Sommaire
Présidence de M. David Assouline
Secrétaires :
M. Yves Daudigny, Mme Françoise Gatel.
2. Mises au point au sujet de votes
3. Commémoration du 75e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz
5. Création d’une mission d’information
6. Candidatures à des commissions mixtes paritaires
7. Bioéthique. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Demande de priorité de l’article 17 avant l’article 14. – M. Alain Milon, président de la commission spéciale ; Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. – La priorité est ordonnée.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 7 bis
Amendement n° 3 rectifié de M. Laurent Lafon. – Rejet.
Amendement n° 311 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 208 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendements identiques nos 183 rectifié ter de M. Vincent Éblé et 189 rectifié ter de M. Olivier Cadic. – Devenus sans objet.
Amendement n° 276 de M. Michel Canevet. – Devenu sans objet.
Amendements nos 312, 313 et 314 de la commission. – Devenus sans objet.
Suspension et reprise de la séance
Article additionnel après l’article 10 ter
Amendement n° 7 de Mme Élisabeth Doineau. – Retrait.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale
Amendement n° 205 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 315 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 316 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’intitulé du chapitre.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
Amendements identiques nos 88 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier et 114 rectifié octies de M. Damien Regnard. – Devenus sans objet.
Amendement n° 89 rectifié quater de M. Guillaume Chevrollier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 297 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendement n° 150 rectifié de M. Arnaud Bazin. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 137 rectifié ter de M. Dominique de Legge et 175 de M. Sébastien Meurant. – Devenus sans objet.
Amendement n° 99 rectifié ter de M. Bruno Retailleau. – Devenu sans objet.
Amendement n° 58 rectifié de M. André Reichardt. – Devenu sans objet.
Amendement n° 247 rectifié ter de M. Emmanuel Capus. – Devenu sans objet.
Amendement n° 185 de M. Sébastien Meurant. – Devenu sans objet.
Amendements nos 134 rectifié bis et 139 rectifié bis de M. Dominique de Legge. – Devenus sans objet.
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission spéciale
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
Amendement n° 75 de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 129 rectifié bis de M. Dominique de Legge. – Rejet.
Amendement n° 71 rectifié quater de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 130 rectifié bis de M. Dominique de Legge. – Rejet.
Amendement n° 72 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 187 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 73 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 298 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 74 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 180 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 179 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 230 de M. Jacques Bigot. – Retrait.
Amendement n° 132 rectifié bis de M. Dominique de Legge. – Rejet.
Amendement n° 226 rectifié de M. Bernard Jomier. – Retrait.
Amendement n° 178 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 186 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 78 rectifié quater de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 136 rectifié bis de M. Dominique de Legge. – Rejet.
Amendement n° 79 rectifié quater de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 76 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 215 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 151 rectifié de M. Arnaud Bazin. – Rejet.
Amendement n° 266 rectifié de M. Michel Amiel. – Retrait.
Amendement n° 80 rectifié quater de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 181 de M. Sébastien Meurant. – Non soutenu.
Amendement n° 299 du Gouvernement. – Retrait.
Amendement n° 82 de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 182 de M. Sébastien Meurant. – Non soutenu.
Amendement n° 317 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 77 rectifié quater de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 153 rectifié de M. Arnaud Bazin. – Retrait.
Amendement n° 318 de la commission. – Adoption.
Adoption, par scrutin public n° 84, de l’article modifié.
8. Décision de l’Assemblée nationale sur l’engagement d’une procédure accélérée
9. Communication d’un avis sur un projet de nomination
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
10. Mise au point au sujet de votes
11. Bioéthique. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 212 rectifié ter de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 319 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 320 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 83 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 296 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public n° 85.
Amendement n° 85 de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 59 rectifié de M. André Reichardt. – Rejet.
Amendement n° 246 rectifié ter de M. Emmanuel Capus. – Rejet.
Amendement n° 84 rectifié quater de M. Guillaume Chevrollier. – Adoption.
Amendement n° 152 rectifié de M. Arnaud Bazin. – Retrait.
Amendement n° 213 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.
Amendement n° 176 de M. Sébastien Meurant. – Devenu sans objet.
Amendement n° 253 rectifié bis de M. Guillaume Chevrollier. – Adoption.
Amendement n° 154 rectifié de M. Arnaud Bazin. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 86 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 174 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 87 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 173 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 184 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 17 (précédemment examiné)
Amendement n° 1 rectifié quinquies de Mme Jocelyne Guidez. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 127 rectifié ter de M. Dominique de Legge. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 251 rectifié de M. Alain Milon. – Devenu sans objet.
Amendement n° 190 rectifié de Mme Annie Delmont-Koropoulis. – Devenu sans objet.
Renvoi de la suite de la discussion.
12. Ordre du jour
Nomination de membres de commissions mixtes paritaires
compte rendu intégral
Présidence de M. David Assouline
vice-président
Secrétaires :
M. Yves Daudigny,
Mme Françoise Gatel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 23 janvier 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, le 22 janvier 2020, lors du scrutin n° 69 sur l’article 1er du projet de loi relatif à la bioéthique, M. Bernard Delcros a été enregistré comme s’abstenant alors qu’il souhaitait voter pour.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, le jeudi 23 janvier, lors du scrutin n° 70, M. Éric Kerrouche a été enregistré comme s’abstenant alors qu’il souhaitait voter contre ; lors du scrutin n° 71, il a été enregistré comme s’abstenant alors qu’il souhaitait voter pour ; et lors du scrutin n° 72, il a été enregistré comme s’abstenant alors qu’il souhaitait voter contre.
Lors du scrutin n° 75, j’ai moi-même été enregistrée comme votant pour alors que je souhaitais m’abstenir, tandis que, lors du scrutin n° 76, j’ai été enregistrée comme votant contre alors que je souhaitais voter pour.
Lors du scrutin n° 78, Mme Corinne Féret a été enregistrée comme votant pour alors qu’elle souhaitait s’abstenir.
Lors du scrutin n° 79, M. Éric Kerrouche et Mme Corinne Féret ont été enregistrés comme votant contre alors qu’ils souhaitaient s’abstenir.
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne.
M. Bernard Bonne. Monsieur le président, lors du scrutin n° 71, Mme Marie Mercier souhaitait voter contre.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, lors du scrutin n° 77, j’ai été enregistré comme m’abstenant alors que je souhaitais voter contre, tandis que M. Alain Fouché souhaitait apparaître comme n’ayant pas pris part au vote.
Lors des scrutins nos 75 et 76, ce même collègue souhaitait également apparaître comme n’ayant pas pris part au vote.
Lors du scrutin n° 72 portant sur l’amendement n° 67 rectifié ter présenté par notre collègue Sophie Primas, Alain Fouché souhaitait voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins.
3
Commémoration du 75e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz
M. le président. Mesdames les ministres, mes chers collègues, je vous invite à vous lever. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre des solidarités et de la santé et Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, se lèvent.)
Au lendemain de la journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, je tiens, en votre nom, à associer notre Haute Assemblée aux commémorations marquant le 75e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz.
Soixante-quinze ans après, nous avons le devoir de rappeler la monstruosité de ces crimes et de maintenir le souvenir des victimes : 6 millions de morts sur notre continent ; 76 000 Juifs déportés de France, dont les noms sont inscrits, au Mémorial de la Shoah, sur le Mur des noms.
Au-delà de la commémoration, il nous revient aujourd’hui de continuer à faire vivre la mémoire de l’Holocauste pour ne jamais oublier.
Face à la montée de l’antisémitisme à travers le monde et à l’augmentation du nombre d’actes racistes et xénophobes dans notre pays, il nous faut plus que jamais nous souvenir et demeurer vigilants. Restons unis et intransigeants face à l’antisémitisme, au racisme, à la xénophobie et à l’intolérance.
4
Opposition à l’engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi et d’un projet de loi organique
M. le président. La conférence des présidents, qui vient de se réunir, a décidé de s’opposer à l’engagement de la procédure accélérée sur le projet de loi organique relatif au système universel de retraite et sur le projet de loi instituant un système universel de retraite.
Cette décision sera notifiée à M. le président de l’Assemblée nationale.
Acte est donné de cette communication.
5
Création d’une mission d’information
M. le président. La conférence des présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande du groupe CRCE de création d’une mission d’information sur le thème : « Quel rôle, quelle place, quelles compétences des départements dans les régions fusionnées, aujourd’hui et demain ? »
La désignation des membres de cette mission en séance publique interviendra le mercredi 19 février, à seize heures trente.
6
Candidatures à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et du projet de loi modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
7
Bioéthique
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (projet n° 63, texte de la commission spéciale n° 238, rapport n° 237).
Demande de priorité
M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Monsieur le président, la commission spéciale demande l’examen en priorité de l’article 17 avant l’article 14.
M. le président. Je suis saisi, par la commission spéciale, d’une demande de priorité sur l’article 17, afin qu’il soit examiné avant l’article 14.
Selon l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Il n’y a pas d’opposition.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Dans la discussion du texte de la commission spéciale, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier bis du titre II, à l’article 7 bis.
TITRE II (suite)
PROMOUVOIR LA SOLIDARITÉ DANS LE RESPECT DE L’AUTONOMIE DE CHACUN
Chapitre Ier bis
Conforter la solidarité dans le cadre du don de sang
(Division et intitulé nouveaux)
Article 7 bis (nouveau)
Le chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1221-5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « mineure », sont insérés les mots : « de moins de dix-sept ans » ;
– le mot : « légale » est remplacé par les mots : « juridique avec représentation à la personne » ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les personnes mineures de plus de dix-sept ans, le prélèvement peut être opéré à la condition qu’une des personnes investies de l’autorité parentale ou le représentant légal y consente expressément par écrit. » ;
c) Au deuxième alinéa, au début, le mot : « Toutefois » est remplacé par les mots : « Par dérogation au premier alinéa » et, après le mot : « mineurs », sont insérés les mots : « de moins de dix-sept ans » ;
d) Au début du troisième alinéa, le mot : « Le » est remplacé par le mot : « Ce » ;
2° L’article L. 1271-2 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de prélever ou de tenter de prélever du sang sur une personne mineure de plus de dix-sept ans sans avoir recueilli le consentement écrit de l’une des personnes investies de l’autorité parentale ou du représentant légal est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « mineure », sont insérés les mots : « de moins de dix-sept ans » et le mot : « légale » est remplacé par les mots : « juridique avec représentation à la personne ».
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Nous voterons cet article sur le don du sang et je voudrais en profiter pour dire quelques mots sur le laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), créé en réponse à l’affaire du sang contaminé.
Le LFB, qui conçoit et fabrique des médicaments à partir de plasma, est détenu pour l’instant à 100 % par l’État. Malheureusement, il semblerait que des menaces pèsent sur cette maîtrise publique puisque des investisseurs privés pourraient entrer dans le capital de cette entreprise.
Je ne méconnais pas les difficultés financières du LFB et son plan stratégique de transformation, mais, madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer et nous indiquer si la participation de l’État va continuer à être à hauteur de 100 % ?
Je suis déjà intervenue, à plusieurs reprises, vous le savez bien, pour défendre cette participation essentielle de l’État. Les raisons en sont simples : si l’État ne détient pas cette majorité, c’est la porte ouverte à la marchandisation du don du sang, remettant en cause les principes éthiques de gratuité de ce don, comme elle est fixée par la loi du 21 juillet 1952.
Je ne doute pas du soutien de nombre de mes collègues compte tenu du consensus qui existe, en matière de bioéthique, contre la marchandisation du corps humain.
M. le président. Je mets aux voix l’article 7 bis.
(L’article 7 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 7 bis
M. le président. L’amendement n° 331 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre VI du livre II de la première partie du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Titre VI
« Don de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche
« Art. L. 1261-1. – Une personne peut consentir à donner son corps après son décès à des fins d’enseignement médical et de recherche. Le consentement du donneur doit être exprimé de manière écrite et expresse. Les dispositions de l’article 225-17 du code pénal ne sont pas applicables à ces recherches ni à ces enseignements.
« Ce don ne peut être effectué qu’au bénéfice d’un établissement de santé, de formation ou de recherche titulaire d’une autorisation délivrée par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
« Les conditions d’ouverture, d’organisation et de fonctionnement de ces établissements sont définies par décret en Conseil d’État. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre Ier ter
Encadrer les conditions de dons de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Le présent amendement a vocation à permettre au Gouvernement de répondre à la question de l’encadrement de l’activité des centres de dons des corps humains qui sont destinés à la recherche scientifique ou à la formation universitaire.
Donner son corps à la science est un geste tout à fait exceptionnel, mais, néanmoins, fondamental pour la recherche et la formation, notamment dans le domaine médical.
Les modalités du don sont bien établies depuis une loi de 1887, qui dispose que le don est issu de dispositions testamentaires.
Pour autant, si la manière dont on fait le don de son corps à la science est bien encadrée, ce qu’il en advient ensuite ne l’est pas suffisamment. L’actualité récente l’a mis en évidence. Une mission toujours en cours, conduite par nos deux inspections, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), nous a d’ores et déjà signalé le défaut, voire l’absence, de réel encadrement normatif de l’activité des centres qui reçoivent et conserve les corps donnés à la science.
En 2017, 27 centres de dons ont reçu les corps de 3 400 donateurs. Au-delà des chiffres, chacun comprend naturellement la nécessité, ne serait-ce que sur le plan éthique, de mieux contrôler et réguler l’activité et les modalités d’organisation de ces centres.
C’est tout l’objet de cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, qui prévoit de soumettre leur activité à un régime d’autorisation directement opéré par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et de renvoyer à un décret en Conseil d’État des dispositions réglementaires propres à l’organisation de ces centres.
Cet amendement nous permettra ainsi de garantir le plus haut degré d’exigence éthique que nous devons aux donneurs, à leurs familles, aux chercheurs et aux étudiants. Je vous invite donc à le voter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Cet amendement vise à mieux encadrer le don du corps à des fins d’enseignement médical ou de recherche. Celui-ci ayant été déposé tardivement par le Gouvernement, la commission spéciale, qui l’a examiné jeudi dernier, n’a pu émettre qu’un avis de sagesse en raison de ce délai trop bref. Cela dit, il apparaît effectivement souhaitable d’offrir un cadre législatif au don de corps à des fins d’enseignement médical ou de recherche, qui est, pour l’heure, simplement régi par un article de la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales.
Je note d’ailleurs qu’entre-temps le Gouvernement a rectifié son amendement. Et puisque l’examen de ce projet de loi suit une procédure normale, heureuse, il sera possible, au cours de la navette, d’améliorer si nécessaire sa rédaction. C’est la raison pour laquelle il me semble, à titre personnel, qu’on peut émettre un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7 bis.
Chapitre II
Permettre la solidarité dans le cadre de la transmission d’une information génétique
Article 8
I. – (Non modifié) Le V de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée nécessaires à la prise en charge d’une personne susceptible de faire l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques dans les conditions prévues au I de l’article L. 1130-4 soient délivrées au médecin assurant cette prise en charge, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. »
II. – (Non modifié) L’article L. 1111-7 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« En cas de décès du malade, l’accès au dossier médical de ce malade des ayants droit, du concubin, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du médecin prenant en charge une personne susceptible de faire l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques dans les conditions prévues au I de l’article L. 1130-4 s’effectue dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas du V de l’article L. 1110-4. » ;
2° La seconde phrase du dernier alinéa est supprimée.
III. – Au début du titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, il est ajouté un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« CHAPITRE PRÉLIMINAIRE
« Principes généraux
« Art. L. 1130-3. – Par dérogation aux articles 16-10 et 16-11 du code civil, lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, l’examen ou l’identification peut être entrepris à des fins médicales dans l’intérêt de cette personne.
« Préalablement à la réalisation de l’examen ou de l’identification, le médecin s’assure que la personne ne s’y est pas opposée antérieurement auprès de la personne de confiance mentionnée à l’article L. 1111-6 du présent code, de sa famille ou, à défaut, d’un proche ou, le cas échéant, auprès de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne.
« Art. L. 1130-4. – I. – Par dérogation à l’article 16-10 du code civil, lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté ou lorsqu’elle est décédée, l’examen peut être entrepris à des fins médicales dans l’intérêt des membres de sa famille potentiellement concernés dès lors qu’un médecin suspecte une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins. Lorsque la personne est décédée, l’examen est réalisé à partir d’échantillons de cette personne déjà conservés ou prélevés dans le cadre d’une autopsie à des fins médicales.
« II. – Dans les cas mentionnés au I, ce médecin s’assure de l’absence d’opposition de la personne dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 1130-3.
« En l’absence d’opposition de la personne, le médecin informe les membres de la famille potentiellement concernés dont il possède les coordonnées qu’il estime plausible l’existence d’une telle anomalie génétique.
« Il leur précise qu’ils peuvent accepter ou refuser par écrit la réalisation de l’examen mentionné au I du présent article et qu’il suffit que l’un des membres ait donné son accord pour que cet examen soit réalisé.
« III. – L’information sur la présence ou l’absence d’une anomalie génétique identifiée par l’examen prévu au I est accessible, à leur demande, à tous les membres de la famille potentiellement concernés, y compris ceux qui ont refusé que cet examen soit pratiqué, dès lors que le médecin les informe qu’il dispose de ce résultat.
« Si l’anomalie génétique mentionnée au même I est confirmée, le médecin invite les personnes qui ont demandé à recevoir l’information mentionnée au premier alinéa du présent III à se rendre à une consultation chez un médecin qualifié en génétique sans dévoiler à ces personnes l’anomalie génétique en cause ni les risques qui lui sont associés.
« Les membres de la famille qui souhaitent bénéficier d’un examen de leurs caractéristiques génétiques peuvent y accéder dans les conditions prévues au chapitre Ier du présent titre, notamment à l’article L. 1131-1.
« Art. L. 1130-6. – I. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent chapitre.
« II. – Un arrêté du ministre chargé de la santé pris sur proposition de l’Agence de la biomédecine fixe les critères déterminant les situations médicales justifiant, chez une personne hors d’état d’exprimer sa volonté ou décédée, la réalisation d’un examen de ses caractéristiques génétiques à des fins médicales dans l’intérêt des membres de sa famille potentiellement concernés. »
III bis (nouveau). – Après l’article L. 1243-8 du code de la santé publique, il est inséré un article additionnel L. 1243-8-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1243-8-1 – Un arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis de l’Agence de la biomédecine, de la Haute Autorité de santé et des représentants des établissements de santé et des laboratoires de biologie médicale, définit les règles de bonne pratique en matière de conservation et de traçabilité des échantillons biologiques humains prélevés à des fins diagnostiques ou thérapeutiques ou à l’occasion d’une autopsie réalisée à des fins médicales. »
IV. – La deuxième phrase du dernier alinéa de l’article L. 1211-2 du code de la santé publique est complétée par les mots : « sans préjudice des dispositions de l’article L. 1130-4 ». – (Adopté.)
Article 9
I. – Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Modalités de mise en œuvre des examens des caractéristiques génétiques et des identifications par empreintes génétiques et information de la parentèle » ;
2° L’article L. 1131-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1131-1. – I. – Préalablement à la réalisation d’un examen des caractéristiques génétiques d’une personne, le médecin prescripteur informe celle-ci des risques qu’un silence ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés si une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins était diagnostiquée. Il prévoit avec elle, dans un document écrit qui peut, le cas échéant, être complété après le diagnostic, les modalités de l’information destinée aux membres de la famille potentiellement concernés afin d’en préparer l’éventuelle transmission. Si la personne a exprimé par écrit sa volonté d’être tenue dans l’ignorance du diagnostic, elle peut autoriser le médecin prescripteur à procéder à l’information des intéressés dans les conditions prévues au II.
« En cas de diagnostic d’une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave, sauf si la personne a exprimé par écrit sa volonté d’être tenue dans l’ignorance du diagnostic, l’information médicale communiquée est résumée dans un document rédigé de manière loyale, claire et appropriée, qui est signé et remis à cette personne par le médecin. La personne atteste de cette remise. Lors de l’annonce de ce diagnostic, le médecin informe la personne de l’existence d’une ou plusieurs associations de malades susceptibles d’apporter des renseignements complémentaires sur l’anomalie génétique diagnostiquée. Si la personne le demande, il lui remet la liste des associations agréées en application de l’article L. 1114-1.
« La personne est tenue d’informer les membres de sa famille potentiellement concernés dont elle ou, le cas échéant, son représentant légal possède ou peut obtenir les coordonnées, dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées. La personne ou, le cas échéant, son représentant légal communique aux personnes contactées les coordonnées du médecin prescripteur.
« II. – Si la personne ne souhaite pas informer elle-même les membres de sa famille potentiellement concernés, elle peut demander par un document écrit au médecin prescripteur, qui atteste de cette demande, de procéder à cette information. Elle lui communique à cette fin les coordonnées des intéressés dont elle dispose. Le médecin porte alors à la connaissance de ces derniers l’existence d’une information médicale à caractère familial susceptible de les concerner et les invite à se rendre à une consultation chez un médecin qualifié en génétique sans dévoiler à ces personnes le nom de la personne ayant fait l’objet de l’examen, ni l’anomalie génétique, ni les risques qui lui sont associés.
« III. – Si la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne ou est hors d’état d’exprimer sa volonté et que l’examen est réalisé dans son intérêt en application de l’article L. 1130-3, le médecin procède à l’information des membres de la famille potentiellement concernés dont il possède les coordonnées, dans les conditions prévues au II du présent article.
« IV. – Si la personne décède avant l’annonce du résultat ou avant d’avoir pu informer les membres de sa famille potentiellement concernés, le médecin procède à l’information de ceux dont il possède les coordonnées, dans les conditions prévues au II du présent article, sauf si la personne s’était opposée antérieurement à être informée du résultat ou si elle s’était opposée antérieurement à ce que les membres de sa famille potentiellement concernés bénéficient de cette information.
« V. – Dans tous les cas, le médecin qualifié en génétique consulté par la personne apparentée est informé par le médecin prescripteur de l’anomalie génétique en cause. » ;
3° L’article L. 1131-1-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1131-1-1 – I. – Lorsqu’est diagnostiquée chez un tiers donneur, au sens de l’article L. 2143-1, une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins, le médecin prescripteur saisit le responsable du centre d’assistance médicale à la procréation afin qu’il procède à l’information, dans les conditions prévues au II de l’article L. 1131-1, des personnes issues du don, des parents investis de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, du tuteur, si ces personnes sont mineures.
« II. – Lorsqu’est diagnostiquée chez une personne issue d’un don de gamètes ou d’un accueil d’embryon une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins, le médecin prescripteur saisit le responsable du centre d’assistance médicale à la procréation afin qu’il procède à l’information du tiers donneur dans les conditions prévues au II de l’article L. 1131-1.
« III (nouveau). – Lorsque le responsable d’un centre d’assistance médicale à la procréation informe un tiers donneur, une personne issue d’un don ou le représentant légal de cette dernière si elle est mineure de l’existence d’une information médicale à caractère génétique susceptible de les concerner, en application des I et II du présent article, il transmet au médecin consulté par la personne ainsi informée les coordonnées du médecin prescripteur pour la communication de l’anomalie génétique en cause. Aucune autre information n’est transmise par le médecin prescripteur. » ;
4° L’article L. 1131-1-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1131-1-2. – Lorsqu’est diagnostiquée chez une personne mentionnée aux 1° ou 2° de l’article L. 147-2 du code de l’action sociale et des familles une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins, cette personne, les parents investis de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, le tuteur, si cette personne est mineure, autorisent le médecin prescripteur à saisir le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles mentionné à l’article L. 147-1 du même code pour identifier, selon le cas, la ou les personnes mentionnées au 2° de l’article L. 147-2 dudit code ou l’enfant mentionné au 1° du même article L. 147-2.
« Dans les deux cas, ni l’anomalie génétique en cause, ni les risques qui lui sont associés ne sont mentionnés dans cette saisine.
« Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles porte alors à la connaissance de la personne ainsi identifiée, dans des conditions de nature à préserver le secret de cette transmission définies par décret, l’existence d’une information médicale à caractère familial susceptible de la concerner et l’invite à se rendre à une consultation chez un médecin qualifié en génétique, sans lui dévoiler le nom de la personne ayant fait l’objet de l’examen, ni aucune autre information permettant d’identifier cette seconde personne.
« Le conseil transmet au médecin consulté par la personne ainsi informée les coordonnées du médecin prescripteur pour la communication de l’anomalie génétique en cause. Aucune autre information n’est transmise à cette occasion par le médecin prescripteur.
« Afin d’accomplir la mission qui lui incombe en application du présent article, le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles peut utiliser le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques et consulter ce répertoire. Les conditions de cette utilisation et de cette consultation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
II. – (Non modifié) Le chapitre VII du titre IV du livre Ier du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa de l’article L. 147-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il est également chargé de porter à la connaissance des personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 147-2 l’existence d’une information médicale à caractère familial susceptible de les concerner dans les conditions prévues à l’article L. 1131-1-2 du code de la santé publique. » ;
2° L’article L. 147-2 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° La demande écrite formulée par un médecin prescripteur d’un examen des caractéristiques génétiques à des fins médicales transmise en application de l’article L. 1131-1-2 du code de la santé publique. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Lafon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Alinéa 7, dernière phrase
Supprimer les mots :
à une consultation
III. – Alinéa 9
1° Remplacer le mot :
s’
par les mots :
s’y
2° Supprimer les mots :
à être informée du résultat ou si elle s’était opposée antérieurement à ce que les membres de sa famille potentiellement concernés bénéficient de cette information
IV. – Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
V. – Alinéa 16
Remplacer le mot :
autorisent
par les mots
peuvent autoriser
VI. – Alinéa 20
Supprimer cet alinéa.
VII. – Après l’alinéa 23
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après le premier alinéa de l’article L. 147-2, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Le formulaire rempli par le personnel de santé contenant les informations données lors de l’accouchement telles que définies à l’article L. 222-6 ;
« …° Toute déclaration ultérieure de la mère ou, le cas échéant, du père de naissance visant à compléter les informations contenues dans le formulaire cité au 1° ; ».
VIII. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 222-6 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- la deuxième phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Le personnel de santé recueille systématiquement son identité et les informations la concernant sur un formulaire établi par arrêté, transmis et conservé par le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles. Le secret de son identité est préservé. » ;
- à la quatrième phrase, les mots : « donner son identité sous pli fermé ou » sont supprimés ;
- la cinquième phrase est supprimée ;
b) Après le même premier alinéa, sont insérés neuf alinéas ainsi rédigés :
« Les informations recueillies dans le formulaire mentionné au premier alinéa portent sur :
« 1° Les prénoms donnés à l’enfant et, le cas échéant mention du fait qu’ils l’ont été par la mère, ainsi que le sexe de l’enfant et la date, le lieu et l’heure de sa naissance ;
« 2° L’âge de la femme qui accouche ;
« 3° Son état général au moment de l’accouchement ;
« 4° Ses caractéristiques physiques ;
« 5° Sa situation familiale et professionnelle ;
« 6° Son pays de naissance ;
« 7° Les circonstances du renoncement à élever l’enfant ;
« 8° Les renseignements concernant le géniteur et une éventuelle fratrie. » ;
c) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « aucune pièce d’identité n’est exigée et » sont supprimés ;
2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 223-7, les mots : « pli fermé » sont remplacés par les mots : « formulaire établi par arrêté ».
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Avec l’article 3, nous avons autorisé la levée de l’anonymat pour les enfants nés de dons de gamètes. Cette évolution pose la question de la levée de l’anonymat pour les enfants nés d’un accouchement sous le secret.
Certes, les situations ne sont pas comparables et mon objectif, au travers de cet amendement, n’est pas de nier cette différence. Néanmoins, en levant l’anonymat pour les enfants nés de dons de gamètes, on suscite une interrogation, voire une incompréhension, pour ceux qui sont nés sous X, lesquels peuvent légitimement se demander : « Pourquoi pas nous ? »
D’autant que les arguments qui ont prévalu pour la levée de l’anonymat pour les enfants nés de dons de gamètes peuvent également être mis en avant pour ceux qui sont nés sous X.
L’intérêt supérieur de l’enfant dans sa recherche d’identité se double d’une recherche de sens, pour comprendre ce qu’il a vécu de sa conception à son placement auprès de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et dont nul ne peut ignorer les conséquences sur le reste de sa vie.
Le développement des grandes bases de données génétiques, comme l’expliquait la semaine dernière Gérard Longuet, fait qu’on peut aujourd’hui, par ces voies-là, découvrir son identité.
J’ajoute un argument en faveur de cet amendement à l’article 9 : l’argument de santé publique.
Cet article permet en effet aux enfants nés de dons de gamètes de prévenir les donneurs d’une maladie génétique pouvant être responsable d’une infection grave. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les mères qui ont eu recours à un accouchement sous le secret et aux enfants qui en sont nés ?
M. le président. L’amendement n° 311, présenté par M. Henno, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
1° Après le mot :
informe
insérer les mots :
, en application des I et II du présent article,
2° Supprimer les mots :
en application des I et II du présent article,
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 3 rectifié.
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. L’amendement n° 311 étant rédactionnel, je ne développerai pas plus avant mon argumentaire.
En présentant l’amendement n° 3 rectifié, notre collègue Laurent Lafon a le mérite de soulever une question intéressante : celle de l’accouchement sous X. Il est vrai, mes chers collègues, que cette pratique n’a pas cours dans tous les pays ; pour autant, il ne nous semble pas opportun, dans le cadre de ce projet de loi relatif à la bioéthique, de modifier à ce point notre législation en matière d’accès aux origines des personnes nées dans le secret.
C’est la raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur cet amendement, qui, par ailleurs, tend aussi à supprimer le caractère automatique de la saisine du CNAOP (Conseil national d’accès aux origines personnelles) pour la transmission d’une information d’ordre médical entre une personne née dans le secret et l’un des parents de naissance en cas de détection d’une anomalie génétique potentiellement grave. Le cas échéant, il perdurerait une asymétrie en défaveur des personnes nées dans le secret.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Avis défavorable sur l’amendement n° 3 rectifié et avis favorable sur l’amendement rédactionnel n° 311.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote sur l’amendement n° 3 rectifié.
Mme Michelle Meunier. Je ne voterai pas cet amendement de M. Lafon et je dis : « Attention : danger ! »
On se trompe là quelque peu de sujet : il s’agit non pas de gamètes, mais d’un enfant né sous le secret, d’un accouchement sous X. La loi de 2002 donne le droit aux femmes qui accouchent, en sécurité, en milieu hospitalier de fournir des informations, identifiantes ou non. Par expérience, ayant présidé, comme d’autres ici, un conseil de famille, je peux vous dire que, en Loire-Atlantique, environ deux tiers des femmes accouchant sous le secret donnaient soit sous pli cacheté, soit directement au personnel soignant de l’équipe gynécologique des informations sur leur situation, toujours singulière, toujours douloureuse.
Il ne faudrait pas, au travers de cet amendement tendant à faciliter les recherches génétiques de la mère vers l’enfant, de revenir sur cet équilibre entre le droit des femmes de pouvoir accoucher de manière anonyme et le droit de l’enfant de pouvoir être adopté quand il est confié à l’aide sociale à l’enfance.
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
TITRE III
APPUYER LA DIFFUSION DES PROGRÈS SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES DANS LE RESPECT DES PRINCIPES ÉTHIQUES
Article 10
L’article 16-10 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 16-10. – I. – L’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique. Il est subordonné au consentement exprès de la personne recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’examen.
« II. – Le consentement prévu au I est recueilli après que la personne a été dûment informée :
« 1° De la nature de l’examen ;
« 2° De l’indication de l’examen, s’il s’agit de finalités médicales, ou de son objectif, s’il s’agit de recherche scientifique ;
« 3° Le cas échéant, de la possibilité que l’examen révèle incidemment des caractéristiques génétiques sans relation avec son indication initiale ou avec son objectif initial mais dont la connaissance permettrait à la personne ou aux membres de sa famille de bénéficier de mesures de prévention, y compris de conseil en génétique, ou de soins ;
« 4° De la possibilité de refuser la révélation des résultats de l’examen de caractéristiques génétiques sans relation avec l’indication initiale ou l’objectif initial de l’examen ainsi que des risques qu’un refus ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés, dans le cas où une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins serait diagnostiquée.
« Le consentement mentionne l’indication ou l’objectif mentionné au 2°.
« Le consentement est révocable en tout ou partie, sans forme et à tout moment.
« La communication des résultats révélés incidemment, mentionnés au 4°, est assurée dans le respect des conditions fixées au titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, lorsque l’examen poursuit des finalités de recherche scientifique, ou au titre III du même livre Ier, lorsque les finalités de l’examen sont médicales.
« III. – Par dérogation aux I et II, en cas d’examen des caractéristiques génétiques mentionné au I entrepris à des fins de recherche scientifique et réalisé à partir d’éléments du corps d’une personne prélevés à d’autres fins, les dispositions de l’article L. 1130-5 du code de la santé publique sont applicables.
« IV. – (Supprimé) ».
M. le président. L’amendement n° 208, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« IV. – Tout démarchage à caractère publicitaire portant l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne est interdit. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous voulons, avec cet amendement, réintroduire une disposition qui a été supprimée par la commission spéciale, à savoir l’interdiction de tout démarchage publicitaire en faveur de l’examen des caractéristiques génétiques.
Nous visons ici davantage les tests dits « récréatifs », qui se multiplient notamment via les réseaux sociaux, pour soi-disant connaître la diversité de ses origines.
Nous avons, bien sûr, entendu les arguments développés par le rapporteur et ceux qu’a exposés Mme la ministre, notamment en séance à l’Assemblée nationale. Mais il nous semble que, au contraire, ces précisions ne sont pas satisfaites par le code en vigueur.
Comme vous l’avez expliqué en octobre dernier, madame la ministre, un annonceur étranger a diffusé, à l’été 2018, sur plusieurs chaînes de télévision, une publicité pour les tests ADN, et vous aviez indiqué que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avait par la suite adressé aux chaînes concernées une mise en garde. La publicité avait alors été retirée.
Malheureusement, les démarchages fleurissent toujours, particulièrement sur les réseaux sociaux, en toute impunité. Nombreuses sont nos concitoyennes et nombreux sont nos concitoyens, moyennant quelques euros, qui envoient des données personnelles, qui sont stockées dans un pays étranger – avec quelle finalité ? On peut avoir bien des craintes – et qui reçoivent ensuite une fiche qui établit la composition, notamment géographique, de leur profil.
Au moment où l’on parle d’éthique, il nous semble, au groupe CRCE, que cela pose question !
Je crois qu’il est de notre responsabilité, d’une part, d’informer sur les dangers et dérives éventuelles, d’autre part, et surtout, de faire en sorte que ces publicités soient interdites et que les entreprises concernées soient sanctionnées pour de telles pratiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Madame la sénatrice, nous avons beaucoup réfléchi, au sein de la commission spéciale, sur cette question et nous émettons un avis défavorable sur cet amendement. L’interdiction de telles pratiques étant déjà prévue par le code de la consommation et celles-ci faisant l’objet de sanctions pénales, il nous a semblé inutile de l’insérer également dans le code de la santé publique.
La question est moins d’ajouter, dans un code, une interdiction déjà prévue dans un autre que d’être en capacité de faire respecter celle-ci, ce qui est tout autre chose.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Sur le fond, madame Cohen, et vous le savez bien, nous sommes parfaitement en accord ; pour autant, l’avis est défavorable. Tout simplement, toutes les peines nécessaires sont déjà prévues dans le code pour sanctionner ce type de pratique, mais, et c’est là le problème, encore faut-il qu’elles soient appliquées. Plutôt que de renforcer notre arsenal juridique, il convient donc d’abord d’appliquer la loi.
Je le rappelle, les peines principales encourues peuvent aller jusqu’à 300 000 euros d’amende et deux ans de prison, tandis qu’il existe même des peines complémentaires telles que l’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle pour le professionnel concerné.
Je le répète, en rajouter encore davantage dans l’arsenal juridique en vigueur ne rendra pas ces sanctions plus effectives. En revanche, nous avons besoin qu’elles soient appliquées.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. En fait, je me doutais bien des réponses que me feraient à la fois M. le rapporteur – compte tenu des échanges que nous avons eus à ce sujet en commission spéciale – et Mme la ministre – je connais sa position.
Simplement, il me paraissait important d’évoquer de nouveau cette question dans notre hémicycle. Nous sommes face à un paradoxe énorme : effectivement, les sanctions existent, effectivement, elles sont importantes ; mais, tout aussi effectivement, elles ne sont pas appliquées. C’est quand même problématique : pourquoi ne le sont-elles pas et quel serait le cadre à prévoir pour faire en sorte qu’elles le soient à tout le moins ? Nos concitoyens et nos concitoyennes se plaignent auprès de nous de ces pratiques.
Il existe là une faille – pour ne pas dire plus –, il faut le dire ici au Sénat, s’en emparer pour corriger cette situation.
Je ne maintiendrai pas cet amendement, qui, de toute façon, ne serait pas voté, mais en soulevant ce problème, je souhaiterais au moins qu’un engagement soit pris pour rendre effectives les poursuites et qu’un vrai cadre existe.
M. le président. L’amendement n° 208 est retiré.
Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 est adopté.)
Article 10 bis (nouveau)
I. – Après l’article 16-10 du code civil, il est inséré un article 16-10-1 ainsi rédigé :
« Art. 16-10-1. – Par dérogation à l’article 16-10 du présent code et aux articles L. 1131-1 et L. 1131-1-3 du code de la santé publique, l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne peut être entrepris à des fins de recherche généalogique, en vue de rechercher d’éventuelles proximités de parenté ou d’estimer des origines géographiques. Il est subordonné au consentement exprès de la personne recueilli préalablement à la réalisation de l’examen, le cas échéant sous format dématérialisé et sécurisé. Il ne peut donner lieu à la délivrance d’informations à caractère médical et ne peut faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie.
« Les examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique se conforment à un référentiel de qualité établi par l’Agence de la biomédecine en application du 9° de l’article L. 1418-1 du code de la santé publique. Cette conformité est attestée dans le cadre d’une procédure d’évaluation définie par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. L’attestation de conformité est transmise sans délai à l’Agence de la biomédecine.
« L’attestation de conformité prévue à l’alinéa précédent est notamment subordonnée au respect des conditions suivantes :
« 1° Le traitement des données associées aux examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique est assuré dans le respect des règles applicables définies par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 et la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;
« 2° Tout fournisseur d’un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique met à la disposition de la personne concernée une information rédigée de manière loyale, claire et appropriée relative à la validité scientifique de l’examen, de ses éventuelles limites au regard des objectifs poursuivis et des risques associés à la révélation d’éventuelles proximités de parenté ou d’origines géographiques jusqu’alors inconnues de la personne ou à l’absence de révélation de telles informations ;
« 3° Tout fournisseur d’un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique garantit à la personne concernée la possibilité de révoquer son consentement en tout ou partie, sans forme et à tout moment, à la réalisation de l’examen, à la communication du résultat de l’examen, à la conservation de l’échantillon à partir duquel l’examen a été réalisé, ainsi qu’au traitement, à l’utilisation et à la conservation des données issues de l’examen. Lorsque la personne le demande, il est procédé, dans un délai raisonnable, à la destruction de l’échantillon ou des données issues de l’examen.
« La communication des données issues d’un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique ne peut en aucun cas être exigée de la personne et il ne peut en être tenu compte lors de la conclusion d’un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé ou d’un contrat avec un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d’assurance, une mutuelle ou une institution de prévoyance, ni lors de la conclusion ou de l’application de tout autre contrat.
« Les informations et données tirées des examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique ne peuvent servir de fondement à des actions visant à établir ou infirmer un lien de filiation ou de parenté, ou à faire valoir un droit patrimonial ou extra-patrimonial.
« Le IV de l’article 16-10 n’est pas applicable aux examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique en application du présent article. »
II. – Le chapitre VI du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 226-25 du code pénal est ainsi modifié :
a) Les deux occurrences des mots : « ou de recherche scientifique » sont remplacées par les mots : « , de recherche scientifique ou de recherche généalogique » ;
b) Les mots : « l’article 16-10 » sont remplacés par les mots : « les articles 16-10 et 16-10-1 » ;
2° Après l’article 226-28, il est inséré un article 226-28-1 ainsi rédigé :
« Art. 226-28-1. – Le fait de procéder à un examen des caractères génétiques à des fins de recherche généalogique en méconnaissance des dispositions de l’article 16-10-1 du code civil est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » ;
3° À l’article 226-29, la référence : « et 226-28 » est remplacée par les références : «, 226-28 et 226-28-1 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 204 rectifié bis est présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay, Gontard, P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli, Mme Lienemann et M. Collombat.
L’amendement n° 288 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 204 rectifié bis.
Mme Laurence Cohen. Au contraire de l’intention que sous-tend cet article, nous souhaitons, avec cet amendement de suppression, poser le principe de l’interdiction de la commercialisation de tests génétiques.
Nous assistons aujourd’hui à une recrudescence des entreprises privées étrangères proposant des tests génétiques en libre accès sur internet malgré leur interdiction actuelle en France, là encore sans que nous soyons en mesure de connaître le sort de ces données par nature extrêmement sensibles.
L’argument selon lequel les sanctions actuelles relatives à l’interdiction de la commercialisation de ce type de tests restent ineffectives n’est pas suffisant. C’est pourquoi nous proposons un encadrement spécifique, aujourd’hui inexistant.
Avec les collègues de mon groupe, nous pensons qu’il conviendrait d’informer davantage nos concitoyens sur le caractère incertain de ces tests, mais aussi sur le danger que représente le stockage de données génétiques dans des bases de données privées dont nous n’avons absolument pas la maîtrise.
En toute bonne foi, par une curiosité tout à fait légitime, un certain nombre de personnes se font d’une certaine manière « gruger » et voient leurs données, très sensibles, stockées, sans savoir comment elles seront utilisées. Ce n’est pas possible.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement identique – une fois n’est pas coutume – n° 288.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Il ne faut pas avoir d’a priori, monsieur le président…
Effectivement, le Gouvernement présente lui aussi un amendement de suppression de cet article, ajouté par la commission spéciale, qui permet la réalisation de tests génétiques généalogiques. Je souhaite exposer les raisons qui amènent le Gouvernement à être profondément défavorable à cette possibilité.
Le législateur a circonscrit, dès les premières lois de bioéthique de 1994, le recours aux examens génétiques. Ainsi, les finalités de ces examens sont limitées : ces tests peuvent être entrepris uniquement à des fins médicales ou de recherches scientifiques ainsi qu’à des fins judiciaires. Des garanties spécifiques entourent la réalisation de ces examens, quelles qu’en soient les finalités.
Lorsque le cadre est médical, le parcours de soins est très encadré et la discussion entre le médecin et le patient qui réalise le test est au cœur du processus. En recherche, les contraintes spécifiques pèsent sur les chercheurs, comme cela apparaît à l’article 18 de ce projet de loi.
Lorsque ces tests sont effectués à des fins judiciaires, seul un juge peut en ordonner la réalisation dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire.
Par ailleurs, toute discrimination sur des caractéristiques génétiques est bien entendu interdite, notamment dans le cadre des relations de travail. Les banques et les assurances ne peuvent pas prendre en compte ces caractéristiques, même si elles leur sont volontairement transmises par la personne concernée.
Je sais que ces tests génétiques, généalogiques, connaissent un fort développement à l’étranger et que certains de nos concitoyens y ont recours, malgré leur interdiction en France. Ces tests exposent à une multitude de risques peu connus, qui constituent toutefois une menace sérieuse pour la vie privée des consommateurs.
Les premiers risques qui peuvent être cités sont liés à l’incertitude sur la précision et la fiabilité des résultats obtenus. La qualité des résultats dépend des bases de données de référence utilisées pour comparer l’ADN avec un ADN de référence. Cela dépend notamment des tailles des échantillons dont disposent ces industriels, des types de population dont ils disposent dans leur base de données, des critères mobilisés pour créer des catégories, qualifier et délimiter des groupes de comparaison. Cela dépend aussi évidemment des algorithmes qu’ils ont mis au point. Cela explique les différences de résultats que l’on obtient en fonction de la marque du test utilisé.
Même les meilleures bases de données actuelles ne représentent qu’un échantillonnage très médiocre de la diversité génétique humaine mondiale. Ce manque de fiabilité transparaît dans les divergences de résultats obtenus pour un même ADN qui est envoyé à différents laboratoires.
Par ailleurs, les résultats obtenus sont potentiellement trompeurs, à tout le moins purement indicatifs. En effet, l’utilisation de populations contemporaines et non ancestrales pour la comparaison avec les ADN individuels testés ne fait qu’ajouter à la complexité des résultats et à leur interprétation.
Ces tests sont abusivement appelés tests d’origine ou d’ancestralité, mais ne révèlent pas d’où vient notre ADN dans le passé. Ils révèlent plutôt dans quelle mesure il ressemble à des ADN présents aujourd’hui sur la planète. Ces résultats imprécis et partiels ne sont donc à considérer qu’à titre indicatif.
Toutefois, bien au-delà de ces résultats non fiables, je tiens à alerter nos concitoyens et les législateurs que vous êtes sur les risques encourus. Ces tests sont également parfois utilisés à partir des données recueillies et exploitées à des fins commerciales. Nous ne sommes donc pas sûrs du respect de la protection de la vie privée, pas plus que de la confidentialité des données et il y a un manque de clarté sur les conditions générales de vente.
Par ailleurs, et c’est une utilisation que vous prévoyez, mesdames, messieurs les sénateurs, certaines entreprises offrent un service facultatif, en proposant à leurs utilisateurs de rechercher dans leur base privée de données d’autres usagers qui leur sont génétiquement similaires ou de préciser, pour chacun, leur degré de parentalité. Si cette recherche est utilisée par les personnes conçues à partir d’un don de gamètes ou de personnes adoptées nées sous X souhaitant, à partir d’une enquête généalogique et de déductions, retrouver leurs origines biologiques, ce service conduit parfois à des révélations inattendues au sein des familles, d’autant que les autres membres de la famille qui peuvent partager ce patrimoine génétique ne sont pas informés de la réalisation de ces tests et n’y ont donc pas consenti.
En outre, ces tests peuvent être volontairement détournés pour confirmer ou infirmer une paternité ou des liens de parenté.
Aux États-Unis, le Pentagone a également pris position sur ces tests, les militaires ayant fait l’objet de publicité de la part des sociétés qui les commercialisent. Une note visant à mettre en garde les soldats américains contre leur utilisation leur a été adressée par le secrétaire adjoint de la défense pour le renseignement. Elle mérite que l’on s’y attarde.
Cette note prévient que les tests ADN commerciaux, particulièrement non régulés, sont de nature à révéler des informations personnelles et génétiques, et pourraient avoir des conséquences imprévues pour les forces armées et leurs missions, ainsi que sur la carrière des militaires américains. Elle précise également que l’exposition d’informations génétiques sensibles à des tiers pose des risques personnels et opérationnels. La crainte des responsables du Pentagone est de voir tomber les données génétiques de ces soldats entre de mauvaises mains.
Cette note explique encore que la communauté scientifique est de plus en plus préoccupée par le fait que des tiers exploitent l’utilisation des données génétiques à des fins discutables, y compris la surveillance de masse et la possibilité de suivre les individus sans leur autorisation ou sans qu’ils en aient connaissance.
Par ailleurs, ces tests sont susceptibles de déceler de manière involontaire des marqueurs de certaines maladies et affections génétiques qui pourraient finir par affecter la carrière d’un militaire, comme celle de chacun d’entre nous, a commenté un porte-parole du Pentagone.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le comprenez : le risque est réel. Il est grave. Il constitue une véritable menace pour nos sociétés. L’ADN est une donnée fort utile pour qui cherche à trier, sélectionner, discriminer et assigner à des individus une identité figée sur la base d’informations biologiques pouvant être présentées comme scientifiques.
Si la lecture de la séquence d’un génome humain ne pose aucune difficulté – elle est même clairement démocratisée, si je puis dire –, son interprétation reste très complexe et dépend notamment des bases de données auxquelles on compare le génome ou les parties du génome que l’on examine. Elle doit être justifiée par des objectifs légitimes, notamment médicaux, et ne peut l’être uniquement par un pseudo-intérêt récréatif, qui peut entraîner des conséquences néfastes pour l’intéressé comme pour sa famille.
Il nous semble que ces tests n’ont de récréatif que le nom. Il n’y a pas de situation simple avec les tests génétiques. C’est pourquoi leur réalisation est très encadrée et très accompagnée en France.
À cet égard, il faut rappeler que le Conseil d’État a estimé, dans son étude « bioéthique » de 2018, que l’interdit visant des assurances « serait plus difficile à préserver dès lors que l’accès à l’information serait libéralisé et le séquençage banalisé ».
Nous devons nous positionner de façon rationnelle et raisonnable pour la responsabilisation des professionnels intervenant dans ce secteur, comme des consommateurs parfois attirés par ces nouveaux produits, en prenant en compte notre modèle bioéthique à la française, qui protège avant tout les droits et la liberté des individus.
La voix d’équilibre à privilégier nous paraît celle du maintien de notre cadre actuel, très protecteur en matière de génétique, a fortiori alors que nous permettons aux personnes nées d’AMP (assistance médicale à la procréation) avec tiers donneur d’accéder légalement à l’identité de ce donneur. C’est en garantissant ces limites aujourd’hui que nous pourrons ouvrir demain des développements, notamment issus d’une recherche bien encadrée, qui seront véritablement source de progrès médical et scientifique pour nos concitoyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour toutes ces raisons, je vous invite à voter en faveur de cet amendement de suppression proposé par le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Madame la ministre, voilà un beau débat. La commission spéciale a beaucoup travaillé sur ce sujet, et ce dès le début de ses travaux, en procédant à l’audition du président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), M. Delfraissy. Je ne reviendrai pas sur votre argumentation sur les tests génétiques à visée généalogique. Le débat n’est pas de savoir s’il faut qu’ils existent ou si l’on doit favoriser leur existence : ils existent.
Aujourd’hui, je fais référence à un débat précédent, l’interdiction des tests génétiques en accès libre sur internet est totalement virtuelle. Voilà la réalité. La France est, avec la Pologne, l’un des seuls pays où c’est interdit. Plus d’un million de Français ont fait appel à ces tests génétiques à visée généalogique ; entre 100 000 et 150 000 encore l’année dernière.
Face à l’impossibilité d’interdire, qu’a confirmée le procureur général près la Cour de cassation et à laquelle il a apporté une réponse pragmatique en posant les bases d’un encadrement strict des examens génétiques à visée généalogique, le choix de la commission spéciale a été d’essayer d’encadrer, au lieu d’interdire. Cela me rappelle cette phrase de Péguy : « Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains. »
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Olivier Henno, rapporteur. Interdire ce que l’on n’arrive pas à interdire me semble contre-productif. Il vaut mieux encadrer. Tel a été le choix de la commission spéciale.
L’encadrement vise d’abord à interdire la transmission d’informations médicales, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, puisque les données du million de Français qui ont eu recours à ces tests sans aucun encadrement sont envoyées dans la nature sans aucun contrôle. Il tend aussi à empêcher les conséquences en termes de patrimoine. Enfin, il s’inscrit dans le cadre du règlement général sur la protection des données (RGPD).
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé, pour explication de vote.
M. Vincent Éblé. Sur cette question tout à fait importante, il me semble nécessaire de rappeler que, dimanche dernier – c’est tout récent –, dans leurs journaux respectifs de 20 heures, les chaînes TF1 et France 2 ont diffusé un reportage montrant le bonheur de deux Françaises ayant pu retrouver leur demi-frère et leurs demi-sœurs après avoir réalisé un test ADN généalogique. La journaliste de France 2 faisait d’ailleurs remarquer que cette pratique était interdite en France, mais la société installée aux États-Unis échappe à la législation française.
Pour ma part, je regrette la demande de suppression de cet article ajouté par la commission spéciale. La question qui se pose est de savoir si l’on se satisfait d’une situation qui, aujourd’hui, interdit en droit le recours à ces tests, alors que, dans les faits, la pratique est absolument constante ! On estime à plus d’un million le nombre de Français intéressés par la généalogie, qui ont fait faire à l’étranger – aux États-Unis, en Israël… – des tests de cette nature par le biais de sociétés qui, de ce fait, détiennent des informations et qui les utilisent selon leur législation nationale, et pas selon la nôtre.
Dans cette affaire, ce qui est en jeu, c’est la problématique économique. Il existe des sociétés françaises : Filae.com ou Geneanet.org. Cette dernière compte 3 millions de membres ; c’est la première société européenne en matière de généalogie en ligne et elle n’a pas accès à ce marché considérable en raison de la législation française. Or, si nous lui donnions le droit de faire réaliser ces tests, elle le ferait en respectant la législation française en matière tant de protection des données personnelles que de problématiques de nature médicale qui ne sont pas à méconnaître.
Pour ma part, comme la commission spéciale, je suis totalement favorable au maintien de cet article et voterai résolument contre ces amendements identiques de suppression.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Sans réserve, comme la quasi-totalité de mon groupe, j’appuierai par mon vote la position du Gouvernement.
Cet article porte un nom trompeur. C’est un faux ami pour le public extérieur. Il est question de tests génétiques « à des fins de recherche généalogique ». Qui peut être contre la généalogie ? La recherche des racines et des origines prospère et, avec elles, prospèrent également des visées clairement économiques et commerciales, comme vient de nous le confirmer Vincent Éblé, président de la commission des finances.
Je suis vraiment favorable à ce que l’on s’en tienne à l’encadrement actuel. Ces examens ne sont justifiés qu’à des fins médicales et, évidemment, judiciaires, vous l’avez rappelé, madame la ministre.
D’ailleurs, et cela me permet de défendre par avance l’amendement n° 291 que le Gouvernement a déposé à l’article 10 ter, qui porte sur une problématique équivalente, c’est un miroir aux alouettes. Ce dispositif sera parfaitement inefficace. Pourquoi ? Parce que, chaque année, environ un millier d’enfants naissent avec une maladie génétique grave et incurable. Or, neuf fois sur dix, il n’y a pas d’antécédent dans la famille.
J’ajoute que le dépistage préconceptionnel ne peut en aucun cas prévenir des maladies liées à des mutations de novo, c’est-à-dire qui surviennent par hasard au moment de la conception, sans être présentes dans le génome des parents.
M. Vincent Éblé. Quel rapport ? (M. Bernard Jomier renchérit.)
M. Bruno Retailleau. Je défends en même temps l’amendement n° 288 et l’amendement n° 291. Dans les deux cas, c’est un miroir aux alouettes.
En revanche, les risques sont là et sont de trois ordres.
Ils concernent d’abord la protection des données personnelles, mais aussi les impacts familiaux que peut entraîner la révélation de telles informations.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Bruno Retailleau. C’est le premier impact.
Ils concernent ensuite la dérive eugénique. C’est le deuxième impact. Il ne faut pas se le cacher, on voit bien ce qu’il peut y avoir derrière ce type d’article.
Ils concernent enfin la financiarisation de nos existences. C’est le troisième impact. On ouvre toujours plus la voie à cette logique économique et financière.
M. Vincent Éblé. Avec des sociétés américaines ou israéliennes, oui !
M. Bruno Retailleau. Mes chers collègues, le texte que nous examinons n’a pas vocation à favoriser la recherche ou le développement économique : il s’agit d’un texte de bioéthique dans lequel il nous faut poser des limites. Posons-les !
Enfin, je récuse l’argumentation selon laquelle, parce que cela se fait ailleurs, la France doit s’aligner.
M. Vincent Éblé. Ce n’est pas notre argument !
M. Bruno Retailleau. Je pense que notre modèle bioéthique doit au contraire éclairer les autres nations. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Luche et Mme Christine Herzog applaudissent également.)
M. Vincent Éblé. C’est dénaturer notre argument !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. En commission spéciale, j’ai suivi l’avis du rapporteur. Il m’excusera de changer de vote.
En vérité, ces articles soulèvent un vrai sujet, au-delà d’ailleurs de leurs spécificités. On vote la loi, on décide de règlements et on se rend compte assez vite que leur application pose problème. Aujourd’hui, on a de belles lois et on se croit tous protégés, alors qu’en réalité, avec internet et les réseaux sociaux, on n’est protégé de rien.
M. Vincent Éblé. C’est par courrier !
M. Roger Karoutchi. J’entends bien ce que dit le président Éblé sur l’aspect économique. Toutefois, madame la ministre, comme Bruno Retailleau l’a remarquablement expliqué, les dérives représentent un véritable danger ! Certes, on ne peut pas empêcher les dérives à partir de tests de ce genre. Une fois que ces prélèvements partent aux États-Unis ou ailleurs pour être analysés, qui fait quoi des données ? Qui fait quoi des résultats ? Qui s’en sert ? Dans quel but ? Personne n’en sait rien !
Je ne suis pas obnubilé par la NSA, mais on n’est sans doute pas non plus obligé de transférer partout des éléments sans savoir où ils vont.
Personnellement, je préfère la prudence. Je voterai donc ces amendements identiques. Je ne suis pas du tout sûr que cela nous protège. En réalité, madame la ministre, il s’agit plus d’un vote d’appel.
Votons des lois, celle-là comme d’autres, mais il faut que le Gouvernement ait la capacité de trouver les mesures nécessaires pour faire appliquer les lois.
M. Vincent Éblé. Il n’y en a pas !
M. Roger Karoutchi. Si les lois et les règlements sont contournés chaque fois, à quoi servent-ils ?
Monsieur le président Éblé, vous avez raison : il n’existe peut-être pas de mesure dans l’immédiat. Toutefois, si l’on se dit cela à chaque fois, on finira par se dire qu’il n’y a pas besoin de lois, qu’il n’y a pas besoin de Parlement et qu’il n’y a pas besoin de règles. Alors là, bonjour le désordre !
M. Vincent Éblé. La meilleure mesure, c’est de permettre aux sociétés françaises d’entrer dans le dispositif, comme cela se fait aux États-Unis et en Israël !
M. Roger Karoutchi. Pour être très franc, mesdames les ministres, comme je pense que, si j’envoyais une demande de cette nature aux États-Unis, on ne ferait pas de moi l’héritier de Charlemagne ou de Saint Louis, restons-en à ce que nous sommes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé et Mme Christine Herzog applaudissent également.)
M. Vincent Éblé. À ce que nous étions ! Le monde a changé, vous ne l’avez pas vu !
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Le groupe socialiste et républicain a déposé un amendement presque identique en commission spéciale et je remercie M. le rapporteur d’avoir mené la même réflexion.
Madame la ministre, l’argument que vous avez avancé pour supprimer cet article est précisément celui que l’on peut invoquer pour en justifier l’existence.
Vous parlez de la protection des usagers. En l’état, ce que l’on peut constater, c’est qu’au moins un million de Français font appel à ces sociétés étrangères. Ils peuvent transmettre la demande sur internet. D’ailleurs, certaines sociétés étrangères, pour respecter la loi française, ne transmettent pas les résultats en France ; il faut aller les chercher à l’étranger.
Ce que nous proposons là, c’est d’organiser, en France, un système qui soit protecteur des Français qui font appel à ces tests. C’est dans cet esprit que nous avions rédigé cet amendement et que le rapporteur a avancé ses explications.
Mes chers collègues, il ne s’agit pas ici d’autoriser quelque chose qui se fait ailleurs : il s’agit de permettre que les Français qui sollicitent ces tests ailleurs puissent faire appel en France à des sociétés dotées de systèmes de protection. C’est pourquoi l’alinéa 3 renvoie à des règles définies par décret en Conseil d’État, à l’avis de l’Agence de la biomédecine, à l’avis de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés). Ensuite, nous pourrons inciter les usagers intéressés à faire appel à des sociétés françaises, parce qu’ils seront protégés et que leurs données n’iront pas n’importe où, plutôt que d’aller sur internet.
Ce sera d’ailleurs tout le problème de ce texte, comme je l’ai souligné lors de la discussion générale. À quoi sert-il de poser des interdits si nous n’arrivons pas à les faire respecter ? Il vaut peut-être mieux, dans ces cas-là, protéger nos concitoyens.
Enfin, madame la ministre, vous m’avez rassuré sur un autre sujet. Vous avez évoqué l’avis du Conseil d’État. Votre intérêt pour le Conseil d’État me fait penser que vous allez changer d’avis sur les retraites ! (Exclamations amusées. – Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Nous avons tous conscience qu’il est complexe de légiférer dans un monde ouvert. S’il est un sujet où cette question est particulièrement prégnante dans ce projet de loi, c’est bien celui des tests génétiques. En effet, il n’est pas nécessaire de se déplacer à l’étranger : tout se passe par internet et par courrier, en prélevant soi-même des cellules sur son corps. On ne peut donc pas éluder cette question, puisque nombreux sont nos compatriotes à pratiquer d’ores et déjà ces tests par le biais d’internet.
La véritable question qui nous est posée est donc de savoir comment garantir au mieux une réalisation éthique de ces tests. La réponse n’est jamais simple. Si le régime d’interdiction est très satisfaisant pour nous – nous votons pour dire non et faire en sorte que cela cesse –, nous savons très bien que cela ne s’arrêtera pas, que nous n’aurons pas les moyens de l’arrêter et que ces tests vont se développer.
En pensant faire du mieux-disant éthique, on livre nos compatriotes à du moins-disant, c’est-à-dire aux règles qui sont appliquées ailleurs, où il n’y a pas la même législation.
La décision n’est pas simple. Pour ma part, je ne veux stigmatiser personne ; je n’emploierai pas les mots de « marchandisation » ou d’« eugénisme » – il faut arrêter ces excès de langage. En l’occurrence, la marchandisation peut exister si ce n’est pas encadré ; quant aux risques d’eugénisme, ils ne se trouvent pas dans cet article, pas plus que dans les tests généalogiques.
L’alternative qui nous est posée est la suivante : soit encadrer au mieux ces pratiques pour essayer de donner la meilleure protection à nos compatriotes qui vont réaliser ces tests – c’est le travail qu’a accompli le rapporteur avec beaucoup de sagesse et de recul, selon moi –, soit faire un vote de satisfaction, qui aura comme conséquence de ne rien changer au comportement de nos compatriotes.
Je soutiens la sagesse du rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. On parle ici des tests ADN généalogiques. Or j’entends que ce serait une activité récréative. Pourtant, comme l’a rappelé Vincent Éblé, le journal télévisé de 20 heures nous a appris que deux jeunes femmes affirmaient avoir découvert grâce à ces tests qu’elles avaient un demi-frère et des demi-sœurs.
M. Loïc Hervé. La belle affaire !
M. Olivier Cadic. Pour ceux qui s’intéressent à la famille, c’est important et cela peut changer leur vie.
D’ailleurs, ces jeunes femmes ont partagé cette nouvelle, comme cela se fait régulièrement aux États-Unis : les rencontres ou les reconstitutions de familles sont relayées. Ce n’est pas forcément récréatif : chercher à connaître sa généalogie peut aussi avoir un intérêt.
Cela étant, nous sommes là pour voter la loi. Quelle est donc cette activité qui consiste à voter une loi qui ne peut pas être respectée et qui ne l’est pas ? Il suffit de revenir à l’audition du procureur François Molins : une interdiction est posée, mais personne n’est poursuivi. Qu’est-ce qu’une loi qui n’est pas appliquée ? C’est une mauvaise loi, tout simplement ! On peut se faire plaisir et présenter des textes, mais, s’ils ne sont pas applicables, il y a peut-être un problème du côté du législateur, non ?
C’est la raison pour laquelle je remercie la commission spéciale d’avoir compris cette situation et d’avoir proposé cet article, afin que ces tests puissent se faire en France. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir expliqué tous les dangers potentiels si une telle pratique n’était pas encadrée. C’est justement ce que nous proposons de faire en France.
Quelle est aujourd’hui la situation ? Les Français font réaliser ces tests aux États-Unis, ce qui fait que ce pays possède des données que nous n’avons plus.
Mon cher collègue Retailleau, vous pouvez construire une ligne Maginot ou un great great wall, mais ils seront de pacotille !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je voterai les amendements du Gouvernement et du groupe CRCE. La disposition de l’article 10 bis, adoptée par la commission spéciale, est utopique.
Tous les Français qui sont à la recherche de leurs origines et qui, déjà depuis des années, comme cela se fait dans le monde entier, recourent à des prestataires qui se trouvent à l’étranger, continueront à le faire, et ce pour une raison très simple : les recherches généalogiques sont beaucoup plus efficaces lorsque l’on s’adresse à une banque de données qui regroupe des millions de données plutôt qu’à une société débutante. Ils continueront de se tourner vers l’étranger et tout cela n’aura été qu’un coup d’épée dans l’eau.
Peut-être, pour reprendre une expression que j’ai entendue dans le but de défendre la position de la commission spéciale, se sera-t-on fait plaisir, mais cela aura été en vain. On aura créé une fausse sécurité pour les Français. Ce sont de bonnes intentions, mais elles auront inévitablement une très faible portée opérationnelle.
Si l’on veut être efficace, il faut selon moi, loin de devenir les auxiliaires d’entreprises qui voudraient prendre position sur un marché prometteur, défendre la préservation des données de nos compatriotes, dont ils sont si soucieux. On l’a vu avec l’application du règlement général sur la protection des données que nous avons transposé dans cet hémicycle. Comme nous étions prudents ! Que de précautions avons-nous voulu prendre pour protéger nos données, qui étaient essentiellement des données matérielles, mais qui concernaient notre vie privée !
Là, ce sont plus que des données matérielles. Ce ne sont pas des questions de patrimoine ou d’argent. Ce sont des questions qui touchent à nos origines, qui sont véritablement au cœur de notre vie personnelle. Et l’on voudrait faire croire aux Français qu’ils peuvent se précipiter vers des entreprises françaises, parce qu’elles seraient encadrées, alors qu’ils vont continuer à consulter des sites étrangers pour avoir l’assurance d’accéder à des bases de données beaucoup plus volumineuses.
La prudence, c’est de dire à nos concitoyens : « Chers concitoyens, ne faites pas des tests génétiques au prétexte que vous êtes curieux de votre histoire, car vos données génétiques vont se balader dans le monde entier et vous ne savez pas ce que l’on en fera. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Christine Herzog applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je fais partie des gens qui s’adonnent à cette discipline qu’est la généalogie. Je puis vous dire que les tests dont nous parlons n’ont rien de généalogique. La généalogie, ce n’est pas cela. La généalogie, c’est la collecte d’informations dans les registres d’état civil afin d’établir un arbre généalogique et de reconstituer une famille telle qu’elle a pu exister.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Loïc Hervé. Je suis d’accord avec Olivier Cadic, mais je ne tirerai pas les mêmes conclusions que lui. Bien sûr que ces tests n’ont rien de récréatif. Alors qu’on ne cesse depuis le début de l’examen de ce texte de parler des aspects positifs, j’évoquerai, moi, une tout autre situation, celle de deux enfants ayant découvert, après avoir fait des tests génétiques, qu’ils n’étaient, ni l’un ni l’autre, les enfants de celui qu’ils pensaient être leur père. Je vous raconte là non pas l’histoire de deux demi-sœurs vivant chacune d’un côté de l’Atlantique et s’étant retrouvées sous l’œil de caméras, mais celle d’une famille détruite par des tests dits « généalogiques », alors qu’il s’agit de tests purement génétiques, dont les conséquences peuvent être désastreuses pour certains.
Pour ma part, je suis pour l’interdiction de ces tests. Je pense que le rôle du législateur est d’interdire un certain nombre de choses, même si c’est difficile. En France, on n’autorise pas le cannabis, pourtant il est largement consommé ; cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas l’interdire.
Je partage les arguments de Mme la ministre : la France doit interdire ce type de tests ; ne faisons pas sauter la digue ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Christine Herzog applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Je commencerai par vous dire quelque chose qui va certainement vous faire rire, ou vous soulager, je ne sais pas. À l’écoute de ce qui vient d’être dit, je vous dirai que Mme la ministre a raison, mais que M. le rapporteur n’a pas tort ! (Exclamations amusées.) La raison en est simple : l’argument économique ne me semble pas suffisant pour justifier le vote de l’article 10 bis.
Vous avez raison, madame la ministre, les résultats des tests ne sont pas suffisamment fiables pour pouvoir être exploités ; malheureusement, ils le sont tout de même. Par ailleurs, vous l’avez dit, cette activité n’étant pas régulée, on assiste un peu à n’importe quoi. Je comprends donc que l’on veuille voter cet amendement de suppression.
Je rappelle toutefois que, lorsqu’on interdit sur le territoire national une pratique autorisée ailleurs, sans être ni régulée ni fiable, on prend le risque que des personnes s’adressent à des entreprises étrangères, ce qui peut avoir de nombreuses conséquences désastreuses.
Vous allez donc voter l’amendement de suppression, à juste raison. Ce qui serait bien, c’est que, et le rapporteur et votre ministère, madame la ministre, travaillent sur un texte susceptible d’offrir fiabilité et régulation à l’ensemble de nos concitoyens.
Cet amendement de suppression sera peut-être adopté, mais il ne serait pas inutile d’aller plus loin sur ce sujet. Il y a des lois qui posent certains interdits ; mais quand on voit des enfants « interdits » arriver en France, nous sommes bien obligés de les reconnaître. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. J’ai évidemment beaucoup de choses à dire.
La première, c’est que le Gouvernement est évidemment favorable à l’accès aux origines, le texte qui vous est présenté prévoyant cet accès pour les enfants nés de PMA (procréation médicalement assistée) avec tiers donneur, accès que nous avons encadré et sécurisé.
Je vous ai présenté un certain nombre d’arguments techniques sur la fiabilité des tests, mais, au-delà, l’argument principal est d’ordre symbolique. Les symboles, c’est important dans la loi. Nous avons réaffirmé un principe concernant la GPA : nous sommes contre, et pourtant elle se pratique ailleurs.
L’objet du présent projet de loi de bioéthique à la française est d’affirmer que nous souhaitons une régulation particulière applicable aux progrès médicaux, même si d’autres pays n’ont ni loi de bioéthique ni régulation. C’est ce qui fait notre différence, mais aussi notre fierté. Même si nous savons qu’un certain nombre de nos compatriotes font réaliser de tels tests en envoyant leur ADN à l’étranger, nous réaffirmons, à l’occasion de ce débat, qu’ils sont dangereux, parce qu’on ignore ce qui est fait ensuite des données, parce que les résultats des tests peuvent être erronés et provoquer des drames familiaux.
Les sociétés qui effectuent ces tests disposent ainsi d’informations sur les origines, mais également sur la totalité du génome humain. Le séquençage d’un génome permet de connaître les pathologies potentielles, les risques génétiques, etc.
L’argument selon lequel ces tests se pratiquent ailleurs ne peut pas être l’argument de ce projet de loi de bioéthique. Sinon, cela signifierait que tout ce qui est fait ailleurs pourrait être fait en France, comme la GPA. Je vous rappelle que les Chinois viennent d’effectuer des manipulations génétiques sur des embryons.
L’objectif du présent texte est justement de réaffirmer les limites et les interdits que nous nous fixons. La libéralisation de ces tests pourrait laisser croire à la population française qu’ils sont récréatifs, alors que les informations ainsi obtenues sont extrêmement sensibles.
Si nous autorisons ces tests en France – je vous confirme qu’il existe un marché et qu’il fait pression, car un séquenceur ne coûte rien, les tests sont réalisés en moins d’une journée, pour quelques centaines d’euros, 200 euros je crois –,…
M. Vincent Éblé. Ils coûtent 50 euros !
Mme Agnès Buzyn, ministre. … de nombreuses officines françaises, qui seront faciles à trouver, les effectueront. Si nous autorisons des officines françaises à les pratiquer, nous n’aurons aucun moyen d’interdire à des sociétés étrangères de les faire également. Toutes les entreprises américaines, chinoises que vous connaissez pourront s’implanter et auront donc accès au génome des Français, à l’ADN total des Français !
M. Vincent Éblé. Elles sont déjà implantées et font des campagnes publicitaires !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Ce que nous savons aujourd’hui, c’est que ces sociétés donnent déjà à un certain nombre de Français, en plus des informations de nature généalogique, des informations sur leurs pathologies et sur leurs facteurs de risques.
Si ces données appartiennent à des firmes étrangères, rien ne nous permettra d’encadrer leurs pratiques et de leur interdire, par exemple, leur transmission à l’étranger. Je ne pense pas que nos concitoyens seront en mesure de limiter les informations qui leur seront données.
Si nous autorisons ces tests, toutes les sociétés étrangères pourront s’implanter sur le sol français et accéder à toutes les informations possibles sur les maladies et sur les facteurs de risques génétiques de nos concitoyens.
Cela étant, je pense qu’un certain nombre de Français continueront de faire réaliser de tels tests par des firmes étrangères, comme ils le font déjà aujourd’hui, que nous allons progressivement assister à des changements de comportement et de législation, et que chaque Français pourra accéder à des données peu fiables, potentiellement médicales. Ces données influeront sur la vie ultérieure des gens, ils modifieront peut-être les comportements dans les couples avant une conception, comme l’a évoqué le président Retailleau à propos de l’amendement qui va suivre.
Notre devoir aujourd’hui est de réaffirmer à quel point ces tests sont dangereux, car ils donnent des informations qui peuvent bouleverser des vies, et qu’ils n’ont rien de récréatif. Nous devons dire aux Français qu’ils prennent des risques. C’est peut-être l’occasion pour le Gouvernement d’envisager une campagne d’information pour rappeler aux Français que ces tests sont interdits par la loi, sanctionnés, que nous n’en voulons pas sur notre sol à des fins purement mercantiles. Ne nous leurrons pas, il s’agit bien d’un marché. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 204 rectifié bis et 288.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains, l’autre, du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 80 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l’adoption | 232 |
Contre | 94 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 10 bis est supprimé, et les amendements identiques nos 183 rectifié ter et 189 rectifié ter ainsi que les amendements nos 276, 312, 313 et 314 n’ont plus d’objet.
Article 10 ter (nouveau)
Après l’article L. 1131-1-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1131-1-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1131-1-2-1. – Par dérogation à l’article 16-10 du code civil, peut être autorisée, à titre expérimental, la prescription d’un examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles par un médecin qualifié en génétique ou un conseiller en génétique sans qu’il soit nécessaire pour la personne qui en fait la demande de présenter les symptômes d’une maladie à caractère génétique ou de faire état d’antécédents familiaux d’une telle maladie. Cet examen ne peut avoir pour but de diagnostiquer, chez la personne qui en fait la demande, que d’éventuelles anomalies génétiques pouvant être responsables d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins. Il peut également être prescrit aux membres d’un couple qui en font la demande dans le cadre d’un projet parental. Après consultation de l’Agence de la biomédecine, de la Haute Autorité de santé et des représentants des sociétés savantes en génétique médicale, les anomalies génétiques susceptibles d’être recherchées dans le cadre de cet examen peuvent être limitées à une liste fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche.
« La réalisation de cet examen est subordonnée au recueil du consentement de la personne dans les conditions prévues aux I et II de l’article 16-10 du code civil. Toutefois, le 2° et le sixième alinéa du II dudit article 16-10 ne sont pas applicables aux examens des caractéristiques génétiques prescrits en application du présent article.
« Les examens des caractéristiques génétiques prescrits en application du présent article ne peuvent faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie. Leur prise en charge est à la charge de la personne ou des membres du couple qui en font la demande. Ces examens peuvent, le cas échéant, faire l’objet d’une prise en charge, totale ou partielle, par l’organisme complémentaire d’assurance maladie de la personne ou des membres du couple.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine et de la Haute Autorité de santé. »
M. le président. L’amendement n° 291, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. L’amendement du Gouvernement vise à supprimer cet article, que la commission spéciale a introduit pour autoriser l’extension du dépistage préconceptionnel et le dépistage en population générale.
M. le président. Mes chers collègues, peut-être que vous ne vous en rendez pas compte, mais la multiplication des conversations particulières finit par rendre notre hémicycle aussi bruyant qu’un hall de gare !
M. Jean-François Husson. La gare de l’Est ? (Sourires.) Il faut en parler à Benjamin Griveaux !
M. le président. Merci de laisser Mme la ministre s’exprimer !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Cet article pourrait entraîner un réel changement de comportement chez nos concitoyens, notamment avant la conception d’un enfant. En effet, il ouvre la possibilité pour les couples de réaliser des tests génétiques avant de s’engager dans un projet parental, afin de s’assurer que le père ou la mère ne souffre pas d’une maladie génétique susceptible d’entraîner une pathologie ou un handicap particulier chez leur enfant.
Aujourd’hui, les tests génétiques en situation préconceptionnelle sont autorisés lorsqu’il existe des maladies génétiques très graves dans une famille. On vérifie alors simplement si le gène de la maladie familiale est présent dans le génome des parents. Ces tests sont pratiqués dans les familles consanguines, par exemple, qui ont des risques accrus de pathologies génétiques. Ces familles font évidemment l’objet d’un suivi, sur prescription médicale.
Je le répète, aujourd’hui, seul le gène anormal, reconnu comme étant responsable d’une maladie, est recherché dans le cadre d’un dépistage préconceptionnel. Seules quelques familles à risque sont suivies dans les services de génétique français.
La commission spéciale propose d’ouvrir cette possibilité à tous les Français avant la conception d’un enfant. La première question que nous nous posons, c’est : quel gène devons-nous rechercher, quelle anomalie ? On nous dit que seraient concernées les maladies potentiellement graves et mortelles à la naissance ; mais peut-être aussi une maladie potentiellement grave et mortelle à l’âge de 5 ans, ou une maladie grave, pas mortelle, mais responsable d’un handicap à vie, ou une maladie mortelle à l’âge de 30 ans ou un Alzheimer à 40 ans. Qui fixera la limite ? Qui est aujourd’hui capable de décider quelles maladies nous ne souhaitons pas voir survenir à la naissance ?
Tel n’est pas du tout aujourd’hui l’objet du dépistage préconceptionnel en médecine, lequel vise uniquement à dépister une maladie dont souffre la famille concernée.
C’est le premier problème : quelles pathologies décidons-nous de repérer ?
Deuxième problème : quels changements de comportement un tel dépistage induira-t-il dans la société ? Avant de se marier, demandera-t-on désormais à connaître le génome de son conjoint pour savoir s’il souffre d’une pathologie grave ? Comment prendrons-nous en charge les enfants malades ou les enfants en situation de handicap dans dix ou vingt ans ? Reprocherons-nous à certains couples de ne pas avoir effectué ce dépistage et d’imposer à la société des enfants en situation de handicap ? De telles pratiques seraient contraires à la société inclusive que nous souhaitons aujourd’hui, société dans laquelle nous acceptons évidemment le risque d’une pathologie.
Je dois dire que j’ai été extrêmement surprise en lisant l’article 10 ter. Je suis intimement persuadée qu’il pourrait changer les comportements des jeunes couples, avant même le mariage. Je pense que tout le monde se sentira dans l’obligation un jour de faire des tests pour s’assurer que son enfant ne sera pas porteur du gène de telle ou telle pathologie. C’est le mythe de l’enfant sain. Or ce n’est pas parce qu’aucune anomalie génétique ne sera décelée que l’enfant ne souffrira pas d’une pathologie, d’un trouble psychique ou d’un handicap, nous le savons bien.
Cela donne l’image d’une société où le génome détermine tout, où l’humain contrôle sa descendance. C’est le mythe de générations futures indemnes. Or je ne pense pas que ce soit là la société à laquelle nous aspirons aujourd’hui. Je suis intimement convaincue que nous devons nous en tenir à la législation actuelle, qui prévoit que tout test génétique doit considérer un risque unique, dans une famille unique, dans le cadre d’un parcours de soins, sur prescription médicale.
La suppression de l’article 10 bis que vous venez de voter, mesdames, messieurs les sénateurs, montre votre attachement à la bioéthique à la française. Il s’agit de ne pas banaliser les effets d’analyses génétiques sur les générations ultérieures. Il me semble que l’article adopté en commission spéciale donne une vision de la société pure, indemne – pardonnez-moi de le dire ainsi –, totalement contraire à la société de la bienveillance et de l’inclusion à laquelle nous sommes intimement attachés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement n’est ni compassionnel ni utopique. Il n’est pas motivé par de bonnes intentions, encore moins par la volonté de nous aligner sur ce qui se passe dans d’autres pays. Il résulte du travail de la commission spéciale et des auditions d’un certain nombre de chercheurs et de personnalités, notamment du président du CCNE. Nous savions que ce sujet susciterait un débat. Nous avons d’ailleurs tous notre part de doute.
Cette proposition, qui a été formulée par le CCNE, est très largement soutenue par un certain nombre de chercheurs et de médecins. Il y a débat. Il nous a semblé que la dérive eugénique n’était pas constituée puisqu’il ne s’agit pas de sélection d’embryons. En effet, l’examen génétique envisagé n’intervient pas dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation. Aucun embryon n’a donc été conçu au stade de cet examen, que ce soit naturellement ou par AMP.
Il s’agit en réalité pour une personne de déterminer si elle est porteuse ou non d’une mutation génétique grave et d’évaluer le risque que cette mutation puisse donner lieu à une pathologie, ou que cette mutation puisse se transmettre aux enfants.
Lors de leur audition par la commission spéciale, les professionnels ont insisté sur le fait que certaines pathologies graves, comme la mucoviscidose ou l’amyotrophie spinale infantile, survenaient souvent chez un enfant sans que les parents sachent qu’ils étaient tous les deux porteurs de cette mutation, faute d’antécédent familial. Nous sommes donc là dans une logique de soins.
Aujourd’hui, ce n’est qu’après avoir eu un premier enfant porteur de la maladie que les parents peuvent avoir accès au diagnostic génétique afin de prévenir une nouvelle transmission de la mutation.
À cet égard, nous sommes quelques-uns à avoir été marqués par l’audition d’Alexandra Benachi, présidente de la Fédération française de centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, qui nous a indiqué : « Si nous pouvions, comme dans de nombreux pays, proposer aux jeunes couples de rechercher les principales anomalies génétiques pour leur éviter l’interruption de grossesse, soit en proposant un diagnostic préimplantatoire soit pour envisager une grossesse spontanée, cela éviterait de nombreuses souffrances. Aujourd’hui, il faut avoir souffert pour avoir droit au diagnostic prénatal. »
Ces examens répondent selon nous à un intérêt de santé publique. Il ne s’agit nullement d’une pratique eugénique. Ils pourraient donc être étendus. Je rappelle que l’article 10 ter permet au Gouvernement – Mme la ministre a évoqué cette question – de limiter les anomalies génétiques qui pourraient être ainsi recherchées.
La commission spéciale est donc défavorable à l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Je partage entièrement les arguments de Mme la ministre.
Mes chers collègues, je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de voir le film Bienvenue à Gattaca. Le scénario aujourd’hui est très exactement le même que celui de ce film. Le risque majeur est en effet de passer d’une demande individuelle, qu’on peut certes trouver normale, comme vient de le dire le rapporteur, afin de prévenir une souffrance, dans le cadre donc d’une approche compassionnelle, à une demande sociétale.
À un moment donné, la société ne va-t-elle pas demander des dépistages à titre préventif afin d’empêcher la naissance d’êtres affaiblis par telle ou telle maladie ? Là encore, de quelles maladies s’agira-t-il ? On va commencer par des maladies graves, potentiellement mortelles, puis, mutatis mutandis, on en viendra à des maladies moins graves, puis simplement à des caractéristiques physiques, selon qu’elles soient voulues ou non. Il me semble qu’il y a un risque de dérive extrêmement dangereuse.
En tant que simple praticien, permettez-moi de m’élever un peu contre l’argument des chercheurs, contre la dictature de l’expertise, même si le mot est un peu fort. Certes, les experts souhaitent que l’on fasse plus de recherche, que l’on acquière plus de connaissances, mais je pense qu’il faut bien faire le distinguo entre ce que la recherche veut, ce qu’elle permet, et ce qu’il y a de mieux pour la société et les êtres humains dans leur individualité. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM, Les Indépendants, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Une fois de plus, nous abordons une question très difficile. Vous avez raison, madame la ministre, je vous invite toutefois à ne pas commenter les résultats des votes en expliquant qu’il y a d’un côté ceux qui respectent la bioéthique – ceux qui ont voté la suppression de l’article 10 bis – et ceux qui ne la respecteraient pas, qui ne respecteraient pas nos valeurs fondamentales. Restons-en à des arguments de qualité. J’entends très bien vos arguments et vos interrogations, sur lesquelles, je pense, le rapporteur a travaillé.
Actuellement en France, on propose à toute femme au début d’une grossesse un dépistage de la trisomie 21, par simple prise de sang. Si les résultats de cet examen sont compris dans une fourchette de risques donnée, on lui propose d’aller plus loin et de faire une recherche spécifique de la trisomie 21. Le but de ce dépistage est bien de permettre à la femme d’interrompre sa grossesse si elle le souhaite, ce que font environ 85 % des femmes concernées. Seule une minorité de femmes choisissent de poursuivre leur grossesse.
Aujourd’hui, la commission nous invite à réfléchir à d’autres hypothèses. Ce n’est pas parce qu’on met en place un dépistage qu’on le fait n’importe comment, sans respecter aucune règle. La science, c’est raisonner, poser un cadre strict afin d’éviter les dérives.
Il y a une différence entre l’eugénisme et la médecine : l’eugénisme sélectionne à partir de caractéristiques ; la médecine, elle, donne les moyens d’éviter des maladies et des pathologies. Certes, la frontière n’est pas évidente, j’en donne acte à chacun dans cette assemblée. Et il est complexe pour le législateur de fixer la frontière. Cela étant, si on va au bout de la logique du Gouvernement, alors on supprime le droit pour les femmes de procéder au dépistage de la trisomie 21 et d’interrompre éventuellement leur grossesse.
Nous souhaitons tous ici une société inclusive, mais il n’est pas juste de mélanger ces deux sujets. Pourquoi dépister la trisomie 21, mais non la trisomie 18, qui, elle, n’est quasiment pas viable ?
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. La quasi-totalité de mon groupe appuiera sans réserve la position de la ministre.
J’ai écouté les arguments du rapporteur et j’imagine que les discussions ont dû être serrées au sein de la commission spéciale.
Le premier argument qu’avance la commission spéciale, c’est qu’il faut écouter les chercheurs, les scientifiques. C’est, si j’ose dire, la loi de Gabor : ce qui est techniquement ou scientifiquement faisable se fera un jour. Non ! Notre rôle est de poser des limites. Posons-en !
Un deuxième argument est absolument récurrent : d’autres pays le font. C’est vrai. La Belgique vient d’ailleurs d’autoriser une telle pratique. Cela coûte environ 1 000 euros. Nous avons bien vu que c’était une nouvelle opportunité commerciale.
La mondialisation place effectivement notre système juridique, notre système bioéthique en concurrence directe ; les frontières sont de plus en plus perméables. Mais, en tant que parlementaires français, avons-nous à cœur de réaffirmer ce que nous sommes et de défendre ce que nous considérons comme notre ADN ? La question qui nous est posée est celle des limites face à la science, face à la technique, qui va très vite, et face au marché.
Honnêtement, je ne vois pas comment on pourrait contredire Mme la ministre sur le risque de dérives eugéniques. Quelle place voulons-nous dans notre société pour la vulnérabilité ? Quelle place accordons-nous aux personnes qui ne sont pas comme nous ? Nous savons très bien que la pression sur les futurs couples sera énorme. Il ne faut toucher à de telles limites qu’avec une main tremblante !
C’est pourquoi notre groupe votera l’amendement du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Le ton monte. Certains mots sont de plus en plus souvent prononcés : « eugénisme », « dérives », « sélection »… De tout cela, il n’est pas question.
Encore une fois, je précise que la révision de la loi relative à la bioéthique a précisément pour objet de concilier les évolutions technologiques et les évolutions morales et politiques de notre société. En l’occurrence, tout est dit dans l’alinéa 2 de l’article 10 ter : « […] Après consultation de l’Agence de la biomédecine, de la Haute Autorité de santé et des représentants des sociétés savantes en génétique médicale, les anomalies génétiques susceptibles d’être recherchées dans le cadre de cet examen peuvent être limitées à une liste fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche. »
Nous voyons bien qu’un cadre est posé. Si nous le voulons, nous n’avons pas à craindre les évolutions scientifiques.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. La présentation du rapporteur a été parfaitement claire et cohérente, et j’ai trouvé les arguments de certains de nos collègues – je pense à ceux qui ont été développés par Bernard Jomier et par Michelle Meunier – particulièrement convaincants.
L’article offre toutes les garanties. Le rapport présente quatre exemples de pathologies, dont la mucoviscidose ou l’amyotrophie spinale infantile. Le texte renvoie au pouvoir réglementaire, afin de limiter les excès que certaines et certains d’entre vous ont évoqués.
Plus généralement, l’objet de notre débat est d’évaluer comment les dernières découvertes scientifiques peuvent être traduites dans la pratique et dans le droit sans bouleverser ce que nous appelons les lois de bioéthique à la française. En l’occurrence, ce qui est proposé ne les bouleverse pas. Je ne voterai donc pas cet amendement.
Madame la ministre, j’ai le sentiment que, sous couvert de défendre une société inclusive – mais qui ne veut pas d’une société inclusive ? –, vous avez une position assez fermée en matière de traduction des avancées scientifiques dans le droit. Je le regrette.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je ne partage pas la position de mon groupe. Je pense que le sujet a fait l’objet d’un examen approfondi de la part de la commission spéciale.
Le débat oppose ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, et non ceux qui ont raison et ceux qui ont tort. Ce n’est pas le jour contre la nuit !
Nous assistons effectivement à une évolution, ou à une involution – je ne sais –, sociétale. Je ne suis pas en mesure de dire si nous devons nous engager les yeux fermés dans cette voie. Simplement, le législateur doit, me semble-t-il, prendre un certain nombre de précautions : la science ne doit pas conduire au contraire de ce que nous souhaitons.
Pour ma part, je me rallierai à la position de la commission spéciale. Nous ne pouvons pas faire abstraction d’une telle évolution scientifique. Il faut la réguler. C’est ce qui est fait dans l’article. Des limites sont posées. Le cadre proposé permettra peut-être de prendre des décisions différentes dans quelques années ; c’est pour cela que les lois de bioéthique sont évolutives.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. J’irai dans le sens de mon collègue René-Paul Savary. Je remercie la commission spéciale de son travail non seulement sur cet article, mais également sur d’autres qui ont ensuite été supprimés. Ses membres ont cherché à faire avancer le texte dans le bon sens.
Je ressens une certaine frustration. De véritables progrès étaient proposés. Parfois, il faut considérer que ce n’est pas parce que certains sont les plus nombreux qu’ils ont raison. L’avenir le dira.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. J’avoue ne pas très bien comprendre l’alinéa 2 de l’article 10 ter. Il est indiqué que « la prescription d’un examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles » peut être faite « par un médecin qualifié en génétique ou un conseiller en génétique sans qu’il soit nécessaire pour la personne qui en fait la demande de présenter les symptômes d’une maladie à caractère génétique ou de faire état d’antécédents familiaux d’une telle maladie ». Il est ensuite précisé que cet examen « ne peut avoir pour but de diagnostiquer, chez la personne qui en fait la demande, que d’éventuelles anomalies génétiques pouvant être responsables d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins ».
Ainsi, on ne recherche plus d’antécédents familiaux, et un médecin décide de rechercher quelque chose, mais on ne sait pas quoi. Il prescrit – on ne sait pas en vertu de quoi – un diagnostic chez « la personne qui en fait la demande ». Pourquoi en fait-elle la demande, alors qu’elle n’a pas d’antécédents familiaux ?
Au troisième alinéa de l’article, le diagnostic est entouré – cela a été souligné par Mme Meunier – de nombreuses précautions : « La réalisation de cet examen est subordonnée au recueil du consentement de la personne […] » ; ainsi, après consultation « de l’Agence de la biomédecine, de la Haute Autorité de santé et des représentants des sociétés savantes », il est prévu « une liste fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche ».
Mais, mes chers collègues, la personne a ainsi toute latitude – je ne reprendrai pas le terme qui a été employé tout à l’heure – pour dire qu’elle ne veut pas d’enfant répondant à tel ou tel critère. Qu’on le veuille ou non, c’est un vrai tripatouillage. Personnellement, je ne peux pas accepter un tel choix.
Je suivrai donc la position de Mme la ministre et des collègues qui se sont exprimés en ce sens. (M. Bruno Retailleau applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Je crois que la maternité n’est pas une maladie. Arrêtons de stresser les parents – c’est un moment qui n’est déjà pas facile dans la vie d’un couple – et de médicaliser à outrance ce qui est un événement heureux en ajoutant des contraintes et une charge morale.
Bien entendu, le risque que les parents soient tentés de recourir à un diagnostic est extrêmement important. Tous les parents voudraient avoir le plus beau bébé du monde. Tous les parents souhaitent que leur enfant ait deux bras, deux jambes, une nuque pas trop épaisse et, si possible, qu’il leur ressemble. Il y aura forcément une dérive. Je vous remercie de nous alerter à cet égard, madame la ministre.
J’entends bien que des experts seront mobilisés. Mais, à mon sens, sur de tels sujets, ce n’est pas aux experts de décider. C’est aux spécialistes de l’éthique et aux parlementaires de définir ce qui est bon et ce qui ne l’est pas.
Mon groupe, dans sa majorité, votera l’amendement du Gouvernement. Au-delà, je souhaite formuler une observation. On a sans doute mis trop d’experts et pas assez de spécialistes de l’éthique dans les différents comités. Je pense notamment au Comité consultatif national d’éthique ; ce n’est pas normal qu’il ait émis un avis favorable sur une telle mesure.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je n’ai peut-être pas été suffisamment claire tout à l’heure.
Des obstétriciens sont confrontés à des situations individuelles atrocement difficiles. Vous avez évoqué ma collègue Alexandra Benachi, avec laquelle j’ai travaillé pendant des années. Je connais son dévouement auprès des familles. Je sais le drame que c’est d’avoir un enfant qui naît malade ; aucun expert ne peut nier qu’il s’agit d’un drame. Si nous pouvons éviter aux familles de vivre cela, il faut le faire. Face à cela, le rôle du législateur est de définir quelle société nous souhaitons. C’est vraiment un équilibre à trouver.
La commission spéciale souhaite éviter aux familles de se retrouver avec des enfants potentiellement malades et fait le choix de demander à un groupe d’experts de définir des gènes responsables de maladies graves. Tous les Français seront ainsi autorisés à tester leurs génomes avant de faire un enfant et à vérifier si dix gènes ou vingt gènes sont présents chez le père ou la mère. Dans ce cas, on leur donne un conseil génétique, on trie les embryons et on leur garantit un enfant sans les dix ou vingt gènes pathologiques. Bien entendu, il n’y aura aucune sécurité : l’enfant ne sera pas nécessairement indemne de pathologies ; il sera seulement indemne de dix maladies qui auront été choisies comme trop graves pour être susceptibles d’être acceptées par la société et les familles.
Sincèrement, je suis très troublée. On confie à des experts le soin de définir une liste – je rappelle qu’aucune liste n’a jamais été présente dans une loi de bioéthique à la française – de dix gènes qu’ils considèrent trop graves pour vivre. On donne notamment cette mission à la Haute Autorité de santé, instance que j’ai présidée. Et, comme présidente de la Haute Autorité de santé, j’aurais toujours refusé de définir quels enfants ont le droit de vivre et quels enfants n’en ont pas le droit. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains.) Ce n’est pas aux experts d’en décider. Je n’aurais jamais accepté de dire qu’une pathologie doit être viable ou pas viable dans notre société. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Prenons quelques exemples.
Les experts sont toujours effondrés quand un enfant naît avec une amyotrophie spinale. C’est une maladie atrocement douloureuse et grave : les enfants meurent à l’âge de 2 ans. Or une thérapie génique vient de sortir cette année ; elle coûte un million d’euros par enfant, mais elle marche. On peut considérer que c’est un coût trop élevé et dire : « Nous savons guérir cette pathologie, mais c’est trop cher. » Cela revient à décider qu’on n’a pas le droit de vivre quand on est atteint d’amyotrophie spinale.
Autre exemple : la mucoviscidose. Je pense à tous les parents dont un enfant est né avec la mucoviscidose. Voilà trente ans, un enfant qui naissait avec la mucoviscidose mourait à l’âge de 5 ans ou 10 ans. Progressivement, on a su prendre ces enfants en charge, et les amener jusqu’à 15 ans, 25 ans, puis 30 ans avec la transplantation cœur-poumons. Et une thérapie ciblée qui marche dans certaines formes de mucoviscidose a été découverte ; on va ainsi pouvoir prolonger les personnes au-delà de 30 ans, probablement plus. C’est à cela que sert le progrès médical. Avec un tel article, voilà cinq ou dix ans, il aurait fallu supprimer les enfants qui naissaient avec la mucoviscidose. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)
M. Bernard Jomier. Ce n’est pas ce que nous avons dit !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Pardonnez-moi : il aurait fallu non pas supprimer les enfants, mais mettre le gène de la mucoviscidose dans la liste des gènes à rechercher, car des enfants mouraient à l’âge de 5 ans. Nous avons plein de maladies comme cela.
Par ailleurs, toutes les maladies ne sont pas mortelles. Dans certaines, on a un handicap. Peut-être allons-nous trouver des traitements.
L’article 10 ter revient à dire que certaines pathologies sont trop graves et que l’on ne veut pas imposer cela aux familles – je peux l’entendre –, d’où le choix de confier à un groupe d’experts le soin de déterminer les dix gènes qu’il faut rechercher. Honnêtement, ce n’est pas, me semble-t-il, la société que nous souhaitons. Nous souhaitons une société du progrès médical, pas une société du tri. Nous voulons évidemment accompagner au mieux les familles. Nous pouvons le faire. Le conseil génétique permet aux familles avec une pathologie grave de rechercher le gène à temps. Mais il ne s’agit pas de dix ou vingt gènes.
Si nous ouvrons aujourd’hui la possibilité de rechercher dix gènes de maladies graves, peut-être refuserons dans vingt ou trente ans d’avoir un Alzheimer à 40 ans ou un diabète à 50 ans. Qui fixe la limite ? Ce serait la porte ouverte à tous les tris. Qui peut définir la limite de ce qui est acceptable et de ce qui ne l’est pas en termes de risques pour la société ?
L’article 10 ter me trouble effectivement énormément. Je ne pense pas que ce soit aux experts aujourd’hui de décider quel type de société nous souhaitons et de définir une liste de ce qui est acceptable ou pas. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Une fois de plus, nos débats sont extrêmement intéressants. Nous ne pensons pas qu’il y aurait les bien-pensants d’un côté et ceux qui auraient tort de l’autre.
Je fais partie de la commission spéciale. Il y a eu un réel travail. La proposition d’article qui nous est soumise se fonde sur une réflexion sur la prévention, sur la base de tout ce que nous avons entendu.
Faisons attention aux termes qui sont employés. Je le dis avec d’autant plus de force que notre groupe suivra Mme la ministre, dont la démonstration sur les acteurs légitimes pour décider et les possibles dérives nous convainc. Mais n’attribuons pas à la commission spéciale des intentions qu’elle n’a jamais eues. Les travaux de tous les rapporteurs ont montré ce qu’il en était tout au long de l’examen du texte. Bien entendu, on peut avoir des désaccords de fond.
Madame la ministre, vous avez évoqué – je sais que c’est une conviction forte pour vous – les traitements relatifs aux enfants et les progrès de la médecine. Nous nous demandons effectivement comment apporter le meilleur à chacune et à chacun, quelles que soient ses origines, ses difficultés et sa maladie. Mais cela met en lumière combien il est important d’avoir un système de protection sociale le plus haut possible pour tout le monde. Chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, ce qui implique une prise en charge à 100 % ; chaque traitement doit être accessible pour tout le monde, quel qu’en soit le coût.
En ce moment, je trouve que c’est largement oublié dans la politique du Gouvernement…
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, j’ai entendu votre argumentation. Elle parle, je le crois, à tous ceux ici qui craignent que l’eugénisme puisse s’instiller et devenir une règle de la médecine dans notre société.
Pour ma part, je pense que, pour devenir une pratique, l’eugénisme exige plus qu’un dispositif extrêmement encadré, avec beaucoup de crans de sécurité, comme celui qui est défini à l’article 10 ter. Il est prévu de consulter la Haute Autorité de santé, les sociétés savantes et l’Agence de la biomédecine. Et je rappelle que l’avis du Comité consultatif national d’éthique était favorable.
L’eugénisme ne suppose pas simplement une loi. C’est avant tout une question politique. L’eugénisme a été pratiqué dans des conditions politiques particulières. Nous avons tous en tête celui des nazis. On songe moins à un autre eugénisme, beaucoup plus expéditif, qui a été pratiqué dans les pays du Nord au début du XXe siècle avec la stérilisation forcée des populations fragiles. Mais ce n’est pas de cela que nous parlons. Nous ne sommes pas en train de discuter de possibilités que la loi ouvrirait.
Permettez-moi de m’étonner. Pourquoi n’aurait-on pas confiance dans l’ensemble des autorités ? Madame la ministre, vous pouvez ne pas vouloir établir la liste, mais alors dites-le franchement !
Vous avez pris l’exemple de la mucoviscidose. Votre argumentation a une limite. Vous avez indiqué que l’on aurait « supprimé » des enfants atteints de mucoviscidose. Mais, aujourd’hui, si un premier enfant est né avec la mucoviscidose, on pratique le dépistage pour le deuxième ! Ce que vous craignez est donc déjà pratiqué – fort heureusement ! – et encadré. Et ce n’est pas plus ou moins immoral pour le premier enfant que pour les suivants. Il n’est pas possible d’aborder le débat dans de tels termes.
Je m’étonne de votre manque de confiance à l’égard de vos pairs. Les conditions politiques pour que l’on puisse craindre l’eugénisme aujourd’hui ne me semblent pas réunies. Et si elles l’étaient, ce n’est pas un tel article qui pèserait beaucoup par rapport à ce qui se passerait.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Nous vous avons bien écoutée, madame la ministre. Dans son article, notre collègue rapporteur de la commission spéciale a opté pour un dispositif bien encadré, prudent, à titre expérimental. Il n’y a personne parmi nous qui ne souhaite pas une société inclusive. Nous travaillons évidemment en ce sens.
Mais s’il ne faut pas établir de liste et rechercher quelques gènes responsables de maladies graves, voire incurables, pourquoi continue-t-on à faire le dépistage de la trisomie 21 ? Vous souhaitez une société inclusive ? Très bien. Mais, dans ce cas, êtes-vous prête à supprimer le dépistage de la trisomie 21 qui est proposé à toutes les femmes enceintes ? (Applaudissements sur des travées des groupes UC, Les Indépendants et SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Le dépistage de la trisomie 21 n’a rien à voir. La trisomie 21 n’est pas une maladie génétique ; c’est une anomalie acquise pendant la fabrication de l’embryon. Comme c’est extrêmement fréquent à partir d’un certain âge, le dépistage est offert – nous aurons cette discussion sur le diagnostic préimplantatoire pour la recherche d’aneuploïdies (DPI-A) – aux femmes enceintes, sachant qu’un certain nombre d’entre elles décident de ne pas faire d’avortement médical. Trier en amont par rapport à une pathologie très fréquente à partir d’un certain âge et proposer une éventuelle interruption médicale de grossesse pour celles qui le souhaitent – un certain nombre de familles acceptent l’enfant –, ce n’est pas du tout la même démarche.
Le processus sociétal qui est envisagé est très différent. La société française proposerait à toutes les familles, à tous les citoyens de caractériser leur génome pour X maladies définies par une liste encadrée par un arrêté susceptible de changer d’année en année. Ainsi, dans dix ans, il y aura peut-être non pas dix, mais cinquante ou soixante gènes. Qui placera le curseur ? Comment celui-ci évoluera-t-il ?
On fait confiance à des sociétés savantes. Peut-être celles-ci avanceront-elles un jour un argument de coût sociétal. D’aucuns considéreront peut-être dans cinq ans que le traitement de l’amyotrophie spinale, un million d’euros par enfant, est trop cher.
On ouvre ainsi progressivement la porte vers le choix sociétal de ne pas accepter un certain nombre de pathologies. Cela n’a rien à voir avec la trisomie 21, qui n’est pas une maladie génétique ; c’est une anomalie acquise. Elle est dépistée uniquement chez les femmes déjà porteuses de l’enfant.
Je reviens sur l’interpellation de Mme Rossignol. Faut-il faire confiance à des médecins pour établir une liste de ce qui doit être accepté ou pas ? Quels critères choisit-on ? Est-il plus grave d’avoir une maladie mortelle à l’âge de 2 ans ou une maladie profondément handicapante dont on ne meurt jamais ? Qui met en balance le handicap et la souffrance psychique, la souffrance psychique et la souffrance physique, la souffrance physique et la mort ? Jusqu’à quel âge accepte-t-on la mort ? Jusqu’à quel âge ne l’accepte-t-on pas ? Je trouve que ce sont des questions abyssales.
Je ne sais pas pourquoi je laisserais à des généticiens, à des obstétriciens ou à des pédiatres le choix de décider que la souffrance physique, la souffrance psychique, la mort à 5 ans ou la mort à l’âge de 10 ans sont plus graves ou moins graves.
Nous devons prendre nos responsabilités. La liste ne peut pas relever d’un simple choix d’experts. Selon moi, si vous voulez prévoir le dépistage préconceptionnel, c’est au législateur de décider, et non à des experts. Sinon, parmi ceux qui seront désignés dans le groupe de travail, certains ne supporteront pas la mort d’un enfant à 2 ans quand d’autres ne supporteront pas le handicap… En réalité, c’est un choix impossible.
Je considère qu’on ouvre la porte à un champ des possibles effrayant : on commence par trois maladies graves mortelles à l’âge de 1 an et, dans dix ou vingt ans, on refusera des maladies trop coûteuses à l’âge de 30 ans. Il n’y a pas de critère propre qui permette de positionner le curseur. Il n’y a qu’un champ des possibles entre le handicap, la douleur, la mort, le prix et la capacité à soigner.
En plus, cela évolue dans le temps. L’amyotrophie spinale était une maladie mortelle à l’âge de 2 ans. Une thérapie génique arrive. Elle est très chère. Nous pouvons décider aujourd’hui de ne plus détecter cette pathologie puisqu’il existe un traitement. Mais peut-être que l’on ne voudra plus payer un million d’euros par enfant dans cinq ans.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une porte que je ne veux pas ouvrir. C’est peut-être personnel ; mais c’est aussi le choix du Gouvernement, un choix qui a été mûrement réfléchi. Bien entendu, nous vous laissons légiférer.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 291.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 81 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l’adoption | 224 |
Contre | 98 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 10 ter est supprimé.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par Mme Doineau, est ainsi libellé :
Après l’article 10 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1131-7 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1131-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1131-…. - La communication des résultats d’un examen des caractéristiques génétiques ne peut en aucun cas être exigée d’une personne et il ne peut en être tenu compte, même si ces résultats sont transmis par la personne concernée ou avec son accord, lors de la conclusion ou de l’application d’un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé ou d’un contrat avec un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d’assurance, une mutuelle ou une institution de prévoyance, ni lors de la conclusion ou de l’application de tout autre contrat. »
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Je retire cet amendement, monsieur le président. En effet, après le vote de l’amendement précédent, il n’a plus de sens.
M. le président. L’amendement n° 7 est retiré.
Article 11
Le chapitre Ier du titre préliminaire du livre préliminaire de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4001-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 4001-3. – Lorsque, pour des actes à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique, le professionnel de santé envisage de recourir à un traitement algorithmique, il en informe préalablement le patient et lui explique sous une forme intelligible la manière dont ce traitement serait mis en œuvre à son égard. Seules l’urgence et l’impossibilité d’informer peuvent y faire obstacle.
« La saisie d’informations relatives au patient dans le traitement algorithmique se fait sous le contrôle du professionnel de santé qui a recours audit traitement.
« Aucune décision médicale ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement algorithmique.
« Les concepteurs d’un traitement algorithmique mentionné au premier alinéa s’assurent de la transparence du fonctionnement de l’outil pour ses utilisateurs.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les modalités d’application du présent article, notamment la mise en œuvre de l’information du patient, les conditions d’utilisation du traitement algorithmique par les professionnels de santé et celles dans lesquelles la transparence du fonctionnement dudit traitement est assurée par son concepteur. »
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. L’article 11 porte sur l’intelligence artificielle (IA) en santé, un domaine dans lequel nous sommes à la recherche d’un équilibre, comme sur les autres sujets de bioéthique.
L’environnement de l’IA étant très encadré par le règlement général sur la protection des données (RGPD) et par les normes nationales, une législation trop restrictive risquerait de bloquer l’innovation en France et de conduire les professionnels de santé et les patients à se tourner vers d’autres solutions conçues hors d’Europe, dont nous ne pourrions garantir le caractère éthique.
L’article 11 introduit donc trois nouvelles normes nécessaires : un devoir d’information du patient sur le recours à l’intelligence artificielle dans sa prise en charge ; un nouveau principe, fondamental, de garantie humaine de l’intelligence artificielle, permettant d’assurer que l’algorithme et son évolution resteront sous la supervision de professionnels de santé ; enfin, une obligation de traçabilité tout au long du processus de médecine algorithmique. Il me semble que ces normes apportent des garanties suffisantes.
Depuis sa reconnaissance par le CCNE, le principe de garantie humaine de l’intelligence artificielle en santé a été repris en Europe, mais aussi à l’échelon international, dans le cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
La France est donc à l’avant-garde d’une régulation positive de l’IA en matière de santé. Le moment est à la préparation active de sa mise en œuvre par un effort résolu de formation des professionnels médicaux et paramédicaux aux potentialités nouvelles, mais aussi aux risques éthiques associés à la diffusion de l’IA en santé. Il ne faut plus différer cette nécessaire préparation collective !
M. le président. L’amendement n° 205, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le consentement exprès, libre et éclairé du patient ou de son représentant légal doit être recueilli préalablement et à toutes les étapes de sa mise en œuvre.
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La traçabilité des actions d’un traitement mentionné au I et des données ayant été utilisées par celui-ci est assurée et les informations qui en résultent sont accessibles aux professionnels de santé et aux patients ou à leur représentant légal concernés.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’intelligence artificielle soulève, en tant que telle, des enjeux considérables, a fortiori lorsqu’elle est appliquée au domaine de la santé.
Une question se pose plus particulièrement dans ce cadre : comment permettre à l’humain de garder la main ?
En la matière, le rapporteur en charge de cette problématique a fait un travail qui, selon nous, va dans le sens du respect de nos principes éthiques, notamment avec la consécration du principe d’une garantie humaine dans l’interprétation des résultats en cas d’utilisation d’un algorithme.
En ce sens, certaines recommandations de la CNIL, du CCNE et du Défenseur des droits ont été prises en compte. D’autres, en revanche, ont été laissées de côté. Nous souhaitons les intégrer au texte de la commission spéciale par cet amendement, qui vise à intégrer deux garde-fous supplémentaires au traitement algorithmique des données sanitaires, dont il nous semble important de ne pas faire l’économie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement a pour objet l’encadrement de l’utilisation d’un traitement algorithmique en matière médicale.
La commission spéciale a largement tenu compte des avis du CCNE dans ses travaux, notamment aux articles 10 bis et 10 ter.
Les positions du CCNE sur l’IA, notamment, nous semblent pertinentes. La commission spéciale a d’ailleurs déjà renforcé les garanties en matière de consentement exprès du patient, en prévoyant l’information préalable du patient, alors que le projet de loi ne la prévoyait qu’au moment des résultats.
Vous voulez également rétablir la mention de la « traçabilité » du traitement. La commission spéciale l’avait trouvée peu claire et l’avait remplacée par une obligation de transparence du traitement algorithmique, pour éviter que celui-ci ne fonctionne comme une boîte noire. Votre proposition serait donc redondante avec le texte de la commission.
Enfin, vous mentionnez dans l’objet de votre amendement qu’une décision médicale ne devrait pas exclusivement se fonder sur un traitement algorithmique. Ce point est d’ores et déjà satisfait, puisqu’il s’agit du souci, voire de l’obsession de la commission spéciale !
En conséquence, la commission spéciale sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Assassi, l’amendement n° 205 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 205 est retiré.
Je mets aux voix l’article 11.
(L’article 11 est adopté.)
Article 12
I. – (Supprimé)
II. – (Non modifié) La seconde phrase du 1° de l’article 225-3 du code pénal est complétée par les mots : « ou de données issues de techniques d’imagerie et d’exploration de l’activité cérébrale ».
III. – (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 315, présenté par M. Henno, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
et d’exploration de l’activité
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 12, modifié.
(L’article 12 est adopté.)
Article 13
I. – Le titre V du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la fin de l’intitulé, le mot : « esthétiques » est remplacé par les mots : « sans finalité médicale » ;
2° Le chapitre Ier est complété par un article L. 1151-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 1151-4. – Les actes, procédés, techniques, méthodes et équipements, à l’exception des équipements relevant des dispositifs médicaux au sens de l’article L. 5211-1, ayant pour effet de modifier l’activité cérébrale et présentant un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine peuvent être interdits par décret, après avis de la Haute Autorité de santé. Toute décision de levée de l’interdiction est prise en la même forme. »
II. – (Non modifié) Après le 15° de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 16° ainsi rédigé :
« 16° Rendre les avis mentionnés aux articles L. 1151-3 et L. 1151-4 du code de la santé publique. » – (Adopté.)
TITRE IV
SOUTENIR UNE RECHERCHE LIBRE ET RESPONSABLE AU SERVICE DE LA SANTÉ HUMAINE
Chapitre Ier
Aménager le régime actuel de recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires
M. le président. L’amendement n° 316, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l’intitulé de cette division :
Encadrer les recherches sur l’embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Cet amendement vise à modifier l’intitulé du chapitre Ier du titre IV de ce projet de loi, sachant que son article 15 contient des dispositions relatives aux cellules pluripotentes induites.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 316.
(L’amendement est adopté.)
En conséquence, l’intitulé du chapitre Ier est ainsi modifié.
Nous allons maintenant examiner l’article 17 du projet de loi, pour lequel la priorité a été ordonnée.
Chapitre II
Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique
Article 17 (priorité)
I. – Le second alinéa de l’article L. 2151-2 du code de la santé publique est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« La création d’embryons chimériques est interdite lorsqu’elle résulte :
« – de la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces ;
« – de la modification d’un embryon animal par adjonction de cellules souches embryonnaires humaines.
« La modification d’un embryon animal par adjonction de cellules souches pluripotentes induites d’origine humaine est subordonnée au respect des dispositions du II de l’article L. 2151-7. »
II. – Le dernier alinéa de l’article 16-4 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le mot : « prévention », sont insérés les mots : « , au diagnostic » ;
2° La première occurrence du mot : « génétiques » est supprimée.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous abordons à présent les dispositions relatives à la recherche sur l’embryon et les cellules souches.
J’ai demandé que soit examiné en priorité l’article 17, car il aborde la question fondamentale des interdits. La définition de ces derniers, s’agissant notamment des embryons chimériques, aura nécessairement un impact sur l’encadrement qui nous semble le plus opportun pour les recherches sur l’embryon et les cellules souches, traitées aux articles 14 et 15.
Avant d’aborder l’article 17, permettez-moi de clarifier les termes du débat autour des embryons chimériques, en rappelant ce qui est aujourd’hui interdit et ce qui ne l’est pas.
L’interdiction des embryons chimériques figure dans le code de la santé publique.
Deux types de chimères sont aujourd’hui interdits : d’une part, la modification d’embryons humains par l’insertion de cellules animales ; d’autre part, la modification d’embryons animaux par l’insertion de cellules souches embryonnaires humaines.
En revanche, rien ne régit les chimères à partir de cellules souches pluripotentes induites humaines, les fameuses cellules iPS. Ce silence de la loi permet actuellement d’expérimenter l’insertion dans un embryon animal de cellules iPS humaines : ce sont les seuls embryons chimériques possibles en France, expérimentés par des équipes françaises à partir d’embryons de lapins et de macaques.
Que propose le projet de loi du Gouvernement ? Il va résolument plus loin que ce qui est possible aujourd’hui. Il borne en effet l’interdiction des embryons chimériques à la seule modification d’embryons humains avec insertion de cellules provenant d’autres espèces.
Ce faisant, il autorise tout ce qui ne correspond pas à cette définition et ouvre donc une nouvelle voie d’expérimentation. Il permet ainsi la création d’embryons chimériques par insertion dans un embryon animal de cellules souches embryonnaires humaines.
La commission spéciale a refusé d’aller plus loin que ce qui est possible aujourd’hui, tout en ajoutant des verrous pour éviter toute dérive.
Dans ces conditions, la commission spéciale a réintroduit, à l’article 17, l’interdiction visant l’insertion de cellules souches embryonnaires dans un embryon animal.
Pour ce qui est des embryons chimériques recourant aux cellules iPS humaines, outre le respect des principes éthiques fondamentaux, elle encadre leur utilisation à l’article 15, d’une part, en prévoyant l’impossibilité de poursuivre à terme la gestation, et, d’autre part, en fixant une proportion minoritaire de cellules d’origine humaine pour limiter le taux de chimérisme, afin de s’assurer que ces embryons restent bien toujours des embryons animaux.
Voilà donc le cadre de notre débat. Ce qui est en jeu, c’est une ligne rouge de la bioéthique à la française, la question du franchissement de la barrière des espèces. Le CCNE a réclamé un encadrement de ces expérimentations, car insérer dans un embryon animal ne serait-ce que quelques cellules iPS humaines n’est pas une démarche anodine.
C’est à ce besoin d’encadrement que la commission spéciale a cherché à répondre. Ce sera évidemment au Sénat de décider si cet encadrement lui semble pertinent et suffisant.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Comme cela a été rappelé, cet article vient introduire des exceptions au principe extrêmement clair posé à l’article L. 2151-2 du code de la santé publique, à savoir que « la création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite ».
Pourquoi vouloir assouplir cette interdiction absolue ? Il me semble que la réponse à cette question est à chercher du côté de la technique des « ciseaux génétiques », scientifiquement dénommée CRISPR-Cas9.
Cette technique d’édition du génome a récemment bouleversé le monde de la recherche. Elle permet de mettre en œuvre, au niveau de la cellule, des ciseaux génétiques à base de protéines qui font automatiquement muter des séquences d’ADN, sans injection d’ADN extérieur. Autrement dit, cette technique permet d’introduire un gène à la place d’un autre, ou d’en supprimer.
Les ciseaux génétiques créent des mutations facilement et à un coût dérisoire par rapport aux anciennes techniques. Dès lors, on imagine aisément comment leur usage pourrait, à terme, devenir massif dans les laboratoires, même si tous leurs effets biologiques sont loin d’être maîtrisés.
Cette technique désormais bien connue révolutionne la fabrication d’OGM. Monsanto en possède une licence d’utilisation pour créer des semences génétiquement modifiées. Fin 2018, en Chine, elle a permis la naissance des premiers « bébés OGM », censément immunisés contre le virus du sida, et cela hors de tout cadre légal, provoquant un scandale planétaire. Le chercheur responsable vient d’ailleurs d’être condamné à trois ans de prison.
La levée, même partielle, de l’interdit chimérique et transgénique permettrait à CRISPR-Cas9 de passer officiellement de la semence agricole à l’humain. La nouvelle loi pourrait donc ouvrir la voie à l’industrialisation de la modification génétique des embryons humains à une vitesse encore jamais atteinte.
Considérant que cette technique n’a pas de portée médicale potentielle pour soigner des êtres humains déjà nés, on voit mal quelle finalité pourrait découler de cette autorisation de libéraliser la recherche, si ce n’est la possibilité d’engendrer des êtres humains génétiquement modifiés…
Un tel article mériterait à lui seul un débat philosophique et politique d’ampleur. Le voter à la va-vite dans cette loi ne nous paraît pas raisonnable.
Extrêmement mal à l’aise avec les dispositions potentiellement eugéniques de cet article, je plaide donc, avec les membres de mon groupe, pour sa suppression.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
M. Bruno Retailleau. J’irai dans le même sens que M. Gontard.
Mes chers collègues, quoique nous pensions par ailleurs de ce texte, nous débattons là, comme Alain Milon l’a souligné, de deux lignes rouges qui n’ont jamais bougé depuis que les lois bioéthiques existent, à savoir la possibilité de créer des embryons transgéniques ou des embryons chimériques par introduction dans un embryon animal de cellules reprogrammées ou de cellules souches embryonnaires humaines – deux techniques équivalentes à mes yeux.
S’agissant des embryons transgéniques, on voit bien qu’il s’agit d’un désir des chercheurs de tester les fameux ciseaux CRISPR-Cas9, ou ciseaux moléculaires, pour modifier la descendance génétique. On toucherait en l’occurrence à un interdit qui n’est ni de droite ni de gauche. J’observe d’ailleurs que, dans une très belle tribune, José Bové et Jacques Testart, le père français de la FIV, la fécondation in vitro, s’y sont vivement opposés.
Quant aux embryons chimériques, ce serait un autre stade encore.
Dans son avis du 28 juin 2018, le Conseil d’État avait prévenu le législateur ; il avait suggéré de fermer l’angle mort de la législation, compte tenu de l’avancée des sciences et technologies.
Il avait alors décrit trois risques : celui de la transmission d’une zoonose de l’animal à l’homme, si l’expérimentation devait aller jusqu’à son terme ; celui d’une représentation humaine, l’Assemblée nationale ayant autorisé la transplantation d’embryons chimériques, tués juste avant la naissance, dans l’utérus d’une femelle ; enfin, celui, plus fondamental encore, de l’humanisation. Il s’agirait d’une sorte de conscience qui naîtrait dans le cerveau de l’animal par migration de cellules reprogrammées… Vous rendez-vous compte, mes chers amis, où nous en sommes ?
Rien ne justifie d’enfreindre cette ligne rouge, et nous pouvons, me semble-t-il, au-delà de nos attaches partisanes, nous réunir autour de cet interdit fondamental. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il est effectivement très important d’aborder ce titre IV par cet article. Je prendrai donc quelques instants pour préciser la position du Gouvernement sur la question des embryons chimériques et sur la portée de leur interdiction inscrite à l’article 17 du projet de loi.
J’ai écouté attentivement, lors de la discussion générale, l’intervention de Mme la sénatrice Imbert sur l’intention initiale du législateur. Il ne m’appartient pas de trancher ce débat d’interprétation sur une discussion intervenue voilà neuf ans. En revanche, la réalité, c’est que le droit interdit actuellement l’agglomération de matériel cellulaire animal sur un embryon humain.
C’est précisément ce qui justifie que la disposition adoptée en 2011 ait été insérée dans une partie du code de la santé publique relative à l’embryon humain, comme l’a confirmé l’avis du Conseil d’État. Naturellement, il n’est pas question de revenir sur cette interdiction.
Toutefois, la réalité du droit actuel, c’est aussi qu’il ne fixe aucun cadre interdisant de conduire des recherches sur des embryons animaux chimériques. Il n’existe aucun protocole de recherche de ce type en France à ce jour, mais aucune norme de bioéthique non plus dans ce domaine.
Les députés et le Gouvernement ont donc souhaité intégrer cette question au débat, afin qu’un cadre adapté à la conduite de ces recherches soit fixé et que le droit de la bioéthique soit réactualisé, à la lumière des perspectives scientifiques qui se sont ouvertes durant ces neuf dernières années.
C’est pourquoi il est vraiment très important que nous puissions débattre ouvertement de l’opportunité, ou non, de conduire des recherches sur des embryons animaux chimériques, celles-ci, je le rappelle, n’étant nullement interdites aujourd’hui par notre droit.
Ces recherches offrent des perspectives scientifiques intéressantes, pour deux raisons.
Premièrement, de nombreux mécanismes physiologiques ou pathologiques ne peuvent être compris que par l’utilisation de ce type de techniques, lorsqu’elles deviendront définitivement possibles, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. En effet, sur le plan scientifique, nous sommes encore très loin des perspectives de xénogreffes qui ont été évoquées, et la question sanitaire est bien évidemment essentielle.
Deuxièmement, nous sommes passés d’une époque où le caractère tout génétique prévalait à une époque où nous avons besoin de comprendre plus finement les mécanismes cellulaires fondamentaux, notamment les impacts environnementaux sur ces derniers.
Il est important que nous puissions le faire sur des embryons chimériques constitués d’agglomérations de cellules souches sur des embryons d’animaux. Soyons parfaitement clairs : nous nous plaçons bien entendu dans le cadre d’une recherche fondamentale, et absolument pas dans celui d’une recherche clinique.
Je veux être très clair avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il est totalement interdit, et cela le restera, de créer des embryons à des fins de recherche. De même, il est totalement interdit de réimplanter des embryons qui auraient été manipulés génétiquement, de quelque façon que ce soit. La loi est très claire à cet égard, et nous ne revenons pas sur ce point.
L’apparition de nouvelles formes de cellules pluripotentes, dérivées de cellules humaines adultes, a aussi été évoquée.
Il s’agit d’une véritable petite révolution scientifique, et nous avons besoin de démontrer la pluripotence réelle de ces cellules. Pour ce faire, de manière très classique, il faut les agglomérer à ces embryons animaux pour vérifier que, effectivement, elles sont capables de constituer au moins les différents feuillets embryonnaires, c’est-à-dire d’être pluripotentes. Et pour en être sûrs, nous devons aussi pouvoir les comparer aux cellules souches « étalons », si je puis dire, c’est-à-dire aux cellules souches embryonnaires.
Tels sont les objets des recherches qui commencent à être envisagées dans les laboratoires. Aussi, il nous est apparu important que les protocoles de recherche relatifs à ces embryons chimériques constitués de cellules souches – que celles-ci soient induites ou embryonnaires, agglomérées à des embryons animaux – soient soumis à déclaration pour contrôle auprès de l’Agence de la biomédecine (ABM) et respectent la cadre propre aux expérimentations animales, ce qui nous semble apporter une garantie supplémentaire.
Enfin, pour les chercheurs, il est très important que ce type de recherche soit sécurisé dans une loi de bioéthique. En effet, ils sont tout à fait conscients de la nécessité de disposer d’un cadre législatif clair pour mener leurs travaux et de penser des protocoles de recherche, dans leurs laboratoires, en sachant que ceux-ci sont admis par le législateur.
Je comprends tout à fait la position de la commission spéciale. J’entends les débats et l’appel à la vigilance extrême qu’a lancée le président Retailleau. Je partage l’idée qu’il est inadmissible de créer des embryons à des fins de recherche, tout comme il est inadmissible de réimplanter des embryons génétiquement modifiés, de quelque façon que ce soit.
Néanmoins, si nous voulons mieux comprendre ce qui nous apparaît aujourd’hui comme étant à côté de la génétique, notamment les impacts environnementaux, il faut que la recherche fondamentale, qui, en réalité, est encore très éloignée d’éventuelles applications pour l’homme, nous en donne la capacité.
M. le président. L’amendement n° 214 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement de suppression a été excellemment défendu par Guillaume Gontard.
Le groupe CRCE veut surtout marquer son opposition à ces modifications majeures de la législation en matière de bioéthique, qui était l’une des plus encadrantes jusqu’à présent. Outre les arguments évoqués par M. Gontard, c’est aussi cet élément qui nous pousse à inviter à supprimer cet article. Mais place au débat !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Olivier Henno, rapporteur. M. le président de la commission spéciale a présenté un certain nombre d’arguments, voisins de ceux de Mme la ministre. À mon tour, je vais vous présenter les raisons qui ont conduit la commission spéciale à adopter cet article 17, lequel appelle des clarifications sur deux sujets à bien distinguer, chacun d’eux méritant d’être analysé et débattu : les embryons transgéniques, d’une part, et les embryons chimériques, d’autre part.
S’agissant de la recherche sur les embryons transgéniques, le Conseil d’État et le CCNE ont donc jugé les dispositions obsolètes. Soit dit entre parenthèses, j’ai beaucoup, peut-être trop, si l’on en croit certains de mes collègues, tenu compte des avis du CCNE et de son président. À entendre les différents orateurs, y compris le Gouvernement, je me suis parfois demandé si le CCNE avait une réelle utilité… Je vous taquine, mes chers collègues, mais je me permets de le dire.
L’objectif de la suppression de cette interdiction est de permettre d’évaluer les effets des techniques d’édition génomique, dont CRISPR-Cas9.
L’utilisation de cette technique conduira-t-elle, puisque telle est la question, à des bébés génétiquement modifiés en France ? La réponse est non ! En effet, le transfert à des fins de gestation des embryons faisant l’objet de recherches est interdit. Cette interdiction figure d’ailleurs à l’alinéa 19 de l’article 14 du projet de loi, que nous aborderons tout à l’heure.
Pour ce qui concerne à présent les embryons chimériques, les seules expérimentations aujourd’hui possibles en France sont celles qui consistent à introduire dans un embryon animal quelques cellules iPS humaines. En France, les laboratoires se sont limités à introduire de telles cellules, Mme la ministre l’a rappelé, dans des embryons de lapin et de singe. Ceux-ci ont été cultivés pendant trois jours, puis ont été détruits. Ils n’ont jamais été transférés.
Il s’agit non pas de verser dans la science-fiction, mais plutôt de nous interroger sur la raison pour laquelle les chercheurs souhaitent s’engager dans des expérimentations de ce type.
Lors de nos auditions, j’ai été marqué par le constat suivant : nos chercheurs ne sont pas des apprentis sorciers ! Ils ont aussi une conscience très forte, tout aussi légitime que la nôtre, mes chers collègues. Ils font d’abord ces recherches pour améliorer la santé humaine ; ce serait leur faire un bien mauvais procès que de penser le contraire.
En réalité, les embryons chimériques impliquant des cellules iPS présentent un intérêt particulier. Il s’agit d’expérimenter la régénération d’organes ciblés. Le président du CCNE est allé jusqu’à prédire la possible fin de l’orthopédie froide. C’est tout de même un défi !
Or, si nous ne sommes pas en capacité de mener ce type de recherche, je crains, mes chers collègues, que cela ne pose un problème de souveraineté et ne contrevienne au principe de l’égal accès aux soins. En effet, que va-t-il se passer ? Les États-Unis ne nous attendront pas,…
M. Bruno Retailleau. Comme d’habitude !
M. Olivier Henno, rapporteur. … et les gens les plus aisés iront se soigner dans ce pays.
M. Bruno Retailleau. C’est comme pour la GPA !
M. Olivier Henno, rapporteur. Eh oui ! Pour moi, c’est un risque, j’ose le dire.
Ce débat est tout à fait intéressant. Il s’agit d’expérimenter la régénération d’organes ciblés. Cela consiste à désactiver dans l’embryon animal le gène lié à la formation d’un organe particulier et à introduire quelques cellules iPS dans l’embryon animal capable de produire l’organe recherché. C’est ce que l’on fait déjà avec les greffes d’organes.
Mme Cécile Cukierman. Non !
M. Olivier Henno, rapporteur. Il s’agit simplement d’aller un plus loin.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. Olivier Henno, rapporteur. Je ne reprendrai pas tous les arguments avancés par M. le président de la commission spéciale, mais, naturellement, j’émets un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Madame la ministre, nous avons un point de désaccord.
Vous nous laissez entendre que, en l’état actuel du droit, la création d’embryons chimériques à partir de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal est possible, en faisant référence au titre V du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. Vous ne parlez que d’embryon.
Pourtant, l’intitulé du titre V est « Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ». Ce titre ne contient qu’un chapitre, et l’article L. 2151-2 est très clair : « La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite. » Il concerne donc bien des chimères à partir de cellules souches embryonnaires qui seraient introduites dans un embryon animal. (Mme la ministre fait un geste de dénégation.)
Madame la ministre, je ne fais que lire le code de la santé publique !
M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. Vous avez raison !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. C’est pour cette raison que, à l’article 14, la commission spéciale est revenue sur une disposition introduite par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je voterai bien entendu cet amendement, que j’ai cosigné avec les membres de mon groupe.
Comme cela a été rappelé dans les interventions liminaires, il s’agit non pas seulement d’appeler à la vigilance, mais de marquer des interdits. Non, la recherche ne peut tout justifier dans nos rapports avec le vivant et, au-delà, dans le mélange et la rencontre des espèces !
Monsieur Henno, je vous entends, mais il est heureux que les chercheurs que vous avez auditionnés aient pris l’engagement devant la commission spéciale de ne pas se comporter en savants fous sur le point de créer des monstres ! Il est heureux qu’ils aient pris l’engagement de respecter le cadre !
Cependant, cela vaut pour ceux qui s’expriment aujourd’hui, mais qu’en sera-t-il dans quelques années, quand ils seront commandités par on ne sait qui. Et ensuite, mes chers collègues ? Une fois que la loi aura autorisé cette petite dérogation, qui, vous avez raison, est pour l’instant très limitée, quelle sera demain, puis après-demain, les autres petits pas ? Et dans dix ans, où en serons-nous dans ces autorisations qui seront données, ou non, au nom de la science, de la recherche et, sans aucun doute, de la santé publique ?
In fine, que faisons-nous au travers de ce texte ? Devons-nous défendre une recherche, qui, à terme, même si personne n’utilise le mot, tend vers l’eugénisme et vers une certaine uniformité ?
Bien sûr, madame la ministre, j’ai conscience d’être un peu caricaturale quand j’utilise cette expression, à ce moment-là, compte tenu de ce que le texte prévoit, mais je n’ai pas de garanties pour dans dix, vingt, trente ou quarante ans. Ce que je sais, c’est que, aujourd’hui, en fonction de ce que nous allons voter, ou non, nous ouvrons, ou non, le champ des possibles pour dans dix, vingt, trente ou quarante ans.
Je voterai donc cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Moi aussi, je voterai cet amendement.
J’entends bien les propos de notre rapporteur, Olivier Henno. Mais s’agissant du désaccord entre Mme Imbert, elle aussi rapporteure, et Mme la ministre, c’est la première qui a raison : la loi de 2011, dernière loi bioéthique, dit clairement qu’il est interdit de travailler et de faire des recherches sur les embryons transgéniques et sur les embryons chimériques. C’est écrit en toutes lettres ; si la loi a été modifiée sans que le Parlement le sache, prévenez-nous, cela fera un courrier intéressant ! (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE.)
Par ailleurs, même si nous sommes en République, nous ne sommes pas des dieux ! Or je commence à m’inquiéter d’entendre dire que les scientifiques et les chercheurs « veulent » telle ou telle technique. Dans leurs recherches pour le bien commun, par exemple pour mieux soigner chacun, ils ont des motifs légitimes de vouloir avancer, mais on a beaucoup entendu cet argument, pas seulement en 2020, mais au cours de l’Histoire. Et c’est rarement ce qui s’est produit finalement.
Je l’ai dit une fois dans cet hémicycle, ce qui m’a valu quelques remarques, je ne crois pas à la bonté fondamentale de l’être humain. Je crois que la pression sociale, sociétale et économique pousse à aller au-delà de ce que l’on voulait au départ.
Monsieur le rapporteur, bien sûr, il n’est pas question de créer des centaures. Bien sûr, on ne va pas rejouer La Planète des singes, et Le Monde de Narnia n’est pas pour nous. Très bien ! Pour autant, est-ce que le Parlement de la République ne peut pas dire aux scientifiques et aux chercheurs : « Oui, faites ce que vous pouvez pour le bien commun, mais, non, ne mettez pas l’espèce humaine dans une situation dangereuse » ?
Je ne m’adresse pas aux chercheurs d’aujourd’hui. Qui nous dit que, dans cinq ans, dans dix ans, dans quinze ans, certains scientifiques n’outrepasseront pas toutes les limites que l’on a évoquées, en se disant que la loi le leur permet ? Je sais bien que c’est une position de crainte, qui n’est pas forcément tournée vers l’avenir, mais, j’y insiste, le Parlement est là pour préserver et pour protéger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Sur cette question, j’adopterai une position plus restrictive que celle du Gouvernement, à savoir celle qui figure dans le texte de la commission spéciale.
D’ailleurs, si vous votez l’amendement de suppression, mes chers collègues, le texte qui repartira à l’Assemblée nationale ne comportera plus cet article, et c’est la version du Gouvernement qui sera réintroduite à l’Assemblée nationale. (M. Roger Karoutchi s’exclame.) Je ne suis pas sûr que cela assurera un meilleur encadrement…
Je voudrais surtout dire, à cet instant, à la suite de l’intervention de Roger Karoutchi, que je suis marqué par la défiance qui s’exprime à l’égard du monde scientifique.
M. Roger Karoutchi. Non, pas celui d’aujourd’hui !
M. Bernard Jomier. Mes chers collègues, sachez que la naissance d’Amandine, en 1982, n’aurait pas été possible avec nos lois actuelles. Toutes les recherches qui ont mené à la naissance d’Amandine auraient été impossibles avec nos lois de 2020 ! C’est tout de même problématique.
Les chercheurs, les scientifiques et les médecins sont ici, non pas vilipendés – je ne veux pas utiliser un terme trop fort –, mais traités comme des gens incontrôlables…
M. Roger Karoutchi. Il y en a eu !
M. Bernard Jomier. Ils n’ont pourtant pas attendu 1994 et le Parlement pour réfléchir aux enjeux éthiques. Respectons chacun ! En 1982, on faisait de la recherche sur la FIV, et il n’y a pas eu de dérapage. Il n’y a eu aucun eugénisme dans notre pays, que je sache !
On ne nous a pas attendus. Ils ne nous attendent pas. Des comités d’éthique, il y en a partout ; des réflexions, il y en a partout. Nous avons maintenant des corps intermédiaires en la matière, notamment le CCNE et l’Agence de la biomédecine, avec son conseil d’orientation. Ces acteurs intermédiaires, soudain, on ne les écoute plus. On est persuadé qu’ils vont se transformer en savants fous.
Un chercheur chinois a inséré un CCR5, un gène qui est censé protéger du VIH, chez un enfant. Il est en prison et mis au ban de la communauté internationale. Un Russe a annoncé qu’il allait faire la même chose, mais, comme le pouvoir de son pays lui a dit de faire attention, visiblement, il n’est pas passé à l’acte. Il se méfie ; il a raison ! (Sourires.)
Bien sûr, nous faisons la loi et nous devons garantir qu’il n’y aura pas de dérives, mais, si l’on refuse d’accorder la moindre confiance à nos chercheurs, l’on rejette tout projet. La recherche française en médecine de la reproduction a dégringolé du podium. Elle n’existe quasiment plus au niveau international. Il n’y a pas de quoi être fier !
Pour ma part, je le répète, sur cette question des chimères, je suivrai la position la plus restrictive, mais je ne soutiens certainement pas la suppression de l’article. (Mme Michelle Meunier applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je pense que le législateur doit prendre ses responsabilités.
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. Bruno Retailleau. Il n’appartient pas aux chercheurs de faire la loi.
M. Bernard Jomier. Ils ne le demandent pas !
M. Bruno Retailleau. Nous discutons d’une loi relative à la bioéthique, et non d’une loi qui vise la compétitivité de la France par rapport au reste du monde, ce qui justifierait tous les alignements possibles sur le moins-disant éthique. Je voterai, bien sûr, l’amendement qui a été proposé par le groupe CRCE.
Deux aspects ont été soulignés en défense, notamment par le rapporteur, M. Henno.
Premièrement, sur les embryons transgéniques, vous avez dit, grosso modo, que cela se limiterait aux laboratoires, sans aller au-delà. Je suis désolé, mais le laboratoire ouvre la porte vers une autre étape. Si le Gouvernement, du reste, se limite aujourd’hui aux laboratoires, c’est pour deux raisons.
Tout d’abord, il veut laisser penser que sa disposition est conforme à la convention internationale d’Oviedo, qui proscrit justement de modifier la descendance.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Or j’affirme que cette disposition est anti-conventionnelle, et le Gouvernement tente de s’en tirer en précisant que l’expérimentation se limite aux laboratoires.
Ensuite, il essaie de tromper l’opinion publique en proclamant que la France n’est pas la Chine, un pays où, effectivement, on a eu récemment recours à cette expérimentation, notamment pour essayer de protéger des jumelles contre le virus du VIH. J’affirme que ces éléments ne sont pas suffisants pour justifier vos dispositions sur les embryons transgéniques.
Deuxièmement, sur les chimères, mes chers collègues, de quoi est-il question ? Avec ce projet de loi, y compris dans le texte de la commission spéciale, vous permettrez la création d’embryons chimériques à partir de cellules reprogrammées iPS.
Ensuite, l’embryon, c’est-à-dire la chimère animal-homme, sera implanté dans l’utérus de la femelle et se développera jusqu’avant la naissance, puisqu’il sera détruit juste avant la parturition. C’est cela que l’on vous propose ! Est-ce que les Français sont d’accord avec ce brouillage des espèces ?
L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), ce n’est pas rien, monsieur Jomier. Il s’agit non pas d’élus, mais de scientifiques. Or ils parlent de « brouillage des espèces », celui-ci constituant une menace pour « notre identité et l’intégrité de notre humanité ». On parle d’une loi bioéthique et on oublierait ces éléments-là ?
Dans une revue anglophone chinoise, le Pekin National Science Review, a été publié en mars 2009 le résultat d’une expérimentation sur un singe dont les gènes du cerveau avaient été modifiés. Qu’a-t-il été constaté sur la descendance ?
M. le président. Il faut conclure !
M. Bruno Retailleau. Un retard de développement du cerveau, comme chez l’homme, et de meilleurs résultats aux tests de mémoire.
La question est là, mes chers collègues : cherche-t-on à humaniser l’animal ou à animaliser l’homme ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Fabien Gay applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Pour ma part, je défendrai la position de M. le rapporteur.
La commission spéciale a encadré et clarifié la constitution d’embryons chimériques, en la rendant impossible avec des cellules souches embryonnaires humaines. En effet, le texte de la commission spéciale vise à interdire l’insertion de cellules d’autres espèces dans l’embryon humain, mais aussi l’insertion de cellules souches humaines dans un embryon animal, alors que le projet de loi initial prévoyait cette possibilité. C’est très clair.
M. Bruno Retailleau. Pas pour les iPS !
M. Daniel Chasseing. Effectivement, le texte de la commission rappelle que l’insertion de cellules pluripotentes iPS est possible, mais cette faculté est encadrée : il faut qu’il y ait une interruption de la gestation et une proportion de cellules qui soit inférieure à 50 %. (M. Jean-Noël Cardoux s’exclame.)
Si je suis favorable à cette disposition, c’est pour permettre à la recherche d’avancer, tout en l’encadrant. Je le rappelle, actuellement, cette recherche n’est pas interdite. Néanmoins, nous devons prendre des précautions. Est-ce que la simple déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine suffit ? Faut-il un régime d’autorisation ?
Il faut bien avoir à l’esprit que l’une des applications possibles de la recherche serait la production d’organes dérivant de cellules transplantables chez des personnes qui auraient besoin d’un greffon.
Je le répète, la commission spéciale clarifie ce qui, actuellement, n’est pas interdit. Je pense qu’il vaut mieux avoir un cadre législatif clair pour les chercheurs. C’est ce que nous nous efforçons de faire avec ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Nous sommes en démocratie et non pas en épistocratie, c’est-à-dire sous le régime des experts.
Il est vrai que sur des sujets comme ceux dont nous débattons maintenant depuis plus d’une semaine, et la commission spéciale depuis plus longtemps encore, on a tendance à se dire : « Que faut-il faire ? Écoutons les experts ! » Non, il s’agit effectivement d’une loi d’éthique. Prétendre que seuls les experts sauront ce qui est bon me semble un peu court.
D’ailleurs, madame la ministre, vous l’avez dit vous-même : le CCNE, sur telle disposition, a estimé que le rendu était « obsolète ». Une décision d’éthique rendue obsolète… Je ne sais pas ce qu’est une éthique obsolète, et cela m’inquiète. Il est donc bon, parfois, d’inscrire dans la loi un certain nombre d’éléments.
Il ne s’agit pas d’une forme de défiance vis-à-vis des chercheurs. J’ai toute confiance dans la recherche. Cependant, j’ai beau avoir confiance dans mes concitoyens, de temps en temps, je leur impose des limites dans la loi. J’ai beau avoir confiance dans les médecins, de temps en temps, je leur impose aussi des limites dans la loi.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Elles y sont !
M. Jérôme Bascher. Il n’est de société que de femmes et d’hommes, ce qui d’ailleurs fait naître la vie.
Je suis donc pour que les choses soient inscrites, de temps en temps, dans la loi, de manière ferme. Je refuse que quelques experts décident, sur un sujet aussi important, de créer des OGM ; d’ailleurs, il me semblait que la politique du Gouvernement était anti-OGM… (M. Bruno Retailleau applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Curieusement par rapport à certaines de mes prises de position, que certains ont qualifiées de « conservatrices » – effectivement, je n’ai pas voté pour l’ouverture de la PMA aux couples de femmes ou pour l’autoconservation des ovocytes –, je ne voterai pas cet amendement de suppression. Je m’en explique.
Comme notre collègue Karoutchi, je ne suis pas rousseauiste, car je ne pense pas que l’être humain est fondamentalement bon. Toutefois, ici, de quoi parle-t-on ? J’ai l’impression que l’on cède un peu à des fantasmes qui font appel aux monstres de la mythologie, comme le centaure. Or ce n’est pas de cela qu’il s’agit.
Ce texte vise simplement, au travers de techniques de recherche fondamentale, non pas à déboucher sur la création de nouvelles espèces, mais à permettre le travail sur de nouvelles cellules. Au fond, tout le débat tourne autour des recherches sur les cellules souches embryonnaires, sur les cellules pluripotentes et sur leur implantation au sein d’un embryon animal ; à aucun moment, il ne s’agit de créer des êtres génétiquement modifiés. Je crois qu’il y a confusion entre deux notions qui sont complètement différentes.
Comme l’ont dit un certain nombre de collègues et de confrères – je pense à Daniel Chasseing –, mais également Mme la ministre, s’il existe une possibilité d’améliorer un certain nombre de travaux, non pas pour céder à des caprices de chercheurs qui voudraient devenir, tout à coup, des apprentis sorciers, mais pour améliorer la médecine humaine au quotidien, il n’y a pas de raison de voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. J’ai déposé, à cet article, un amendement tendant à modifier l’alinéa 5.
Cet amendement vise à interdire la création d’embryons chimériques qui pourrait résulter de la modification d’un embryon animal par adjonction de cellules souches pluripotentes induites. En effet, cet alinéa permet l’insertion de telles cellules souches dans un embryon animal dans la perspective de son transfert chez la femelle.
Au vu des lourdes questions éthiques que cette question soulève, la commission spéciale du Sénat a adopté à l’article 15, que nous examinerons un peu plus tard, un amendement de Mme la rapporteure visant à renforcer l’encadrement de la création d’embryons chimériques, en imposant deux verrous : d’une part, l’impossibilité de mise à bas et de parturition, ainsi que l’interruption de la gestation dans un délai approuvé par l’Agence de la biomédecine ; d’autre part, la mise en place d’un seuil que la contribution des cellules d’origine humaine au développement de l’embryon chimérique ne saurait dépasser.
Je veux évidemment rendre hommage à cette volonté de Mme la rapporteure d’instaurer des garde-fous. Mais, au-delà de la recherche, permettre le transfert chez l’animal d’embryons chimériques hybrides entre l’animal et l’homme soulève toute une série de problèmes et d’interrogations éthiques et morales. On peut légitimement craindre une menace pesant sur le patrimoine génétique de l’humanité : il faut avoir le courage de le dire !
Je ne reviendrai pas sur l’avis du Comité consultatif national d’éthique : Bruno Retailleau a très bien rappelé les trois principaux risques qui y ont été relevés. Je veux simplement mettre l’accent sur le fait que, par le biais du présent article, au-delà de son alinéa 5, on assisterait à un véritable franchissement de la barrière des espèces.
Après réflexion, je voterai donc en faveur de l’amendement de suppression qui nous est proposé par le groupe CRCE.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Je le rappelle, l’article 17, dans sa rédaction présente, dispose bien que la création d’embryons chimériques est interdite, que ce soit dans le cadre de la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces, ou de celle d’un embryon animal par adjonction de cellules souches embryonnaires humaines.
La seule possibilité qui est ici offerte, sous des conditions extrêmement strictes, est celle d’insérer des cellules souches pluripotentes induites dans un embryon animal pour une durée limitée, afin de déterminer comment l’évolution de ces cellules souches se distingue de celle d’une cellule souche embryonnaire et d’effectuer une comparaison.
M. Bruno Retailleau. Et une transplantation !
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Non ! Cela ne va pas au-delà.
Je tiens à rappeler un autre élément qui me semble important, après avoir écouté les interventions de Mme la ministre et des différents orateurs sur cette question. Tout à l’heure, mes chers collègues, vous avez voté contre les dépistages préconceptionnels. Vous l’avez fait pour différentes raisons, telles que la lutte contre l’eugénisme, mais notamment parce que des traitements nouveaux sont trouvés contre ces maladies, en particulier contre la sclérose latérale amyotrophique.
Or ces traitements nouveaux ont été découverts dans le cadre, non pas d’une recherche fondamentale traditionnelle, biochimique, mais d’une recherche génétique, en particulier sur les cellules souches, qui est autorisée par les lois relatives à la bioéthique.
D’ailleurs, en ce qui concerne la sclérose latérale amyotrophique, ceux d’entre vous qui ont visité avec moi le Genopole savent bien que ces découvertes ont été accomplies par la recherche génétique française. Elles ont ensuite été exploitées à l’étranger, parce que nous n’avons pas eu les moyens de financer la phase industrielle du développement de cette thérapie…
Cet article traite précisément d’une recherche de ce type : il s’agit d’introduire des cellules souches pluripotentes induites dans un embryon animal, pour une durée limitée, de manière à déterminer quelles sont les compétences de ces cellules iPS par rapport à celles d’une cellule souche embryonnaire. Cela ne va pas au-delà ! Voilà ce qu’a mis en place Mme la rapporteure dans ce projet de loi.
Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement de suppression de l’article.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Au vu des explications très claires de M. le président de la commission spéciale, mon intervention sera brève. Certains de nos collègues craignent, à juste titre, des dérives de la recherche ; pour ma part, je constate aujourd’hui des dérives dans les argumentations employées !
L’histoire retiendra peut-être que le Sénat, aujourd’hui, aura interdit que la recherche conduise à ce que des chimpanzés aient, demain, une intelligence humaine, ou encore à ce que des êtres humains aient des caractéristiques de chimpanzés. Mais ce n’est pas le sujet ! Cela vient d’être rappelé : dans toutes les recherches qu’il est prévu d’encadrer, les naissances sont interdites.
Pour ma part, je fais, confiance au travail de la commission spéciale, mais aussi à celui de nos chercheurs et à l’encadrement de la recherche. Tel est bien l’objet de notre débat d’aujourd’hui. Je ne voterai donc pas cet amendement de suppression de l’article 17. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 214 rectifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains, l’autre, du groupe CRCE.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 82 :
Nombre de votants | 303 |
Nombre de suffrages exprimés | 291 |
Pour l’adoption | 170 |
Contre | 121 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
En conséquence, l’article 17 est supprimé, et les amendements identiques nos 88 rectifié ter et 114 rectifié octies, les amendements nos 89 rectifié quater, 297 et 150 rectifié, les amendements identiques nos 137 rectifié ter et 175, ainsi que les amendements nos 99 rectifié ter, 58 rectifié, 247 rectifié ter, 185, 134 rectifié bis et 139 rectifié bis, n’ont plus d’objet.
Nous reprenons l’ordre normal de discussion des articles.
Chapitre Ier (suite)
Aménager le régime actuel de recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires
Article 14
I. – (Non modifié) Après l’article L. 2141-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2141-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-3-1. – Des recherches menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation peuvent être réalisées sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon conçu in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation, si chaque membre du couple ou la femme non mariée y consent. Dans ce cadre, aucune intervention ayant pour objet de modifier le génome des gamètes ou de l’embryon ne peut être entreprise. Ces recherches sont conduites dans les conditions fixées au titre II du livre Ier de la première partie. »
II. – Le second alinéa de l’article L. 1125-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° (nouveau) Les mots : « impliquant la personne humaine » sont supprimés ;
2° À la fin de l’alinéa, la référence : « au V de l’article L. 2151-5 » est remplacée par la référence : « à l’article L. 2141-3-1 ».
III. – Le chapitre unique du titre V du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 2151-2, après la première occurrence du mot : « embryon », sont insérés les mots : « humain par fusion de gamètes » ;
1° L’article L. 2151-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2151-5. – I. – Aucune recherche sur l’embryon humain ne peut être entreprise sans autorisation. Un protocole de recherche conduit sur un embryon humain ne peut être autorisé que si :
« 1° La pertinence scientifique de la recherche est établie ;
« 2° La recherche, fondamentale ou appliquée, s’inscrit dans une finalité médicale ou vise à améliorer la connaissance de la biologie humaine ;
« 3° En l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée, avec une pertinence scientifique comparable, sans recourir à des embryons humains ;
« 4° Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil, les principes éthiques énoncés au présent titre et ceux énoncés au titre Ier du livre II de la première partie du présent code.
« II. – Une recherche ne peut être menée qu’à partir d’embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation qui ne font plus l’objet d’un projet parental et qui sont proposés à la recherche par le couple, le membre survivant du couple ou la femme dont ils sont issus en application du 2° du II de l’article L. 2141-4, du dernier alinéa de l’article L. 2131-4 ou du troisième alinéa de l’article L. 2141-3.
« III. – Les protocoles de recherche sont autorisés par l’Agence de la biomédecine après que celle-ci a vérifié que les conditions posées aux I et II du présent article sont satisfaites. La décision de l’agence, assortie de l’avis de son conseil d’orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche, qui peuvent conjointement, dans un délai d’un mois, demander un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision :
« 1° En cas de doute sur le respect des principes mentionnés au 4° du I ou sur la pertinence scientifique d’un protocole autorisé. L’agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours, durant lequel l’autorisation est suspendue. En cas de confirmation de la décision, la validation du protocole est réputée acquise ;
« 2° Dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, lorsque le protocole a été refusé. L’agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours. En cas de confirmation de la décision, le refus du protocole est réputé acquis.
« En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l’autorisation, l’agence suspend l’autorisation de la recherche ou la retire. L’agence diligente des inspections comprenant un ou plusieurs experts n’ayant aucun lien avec l’équipe de recherche, dans les conditions fixées à l’article L. 1418-2.
« IV. – Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite, en application du présent article, ne peuvent être transférés à des fins de gestation. Il est mis fin à leur développement in vitro au plus tard le quatorzième jour qui suit leur constitution. Toutefois, à titre dérogatoire, le développement in vitro d’embryons peut être poursuivi jusqu’au vingt et unième jour qui suit leur constitution dans le cadre de protocoles de recherche spécifiquement dédiés à l’étude des mécanismes de développement embryonnaire au stade de la gastrulation.
« V. – (Supprimé)
2° Les articles L. 2151-6, L. 2151-7-1 et L. 2151-8 deviennent, respectivement, les articles L. 2151-8, L. 2151-10 et L. 2151-11 ;
3° L’article L. 2151-6 est ainsi rétabli :
« Art. L. 2151-6. – I. – Les protocoles de recherche conduits sur les cellules souches embryonnaires sont soumis à déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine préalablement à leur mise en œuvre.
« II. – Une recherche sur les cellules souches embryonnaires ne peut être menée qu’à partir :
« 1° De cellules souches embryonnaires dérivées d’embryons dans le cadre d’un protocole de recherche sur l’embryon autorisé en application de l’article L. 2151-5 ;
« 2° De cellules souches embryonnaires ayant fait l’objet d’une autorisation d’importation en application de l’article L. 2151-8.
« III. – Le directeur général de l’Agence de la biomédecine s’oppose, dans un délai fixé par voie réglementaire, à la réalisation du protocole de recherche mentionné au I du présent article si la recherche fondamentale ou appliquée ne s’inscrit pas dans une finalité médicale ou ne vise pas à améliorer la connaissance de la biologie humaine, si la pertinence scientifique de la recherche n’est pas établie, si le protocole ou ses conditions de mise en œuvre ne respectent pas les principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil, les principes éthiques énoncés au présent titre et ceux énoncés au titre Ier du livre II de la première partie du présent code, ou en l’absence des autorisations mentionnées au II du présent article.
« Lorsque le protocole mentionné au I a pour objet la différenciation des cellules souches embryonnaires en gamètes ou l’agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires, l’opposition formulée en application du premier alinéa du présent III est prise après avis public du conseil d’orientation de l’agence.
« À défaut d’opposition du directeur général de l’Agence de la biomédecine, la réalisation du protocole de recherche peut débuter à l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent III.
« IV. – Le directeur général de l’Agence de la biomédecine peut à tout moment suspendre ou interdire, après avis public du conseil d’orientation de l’agence, les recherches mentionnées au I qui ne répondent plus aux exigences mentionnées au III. » ;
4° L’article L. 2151-7 est abrogé ;
5° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2151-8, tel qu’il résulte du 2° du présent III, les mots : « ces cellules souches ont été obtenues » sont remplacés par les mots : « le demandeur de l’autorisation atteste de l’obtention de ces cellules » ;
6° Il est ajouté un article L. 2151-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 2151-9. – Tout organisme qui assure, à des fins de recherche, la conservation d’embryons doit être titulaire d’une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine.
« Toutefois, les laboratoires de biologie médicale autorisés conformément à l’article L. 2142-1 peuvent conserver des embryons proposés à la recherche en application du 2° du II de l’article L. 2141-4 sans être titulaires de l’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent article.
« La délivrance de l’autorisation mentionnée au même premier alinéa est subordonnée au respect des principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil, des principes éthiques énoncés au présent titre et de ceux énoncés au titre Ier du livre II de la première partie du présent code, des règles en vigueur en matière de sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site et des dispositions applicables en matière de protection de l’environnement ainsi qu’au respect des règles de sécurité sanitaire.
« En cas de non-respect des dispositions mentionnées au troisième alinéa du présent article, l’Agence de la biomédecine peut, à tout moment, suspendre ou retirer l’autorisation.
« L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est informée des activités de conservation d’embryons à des fins de recherche réalisées sur le même site que des activités autorisées par elle en application de l’article L. 1243-2.
« Tout organisme qui souhaite assurer, à des fins de recherche, la conservation de cellules souches embryonnaires doit effectuer une déclaration à l’Agence de la biomédecine préalablement à leur conservation. Le directeur général de l’Agence de la biomédecine peut à tout moment suspendre ou interdire la conservation des cellules souches embryonnaires si cette conservation n’est pas en accord avec le respect des principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil, des principes éthiques énoncés au présent titre et de ceux énoncés au titre Ier du livre II de la première partie du présent code, des règles en vigueur en matière de sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site et des dispositions applicables en matière de protection de l’environnement, ainsi qu’au respect des règles de sécurité sanitaire.
« Les organismes mentionnés aux premier et deuxième alinéas du présent article ne peuvent céder des embryons qu’à un organisme titulaire d’une autorisation délivrée en application du présent article ou de l’article L. 2151-5. Les organismes mentionnés à l’avant-dernier alinéa du présent article ne peuvent céder des cellules souches embryonnaires humaines qu’à un organisme ayant déclaré un protocole de recherche en application de l’article L. 2151-6, lorsque l’Agence de la biomédecine ne s’est pas opposée à la réalisation de celui-ci dans les conditions fixées au même article L. 2151-6. L’organisme destinataire de la cession de cellules souches embryonnaires effectue également la déclaration prévue à l’avant-dernier alinéa du présent article. L’Agence de la biomédecine est informée préalablement à toute cession. » ;
7° L’article L. 2151-10, tel qu’il résulte du 2° du présent III, est complété par les mots : « ou déclarées en application de l’article L. 2151-6 ».
IV. – La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code pénal est ainsi modifiée :
1° L’article 511-19-2 est ainsi rédigé :
« Art. 511-19-2. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende :
« 1° Le fait de conserver des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans avoir obtenu l’une des autorisations ou avoir effectué l’une des déclarations mentionnées à l’article L. 2151-9 du code de la santé publique ou alors que cette autorisation est retirée ou suspendue ou que le directeur général de l’Agence de la biomédecine a suspendu ou interdit la conservation en application de l’avant-dernier alinéa du même article L. 2151-9 ;
« 2° Le fait de conserver des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans se conformer aux règles mentionnées aux troisième ou avant-dernier alinéas dudit article L. 2151-9 ;
« 3° Le fait de céder des embryons ou des cellules souches embryonnaires à des organismes n’ayant pas déclaré leur projet de recherche auprès de l’Agence de la biomédecine conformément à l’article L. 2151-6 du même code ou n’étant pas titulaires de l’autorisation délivrée en application des articles L. 2151-5 ou L. 2151-9 dudit code ;
« 4° Le fait d’avoir cédé des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans en avoir informé préalablement l’Agence de la biomédecine. » ;
2° (nouveau) À l’article 511-19-3, la référence : « L. 2151-6 » est remplacée par la référence : « L. 2151-8 ».
V. – Le chapitre III du titre VI du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les troisième à dernier alinéas de l’article L. 2163-7 sont ainsi rédigés :
« “1° Le fait de conserver des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans avoir obtenu l’une des autorisations ou avoir effectué l’une des déclarations mentionnées à l’article L. 2151-9 du code de la santé publique ou alors que cette autorisation est retirée ou suspendue ou que le directeur général de l’Agence de la biomédecine a suspendu ou interdit la conservation en application de l’avant-dernier alinéa du même article L. 2151-9 ;
« “2° Le fait de conserver des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans se conformer aux règles mentionnées aux troisième ou sixième alinéas dudit article L. 2151-9 ;
« “3° Le fait de céder des embryons ou des cellules souches embryonnaires à des organismes n’ayant pas déclaré leur projet de recherche auprès de l’Agence de la biomédecine conformément à l’article L. 2151-6 du même code ou n’étant pas titulaires de l’autorisation délivrée en application des articles L. 2151-5 ou L. 2151-9 dudit code ;
« “4° Le fait d’avoir cédé des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans en avoir informé préalablement l’Agence de la biomédecine.” » ;
2° (nouveau) Au second alinéa de l’article L. 2163-8, la référence : « L. 2151-6 » est remplacée par la référence : « L. 2151-8 ».
VI. – (Non modifié) Les protocoles de recherche conduits sur des cellules souches embryonnaires déposés auprès de l’Agence de la biomédecine en vue de l’obtention d’une autorisation et en cours d’instruction à la date de la publication de la présente loi sont soumis aux dispositions de l’article L. 2151-6 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de la présente loi. Dans ce cas, le dépôt d’un dossier complet de demande d’autorisation est réputé satisfaire à l’obligation de déclaration prévue au même article L. 2151-6 et le délai mentionné au premier alinéa du III dudit article L. 2151-6 est de quatre mois à compter de la réception du dossier complet de demande d’autorisation.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, un certain nombre d’entre vous regrettaient que l’extension de la PMA à toutes les femmes ait été intégrée à un projet de loi relatif à la bioéthique. En revanche, cette après-midi, nous nous trouvons bien au cœur des sujets bioéthiques.
Le Conseil d’État, dans son avis sur ce texte, avouait que la révision des lois de bioéthique était un exercice juridiquement semé d’embûches. Nous les avons bien mesurées depuis le début de cet après-midi.
À l’article 14, nous allons aborder la question de la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires. L’article 15, quant à lui, porte sur la recherche qui a trait aux cellules souches pluripotentes induites.
Je voudrais m’excuser par avance de l’aspect peut-être un peu trop technique de mes commentaires sur les divers amendements en discussion : de fait, les sujets que nous abordons sont techniques. J’essaierai de vous expliquer le mieux possible, à chaque fois, de quoi nous parlons : il est vrai que, entre embryons, cellules souches embryonnaires et cellules souches pluripotentes induites, il y a parfois de quoi perdre son latin !
Il faudra aussi bien distinguer entre la recherche sur l’embryon destiné à être implanté en vue d’une gestation et celle qui porte sur un embryon surnuméraire, qui a été obtenu par fécondation in vitro dans le cadre d’un processus de PMA et qu’un couple qui n’a plus de projet parental a décidé de donner à la recherche.
Voilà quelques-uns des sujets que nous allons aborder au cours de la discussion qui s’ouvre.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, sur l’article.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la manipulation de l’embryon est un sujet fondamental et complexe, dans la mesure où l’on légifère sur le vivant et où il faut, par conséquent, éviter tout projet aventureux.
J’ai déposé un amendement de suppression de l’article 14, mais je tiens à être clair sur un point : naturellement, je ne m’oppose pas à la recherche. Je suis favorable à la formule qui sert d’intitulé au titre IV : « Soutenir une recherche libre et responsable au service de la santé humaine ». Je soutiens la recherche dès lors qu’elle sert l’homme.
Cependant, même si j’ai confiance dans le discernement éthique des chercheurs, je considère que le Parlement doit assurer sa mission de contrôle en encadrant ces recherches. J’ai donc déposé plusieurs amendements sur cet article. Celui-ci est en effet stratégique. Il opère une distinction entre les cellules souches embryonnaires et les embryons, et prévoit de remplacer l’autorisation de recherche aujourd’hui requise par une simple déclaration du chercheur.
Une fois de plus, on assouplit la législation. Je rappellerai les étapes précédentes de ce mouvement. En 1994, la loi a semblé interdire toute recherche. En 2004, elle a ouvert une dérogation temporaire. En 2011, cette dérogation a été pérennisée et la recherche a été ensuite autorisée, sous conditions. En 2016, on a ouvert une dérogation dans la dérogation afin de faciliter la recherche visant à améliorer la PMA. Aujourd’hui, on supprime toutes les conditions. Quelle est la prochaine étape ?
À chaque nouvelle loi de bioéthique, on nous invite à assouplir la législation pour libérer la recherche. Aujourd’hui, le monde scientifique reconnaît pourtant que la recherche sur l’embryon n’a pas franchi le stade clinique. N’est-ce pas le constat d’un échec ? Quel est le bilan de ces recherches ? Pourquoi ne pas privilégier les cellules pluripotentes induites, qui sont, selon l’Académie nationale de médecine, l’Agence de la biomédecine et l’Inserm, tout aussi efficaces que les cellules souches embryonnaires humaines ?
Nous ne nous demandons pas si l’on peut conduire ces recherches ; nous nous interrogeons simplement sur un tel assouplissement de la législation. Pourquoi passer d’un régime d’autorisation à un régime déclaratif ? Pourquoi abaisser ainsi nos exigences éthiques ?
S’il est indéniable qu’une cellule souche embryonnaire n’est pas un embryon humain en soi, le législateur ne peut oublier qu’elle en émane et que son prélèvement en provoque la destruction.
Le présent article soulève de nombreuses questions, qui sont d’ordre non pas scientifique, mais sociétal. La France veut-elle produire des enfants génétiquement modifiés ? La levée de l’interdit de créer des embryons transgéniques permettra la création en laboratoire d’embryons humains génétiquement modifiés.
La responsabilité des politiques est grande, d’autant qu’il n’y a eu aucun débat digne de ce nom sur la fécondation in vitro à trois parents ou le ciseau moléculaire.
Le Gouvernement essaie de nous rassurer en posant un interdit sur le transfert à des fins de gestation d’embryons génétiquement modifiés, mais l’expérimentation en laboratoire a-t-elle une autre finalité que d’aboutir, à terme, à une expérimentation clinique ?
Il est donc de notre responsabilité de dénoncer toutes les menaces qui pèsent déjà aujourd’hui sur les êtres humains et qui pèseront demain sur les générations futures. Je me demande si l’article 14 protège vraiment l’humain. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
(Mme Hélène Conway-Mouret remplace M. David Assouline au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons entamé l’examen du titre IV : « Soutenir une recherche libre et responsable au service de la santé humaine ».
Avant d’entrer dans le détail, je tenais à exprimer un point de vue plus général sur cette division du projet de loi. Nous allons discuter de plusieurs articles qui assouplissent, de manière parfois problématique, les possibilités de recherche sur les embryons, les cellules souches et le génome.
Ce projet de loi déploie un arsenal juridique considérable pour favoriser la recherche afin de lutter contre l’infertilité. Ce problème, de plus en plus prégnant dans nos sociétés modernes, concerne près d’un couple sur huit dans notre pays.
Il est dès lors dommageable que rien, ou presque, dans ce texte n’ait trait à la recherche sur les causes de l’infertilité ou de certaines malformations fœtales. Les députés se sont timidement emparés du sujet, mais l’on reste loin du compte !
Pourtant, si les causes environnementales de l’infertilité sont identifiées, elles ne sont pas parfaitement comprises. Je pense tout particulièrement aux perturbateurs endocriniens, aux ondes électromagnétiques et aux pesticides, toutes choses dont on connaît ou suspecte les effets : baisse de la fertilité du sperme, endométriose, bébés sans bras, et j’en passe !
Ainsi, selon les données de l’Inserm, pour 25 % des couples qui consultent, la science n’est pas en mesure de déceler les causes de l’infertilité. Un couple sur quatre qui ne peut pas avoir d’enfant ne saura pas pourquoi !
Alors que nous dépensons un temps et un argent considérable à la recherche visant à soigner ou à pallier l’infertilité, il faudrait orienter une partie de cet effort vers la recherche sur ses causes.
Un esprit méfiant verrait une explication simple à ce choix unidimensionnel du Gouvernement : prévenir les problèmes de santé est bien moins lucratif pour les laboratoires pharmaceutiques que les soigner. Pour ma part, j’y vois une nouvelle preuve de l’incapacité de l’humanité à accepter les conséquences délétères de son mode de vie sur notre environnement et sur notre propre santé.
Comme pour le réchauffement climatique, nous préférons fuir en avant : on dépense une énergie considérable à chercher des palliatifs, plutôt que d’agir pour tenter de corriger les problèmes à la source.
Ainsi, de la même manière que l’on invente des bateaux pour nettoyer le plastique des océans ou que l’on cherche un moyen de stocker le carbone, on tente de corriger, à grand renfort de manipulations génétiques, les causes de l’infertilité, alors qu’il conviendrait en premier lieu de cesser de produire du plastique jetable, de diminuer les émissions de carbone et de se débarrasser des perturbateurs endocriniens et autres pesticides.
C’est pourquoi nous défendrons un amendement relatif, notamment, à la recherche sur les perturbateurs endocriniens.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 55 rectifié est présenté par MM. Reichardt et Danesi, Mme Eustache-Brinio, MM. Kennel, de Legge et Morisset, Mmes Troendlé et Sittler, M. L. Hervé, Mme Férat, M. Mayet, Mme Noël et MM. Duplomb, Retailleau et H. Leroy.
L’amendement n° 90 rectifié quater est présenté par MM. Chevrollier et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Meurant, Rapin, Cambon, Chaize, Bignon, Mandelli, Segouin et Hugonet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.
M. André Reichardt. En substituant un régime de déclaration à un régime d’autorisation, cet article crée, pour les cellules souches embryonnaires humaines, un régime distinct de celui qui s’applique en cas de recherches sur l’embryon humain.
À mon sens, différencier les protocoles de recherche applicables, d’une part, à l’embryon humain et, d’autre part, aux cellules souches embryonnaires humaines revient à banaliser la recherche sur les lignées de cellules souches embryonnaires.
Compte tenu des enjeux de ce type de recherche et, notamment, de l’industrialisation des cellules souches embryonnaires, il est nécessaire que l’Agence de la biomédecine, garante des principes éthiques des activités médicales et de recherche, instruise en amont les protocoles de recherche portant sur les cellules souches embryonnaires humaines et autorise expressément leur mise en œuvre.
Dès lors, par le biais du présent amendement, nous entendons supprimer l’article 14, qui vise à faciliter la recherche sur ces cellules souches embryonnaires en supprimant le régime d’autorisation sous conditions.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour présenter l’amendement n° 90 rectifié quater.
M. Guillaume Chevrollier. En complément des propos de mon collègue, je ferai simplement remarquer que chercher ainsi à mettre à part l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires revient à masquer ce que sont en réalité ces cellules, à savoir l’être même de l’embryon. Il n’y a pas d’embryon sans ces cellules souches, et réciproquement.
La croissance, voire l’industrialisation de la production de ces cellules souches embryonnaires est l’un des enjeux du business de l’industrie pharmaceutique. Rendre ainsi disponibles ces cellules peut susciter un risque majeur d’industrialisation de l’humain.
Au regard de l’atteinte portée à l’embryon humain et des enjeux de ce type de recherche, il est nécessaire que l’Agence de la biomédecine, garante du cadre légal et des principes éthiques, mène en amont une instruction sur les protocoles de recherche.
En somme, nous proposons au travers de cet amendement le maintien du droit actuel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La suppression de l’article 14 du projet de loi empêcherait certaines adaptations du cadre juridique des recherches sur l’embryon, adaptations rendues nécessaires par l’évolution des connaissances et des techniques, ne serait-ce que pour instituer un délai limite de culture in vitro des embryons surnuméraires, délai qui n’existe pas aujourd’hui.
Par ailleurs, cette suppression reviendrait sur la mise en place d’un régime de déclaration préalable des recherches sur les cellules souches embryonnaires, en lieu et place de l’actuel régime d’autorisation.
Or si le projet de loi procède à une différenciation des régimes juridiques applicables aux recherches sur l’embryon et à celles qui portent sur les cellules souches embryonnaires, c’est précisément pour acter la différence de nature entre l’embryon et les cellules souches qui en sont issues.
Une fois dérivées d’un embryon, les cellules souches n’ont pas la capacité d’en former spontanément un nouveau. Elles n’ont en rien le caractère symbolique de la personne potentielle qu’on attribue à l’embryon, comme l’a rappelé le Comité consultatif national d’éthique.
De plus, une fois qu’elles sont constituées, les lignées de cellules souches embryonnaires n’impliquent plus la destruction d’un embryon.
Dans ces conditions, le maintien d’un régime d’autorisation analogue à celui qui est applicable aux recherches sur l’embryon ne se justifie plus, éthiquement, pour les recherches qui portent sur les cellules souches embryonnaires.
Par ailleurs, je tiens à répondre à une inquiétude exprimée par les auteurs de l’amendement n° 90 rectifié quater : il convient de préciser que toute dérivation d’une lignée de cellules souches à partir d’un embryon suppose l’établissement d’un protocole de recherche sur l’embryon, qui restera soumis à autorisation préalable, dans la mesure où cela implique la destruction de l’embryon.
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous avons souhaité établir deux régimes différents.
De fait, les lignées de cellules souches embryonnaires sont dérivées depuis plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années. Les laboratoires qui travaillent sur ces lignées établies, dans leur très grande majorité, n’ont jamais eu accès à un embryon humain pour produire ces lignées.
Il me paraît donc important de bien réaffirmer que ce n’est pas parce que les cellules souches embryonnaires sont potentiellement capables de reconstituer n’importe quelle partie d’un embryon qu’elles constituent un embryon en tant que tel. Il est donc très important de pouvoir distinguer ces régimes, en conservant un régime d’autorisation très strict pour l’embryon, tout en instaurant un régime de déclaration pour les cellules souches.
Précisons que l’Agence de la biomédecine aura toujours la possibilité de refuser le protocole : le fait qu’il s’agisse d’une déclaration n’implique pas qu’aucun contrôle ne sera effectué ; simplement, le processus sera simplifié.
Là encore, le rôle des chercheurs, que ce soit en France ou dans le reste du monde, est avant tout de produire de la connaissance. En aucun cas ils ne le font de manière désinvolte, surtout quand il s’agit de recherche sur les embryons.
On compte actuellement 19 000 embryons, dont, en l’absence de projet parental, on a proposé qu’ils soient utilisés pour la recherche dans des délais raisonnables. À ce propos, j’ai peine à écouter sans réagir ceux qui affirment que la recherche sur l’embryon n’a rien apporté : je pourrais en débattre pendant des heures ! Au total, quelque 3 400 autorisations d’utilisation d’embryons à des fins de recherche ont été accordées par l’Agence de la biomédecine : vous le voyez, on est bien loin d’une utilisation totalement irraisonnée de ces embryons.
Les chercheurs utilisent de manière raisonnée les outils qui sont à leur disposition. Ils demandent une telle autorisation seulement quand aucun autre choix n’est possible. Chaque fois qu’il a fallu le démontrer, cela a été fait. Parfois, recevoir cette autorisation a requis plusieurs mois, parce que l’on essayait de bloquer les recherches sur l’embryon humain, mais les chercheurs ont toujours pu démontrer in fine que ces recherches ne pouvaient pas se faire sur un autre matériel.
L’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. J’estime que ce texte pose des bornes correctes. La constitution d’embryons à partir de cellules souches est de toute façon inacceptable aux termes de la convention d’Oviedo. Il est ici question d’embryons qui ne relèvent plus d’un projet parental, et de recherche dont les fins sont purement médicales.
On voit bien que ces recherches génétiques peuvent avoir des débouchés intéressants et permettre de sauver nos enfants. Quand nous avons visité le Genopole, structure que je connais particulièrement, nous avons bien vu à qui nous avions affaire. Les chercheurs qui y travaillent ont bien les deux pieds sur terre ! Leur vocation est bien d’aller trouver une innovation médicale qui soit acceptable par la société. Ce n’est pas pour eux-mêmes qu’ils cherchent, mais dans l’intérêt général.
On sait bien qu’il y aura encore des pas à franchir. L’intérêt de ces recherches est notamment les progrès qu’elles permettent en matière de médecine prédictive. La prévention ne suffit pas : demain, il faudra acquérir, à travers la recherche génétique et les thérapies géniques, la possibilité de prédire un certain nombre de pathologies. Aujourd’hui, on ne sait pas encore le faire ; y parvenir nécessite encore de nombreuses années d’effort et, notamment, des recherches portant sur les cellules embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites.
Notre rôle est surtout d’offrir un cadre à ces recherches. J’ai pour ma part confiance dans la réflexion qui a été menée.
Or le cadrage est évolutif. C’est le principe d’une loi de bioéthique : la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. Il faut anticiper, afin que la vérité de demain soit adaptée à notre société et qu’il n’y ait pas de dérives.
C’est pourquoi j’estime que l’encadrement proposé est correct ; je soutiendrai donc la position de la commission spéciale au sujet de ces recherches.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je soutiendrai moi aussi la position de la commission spéciale.
Je voudrais rappeler le cadre proposé dans ce projet de loi : il s’agit d’établir une différence entre la recherche effectuée sur l’embryon et celle qui porte sur les cellules souches. Celles-ci, tirées de l’embryon, peuvent, du fait de leur caractère pluripotent, former n’importe quel tissu du corps humain et recevoir par conséquent de très vastes applications, par exemple après un infarctus.
Les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh), quant à elles, après avoir été extraites de l’embryon originel et cultivées, sont incapables de former un nouvel embryon et, donc, un être humain potentiel.
Il est important que l’article 14 maintienne le régime d’autorisation des recherches sur l’embryon, en conservant certains principes éthiques, comme l’interdiction de la constitution d’embryons humains par clonage, l’interdiction de l’adjonction de cellules d’une autre espèce dans un embryon humain, l’interdiction de l’utilisation d’embryons à des fins commerciales, ou encore l’interdiction de constituer par clonage un embryon humain à des fins thérapeutiques.
L’introduction d’un régime de déclaration préalable pour faciliter les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, même si un contrôle subsiste, me paraît tout à fait licite. Ce régime est aussi sécurisé sur le plan juridique que le celui qui s’applique aux recherches sur l’embryon. Il permettra des avancées dans la compréhension du développement embryonnaire dans le respect des principes éthiques.
Il est très important de connaître la façon dont les cellules souches embryonnaires humaines se développent à partir de l’embryon avant de devenir des organes différenciés.
Je soutiens par conséquent la position de la commission spéciale.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. En fin de compte, on sait très peu de choses sur l’embryon. L’épigénétique, qui se développe à grande vitesse, nous enseigne que les gènes ne s’expriment pas nécessairement, contrairement à ce que l’on croyait il y a dix ou vingt ans. En réalité, ils peuvent s’exprimer, ou non, en fonction de paramètres environnementaux, au sens large.
Aujourd’hui, on découvre que ce qui se passe pendant la vie embryonnaire est essentiel à cet égard. Un certain nombre de pathologies survenant à l’âge adulte – je pense aux recherches sur l’infarctus du myocarde et sur certaines maladies neurologiques, comme la maladie de Parkinson ou la chorée de Huntington – trouvent potentiellement leur origine dans cette phase embryonnaire. C’est pourquoi il est très important de poursuivre les recherches dans ce domaine.
Il est également très important de continuer ces recherches dans le cadre de la PMA, car le taux d’échec en matière de FIV est très élevé, ce qui résulte d’une problématique multifactorielle.
Je dis cela évidemment en ayant un immense respect pour ce qui constitue, de fait, du matériel humain, des cellules humaines : nous devons fixer un ensemble de garanties qu’il est hors de question d’abandonner. Ce dont il est question dans le texte qui nous est proposé par le Gouvernement, texte qui a été affiné et même amélioré, à mon sens, par la commission spéciale, c’est de maintenir l’ensemble de ces garanties et de ne rien céder. Cet objectif nous réunit.
Il faut prendre conscience de la chance immense qui s’offre à nous grâce à des embryons qui, évidemment, ne peuvent toujours pas être créés pour la recherche, modifiés ou transplantés. Toutes les garanties sont maintenues : il faut donc très clairement continuer à développer ce domaine de la recherche, qui est prometteur pour notre santé.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 55 rectifié et 90 rectifié quater.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 75, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les recherches sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires humaines sont suspendues pour un an, le temps que l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques dresse un bilan de quinze ans de recherche sur l’embryon humain et ses cellules souches en France, en les comparant aux résultats annoncés depuis quinze ans.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement a pour objet de suspendre les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
En effet, chaque fois que la loi modifie le régime s’appliquant aux recherches sur les embryons humains et les cellules souches embryonnaires humaines, certains chercheurs annoncent des résultats spectaculaires et à portée de main. Ces déclarations ont poussé le Parlement à consentir des dérogations, puis à autoriser les recherches sur l’embryon et les cellules souches.
En 2011, on nous disait que les cellules souches embryonnaires humaines permettraient de créer des pansements provisoires pour les grands brûlés. En 2013, on nous disait que l’on était sur le point de guérir les patients… Les mêmes arguments ont été avancés pour élaborer le présent texte. Ces annonces ont toujours émergé au moment des débats législatifs, sans qu’aucune suite ait été donnée à ces résultats.
Aujourd’hui, peut-on guérir des grands brûlés grâce aux cellules souches embryonnaires humaines ? La réponse est non. Les avancées dans le domaine des thérapies pour traiter certaines myopathies nécessitent-elles des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines ? Il n’y a aucune thérapie effective en la matière. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Quel bilan peut-on dresser de ces dérogations et autorisations ?
Avant d’aller plus loin, mes chers collègues, je vous propose d’écouter la voix de la sagesse, en laissant à une autorité compétente, en l’occurrence l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), le soin d’établir un premier état des lieux. Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’amendement, tel qu’il est rédigé, tend à réécrire intégralement l’article 14, pour le cantonner à une disposition suspendant, pour une période d’un an, les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines dans l’attente d’une évaluation de ces recherches par l’Opecst.
Or la loi charge déjà l’Agence de la biomédecine d’évaluer, dans son rapport annuel d’activité, l’état d’avancement des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, en incluant un comparatif avec les recherches concernant les cellules souches adultes, les cellules pluripotentes induites et les cellules issues du sang de cordon, du cordon ombilical et du placenta, ainsi qu’un comparatif avec la recherche internationale.
Réécrire totalement l’article reviendrait à supprimer les dispositions qui y figurent actuellement. La commission spéciale est donc défavorable à l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je précise tout d’abord que, entre le moment où l’on entame des recherches et celui où l’on aboutit à un médicament, il y a évidemment, et fort heureusement, un certain nombre d’étapes, qui sont essentielles et qui permettent de garantir la sécurité du médicament. J’évoque ici des phases qui sont très en aval de la recherche.
Pour vous répondre, monsieur le sénateur, je citerai un premier essai clinique complété sur le traitement de l’insuffisance cardiaque, un essai clinique sur le traitement de la rétinite pigmentaire, qui vient de commencer, ainsi que deux projets conduisant au développement de produits de thérapie cellulaire, qui sont en train d’être déposés pour un essai clinique, notamment ce qui concerne les ulcères de la peau liés à la drépanocytose ou le traitement des maladies métaboliques du foie.
Je mentionnerai également deux projets, qui ont permis d’identifier des molécules utilisées dans des essais cliniques sur des patients atteints d’une forme génétique d’autisme et de la myotonie de Steinert, qui est une maladie génétique orpheline.
Enfin, j’évoquerai deux projets qui visent à élucider les mécanismes permettant de comprendre la pluripotence et à découvrir si, de la même façon que nous avons maintenant des cellules souches pluripotentes induites, nous pourrions avoir d’autres cellules pluripotentes ayant des origines diverses.
Je le répète, entre le moment des recherches en laboratoire et le moment où l’on aboutit à un médicament, il y a fort heureusement le temps des différents essais cliniques. Avant ces essais cliniques, des essais sont aussi menés en laboratoire de manière à assurer la sécurité des essais cliniques eux-mêmes. Bref, pour les médicaments qui arrivent sur le marché humain, la phase de développement dure toujours entre dix et quinze ans au minimum.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 129 rectifié bis, présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz et Morisset, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ, Cuypers et Mayet, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mme Ramond et MM. Regnard, Longuet, Leleux, H. Leroy, Meurant et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. J’ai un léger souci avec la rédaction de l’alinéa 2, qui dispose que les recherches menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation « peuvent être réalisées sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon conçu in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation ». En effet, à l’alinéa 19 du même article, on lit exactement le contraire : « Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite, en application du présent article, ne peuvent être transférés à des fins de gestation. »
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Cela n’a rien à voir !
M. Dominique de Legge. Mon amendement a pour objet de tenter de mettre en cohérence l’alinéa 2 avec l’alinéa 19 de cet article.
Mme la présidente. L’amendement n° 71 rectifié quater, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Panunzi, Vial, Chaize, Meurant, H. Leroy, Segouin et Mayet, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ces recherches ne peuvent porter atteinte à l’embryon humain, elles sont menées au bénéfice de celui-ci.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement vise à encadrer plus strictement les recherches dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation (AMP).
Ce régime de recherches biomédicales était censé réhabiliter le régime d’études sur l’embryon qui avait été supprimé par la loi du 6 août 2013. Cependant, à l’époque, le régime d’études sur l’embryon disposait de deux réelles garanties : celle que l’étude ne puisse pas porter atteinte à l’embryon et celle qu’elle soit menée à son bénéfice.
Le régime de recherches biomédicales en matière d’AMP, qui date de 2013, ne prévoit pas de telles garanties. C’est étonnant, car il oblige le transfert de l’embryon à des fins de gestation. De telles garanties permettraient de responsabiliser les professionnels et de poser des limites, afin d’éviter que des embryons humains ne soient utilisés comme cobayes durant les essais menés dans le cadre de ces recherches.
Mme la présidente. L’amendement n° 130 rectifié bis, présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz et Morisset, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Mayet, Piednoir et Mandelli, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mme Ramond et MM. Regnard, Leleux, H. Leroy, Meurant et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ces recherches ne peuvent porter atteinte à l’embryon humain.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Cet amendement est dans la même veine, si j’ose dire, que celui que vient de présenter notre collègue Guillaume Chevrollier.
Au travers de cet amendement, nous espérons un apaisement. Le fait que des recherches puissent être menées uniquement pour la recherche suscite l’inquiétude de nombre d’entre nous. On en voit certes l’intérêt, mais il nous semble que l’embryon doit être respecté – on a employé tout à l’heure un mot que je n’aime guère, celui de « matériau humain »…
La précision que tend à introduire cet amendement consiste à rappeler la finalité de la recherche. Elle nous paraîtrait bienvenue, car elle serait de nature à apaiser, en partie tout au moins, toutes celles et tous ceux qui craignent que nous ne nous orientions vers des recherches pouvant déboucher sur une certaine forme d’eugénisme.
Mme la présidente. L’amendement n° 72 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Meurant, H. Leroy, Chaize et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces recherches relèvent de la catégorie des recherches définies au 3° de l’article L. 1121-1.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Le Conseil constitutionnel, dans la décision qu’il a rendue sur la loi du 26 janvier 2016, distingue les recherches « interventionnelles » des recherches « observationnelles » dans le cadre de l’AMP, et valide uniquement ces dernières.
Or le décret d’application du 4 mars 2016 étend les recherches aux recherches interventionnelles.
Seules les recherches observationnelles dénuées de risques sont envisageables et éviteront la manipulation génétique des gamètes ou des embryons. Tel est le sens de cet amendement de précision.
Mme la présidente. L’amendement n° 187, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La création de gamètes à partir de cellules souches embryonnaires ou à partir de la dérivation de cellules somatiques est interdite.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. À partir de cellules souches embryonnaires de la dérivation de cellules somatiques iPS, il serait possible de fabriquer de manière artificielle, in vitro, des gamètes.
L’exposé des motifs du présent projet de loi précise pourtant que « la recherche sur ces cellules [n’est] pas exempte d’interrogations éthiques lorsqu’il s’agit, par exemple, d’envisager de les différentier en gamètes ».
De plus, selon l’article 16-4 du code civil, « nul ne peut porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine », et l’article 16-2 du même code rappelle que « le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher […] les agissements illicites portant sur des éléments ou des produits » du corps humain.
Or les gamètes sont des cellules particulières, obtenues après un long processus dans les gonades, favorisant la réalisation, à partir de cellules précurseurs, du phénomène de méiose, qui permet un brassage génétique favorable à l’espèce humaine, ainsi que le passage de quarante-six à vingt-trois chromosomes.
Il convient donc de rappeler l’interdiction d’un processus intégrant une maturation et une méiose artificielles aboutissant à la création artificielle de gamètes.
Mme la présidente. L’amendement n° 73 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Regnard, Mme Deroche et MM. Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Panunzi, Chaize, Meurant, H. Leroy, Bonhomme et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Une mission d’information est mise en place pour faire un état des lieux des recherches menées depuis 2016 en application du V de l’article L. 2151-5. Les recherches biomédicales menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation sont, le temps de cette mission d’information, suspendues pour une durée de trois ans à compter de la loi n° … du … relative à la bioéthique.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Le présent amendement a pour objet de créer une mission d’information faisant un état des lieux des recherches dans le cadre de l’AMP.
En effet, les recherches biomédicales pour la procréation médicalement assistée sont autorisées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), seulement pour celles qui ont un caractère interventionnel à risque.
Ces autorisations ne sont pas publiées au Journal officiel. Il s’agit aujourd’hui de recherches dont on ne sait rien : on ne connaît ni la nature des travaux qui ont pu être menés depuis trois ans, ni leur finalité, ni, enfin, le résultat obtenu.
La manipulation des gènes peut constituer un vrai danger, dans la mesure où les modifications génétiques peuvent avoir des répercussions sur plusieurs générations. S’agissant du travail mené sur l’embryon, les chercheurs n’ont aucune visibilité.
Au regard des enjeux liés à ces recherches, qui pourraient conduire, dans quelques années, à la naissance de bébés génétiquement modifiés, il me semble plus que légitime de mettre en place une mission d’information, qui permettra de faire le bilan des travaux menés sur les gamètes ou les embryons depuis trois ans, et de savoir s’ils ont été implantés.
Après tout, c’est la mission du Parlement que d’assurer ce contrôle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’incohérence que tend à supprimer l’amendement n° 129 rectifié bis n’en est pas une. En effet, l’alinéa 2 se rapporte à l’article L. 2141-3-1 du code de la santé publique, alors que l’alinéa 19 vise l’article L. 2151-5 du même code. D’ailleurs, pour éviter toute impression d’incohérence, la commission spéciale avait pris soin de préciser à l’alinéa 19 que celui-ci concernait des recherches conduites « en application du présent article ».
Dans le cadre de l’alinéa 2, les recherches cliniques menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation sont destinées à améliorer l’efficacité des procédures. Ce type de recherche a notamment pour objet d’améliorer l’état de fécondation des ovocytes par les spermatozoïdes, d’améliorer la maturation de l’embryon in vitro avant transfert, ou de faciliter son implantation dans l’utérus.
L’alinéa 19, quant à lui, porte sur des recherches réalisées à partir d’embryons surnuméraires : nous sommes certes dans le cadre d’un processus d’assistance médicale à la procréation avec une fécondation in vitro et la création d’embryons, mais il n’y a plus de projet parental.
Le couple, dans cette situation, a trois possibilités : soit il donne ses embryons, pour qu’ils soient accueillis par un autre couple – cela arrive, mais c’est peu fréquent –, soit il fait le choix de les détruire, soit il décide de donner ces embryons surnuméraires à la recherche. L’alinéa 19 traite de ces embryons surnuméraires.
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
S’agissant de l’amendement n° 71 rectifié quater, les recherches menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation ne sont autorisées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé que si les conditions sont réunies pour préserver la sécurité et l’intégrité, tant de l’embryon que de la femme.
De fait, tout risque pour l’embryon ne peut, dans l’absolu, être écarté dans le cadre d’un essai clinique, comme c’est le cas pour tout autre essai clinique interventionnel, notamment lorsque l’essai consiste à expérimenter un milieu de préparation de cultures destinées à favoriser la maturation et l’implantation de l’embryon.
Dans ce cas, la recherche sera assortie de toutes les garanties qui s’attachent aux recherches biomédicales et ne sera entreprise qu’avec l’autorisation expresse de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Celle-ci se prononcera notamment au regard du caractère satisfaisant de l’évaluation des bénéfices et des risques attendus.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur l’amendement.
L’amendement n° 130 rectifié bis a le même objet que l’amendement n° 71 rectifié quater. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission spéciale est donc également défavorable à cette proposition.
En ce qui concerne l’amendement n° 72 rectifié ter, il faut savoir que les recherches menées sur l’embryon dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation sont nécessairement considérées comme des recherches interventionnelles, et ce pour deux raisons.
Premièrement, elles impliquent un transfert dans l’utérus de la femme et comportent, donc, à tout le moins, une intervention sur cette dernière.
Par ailleurs, plusieurs recherches autorisées dans ce cadre par l’ANSM ont pu impliquer des interventions sur l’embryon par l’expérimentation de milieux de culture favorisant une meilleure maturation ou une meilleure implantation, mais également des interventions sur la femme au travers de stimulations ovariennes ou hormonales.
Deuxièmement, les recherches non interventionnelles ne font pas l’objet d’une autorisation expresse de l’ANSM. Elles ne sont soumises qu’à un avis conforme d’un comité de protection des personnes (CPP) ou, pour certaines recherches, à une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). L’assimilation des recherches menées sur l’embryon dans le cadre de l’AMP à des recherches non interventionnelles serait donc moins protectrice pour l’embryon concerné.
En outre, l’article 14 du projet de loi précise déjà – c’est important – qu’aucune intervention de nature à modifier le génome des gamètes ou de l’embryon n’est possible dans le cadre de ce type de recherche.
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale demande à son auteur de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
L’amendement n° 187 tend à inscrire l’interdiction de la différenciation de cellules souches embryonnaires ou pluripotentes induites en gamètes dans les dispositions relatives aux recherches menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation.
Or ces recherches ne peuvent en aucun cas donner lieu à ce type d’expérimentation : elles portent uniquement sur des gamètes issus de donneurs tiers ou du couple candidat à l’AMP, ou sur l’embryon constitué dans ce cadre. Ces gamètes ou embryons ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une manipulation génétique, comme, par exemple, une différenciation, ce que l’alinéa 2 précise clairement.
Enfin, je le redis, aucune intervention ayant pour objet de modifier le génome des gamètes ou de l’embryon ne peut être entreprise : la commission spéciale est défavorable à l’amendement.
S’agissant de l’amendement n° 73 rectifié ter, on ne sait pas si la demande concerne la mise en place d’une mission d’information parlementaire ou d’une mission gouvernementale.
S’il est envisagé de créer une mission d’information parlementaire, cela a évidemment trait à l’organisation des travaux d’une assemblée parlementaire ; cela ne relève donc pas du domaine de la loi.
S’il s’agit de mettre en place une mission gouvernementale, qui se conclurait par la remise d’un rapport, le rapport annuel d’activité de l’ANSM semble plus pertinent pour dresser le bilan des recherches menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation. Une audition de l’ANSM sur l’initiative de la commission des affaires sociales du Sénat serait probablement un meilleur moyen de mettre un coup de projecteur sur un tel bilan.
Au reste, les résultats des essais cliniques autorisés par l’ANSM et conduits dans le cadre d’une procédure d’assistance médicale à la procréation sont ou seront disponibles en fonction de l’état d’avancement de la recherche sur le site clinicaltrials.gov.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission spéciale demande à son auteur de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Tout d’abord, je souhaite remercier Mme la rapporteure, qui a très bien exposé les raisons pour lesquelles le Gouvernement est également défavorable à l’ensemble de ces amendements.
J’évoquerai plus particulièrement deux points.
Tout d’abord, il ne faut absolument pas confondre la recherche menée sur des embryons, pour lesquels il n’y a plus de projet parental et qui ont vocation à être détruits, de la recherche menée dans le cadre d’une procréation médicalement assistée, qui est un acte médical ayant pour objet de favoriser la grossesse. Cette distinction est très claire dans la loi, et ces dispositions ne figurent pas du tout aux mêmes alinéas.
S’agissant de l’amendement n° 187, il est très important que nous puissions travailler en parallèle sur les questions d’infertilité.
Or une grande partie des cas d’infertilité est justement liée à la différenciation des gamètes. Il est donc primordial que nous disposions de modèles cellulaires n’impliquant pas de modèles animaux, car ils nous permettront de mieux comprendre la différenciation des gamètes et, donc, potentiellement, de trouver des solutions aux problèmes d’infertilité.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Madame la rapporteure, je n’ai pas vraiment été convaincu par vos explications sur l’amendement n° 129 rectifié bis. Un embryon est un embryon, indépendamment du statut ou du projet parental. C’est pourquoi je maintiendrai cet amendement.
Ensuite, très franchement, je regrette que vous ne soyez pas favorable à l’amendement n° 130 rectifié bis, dans la mesure où son dispositif figurait déjà dans la loi de 2011. Aujourd’hui, vous assumez le choix de retirer ces dispositions, ou de ne pas les rétablir : c’est une indication lourde de conséquences, je tenais à le souligner.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.
M. Guillaume Chevrollier. En ce qui concerne l’amendement n° 71 rectifié quater, Mme le ministre et Mme la rapporteure indiquent que toutes les garanties sont apportées. Certes, mais le sont-elles vraiment sur l’embryon humain lors des essais cliniques ?
J’ai déposé cet amendement, non pour étouffer la recherche, mais pour fixer un cadre, afin que les chercheurs soient plus libres, mieux protégés, et qu’ils connaissent les limites de leurs interventions.
S’agissant de l’amendement n° 72 rectifié ter, la loi en vigueur rend effectivement possibles les recherches interventionnelles et observationnelles sur l’embryon. Mon amendement vise justement à ne permettre que les recherches observationnelles, qui sont dénuées de risques, donc à interdire les recherches interventionnelles qui, elles, sont à risque. Il faut fixer des limites : le régime que je propose est plus protecteur pour l’embryon humain.
Enfin, pour ce qui est de l’amendement n° 73 rectifié ter, je suis tout à fait ouvert à ce que la mission d’information soit mise en place sur l’initiative du Gouvernement et que le Parlement joue son rôle en matière de contrôle. En effet, je considère que ce que la science veut n’est pas forcément souhaitable pour l’homme. C’est au politique d’encadrer et de suivre de telles évolutions.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 129 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 71 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 130 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 72 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 73 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 298, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Les recherches conduites dans le cadre de la prise en charge médicale de personnes ayant recours à une assistance médicale à la procréation sont des essais cliniques et relèvent du régime des recherches impliquant la personne. C’est le droit en vigueur, et il n’est pas modifié par le présent projet de loi.
Ces recherches peuvent être proposées aux personnes souhaitant accéder à une AMP.
C’est pourquoi les termes « recherche impliquant la personne », que l’amendement du Gouvernement vise à rétablir, demeurent les plus appropriés. Ces personnes doivent consentir à leur inclusion dans un protocole de recherche et bénéficient du régime protecteur de la recherche impliquant la personne humaine (RIPH) : avis du comité de protection des personnes, assurance, vigilance, etc.
Supprimer une telle mention pourrait créer une ambiguïté dans le code de la santé publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission spéciale a souhaité mettre un terme à toute confusion, pour une recherche dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation, sur le statut du gamète ou de l’embryon concerné qui, au stade de la recherche, n’ont pas le statut de personne humaine.
L’article L. 1125-3 du code de la santé publique modifié figure dans un chapitre intitulé « Dispositions particulières à certaines recherches », au sein du titre spécifiquement consacré aux « Recherches impliquant la personne ». Je suis d’accord avec vous sur ce point, madame la ministre.
Cependant, la modification apportée par la commission spéciale ne change rien au fait que les recherches conduites dans le cadre d’une AMP sont bien soumises aux règles applicables aux recherches impliquant la personne et impliquant une autorisation de l’ANSM et un CPP.
La commission spéciale émet donc défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 74 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, H. Leroy, Meurant, Bonhomme et Segouin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ces autorisations font l’objet d’une publication au Journal officiel. »
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement vise à prévoir la publication au Journal officiel des autorisations de l’ANSM pour les recherches dans le cadre d’une PMA.
Depuis 2016, c’est le directeur de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé qui est chargé d’autoriser les recherches biomédicales en PMA. Ces recherches, qui portent sur l’embryon humain, ne sont pas publiées au Journal officiel. C’est d’autant plus étonnant que les autorisations de recherche sur l’embryon qui sont, elles, délivrées par l’Agence de la biomédecine, sont publiées au Journal officiel.
Je vous rappelle que les recherches biomédicales menées dans le cadre d’une PMA portent sur l’embryon humain, au même titre que celles qui sont menées dans le cadre de la recherche sur l’embryon. Elles doivent être rendues publiques et être accessibles à tous. Ces recherches touchent à des enjeux très importants pour l’avenir de la société : les Français sont en droit de savoir ce qui se passe dans ce cadre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Tous les protocoles de recherche autorisés par l’ANSM, dont ceux qui portent sur l’embryon dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation, sont déjà publiés sur le site de référence clinicaltrials.gov, qui est d’accès libre.
Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre des règlements européens relatifs aux essais cliniques, un portail européen sera bientôt mis en place pour regrouper toutes les informations et données relatives aux essais autorisés.
Pour ces raisons, l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.
M. Guillaume Chevrollier. J’ai bien entendu Mme la rapporteure évoquer une communication par le biais d’un site officiel. Mais à moins d’être chercheur, on n’en est pas informé… En tout cas, moi, j’ai essayé de le trouver et je n’y suis pas parvenu !
Quant au portail européen, il est à venir. Je pense donc que, sur ces questions, une publication nationale au Journal officiel serait justifiée. Je maintiens donc cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 74 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 180, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Après le mot :
humain
insérer les mots :
ou sur les cellules souches embryonnaires
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Il s’agit de réhabiliter la nécessité, pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires, de prouver, lors du dépôt du protocole par un chercheur, qu’il n’y a pas de solutions de rechange à l’utilisation de ces cellules.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Contrairement à ce que son objet indique, cet amendement va bien au-delà du rétablissement d’un critère d’absence de méthodologies alternatives pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires. Son adoption conduirait, en réalité, à restaurer un régime d’autorisation préalable par l’Agence de la biomédecine pour la mise en œuvre des recherches sur ces mêmes cellules.
Or la principale novation du projet de loi en matière de recherche consiste à acter la différence de nature entre les recherches sur l’embryon et celles sur les cellules souches embryonnaires, qui ne soulèvent pas les mêmes questions éthiques.
En effet, une fois dérivées, les cellules souches embryonnaires n’impliquent plus la destruction de l’embryon et ne sont pas en capacité de former spontanément un nouvel embryon, comme nous l’observions précédemment. Un régime de déclaration préalable pour ces recherches, avec un pouvoir d’opposition que l’Agence de la biomédecine peut exercer dans un délai fixé par voie réglementaire, si elle constate la méconnaissance de certains prérequis et des principes éthiques fondamentaux, apparaît donc plus pertinent.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 179, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
ou à des cellules souches embryonnaires
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Il s’agit de reprendre les dispositions de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique en vigueur, aux termes desquelles cette recherche n’est possible que si « en l’état des connaissances scientifiques, [elle] ne peut être menée sans recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il s’agit en réalité d’un amendement de coordination avec le précédent, que nous venons de rejeter. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 230, présenté par M. Jacques Bigot, Mme Blondin, M. Daudigny, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, MM. Vaugrenard, Kanner et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Alinéas 13, 27 et 39, seconde phrase
Remplacer les mots :
aux articles 16 à 16-8
par les mots :
à l’article 16-4
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Cet amendement a simplement pour objet d’éviter, par des précisions juridiques, la multiplicité de recours pouvant exister, notamment contre les futurs protocoles de recherche acceptés par l’Agence de la biomédecine. En effet, on le sait, certaines associations en introduisent facilement, et ces recours freinent souvent les recherches en France.
Les alinéas 13, 27 et 39 de l’article 14 du projet de loi font référence aux articles 16 à 16-8 du code civil, qui concernent la protection du corps humain.
C’est précisément autour de ces articles que le débat sur le statut de l’embryon s’est toujours articulé. Or il est désormais clair – cela a été dit à plusieurs reprises – que l’embryon ne bénéficie pas du système protecteur instauré par eux, surtout une fois qu’il n’est plus destiné qu’à la recherche.
Nous proposons donc, aux trois alinéas susmentionnés de l’article 14, de faire référence uniquement à l’article 16-4 du code civil qui, lui, n’évoque que l’espèce humaine et interdit, notamment, les pratiques eugéniques. Cet article, contrairement aux autres, peut concerner l’embryon.
Cet amendement tend donc à apporter une protection contre de possibles abus en matière de recours, tels que nous en avons déjà connus. Ces abus, je le rappelle, freinent la recherche.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Au considérant 10 de sa décision relative à la loi de 2013 ayant modifié le régime juridique des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines, le Conseil constitutionnel a rappelé que les principes éthiques applicables à ces recherches découlent des « principes fixés notamment aux articles L. 2151-1 et suivants du code de la santé publique, relatifs à la conception et à la conservation des embryons fécondés in vitro, et aux principes fixés notamment aux articles 16 et suivants du code civil et L. 1211-1 et suivants du code de la santé publique, relatifs au respect du corps humain ».
Les embryons surnuméraires et les cellules souches embryonnaires humaines sur lesquels des recherches peuvent être pratiquées doivent en effet avoir été produits dans un cadre respectueux de la dignité du corps humain, encadré, justement, par les articles 16 à 16-8 du code civil.
Ces articles impliquent non seulement l’interdiction des pratiques eugéniques et du clonage, figurant à l’article 16-4, mais également l’inviolabilité du corps humain – article 16-1 –, le consentement de la personne à toute intervention sur son corps et les éléments qui en sont issus – article 16-3 – et l’impossibilité pour ces éléments de faire l’objet d’un droit patrimonial – article 16-1.
Comme il est nécessaire de conserver la référence à l’ensemble des principes éthiques inscrits dans le code civil, l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Bigot. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 230 est retiré.
L’amendement n° 132 rectifié bis, présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz, Morisset et Brisson, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ, Cuypers, Mayet, Piednoir et Mandelli, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mme Ramond, MM. Regnard, Longuet, Pointereau, Leleux et H. Leroy, Mme Micouleau et MM. Meurant et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
« II. – Une recherche ne peut être menée qu’à partir d’embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l’objet d’un projet parental. Que l’embryon, ou les cellules souches qui en sont dérivées, proviennent de l’étranger ou de France, la recherche ne peut être effectuée qu’avec le consentement écrit préalable du couple, par ailleurs dûment informé des possibilités d’accueil des embryons par un autre couple ou d’arrêt de leur conservation.
« Dans le cas où le couple ou le membre survivant du couple consent à ce que ses embryons surnuméraires fassent l’objet de recherches, il est informé de la nature des recherches projetées afin de lui permettre de donner un consentement libre et éclairé.
« Le consentement écrit et préalable du couple dont les embryons sont issus, ou du membre survivant de ce couple, est joint au protocole de recherche.
« À l’exception des situations mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 2131-4 et au troisième alinéa de l’article L. 2141-3, le consentement doit être confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois. Le consentement des deux membres du couple ou du membre survivant du couple est révocable sans motif tant que les recherches n’ont pas débuté.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Le projet de loi tend à supprimer l’évocation expresse du consentement écrit et préalable du couple géniteur, ainsi que de l’information qui lui revient.
Autrement dit, on supprime l’obligation faite à l’Agence de la biomédecine de vérifier que le couple géniteur a effectivement consenti à ce que son embryon soit donné à la recherche, et qu’il a été dûment informé des autres possibilités s’offrant à lui : arrêt de la conservation ou don à un autre couple. Nous souhaitons revenir sur ce point ; tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’adoption de cet amendement conduirait à mettre en place une information systématique du couple ayant cédé ses embryons à la recherche sur la nature des recherches susceptibles d’y avoir recours.
Or l’article R. 2151-4 du code de la santé publique prévoit déjà qu’« une information sur les différentes catégories de recherches susceptibles d’être mises en œuvre dans le cadre de l’article L. 2151-5 est délivrée ». Ce même article précise également que « le responsable de la recherche doit pouvoir justifier à tout moment au cours de celle-ci du recueil des consentements ».
Il nous semble, par conséquent, que l’amendement est satisfait, et nous demandons son retrait. À défaut, l’avis de la commission spéciale serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Actuellement, les personnes ayant accompli un parcours d’assistance médicale à la procréation sont interrogées, un an après, par le centre d’AMP ou le Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (Cécos) sur leur volonté de poursuivre, ou non, un projet parental avec les embryons conservés à l’issue de la démarche.
Un document d’information et de consentement leur est transmis, indiquant les choix qui leur sont ouverts, et l’Agence de la biomédecine édite un modèle de documents à cet effet. On propose aux personnes de conserver les embryons pour un futur projet parental – dans ce cas, elles seront, chaque année, reconsultées –, de les confier à la recherche ou de demander l’arrêt de leur conservation, c’est-à-dire leur destruction immédiate.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, une nouvelle disposition a été adoptée, permettant aux membres d’un couple de se prononcer de manière anticipée sur la possibilité de proposer des embryons à d’autres personnes ou à la recherche, au cas où l’un d’entre eux viendrait à décéder.
L’amendement est donc satisfait, et l’avis du Gouvernement défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je ne suis pas vraiment certain que cet amendement soit satisfait, et ce malgré les explications données. En effet, il s’agit là d’un consentement écrit… Nous soulevons un problème de forme, pas de fond !
C’est la raison pour laquelle je maintiens l’amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 132 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L’amendement n° 101 rectifié ter est présenté par Mme Deseyne, MM. Retailleau et de Legge, Mmes Ramond et Sittler, MM. Danesi et Schmitz, Mme Bruguière, MM. Paccaud, Morisset et Panunzi, Mmes Lopez et Lavarde, MM. Vaspart et Chevrollier, Mmes Eustache-Brinio, Deroche et Lamure, MM. Mandelli et Gilles, Mme Chauvin, M. Rapin, Mme Micouleau et MM. H. Leroy, Cambon, Bignon et Hugonet.
L’amendement n° 177 est présenté par M. Meurant.
L’amendement n° 248 rectifié bis est présenté par MM. Capus, Guerriau, Decool et Bignon.
L’amendement n° 300 est présenté par le Gouvernement.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 19, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° 101 rectifié ter.
Mme Chantal Deseyne. Cet amendement vise à supprimer l’autorisation qui pourrait être donnée au développement in vitro d’embryons jusqu’au vingt et unième jour suivant leur constitution, dans le cadre de protocoles de recherche.
Le texte initial prévoit déjà un allongement de sept à quatorze jours. Où s’arrêtera-t-on ? En outre, la limitation à quatorze jours fait largement consensus dans la communauté scientifique internationale.
Pour ces raisons, mes chers collègues, je vous propose de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 19.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour présenter l’amendement n° 177.
M. Sébastien Meurant. La limite de quatorze jours correspond à un événement majeur du développement embryonnaire : la gastrulation.
Cet événement aboutit à la mise en place des trois feuillets embryonnaires qui seront à l’origine de l’ensemble des organes : l’ectoderme, à l’origine de la peau et du système nerveux ; le mésoderme, qui formera les muscles ou le squelette ; l’endoderme, à l’origine du tube digestif ou des voies respiratoires. La séparation de ces trois feuillets aboutit à la formation de la ligne primitive, qui donnera plus tard, au dix-neuvième jour, l’ébauche du tube neural et des futures cellules nerveuses.
La limite de quatorze jours est donc regardée comme marquant l’apparition des premières ébauches du système nerveux central.
Au jour 17 du développement embryonnaire commence l’apparition d’îlots sanguins dans la vésicule vitelline et l’ébauche du système cardiaque.
Il est donc essentiel de maintenir cette limite.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° 248 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Decool. Le développement in vitro d’embryons à des fins de recherche doit être soumis au critère du développement des premières cellules nerveuses chez l’embryon. Or, le consensus scientifique s’établit sur une limite de quatorze jours. Il n’est donc pas souhaitable d’outrepasser cette limite.
Tel est l’objet de cet amendement : supprimer l’ajout de la commission spéciale, qui vise à introduire un régime dérogatoire pour des manipulations sur des embryons jusqu’à vingt et un jours, alors que le texte initial prévoit déjà un allongement de cette durée de sept à quatorze jours.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 300.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement du Gouvernement tend également au rétablissement de la durée maximale de culture in vitro des embryons à quatorze jours, dans le cadre des protocoles de recherche.
Cette limitation, présente dans le projet initial du Gouvernement, fait largement consensus au plan international.
Elle a été définie, dès 1984, par le comité d’éthique britannique, dans un rapport qui fait encore référence de nos jours. Elle a été retenue par de nombreux autres États. Comme cela a été particulièrement bien expliqué, elle correspond au stade où apparaissent les premières ébauches du système nerveux et où l’embryon s’individualise réellement : c’est effectivement à partir de ce stade qu’il ne peut plus se scinder pour donner de vrais jumeaux.
Il ne nous semble donc pas souhaitable d’aller au-delà de cette limite de quatorze jours, celle-ci ouvrant déjà la voie à un approfondissement des connaissances dans le domaine de l’embryologie, afin de mieux comprendre les questions relatives au développement des embryons.
Mme la présidente. L’amendement n° 226 rectifié, présenté par MM. Jomier et Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mmes Harribey et Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Alinéa 19, dernière phrase
1° Remplacer les mots :
au stade
par les mots :
aux stades de la segmentation, de la prégastrulation,
2° Compléter cette phrase par les mots :
, de la neurulation ou de la délimitation
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. J’ai déposé cet amendement pour préciser, en rapport avec la position de la commission spéciale, les différents stades auxquels il est intéressant de mener des recherches.
La commission spéciale pose effectivement une limite à vingt et un jours, faisant suite à celle de quatorze jours, qui est très ancienne, puisqu’elle remonte aux années 1980.
À cette époque, d’ailleurs, on ne savait pas cultiver les embryons au-delà de quelques jours. En effet, mes chers collègues, il ne suffit pas de mettre un embryon dans de l’eau salée ou de l’eau sucrée pour lui permettre de se développer ; c’est un peu plus complexe que cela… Ce n’est que depuis relativement peu de temps que nos capacités à rallonger la durée d’étude des embryons se sont accrues.
Le stade de la gastrulation, mentionné dans le texte de la commission spéciale, est celui de la troisième semaine de développement, donc jusqu’à vingt et un jours, et c’est ce stade qui débouchera sur l’élaboration des différents tissus, puis sur l’organogenèse. On reste donc en amont, tout de même, de cette phase : la différenciation des tissus intervient au terme de la gastrulation.
Cet amendement vise à préciser que d’autres stades que celui de la gastrulation présentent un intérêt. La période de segmentation, par exemple, est tout aussi intéressante à étudier.
Cela étant, je le signale tout de suite, ma proposition contient une imprécision ; Mme la rapporteure l’a certainement remarqué : la délimitation survient après la gastrulation.
Du fait de cette imprécision, je ne soumettrai pas l’amendement au vote, mais il me semblait important que l’on évoque bien l’ensemble de ces phases, qui, toutes, sont nécessaires pour produire de la connaissance sur l’embryon.
In fine, je me rallie à la position de la commission spéciale et retire donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 226 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission spéciale sur les amendements identiques ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Nous examinons quatre amendements identiques tendant à supprimer l’apport de la commission spéciale en matière de prolongation des recherches sur l’embryon.
Il faut préciser que nous parlons de recherches menées dans un cadre bien précis : il s’agit d’embryons surnuméraires obtenus par fécondation in vitro dans le cadre d’un processus d’AMP ; le couple n’a plus de projet parental et il décide, plutôt que de faire détruire ses embryons, de les confier à la recherche, ce qui est aussi respectable.
Effectivement, il existe un consensus international sur le délai de quatorze jours. On le voit, les Anglais étaient très en avance, puisque, vous l’avez rappelé, madame la ministre, voilà trente-six ans qu’ils l’ont établi !
Une meilleure compréhension des étapes du développement embryonnaire entre le quatorzième et le vingt et unième jour, qui concernent effectivement la période dite de gastrulation, présente un intérêt scientifique majeur. Les scientifiques insistent sur l’importance d’étudier ces mécanismes de développement chez l’embryon humain, afin de mieux appréhender le contrôle de la différenciation des cellules souches embryonnaires humaines et pluripotentes induites, ainsi que les retombées médicales potentiellement associées.
Ces mêmes scientifiques ont mis en avant le fait que cette troisième semaine, c’est-à-dire la phase de gastrulation, est une période critique, au cours de laquelle environ 20 % des grossesses s’arrêtent spontanément à la suite d’une anomalie du développement embryonnaire. Comprendre les causes de ces anomalies du développement embryonnaire et apprendre à les prévenir constitue donc un enjeu important. D’où la nécessité, pour la commission spéciale, de permettre aux scientifiques de se pencher sur le sujet.
Le délai de quatorze jours – nous l’avons dit, ainsi que Mme la ministre – est aujourd’hui réinterrogé par la communauté scientifique, et plusieurs pays envisagent de l’étendre. Ce n’est pas pour autant qu’il faut le faire, bien entendu, mais j’insiste sur le fait que le délai de vingt et un jours proposé a vocation à rester exceptionnel. C’est une mesure dérogatoire ; tous les protocoles ne nécessitant pas d’aller au-delà de la limite des quatorze jours resteront soumis au délai de droit commun.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 101 rectifié ter, 177, 248 rectifié bis et 300.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 83 :
Nombre de votants | 309 |
Nombre de suffrages exprimés | 273 |
Pour l’adoption | 134 |
Contre | 139 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 178, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Le produit d’obtention de l’agrégation de cellules souches embryonnaires avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires sur lesquels une recherche a été conduite ne peut être transféré à des fins de gestation. Il est mis fin à leur développement au plus tard au septième jour après leur constitution.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Dès lors que les cellules souches embryonnaires sont issues d’un embryon humain, dès lors que leur agrégation avec des tissus extra-embryonnaires vise à recréer les fonctionnalités embryonnaires, il convient d’appliquer le même régime commun de sept jours pour la durée de conservation.
Mme la présidente. L’amendement n° 186, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéas 24 à 26
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Les cellules souches embryonnaires sont toujours issues d’un embryon. Modifier les prérequis pour une partie de l’embryon annule la portée de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique.
Le nouvel article L. 2151-6 du même code, tel que proposé dans cet article 14 du projet de loi, opère une distinction entre l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Selon la logique retenue, les recherches sur l’embryon resteraient conditionnées à une autorisation, tandis que celles sur les cellules souches seraient soumises à une simple déclaration.
Dès lors, les prérequis demandés pour la recherche sur l’embryon ne s’appliqueraient plus à la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Il ne serait plus nécessaire que la pertinence scientifique de la recherche soit établie. La recherche, fondamentale ou appliquée, s’inscrirait dans une finalité médicale car, en l’état des connaissances scientifiques, elle ne pourrait être menée sans recourir à ces embryons.
Mme la présidente. L’amendement n° 78 rectifié quater, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, Meurant, H. Leroy, Segouin et Mayet, est ainsi libellé :
Alinéas 25 et 26
Rédiger ainsi ces alinéas :
« 1° De lignées de cellules souches établies et existantes sur le territoire français avant la promulgation de la loi n° … du … relative à la bioéthique ;
« 2° De lignées de cellules souches établies et existantes à l’étranger, dans le respect des principes éthiques 16 à 16-8 du code civil, et ayant fait l’objet d’une autorisation d’importation.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement tend à cantonner le régime de recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines aux lignées déjà existantes.
Un des problèmes éthiques de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines réside dans la destruction de l’embryon humain dont elles sont extraites. Ce problème éthique peut être résolu en partie par la possibilité de rechercher exclusivement sur les lignées de cellules souches déjà existantes.
Mme la présidente. L’amendement n° 136 rectifié bis, présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz et Morisset, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Mayet, Piednoir, Mandelli, Bascher et B. Fournier, Mme Ramond, MM. Regnard, Longuet, Leleux et H. Leroy, Mme Micouleau et MM. Meurant et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Le produit d’obtention de l’agrégation de cellules souches embryonnaires avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires sur lesquels une recherche a été conduite ne peut être transféré à des fins de gestation. Il est mis fin à leur développement au plus tard au septième jour après leur constitution.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Dès lors que les cellules souches embryonnaires sont issues d’un embryon humain, il convient d’appliquer le même régime commun de sept jours pour la durée de conservation.
Mme la présidente. L’amendement n° 79 rectifié quater, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, Bonhomme, Meurant, H. Leroy, Segouin et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La liste des lignées de cellules souches embryonnaires humaines dérivées en France ou susceptibles d’être importées, existantes au jour de la promulgation de la loi n° … du … relative à la bioéthique, et sur lesquelles des recherches peuvent être menées en France, dans le respect des principes éthiques des articles 16 à 16-8 du code civil, est établie par arrêté du ministre de la recherche.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement vise à établir, par décret du ministère de la recherche, une liste des lignées existantes, françaises ou étrangères, sur lesquelles une recherche peut être menée.
La recherche sur des cellules souches embryonnaires humaines peut se concentrer exclusivement sur les lignées existantes et déjà établies en France ou à l’étranger. Cela permet de résoudre le conflit éthique associé à la dérivation de nouvelles lignées, qui implique la destruction d’embryons humains.
Les lignées de cellules souches embryonnaires humaines sur lesquelles les chercheurs travaillent dans le monde et en France sont connues. Elles peuvent donc faire l’objet d’une liste, qui permettra de limiter ces recherches aux seules lignées déjà existantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. S’agissant de l’amendement n° 178, l’agrégation de cellules souches embryonnaires à des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires conduit à la constitution de modèles embryonnaires à usage scientifique susceptibles de mimer certaines phases du développement embryonnaire. Ces modèles ne constituent pas des embryons, puisque ces derniers sont le résultat de la fécondation de deux gamètes.
Dans la mesure où les modèles embryonnaires peuvent mimer certaines fonctionnalités embryonnaires, ils feront précisément l’objet d’une vigilance particulière de la part de l’Agence de la biomédecine : celle-ci pourra en effet s’opposer à tout protocole de ce type qui violerait les principes éthiques fondamentaux, avec, systématiquement, un avis public de son conseil d’orientation.
La commission spéciale demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
L’adoption de l’amendement n° 186 aurait pour effet de supprimer l’obligation, pour les cellules souches embryonnaires faisant l’objet de recherches, d’avoir été dérivées dans le cadre d’un protocole de recherche autorisé par l’Agence de la biomédecine ou d’avoir été importées dans le cadre d’une autorisation d’importation également délivrée par l’Agence de la biomédecine.
Or ces autorisations permettent précisément de garantir que les cellules souches embryonnaires utilisées ont été dérivées dans des conditions respectueuses de nos principes éthiques.
Supprimer cette obligation reviendrait à permettre des recherches à partir de cellules souches embryonnaires ne présentant pas ces garanties éthiques.
La commission spéciale demande donc également le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 78 rectifié quater. Le fait de limiter les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines aux seules lignées déjà existantes aurait pour effet de restreindre considérablement les potentialités de telles recherches.
En effet, cela conduirait à exclure la possibilité de mener des recherches sur des lignées de cellules souches embryonnaires nouvellement dérivées, à partir d’embryons présentant des caractéristiques jusqu’ici inconnues, comme, par exemple, une anomalie génétique tout juste identifiée.
Pour ces raisons, de nouveau, l’avis de la commission spéciale sera défavorable si l’amendement n’est pas retiré.
Il en va de même pour l’amendement n° 136 rectifié bis, qui vise un objectif similaire.
Enfin, s’agissant de l’amendement n° 79 rectifié quater, toutes les lignées de cellules souches embryonnaires humaines disponibles en Europe, donc en France, sont répertoriées dans le registre européen des cellules souches pluripotentes humaines, accessible à tous. Il n’y a donc pas lieu d’acter par décret l’existence de ces lignées.
La commission spéciale émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.
M. Guillaume Chevrollier. Selon vous, madame la rapporteure, l’adoption de l’amendement n° 78 rectifié quater limiterait les potentialités de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.
Pourtant, les recherches autorisées par l’Agence de la biomédecine sont réalisées sur des cellules souches embryonnaires humaines dérivées voilà plusieurs années.
Ainsi, Mme Cécile Martinat, chercheur sur les cellules souches embryonnaires et présidente de la Société française de recherche sur les cellules souches, soutenait lors de son audition devant notre commission spéciale :
« Cela fait bien longtemps que l’on n’a pas dérivé de cellules souches embryonnaires humaines. Cela fait un peu plus de 15 ans que je travaille sur ces cellules. Je n’ai jamais détruit un embryon. J’utilise des lignées qui ont été dérivées voilà maintenant 20 ans. L’Allemagne, elle, cantonne sa recherche sur l’embryon aux lignées de cellules souches embryonnaires humaines importées ; elle n’est pas pour autant en retard dans ce domaine de recherche. »
Il semble donc opportun de faire de la recherche exclusivement sur les lignées de cellules souches déjà existantes. Je maintiendrai donc cet amendement.
Par ailleurs, vous estimez que l’amendement n° 79 rectifié quater est satisfait.
Peut-on avoir plus d’informations sur le décret que vous évoquez ? Par cohérence, celui-ci devrait au minimum prévoir des lignées de cellules souches en provenance de pays signataires de la convention d’Oviedo, qui protège l’embryon, donc de pays ayant les mêmes références éthiques que la France.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 78 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 136 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 79 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 76 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Morisset, Regnard, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, Meurant, H. Leroy, Reichardt et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’expérimentation de l’utérus artificiel est interdite.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement a pour objet l’utérus artificiel, qui, mes chers collègues, n’est pas de la science-fiction ! Nul ne doute que les scientifiques mettront au point cette technique, qui permettra d’externaliser complètement la grossesse du corps de la femme.
L’utérus artificiel est d’ailleurs aujourd’hui techniquement possible et, à l’étranger, son expérimentation est en cours. C’est notamment le cas aux États-Unis, en Angleterre et en Israël, où des chercheurs ont déjà réussi à modéliser une paroi utérine humaine. Le fait, en parallèle, que la France repousse la limite de conservation des embryons humains jusqu’à vingt et un jours ne peut que rendre plus utile l’interdit de l’utérus artificiel, pour éviter toute tentation de conserver plus longtemps l’embryon humain.
Comme le rappelait le médecin et philosophe Henri Atlan, qui a étudié cette technique en France, « sans doute cette technique aura-t-elle d’abord des fonctions thérapeutiques, remplaçant les incubateurs actuels pour maintenir en vie les grands prématurés. Mais personne n’est dupe. […] Comme les inséminations artificielles et les fécondations in vitro, les utérus artificiels seront utilisés pour des “désirs d’enfant” que la procréation naturelle, non médicalisée, ne permet pas de satisfaire. »
Bien que cette problématique ne figure pas dans le projet de loi, il semble important d’inscrire explicitement l’interdiction de l’expérimentation de l’utérus artificiel, afin de s’assurer que cette ligne rouge n’est pas franchie. Et avant qu’il ne soit trop tard !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cette interdiction de l’expérimentation de l’utérus artificiel ne me paraît pas appropriée à cet endroit du texte, car l’alinéa 19 prévoit déjà explicitement que les embryons surnuméraires ayant fait l’objet d’une recherche ne peuvent être transférés à des fins de gestation. Ils ne pourront donc pas, a fortiori, être transférés dans un utérus artificiel.
Par ailleurs, je rappelle que, lorsque des recherches sont menées sur un embryon dans le cadre d’une procédure d’assistance médicale à la procréation, elles relèvent des recherches biomédicales et ont pour objectif un transfert de l’embryon chez la femme.
Ces embryons ne peuvent donc pas faire l’objet d’un transfert dans un utérus artificiel. Lorsque des recherches sont menées sur des embryons surnuméraires, le transfert à des fins de gestation est, lui, interdit. L’interdiction de l’expérimentation de l’utérus artificiel à des fins de gestation humaine n’est donc pas nécessaire à ce stade.
En conséquence, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement vise à interdire une technique qui n’en est, au mieux, qu’à un stade très préliminaire. Peut-être considérer qu’une couche de cellules ressemble à un utérus ?
Le terme d’« utérus artificiel » recouvre aujourd’hui les couveuses que l’on utilise pour maintenir en vie les très grands prématurés. Aucun utérus artificiel proprement dit n’est fabriqué à l’heure actuelle, et les travaux de recherches auxquels vous faites allusion ne constituent qu’une couche cellulaire incapable d’accueillir un embryon.
Par ailleurs, cela a été rappelé, le Gouvernement a souhaité, même s’il respecte la volonté du Sénat de porter les expérimentations sur embryons à vingt et un jours, cesser l’observation des embryons à quatorze jours. Il n’envisage donc en aucun cas l’implantation des embryons dans quelque utérus que ce soit ; il y est même profondément hostile.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 76 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 215 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La recherche sur les causes de l’infertilité est encouragée, notamment en ce qui concerne les effets des perturbateurs endocriniens ou des ondes électromagnétiques. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’alinéa qu’a adopté l’Assemblée nationale, selon lequel « La recherche peut porter sur les causes de l’infertilité. », a été supprimé en commission spéciale.
Nous le déplorons, et souhaitons, sinon ouvrir la possibilité pour la recherche de se pencher sur ce sujet, du moins l’encourager, notamment en ce qui concerne les conséquences des perturbateurs endocriniens et des ondes électromagnétiques sur l’infertilité. En effet, ne serait-il pas plus logique de réfléchir à l’infertilité en la traitant par ses causes et non par ses conséquences ?
Or rien n’est fait en ce sens, aucune recherche n’est réalisée sur les facteurs environnementaux – pesticides, pollution, perturbateurs endocriniens – ou sur le mode de vie – tabagisme, sédentarité, etc. Aucune mention d’une quelconque campagne d’information et de prévention n’apparaît dans le texte. Une prise de conscience serait salutaire pour renforcer la recherche médicale sur ce problème de santé publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. En l’état actuel de la législation, rien n’interdit de mener sur les embryons des recherches portant sur les causes de l’infertilité. À ce jour, sur les 23 protocoles de recherche sur l’embryon qui ont été autorisés par l’Agence de la biomédecine, 9 concernent l’étude du développement embryonnaire préimplantatoire, avec un lien direct sur sa qualité ou la capacité d’implantation de l’embryon.
Par ailleurs, l’Agence de la biomédecine autorise les protocoles de recherche sur la base de critères objectifs, notamment au regard de leur pertinence scientifique ; en revanche, elle n’a pas vocation à les hiérarchiser selon leur objet. Elle n’a, de toute façon, aucun moyen d’encourager un type de recherche par rapport à un autre. Rendre prioritaires certaines recherches par rapport à d’autres serait contraire au principe de liberté de la recherche.
Par conséquent, la commission spéciale sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Madame la sénatrice, par cette proposition, vous souhaitez appeler l’attention sur la nécessité de mener des recherches sur les causes de l’infertilité, ce qui ne peut qu’être approuvé. Toutefois, les textes en vigueur permettent déjà ce type de recherches, dès lors qu’elles satisfont au cadre éthique lui-même en vigueur.
Le Gouvernement émet donc un avis de sagesse sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. J’apporte mon soutien à l’amendement n° 215 rectifié.
En parallèle à nos débats, qui ont porté tant sur l’extension de la PMA que, à l’instant, sur les recherches sur l’embryon, il me paraît nécessaire de considérer plus en détail les raisons qui amènent à constater une hausse des situations infertilité.
Les motifs évoqués ici, à savoir l’influence des perturbateurs endocriniens ou les ondes électromagnétiques sur le développement embryonnaire, suscitent de nombreuses inquiétudes au sein de la population. En Loire-Atlantique, où je suis élue, sont survenus des cas d’anomalie congénitale, avec la naissance de bébés sans bras. Dans le même département, on a assisté à une recrudescence des cas de cancers pédiatriques dont la prévalence très localisée est inexpliquée.
De manière plus générale, la recherche scientifique publique ne parvient pas à lever les doutes de la population. Certains facteurs sont étudiés isolément et sans que soient établies de causalités. Les familles concernées souhaitent que la puissance sanitaire publique approfondisse ses investigations en s’intéressant à l’effet cocktail ou multifactoriel, par exemple.
Dans ce flou, les boucs émissaires sont vite trouvés – les entreprises industrielles qui utilisent des pesticides, etc. –, sans que de vraies preuves soient apportées. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation nébuleuse. Les élus des communes concernées sont aussi désemparés.
Nous devons être attentifs aux attentes de la population. Il est du devoir de l’autorité sanitaire publique d’y répondre, faute de quoi la tentation sera grande, pour les proches des malades ou les parents des bébés, de confier à des laboratoires privés étrangers la charge de faire la lumière sur la survenue de ces pathologies, au risque de confier au marché le diagnostic sanitaire de notre population.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je voterai cet amendement. Il est en effet grand temps de se pencher sur cette problématique bien réelle : des médecins nous alertent déjà sur la baisse drastique – le mot n’est pas trop fort – de la fertilité sur certains de nos territoires.
Si l’on s’en tient à la qualité des spermatozoïdes, celle-ci a été divisée par deux depuis les années 1950, en moyenne, sur le territoire national, et ce n’est pas tout : des études alarmantes ont conclu, notamment en Occitanie et plus particulièrement à Toulouse, que la qualité des spermatozoïdes a été divisée par trois chez les hommes trentenaires.
Il faut regarder le problème en face et ne pas se contenter de permettre des recherches sur l’infertilité. Nous devons chercher à savoir ce qui se passe réellement.
Mme la présidente. Madame Cohen, l’amendement n° 215 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Je comprends les remarques de Mme la rapporteure, car il est impossible de dresser dans la loi une liste exhaustive des facteurs aggravants. Mais, comme l’ont développé mes collègues, ce sujet est extrêmement important et mérite toute l’attention des pouvoirs publics.
L’avis de sagesse de Mme la ministre nous conforte dans notre position : je maintiens donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 151 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Morisset, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Vaspart et Brisson, Mmes Lanfranchi Dorgal, Ramond et Bories et M. Bonhomme, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 23
Après le mot :
embryonnaires
insérer les mots :
, en dehors de ceux impliquant l’insertion de cellules souches embryonnaires humaines à un embryon animal dans le but d’un transfert chez la femelle,
II. – Après l’alinéa 30
Insérer onze alinéas ainsi rédigés :
« V. – L’insertion de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal, en cas de projet de transfert chez la femelle, ne peut être entreprise sans autorisation. Un tel protocole de recherche ne peut être autorisé que si :
« 1° Il est mis fin à la gestation dans un délai approuvé par l’agence de biomédecine ;
« 2° La contribution des cellules d’origine humaines au développement de l’embryon ne peut dépasser un seuil approuvé par l’agence de biomédecine ;
« 3° La pertinence scientifique de la recherche est établie ;
« 4° La recherche, fondamentale ou appliquée, s’inscrit dans une finalité médicale ou vise à améliorer la connaissance de la biologie humaine ;
« 5° En l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée, avec une pertinence scientifique comparable, sans recourir à des expérimentations de ce type ;
« 6° Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil, les principes éthiques énoncés au présent titre et ceux énoncés au titre Ier du livre II de la première partie du présent code.
« VI. – Les protocoles de recherche sont autorisés par l’Agence de la biomédecine après que celle-ci a vérifié que les conditions posées au V du présent article sont satisfaites. La décision de l’agence, assortie de l’avis de son conseil d’orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche, qui peuvent conjointement, dans un délai d’un mois, demander un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision :
« 1° En cas de doute sur le respect des principes mentionnés au 6° du même V ou sur la pertinence scientifique d’un protocole autorisé. L’agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours, durant lequel l’autorisation est suspendue. En cas de confirmation de la décision, la validation du protocole est réputée acquise ;
« 2° Dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, lorsque le protocole a été refusé. L’agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours. En cas de confirmation de la décision, le refus du protocole est réputé acquis.
« En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l’autorisation, l’agence suspend l’autorisation de la recherche ou la retire. L’agence diligente des inspections comprenant un ou plusieurs experts n’ayant aucun lien avec l’équipe de recherche, dans les conditions fixées à l’article L. 1418-2. » ;
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Dès lors qu’un embryon humain porteur même d’une seule cellule animale est interdit – c’est une bonne chose –, il est important de contrôler que l’adjonction de cellules humaines dans un embryon animal, par le biais des procédures autorisées par l’article 17, qui a maintenant disparu, ne conduise pas à des organismes, même embryonnaires ou fœtaux, dont le statut d’espèce serait indéfini.
Le Comité consultatif national d’éthique précise en outre, dans son avis 129, que de telles expérimentations pourraient « faire l’objet d’une évaluation et d’un encadrement par une instance ad hoc […], a fortiori si ces embryons sont transférés dans l’utérus d’un animal […] ».
Dans cet esprit, le présent amendement a pour objet de soumettre à un encadrement plus strict les expérimentations, dès lors qu’un transfert chez la femelle d’un embryon chimérique est envisagé, en mettant en place un régime propre d’autorisation, subordonnée à la fois aux dispositions introduites par la commission spéciale au nouvel article L. 2151-7 du code de la santé publique et aux mesures d’autorisation prévues pour les protocoles de recherche sur l’embryon humain.
Dans la mesure où l’Agence de la biomédecine sera chargée de définir les délais de gestation autorisée et les seuils des pourcentages de cellules humaines dans l’embryon chimérique qu’impliquent les nouvelles conditions requises au V des articles L. 2151-6 et L. 2151-7 du code de la santé publique, et que cette agence est l’autorité compétente pour traiter les demandes d’autorisation, cet amendement vise à donner toute sa cohérence à un régime d’autorisation en lieu et place d’un régime de déclaration dans ces cas, afin de donner des garanties plus importantes, sous la réserve bien entendu que la disparition de l’article 17 n’affecte pas la pertinence de cette décision.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 56 rectifié est présenté par MM. Reichardt et Danesi, Mme Eustache-Brinio, MM. Kennel et Morisset, Mmes Troendlé et Sittler, M. L. Hervé, Mme Férat, M. Piednoir, Mme Noël et MM. Duplomb et H. Leroy.
L’amendement n° 131 rectifié ter est présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz, de Nicolaÿ et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, M. Mayet, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mme Ramond, MM. Regnard, Longuet, Pointereau, Leleux et Rapin, Mme Micouleau et MM. Meurant et Segouin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 23
Remplacer les mots :
déclaration auprès de
par les mots :
autorisation par
La parole est à M. René Danesi, pour présenter l’amendement n° 56 rectifié.
M. René Danesi. Depuis la loi du 6 août 2013, qui a autorisé sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, ces deux types de recherche obéissent à un régime commun d’autorisation par l’Agence de la biomédecine.
C’est au regard des garanties effectives apportées par ces autorisations que le Conseil constitutionnel a notamment jugé, dans sa décision du 1er août 2013, que les dispositions de ce régime « ne méconnaissent pas le principe de sauvegarde de la dignité de la personne ».
Or l’article 14 dissocie les régimes applicables respectivement à la recherche sur l’embryon et à celle sur les cellules souches embryonnaires humaines. En substituant un régime de déclaration à un régime d’autorisation, cet article crée un régime de recherche, sur les cellules souches embryonnaires humaines, qui soit distinct du régime de recherche sur l’embryon humain.
Vouloir sortir les cellules souches embryonnaires humaines du régime légal de la recherche sur l’embryon pour ne les soumettre qu’à une simple déclaration est une proposition qui ne tient pas compte de la réalité ontologique de l’embryon humain. Cela place également les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines hors de contrôle, en les livrant à l’industrialisation.
Au regard de l’atteinte portée à l’embryon humain et des enjeux de ce type de recherche, il apparaît nécessaire que l’Agence de la biomédecine, garante des principes éthiques des activités médicales et de recherche, instruise en amont les protocoles de recherche portant sur les cellules souches embryonnaires humaines et autorise expressément leur mise en œuvre.
Le présent amendement tend donc à maintenir le régime commun, qui repose sur une autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine, tel qu’il est actuellement applicable aux deux types de recherche, sur l’embryon, d’une part, et sur les cellules souches embryonnaires humaines, d’autre part.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° 131 rectifié ter.
M. Dominique de Legge. Nous souhaitions maintenir le principe que les recherches ne peuvent porter atteinte à l’embryon.
Or cette disposition, qui figurait antérieurement dans la loi, n’a pas été retenue. Dans la même logique, il est maintenant question de remplacer la demande d’autorisation par une simple déclaration…
Il nous paraît important, à défaut de réaffirmer le principe au début de cet article comme nous le souhaitions, selon lequel l’Agence de l’État peut apprécier non seulement la pertinence de la recherche, mais aussi sa mise en œuvre éthique, c’est-à-dire conformément à la loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 266 rectifié, présenté par MM. Amiel et Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, M. Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Patriat, Hassani, Marchand, Cazeau, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Lévrier, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les protocoles de recherche conduits sur des cellules souches embryonnaires ont pour objet leur insertion dans un embryon animal, ils sont soumis à autorisation auprès de l’Agence de la biomédecine. Ces protocoles de recherche respectent les conditions de mise en œuvre énoncées à l’article L. 2151-5 du présent code.
La parole est à M. Michel Amiel.
M. Michel Amiel. Je retire cet amendement, madame la présidente, au profit de l’amendement n° 299 du Gouvernement, qui sera examiné par la suite.
Mme la présidente. L’amendement n° 266 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Deux sujets sont abordés dans cette discussion commune : d’une part, la constitution des embryons chimériques par introduction de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal ; d’autre part, le rétablissement d’un régime d’autorisation préalable pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires, en lieu et place du régime de déclaration prévu par le projet de loi.
S’agissant de l’amendement n° 151 rectifié, la suppression de l’article 17 revient à supprimer la création d’embryons chimériques, soit par l’introduction de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal, soit par l’introduction de cellules souches pluripotentes induites dans un embryon animal. Par cohérence avec le vote sur l’article 17, j’émets un avis défavorable.
Concernant les amendements identiques nos 56 rectifié et 131 rectifié ter, la mise en place d’un régime de déclaration préalable des recherches sur les cellules souches embryonnaires permet effectivement d’acter la différence de nature entre ces dernières et l’embryon.
J’ai eu l’occasion de le rappeler plusieurs fois, une fois dérivées, les lignées de cellules souches embryonnaires ne sont pas capables de constituer spontanément un embryon. Les recherches portant sur ces cellules ne soulèvent donc pas les mêmes enjeux éthiques que l’intervention sur l’embryon.
Le régime d’autorisation des recherches sur l’embryon se justifie en grande partie par le fait qu’elles impliquent à un moment sa destruction. Toute dérivation d’une lignée de cellules souches embryonnaires, bien qu’elle implique la destruction de l’embryon, reste cependant bien soumise, cela a aussi été dit précédemment, à un régime d’autorisation, puisqu’il s’agit d’une opération conduite sur un embryon.
Pour toutes ces raisons, à défaut d’un retrait, la commission spéciale émettra un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je partage l’avis de Mme la rapporteure, et je vais en préciser les raisons pour que les choses soient bien claires.
La déclaration qui est faite à l’ABM permet à cette dernière de s’opposer éventuellement au protocole. Il ne s’agit pas d’une simple déclaration qui n’entraîne aucun contrôle. Simplement, par rapport à l’autorisation, la procédure est accélérée et moins lourde en termes de démarches administratives.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 rectifié et 131 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 80 rectifié quater, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, Meurant, H. Leroy, Segouin et Mayet, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Après les mots :
n’est pas établie,
insérer les mots :
si, en l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines,
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement vise à réintégrer la condition de l’absence d’alternative pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Supprimer cette condition revient à dire que l’on ne vise pas un objectif qui peut être atteint autrement et que la finalité est l’utilisation de ces cellules.
Enfin, il est acté de façon consensuelle aujourd’hui que la recherche de l’industrie pharmaceutique, notamment, peut être menée sans recourir aux cellules souches embryonnaires humaines. Puisque des solutions de rechange à ces cellules souches existent, il faut les privilégier.
Mme la présidente. L’amendement n° 181 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Le maintien du prérequis de l’absence de méthodologie alternative n’est pertinent que pour les recherches sur l’embryon, et non pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines. En effet, celles-ci ne présentent plus les mêmes propriétés qu’un embryon, puisqu’elles n’ont pas la capacité de former spontanément un nouvel embryon.
En outre, ce prérequis a eu jusqu’ici pour effet de fragiliser les protocoles de recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, puisqu’il laissait entendre que le recours aux cellules pluripotentes induites pouvait constituer une solution de rechange pertinente.
Or l’on sait désormais que, si elles sont proches, les cellules souches embryonnaires et les cellules iPS n’ont pas exactement les mêmes propriétés, les cellules iPS résultant d’une reprogrammation de cellules adultes avec de possibles altérations.
Pour ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 80 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 299, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 28
1° Remplacer le mot :
ou
par le signe :
,
2° Après le mot :
extra-embryonnaires
insérer les mots :
ou leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Dans la mesure où cet amendement visait à mettre le texte en cohérence avec l’article 17, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 299 est retiré.
L’amendement n° 82, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Remplacer les mots :
l’opposition formulée en application du premier alinéa du présent III
par les mots :
l’autorisation délivrée en application de l’article L. 2151-5
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Le texte initial vise à soustraire au contrôle de l’Agence de la biomédecine les recherches visant à différencier les cellules souches embryonnaires en gamètes.
L’Agence se voit ainsi privée de son pouvoir de décision et de contrôle, qui est si important au vu des enjeux. Cet amendement vise donc à le rétablir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Outre que ses dispositions présentent une incohérence, cet amendement vise à soumettre des recherches sensibles sur les cellules souches embryonnaires à une procédure d’autorisation préalable. Pour ce faire, il tend à renvoyer au régime d’autorisation applicable aux recherches sur l’embryon.
Or les recherches sur l’embryon et celles qui portent sur les cellules souches embryonnaires font l’objet de régimes distincts, inscrits désormais par le projet de loi à deux articles différents du code de la santé publique. Il ne suffit donc pas de faire référence au régime applicable à l’embryon pour le rendre applicable aux cellules souches embryonnaires.
Par ailleurs, l’article 14 prévoit précisément une procédure de vigilance particulière de la part de l’Agence de la biomédecine, pour des recherches sur les cellules souches embryonnaires qui sont aussi sensibles que peuvent l’être celles qui concernent la différenciation en gamètes ou la constitution de modèles embryonnaires.
L’Agence peut en effet s’opposer à ces protocoles si elle estime qu’ils violent les principes éthiques fondamentaux, et, dans ce cas, la décision d’opposition sera systématiquement précédée d’un avis public de son conseil d’orientation.
Je rappelle que la recherche sur les cellules souches embryonnaires n’est possible à partir d’embryons qu’après une autorisation par l’Agence de la biomédecine du protocole de recherches sur l’embryon. Quant aux recherches sur des cellules souches embryonnaires qui ont été importées, il faut aussi une autorisation d’importation de l’ABM.
Pour ces raisons, l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 135 rectifié quater est présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz et Morisset, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Mayet, Piednoir et Mandelli, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mme Ramond, MM. Regnard, Longuet, Leleux et H. Leroy, Mme Micouleau et M. Segouin.
L’amendement n° 182 est présenté par M. Meurant.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 28
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les gamètes ainsi créés ne peuvent en aucune façon servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou obtenu par don, pour constituer un embryon.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° 135 rectifié quater.
M. Dominique de Legge. Par cet amendement, nous souhaitons préciser que, en aucune façon, les gamètes dérivés de cellules souches pluripotentes induites ne peuvent être fécondés pour concevoir un embryon.
Mme la présidente. L’amendement n° 182 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’amendement n° 135 rectifié quater vise à préciser que les gamètes obtenus par différenciation de cellules souches embryonnaires ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une fécondation pour constituer un embryon.
La commission spéciale a d’ores et déjà précisé que la création d’embryons par fusion de gamètes, quelle que soit l’origine de ces derniers, est interdite. Bien qu’elle soit redondante a priori, la précision apportée par l’amendement peut néanmoins permettre d’insister sur l’interdiction absolue de constituer des embryons à des fins de recherche.
C’est la raison pour laquelle la commission spéciale émet un avis favorable. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. L’interdiction de la conception in vitro à des fins de recherche est inscrite dans la loi depuis 2004. Elle figure donc déjà parmi les grands principes éthiques qui guident nos réflexions et n’a pas été modifiée.
Cela s’applique bien évidemment aux recherches sur les cellules souches embryonnaires comme aux recherches sur les cellules souches pluripotentes induites.
Votre demande est donc satisfaite, monsieur le sénateur. C’est la raison pour laquelle je vous demande de le retirer ; à défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur de Legge, l’amendement n° 135 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Dominique de Legge. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 317, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 31
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 77 rectifié quater, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Regnard, Mme Deroche et MM. Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, Meurant, H. Leroy, Segouin et Mayet, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
5° Après le premier alinéa de l’article L. 2151-8, tel qu’il résulte du 2° du présent III, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’importation de cellules souches embryonnaires ne peut être autorisée que lorsque ces cellules souches ont été obtenues dans un pays signataire de la convention d’Oviedo. » ;
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement tend à prévoir que l’importation de cellules souches embryonnaires humaines ne peut être autorisée que lorsque ces cellules souches ont été obtenues dans un pays signataire de la convention d’Oviedo.
Il est en effet étonnant que de nombreuses autorisations d’importation délivrées par l’Agence de la biomédecine portent sur des lignées de cellules souches provenant des États-Unis, d’Israël, d’Angleterre, autant de pays qui ont refusé de signer la convention d’Oviedo, dont l’article 18 a pour objet, je le rappelle, de protéger l’embryon. Ces pays sont dotés d’une législation moins protectrice de l’embryon que la France.
Pour éviter un contournement de la loi française ou internationale qui constituerait une fraude à la loi, la France doit autoriser des importations de lignées en provenance de pays qui ont les mêmes exigences qu’elle, et non de pays moins-disants éthiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’amendement tend à restreindre l’importation de cellules souches embryonnaires humaines aux seules lignées provenant de pays signataires de la convention d’Oviedo.
Néanmoins, le code de la santé publique prévoit déjà que l’importation de ces cellules souches ne peut être autorisée par l’Agence de la biomédecine que si elles ont été obtenues dans le respect des principes éthiques fondamentaux prévus par notre législation, principes qui découlent précisément de la convention d’Oviedo.
Que des lignées soient importées de pays n’ayant pas signé ou ratifié la convention d’Oviedo n’implique pas en effet nécessairement que ces lignées aient été produites en méconnaissance des principes éthiques posés par cette convention.
Chaque fois qu’elle autorise une importation de cellules souches embryonnaires, l’Agence de la biomédecine vérifie que ces cellules ont bien été obtenues dans le respect des principes éthiques. À titre d’information, dans son rapport d’activité publié en 2019 et concernant l’année 2018, une seule autorisation d’importation de cellules souches embryonnaires a été délivrée par l’Agence de la biomédecine.
Pour ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Le véritable enjeu dans ce domaine, et ce point de vue est sans doute largement partagé, est que les lignées utilisées, notamment les lignées importées, aient été dérivées dans le respect des principes éthiques.
C’est ce que nous réaffirmons dans le projet de loi, et tel est l’objet du contrôle rigoureux exercé par l’Agence de la biomédecine avant toute autorisation d’importation.
En restreignant le droit d’importer des lignées de cellules souches embryonnaires aux seuls États signataires de la convention d’Oviedo, l’on priverait les équipes de recherche françaises de la possibilité d’utiliser des lignées qui font référence partout dans le monde et qui – le fait est attesté – respectent les exigences éthiques. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 77 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 153 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Morisset, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Vaspart et Brisson, Mme Lanfranchi Dorgal et M. Bonhomme, est ainsi libellé :
Alinéas 47 et 54
Après la référence :
L. 2151-5
insérer la référence :
, L. 2151-6
La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Cet amendement est défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à assurer la coordination induite par l’amendement n° 151 rectifié, discuté précédemment ; mais, compte tenu de la suppression de l’article 17, ces dispositions n’ont plus d’intérêt. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Vaspart. Je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 153 rectifié est retiré.
L’amendement n° 318, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéas 47 et 54
Compléter ces alinéas par les mots :
ou n’ayant pas déclaré leurs activités de conservation de cellules souches embryonnaires conformément à l’avant-dernier alinéa du même article L. 2151-9
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 84 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 281 |
Pour l’adoption | 177 |
Contre | 104 |
Le Sénat a adopté.
8
Décision de l’Assemblée nationale sur l’engagement d’une procédure accélérée
Mme la présidente. M. le président de l’Assemblée nationale a informé M. le président du Sénat que la conférence des présidents de l’Assemblée nationale, réunie ce jour, a décidé de ne pas s’opposer à l’engagement de la procédure accélérée pour le projet de loi organique relatif au système universel de retraite et pour le projet de loi instituant un système universel de retraite. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Dominique de Legge. Tiens donc !
Mme Corinne Imbert. C’est un scoop !
Mme la présidente. Acte est donné de cette communication.
9
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des lois a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – 22 voix pour, 3 voix contre et 5 bulletins blancs – à la nomination de M. Didier Migaud aux fonctions de président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
10
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, au titre du scrutin n° 80, portant sur les amendements identiques nos 204 rectifié bis et 288, ma collègue Nathalie Delattre est mentionnée comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’elle souhaitait voter contre, et mon collègue Guillaume Arnell est indiqué comme n’ayant pas non plus pris part au vote, alors qu’il souhaitait voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
11
Bioéthique
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
Dans la discussion du texte de la commission spéciale, nous en sommes parvenus à l’article 15.
Article 15
I. – (Non modifié) L’intitulé du titre V du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Recherche sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules souches pluripotentes induites ».
II. – L’article L. 2151-7 du code de la santé publique est ainsi rétabli :
« Art. L. 2151-7. – I. – On entend par cellules souches pluripotentes induites des cellules qui ne proviennent pas d’un embryon et qui sont capables de se multiplier indéfiniment ainsi que de se différencier en tous les types de cellules qui composent l’organisme.
« II. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 1243-3 et, le cas échéant, de l’article L. 1121-1, sont soumis à déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine, préalablement à leur mise en œuvre, les protocoles de recherche conduits sur des cellules souches pluripotentes induites ayant pour objet :
« 1° La différenciation de cellules souches pluripotentes induites en gamètes ;
« 2° L’agrégation de cellules souches pluripotentes induites avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires ;
« 3° L’insertion de cellules souches pluripotentes induites dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle, sans possibilité de parturition.
« Les protocoles de recherche visant l’objet mentionné au 3° du présent II respectent les deux conditions suivantes :
« – en cas de transfert de l’embryon chez la femelle, il est mis fin à la gestation dans un délai approuvé par l’Agence de la biomédecine ;
« – la contribution des cellules d’origine humaine au développement de l’embryon ne peut dépasser un seuil approuvé par l’Agence de la biomédecine. En tout état de cause, ce seuil ne peut être supérieur à cinquante pour cent de cellules d’origine humaine dans le nombre total de cellules formant l’embryon.
« III. – Le directeur général de l’Agence de la biomédecine s’oppose, dans un délai fixé par voie réglementaire, à la réalisation d’un protocole de recherche ainsi déclaré si le protocole ou ses conditions de mise en œuvre ne respectent pas les principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil, les principes éthiques énoncés au présent titre et ceux énoncés au titre Ier du livre II de la première partie du présent code. Cette décision est prise après avis public du conseil d’orientation de l’agence.
« À défaut d’opposition du directeur général de l’Agence de la biomédecine, la réalisation du protocole de recherche peut débuter à l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent III.
« IV. – Le directeur général de l’Agence de la biomédecine peut à tout moment suspendre ou interdire, après avis public du conseil d’orientation de l’agence, les recherches mentionnées au II qui ne répondent plus aux exigences mentionnées au III. »
III. – (Non modifié) Le chapitre III du titre VI du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Recherche sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules souches pluripotentes induites » ;
2° L’article L. 2163-6 est ainsi modifié :
a) Les trois derniers alinéas sont ainsi rédigés :
« “II. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de procéder à une recherche sur des cellules souches embryonnaires :
« “1° Sans avoir préalablement déclaré un protocole auprès de l’Agence de la biomédecine conformément à l’article L. 2151-6 du code de la santé publique, ou alors que le directeur général de l’Agence de la biomédecine s’est opposé à cette recherche, l’a suspendue ou l’a interdite en application du même article L. 2151-6 ;
« “2° Sans se conformer aux prescriptions législatives et réglementaires. » ;
b) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« “III. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de procéder à une recherche sur des cellules souches pluripotentes induites :
« “1° Sans avoir préalablement déclaré un protocole auprès de l’Agence de la biomédecine conformément à l’article L. 2151-7 du code de la santé publique, ou alors que le directeur général de l’Agence de la biomédecine s’est opposé à cette recherche, l’a suspendue ou interdite en application du même article L. 2151-7 ;
« “2° Sans se conformer aux prescriptions législatives et réglementaires.” »
IV. – (Non modifié) L’article L. 511-19 du code pénal est ainsi modifié :
a) Le II est ainsi rédigé :
« II. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de procéder à une recherche sur des cellules souches embryonnaires :
« 1° Sans avoir préalablement déclaré un protocole auprès de l’Agence de la biomédecine conformément à l’article L. 2151-6 du code de la santé publique, ou alors que le directeur général de l’Agence de la biomédecine s’est opposé à cette recherche, l’a suspendue ou l’a interdite en application du même article L. 2151-6 ;
« 2° Sans se conformer aux prescriptions législatives et réglementaires. » ;
b) Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de procéder à une recherche sur des cellules souches pluripotentes induites :
« 1° Sans avoir préalablement déclaré un protocole auprès de l’Agence de la biomédecine conformément à l’article L. 2151-7 du code de la santé publique, ou alors que le directeur général de l’Agence de la biomédecine s’est opposé à cette recherche ou l’a suspendue ou interdite en application du même article L. 2151-7 ;
« 2° Sans se conformer aux prescriptions législatives et réglementaires. »
M. le président. L’amendement n° 212 rectifié ter, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Mes chers collègues, nous entrons dans le vif du sujet, en abordant le cœur de la bioéthique.
L’article 15 peut paraître très scientifique : il l’est. Mais ses conséquences sur le modèle de société que nous voulons et sur l’espèce humaine tout entière sont assez vertigineuses.
Cet article instaure un cadre pour les recherches en matière de cellules souches pluripotentes induites, également appelées cellules iPS, qui sont capables de se multiplier indéfiniment et de se différencier en tout type de cellules qui composent l’organisme.
Le texte initial soumettait à une déclaration préalable auprès de l’Agence de la biomédecine deux types de recherches considérées comme sensibles sur le plan éthique : celles qui portent sur la différenciation de cellules iPS en gamètes et celles qui concernent l’agrégation de cellules souches pluripotentes induites avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires.
Nos collègues députés y ont ajouté les recherches visant l’insertion de ces mêmes cellules dans un embryon animal en vue de son transfert chez la femelle et de la constitution d’un embryon chimérique. Nous y reviendrons lors de l’examen de notre amendement de repli.
Cela étant, cet article pose déjà problème pour les deux premiers types de recherches. En effet, il revient à autoriser dans notre droit, en encadrant la pratique, la fabrication de gamètes artificiels à partir de cellules banales du corps humain.
Plusieurs universitaires et chercheurs lancent l’alerte : potentiellement innombrables, ces gamètes au génome éventuellement modifié pourraient créer de très nombreux embryons, parmi lesquels on choisirait le plus « convenable », sans imposer aux patientes les épreuves liées à la fécondation in vitro. « Qui refuserait alors, dans le futur, la promesse d’un bébé “zéro défaut ?” », s’interrogent les mêmes intellectuels.
Selon nous, le risque de dérive eugénique est tout à fait réel.
Certes, le régime déclaratif des recherches est accompagné d’un droit d’opposition de l’Agence de la biomédecine ; mais quels critères celle-ci retiendra-t-elle ? Face aux immenses problèmes soulevés, nous sommes pour l’heure sans réponse : c’est la raison même de cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Si la suppression de cet article était motivée par la crainte de la création d’embryons chimériques, il semble que cette peur ne soit plus justifiée. En effet, nous avons rétabli l’interdiction dont il s’agit en supprimant l’article 17.
Par ailleurs, la suppression de l’article 15 est problématique à deux égards. D’une part, elle empêcherait de soumettre les cellules iPS à un encadrement qui, aujourd’hui, fait cruellement défaut, notamment pour certaines recherches sensibles comme celle qui concerne la différenciation en gamètes. D’autre part, et surtout, elle entraînerait la suppression de l’alinéa complétant l’intitulé du titre V du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique – « Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires » – en y incluant les cellules souches pluripotentes induites.
C’est à cette condition que l’interdiction, souhaitée, des embryons chimériques sera possible. Voilà pourquoi je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. En supprimant cet article, l’on renoncerait à tout encadrement de l’usage des cellules souches pluripotentes induites. Or le Gouvernement souhaite fixer un certain nombre de limites pour l’usage de ces cellules sans solliciter l’avis de l’Agence de la biomédecine (ABM). Je demande donc, moi aussi, le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Avec cet amendement, nos collègues du groupe CRCE appellent notre attention sur les cellules iPS, à partir desquelles l’on envisagerait de créer soit des gamètes – ce ne sont pas des cellules comme les autres ! –, soit des modèles embryonnaires.
Madame la ministre, qu’il s’agisse de la convention d’Oviedo, signée en 1997, que j’ai précédemment évoquée, ou des règles régissant notre propre modèle de bioéthique, l’on a toujours interdit la création d’embryons, quels qu’ils soient. À cet égard, je vous pose deux questions.
Premièrement, dès lors que des gamètes, mâles ou femelles, auront été créés, comment garantir qu’ils ne seront pas fusionnés, dans le secret des laboratoires, pour aboutir à la constitution d’un embryon ?
Deuxièmement, quoique n’étant pas scientifique, j’appelle votre attention sur le modèle embryonnaire. Sauf erreur de ma part, nous serions face à une forme d’imitation, face à un ersatz d’embryon. Dès lors, la prudence ne devrait-elle pas nous conduire à traiter ce modèle embryonnaire comme l’embryon, et partant à lui accorder les protections prévues en droit français ? Pour l’heure, ces dispositions n’ont pas été remises en cause.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur Retailleau, actuellement, les cellules souches pluripotentes induites ne font l’objet d’aucune disposition législative ou réglementaire : lors de l’examen des dernières lois de bioéthique, personne ne savait encore comment obtenir de telles cellules. Aussi, dans deux cas précis, le Gouvernement entend imposer une demande d’autorisation à l’ABM pour tout protocole visant à utiliser ces cellules.
Premièrement, cette autorisation serait nécessaire pour différencier ces cellules en gamètes. Je le répète, il s’agit non pas de créer un embryon à des fins de recherche ou à quelque fin que ce soit – c’est formellement interdit –, mais, en étudiant le processus de fabrication des gamètes, de comprendre divers phénomènes, relatifs notamment à l’infertilité : certains de nos concitoyens sont infertiles faute de production de gamètes. Les cellules iPS permettraient d’analyser les mécanismes cellulaires aboutissant à la constitution des gamètes.
M. Bruno Retailleau. Sous régime de déclaration et non d’autorisation ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Absolument, monsieur le sénateur. Les cellules iPS n’ont aucune origine embryonnaire. Ce sont des cellules comme il en existe des dizaines, voire des centaines d’autres sortes dans les laboratoires, où elles sont observées et cultivées.
L’Agence de la biomédecine doit pouvoir empêcher, à sa lecture, un protocole de recherche. Une demande d’autorisation est administrativement lourde ; une déclaration est, quant à elle, traitée plus rapidement, mais elle exige un avis favorable de l’ABM.
Ainsi, avec cet article, nous souhaitons précisément réguler l’usage des cellules pluripotentes induites, même s’il s’agit de cellules dérivées.
M. Bruno Retailleau. Et l’embryon ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Enfin, pour savoir si ces cellules sont ou non totalement comparables à des cellules souches embryonnaires, il faut pouvoir les agréger à des embryons animaux : ce faisant, l’on pourra déterminer si elles peuvent participer au feuillet embryonnaire. C’était l’objet de l’article 17, tel qu’il figurait dans le texte du Gouvernement, mais cet article a été supprimé.
Quoi qu’il en soit, ces cellules adultes dérivées, qui ont des potentialités particulières, ne sauraient être employées pour des expériences de production de gamètes ou de totipotence employant des embryons animaux.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Mes chers collègues, j’y insiste : en supprimant l’article 15, l’on renoncerait à inclure les cellules pluripotentes induites dans le code de la santé publique. On retomberait donc dans un vide juridique. De ce fait, la suppression de l’article 17, voulue par une majorité d’entre vous et destinée à empêcher la création d’embryons chimériques à partir de cellules pluripotentes induites introduites dans un embryon animal, n’aurait plus aucun effet !
En outre, l’on empêcherait la discussion d’amendements qui suivent, notamment l’amendement n° 84 rectifié quater, sur lequel la commission spéciale a émis un avis favorable. En vertu de cet amendement, les gamètes ainsi créés ne peuvent en aucune façon servir à féconder un autre gamète issu du même procédé ou obtenu par don pour constituer un embryon.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 212 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 319, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par le mot :
humaines
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à préciser l’origine humaine des cellules souches pluripotentes induites soumises à l’encadrement institué par le présent texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 320, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
rétabli
par le mot :
rédigé
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 83 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, Meurant, H. Leroy et Segouin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les cellules iPS sont utilisées pour la recherche pharmacologique.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Qu’il s’agisse de l’Académie nationale de médecine, de l’ABM ou de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), le constat est unanime : les cellules iPS sont utilisées dans la recherche pharmacologique, avec la même efficacité que les cellules souches embryonnaires humaines. L’ABM ajoute qu’elles peuvent présenter des avantages que les cellules souches embryonnaires humaines n’ont pas.
Si les cellules iPS peuvent remplacer les cellules souches embryonnaires pour la recherche pharmacologique, pourquoi ne pas les privilégier ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Le fait de préciser dans la loi que les cellules souches pluripotentes induites sont utilisées pour la recherche pharmacologique n’a rien d’exclusif et n’aura pas pour conséquence d’empêcher les protocoles de recherche sur des cellules souches embryonnaires humaines à des fins de recherche pharmacologique.
En outre, on ne peut pas laisser entendre que les cellules iPS pourraient se substituer aux cellules souches embryonnaires en matière de recherche pharmacologique. En effet, ces cellules ne sont pas strictement équivalentes. Les cellules iPS sont obtenues par reprogrammation, procédé qui peut entraîner des altérations génétiques ou épigénétiques.
En conséquence, la commission spéciale émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. J’y insiste une fois de plus : par définition, les cellules souches pluripotentes induites ne sont pas des cellules embryonnaires. Personne ne peut affirmer qu’elles possèdent les mêmes caractéristiques. Elles ont été isolées par reprogrammation : de ce fait, elles ressemblent aux cellules embryonnaires, mais elles sont bien loin de pouvoir s’y substituer.
De surcroît, avec l’article 15, le Gouvernement entend préciser les cas dans lesquels ces cellules ne sauraient être utilisées sans déclaration auprès de l’ABM.
M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 296, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 10
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« II. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 1243-3 et, le cas échéant, de l’article L. 1121-1, les protocoles de recherche conduits sur des cellules souches pluripotentes induites ayant pour objet la différenciation de ces cellules en gamètes, l’agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires ou leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle sont soumis à déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine préalablement à leur mise en œuvre.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Le texte de la commission spéciale limite de manière très stricte les recherches menées sur des embryons chimériques.
Or le dispositif adopté par l’Assemblée nationale prévoyait la déclaration des projets à l’Agence de la biomédecine, qui, le cas échéant, pouvait s’opposer à un protocole de recherche déclaré, notamment si ce dernier méconnaissait les principes éthiques énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil et au titre Ier du livre II de la première partie du code de la santé publique. Parmi ces principes figure, entre autres, l’interdiction de porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine.
Il me semble important de rétablir la rédaction du présent article, notamment au regard du degré de chimérisme à ne pas dépasser : ce n’est pas parce que l’on introduit deux cellules sur huit que le taux de chimérisme atteint, en définitive, deux huitièmes. Pour ce qui concerne l’utilisation des cellules iPS, mieux vaut s’en tenir aux limites souhaitées par le Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 85, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Après la référence :
L. 1121-1,
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
ce protocole ne peut être entrepris sans autorisation de l’Agence de biomédecine. Ce protocole ne peut être autorisé que si :
II. – Alinéas 5 à 7
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° La pertinence scientifique de la recherche est établie ;
« 2° La recherche, fondamentale ou appliquée, s’inscrit dans une finalité médicale.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la ministre, pour revenir sur mon précédent amendement, je vous rappelle que, pour la modélisation de pathologies et le criblage des molécules, l’équivalence des cellules souches embryonnaires humaines et des iPS a été reconnue par l’Académie nationale de médecine, l’Inserm et le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine !
Cette précision étant apportée, j’en viens à l’amendement n° 85.
L’alinéa 4 de l’article 15 revient à autoriser la création sans condition, à partir de cellules souches pluripotentes induites, de gamètes artificiels. Ces manipulations contournent l’interdit de créer des embryons pour la recherche. Elles doivent donc être soumises à une procédure d’autorisation sous conditions de l’Agence de la biomédecine.
M. le président. L’amendement n° 59 rectifié, présenté par MM. Reichardt et Danesi, Mme Eustache-Brinio, MM. Kennel et Morisset, Mmes Troendlé et Sittler, MM. Mayet et Piednoir, Mme Noël et MM. Duplomb et H. Leroy, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
déclaration auprès de
par les mots :
autorisation par
La parole est à M. René Danesi.
M. René Danesi. L’article 15 entend renforcer l’encadrement de certaines recherches conduites sur des cellules souches pluripotentes induites.
Issues d’une découverte scientifique réalisée en 2007, ces cellules sont fabriquées en laboratoire à partir de cellules adultes reprogrammées par le biais de l’injection de gènes spécifiques.
Le caractère pluripotent de ces cellules soulève des questions éthiques délicates. Je pense en particulier à des recherches qui conduiraient à différencier ces cellules en gamètes et à les agréger avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires de manière à constituer des organismes dont la structure se rapproche de celle d’un embryon ou à les insérer dans un embryon.
Si de telles recherches ne sont pas encore techniquement réalisables, elles le seront vraisemblablement dans un avenir proche.
Au regard des enjeux de semblables recherches – il s’agit notamment des risques liés à la création d’embryons hybrides humain-animal –, il apparaît nécessaire que l’Agence de la biomédecine, garante des principes éthiques des activités médicales et de recherche, instruise en amont les protocoles de recherche portant sur les cellules souches pluripotentes induites et qu’elle autorise expressément leur mise en œuvre.
Cet amendement vise donc à soumettre ces recherches à une autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine.
M. le président. L’amendement n° 246 rectifié ter, présenté par MM. Capus, Guerriau, Fouché, Bignon et Chasseing, Mme Mélot et M. Lagourgue, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
déclaration auprès
par le mot :
autorisation
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement de repli tend à renforcer le contrôle de l’Agence de la biomédecine sur la manipulation d’embryons chimériques en soumettant les protocoles de recherche, non pas à déclaration, mais à autorisation.
M. le président. L’amendement n° 84 rectifié quater, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, Meurant, H. Leroy et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les gamètes ainsi créés ne peuvent en aucune façon servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou obtenu par don, pour constituer un embryon.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. À l’origine, cet amendement visait à supprimer les alinéas qui prévoient la création de gamètes artificiels à partir de cellules iPS, afin d’interdire purement et simplement de telles opérations : ces dernières risquent d’aboutir, par contournement, à la création d’embryons pour la recherche.
Rectifié à la demande de la commission spéciale, cet amendement tend désormais à encadrer la création de gamètes artificiels. L’interdiction de féconder les gamètes est clairement énoncée, et c’est une bonne chose. Toutefois, je m’interroge : combien de temps durera-t-elle ?
M. le président. L’amendement n° 152 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Morisset, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Vaspart et Brisson, Mmes Lanfranchi Dorgal et Bories et M. Bonhomme, est ainsi libellé :
I – Alinéas 7 à 10
Supprimer ces alinéas.
II. – Après l’alinéa 13
Insérer onze alinéas ainsi rédigés :
« V.- L’insertion de cellules souches pluripotentes induites humaines dans un embryon animal en cas de projet de transfert chez la femelle ne peut être entreprise sans autorisation. Un tel protocole de recherche ne peut être autorisé que si :
« 1° Il est mis fin à la gestation dans un délai approuvé par l’agence de biomédecine ;
« 2° La contribution des cellules d’origine humaines au développement de l’embryon ne peut dépasser un seuil approuvé par l’agence de biomédecine ;
« 3° La pertinence scientifique de la recherche est établie ;
« 4° La recherche, fondamentale ou appliquée, s’inscrit dans une finalité médicale ou vise à améliorer la connaissance de la biologie humaine ;
« 5° En l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée, avec une pertinence scientifique comparable, sans recourir à des expérimentations de ce type ;
« 6° Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil, les principes éthiques énoncés au présent titre et ceux énoncés au titre Ier du livre II de la première partie du présent code.
« VI. – Les protocoles de recherche sont autorisés par l’Agence de la biomédecine après que celle-ci a vérifié que les conditions posées au V du présent article sont satisfaites. La décision de l’agence, assortie de l’avis de son conseil d’orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche, qui peuvent conjointement, dans un délai d’un mois, demander un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision :
« 1° En cas de doute sur le respect des principes mentionnés au 6° du même V ou sur la pertinence scientifique d’un protocole autorisé. L’agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours, durant lequel l’autorisation est suspendue. En cas de confirmation de la décision, la validation du protocole est réputée acquise ;
« 2° Dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, lorsque le protocole a été refusé. L’agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours. En cas de confirmation de la décision, le refus du protocole est réputé acquis.
« En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l’autorisation, l’agence suspend l’autorisation de la recherche ou la retire. L’agence diligente des inspections comprenant un ou plusieurs experts n’ayant aucun lien avec l’équipe de recherche, dans les conditions fixées à l’article L. 1418-2. »
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement vise à soumettre à un encadrement plus strict les expérimentations dès lors qu’un transfert chez la femelle d’un embryon chimérique est envisagé, en mettant en place un régime propre d’autorisation. Cette dernière serait subordonnée à la fois aux dispositions introduites par la commission spéciale au nouvel article L. 2151-7 du code de la santé publique et aux mesures d’autorisation prévues pour les protocoles de recherche sur l’embryon humain.
L’Agence de la biomédecine aura à charge de définir les délais et les seuils qu’impliquent les nouvelles conditions requises. De plus, cette agence est l’autorité compétente pour traiter les demandes d’autorisation. Dès lors, dans ces cas, ces dispositions donnent toute sa cohérence à un régime d’autorisation en lieu et place d’un régime de déclaration.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 57 rectifié est présenté par MM. Reichardt et Danesi, Mme Eustache-Brinio, MM. Kennel, Babary et Morisset, Mmes Troendlé et Sittler, MM. L. Hervé, Mayet et Piednoir, Mme Noël et MM. Duplomb et H. Leroy.
L’amendement n° 245 rectifié bis est présenté par MM. Capus, Guerriau, Decool, Fouché et Bignon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 7 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. René Danesi, pour présenter l’amendement n° 57 rectifié.
M. René Danesi. Introduits par l’Assemblée nationale, les alinéas 7 à 10 de l’article 15 permettent l’insertion de cellules souches pluripotentes induites dans un embryon animal en vue du transfert de celui-ci chez la femelle.
Au regard des lourdes questions éthiques que posent ces dispositions, la commission spéciale du Sénat a adopté l’amendement COM-199, qui vise à renforcer l’encadrement de la création d’embryons chimériques en posant deux verrous.
Au-delà de la recherche, le transfert chez l’animal d’embryons chimériques hybrides animal-homme n’est pas sans soulever un certain nombre d’interrogations éthiques et morales : on peut légitimement craindre que le patrimoine génétique de l’humanité ne soit menacé.
Dans son avis n° 129, le Comité consultatif national d’éthique a notamment relevé trois principaux risques liés à la création d’embryons hybrides humain-animal.
Le premier est de susciter de nouveaux cas d’infection ou d’infestation se transmettant naturellement des animaux à l’homme et vice-versa ; le deuxième est d’aboutir à la conception d’organismes qui, au cours de leur développement, présenteraient des caractéristiques propres à l’espèce humaine – risque de représentation humaine chez l’animal ; enfin, le troisième est d’induire, par l’injection de cellules pluripotentes humaines, des modifications chez l’animal dans le sens d’une conscience ayant des caractéristiques humaines – risque de conscience humaine chez l’animal.
À cela s’ajoute la question du bien-être animal, qui est aujourd’hui un important sujet de préoccupation. Il convient, à cet égard, de rappeler que le législateur a récemment permis de reconnaître la nature sensible de l’animal dans le code civil, pilier du droit français.
La défense de la nature, celle de notre planète et le respect des animaux vont de concert avec les droits de l’enfant, le statut de l’embryon humain et la défense des hommes que la vie place dans une situation de fragilité, et donc avec la défense de notre humanité.
Le présent amendement vise ainsi à proscrire les créations de chimères animal-humain.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° 245 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 213 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Remplacer le mot :
parturition
par le mot :
gestation
II. – Alinéa 9
1° Remplacer les mots :
en cas de
par les mots :
l’interdiction du
2° Après le mot :
femelle
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
en vue d’une gestation.
III. – Alinéa 10, seconde phrase
Remplacer le mot :
cinquante
par le mot :
quarante
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Il s’agit d’un amendement de repli, après le rejet de notre amendement de suppression. J’en ai déjà indiqué les motifs : nous entendons poser des garde-fous aux nouvelles pratiques encadrées, en interdisant formellement le transfert de l’embryon chimérique chez la femelle, donc toute possibilité de gestation, et en abaissant le taux de cellules d’origine humaine à 40 % au lieu de 50 %.
M. le président. L’amendement n° 176, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – En aucune façon, les gamètes dérivés de cellules souches pluripotentes induites ne peuvent être fécondés.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Il est possible de créer des gamètes artificiels à partir de cellules souches pluripotentes induites. Ces cellules ne sont pas des cellules embryonnaires, mais des cellules adultes somatiques.
Cette recherche, nouvelle, n’est pas interdite ; elle est soumise à déclaration à l’ABM et non pas à autorisation.
La méiose naturelle est un phénomène lent et complexe. Une méiose induite pourrait introduire des remaniements génétiques anormaux, difficiles à anticiper et impossibles à vérifier si le gamète devait être utilisé en fécondation.
Il est donc essentiel de préciser que les gamètes dérivés de cellules souches pluripotentes induites ne peuvent en aucune façon être fécondés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Compte tenu de la suppression de l’article 17 et du rétablissement de l’interdiction absolue des embryons chimériques, l’amendement n° 296 du Gouvernement n’a plus de sens et son adoption introduirait des incohérences dans le texte.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
M. Bruno Retailleau. Il aurait dû tomber !
M. Roger Karoutchi. Pourquoi est-il maintenu ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Parce que le Gouvernement ne l’a pas retiré.
Mme Françoise Laborde. C’est une bonne raison !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’amendement n° 85 tend à soumettre l’ensemble des recherches sur les cellules souches pluripotentes induites à un régime d’autorisation, ce qui est manifestement disproportionné : les cellules iPS ne soulèvent pas les mêmes enjeux éthiques que l’embryon ou les cellules souches embryonnaires humaines. Elles sont en effet dérivées de cellules adultes, quand les cellules souches embryonnaires le sont d’un embryon.
Par ailleurs, cet amendement présente des problèmes rédactionnels qui rendent sa lecture difficile et son application potentiellement impossible : on ne voit pas, en particulier, à quoi l’expression « ce protocole » se réfère, puisque toute référence à des protocoles spécifiquement visés disparaîtrait.
À défaut d’un retrait, l’avis de la commission spéciale serait défavorable.
L’amendement n° 59 rectifié vise à soumettre les recherches, sensibles sur le plan éthique, réalisées sur des cellules souches pluripotentes induites à un régime d’autorisation préalable, en lieu et place d’un régime de déclaration.
Le dispositif prévu par l’article 15 présente toutefois des garanties suffisantes pour assurer le respect, au cours de ces recherches, des principes éthiques fondamentaux. L’Agence de la biomédecine peut en effet s’opposer à tout protocole violant ces principes et toute décision d’opposition sera précédée d’un avis public de son conseil d’orientation.
L’avis de la commission spéciale est défavorable.
L’amendement n° 246 rectifié ter étant très proche du précédent, l’avis est identique.
S’agissant de l’amendement n° 84 rectifié quater, la commission spéciale a précisé à l’article 14 que la création d’embryons humains par fusion de gamètes était interdite. Cette interdiction s’applique à tous les gamètes humains, mais la précision que comporte l’amendement permet de la renforcer, s’agissant de la fécondation de gamètes produits par différenciation de cellules iPS.
L’avis de la commission spéciale est donc favorable.
Concernant l’amendement n° 152 rectifié, toujours par cohérence avec la suppression de l’article 17 et donc du maintien de l’interdiction absolue des embryons chimériques, il convient, selon moi, de supprimer toute mention dans l’article 15 d’une possibilité de recherches conduisant à un embryon chimérique avec des cellules iPS. Par conséquent, l’avis favorable de la commission spéciale ne me semble plus justifié et il me paraît plus raisonnable d’écarter cet amendement dont l’adoption rendrait le texte incohérent.
À défaut d’un retrait, j’émets donc, à titre personnel, un avis défavorable.
En cohérence avec l’équilibre du texte résultant de ses travaux, la commission spéciale avait émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 57 rectifié et 245 rectifié bis. Toutefois, une fois encore, la suppression de l’article 17 conduisant au maintien de l’interdiction absolue des embryons chimériques, les verrous introduits aux alinéas 7 à 10 de l’article 15 pour les chimères utilisant des cellules iPS ne se justifient plus. Dans ces conditions, il me semble plus cohérent de supprimer ces alinéas.
J’émets donc un avis favorable à cet amendement, à titre personnel.
L’amendement n° 213 rectifié tend à renforcer les restrictions à la création d’embryons chimériques par insertion de cellules souches pluripotentes dans un embryon animal, mais nous sommes favorables à la suppression des alinéas 7 à 10. Cet amendement visant à modifier les alinéas 7, 9 et 10, l’avis de la commission spéciale est défavorable, par cohérence.
La commission spéciale a déjà précisé à l’article 14 que la création d’embryons par fusion de gamètes à des fins de recherche était interdite. Bien que redondante, la précision que vise à introduire l’amendement n° 176 permet de rappeler cette interdiction, s’agissant des gamètes dérivés par différenciation de cellules iPS.
Toutefois l’amendement n° 84 rectifié quater, qui poursuit exactement le même objectif, présente le mérite de viser un endroit plus pertinent du texte ; il me semble par conséquent préférable que l’amendement n° 176 soit retiré à son profit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Sur l’ensemble des amendements présentés, à l’exception de l’amendement n° 296 qu’il a déposé, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Reprenons ces sujets dans l’ordre, mesdames, messieurs les sénateurs. Certains d’entre vous souhaitent remplacer le régime de déclaration par un régime d’autorisation concernant les cellules dérivées de cellules adultes. Le Gouvernement n’est toutefois pas favorable à ce que le régime qui s’applique aux cellules souches pluripotentes induites soit plus restrictif que celui qui concerne les cellules souches embryonnaires.
Nous souhaitons donc maintenir un régime de déclaration, lequel présente des garanties : l’ABM a la capacité de s’y opposer et, sur son avis, le protocole de recherche peut-être interdit.
Dans le cas d’une procédure d’autorisation, il faut produire un acte administratif d’autorisation, alors que dans une procédure de déclaration, passé un certain délai, l’avis est réputé favorable. Cependant, le processus est le même, à la seule exception de la production obligatoire d’un acte administratif.
En outre, les garanties du code civil et la convention d’Oviedo restent pleinement applicables, empêchant ainsi la création d’embryons à des fins de recherche. Les pratiques qui suscitent les craintes dont vous avez fait état, et que nous partageons, sont interdites aujourd’hui par la loi.
Sur la question des chimères, j’ai bien pris acte de la suppression de l’article 17. Il me semble néanmoins que nous devons être prudents. En effet, même si nous ne partageons pas la même lecture de l’avis rendu par le Conseil d’État, celui-ci indique que les « évolutions […] relatives aux chimères ne semblent pas couvertes par l’interdit actuel : en effet, sa localisation dans le code de la santé publique au sein de la partie consacrée à la “Santé sexuelle et reproductive, droits de la femme et protection de la santé de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte” […] laisse à penser qu’il n’a pas vocation à couvrir la recherche réalisée sur l’embryon animal. »
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite, par l’amendement n° 296, maintenir l’interdiction d’utiliser des cellules souches pluripotentes induites pour fabriquer des gamètes ou, éventuellement, des embryons chimériques à partir d’embryons animaux, sans déclaration auprès de l’ABM.
Un dernier point me paraît important : le Sénat a adopté une extension de la culture in vitro d’embryons humains, j’y insiste, sous conditions, jusqu’à vingt et un jours. Il a donc accepté que l’on observe des embryons humains pendant la phase de gastrulation, c’est-à-dire le moment où se mettent en place les feuillets embryonnaires, dont celui qui donnera le système nerveux central. C’est maintenant décidé, vous l’avez souhaité.
Par souci d’équilibre entre la responsabilité et le besoin de répondre à certaines questions en termes de recherche, le Gouvernement avait, quant à lui, proposé de restreindre l’observation des embryons à quatorze jours, c’est-à-dire avant le début de la mise en place de ces feuillets dans un embryon humain.
En revanche, l’utilisation de cellules souches pluripotentes induites dans un embryon chimérique permettrait d’observer la phase de gastrulation sans risque, puisqu’il ne s’agirait pas d’un embryon humain.
Je tiens vraiment à le rappeler, l’objectif du Gouvernement était bien de ne pas brider les nécessaires recherches pour une meilleure compréhension de la mise en place du système nerveux, avec notamment les facteurs environnementaux et épigénétiques, ainsi que cela a été très bien expliqué, sans pour autant permettre qu’elles soient faites sur un embryon humain.
Je vous propose donc de maintenir la rédaction du texte en l’état, afin de garantir le fait que la suppression de l’article 17 n’entraîne pas toute interdiction concernant les embryons chimériques issus d’embryons animaux.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. S’agissant de l’amendement du Gouvernement, je me rallie à l’avis négatif de la commission spéciale.
De même, les amendements liés à l’article 17, qui n’existe plus, n’ont pas lieu d’être et auraient d’ailleurs dû disparaître avant la discussion, selon moi.
Pour le reste, mes chers collègues, je considère que nous devons soutenir tous les amendements qui visent à imposer la procédure plus prudente d’autorisation plutôt que la procédure plus laxiste de déclaration.
J’apporte deux éléments à l’appui de ma démonstration.
Tout d’abord, Mme la rapporteure indique que les cellules iPS reprogrammées diffèrent des cellules souches embryonnaires humaines. Elle a raison. Toutefois, elle sait sans doute que le problème éthique survient dès lors qu’une cellule reprogrammée peut devenir un gamète, voire un modèle embryonnaire. On est alors dans le champ éthique, dans la mesure où les cellules iPS présentent les deux mêmes propriétés que les cellules humaines embryonnaires : l’autorenouvellement et la pluripotence.
Ensuite, madame la ministre, l’Agence de la biomédecine peut en effet toujours faire opposition, mais vous recherchez la procédure la plus légère possible pour l’industrie pharmacologique et pour la recherche. Or, si elle est plus légère, il nous semble que la procédure de déclaration peut poser des problèmes et nous souhaitons mettre en place des garanties et des sécurités.
Comme par hasard, alors que notre pays croule sous les normes, dès qu’il s’agit d’éthique, on simplifie et on les enlève ! Mes chers collègues, il me semble que la prudence commande un régime d’autorisation plutôt qu’un régime de déclaration ; si les chercheurs présentent leurs raisonnements et leurs arguments, il n’y a pas de raison que l’Agence de la biomédecine s’oppose à leurs travaux.
Mme Patricia Schillinger. Les chercheurs en ont assez, ils iront à l’étranger ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. S’agissant des deux amendements qui font écho à l’article 17, la commission spéciale a inversé son avis par cohérence.
Pour notre part, nous ne soutenons pas la suppression de l’article 17, qui nous semble être une erreur, ainsi que Mme la ministre l’a très bien expliqué, et qui va aboutir à l’exact contraire de l’objectif. Ne revenons pas sur ce débat, qui est clos.
Concernant les cellules iPS et les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh), les premières ne donneront jamais un embryon, parce qu’il reste interdit de fabriquer un embryon pour la recherche. Il est donc inutile de brandir un risque de fabrication de gamètes à partir de cellules iPS puis de fusion de ces gamètes pour créer un embryon : c’est interdit par la convention d’Oviedo et c’est interdit dans notre loi. Certains chercheurs souhaitent pouvoir le faire, mais aucun de nous, dans cet hémicycle, n’a déposé d’amendement visant à l’autoriser. Tous les garde-fous sont en place et personne ne peut s’affranchir de cet interdit.
Les cellules iPS sont des cellules adultes qui proviennent de n’importe quel organisme et qui ne sauraient être soumises au même régime de surveillance et de contrôle que des cellules embryonnaires, car elles ne relèvent pas de la même problématique, sauf à considérer que la problématique de la recherche sur l’embryon est homologue à celle qui concerne la recherche sur l’ensemble des cellules et des tissus humains ; un point de vue qu’aucun de nous ne défendra.
Les cellules iPS et les CSEh présentent donc des intérêts différents ; leur stabilité génétique est comparable, mais, s’agissant notamment de l’épigénome, les résultats obtenus ne sont pas les mêmes. C’est pourquoi il faut poursuivre la recherche sur les deux types de lignées cellulaires.
Les progrès que nous attendons dans ce domaine sont extrêmement importants. Nos amis du groupe CRCE ont défendu un amendement relatif à la place des perturbateurs endocriniens dans la détermination de pathologies ; le rôle de l’épigénome est essentiel pour comprendre les raisons pour lesquelles les embryons sont mal formés.
On ne peut tout de même pas refuser le dépistage et les tests génétiques, ainsi que la recherche sur les embryons et les CSEh, car comment pourrions-nous comprendre les malformations des embryons et les éviter ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 296.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 85 :
Nombre de votants | 297 |
Nombre de suffrages exprimés | 297 |
Pour l’adoption | 24 |
Contre | 273 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 85.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 246 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 176 n’a plus d’objet.
Monsieur Brisson, l’amendement n° 152 rectifié est-il maintenu ?
M. Max Brisson. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 152 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 57 rectifié et 245 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 213 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 253 rectifié bis, présenté par MM. Chevrollier et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Regnard, Mme Deroche, MM. Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Panunzi et Vial, Mme Morhet-Richaud et MM. Meurant, H. Leroy, Reichardt et Chaize, est ainsi libellé :
Alinéas 18, 22 et 27
Remplacer les mots :
deux ans d’emprisonnement et de 30 000
par les mots :
quatre ans d’emprisonnement et de 60 000
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement vise à doubler les peines, car les sanctions initiales ne me semblent pas suffisamment dissuasives.
Faire de la recherche sur des cellules souches embryonnaires et sur des cellules souches pluripotentes induites sans avoir respecté le cadre légal doit être sévèrement puni.
Face à des laboratoires disposant de gros moyens, les sanctions initialement prévues me paraissent trop faibles. En les alourdissant, nous conforterions notre attachement à l’éthique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement tend à doubler les peines encourues en cas de non-respect de la réglementation relative aux recherches sur les cellules souches embryonnaires et pluripotentes induites
Les sanctions en vigueur sont déjà dissuasives : l’Agence de la biomédecine confirme qu’aucune infraction n’a été sanctionnée, dès lors que les chercheurs sont très conscients de la gravité des infractions et de leurs sanctions.
D’une façon générale, le contrôle de ces recherches par l’Agence permet de prévenir toute irrégularité.
Pour autant, si les auteurs de l’amendement souhaitent qu’un avertissement soit lancé à tous ceux qui envisageraient de s’aventurer dans des recherches illégales, le doublement des sanctions pourrait constituer un signal en ce sens.
Pour cette raison, l’avis de la commission spéciale est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, vous souhaitez doubler les peines en cas d’infraction ; de mon point de vue, celles-ci sont pourtant équilibrées et dissuasives.
J’ajoute que l’on ne peut pas publier les résultats d’une recherche scientifique sans produire les avis donnés par l’ABM. Or je connais très peu de chercheurs qui seraient disposés à contrevenir à cet avis pour mener des recherches qu’ils seraient dans l’incapacité de publier.
Enfin, le droit pénal ne connaissant pas de peine de quatre ans d’emprisonnement, le dispositif de cet amendement est donc contraire à l’échelle des peines délictuelles prévue à l’article 131–4 du code pénal.
L’avis du Gouvernement est par conséquent défavorable.
M. le président. L’amendement n° 154 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Morisset, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Vaspart et Brisson, Mme Lanfranchi Dorgal et M. Bonhomme, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18
Compléter cet alinéa par les mots :
dont le protocole est soumis à déclaration en application du II de l’article L. 2151-6 du code de la santé publique
II. – Alinéa 19
Remplacer les mots :
à l’article
par les mots :
au II de l’article
III. – Après l’alinéa 20
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« “…. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de procéder à une recherche sur des cellules souches embryonnaires dont le protocole est soumis à autorisation en application du V dudit article L. 2151-6 :
« “1° Sans avoir préalablement obtenu le consentement écrit et l’autorisation auprès de l’Agence de la biomédecine conformément au même V de l’article L. 2151-6, ou alors que cette autorisation est retirée ou suspendue en application du même article L. 2151-6 ;
« “2° Sans se conformer aux prescriptions législatives et réglementaires.” » ;
IV. – Alinéa 22
Compléter cet alinéa par les mots :
dont le protocole est soumis à déclaration en application du II de l’article L. 2151-7 du même code
V. – Alinéa 23
Remplacer les mots :
à l’article
par les mots :
au II de l’article
VI. – Après l’alinéa 24
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« “…. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de procéder à une recherche sur des cellules pluripotentes induites dont le protocole est soumis à autorisation en application du V dudit article L. 2151-7 :
« “1° Sans avoir préalablement obtenu le consentement écrit et l’autorisation auprès de l’Agence de la biomédecine conformément au même V de l’article L. 2151-7, ou alors que cette autorisation est retirée ou suspendue en application du même article L. 2151-7 ;
« “2° Sans se conformer aux prescriptions législatives et réglementaires.” »
VII. – Alinéa 27
Compléter cet alinéa par les mots :
dont le protocole est soumis à déclaration en application du II de l’article L. 2151-6 du code de la santé publique
VIII. – Alinéa 28
Remplacer les mots :
à l’article
par les mots :
au II de l’article
IX. – Après l’alinéa 29
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« …. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de procéder à une recherche sur des cellules souches embryonnaires dont le protocole est soumis à autorisation en application du V dudit article L. 2151-6 :
« 1° Sans avoir préalablement obtenu le consentement écrit et l’autorisation auprès de l’Agence de la biomédecine conformément au même V de l’article L. 2151-6, ou alors que cette autorisation est retirée ou suspendue en application du même article L. 2151-6 ;
« 2° Sans se conformer aux prescriptions législatives et réglementaires. » ;
X. – Alinéa 31
Compléter cet alinéa par les mots :
dont le protocole est soumis à déclaration en application du II de l’article L. 2151-7 du même code
XI. – Alinéa 32
Remplacer les mots :
à l’article
par les mots :
au II de l’article
XII. – Après l’alinéa 33
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« …. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de procéder à une recherche sur des cellules pluripotentes induites dont le protocole est soumis à autorisation en application du V dudit article L. 2151-7 :
« 1° Sans avoir préalablement obtenu le consentement écrit et l’autorisation auprès de l’Agence de la biomédecine conformément au même V de l’article L. 2151-7, ou alors que cette autorisation est retirée ou suspendue en application du même article L. 2151-7 ;
« 2° Sans se conformer aux prescriptions législatives et réglementaires. »
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Le présent amendement vise à harmoniser les dispositions pénales avec les protocoles d’expérimentation impliquant les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules pluripotentes induites et soumis aux procédures d’autorisation introduites respectivement au V de l’article L. 2151-6 du code de la santé publique et au V l’article L. 2151-7 du même code.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 152 rectifié, lequel a été retiré. Par cohérence, je propose qu’il le soit également ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Brisson, l’amendement n° 154 rectifié est-il maintenu ?
M. Max Brisson. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 154 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 15, modifié.
(L’article 15 est adopté.)
Article 16
I. – L’article L. 2141-4 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-4. – I. – Les deux membres du couple ou la femme non mariée dont des embryons sont conservés sont consultés chaque année sur le point de savoir s’ils maintiennent leur projet parental. S’ils confirment par écrit le maintien de leur projet parental, la conservation de leurs embryons est poursuivie.
« II. – S’ils n’ont plus de projet parental, les deux membres du couple ou la femme non mariée consentent par écrit à ce que :
« 1° Leurs embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme dans les conditions fixées aux articles L. 2141-5 et L. 2141-6 ;
« 2° Leurs embryons fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues à l’article L. 2151-5 ou, dans les conditions fixées par le titre II du livre Ier de la première partie, à ce que les cellules dérivées à partir de ces embryons entrent dans une préparation de thérapie cellulaire ou un médicament de thérapie innovante à des fins exclusivement thérapeutiques ;
« 3° Il soit mis fin à la conservation de leurs embryons.
« Dans tous les cas, ce consentement est confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois à compter de la date du premier consentement mentionné au premier alinéa du présent II. L’absence de révocation par écrit du consentement dans ce délai vaut confirmation.
« Dans le cas mentionné au 2°, le consentement des deux membres du couple ou de la femme non mariée est révocable tant qu’il n’y a pas eu d’intervention sur l’embryon dans le cadre de la recherche.
« II bis. – À l’occasion de la consultation annuelle mentionnée au I, les deux membres du couple précisent si, en cas de décès de l’un d’eux, ils consentent à l’une des possibilités du devenir des embryons conservés prévues aux 1° à 3° du II.
« En cas de décès de l’un des membres du couple, le membre survivant est consulté, le cas échéant, sur le point de savoir s’il maintient son consentement aux possibilités prévues au 1° ou 2° du même II, après l’expiration d’un délai d’un an à compter du décès, sauf initiative anticipée de sa part. Si le membre survivant révoque son consentement, il est mis fin à la conservation des embryons.
« III. – Dans le cas où l’un des deux membres du couple ou la femme non mariée, consultés annuellement à au moins deux reprises, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État, ne répondent pas sur le point de savoir s’ils maintiennent ou non leur projet parental, il est mis fin à la conservation des embryons si la durée de celle-ci est au moins égale à cinq ans. Il en est de même en cas de désaccord des membres du couple sur le maintien du projet parental ou sur le devenir des embryons. Il en est de même en cas de révocation par écrit du consentement prévue en application de l’avant-dernier alinéa du II.
« IV. – Lorsque les deux membres du couple ou la femme non mariée ont consenti, dans les conditions prévues aux articles L. 2141-5 et L. 2141-6, à l’accueil de leurs embryons et que ceux-ci n’ont pas été accueillis dans un délai de cinq ans à compter du jour où ce consentement a été confirmé, il est mis fin à la conservation de ces embryons à l’issue de ce délai.
« V. – Lorsque les deux membres du couple ou la femme non mariée ont consenti à ce que leurs embryons fassent l’objet d’une recherche autorisée dans les conditions prévues à l’article L. 2151-5 et que ceux-ci n’ont pas été inclus dans un protocole de recherche à l’issue d’un délai de dix ans à compter du jour où ce consentement a été confirmé, il est mis fin à la conservation de ces embryons à l’issue de ce délai.
« VI. – En cas de décès des deux membres du couple ou de la femme non mariée en l’absence des deux consentements prévus au II du présent article, il est mis fin à la conservation de leurs embryons. »
II. – (Non modifié) Il est mis fin à la conservation des embryons donnés à la recherche en application du 2° du II de l’article L. 2141-4 du code de la santé publique dans sa rédaction antérieure à la présente loi et conservés depuis plus de dix ans à la date de publication de la présente loi, sauf à ce que ces embryons présentent un intérêt particulier pour la recherche en raison de leur conservation à un stade précoce de leur développement.
Avant de mettre en œuvre les dispositions du premier alinéa du présent II, les établissements autorisés au titre de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique qui conservent des embryons susceptibles de présenter un intérêt particulier pour la recherche en raison de leur conservation à un stade précoce de leur développement en font la déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine. L’agence se prononce sur la poursuite de la conservation en application du premier alinéa du présent II.
III. – (Non modifié) Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine, fixe les conditions d’application du II.
M. le président. L’amendement n° 86 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Regnard, Mme Deroche, MM. Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Panunzi, Vial, Chaize, Meurant et H. Leroy, Mme Morhet-Richaud et M. Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le consentement du couple géniteur est joint au protocole de recherche autorisé par l’Agence de la biomédecine.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Il est primordial que l’Agence de la biomédecine, garante des principes éthiques encadrant la recherche sur l’embryon, soit assurée que le couple géniteur a bien reçu l’information nécessaire et donné son consentement libre et éclairé avant que la moindre atteinte ne soit portée à l’embryon. Pour cela, le consentement écrit du couple géniteur doit être intégré dans le dossier de demande d’autorisation de recherche soumis à l’Agence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les auteurs de l’amendement proposent l’inscription dans les protocoles de recherche sur l’embryon du consentement écrit des couples ayant cédé les embryons. Or, par définition, seuls les embryons cédés par des couples ayant donné leur consentement écrit peuvent être utilisés pour la recherche. L’Agence de la biomédecine ne peut pas attribuer à des protocoles de recherche des embryons n’ayant pas été délibérément cédés à cette fin.
S’il s’agit de prévoir la réinterrogation systématique du consentement en fonction de la nature du protocole de recherche, cette démarche est difficilement envisageable en pratique.
Dans ces conditions, je sollicite le retrait de cet amendement ; avis défavorable s’il est maintenu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous sommes évidemment tous très attachés à ce que les décisions prises en ce domaine le soient en toute conscience. Mais la loi est déjà très claire à cet égard, puisqu’elle exige dans tous les cas un consentement écrit et la confirmation de celui-ci après un délai de réflexion de trois mois ; en outre, ce consentement est révocable à tout moment jusqu’à la première intervention sur l’embryon.
En l’état du droit, l’Agence de la biomédecine s’assure de l’application des dispositions prises en vue de garantir le respect effectif de la condition de consentement préalable. Elle ne peut attribuer à la recherche que des embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental et pour lesquels le consentement du couple a été obtenu, confirmé et n’a pas été révoqué.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Monsieur Chevrollier, l’amendement n° 86 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Guillaume Chevrollier. Certes, il y a une procédure administrative, et qui est complexe. Reste que des enjeux se posent sur le plan éthique. Je maintiens donc l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 174, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans tous les cas, ce consentement fait l’objet d’une confirmation par écrit après un délai de réflexion de trois mois à compter de la date du premier consentement mentionné au premier alinéa du présent II.
II. – Alinéa 11, dernière phrase
Remplacer les mots :
cas de révocation par écrit
par les mots :
l’absence de la confirmation
III. – Alinéas 12 et 13
Après le mot :
confirmé
insérer les mots :
par écrit
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Cet amendement procède du même esprit que le précédent. Il s’agit de rétablir, en ce qui concerne le devenir des embryons surnuméraires, la confirmation écrite prévue par l’Assemblée nationale, pour ménager un temps de réflexion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il est proposé de rétablir la confirmation écrite du consentement après trois mois pour le devenir des embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental.
La confirmation écrite obligatoire après trois mois est lourde à gérer pour les centres concernés et fragilise les possibilités d’orientation vers le don ou la recherche, la personne pouvant finalement ne pas donner suite. La commission spéciale a donc décidé d’alléger la procédure, en prévoyant que le silence à l’issue de ce délai vaudrait confirmation du consentement.
Je rappelle que les embryons concernés, issus d’une fécondation in vitro, ne font plus l’objet d’aucun projet parental. La décision de les confier à la recherche n’est pas simple à prendre, et les couples y réfléchissent longtemps. Devoir donner une confirmation écrite après trois mois me paraît douloureux pour ces couples, qu’on interroge une nouvelle fois sur une décision respectable et qu’ils n’ont certainement pas prise sans réflexion.
C’est pourquoi la commission spéciale continue de préférer que l’absence de réponse vaille confirmation du consentement. Elle est défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 87 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Regnard, Mme Deroche, MM. Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Panunzi, Vial, Piednoir, Chaize, Meurant et H. Leroy, Mme Morhet-Richaud et MM. Segouin et Leleux, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Si le consentement écrit et préalable du couple géniteur ne figure pas dans le protocole de recherche, celle-ci ne peut être menée. Il est alors mis fin à la conservation de ces embryons.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Si l’Agence de la biomédecine n’a pas la preuve du consentement écrit et préalable du couple géniteur pour donner son embryon à la recherche, elle ne peut autoriser le protocole de recherche sans contrevenir aux principes éthiques qui s’y appliquent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise le même objectif que l’amendement n° 86 rectifié ter, que nous venons de rejeter. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 173, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéas 9 et 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. La déclaration anticipée des membres du couple dans l’éventualité du décès de l’un deux, introduite par l’Assemblée nationale, fait peser sur le membre survivant une charge émotionnelle démesurée, en même temps qu’elle ouvre la voie à l’AMP post mortem. Cette disposition doit par conséquent être supprimée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour les couples, à l’occasion de la consultation annuelle sur le maintien de leur projet parental, de formuler des directives anticipées sur le devenir de leurs embryons en cas de décès de l’un des membres.
L’équilibre trouvé est plus respectueux de la volonté des membres du couple. Au demeurant, le membre survivant peut à tout moment révoquer son consentement. J’ajoute que, par respect du deuil, il ne sera réinterrogé sur le maintien des directives anticipées qu’un an au plus tôt après le décès de son conjoint.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 184, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Chaque année, l’Agence de biomédecine rend publics les actions qu’elle a entreprises et les résultats qu’elle a obtenus pour limiter le nombre des embryons conservés.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Le nombre d’embryons congelés ne cesse d’augmenter. Il a ainsi progressé de 20 % entre 2011 et 2015, quand le nombre d’enfants nés par AMP n’augmentait que de 7 % au cours de la même période.
Pourtant, la loi de bioéthique de 2011 a prévu de limiter le nombre d’embryons conservés : « La mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés. L’Agence de la biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et des résultats obtenus. »
Il convient de réaffirmer cet objectif de diminution du nombre d’embryons conservés !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les auteurs de l’amendement demandent la publication des mesures prises par l’Agence de la biomédecine pour limiter le nombre d’embryons conservés.
Depuis la loi de bioéthique, l’article L. 2141-1 du code de la santé publique prévoit déjà, dans l’alinéa que notre collègue vient de citer, que « la mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés » et que « l’Agence de la biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et des résultats obtenus. » Répéter la même disposition dans un autre article du code de la santé publique serait sans intérêt.
Dans son rapport sur l’application de la loi de bioéthique, l’Agence de la biomédecine préconise l’allégement des procédures administratives liées à l’accueil de l’embryon comme mesure susceptible de limiter le nombre d’embryons conservés.
Par ailleurs, elle a rappelé, dans ses dernières règles de bonnes pratiques sur l’assistance médicale à la procréation, publiées dans un arrêté de juin 2017, qu’il doit être mis fin à la conservation des embryons n’ayant pas été accueillis dans un délai de cinq ans après le consentement du couple géniteur. Le présent projet de loi étend le principe d’une limite de la durée de conservation des embryons cédés à la recherche, mais non inclus dans un protocole.
Pour ces raisons, la commission spéciale demande le retrait de l’amendement ; s’il est maintenu, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 16.
(L’article 16 est adopté.)
Chapitre II (suite)
Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique
Article 17 (précédemment examiné)
M. le président. Je rappelle que l’article 17, appelé par priorité, a été examiné cet après-midi.
Article 18
I. – Après l’article L. 1130-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l’article 8 de la présente loi, il est inséré un article L. 1130-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 1130-5. – I. – En application du III de l’article 16-10 du code civil, l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins de recherche scientifique peut être réalisé à partir d’éléments du corps de cette personne prélevés à d’autres fins lorsque cette personne, dûment informée du programme de recherche, au sens de l’article L. 1243-3 du présent code, n’a pas exprimé son opposition.
« Sans préjudice des droits de la personne prévus aux articles 17 et 21 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, l’opposition à l’examen prévu au premier alinéa du présent I peut être exprimée sans forme tant qu’il n’y a pas eu d’intervention sur l’élément concerné dans le cadre de la recherche.
« II. – En cas de découverte de caractéristiques génétiques pouvant être responsables d’une affection justifiant des mesures de prévention ou de soins au bénéfice de la personne ou de membres de sa famille potentiellement concernés, la personne en est informée sauf si elle s’y est préalablement opposée.
« Si, en cours de recherche, de telles caractéristiques génétiques sont découvertes et, le cas échéant, confirmées par un laboratoire de biologie médicale autorisé en application de l’article L. 1131-2-1, le médecin détenteur de l’identité de la personne, contacté par le responsable du programme de recherche, porte alors à la connaissance de la personne, si elle ne s’y est pas opposée, l’existence d’une information médicale la concernant et l’invite à se rendre à une consultation chez un médecin qualifié en génétique pour une prise en charge réalisée dans les conditions fixées au chapitre Ier du présent titre, sans lui faire part ni des caractéristiques génétiques en cause ni des risques qui lui sont associés. La personne peut sans forme et à tout moment s’opposer à être informée de telles découvertes.
« Le médecin consulté par la personne est informé par le responsable du programme de recherche des caractéristiques génétiques en cause.
« III. – Lorsque la personne est un mineur, l’opposition est exprimée par les parents investis de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, par le tuteur.
« Lorsque la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne, elle exprime seule son opposition dans la mesure où son état le permet, le cas échéant assistée de la personne chargée de la mesure de protection.
« Lorsque la personne ne peut être retrouvée ou qu’elle est décédée ou qu’elle est hors d’état d’exprimer sa volonté et qu’il est, par voie de conséquence, impossible de procéder à l’information prévue au premier alinéa du I, la recherche est soumise à l’avis d’un comité de protection des personnes saisi par le responsable du programme de recherche dans les conditions fixées au chapitre III du titre II du présent livre. Ce comité évalue les éléments justifiant de l’impossibilité de procéder à l’information de la personne et se prononce sur l’opportunité de l’examen de ses caractéristiques génétiques au regard de cette situation ainsi que de la pertinence éthique et scientifique de la recherche.
« IV. – Le présent article n’est pas applicable aux recherches dont la publication des résultats est susceptible de permettre la levée de l’anonymat des personnes concernées.
« V. – Un décret fixe les modalités d’information des personnes concernées et celles permettant l’expression de leur opposition. »
II. – (Non modifié) L’article L. 1243-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le terme “programme de recherche” désigne un ensemble d’activités de recherche organisées en vue de faciliter et d’accélérer les découvertes dans un domaine scientifique déterminé, défini par un organisme exerçant des activités de recherche ou en assurant la promotion. » ;
2° Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Le terme “collection d’échantillons biologiques humains” désigne la réunion… (le reste sans changement). » ;
3° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« Le ministre chargé de la recherche et, pour les organismes relevant de sa compétence, le directeur général de l’agence régionale de santé peuvent demander à tout moment à l’organisme des informations leur permettant de s’assurer que les activités sont bien poursuivies dans le respect des dispositions du présent article et des articles L. 1211-2 et L. 1130-5. Ils peuvent également à tout moment suspendre ou interdire les activités qui ne répondent plus à ces exigences. »
II bis (nouveau). – Au b du 2° de l’article L. 1542-10 du code de la santé publique, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « septième ».
III. – (Non modifié) À la seconde phrase de l’article 75 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, la référence : « L. 1131-1-1 » est remplacée par la référence : « L. 1130-5 ».
IV. – (Non modifié) À la fin du seizième alinéa de l’article L. 1123-7 du code de la santé publique, la référence : « à l’article L. 1211-2 » est remplacée par les références : « aux articles L. 1211-2 et L. 1130-5 ». – (Adopté.)
TITRE V
POURSUIVRE L’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ ET DE LA SÉCURITÉ DES PRATIQUES DU DOMAINE BIOÉTHIQUE
Chapitre Ier
Renforcer la qualité et la sécurité des pratiques
Article 19
Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2131-1 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi rédigé :
« I. – La médecine fœtale s’entend des pratiques médicales, notamment cliniques, biologiques et d’imagerie, ayant pour but le diagnostic et l’évaluation pronostique ainsi que, le cas échéant, le traitement, y compris chirurgical, d’une affection d’une particulière gravité ou susceptible d’avoir un impact sur le devenir du fœtus ou de l’enfant à naître. » ;
b) Le III est ainsi rédigé :
« III. – Le prescripteur, médecin ou sage-femme, communique les résultats de ces examens à la femme enceinte et, si elle le souhaite, lorsque la femme vit en couple, à l’autre membre du couple et leur donne toute l’information nécessaire à leur compréhension.
« En cas de risque avéré, la femme enceinte et, si elle le souhaite, l’autre membre du couple, lorsque la femme vit en couple, sont pris en charge par un médecin et, le cas échéant ou à sa demande, orientés vers un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Ils reçoivent, sauf opposition de leur part, des informations sur les caractéristiques de l’affection suspectée, les moyens de la détecter et les possibilités de prévention, de soin ou de prise en charge adaptée du fœtus ou de l’enfant né. Une liste des associations spécialisées et agréées dans l’accompagnement des patients atteints de l’affection suspectée et de leur famille leur est proposée. » ;
c) Le VI est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La femme enceinte est également informée que certains examens de biologie médicale à visée diagnostique mentionnés au IV peuvent révéler des caractéristiques génétiques fœtales sans relation certaine avec l’indication initiale de l’examen et que, dans ce cas, des investigations supplémentaires, notamment des examens des caractéristiques génétiques de chaque parent, peuvent être réalisées dans les conditions du dispositif prévu à l’article L. 1131-1.
« Le médecin mentionné au IV du présent article communique à la femme enceinte ainsi que, si cette dernière le souhaite, à l’autre membre du couple, lorsque la femme vit en couple, sauf opposition de leur part, les résultats de ces examens et leur donne toute l’information utile à leur compréhension. Si les résultats le justifient, il les adresse à un médecin qualifié en génétique, le cas échéant membre d’une équipe pluridisciplinaire. » ;
c bis) Après le même VI, il est inséré un VI bis ainsi rédigé :
« VI bis. – Lorsqu’est diagnostiquée une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins, les deux membres du couple ou la femme non engagée dans une communauté de vie peuvent autoriser le médecin prescripteur à saisir le responsable du centre d’assistance médicale à la procréation afin que ce dernier procède à l’information du tiers donneur dans les conditions prévues au II de l’article L. 1131-1. » ;
d) Il est ajouté un IX ainsi rédigé :
« IX. – Les modalités d’information de l’autre membre du couple prévues au III et au dernier alinéa du VI sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Après le même article L. 2131-1, il est inséré un article L. 2131-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2131-1-1. – Le ministre chargé de la santé détermine :
« 1° Par arrêté pris sur proposition de l’Agence de la biomédecine, les recommandations de bonnes pratiques relatives aux modalités d’accès, de prise en charge des femmes enceintes et des couples, d’organisation et de fonctionnement des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal mentionnés au VIII de l’article L. 2131-1 et les recommandations de bonnes pratiques relatives au diagnostic prénatal ainsi que les critères médicaux justifiant la communication à la femme enceinte et, le cas échéant, à l’autre membre du couple, des caractéristiques génétiques fœtales sans relation certaine avec l’indication initiale de l’examen mentionné au VI du même article L. 2131-1 ;
« 2° Par arrêté pris sur proposition de l’Agence de la biomédecine et après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les recommandations de bonnes pratiques relatives aux modalités de prescription, de réalisation et de communication des résultats des examens de biologie médicale mentionnés aux II et VII dudit article L. 2131-1 ;
« 3° Par arrêté pris après avis de l’Agence de la biomédecine et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les recommandations de bonnes pratiques relatives aux modalités de réalisation des examens d’imagerie concourant au diagnostic prénatal. »
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié quinquies, présenté par Mmes Guidez, Doineau et Morin-Desailly, M. Gabouty, Mme Vullien, M. Détraigne, Mmes Billon et Vermeillet, MM. Danesi, Saury et Guerriau, Mmes Kauffmann et Perrot, MM. Wattebled et Cazabonne, Mme Férat, MM. Cuypers, Canevet et Bonhomme, Mme Lanfranchi Dorgal et MM. Decool et Lafon, est ainsi libellé :
Alinéa 7, dernière phrase
Remplacer le mot :
proposée
par les mots :
remise par le médecin
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. L’article 19 poursuit l’amélioration de la qualité et de la sécurité des pratiques relevant du domaine bioéthique.
Plus précisément, il reconnaît la médecine fœtale et rénove la définition du diagnostic prénatal, tout en renforçant l’information du couple, notamment de la femme enceinte, tout particulièrement après qu’un examen a révélé des caractéristiques génétiques fœtales incidentes.
Si le code de la santé publique est en partie modifié par le présent article, il est toujours prévu qu’une liste des associations spécialisées et agréées dans l’accompagnement des patients atteints de l’affection suspectée et de leur famille est proposée aux couples concernés. Cette disposition est importante, car il est essentiel qu’ils puissent, avant de prendre quelque décision que ce soit, entrer en contact avec des associations susceptibles de les renseigner au mieux.
À cet égard, la rédaction de la fin de l’alinéa 7 de l’article n’est pas pleinement satisfaisante. Notre amendement vise à la préciser en remplaçant le mot « proposée » par l’expression « remise par le médecin ». Alors que le terme « proposée » est moins clair et renvoie à une démarche plus passive, moins forte, l’expression « remise par le médecin » implique une action plus proactive, pour une information plus effective.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La formulation proposée suggère une démarche en effet plus proactive, sans être toutefois trop intrusive. La commission spéciale estime ne pas avoir de raison de s’y opposer. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 19, modifié.
(L’article 19 est adopté.)
Article 19 bis A
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 127 rectifié ter, présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz, Morisset et Brisson, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ, Cuypers, Mayet, Bascher et B. Fournier, Mme Ramond, MM. Regnard, Retailleau et Longuet, Mme Lavarde et MM. Leleux, H. Leroy, Cambon, Meurant, Bignon, Segouin et Hugonet, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – L’article L. 2131-4-1 du code de la santé publique est abrogé.
II. – Le Gouvernement rend compte, au plus tard le 31 décembre de l’année de la promulgation de la présente loi, des progrès accomplis dans la collecte et le stockage des unités de sang placentaire.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Cet amendement a pour objet de supprimer le diagnostic préimplantatoire (DPI) avec typage HLA, autorisé à titre expérimental par la loi du 6 août 2004, puis confirmé en 2011. En première lecture, les députés ont supprimé cette technique, qui n’est plus pratiquée depuis 2014 par l’hôpital Antoine Béclère, le seul à l’avoir mise en œuvre. Nous proposons d’en revenir à cette mesure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission spéciale a décidé de supprimer l’article 19 bis A, introduit par l’Assemblée nationale, afin de maintenir dans la loi l’autorisation du double diagnostic préimplantatoire DPI-HLA.
J’entends parfaitement les interrogations des auteurs de l’amendement. Cette technique soulève en effet des questions éthiques, puisqu’il s’agit d’envisager la naissance d’un enfant non seulement sain de la maladie dont est atteint un aîné, mais également compatible avec celui-ci pour une greffe.
Conscient de ces enjeux, le législateur a encadré strictement le dispositif en la matière, dont la mise en œuvre reste exceptionnelle, comme solution de dernier recours, ainsi que le prévoit explicitement le code de la santé publique.
Je crois que nous ne pouvons pas dévaluer a priori le désir d’enfant d’un couple qui se conjuguerait avec l’espoir de soigner un aîné malade. Certes, la procédure est lourde et complexe, mais l’évolution des thérapeutiques et des connaissances scientifiques depuis 2011 ne l’a pas rendue caduque au point de justifier son abrogation. C’est ce que m’ont confirmé des médecins, de même que les associations de familles d’enfants atteints de maladies rares, comme l’anémie de Fanconi. La greffe intrafamiliale reste une option thérapeutique, et parfois la meilleure.
Nous sommes conscients que les difficultés de mise en œuvre du diagnostic préimplantatoire en général, et les délais d’accès à cette technique en particulier, justifient un réexamen ; mais ces difficultés, auxquelles on doit trouver des solutions organisationnelles, ne doivent pas nous conduire à renoncer d’emblée à une possibilité qui reste utile pour sauver des vies.
Pour ces raisons, la commission spéciale maintient sa position et appelle au rejet de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Nous parlons d’une technique dont la mise en œuvre est exceptionnelle, rendue nécessaire par quelques maladies rares pour lesquelles les greffes à partir de donneurs non intrafamiliaux donnent de mauvais résultats. De fait, il est parfois nécessaire de trouver un donneur dans la fratrie, lequel ne doit évidemment pas être lui-même malade.
Lorsque la famille a un désir d’enfant, cette technique permet de trier les embryons pour que l’enfant à naître non seulement ne soit pas malade – c’est le dépistage de maladie rare autorisé pour les familles dont un premier enfant est atteint –, mais, en outre, soit compatible sur le plan HLA avec l’enfant malade, de façon que celui-ci puisse recevoir le sang du cordon ombilical recueilli chez la mère.
Je m’en remets à la sagesse du Sénat sur les différents amendements relatifs à cette technique, parce que traiter ces enfants et rencontrer ces familles a été toute ma vie mon métier. J’ai connu tous les cas de figure. Il est vrai que, lorsqu’une famille a un désir d’enfant et sait que cette technique peut sauver un premier enfant malade, il est parfois difficile de lui expliquer qu’il n’est pas possible d’y recourir.
Aujourd’hui, cette technique est autorisée, mais très rarement mise en œuvre, car très complexe. L’interdire priverait les familles qui, de temps en temps, y ont recours à l’étranger du remboursement par la sécurité sociale. Les cas, je le répète, sont exceptionnels.
Mon avis de sagesse vient de ce que j’ai trop d’histoires personnelles à l’esprit quand je pense à cette technique pour pouvoir prendre une position dénuée de sentiment.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je ne voudrais pas faire de mauvais parallélisme, car chaque problématique a évidemment ses spécificités, mais, la semaine dernière, nous avons longuement parlé des conséquences que peuvent avoir un certain nombre de choix d’adultes sur le devenir d’enfants et sur celui de ces adultes eux-mêmes.
En l’espèce, nous parlons de ce qu’on appelle communément les « enfants médicaments », des naissances médicamenteuses. J’entends évidemment ce que vous dites, madame la ministre, sur les familles confrontées à ces maladies qui, indépendamment de la situation d’un enfant déjà né, ont le désir d’autres enfants.
La difficulté du choix que le législateur a à faire me paraît résider dans cette question : jusqu’à quel point les parents désirent-ils un autre enfant, indépendamment du désir de guérir celui qui est déjà né ? Car un poids psychologique pèsera inévitablement sur cet enfant, né non pour lui-même, mais pour guérir son aîné.
Personnellement, je voterai cet amendement. Prenons garde, à défendre le progrès, à ne pas tomber dans le progressisme. Nous devons encourager la recherche à ne pas être dans le maximalisme.
Depuis le début de ces débats, je n’ai jamais caricaturé les propos de quiconque parmi nous. Je souhaite simplement que les miens ne le soient pas non plus.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Mon intervention illustrera la diversité de mon groupe, puisque, pour ma part, je voterai contre l’amendement, suivant l’avis de la commission spéciale.
Le double diagnostic préimplantatoire pose des questions, et ma collègue a eu tout à fait raison de le souligner. Reste que, pour certains enfants nés avec une maladie génétique très grave, incurable sauf à réaliser une greffe de moelle avec un futur enfant indemne du couple, le DPI joue un rôle en permettant de sélectionner un embryon sain via une FIV. Après la naissance, une greffe est réalisée sur cet enfant en vue de guérir son aîné.
La technique est complexe et interroge, il est vrai. Les cas sont rarissimes, comme Mme la rapporteure et Mme la ministre l’ont souligné, en sorte qu’elle est peu pratiquée – elle l’est notamment par le professeur Frydman.
J’entends l’argument selon lequel il serait préférable d’abroger ce dispositif, un enfant ne pouvant pas être utilisé comme un moyen, voire comme un objet ; pour une part, j’y suis sensible. Nous nous demandons tous, je crois, comment peut se construire un enfant destiné à soigner un membre de sa fratrie et qui peut avoir le sentiment d’avoir été conçu dans ce seul but.
Je considère malgré tout que, si les progrès médicaux peuvent permettre de sauver une vie tout en donnant naissance à une autre vie, correspondant aussi à un projet parental, il est important, même si les chances de réussite sont minces, de laisser aux familles d’enfant malade la possibilité de recourir à une technique qui existe et qui peut sauver.
Par ailleurs, cette technique est pratiquée dans certains pays voisins. Certes, ce n’est pas ce qui doit nous décider à l’autoriser ou non, mais, en continuant à l’autoriser en France, nous éviterons à des familles d’être en errance et de devoir se rendre à l’étranger pour y recourir.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je comprends les arguments de Mme la ministre et de tous mes collègues. D’autant que nous parlons de situations de souffrance.
Si l’on s’efforce de s’en tenir à la raison, il apparaît, d’abord, que la rareté des cas ne saurait être un argument : une loi bioéthique sert à poser des principes qui valent en tant que tels et ne souffrent pas d’être amoindris par la loi du nombre.
Ensuite, faire naître un enfant non pour lui-même, mais pour soigner son grand frère ou sa grande sœur pose malgré tout problème. On doit concevoir un enfant pour lui-même, sans l’instrumentaliser – ce terme serait du reste à nuancer.
Enfin, il s’agit bien d’une sélection, d’un tri, et même d’une double sélection, d’un double tri, ce qui pose également problème.
Par ailleurs, madame la ministre, on me dit qu’un certain nombre de vos confrères hématologues ont recours à des techniques permettant désormais d’utiliser les cellules souches contenues dans le sang du cordon ; peut-être pourrez-vous nous éclairer à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Les cas sont très rares, mais il est arrivé que la technique soit mise en œuvre. Les principes qui ont été rappelés, et auxquels je souscris, ont-ils à cette occasion été enfreints ? Je ne le crois pas. J’ai le sentiment, avec une grande humilité, que les familles en question en ont tiré un mieux-être.
La technique a-t-elle un avenir ? Je n’en sais rien du tout. Simplement, l’expérience ayant montré que la procédure est parfaitement encadrée et sans dérive, je ne vois pas de raison de l’interdire maintenant.
Quelques familles françaises recourent à cette technique à l’étranger, notamment en Belgique. Si elle était interdite, madame la ministre, ne seraient-elles pas privées de prise en charge par la sécurité sociale ?
Je ne voterai pas l’amendement de suppression, parce que je ne vois pas la nécessité de fermer une porte qui a été ouverte avec précaution, dans laquelle rien ne s’est engouffré et qui permet simplement la mise en œuvre d’une technique au bénéfice de familles et d’enfants.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suivrai la commission spéciale, qui a décidé de maintenir l’autorisation du diagnostic préimplantatoire avec typage HLA.
Ce dispositif, autorisé en 2004 et pérennisé en 2011, est extrêmement encadré : le couple demandeur doit avoir donné naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique entraînant la mort ou reconnue incurable ; le diagnostic préimplantatoire a pour seul objet de rechercher la maladie génétique, ainsi que les moyens de la prévenir et de la traiter et de permettre une thérapeutique.
Certes, la technique est lourde, n’est plus appliquée depuis 2014 et la procédure administrative est complexe. Reste que l’évolution des thérapeutiques disponibles et de la connaissance scientifique depuis 2011 n’a pas rendu caduc le recours à cette technique. Le caractère exceptionnel de la procédure et sa complexité ne suffisent pas à rendre son maintien inutile.
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour explication de vote.
Mme Florence Lassarade. Comme pédiatre, je sais qu’une famille qui va perdre un enfant sera de toute façon tentée par cette technique.
J’entends parler d’« enfant médicament » ; mais, en fin de compte, une fois qu’on a perdu un enfant, l’enfant suivant n’est-il pas aussi un enfant médicament, destiné à combler le vide laissé ? Cet argument ne me paraît donc pas convaincant.
Dès lors qu’il y a un enjeu vital, je pense que la loi doit laisser ouverte la possibilité de recourir à cette technique.
Lorsqu’ils sont confrontés à la mort probable de leur enfant, les parents sont prêts à tout pour l’éviter, mais certainement pas aux dépens de l’enfant qui va naître et qui sera considéré comme un sauveur au sein de la famille.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Il s’agit de faire la loi et non de s’appuyer sur un cas individuel qui pourrait nous toucher.
Lorsque l’on croise un sans-papiers dans la rue et que l’on mesure sa détresse, il est bien normal d’avoir envie de l’aider. Pour autant, est-ce dans l’intérêt supérieur de la Nation de régulariser tous les sans-papiers parce que l’on aura été touché par ce cas individuel ? Peut-être, peut-être pas. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)
M. Bernard Jomier. Quelle comparaison !
M. Jérôme Bascher. Oui, chaque cas individuel mérite tout notre respect et tout notre amour. Toutefois, il s’agit non pas de raisonner à partir d’un cas individuel, même si cela nous apporterait beaucoup de satisfaction, mais bien de faire la loi et d’œuvrer pour le bien commun, ce qui est toujours beaucoup plus délicat.
Par conséquent, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Je suis étonné par l’argument que je viens d’entendre : la loi est aussi faite pour les cas exceptionnels. Aussi exceptionnel le sujet qui est ici abordé soit-il, j’ai du mal à imaginer que les parents – et l’on ne peut pas se mettre à leur place – instrumentaliseront ou plutôt chosifieront le nouvel enfant qui naît. J’ai au contraire plutôt le sentiment que c’est un double acte d’amour, pour l’enfant qui va peut-être mourir et pour l’enfant suivant que les parents aimeront encore plus.
Par conséquent, je ne voterai pas cet amendement de suppression, pour ne pas fermer la porte à une technique si rare soit-elle, mais qui vise à faire du bien.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je ne voterai pas cet amendement.
Je rappelle que nous n’introduisons pas un nouveau dispositif dans la loi. C’est même tout le contraire ! En effet, l’Assemblée nationale a supprimé un dispositif qui avait été reconduit par les lois de bioéthique de 2011, qui plus est plus sous notre majorité.
Il s’agit donc non pas de créer un nouveau dispositif pour des cas particuliers, mais simplement de ne pas supprimer ce qui existe déjà.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je tiens à apporter un éclairage et à répondre à Bruno Retailleau.
Certes, il est possible de greffer des enfants soit avec du sang de cordon congelé issu des banques de sang de cordon, soit grâce à des donneurs non familiaux inscrits dans des fichiers internationaux, mais, dans les deux pathologies concernées par le DPI-HLA, ces techniques de greffe standard donnent de mauvais résultats : pour ces enfants, le risque de mortalité est bien supérieur qu’avec des prélèvements intrafamiliaux.
Par ailleurs, le tri des embryons a de toute façon lieu. Il s’agit de familles dont l’un des enfants est atteint d’une maladie génétique rare. Par conséquent, lorsque les parents auront un autre enfant, ils demanderont à bénéficier d’un diagnostic préimplantatoire, ce que la loi leur permet. Ils auront donc recours à une technique d’AMP ou de fécondation in vitro et un tri d’embryons dépourvus de la maladie génétique sera réalisé.
La technique permet en quelque sorte de leur proposer un double tri, comme vous le disiez, monsieur Retailleau. Reste que le premier tri est déjà prévu par la loi actuelle.
En réalité, la question fondamentale – Mme la rapporteure l’a très bien posée – est la suivante : ces familles engendrent-elles un enfant pour en sauver un autre ? Doit-on fermer la porte à des familles qui, de toute façon, auraient des enfants, bénéficieraient donc d’un tri d’embryons pour leur futur enfant et qui auraient en plus la possibilité de sauver leur premier enfant ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 127 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 19 bis A demeure supprimé.
Article 19 bis
(Supprimé)
Article 19 ter (nouveau)
L’article L. 2131-4 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Au deuxième alinéa, au début, est ajoutée la mention : « II. – » et, après le mot : « conditions », la fin est ainsi rédigée : « définies au présent II. » ;
3° Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – À titre expérimental, le diagnostic préimplantatoire peut être autorisé pour la recherche d’anomalies chromosomiques non compatibles avec le développement embryonnaire, lorsqu’un médecin exerçant son activité dans un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal tel que défini à l’article L. 2131-1 ou dans un centre d’assistance médicale à la procréation tel que défini à l’article L. 2141-1 atteste que le couple remplit les conditions fixées par un arrêté pris après avis de l’Agence de la biomédecine.
« Les deux membres du couple expriment par écrit leur consentement à la réalisation du diagnostic, après avoir été informés sur les conditions, les risques et les limites de la démarche.
« Ce diagnostic ne peut avoir pour seul objectif que celui d’améliorer l’efficience de la procédure d’assistance médicale à la procréation, à l’exclusion de la recherche du sexe de l’enfant à naître.
« Ce diagnostic est réalisé dans un établissement spécifiquement autorisé à cet effet par l’Agence de la biomédecine.
« Il ne peut donner lieu à une prise en charge au titre de l’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 68 rectifié est présenté par MM. Mizzon, Canevet, Cazabonne, Delahaye, Détraigne et L. Hervé, Mme Herzog et M. Masson.
L’amendement n° 100 rectifié ter est présenté par MM. Retailleau, Chevrollier, B. Fournier, Danesi et Vial, Mme Deromedi, MM. de Legge et Bazin, Mme Bonfanti-Dossat, M. H. Leroy, Mmes Bruguière, Chain-Larché et Thomas, MM. Bascher, Chaize, Mouiller, Schmitz et Cuypers, Mme Deseyne, MM. Gilles, Mandelli, Mayet, Longuet, Cambon, Rapin et Bignon et Mme Micouleau.
L’amendement n° 159 est présenté par Mme Lopez.
L’amendement n° 290 est présenté par le Gouvernement.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 68 rectifié.
M. Jean-Marie Mizzon. Cet amendement vise à supprimer l’article 19 ter.
L’amendement COM-166 adopté par la commission spéciale autorise, à titre expérimental et sous conditions, le diagnostic préimplantatoire avec recherche d’anomalies chromosomiques. La technologie permet de trier les embryons in vitro, et les procédés sont de plus en plus poussés. Pour lutter contre les tentations d’eugénisme inhérentes à cette pratique, le législateur a limité jusqu’à présent celle-ci à des maladies génétiques héréditaires dites graves.
La disposition adoptée par la commission spéciale multiplie les indications de recours au DPI sans limite stable. Cela révèle les inquiétantes pressions idéologiques pesant sur l’élargissement du DPI pour tous et pour tout.
Voilà pourquoi il convient de rétablir le cadre strict du recours au DPI actuellement en vigueur.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 100 rectifié ter.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, nous abordons un point très important. J’ai demandé la parole sur l’article, mais vous ne m’avez pas vu. Comment fait-on ?
M. le président. Exprimez-vous alors sur l’article et présentez ensuite votre amendement. Je vous accorderai un peu plus de temps.
M. Bruno Retailleau. On le sait bien, le débat sur ce sujet a été l’un des moments clés à l’Assemblée nationale. Je veux bien que l’on travaille rapidement parce qu’il est tard, mais, sur ce type de mesure, le diagnostic préimplantoire des aneuploïdies (DPI-A), on devrait prendre le temps. Je ne demande pas plus que ce que prévoit le règlement.
Cela dit, la discussion sur cette mesure a été un moment de tension et d’émotion à l’Assemblée nationale. Je ne l’ai pas vécu, mais vous, oui, madame la ministre, et vous me démentirez si je tiens des propos erronés.
J’ai vu, en commission, un député dire tout fort qu’il fallait éliminer les embryons trisomiques et, à la tribune, un autre député d’un autre groupe déclarer qu’il fallait éradiquer ces embryons. Le cadre est posé de façon brutale.
Je sais que certains promoteurs de cette mesure sont mus par une logique de la bonne intention compassionnelle : en ayant recours au DPI-A, il s’agirait simplement de réduire les fausses couches après une fécondation in vitro. Il ne faut pas le nier, cette argumentation pourrait justifier cette mesure.
Toutefois, de nombreux professeurs de médecine ont apporté la preuve inverse. Ainsi, M. Jean-Paul Bonnefont, devant la mission d’information de l’Assemblée nationale, le 18 octobre 2018, indiquait : « L’augmentation des chances de grossesse après un test d’aneuploïdie n’a jamais été formellement démontrée » – madame la ministre, là encore, vous me démentirez si mes propos sont faux. Il apportait d’ailleurs une autre information en précisant qu’il ne s’agissait pas d’une technique anodine : elle peut conduire aussi à « éliminer des embryons potentiellement sains ».
Évidemment, si vous proposez d’ajouter un autre test aux tests déjà existants, les grands laboratoires et un certain nombre de chercheurs applaudissent : ce sera plus d’argent, plus de chiffre d’affaires !
Toutefois, nous sommes dans une démarche d’eugénisme. Ce n’est pas une dérive. Il ne s’agit en effet ni plus ni moins que de trier les embryons et d’éliminer ceux qui n’ont pas un génome conforme, normal. C’est très clair !
Quel signal envoyons-nous aux personnes handicapées, sinon une stigmatisation terrible ? Vous rendez-vous compte, mes chers collègues, de la violence de ce message pour les personnes trisomiques, mais aussi pour notre société ? Quelle société voulons-nous ?
Voilà quelques mois, un grand Français, Jean Vanier, le fondateur de l’Arche, disparaissait. Il a développé le concept d’éthique de la vulnérabilité, de la fragilité. Il répétait souvent cette phrase : « On mesure le degré d’une civilisation à l’attention qu’elle porte aux plus fragiles. » Nous sommes au cœur du problème !
J’en viens à mon amendement, qui vise évidemment à contrer la mesure adoptée par la commission spéciale. Je parlerai de façon moins rationnelle.
Mes chers collègues, peut-être avez-vous vu lors de sa sortie le film Le Huitième Jour. Je m’étais alors longuement entretenu avec l’acteur principal, trisomique, Pascal Duquenne, qui est une vraie personnalité. À l’époque, c’était dans les années 1990, tous ceux qui ont vu le film – croyez-moi, il a connu un grand succès – avaient été touchés. Au moment où vous voterez, vous devez avoir cette image à l’esprit !
Je citerai une autre référence : le général de Gaulle. Savez-vous que sa fille Anne, qui est née en 1928, était trisomique, lourdement handicapée ? Yvonne de Gaulle et lui avaient choisi de la garder près d’eux, alors qu’à l’époque, dans certains milieux, ces enfants-là étaient écartés et placés dans des hôpitaux psychiatriques. Anne est morte à 20 ans. Dans le cimetière, au moment de son inhumation, le général de Gaulle prit le bras de son épouse et murmura : « Maintenant, elle est comme les autres. » Il avait eu également cette phrase extraordinaire : « Anne était aussi une grâce. Elle m’a aidé à dépasser tous les échecs […], à voir plus haut. » En d’autres termes, la faiblesse de cet enfant trisomique a nourri la force du général.
Nous devons entretenir cette éthique de la fragilité, non seulement pour les personnes handicapées, dont nous avons la charge, mais aussi pour nous-mêmes, parce que cette fragilité et cette vulnérabilité nous rappellent notre condition humaine qui est précisément qu’elle n’est pas sans condition, comme je le disais dans cette enceinte même lors de la discussion générale.
Mes chers collègues, il faut refuser cette mesure et voter cet amendement de suppression. Il s’agit d’une question éthique importante sur laquelle nous pouvons nous retrouver. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. le président. L’amendement n° 159 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 290.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Il est vrai que les discussions à l’Assemblée nationale ont été extrêmement longues et émouvantes. Je souhaite reposer les termes du débat.
La demande provient essentiellement des centres qui réalisent des fécondations in vitro. Dans de nombreux pays de par le monde, des centres utilisent cette technique visant à trier des embryons pour supprimer, avant réimplantation, des embryons manifestant soit des anomalies visuelles, soit des anomalies du nombre de chromosomes, en espérant que les embryons ainsi triés et réimplantés donneront plus de probabilités à la femme de mener sa grossesse à terme.
L’argumentaire est donc le suivant : cette pratique existe ailleurs et il y a de fortes chances qu’elle améliore la probabilité de réussite et diminue ainsi la souffrance des couples devant entreprendre plusieurs cycles d’AMP et d’insémination.
Les centres d’AMP formulent également cette demande de manière forte pour des raisons médico-économiques, disent-ils, en raison d’une meilleure efficience des techniques.
Force est de constater que la certitude que cette technique améliore réellement le taux de réussite des FIV est loin d’être admise partout dans le monde. D’ailleurs, dans la semaine qui a suivi les débats à l’Assemblée nationale, une grande étude internationale affirmait exactement le contraire : le DPI-A effectué chez les femmes de 25 à 40 ans n’améliorerait en rien le taux de succès de la réimplantation. Elle reposait donc la question de l’utilité de cette technique, qui détruirait parfois des embryons sains, viables, et qui masquerait parfois d’autres anomalies. En effet, on rechercherait des anomalies, mais, ce faisant, on ne détecterait pas les autres, avec le risque que naissent des enfants présentant des pathologies ou que des fausses couches inattendues se produisent. Lors du dernier congrès américain, cette technique a donc eu l’air d’être remise en question.
Le Gouvernement a proposé de poursuivre les protocoles de recherche sur cette technique et, sur la demande des chercheurs et des médecins français, de financer un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), de façon à accompagner un certain nombre d’équipes en France pour juger de l’utilité et de l’intérêt de cette recherche d’anomalies chromosomiques avant réimplantation pour améliorer l’efficience de l’AMP.
Pourquoi cette technique pose-t-elle des problèmes éthiques ? Si les problèmes n’étaient que techniques, la question ne serait pas débattue devant les parlementaires que vous êtes.
Parmi les anomalies chromosomiques qui sont recherchées, par essence, se trouve la trisomie 21. Or les enfants qui en sont atteints sont viables. En réalité, en éliminant les embryons aneuploïdes, on embarque également, si je puis dire, les embryons trisomiques lors du tri.
Pour être honnête, à l’Assemblée nationale, ont été évoquées des histoires terribles de couples ayant eu un enfant avec une anomalie génétique, recourant ensuite à une AMP pour éviter d’avoir de nouveau un enfant malade. On leur assurait alors que l’embryon qui serait réimplanté ne porterait pas la maladie génétique dont était atteint leur premier enfant, ce que permet la loi, mais le dépistage prénatal faisait apparaître que leur futur enfant serait trisomique.
Il s’agit bien d’histoires terribles : ces familles, qui ont déjà un enfant avec une anomalie génétique, entreprennent une démarche de fécondation in vitro et se retrouvent de facto à devoir décider un avortement thérapeutique. Ces situations, qui sont certainement exceptionnelles, existent.
C’est toujours le même problème qui se pose. Je rappelle que l’on dénombre aujourd’hui 150 000 essais d’AMP dont environ 100 000 reposent sur la fécondation in vitro, donc sur des embryons. Cela concerne toutes les familles, y compris des familles qui n’ont pas d’enfant malade. En ouvrant la technique pour les situations individuelles visées, on ouvrirait une technique de recherche d’anomalies chromosomiques, donc de tri d’embryons, pour tous les parents ayant recours à l’AMP.
Cela pose deux questions éthiques.
D’une part, souhaitons-nous inscrire dans la loi que nous sommes tous d’accord pour définitivement trier des embryons porteurs de la trisomie 21 ?
D’autre part, pourquoi offrir cette possibilité de tri d’embryons uniquement aux couples qui ont recours à une AMP avec FIV ? Pourquoi ceux qui se tournent vers l’insémination artificielle en seraient-ils privés ? Pourquoi ceux qui conçoivent un enfant par voie normale, si je puis dire, prendraient-ils, eux, le risque d’avoir un enfant avec une trisomie 21 ou d’autres anomalies génétiques ou chromosomiques ?
S’il est vrai que la technique est possible et simple, l’argument qui consiste à dire que son utilisation améliorera le rendement de la fécondation in vitro est loin d’être confirmé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la France finance une recherche à large échelle dans ce domaine. En outre, allons-nous aujourd’hui inscrire dans la loi ce choix d’éliminer des enfants viables présentant des anomalies chromosomiques, comme la trisomie 21 ?
Je reviens sur le diagnostic préconceptionnel. La technique qui permet de déceler les anomalies chromosomiques permet également, selon les réglages, de détecter les anomalies génétiques. En d’autres termes, les laboratoires ayant cette technique en main seraient également à même de détecter les anomalies génétiques et les mutations dont nous avons parlé cet après-midi. Or je rappelle que vous avez émis un avis défavorable sur le fait d’inscrire le dépistage dans la loi.
Sur cette question, j’espère avoir été claire. Le Gouvernement est défavorable à la technique proposée par cet article. Le temps est encore à la recherche. Nous finançons cette recherche, nous accompagnons les équipes pour en savoir plus et définir quelle technique permettrait d’améliorer les FIV sans pour autant prendre une décision lourde sur le plan éthique pour tous les couples.
Par conséquent, le Gouvernement demande la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je souhaite au préalable recadrer le débat pour ne pas faire dire au texte adopté par la commission spéciale ce qu’il ne dit pas.
La commission spéciale a proposé un cadre très strict de recours au diagnostic préimplantatoire avec recherche d’aneuploïdies et à titre expérimental. Cela ne conduit nullement à multiplier les indications du recours au DPI sans limite stable, comme certains le prétendent.
D’abord, ce diagnostic préimplantatoire n’aurait pas vocation à concerner tous les couples engagés dans une assistance médicale à la procréation. Il s’agirait pour les équipes médicales spécialisées de cibler les femmes les plus à risques, notamment en cas d’échecs répétés de FIV ou de fausses couches à répétition, dans un objectif d’amélioration de la prise en charge de ces parcours qui sont longs et douloureux.
La finalité n’est nullement de sélectionner des embryons sur d’autres critères ; nous l’avons explicitement inscrit dans le texte. Le diagnostic ne pourra avoir pour seule fin que d’identifier les embryons ayant plus de chances de s’implanter pour aboutir à une grossesse. Il ne s’agit en aucun cas de faire un tri sur la base d’autres critères. En fait, il s’agit de donner plus de chances à un couple d’avoir un enfant.
Nous pouvons sans doute encore améliorer le dispositif et, si cet article n’est pas supprimé, nous pourrons examiner des amendements tendant à formuler des propositions intéressantes dans ce sens.
Ne fermons pas d’emblée la porte à une technique que l’ensemble des sociétés savantes en médecine de la reproduction appellent de leurs vœux pour rendre ces parcours d’assistance médicale à la procréation moins douloureux et dont le Comité consultatif national d’éthique a également préconisé la mise en place.
J’entends l’argument du Gouvernement de privilégier la poursuite de la recherche. Ce n’est pas incompatible avec le texte que nous proposons, bien au contraire. Notre dispositif, je le répète, étant expérimental, il pourra s’enrichir des résultats de la recherche, notamment pour mieux cibler les indications médicales que nous avons précisément renvoyées à un texte réglementaire.
La portée d’un projet de recherche et les longueurs que nous connaissons dans ce domaine ne valent pas que l’on renvoie l’inscription du dispositif dans une prochaine loi de bioéthique. Si tel était le cas, nous aurions alors perdu cinq ans.
Pour ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article 19 ter.
J’ajoute que cet article permettra de gagner du temps dans un processus d’assistance médicale à la procréation qui est long et douloureux et de donner plus de chances à un couple d’avoir un enfant. Il faut sortir du débat passionnel et ne pas se focaliser sur la trisomie 21.
Oui les enfants atteints de trisomie 21 sont viables. Bien sûr, ils sont accueillis avec bonheur par leurs parents et notre société, dans sa politique d’inclusion, doit les intégrer au mieux.
Le DPI-A est une possibilité de diagnostic supplémentaire, qui vise surtout à éviter de transférer des embryons qui ne donneront jamais naissance à un enfant.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je soutiens la position de la commission spéciale. Cet article élargit la recherche d’anomalies chromosomiques au-delà des seules anomalies préalablement identifiées dans la famille. D’abord, le développement des techniques de séquençage du génome rend l’examen de celui-ci plus simple. En outre, comme vient de le souligner Mme la rapporteure, cela améliorera les chances des patientes ayant des échecs d’implantation, faisant des fausses couches à répétition ou dont l’âge prédispose à des anomalies chromosomiques non compatibles avec le développement embryonnaire.
Le DPI-A permettrait d’arriver plus rapidement à une grossesse en évitant les échecs répétés. Il concernerait non pas l’ensemble des femmes ayant recours à l’AMP, mais seulement celles qui répondent à certains critères – antécédents de fausse couche, échecs de FIV –, sous réserve bien sûr du consentement des intéressés.
J’ai écouté avec attention Mme la ministre, qui nous a délivré des explications très précises et a fait part de sa grande expérience. Reste que cette pratique n’aurait pas un caractère d’eugénisme : il est uniquement question d’autoriser, à titre expérimental, dans des conditions encadrées, comme l’a précisé Mme la rapporteure, le DPI-A pour la recherche d’anomalies chromosomiques non compatibles avec le développement embryonnaire.
Madame la ministre, vous avez pris l’exemple de la trisomie 21, mais celle-ci peut être détectée par une analyse de sang ou une amniocentèse.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Parce que nous traitons de questions qui renvoient souvent à des douleurs et à des parcours familiaux qui ne sont jamais simples, je tiens à dire au préalable que les situations qui ont été évoquées par les uns et les autres ou que certains d’entre nous ont pu vivre individuellement sont toutes particulières et singulières. D’ailleurs, selon leur situation familiale et l’environnement dans lequel ils évoluent, ces enfants, qui sont parfois aujourd’hui des adultes, peuvent vivre des réalités différentes.
D’autres collègues ont posé la question avant moi. Faisons-nous la loi pour répondre à ces cas particuliers ? Plus largement, quelle image renvoyons-nous à l’autre et à nous-mêmes ?
Quand il s’agit d’un texte de loi relatif à la génétique, le premier réflexe, c’est de se dire qu’il faut utiliser la science pour trouver des solutions à un problème naturel. Je ne reviens pas sur la question de l’équilibre entre nature et culture.
En légiférant ainsi, nous enverrions le message que nos choix, selon nous, n’auraient aucune incidence sur les autres ou sur le groupe, en niant ainsi que nous ferions société.
La ligne de crête est très difficile à trouver. Toutefois, comme je l’ai déjà dit – c’est donc sans surprise que je voterai ces amendements identiques de suppression –, je pense qu’il ne faut pas trop laisser le pouvoir à la science. Ce n’est pas être réfractaire aux progrès que la science peut apporter à l’humanité que de dire cela : le scientisme n’est pas toujours source de progrès. Par conséquent, ce n’est pas la science qui doit décider ; la science est aussi le produit de la société dans laquelle elle est faite et dans laquelle la recherche s’opère.
Tel qu’il est rédigé, cet article ouvre la porte aux difficultés évoquées, je n’y reviens pas.
J’ai relu pour préparer nos débats L’Éloge de la différence d’Albert Jacquard, qui conclut en disant qu’il faut savoir s’enrichir de la différence de l’autre. Ne cherchons donc pas forcément, parce que la science le permet, à uniformiser la société de demain. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. J’interviens au nom du groupe socialiste et républicain, qui, dans son ensemble, est contre la suppression de l’expérimentation du DPI-A. Nous avions d’ailleurs déposé un amendement en commission visant à ouvrir cette possibilité.
Le diagnostic préimplantatoire a pour principal objet la recherche d’une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave, reconnue comme incurable. Étendre son champ à la numération des autosomes, c’est-à-dire des chromosomes non sexuels, afin d’éviter tout risque de dérive discriminatoire, n’implique aucun acte supplémentaire dans le cadre du DPI.
La vérification du nombre d’autosomes est centrale pour deux raisons. Tout d’abord, elle a une incidence sur le taux de réussite des fécondations in vitro, déjà considérées à risques dès lors qu’elles font l’objet d’un DPI. Une mauvaise numération des autosomes, dite aneuploïdie autosomique, donne en effet très majoritairement des embryons non viables et entraîne des fausses couches. Cette vérification est ensuite essentielle pour l’enfant, car, dans les rares cas où la grossesse est menée à son terme, celui-ci souffre souvent d’une pathologie génétique grave, d’où l’autorisation de la pratique d’un avortement thérapeutique.
C’est pourquoi nous sommes, comme la commission spéciale, favorables à l’expérimentation du DPI-A, en faveur duquel s’est prononcé le Comité consultatif national d’éthique. Comme l’a indiqué le professeur Frydman devant la commission spéciale, il s’agit avant tout d’éviter « une violence psychique, physique et économique » à des femmes et à des couples en prévenant des échecs répétés, des fausses couches à répétition. Comme l’a dit très bien la rapporteure Corinne Imbert, c’est augmenter les chances dans le parcours déjà long et douloureux que constitue une AMP.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. La commission spéciale nous propose d’autoriser le DPI-A « à titre expérimental ». Cela signifie bien qu’elle a un doute !
Pour ma part, je n’ai pas envie que l’on procède à des expériences quand sont en jeu notre humanité, notre relation sociale et notre rapport au plus faible.
J’ajoute que si on procède à une expérimentation, il faut aussi prévoir une grille d’évaluation. Quelle grille de lecture est donc prévue ? En fin de compte, il y aura toujours, comme ce soir, un certain nombre de personnes pour dire qu’il faut poursuivre les expérimentations, car, les situations étudiées étant particulières, elles n’ont pas permis d’obtenir toutes les réponses aux questions posées.
Je ne voudrais pas que, sous couvert d’expérimentation, on remette ce sujet à plus tard. Ce sujet nous touche dès à présent, car ce qui est en jeu, c’est la création d’une norme génétique, que je ne souhaite pas.
La loi de bioéthique sert à poser des limites. Si nous n’adoptons pas les amendements de suppression, il n’y aura plus de limites. On sait qu’après une expérimentation le risque est que survienne la généralisation.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. J’ai écouté M. de Legge avec beaucoup d’attention, mais je ne partage pas du tout son point de vue. En revanche, je suis d’accord avec l’intégralité de ce qu’ont dit Mme la rapporteure et Daniel Chasseing. Je n’y reviens pas. Comme eux, je ne voterai pas ces amendements de suppression.
On ne doit pas supprimer cet article au prétexte d’éviter tout eugénisme, en particulier pour ne pas empêcher la naissance d’enfants atteints de trisomie 21. Je pense que ceux qui ont évoqué cette question pensaient à cette forme de trisomie, et non à d’autres formes beaucoup plus graves, comme la trisomie 18, qui, elle, est mortelle.
S’il s’agit de ne pas empêcher la naissance d’enfants atteints de trisomie 21, je suis d’accord, à une condition : il faut alors aller au bout du raisonnement et ne plus pratiquer le dépistage de cette maladie au cours de la grossesse, ne plus faire d’amniocentèse, ne plus laisser ensuite aux femmes enceintes le choix de poursuivre ou non leur grossesse. Il faut dire à tout le monde : « Puisque, pour des raisons éthiques, on n’autorise pas le dépistage de la trisomie dans le cadre du DPI-A, on ne l’autorise dans aucun cas. »
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je le rappelle, le texte que propose la rapporteure prévoit de rechercher des anomalies chromosomiques non compatibles avec le développement de l’embryon. Il s’agit donc d’une pratique extrêmement encadrée.
Par ailleurs – j’anticipe sur l’amendement suivant –, Alain Milon a déposé un amendement tendant à assortir cette procédure d’un certain nombre de conditions, qui l’encadrent encore plus.
Je suis d’accord avec les propos de Bruno Retailleau, mais je récuse totalement le lien entre DPI et société inclusive. Nous sommes bien sûr tous favorables à cette société inclusive, mais, comme cela a été dit, la question n’est pas celle de la technique mise en œuvre pour dépister la trisomie 21.
Notre pays autorise une femme, un couple à choisir de ne pas donner naissance à un enfant atteint de trisomie 21. Si ce couple décide de garder cet enfant, nous devons faire beaucoup mieux pour que ce dernier ait toute sa place dans notre société. Or nous avons tous conscience des limites de notre politique actuelle dans ce domaine.
Ceux qui sont contre le DPI-A avancent des arguments techniques, que je peux comprendre, évoquent la fragilité de l’embryon, la question des mosaïques, que Mme la ministre n’a pas abordée, le fait que le résultat d’un DPI-A peut ne pas être exact. Tout cela doit être expliqué aux parents. Le DPI-A n’est pas une assurance. L’assurance d’avoir un enfant sain n’existe pas, et c’est très bien. En revanche, il faut avoir l’assurance d’avoir un enfant vivant. À cet égard, la mise en œuvre très encadrée du DPI-A constitue une avancée.
Certains disent que cette pratique pourrait entraîner des dérives, que certains médecins pourraient être tentés d’examiner des éléments qu’ils n’ont pas à regarder et qu’ils ne sauront pas se taire ensuite, mais toute technique présente des risques.
Actuellement, seuls cinq centres sont autorisés à pratiquer des DPI en France. Même si l’on étend cette pratique, il ne sera pas nécessaire de porter leur nombre à vingt ou trente. Le contrôle par l’Agence de la biomédecine pourra parfaitement s’exercer.
Je suivrai la position sage de la rapporteure, qui permet d’avancer très prudemment.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Madame la ministre, si j’ai bien compris vos explications, moi qui ne suis pas un technicien de ces questions, vous ne vous opposez pas à la recherche des anomalies chromosomiques non compatibles avec le développement embryonnaire, mais vous craignez, en autorisant le développement du DPI, que l’on n’aille plus loin dans les contrôles génétiques.
De ce point de vue, le texte proposé par la rapporteure est extrêmement prudent, le DPI ne pouvant être réalisé que dans un établissement spécifiquement autorisé à cet effet par l’Agence de la biomédecine, et « à titre expérimental ». Je ne vois pas en quoi cela pose des difficultés, d’autant plus que vous dites vous-même, madame la ministre, qu’il s’agit d’un vrai sujet.
Nous avons tous été contactés par des femmes ayant vécu des fausses couches successives et connu des difficultés dans un parcours par ailleurs compliqué. On peut peut-être améliorer leur situation. J’avoue que je suis très étonné par la position du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt et de respect vos interventions, mes chers collègues, sur ces sujets, qui se situent au cœur des questions d’éthique, de morale, de respect.
Nous connaissons tous autour de nous des personnes qui sont dans des situations particulièrement difficiles. Le président Bruno Retailleau a parlé de « tri ». On peut procéder à des tris dans certains domaines, mais pas dans celui-ci.
Certes, la tâche des chercheurs, pour qui nous avons beaucoup de respect, est immense dans le domaine médical. Je voterai néanmoins ces amendements de suppression de l’article 19 ter, par solidarité, certes, mais aussi parce que nous sommes ici au cœur de valeurs morales.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. J’ai également les plus grands doutes sur les dispositions introduites par la commission spéciale.
Je relève que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), l’Agence de la biomédecine et le Conseil d’État ont tous trois émis de sérieuses réserves en raison des risques que présente l’élargissement des cas d’ouverture du diagnostic préimplantatoire eu égard à une loi consolidée ayant déjà fait l’objet d’une révision.
Je relève aussi que la ministre, qui s’appuie non seulement sur sa propre expérience, mais également sur l’expertise de la direction générale de la santé, laquelle est un observatoire remarquable de ce que font les équipes médicales en France, nous a mis en garde contre cet article, alors qu’elle s’en était remise à la sagesse de notre assemblée sur l’article précédent, sans éclairer notre choix. Là, elle est déterminée et nous livre toutes ses connaissances.
Je relève enfin que le texte qui permet d’étendre les possibilités de diagnostic préimplantatoire prévoit une expérimentation. Or il ne suffit pas d’écrire dans le texte les trois mots « à titre expérimental » pour que cette extension ne devienne pas définitive. En outre, aucun mécanisme d’évaluation ne semble prévu, de sorte qu’il ne pourrait pas être mis fin à cette expérimentation si elle ne convainquait pas. Il s’agit donc d’un faux-semblant, il faut le dire de la manière la plus nette.
Par ailleurs, j’observe que l’alinéa 7 dispose : « Ce diagnostic ne peut avoir pour seul objectif que celui d’améliorer l’efficience de la procédure d’assistance médicale à la procréation, à l’exclusion de la recherche du sexe de l’enfant à naître. » Mais qu’est-ce que « l’efficience de la procédure d’assistance médicale à la procréation », alors que les rédacteurs du texte n’ont exclu que la recherche du sexe de l’enfant à naître ?
Les malfaçons de ce texte, du fait des a contrario que crée cette formule, sautent aux yeux et montrent qu’il y a tout de même beaucoup de risques à l’accepter en l’état, compte tenu en outre de tous les doutes scientifiques qui ont été exprimés. Nous ne faisons pas de bioéthique-fiction. Nous devons régler des problèmes qui se posent. Si la pratique que l’on veut ouvrir est si peu assurée de ses avantages, je pense qu’il faut l’exclure. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. - M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Je ne voterai pas les amendements de suppression, car je partage l’argumentaire d’Alain Milon.
L’article 19 ter comporte deux aspects : il vise à étendre les possibilités de diagnostic préimplantatoire, afin de dépister des facteurs qui gêneraient l’implantation de l’embryon, mais il pose également la question du dépistage de la trisomie, en particulier de la trisomie 21.
Il ne faut pas craindre de briser un tabou : si on veut être logique, il faut aller jusqu’au bout et supprimer le dépistage de la trisomie 21 a posteriori chez la femme enceinte et, partant, interdire l’interruption médicale de grossesse. C’est une question de cohérence.
Un point me gêne également dans cet article, c’est l’aspect expérimental, qui me paraît un peu bizarre. Il s’agit selon moi d’un faux-semblant. Pour ma part, je prends mes responsabilités : je pense qu’il faut étendre le DPI.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Ce débat est extrêmement important, les points de vue exprimés sont variés. Ils reflètent non pas une sensibilité politique, mais des positions personnelles.
Ce qui me gêne, c’est que j’ai l’impression qu’on ne traite pas toutes les femmes et tous les couples de la même façon. Comme l’a très bien dit Alain Milon, si on veut être logique, mes chers collègues, il faut cesser de dépister la trisomie 21 et de pratiquer des amniocentèses chez les femmes tombées enceintes de manière naturelle.
En offrant aux couples qui n’ont pas de problèmes de fertilité des possibilités qu’on restreint pour les autres, on crée une discrimination. Il y a là quelque chose qui ne va pas. Peut-être le texte est-il mal formulé en visant une expérimentation, mais je pense qu’il faut réfléchir et ne pas faire deux poids deux mesures. Or j’ai le sentiment, en écoutant le débat, que c’est ce que nous nous apprêtons à faire. C’est pourquoi je suivrai l’avis de la commission spéciale.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. J’ai été très touché par l’argumentation de Philippe Bas. L’article, tel qu’il nous est proposé aujourd’hui, quand bien même l’excellent amendement de notre non moins excellent collègue Alain Milon serait adopté, ne « tourne » pas.
Nous n’en avons plus l’habitude, c’est vrai, mais ce texte fera l’objet d’au moins deux lectures ; il pourra donc être réellement amélioré. Je considère donc qu’il faut adopter les amendements de suppression, afin de nous laisser le temps, dans le cadre des deux lectures, de parvenir à une rédaction plus aboutie.
M. Bernard Jomier. Et l’entonnoir ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je souhaite répondre à certains des arguments qui ont été avancés.
La position de la commission spéciale, qui propose une expérimentation, doit nous conduire à nous interroger. Si une telle technique était reconnue dans le monde comme utile, voire nécessaire, il n’y aurait pas besoin d’expérimentation. Le choix de la commission spéciale d’employer le terme « expérimental » prouve bien qu’il y a débat.
Le Gouvernement a répondu en proposant de financer un protocole de recherche qui permettra d’évaluer l’intérêt de cette technique par rapport à la technique actuelle, où l’on regarde simplement l’aspect des embryons et la morphologie. Selon l’étude américaine que j’évoquais, le DPI-A ne semble pas plus efficace que l’examen morphologique. Mais l’étude française permettra d’évaluer avec nos outils et nos chercheurs si cette technique a un intérêt réel pour améliorer l’efficience de l’AMP. Selon la Société américaine de médecine de la reproduction, ce n’est pas prouvé scientifiquement aujourd’hui. C’est donc bien un débat entre scientifiques.
L’expérimentation dont parle la commission spéciale implique de fait une ouverture ; il sera ensuite très difficile d’encadrer la pratique. Le Gouvernement fait le choix de financer un protocole selon la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite loi Huriet, avec les critères d’encadrement que vous connaissez. Ce protocole pourra démarrer cette année.
Malgré tout le respect que j’ai pour M. le président de la commission spéciale, je ne crois pas que l’on puisse mettre sur le même plan une interruption médicale de grossesse et le fait de trier des embryons avant la réimplantation. Je ne vois pas comment des médecins informés de la présence d’une anomalie chromosomique viable, comme la trisomie 21 – mais il y en a d’autres –, pourraient implanter un embryon dans ces conditions.
Par conséquent, l’article rédigé par la commission spéciale ne me paraît pas satisfaisant. Les médecins auront la totalité de l’information en effectuant le test. Ils ne pourront pas choisir de ne pas voir. C’est le même test qui donne l’information des trisomies ou d’autres anomalies viables. Le dispositif proposé par la commission spéciale empêchera la réimplantation de tout embryon aneuploïde, alors que le dépistage prénatal laisse un choix aux familles. Selon l’Agence de la biomédecine, aujourd’hui, sur 8 000 interruptions médicales de grossesse proposées, 1 500 familles choisissent de garder un enfant avec anomalie viable. Cela prouve bien que les deux cas de figure sont totalement distincts : dans l’un, l’élimination est a priori systématique ; dans l’autre, les familles ont le choix. Je ne peux donc pas admettre un tel argument.
La même technique permet aussi de détecter des anomalies génétiques, au-delà de celles qui sont liées au nombre de chromosomes. Il est ainsi possible d’aller plus loin et d’analyser également le génome. Tout cela nécessiterait donc d’être aujourd’hui déployé à grande échelle pour tenir compte du nombre de FIV par an. Je le rappelle, on dénombre cinq centres de DPI pour 800 embryons triés pour des anomalies chromosomiques intrafamiliales. Si cette technique était appliquée sur 100 000 embryons, elle serait largement déployée en France, avec le risque qu’un certain nombre d’équipes aillent plus loin dans la détection d’anomalies génétiques.
Pour toutes ces raisons, il nous semble pour l’instant nécessaire de continuer la recherche sur la technique.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. J’entends bien votre raisonnement sur la trisomie 21, madame la ministre.
Simplement, dans un cas, lors d’une recherche d’embryons, on trouve une trisomie 21 sur des embryons non encore implantés. Les chercheurs ne doivent pas cacher la vérité aux parents. Ils peuvent les informer qu’un des embryons de la série est porteur d’une trisomie 21 et les interroger sur les suites à donner.
Dans l’autre cas, il s’agit d’une grossesse avec non plus un embryon, mais un fœtus porteur d’une trisomie 21. Vous indiquez que, sur 8 000 cas diagnostiqués, 1 500 familles choisissent de garder l’enfant. Cela signifie que 6 500 décident de faire une interruption de grossesse. En l’occurrence, il s’agit d’une interruption de grossesse non plus avec un embryon, mais avec un fœtus pratiquement viable. Le problème est tout de même différent : d’un côté, on propose aux parents de prendre un embryon ou pas ; de l’autre, on élimine un fœtus.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. J’entends les reproches adressés à la commission spéciale d’avoir introduit la possibilité de diagnostic préimplantatoire pour la recherche d’aneuploïdies sous forme d’expérimentation. Mais je pense que si nous ne l’avions pas envisagée à titre expérimental, on nous aurait reproché de l’avoir instituée d’emblée. Nous aurions donc été critiqués dans les deux cas…
M. Philippe Bas. Ce n’est pas une expérimentation !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Le texte est ainsi rédigé.
À mes yeux, une telle démarche n’est pas incompatible avec le fait et le souhait du Gouvernement de privilégier la poursuite de la recherche. Si vous ne supprimez pas l’article, mes chers collègues, nous aurons l’occasion d’examiner des amendements tendant à améliorer l’encadrement du dispositif ; je pense notamment à celui qui a pour objet une évaluation par l’Agence de la biomédecine de la possibilité d’avoir recours au diagnostic préimplantatoire pour la recherche d’aneuploïdies.
Je regrette un peu que les débats aient essentiellement tourné autour de la trisomie 21. Je partage ce qu’ont souligné Alain Milon et Michel Amiel, même si ces propos ont été contredits par Mme la ministre : allons jusqu’au bout, soyons courageux et arrêtons le dépistage systématique de la trisomie 21 ! Depuis dix ans, il est proposé à toutes les femmes au cours du premier trimestre de grossesse. Voilà une trentaine d’années, il n’était proposé qu’aux femmes âgées d’au moins 35 ans ou 37 ans, dont la grossesse était considérée comme à risques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 68 rectifié, 100 rectifié ter et 290.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 86 :
Nombre de votants | 323 |
Nombre de suffrages exprimés | 304 |
Pour l’adoption | 181 |
Contre | 123 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 19 ter est supprimé, et les amendements nos 251 rectifié et 190 rectifié n’ont plus d’objet.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous avons examiné 101 amendements au cours de la journée ; il en reste 20.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
12
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 29 janvier 2020 :
À quinze heures :
Questions d’actualité du Gouvernement.
À seize heures trente :
Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières ;
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (texte de la commission n° 238, 2019-2020).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 29 janvier 2020, à zéro heure cinq.)
nomination de membres de commissions mixtes paritaires
La liste des candidats désignés par la commission des lois pour faire partie :
- de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution
- et de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet
a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires sont :
Titulaires : MM. Philippe Bas, Yves Détraigne, Mme Catherine Di Folco, MM. Didier Mandelli, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Sueur et Arnaud de Belenet ;
Suppléants : Mmes Agnès Canayer, Jacqueline Eustache-Brinio, Claudine Thomas, MM. Philippe Bonnecarrère, Éric Kerrouche, Mmes Maryse Carrère et Éliane Assassi.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication