M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, je vous sais très au fait de ces questions. Comme vous le savez, la coopération en matière de lutte antiterroriste est aussi une coopération entre les services de renseignement intérieur.
Cette coopération entre tous les services de renseignement intérieur au sein de l’Union européenne, mais en dehors du cadre de l’Union européenne, a été accentuée depuis les attentats qui nous ont frappés en 2015 ; elle est extrêmement productive et va évidemment se poursuivre. Elle s’exerce à la fois dans un cadre bilatéral, directement entre les services français et britanniques, et dans un cadre multilatéral, mais informel. J’insiste bien : cette coopération se déroule en dehors du cadre du traité de l’Union européenne – aucune difficulté, donc, de ce point de vue – et elle se pratique tous les jours.
Il est tout à fait exact – vous avez raison de le souligner – que, pour partie, cette coopération utilise des outils prévus par des textes européens. Vous avez cité notamment le PNR et le système d’information Schengen, qui comprend notamment un fichier des personnes recherchées. Le Brexit aura nécessairement une conséquence sur l’utilisation de ces outils.
Néanmoins, une sortie sans accord ou avec accord ne dépend pas uniquement de nous. Si accord il doit y avoir, il est bien évident que celui-ci comportera un volet afin de continuer à utiliser ces outils européens. S’il devait ne pas avoir d’accord, nous ouvririons des discussions.
À ce stade, madame la sénatrice, il ne nous appartient pas de nous prononcer sur des décisions qui nous sont imposées. Dans le cadre d’un accord, il y aura un volet sur la sécurité intérieure, mais je ne peux pas vous faire d’autre réponse que de vous renvoyer à nos partenaires britanniques. (M. Olivier Cadic applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
La délégation parlementaire au renseignement a rendu il y a quelques semaines un rapport alarmiste sur la situation, notamment en ce qui concerne la sécurité et les conséquences du Brexit. Très souvent, dans ce genre de situation, nous sommes dans l’ex post. N’attendons pas le 31 octobre !
Je sais très bien que les services continuent à travailler, mais il devient important de prendre des mesures urgentes. Il faut faire une évaluation des besoins.
Le problème des mandats européens est extrêmement sérieux. Nous risquons d’importantes déconvenues judiciaires avec un certain nombre de personnes indésirables sur notre territoire que nous ne pourrons plus poursuivre faute d’outils. Je vous demande donc de prendre les dispositions qui s’imposent avant qu’il ne soit trop tard.
impact de la réforme des retraites sur les femmes
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. La réforme des retraites proposée dans votre rapport, monsieur Delevoye, inquiète les femmes mères de famille. Actuellement, les mères de famille valident huit trimestres dans le secteur privé par enfant né ou adopté et quatre trimestres dans le public. C’est ce qu’on appelle la majoration de durée d’assurance.
La réforme envisagée vise à supprimer les dispositifs actuels pour les remplacer par une majoration retraite de 5 % par enfant dès le premier enfant. Cette bonification pourra éventuellement être transférée au père ou partagée avec lui.
La retraite des femmes est actuellement inférieure de 38 % à celle des hommes. C’est en grande partie dû à la maternité, qui conduit un grand nombre de femmes à prendre du temps pour leur enfant, à renoncer à une promotion, à prendre un temps partiel ou un congé parental. Pour beaucoup de mères n’ayant pas des carrières complètes, l’attribution d’une retraite qui soit le strict reflet de leurs périodes d’activité sera défavorable par rapport au système actuel.
Il est particulièrement injuste de bonifier la retraite d’un parent en pourcentage, en lésant les mères dont les carrières sont incomplètes, mais aussi celles ayant de petits salaires. Il serait particulièrement inéquitable que la réforme des retraites accroisse l’écart de niveau de retraites au détriment des mères.
Monsieur le haut-commissaire, cette majoration de 5 % se substituera-t-elle à la majoration de durée d’assurance, pénalisant ainsi les femmes ayant élevé plusieurs enfants ?
Par ailleurs, cette loi aura-t-elle un effet rétroactif en supprimant les droits acquis par les femmes ayant eu des enfants avant l’entrée en vigueur de la réforme en 2025 ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux retraites.
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Chère madame, je sais tout l’intérêt qu’il faut porter à la situation des femmes dans le futur système universel des retraites. Notre cap est clair : les mêmes règles pour tous, l’universalité et la recherche de l’équité.
Vous l’avez souligné, quand vous êtes maman dans le secteur public ou dans le secteur privé, vous ne bénéficiez pas de la même majoration de durée. C’est injuste ! Par ailleurs, s’il y a une majoration de durée dans le système actuel, il n’y a aucune majoration de pension pour le premier enfant, pour le deuxième enfant, pour le quatrième enfant et pour le cinquième enfant.
Le dispositif a été créé pour compenser les préjudices de carrière. Vous l’avez souligné à juste titre, l’Insee, en 2019, a indiqué qu’il existait une perte de 25 % des revenus salariaux des femmes. Le taux d’activité des hommes et des femmes au troisième enfant avant que celui-ci n’ait trois ans est de 70 % pour les hommes, contre 30 % pour les femmes. Résultat : ce dispositif bénéficie aujourd’hui à deux tiers des hommes !
Nous avons décidé de compenser ce phénomène par une majoration proportionnelle dès le premier enfant, de façon à ce que l’écart de 40 % des pensions entre les hommes et les femmes, qui tombe à 25 % avec la réversion, puisse, dans nos simulations, sur les générations 80-90, augmenter les pensions en moyenne des femmes de 5 % à 10 %.
M. Ladislas Poniatowski. Je n’ai rien compris ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bruno Retailleau opine.)
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire. Nous avons réalisé des simulations : nous parlerons chiffres contre chiffres, simulations contre simulations, et nous ne nous contenterons pas de slogans !
Enfin, nous augmentons le minimum contributif à 1 000 euros, ce qui apportera une amélioration pour les femmes, notamment celles à temps partiel.
Le Conseil d’orientation des retraites a indiqué que le dispositif que nous mettions en place était favorable aux carrières heurtées et courtes. Il concerne donc, notamment, les femmes.
M. Bruno Retailleau. Et les huit trimestres ?
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire. Voyez-vous, nous avons la prétention d’aller vers davantage de redistribution en faveur des femmes dans le système universel ! (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
quotidien france-antilles
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Dominique Théophile. Ma question s’adresse à la ministre des outre-mer.
En Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, le journal France-Antilles ou France-Guyane appartient à un groupe de presse en cessation de paiement. L’unique quotidien régional sera bientôt, peut-être dans un mois et demi, en liquidation.
Ces territoires doivent pouvoir conserver une presse vivante et pluraliste, une presse qui a contribué au développement de la citoyenneté, de la liberté d’opinion et de la démocratie dans nos îles. Les mutations technologiques des réseaux sociaux et les changements dans les habitudes de consommation mettent cependant en cause la survie de ce journal. Sa disparition signifierait la perte cumulée de deux cent cinquante-trois emplois à haut niveau de qualification en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. Ces emplois sont occupés en grande partie par des originaires. Leur niveau de spécialisation rendra leur réembauche difficile, voire impossible en cas de liquidation.
Ce quotidien est aujourd’hui constitutif du patrimoine de ces territoires. Depuis plus de cinquante-trois ans, il rythme notre vie quotidienne, il doit être à ce titre préservé. C’est pourquoi il est nécessaire de mobiliser l’ensemble des aides au pluralisme de la presse périodique régionale.
Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont consacré, dans leur jurisprudence, la valeur constitutionnelle du pluralisme de la presse écrite. Ils ont également admis qu’un soutien public accru devrait être apporté à la presse d’information politique et générale. Je vous prie, madame la ministre, de nous faire connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour maintenir une presse quotidienne régionale vivante, ainsi que les nombreux emplois, si importants pour des territoires touchés par un chômage de masse qui en dépendent. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Théophile, vous avez raison, la presse écrite quotidienne en outre-mer connaît malheureusement des difficultés, qu’il s’agisse des Antilles, de la Guyane ou de La Réunion. Cela nous impose de repenser ensemble deux choses : d’abord, le modèle économique du secteur ; ensuite, le renouvellement de l’offre aux lecteurs, dont les pratiques évoluent, nous le savons tous. Il est nécessaire d’envisager la question de l’adaptation dans les territoires d’outre-mer.
Le groupe France-Antilles est l’éditeur du premier quotidien de presse en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. Concrètement, 285 salariés sont répartis entre ces trois territoires – idem à La Réunion pour deux quotidiens.
Le groupe France-Antilles a été placé en redressement judiciaire le 25 juin. Le tribunal de commerce de Fort-de-France se prononcera à la fin du mois de novembre. Des offres de reprise sont d’ores et déjà déposées. Le Gouvernement est mobilisé depuis quelques mois sur ce sujet et a pris trois décisions.
Premièrement, une inspection IGA-IGAC doit formuler des propositions avant la fin de l’année sur le soutien à apporter à ce secteur.
Deuxièmement, des outils pour faciliter la trésorerie sont prévus. Nous avons notamment décidé d’échelonner dans le temps les dettes sociales et fiscales de certains de ces organismes.
Troisièmement, je l’ai défendu devant le CIOM, le comité interministériel des outre-mer, le comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI, qui a pour mission d’aider les entreprises en difficulté avec des solutions définies entre actionnaires et créanciers, doit agir sur ces questions. Le Premier ministre l’a acté et validé. C’est aujourd’hui chose faite. Ces trois engagements seront tenus !
M. le président. Il faut conclure !
Mme Annick Girardin, ministre. Comme vous l’avez souligné, le dynamisme d’une presse régionale est fondamental dans nos territoires d’outre-mer comme partout. C’est le droit à l’information, et c’est bien sûr aussi la vie démocratique qu’il nous faut défendre ! (MM. Jean-Marc Gabouty et François Patriat applaudissent.)
fermeture d’une usine michelin en vendée
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli. Ma question s’adresse à la fois au ministre de l’économie et à la ministre du travail.
Le 10 octobre dernier, le groupe Michelin, fleuron industriel français, leader mondial du pneumatique, a annoncé la fermeture définitive du site de La Roche-sur-Yon. Après Joué-lès-Tours en 2013 et 730 emplois supprimés, cette décision met fin à la production de pneus destinés aux poids lourds en France.
Six cent dix-neuf hommes et femmes hautement qualifiés sont concernés et vont perdre leur emploi. La moyenne d’âge des salariés est de trente-neuf ans, et beaucoup ont été recrutés ces cinq dernières années dans le cadre du plan Skipper, qui prévoyait 100 millions d’euros d’investissement et 200 recrutements. Ce sont 70 millions qui ont été investis. Des femmes et des hommes ont consenti beaucoup d’efforts pour améliorer la productivité du site. Cela n’a apparemment pas suffi, et le couperet est tombé brutalement.
Michelin propose 120 millions d’euros pour accompagner la reconversion de l’usine, suggère la mobilité interne pour des personnes qui ont construit leur vie familiale et professionnelle en Vendée, pour certains depuis plus de trente ans. C’est une vue de l’esprit !
La présidente de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais, et Bruno Retailleau ont obtenu le remboursement des aides régionales accordées à Michelin. Est-ce que l’État fera la même démarche pour une part du CICE ? L’État sera-t-il présent aux côtés des salariés et des élus locaux, dont le maire de La Roche-sur-Yon, Luc Bouard, et le président du département, Yves Auvinet, pour obtenir toutes les garanties et amortir les conséquences de ce drame économique et humain à long terme ?
Cette malheureuse actualité illustre les travers de notre économie. Plus généralement, comment l’État entend-il œuvrer pour préserver et développer l’industrie dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Mandelli, votre question jette une lumière assez vive sur la question posée précédemment par le sénateur Bargeton concernant l’urgence d’un pacte productif.
Le problème de Michelin à La Roche-sur-Yon, c’est l’émergence des concurrents chinois. Ceux-ci émergent dans le numérique, dans l’industrie, mais aussi dans des secteurs comme les pneus, où la France comptait pourtant des entreprises parmi les meilleures du monde. Il est donc nécessaire de mener des actions défensives, mais également des actions offensives pour pouvoir nous battre à la hauteur de la compétition mondiale.
S’agissant du site de La Roche-sur-Yon, le président de Michelin s’est engagé à accompagner l’ensemble des salariés. Je puis vous assurer que, avec Bruno Le Maire et Muriel Pénicaud, nous ferons en sorte de veiller à ce que chacun des 619 salariés du site Michelin soit accompagné jusqu’à ce qu’il trouve un emploi.
M. Philippe Bas. C’est la moindre des choses !
M. Bruno Retailleau. C’est la loi !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Le site de La Roche-sur-Yon est un bassin d’emplois industriels dynamique. J’ai eu l’occasion, quand j’étais dans l’industrie, de travailler sur le sujet. Il faut donc que chaque salarié retrouve un emploi dans les semaines et les mois à venir. Le Gouvernement y sera très attentif.
Enfin, monsieur le sénateur, il est aberrant de constater que des pneus moins chers, mais aussi moins durables, se vendent mieux et évincent des technologies françaises plus durables et plus écologiques. C’est également un sujet sur lequel le Gouvernement souhaite se mobiliser. Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher ont demandé un contrôle express à la DGCCRF. Nous voulons porter ce débat au niveau européen pour faire respecter à la fois nos ambitions industrielles et nos objectifs écologiques. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Dans le projet de loi Économie circulaire, nous avons intégré l’obligation d’inclure dans la commande publique des pneus issus des filières qualitatives françaises.
Plus généralement, je n’ai pas à être convaincu ou pas par votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Ce sont les salariés qui doivent l’être. Nous le leur demanderons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Très bien !
décision du conseil constitutionnel sur la gratuité dans l’enseignement supérieur public (II)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Sylvie Robert. Par sa décision du 11 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a tiré du treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 l’exigence constitutionnelle selon laquelle « la gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public ». Des frais d’inscription « modiques » peuvent néanmoins être perçus, en tenant compte des « capacités financières des étudiants ».
À travers cette décision, qui fait suite à la volonté du Gouvernement d’augmenter brutalement et de manière importante les droits d’inscription pour les étudiants extracommunautaires, il est rappelé que l’égal accès devant l’instruction, aux fondements du projet émancipateur de la République, ne s’arrête pas aux portes de l’enseignement supérieur public et que ce principe ne peut être entravé pour des motifs pécuniaires.
Dans l’attente de la décision du Conseil d’État, Mme la ministre de l’enseignement supérieur a dit « vouloir garder la stabilité du système d’enseignement supérieur public ». Très bien ! Mais, comme le dit le poète, « être patient, ce n’est pas attendre, c’est agir en attendant ». Comment allez-vous anticiper ces décisions, monsieur le ministre ? Envisagez-vous, par exemple, de revenir sur l’arrêté ministériel relatif aux frais d’inscription différenciés des étudiants étrangers hors Union européenne ? Plus globalement, comment comptez-vous sécuriser et assurer la pérennité du financement de l’enseignement supérieur public, qui risque, on le sait, d’être profondément bouleversé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Sylvie Robert, je répondrai encore une fois en lieu et place de Mme la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, et je terminerai l’explication de texte de ce que j’ai commencé tout à l’heure.
N’oubliez pas que j’étais auparavant un professeur de droit constitutionnel. Je n’ignore donc pas la non-contradiction entre la décision du Conseil constitutionnel et le dispositif que le Gouvernement a voulu mettre en place, avec l’approbation du Parlement. En effet, les deux principes que j’ai rappelés tout à l’heure sont parfaitement respectés : d’une part, le principe d’individualisation, qui vise à tenir compte de la situation sociale de chaque étudiant ; d’autre part, le principe de financement prioritairement par l’impôt de l’enseignement supérieur.
En revanche, il existe un besoin de précision. C’est pourquoi nous devons attendre la future jurisprudence du Conseil d’État. Néanmoins, nous sommes sereins, car le terme utilisé par le Conseil constitutionnel est celui de « modique ». Or nous sommes modiques dans nos perspectives, puisque nous avons limité à un tiers le plafond de ce qu’un étudiant étranger pourrait payer. N’oublions pas que, si ce n’est pas l’étudiant qui paye, c’est le contribuable français. Il est légitime que nous soyons attentifs à ce point.
Quoi qu’il en soit, nous respectons le principe de gratuité dès lors que la somme demandée est modique, ce qui est bien le cas. Le Conseil d’État appréciera la chose de façon précise et qui fera autorité. Nous avons donc tout lieu d’être sereins, d’autant que, sur le plan social – j’aurais peut-être une différence de point de vue avec vous –, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, la ministre a lancé le plan Bienvenue en France. Ce plan nous permet d’être plus accueillants et d’avoir plus d’étudiants : c’est un enjeu pour la France, pour sa force et sa puissance. Il importe de le faire dans les meilleures conditions.
Aussi bien quantitativement que qualitativement, notre proposition conduit à des améliorations et à plus de justice fiscale. Elle cumule beaucoup d’avantages. Voilà pourquoi nous sommes sereins par rapport à la future jurisprudence. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty et Mme Françoise Gatel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.
Mme Sylvie Robert. Nous avons bien compris que le débat, même s’il est plus large, tournera autour du terme « modique ». C’est votre prisme. Mais la question doit être également examinée au regard de l’exigence de gratuité et d’égalité. Je ne suis pas certaine que payer plus de 2 000 euros de frais d’inscription pour une formation soit une somme modique pour les étudiants et leur famille.
M. Rachid Temal. Eh oui !
Mme Sylvie Robert. Nous souhaitons un vrai débat parlementaire, car il s’agit de l’enjeu et du financement de notre enseignement supérieur public demain. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
politique gouvernementale
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. (Ah ! sur diverses travées.)
M. Jean Louis Masson. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, par le passé, les immigrés qui venaient en France voulaient s’intégrer dans notre société. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.) Aujourd’hui, les flux migratoires sont différents. Ils conduisent à des noyaux communautaristes qui rejettent notre façon de vivre. Or les terroristes musulmans (Oh ! sur les mêmes travées.) trouvent leur vivier de recrutement dans le communautarisme radicalisé. Cette radicalisation recrute elle-même dans le communautarisme ordinaire. Il est urgent de réagir.
J’approuve la ministre des collectivités territoriales, qui suggère d’interdire le port du voile islamique dans les assemblées des collectivités territoriales. J’approuve aussi la position du ministre de l’éducation nationale, qui ne souhaite pas que les parents qui accompagnent les sorties scolaires portent le voile islamique. Cependant, au Gouvernement, d’autres ministres disent le contraire et soutiennent le communautarisme islamique (Exclamations sur les travées du groupe LaREM.), au risque de favoriser le terrorisme. De son côté, le Président de la République se complaît dans l’ambiguïté.
Monsieur le Premier ministre, oui ou non êtes-vous favorable au port du voile islamique dans les assemblées des collectivités territoriales ? Oui ou non êtes-vous favorable au port du voile islamique par les parents qui accompagnent les enfants dans les écoles ?
Mme Christine Herzog. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je crois comprendre, aux murmures qui se sont élevés sur ces travées, que vous êtes manifestement habitué à toutes les formes d’outrance. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il est important, comme le Premier ministre l’a fait, de rappeler quels sont les fondements de notre République et la manière dont le fait religieux est encadré dans l’espace de la République française. La loi de 1905, le Premier ministre l’a rappelé, fixe ce cadre et détermine le fait que, en France, c’est l’État qui est laïque et non pas la société. Cela signifie que l’État laïque a un devoir de neutralité, qui s’incarne dans les agents de la fonction publique. C’est la raison pour laquelle un professeur ne peut pas porter la kippa ou le voile à l’école.
Ce cadre juridique a été complété il y a quelques années, en 2004, afin que l’école soit un espace sacré, si j’ose dire, un espace de protection, qui permette aux enfants d’être éduqués dans les valeurs de notre pays. Voilà pourquoi les signes religieux ostentatoires sont interdits pour les élèves mineurs à l’école.
Le législateur de 2004 a également fait le choix d’autoriser le voile pour les parents accompagnateurs de sorties scolaires dans la mesure où ces adultes ne font pas de prosélytisme à l’égard des élèves. Comme le Premier ministre l’a souligné, nous sommes extrêmement résolus à lutter contre toutes les formes de communautarisme religieux et contre toutes les formes de radicalisation religieuse.
Nous sommes, monsieur le sénateur, tout aussi fermes pour dénoncer toutes les stigmatisations à l’intention de nos compatriotes en raison de leur appartenance à une religion, en particulier à la religion musulmane. Nous sommes une nation ouverte, mais une nation ferme dans ses principes et qui lutte sans relâche contre la radicalité et le communautarisme. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réplique.
M. Jean Louis Masson. C’est aux gens qui viennent dans notre pays de s’adapter à nos règles de vie et non à nous de subir les leurs ! (Vives exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Rachid Temal. On parle de Français !
M. Jean Louis Masson. Je trouve scandaleux que mes petits-enfants ou les vôtres puissent être amenés à faire des sorties scolaires entourés par des femmes complètement voilées. (Protestations sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.) Voilà où nous en sommes ! C’est la négation de la laïcité !
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean Louis Masson. Selon moi, le conseiller régional du Rassemblement national qui a posé le problème mériterait une décoration, car il a raison ! (Mme Christine Herzog applaudit. – Protestations sur diverses travées.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 23 octobre, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)