dernier.
« IV. – Le recrutement d’agents de police municipale par un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dans les conditions prévues au I du présent article ne fait pas obstacle au recrutement, par une comm